Archives de catégorie : Assurance-vieillesse AVS

9C_282/2021 (f) du 05.04.2022 – Assujettissement obligatoire à l’AVS d’un ressortissant français résidant en Suisse – 1a al. 1 let. a LAVS / Devoir d’instruction de la caisse de compensation – 43 al. 1 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_282/2021 (f) du 05.04.2022

 

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Assujettissement obligatoire à l’AVS d’un ressortissant français résidant en Suisse / 1a al. 1 let. a LAVS

Devoir d’instruction de la caisse de compensation / 43 al. 1 LPGA

 

Assuré, né en 1957, ressortissant français, s’est établi à Genève en 2006, puis en Valais le 31.12.2016. A la demande de la caisse cantonale de compensation qui s’était enquise de sa situation vis-à-vis de l’AVS, il a retourné le questionnaire annexé, dans lequel il a indiqué qu’il bénéficierait de rentes étrangères à partir du 01.05.2019 et qu’il continuerait à exercer une activité lucrative indépendante à mi-temps au service de la société B.__ SA (dont le siège est à U.__) lui rapportant un revenu annuel estimé à 30’000 fr.

Par écriture du 04.09.2019, la caisse lui a fait savoir qu’elle l’avait affilié auprès d’elle en tant que personne sans activité lucrative dès le 01.01.2017. Le 05.09.2019, la caisse a rendu une décision définitive de cotisations personnelles pour l’année 2017, portant sur un montant de 493 fr. 60 (cotisation minimale AVS/AI/APG et frais administratifs). Par deux décisions de cotisations provisoires pour les années 2018 et 2019, la caisse a fixé les cotisations et frais administratifs à respectivement 529 fr. 30 et 740 fr. 90. Saisie d’une opposition, la caisse l’a écartée par décision du 19.12.2019.

 

Procédure cantonale

Le 03.02.2020, la caisse a rendu deux décisions rectificatives de cotisations personnelles pour les années 2018 et 2019, les fixant respectivement à 493 fr. 60 et 497 fr. 60. L’assuré s’est déterminé sur ces décisions.

Par jugement du 29.04.2021, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 4
Dans un premier moyen, l’assuré se réfère au questionnaire qu’il avait rempli le 24.02.2019 à la demande de la caisse de compensation. Il indique qu’il avait précisé dans ce document qu’il continuait à exercer une activité lucrative indépendante à mi-temps au service de la société B.__ SA lui rapportant un revenu annuel estimé à 30’000 fr. L’assuré en déduit qu’il n’est pas sans activité lucrative, de sorte qu’il ne devrait pas être affilié à ce titre auprès de la caisse de compensation.

Consid. 5
A l’examen du questionnaire du 24.02.2019, il apparaît que les constatations de fait du jugement entrepris sont lacunaires dans la mesure où les déclarations de l’assuré relatives à l’exercice d’une activité lucrative indépendante à mi-temps pour la société B.__ SA, dont le siège est à U.__, lui rapportant un revenu annuel estimé à 30’000 fr., n’ont pas été mentionnées et que la juridiction cantonale n’en a pas été tenu compte dans son appréciation. Or ces déclarations ne pouvaient pas être totalement ignorées, car elles seraient susceptibles d’influer sur le sort de la cause (cf. art. 97 al. 1 LTF).

En l’état du dossier, il n’est pas établi si l’assuré a effectivement exercé une activité lucrative, comme il l’avait indiqué dans le questionnaire du 24.02.2019, puis en instance cantonale, où il avait précisé avoir travaillé comme indépendant du 01.01.2017 jusqu’au 31.05.2019. La caisse de compensation a fait fi de cette information et a affilié l’assuré comme personne sans activité lucrative dès le 01.01.2017. Or en vertu de son devoir d’instruction au sens de l’art. 43 LPGA, il appartenait à la caisse de compensation à tout le moins d’interpeller l’assuré sur le bien-fondé de ses déclarations et lui donner l’occasion de rendre vraisemblable l’exercice d’une activité indépendante en Suisse, voire à l’étranger. Suivant la réponse (une activité exercée en Suisse ou dans un pays de l’Union européenne, substantiellement ou non), la caisse intimée est ou non compétente pour prélever des cotisations (cf. art. 4 et 8 LAVS; art. 13 § 1 et § 3 du Règlement [CE] no 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, RS 0.831.109.268.1). Il convient dès lors de renvoyer la cause à la caisse de compensation pour qu’elle complète l’instruction sur ce point.

Partant, le jugement attaqué, la décision sur opposition et les décisions sont annulés, la cause étant renvoyée à la caisse de compensation afin qu’elle fasse la lumière sur ce qui précède, puis le cas échéant fixe les cotisations qui seraient éventuellement dues. Dans ce contexte, on relèvera que la perception de cotisations liées à l’exercice d’une activité lucrative dans un pays de l’Union européenne ne serait en principe pas compatible avec le versement de cotisations pour personne sans activité lucrative en Suisse (cf. art. 11 § 3 du Règlement no 883/2004).

 

Le TF admet le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_282/2021 consultable ici

 

Cf. également arrêt 9C_123/2021 du 05.04.2022 pour les cotisations dans le canton du Genève

 

 

 

Motion Nantermod 22.3630 «Créer un nouveau statut pour les travailleurs de plateforme indépendants et garantir leur protection sociale» – Avis du Conseil fédéral

Motion Nantermod 22.3630 «Créer un nouveau statut pour les travailleurs de plateforme indépendants et garantir leur protection sociale» – Avis du Conseil fédéral

 

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Texte déposé

Le Conseil fédéral est chargé de créer un nouveau statut pour les travailleurs de plateforme indépendants. L’objectif sera qu’ils bénéficient d’une sécurité suffisante sur le plan juridique et en matière de planification. Ils pourront ainsi jouir à la fois de la flexibilité qu’ils désirent et d’une protection contre certains risques sociaux. Ce nouveau statut pourra être inscrit dans le code des obligations en tant que forme alternative au contrat de travail.

 

Développement

Dans son rapport « Numérisation – Examen d’une flexibilisation dans le droit des assurances sociales », le Conseil fédéral relève que l’économie de plateforme recèle un important potentiel économique. Il s’abstient toutefois pour l’heure d’adapter les bases légales à l’évolution de l’économie. Conséquence, nombre d’entreprises de l’économie numérique actives au niveau international préfèrent éviter la Suisse et n’y proposent pas leurs services, tandis que la création et la croissance des sociétés suisses sont entravées ou rendues inutilement compliquées.

Des prestataires de différentes branches (jardiniers, personnel de nettoyage, coursiers, comptables ou encore consultants) proposent depuis plusieurs années leurs services via des plateformes. Cette évolution est de plus en plus remise en question par les autorités d’exécution et les tribunaux, comme on l’a vu récemment avec l’arrêt du Tribunal fédéral concernant l’entreprise Uber à Genève. Il serait toutefois souhaitable que les prestataires suisses puissent eux aussi profiter de la flexibilisation du monde du travail, sans que cela se fasse au prix d’une couverture sociale insuffisante.

Afin de ne pas nuire plus longtemps à l’essor d’une branche au potentiel économique important et de mettre fin aux incertitudes qui entourent la protection sociale de ses prestataires, le Conseil fédéral est chargé de définir un nouveau statut pour les travailleurs de plateforme indépendants, ce qui permettra par ailleurs d’encourager l’entrepreneuriat.

Les garanties attachées à ce nouveau statut seront réduites au minimum et consisteront principalement en une couverture sociale appropriée en matière de prévoyance vieillesse. Lorsqu’une relation contractuelle conférant un tel statut est établie, les parties manifesteront toutes deux leur accord à cet égard, étant entendu que cela n’affecte pas les solutions particulières qui pourront avoir été convenues entre partenaires sociaux.

 

Avis du Conseil fédéral du 24.08.2022

Par le postulat du Groupe libéral-radical du 13 décembre 2017 (17.4087 « Société numérique. Etudier la création d’un nouveau statut de travailleur ? »), le Parlement avait déjà chargé le Conseil fédéral d’examiner l’opportunité de créer un nouveau statut pour les travailleurs de plateforme et d’en exposer les avantages et les inconvénients. Le Conseil fédéral a rempli ce mandat en publiant, le 27 octobre 2021, le rapport « Numérisation : examen d’une flexibilisation dans le droit des assurances sociales (Flexi-Test) ».

Le rapport montre que la question de savoir si une personne relèverait ou non de ce nouveau statut pourrait entraîner de nouveaux problèmes de délimitation entre les différentes formes d’activité et des litiges de longue durée. Ainsi, l’objectif de simplifier les choses et d’instaurer une sécurité du droit et de la planification serait clairement manqué.

Le système dual, qui opère une distinction entre salarié et indépendant, est présent dans tout l’ordre juridique suisse. L’introduction d’un troisième statut serait en contradiction fondamentale avec le droit des assurances sociales, et de nombreuses adaptations s’imposeraient. Comme le système dual est inscrit dans la Constitution fédérale (art. 113 et 114 Cst.), celle-ci devrait être modifiée avant que des modifications législatives puissent être mises en œuvre.

De nombreuses adaptations seraient également nécessaires dans les relations internationales, car il n’existe que deux statuts dans les conventions de sécurité sociale.

Selon son aménagement, l’introduction d’un troisième statut pourrait avoir pour conséquence que les personnes actuellement considérées comme salariées perdent la protection des assurances sociales fournie par leurs employeurs (assurance-chômage, assurance-accidents obligatoire et prévoyance professionnelle obligatoire).

Le Conseil fédéral estime que la distinction, au niveau des cotisations, entre salarié et indépendant est suffisamment souple, car elle couvre toutes les formes d’emploi, même ceux de l’économie de plateforme.

 

Proposition du Conseil fédéral du 24.08.2022

Le Conseil fédéral propose de rejeter la motion.

 

 

Motion Nantermod 22.3630 «Créer un nouveau statut pour les travailleurs de plateforme indépendants et garantir leur protection sociale» consultable ici

Mozione Nantermod 22.3630 “Indipendenti che lavorano per piattaforme digitali. Nuovo statuto per garantire la copertura sociale” disponibile qui

Motion Nantermod 22.3630 «Neuer Status für Selbständige in Plattform-Beschäftigung. Soziale Absicherung sicherstellen» hier verfügbar

 

Message du Conseil fédéral concernant la convention de sécurité sociale conclue avec l’Albanie

Message du Conseil fédéral concernant la convention de sécurité sociale conclue avec l’Albanie

 

Communiqué de presse du Parlement du 24.08.2022 consultable ici

 

Lors de sa séance du 24.08.2022, le Conseil fédéral a transmis au Parlement le message concernant l’approbation de la convention de sécurité sociale conclue entre la Suisse et l’Albanie. La convention coordonne en particulier les systèmes de prévoyance vieillesse, survivants et invalidité des États contractants et règle le versement des rentes à l’étranger. Les relations économiques de la Suisse avec l’Albanie s’en trouveront renforcées.

Sur le fond, la convention correspond aux conventions de sécurité sociale déjà conclues par la Suisse et elle est conforme aux standards internationaux en matière de coordination des systèmes de sécurité sociale. Elle coordonne la prévoyance vieillesse, survivants et invalidité de manière à prévenir que les ressortissants d’un des deux États contractants ne soient désavantagés ou discriminés par rapport à ceux de l’autre État. La convention garantit par conséquent une large égalité de traitement des assurés, règle le versement des rentes à l’étranger et évite les doubles assujettissements. Elle pose en outre les bases de la collaboration en matière de lutte contre les abus.

Une fois les négociations achevées, la convention a été signée par les États parties le 18.02.2022. Son entrée en vigueur requiert l’approbation préalable des parlements des deux États.

 

Condensé

La convention de sécurité sociale entre la Suisse et l’Albanie institue une base légale en droit international pour la coordination des assurances sociales entre les deux États. Elle s’appuie sur les normes internationales de coordination des systèmes de sécurité sociale et vise à coordonner la prévoyance vieillesse, survivants et invalidité des États contractants afin d’éviter qu’un ressortissant de l’un des deux États se retrouve pénalisé ou discriminé par rapport à un ressortissant de l’autre État.

Contexte

Depuis l’entrée en vigueur de la convention de sécurité sociale entre la Suisse et la Bosnie et Herzégovine le 01.09.2021, l’Albanie est le seul pays des Balkans avec lequel la Suisse n’a pas encore conclu de convention de coordination de la sécurité sociale. L’Albanie est un pays prioritaire de la coopération suisse au développement dans les Balkans, qui vise notamment à stabiliser la situation en Serbie, au Monténégro, en Macédoine, en Bosnie et Herzégovine, au Kosovo et en Albanie en renforçant la coopération économique et la coopération en matière de migration.

Contenu du projet

Sur le fond, la convention avec l’Albanie correspond aux conventions de sécurité sociale que la Suisse a conclues avec d’autres pays des Balkans, tels que le Monténégro, la Serbie, le Kosovo et la Bosnie et Herzégovine; elle s’appuie sur les principes reconnus à l’international dans le domaine de la sécurité sociale. Les dispositions adoptées portent notamment sur l’égalité de traitement entre les ressortissants des États contractants, le versement des rentes à l’étranger, la prise en compte des périodes d’assurance, l’assujettissement des personnes exerçant une activité lucrative et l’entraide administrative. La convention crée en outre une base légale en matière de lutte contre la perception abusive de prestations.

Le message s’intéresse d’abord à la genèse de la convention; il présente ensuite le système de sécurité sociale albanais et se termine par un commentaire détaillé des dispositions de la convention.

 

 

Communiqué de presse du Parlement du 24.08.2022 consultable ici

Message du Conseil fédéral concernant l’approbation de la convention de sécurité sociale entre la Suisse et l’Albanie (version provisoire) disponible ici

Convention de sécurité sociale entre la Confédération suisse et la République d’Albanie consultable ici

 

9C_437/2021 (f) du 15.03.2022 – Rétribution d’un administrateur d’une SA, exerçant comme avocat indépendant / Salaire résultant d’une activité dépendante vs honoraires résultant d’une activité indépendante

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_437/2021 (f) du 15.03.2022

 

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Rétribution d’un administrateur d’une SA, exerçant comme avocat indépendant / Salaire résultant d’une activité dépendante vs honoraires résultant d’une activité indépendante

Présomption concernant la qualification des honoraires des membres du conseil d’administration d’une personne morale – Rappel et maintien de la jurisprudence (arrêt du TFA H 376/50 du 15.04.1953)

Renversement de la présomption admis

 

Au terme d’un contrôle des salaires déclarés par B.__ SA (ci-après: la société) entre les mois de janvier 2014 et décembre 2016, la caisse cantonale de compensation (ci-après: la caisse) a constaté, notamment, que la société contrôlée avait versé 3703 fr. 70 par mois à son administrateur, A.__, avocat indépendant, et enregistré les montants dans sa comptabilité sur un compte « honoraires juridiques ».

La caisse a réclamé à B.__ SA le paiement des cotisations sociales et des intérêts moratoires dus sur les reprises de salaires relatives aux années contrôlées, y compris sur les montants versés à A.__ (décisions du 16.10.2018). Ce dernier a contesté, en son nom, ces décisions en tant qu’elles qualifiaient implicitement de salaire les honoraires perçus pour des activités qu’il soutenait avoir déployées comme avocat indépendant. Il a déposé un courrier établi par la fiduciaire chargée de la comptabilité de son étude d’avocat attestant que le chiffre d’affaires de celle-ci – sur la base duquel des cotisations sociales avaient déjà été prélevées – incluait les honoraires versés par B.__ SA. La caisse a rejeté l’opposition (décision du 04.04.2019).

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/661/2021 [arrêt non disponible sur le site du tribunal cantonal])

La juridiction cantonale a constaté que pendant la période contrôlée, A.__ avait simultanément exercé l’activité d’avocat indépendant et celle d’administrateur du bureau d’architecte, exploité par son père sous forme de société anonyme et dont il avait perçu une rétribution de 3703 fr. 70 par mois. Elle a considéré que les paiements mensuels devaient être qualifiés de salaires dès lors que les pièces du dossier ne permettaient pas de renverser la présomption qui assimilait la rémunération versée par une société anonyme à un membre de son conseil d’administration à un salaire déterminant au sens de la loi. Elle a précisé que les allégations du recourant et les témoignages récoltés ne démontraient pas au degré de vraisemblance requis que les activités déployées par A.__ pour la société se limitaient exclusivement à lui dispenser des conseils juridiques dans le domaine immobilier et à la représenter en justice mais établissaient, au contraire, que la rétribution perçue n’était pas sans relation avec le rôle d’administrateur d’un bureau d’architecte. Elle a encore constaté qu’en se retranchant derrière son secret professionnel, le recourant n’avait produit aucun document établissant qu’il n’avait représenté B.__ SA qu’en sa qualité d’avocat indépendant.

Les juges cantonaux ont par ailleurs considéré que vu l’ignorance du fait que A.__ percevait une rémunération mensuelle de la part de la société, la caisse de compensation était en droit de procéder à une reconsidération de ses décisions antérieures de cotisations et de rendre la décision du 16.10.2018, malgré le fait que ladite rémunération apparaissait dans le chiffre d’affaires de l’étude d’avocat et avait par conséquent déjà été soumise à cotisations.

Par jugement du 23.06.2021, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Est litigieux le point de savoir si la rétribution octroyée à A.__ par B.__ SA de janvier 2014 à décembre 2016 doit être qualifiée de salaire résultant d’une activité dépendante comme l’a retenu le tribunal cantonal ou d’honoraires résultant d’une activité indépendante comme le soutient le recourant.

Consid. 4.1
Le tribunal cantonal a exposé la jurisprudence relative aux critères distinguant les activités salariées des activités indépendantes (cf. ATF 144 V 111 consid. 4.2 et les arrêts cités; arrêt 9C_1062/2010 du 5 juillet 2011 consid. 7.2), singulièrement celle établissant la présomption que la rétribution versée par une société anonyme à un membre de son conseil d’administration est un salaire (cf. ATF 105 V 113 consid. 3; arrêt H 136/81 du 13 septembre 1982 consid. 2, in RCC 1983 p. 22; H 376/52 du 15 avril 1953, in RCC 1953 p. 441). Il suffit d’y renvoyer.

Consid. 4.2
Le recourant s’interroge sur l’évolution de la jurisprudence relative à la présomption concernant la qualification des honoraires des membres du conseil d’administration d’une personne morale. Il semble en substance soutenir que le mandat d’administrateur, pour la distinction entre le revenu d’une activité salariée et celui d’une activité indépendante, dans l’arrêt H 376/52 du 15 avril 1953 et l’ATF 105 V 113, est sans explication devenu une présomption, dans l’ATF 121 I 259 et les arrêts ultérieurs (notamment les arrêts H 125/04 du 7 mars 2005 et 9C_727/2014 du 23 mars 2015), avec pour conséquence le renversement du fardeau de la preuve qui n’existait pas auparavant. Il demande au Tribunal fédéral de « clarifier » sa jurisprudence.

Consid. 4.3
En l’absence d’argumentation topique et motivée concernant la nécessité de changer de jurisprudence (cf. ATF 144 V 72 consid. 5.3.2), il n’appartient pas au Tribunal fédéral de « clarifier » sa jurisprudence. Il suffit de préciser que, contrairement à ce que A.__ suggère, la jurisprudence n’a pas subi d’évolution insidieuse. La présomption critiquée a été posée dans l’arrêt H 376/50 du 15 avril 1953. Comme il s’agit d’une présomption, il est possible d’en apporter la preuve du contraire. Or apporter la preuve du contraire dans le cas particulier consiste à démontrer que la rétribution reçue n’a pas de lien avec la qualité d’administrateur de la société qui la verse mais avec l’activité exercée comme avocat indépendant. Pour ce faire, il y a lieu d’appliquer les critères permettant de distinguer les revenus provenant d’une activité salariée de ceux provenant d’une activité indépendante. C’est une telle analyse qui a conduit à la confirmation de la présomption dans l’arrêt de 1953. Une lecture des arrêts ultérieurs cités par le recourant montre en outre que c’est également une telle analyse qui a toujours guidé le Tribunal fédéral dans la résolution des litiges similaires.

 

Consid. 5.1
Le recourant reproche aussi à la juridiction cantonale d’avoir violé le droit fédéral. Il soutient en substance que celle-ci a indûment limité ses moyens de preuve en considérant que seule la preuve d’une activité judiciaire ou, autrement dit, de représentation devant les tribunaux était à même de renverser la présomption. Il fait valoir que l’activité de conseil juridique (qu’il allègue avoir exercée pour la société) relève également des tâches assumées par un avocat indépendant pour son client.

Consid. 5.2
Cette argumentation n’est pas fondée. Dans la mesure où A.__ avait déclaré en cours de procédure que son travail pour la société consistait essentiellement à lui fournir des conseils juridiques en matière immobilière, tâche pouvant être exercée aussi bien en tant qu’administrateur salarié de la société qu’en qualité d’avocat-conseil indépendant de cette dernière, les juges cantonaux ont recherché dans le dossier constitué (en particulier dans les déclarations du recourant et des témoins) les éléments pouvant créditer une thèse plutôt que l’autre. Même si leur appréciation – certes succincte – paraît accorder une importance prépondérante au défaut de production de documents attestant une procédure judiciaire particulière, elle a également porté sur d’autres critères tels que la présence à des réunions dans un but de formation, la gestion effective de la société ou la présence dans les locaux de celle-ci. On ne saurait dès lors faire valablement grief au tribunal cantonal d’avoir violé le principe de la libre appréciation des preuves, en restreignant de manière indue les moyens de preuve que la loi offrait au recourant pour renverser la présomption.

 

Consid. 6.1
A.__ fait également grief à la juridiction cantonale d’avoir violé son devoir de motiver sa décision et d’avoir apprécié arbitrairement les preuves. Il procède à une analyse détaillée de ses déclarations – qu’il estime confirmées et complétées par les témoignages recueillis durant la procédure – et en déduit l’existence de critères – que les juges cantonaux auraient totalement ignorés – permettant de renverser la présomption et de démontrer que les 3703 fr. 70 perçus mensuellement correspondaient à des honoraires pour son activité d’avocat-conseil indépendant et non à un salaire lié à sa qualité d’administrateur.

Consid. 6.2
Sur la base des allégations des parties et des témoins, le tribunal cantonal a admis qu’il était possible que le recourant ait représenté la société de son père en justice et lui ait prodigué des conseils en tant qu’avocat indépendant. Il a toutefois constaté que ni A.__ ni les témoins n’avaient rendu vraisemblable que la rémunération perçue de la société relevait ne serait-ce qu’en partie d’une telle activité: le premier n’avait produit aucun document allant dans ce sens alors que les seconds liaient les conseils donnés à la gestion de la société plutôt qu’à l’activité d’avocat et n’avaient pas été en mesure de citer une procédure judiciaire en particulier. Il a en outre relevé que, dans la mesure où la présence de A.__ aux réunions de la société avait notamment pour but sa formation à la gestion de celle-ci afin de pouvoir s’en occuper à la suite de son père, la rémunération perçue n’était pas sans lien direct avec le rôle de membre du conseil d’administration. Il a par ailleurs considéré que le fait que la gestion de la société était exclusivement assurée par le père du recourant et que ce dernier ne passait qu’occasionnellement dans les locaux n’était pas déterminant pour qualifier la rétribution litigieuse.

Consid. 6.3
Comme cela ressort de la jurisprudence évoquée par les juges cantonaux (cf. consid. 4.1 supra), les manifestations de la vie économique peuvent revêtir des formes si diverses qu’il faut décider dans chaque cas particulier si l’on est en présence d’une activité salariée ou d’une activité indépendante en prenant en considération toutes les circonstances. Il existe de nombreux critères qui aident à faire la distinction et qu’il y a lieu d’apprécier pour trancher la question. Comme le met en évidence le recourant, l’appréciation succincte du tribunal cantonal se focalise principalement sur le défaut de production de documents et quelques rares autres éléments tirés des témoignages recueillis mais passe sous silence la majeure partie de ces derniers. Or les témoins sont unanimes, qu’ils soient architecte indépendant mandaté pour la gestion d’appartements appartenant à B.__ SA, architecte, comptable, secrétaire de la société ou conseiller fiscal de la famille de A.__ ou de B.__ SA. Tous avaient exclusivement affaire au père du recourant pour la gestion de la société. Tous ignoraient l’inscription de A.__ au registre du commerce en qualité d’administrateur de la société ou, du moins, les motifs de cette inscription. Tous admettaient avoir eu des contacts avec le recourant très occasionnellement et constaté qu’en ces occasions, le rôle de A.__ consistait à conseiller son père sur le plan juridique, à entreprendre des démarches administratives dans le cadre de projet d’architecture ou à régler des problèmes (y compris par la voie judiciaire) avec les locataires d’appartements appartenant à B.__ SA ou à une autre société dirigée par le père du recourant. Tous étaient catégoriques quant au fait que c’était le père de A.__ qui prenait les décisions, détenait les informations, était en contact avec les fournisseurs et les régies ou signait les hypothèques. La plupart attestait que le recourant était rarement présent dans les locaux de la société, n’y avait pas de bureau, ni d’adresse e-mail ou de carte de visite, ne donnait pas d’instruction aux employés, ni n’avait de relation avec les fournisseurs ou les clients. Tous soutenaient enfin que le rôle de A.__ au sein de B.__ SA relevait de l’activité d’avocat indépendant plutôt que de celle de salarié.

Consid. 6.4
On relèvera qu’aucune des caractéristiques typiques d’un contrat de travail qui suggéreraient l’existence d’une activité dépendante ou d’un quelconque lien de dépendance ne ressort des témoignages, qui corroborent effectivement les déclarations du recourant. Au contraire, tout laisse à penser que l’activité déployée par le recourant n’avait rien à voir avec la gestion et l’administration de la société et que celui-ci intervenait comme conseiller juridique indépendant et percevait des honoraires pour cette activité. Le fait que les témoins n’ont pas pu nommer une procédure judiciaire en particulier ou que A.__ a invoqué son secret professionnel pour refuser de produire des documents y afférents n’est pas déterminant à lui seul et ne change rien aux déclarations convergentes – et, partant, convaincantes – des témoins sur ce point. La présence du recourant à certaines réunions de régie de B.__ SA dans un but de formation à la gestion de celle-ci afin de pouvoir s’en occuper à la suite du père n’y change rien non plus, dans la mesure où les juges cantonaux n’ont pu évoquer aucun élément du dossier qui permettrait de rattacher la rémunération perçue à cette seule activité. Dans ces circonstances, il apparaît que A.__ avait rendu hautement vraisemblable que les 3703 fr. 70 mensuels correspondaient à des honoraires versés par la société pour rémunérer les conseils juridiques fournis et les activités déployées en qualité d’avocat indépendant, et non au salaire d’administrateur d’une société, d’autant plus que cette rémunération était comptabilisée par B.__ SA sur un compte « honoraires juridiques » et avait également été déclarée comme honoraires par le recourant. Ce dernier a par conséquent renversé la présomption relative à la qualification de salaire de la rémunération d’un administrateur. Son recours est donc fondé.

En conséquence, on constate que les versements mensuels de 3703 fr. 70, pendant la période courant de janvier 2014 à décembre 2016, correspondent à des honoraires ressortissant de l’activité indépendante d’avocat exercée par le recourant. Selon les constatations de la juridiction cantonale, des cotisations sociales ont déjà été prélevées à ce titre sur les montants en cause. Il convient dès lors d’annuler l’arrêt attaqué ainsi que la décision administrative litigieuse.

Le TF admet le recours de A._.

 

Arrêt 9C_437/2021 consultable ici

 

9C_543/2021 (f) du 20.07.2022, destiné à la publication – Droit à la rente d’orphelin de l’institution de prévoyance / Pas d’application par analogie de l’art. 49bis al. 3 RAVS en LPP pour l’élément quantitatif – Buts des prestations différents en AVS et en LPP

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_543/2021 (f) du 20.07.2022, destiné à la publication

 

Consultable ici

 

Droit à la rente d’orphelin de l’institution de prévoyance / 22 LPP

Interprétation par le TF des art. 25 LAVS, 49bis RAVS et 22 al. 3 let. a LPP

But des prestations du 2e (maintien du niveau de vie antérieur) va au-delà de celui des prestations du 1er pilier (couverture des besoins vitaux)

Pas d’application par analogie de l’art. 49bis al. 3 RAVS en LPP pour l’élément quantitatif – Buts des prestations différents en AVS et en LPP

 

A la suite du décès de son époux, en octobre 2011, A.A.__ (ci-après : la veuve) a été mise au bénéfice de prestations pour survivants de la prévoyance professionnelle. La Caisse de pensions lui a alloué une rente de conjoint survivant et une rente d’orpheline pour sa fille cadette B.A.__ (née en janvier 1992 [ci-après : l’orpheline]), à partir du 01.11.2011.

Depuis la rentrée 2011, l’orpheline a suivi une formation en cours d’emplois auprès de la Haute école C.__ (Bachelor of Science HES en Economie d’entreprise). En parallèle, elle a travaillé au sein de l’administration cantonale jurassienne comme collaboratrice à un taux d’occupation de 50%, du 01.09.2011 au 31.08.2015.

En octobre 2014, la Caisse cantonale de compensation, qui allouait une rente de veuve et une rente d’orpheline de l’assurance-vieillesse et survivants (AVS) à la veuve depuis le 01.11.2011, a informé l’institution de prévoyance qu’elle comptait réviser le dossier de la prénommée, au regard de la formation effectuée en emploi par sa fille. Par courrier du 24.02.2015, la Caisse de pensions a indiqué à la veuve qu’elle supprimait le droit à la rente d’orpheline avec effet rétroactif au 31.12.2012. Elle lui a également demandé le remboursement des rentes d’orpheline versées à tort du 01.01.2013 au 30.09.2014 (à hauteur de 19’102 fr. 65), en mentionnant compenser immédiatement les montants réclamés avec la pension de conjoint survivant. Elle a maintenu sa position par lettre du 15.03.2018, une fois terminée la procédure opposant la veuve à la Caisse cantonale de compensation sur la suppression du droit à la rente d’orpheline de l’AVS au 31.12.2012 et la restitution des prestations versées à tort du 01.09.2013 au 30.09.2014 (notamment arrêt 9C_531/2016 du 11.05.2017).

 

Procédure cantonale

Le 22.01.2020, la veuve a introduit une action contre la Caisse de pensions devant le Tribunal cantonal, en concluant à ce que l’institution de prévoyance soit condamnée à lui verser un montant de 27’193 fr., avec intérêts à 5% depuis le 01.01.2016 (échéance moyenne). Statuant le 08.09.2021, le Tribunal cantonal a rejeté l’action.

 

TF

Le litige porte sur le droit de la veuve à un montant de 27’193 fr. correspondant aux sommes qu’elle fait valoir à titre de retenues par la Caisse la Caisse de pensions sur la rente de conjoint survivant (de février 2015 à juillet 2017) et de rente d’orpheline d’octobre 2014 à mai 2016. En d’autres termes, il s’agit d’examiner si la veuve est tenue de restituer à la Caisse de pensions les montants correspondant aux rentes d’orpheline qui auraient été versées à tort à partir du 01.10.2013. Selon la juridiction cantonale, le droit à la rente d’orpheline s’est éteint dès cette date, parce que l’orpheline ne pouvait alors plus être réputée en formation en raison de son activité lucrative parallèle, ce que la veuve conteste.

 

Consid. 2.2
Sous le titre « Début et fin du droit aux prestations » (pour survivants), l’art. 22 al. 1 LPP prévoit que le droit des survivants aux prestations prend naissance au décès de l’assuré, mais au plus tôt quand cesse le droit au plein salaire. Selon l’art. 22 al. 3 let. a LPP, le droit aux prestations pour orphelin s’éteint au décès de l’orphelin ou dès que celui-ci atteint l’âge de 18 ans. Il subsiste, jusqu’à l’âge de 25 ans au plus, tant que l’orphelin fait un apprentissage ou des études.

Dans sa version en vigueur à partir du 01.01.2014, le Règlement de prévoyance de la Caisse de pensions (ci-après: le règlement) reprend la teneur de l’art. 22 al. 3 let. a LPP, à son art. 48 al. 4 et 5. La disposition réglementaire prévoit que la pension d’orphelin est due jusqu’à la fin du mois au cours duquel l’enfant atteint l’âge de 18 ans (art. 48 al. 4); le droit à la pension subsiste jusqu’à la fin du mois au cours duquel l’enfant atteint l’âge de 25 ans tant que l’enfant fait des études ou un apprentissage (art. 48 al. 5, 1er tiret). Modifié par une décision du Conseil d’administration du 09.01.2021, l’art. 48 al. 4 du règlement prévoit désormais que le droit à la pension subsiste jusqu’à la fin du mois au cours duquel l’enfant atteint l’âge de 25 ans tant que l’enfant est en formation au sens des art. 49biset 49ter RAVS, sans exercer d’activité professionnelle à titre principal ou prépondérant. Dans sa teneur déterminante en l’occurrence, en vigueur avant la modification adoptée le 09.01.2021, l’art. 48 al. 5 du règlement n’a pas de portée propre par rapport à l’art. 22 al. 3 let. a LPP.

Consid. 2.3
En ce qui concerne la rente d’orphelin de l’AVS, l’art. 25 al. 4 LAVS prévoit que le droit à une rente d’orphelin prend naissance le premier jour du mois suivant le décès du père ou de la mère. Il s’éteint au 18e anniversaire ou au décès de l’orphelin. En vertu de l’art. 25 al. 5 LAVS, pour les enfants qui accomplissent une formation, le droit à la rente s’étend jusqu’au terme de cette formation, mais au plus jusqu’à l’âge de 25 ans révolus. Le Conseil fédéral peut définir ce que l’on entend par formation.

Conformément à cette délégation de compétence, le Conseil fédéral a édicté l’art. 49bis RAVS, selon lequel un enfant est réputé en formation lorsqu’il suit une formation régulière reconnue de jure ou de facto à laquelle il consacre la majeure partie de son temps et se prépare systématiquement à un diplôme professionnel ou obtient une formation générale qui sert de base en vue de différentes professions (al. 1). Sont également considérées comme formation les solutions transitoires d’occupation telles que les semestres de motivation et les préapprentissages, les séjours au pair et les séjours linguistiques, pour autant qu’ils comprennent une partie de cours (al. 2). L’enfant n’est pas considéré en formation si son revenu d’activité lucrative mensuel moyen est supérieur à la rente de vieillesse complète maximale de l’AVS (al. 3). Autrement dit, lorsqu’un enfant perçoit un revenu d’activité lucrative mensuel moyen supérieur à la rente de vieillesse AVS, il n’a pas droit à la rente d’orphelin de l’AVS, quand bien même il suit une formation remplissant les conditions des al. 1 et 2 de l’art. 49bis RAVS (cf. ATF 142 V 226).

A partir du 01.01.2013, la rente AVS maximale s’élevait à 2340 fr. par mois.

 

Consid. 4
Selon la jurisprudence, la loi s’interprète en premier lieu d’après sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n’est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, il convient de rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit de sa relation avec d’autres dispositions légales (interprétation systématique), du but poursuivi, de l’esprit de la règle, des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l’intérêt protégé (interprétation téléologique), ainsi que de la volonté du législateur telle qu’elle ressort notamment des travaux préparatoires (interprétation historique). Le Tribunal fédéral ne privilégie aucune méthode d’interprétation (ATF 147 V 242 consid. 7.2; 146 V 87 consid. 7.1 et les références).

Consid. 5.1
Dans ses trois versions linguistiques, l’art. 22 al. 3 let. a LPP subordonne le maintien du droit aux prestations pour orphelin après que l’ayant droit a atteint l’âge de 18 ans à la poursuite d’une formation (« tant que l’orphelin fait un apprentissage ou des études », « bis zum Abschluss der Ausbildung », « fintanto che l’orfano è a tirocinio o agli studi »). Si la lettre de la disposition n’est pas identique à celle de l’art. 25 al. 5, 1re phrase, LAVS (« le droit à la rente s’étend jusqu’au terme de cette formation », « bis zu deren Abschluss » [die Ausbildung], « al termine della stessa » [formazione]), le sens en est le même: la fin de la formation (études ou apprentissage) entraîne l’extinction du droit à la rente d’orphelin.

L’art. 22 al. 3 LPP ne définit pas la notion de formation (« Ausbildung ») si ce n’est en indiquant, dans ses versions latines, qu’il s’agit d’effectuer un apprentissage ou des études. Avec ces termes, en tant que synonyme de formation (« Ausbildung »), le législateur a utilisé une notion sujette à interprétation, dans la mesure déjà où il n’apparaît pas d’emblée quel type d’études ou de formation (professionnelle) entre en considération. Le point de savoir quel but les études doivent viser ou si le suivi de cours doit comprendre une durée minimale peut par exemple prêter à discussion.

Consid. 5.2.1
En proposant une disposition sur le début et la fin du droit aux prestations pour survivants de la prévoyance professionnelle accordées aux orphelins (art. 21 al. 3 du projet de loi), le Conseil fédéral a implicitement indiqué suivre la réglementation en vigueur dans l’AVS, en mentionnant s’en écarter sur un seul point non pertinent en l’occurrence (maintien du droit des orphelins invalides pour les deux tiers au moins jusqu’à l’âge de 25 ans; FF 1976 I 117, 200 ch. 521.32). La proposition (devenue finalement l’art. 22 al. 3 LPP) a été adoptée sans discussion dans les deux Conseils du Parlement fédéral (BO CN 1977 1327; BO CE 1980 274 s.).

Consid. 5.2.2
En ce qui concerne la notion de formation dans le domaine de l’AVS à l’époque de l’adoption de l’art. 22 al. 3 LPP et de l’entrée en vigueur de la LPP, le 1er janvier 1985 (RO 1983 797), l’art. 25 al. 2, 2e phrase, LAVS, qui réglait la fin du droit à la rente d’orphelin, faisait référence (dans sa version française) à l’apprentissage et aux études. Selon cette disposition, pour les enfants qui font un apprentissage ou des études, le droit à la rente dure jusqu’à la fin de l’apprentissage ou des études, mais au plus jusqu’à l’âge de 20 ans révolus (FF 1947 I 5, 14; RO 63 843). Alors qu’à l’origine, la commission d’experts avait proposé de servir les rentes d’orphelin jusqu’à l’âge de 18 ans révolus, le Conseil fédéral a prévu d’élever cet âge à 20 ans – lequel a par la suite été fixé à 25 ans (modification de la LAVS du 19 décembre 1963 [6e révision de la LAVS]; RO 1964 277) -, dans sa proposition à l’Assemblée fédérale. Il était d’avis que le principe du droit à la rente jusqu’à 20 ans révolus pour les orphelins qui font un apprentissage ou des études secondaires ou universitaires était nécessaire pour engager à acquérir une formation professionnelle sérieuse (Message du 24 mai 1946 relatif à un projet de loi sur l’assurance-vieillesse et survivants, FF 1946 II 353, 520 ch. III.B.III).

Ce n’est qu’avec la modification de la LAVS du 7 octobre 1994 (10e révision de l’AVS), entrée en vigueur le 1er janvier 1997 (RO 1996 2466), que l’art. 25 LAVS a introduit une délégation de compétence en faveur du Conseil fédéral pour qu’il puisse définir « certains principes ou certaines lignes directrices » sur le sujet de la formation par voie d’ordonnance. La loi indiquait seulement jusque-là que le droit à la rente d’orphelin s’éteint au terme de l’apprentissage ou des études, mais au plus tard au 25e anniversaire de l’ayant droit. Il incombait donc aux tribunaux et à l’administration de définir ce qu’il fallait entendre par apprentissage ou études. Si cette solution présentait l’avantage de permettre à la pratique de s’adapter sans difficulté à l’évolution des conceptions en matière de formation, il paraissait néanmoins judicieux d’accorder une compétence de définition au Conseil fédéral (Message du 5 mars 1990 concernant la dixième révision de l’assurance-vieillesse et survivants, FF 1990 II 1, 93 ch. 51). L’art. 25 al. 3 LAVS a été adopté avec la teneur suivante: « Pour les enfants qui accomplissent une formation, le droit à la rente s’étend jusqu’au terme de cette formation, mais au plus jusqu’à l’âge de 25 ans révolus. Le Conseil fédéral peut définir ce que l’on entend par formation ».

Consid. 5.2.3
Comme le Tribunal fédéral a eu l’occasion de le rappeler dans l’arrêt 9C_915/2015 du 2 juin 2016, publié in ATF 142 V 226 (consid. 3.3), le gouvernement fédéral a fait usage de la compétence en question en introduisant les art. 49bis (Formation) et 49ter (Fin ou interruption de la formation) RAVS avec effet au 1er janvier 2011 (modification du 24 septembre 2010 du RAVS [RO 2010 4573]). Selon l’OFAS (Commentaire des modifications du RAVS au 1er janvier 2011, p. 7 ss), il apparaissait indiqué de fixer des critères de distinction dans les dispositions réglementaires, face à la diversification des filières de formation et à la recrudescence des cas où il semblait légitime de se demander si l’on se trouvait véritablement en présence d’une formation. Cette modification législative avait pour but de permettre l’émergence d’une pratique plus simple et plus uniforme, eu égard notamment aux ambiguïtés observées dans le traitement des interruptions de formation, en particulier pour raisons de service militaire ou de service civil. C’était également l’occasion de reconnaître en tant que formation des semestres de motivations ou des préapprentissages, mais aussi, à l’inverse, de retirer le qualificatif « en formation » aux stagiaires et étudiants qui, au cours de leur stage pratique ou de leurs études, réalisaient un revenu supérieur à la rente de vieillesse complète maximale de l’assurance-vieillesse et survivants. Aucune prestation de sécurité sociale ne devait en effet être versée lorsque l’enfant réalisait un revenu qui lui permettait de subvenir entièrement ou partiellement à ses besoins, ce qui était le cas lorsque l’enfant obtenait un salaire élevé auquel venait s’ajouter une rente d’orphelin ou une rente pour enfant; la limite de revenu correspondait à la rente AVS maximale (commentaire cité, p. 8).

Consid. 5.3
A défaut de disposition légale matérielle sur la notion de formation dans le domaine des assurances sociales, jusqu’à l’entrée en vigueur des art. 49biset 49ter RAVS, c’est la jurisprudence qui s’est chargée de définir ce terme, en posant des principes qui ont été repris par la pratique administrative (cf. Directives de l’OFAS concernant les rentes de l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité fédérale [DR]). La jurisprudence constante a conféré une acception large aux termes d’apprentissage ou d’études, les englobant dans la notion générale de formation professionnelle. Elle a considéré comme formation non seulement le suivi d’une école ou de cours, mais également toute préparation systématique tendant à donner des connaissances professionnelles déterminées (formation professionnelle proprement dite), durant laquelle l’orphelin ne peut prétendre à aucun salaire ou à un salaire sensiblement inférieur – soit inférieur de plus de 25% – à la rémunération initiale de celui qui possède une formation complète dans la branche en cause (ATF 109 V 104 consid. 1a; 108 V 54 consid. 1a; 102 V 208 consid. 1).

S’agissant en particulier de la question de savoir si le fait que l’orphelin titulaire de la rente réalise, durant la formation, un revenu lui permettant de subvenir à ses besoins entraîne l’extinction du droit à la rente d’orphelin de la LAVS, le Tribunal fédéral y a répondu par la négative. Il a souligné que les étudiants et les apprentis qui subvenaient eux-mêmes à leur entretien ne devaient pas être moins bien traités que ceux qui n’avaient pas besoin de gagner leur vie parce qu’ils avaient de la fortune ou étaient entretenus par leurs parents. Même si cette pratique aboutissait à des résultats peu satisfaisants, puisque la rente devait être également versée à des orphelins qui disposaient de revenus élevés permettant de couvrir leurs besoins, il n’en demeurait pas moins que les rentes ordinaires de l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité étaient allouées indépendamment de la situation financière des bénéficiaires. Il incombait au législateur d’adopter une autre réglementation au cas où cela devait être jugé nécessaire pour des motifs de politique sociale (ATF 106 V 147 consid. 3; en dernier lieu, arrêt 9C_674/2008 du 18 juin 2009 consid. 2.2, in SVR 2010 IV n° 1 p. 1, rendu en matière de rente complémentaire pour enfant). Le principe selon lequel la réalisation par l’orphelin d’un revenu permettant de subvenir à son entretien ne fait pas obstacle à l’octroi de la rente a été repris dans la pratique administrative jusqu’au 31.12.2010 (cf. p. ex. ch. 3367 DR, état au 1er janvier 2005 et état au 1er janvier 2010).

Consid. 5.4
Du point de vue systématique, on constate qu’à la différence de l’art. 25 al. 3 LAVS, l’art. 22 al. 3 LPP ne prévoit pas la compétence du Conseil fédéral de définir ce que l’on entend par formation. Il ne comprend pas non plus un renvoi à la notion de formation au sens de la RAVS, comme le fait par exemple l’art. 1 al. 1 de l’ordonnance du 31 octobre 2007 sur les allocations familiales (OAFam), en relation avec l’art. 3 al. 1 let. b LAFam, pour le droit à l’allocation de formation. Selon cette disposition de l’OAFam, ce droit « existe pour les enfants accomplissant une formation au sens des art. 49bis et 49ter du règlement du 31 octobre 1947 sur l’assurance-vieillesse et survivants ».

Or, pour admettre la conformité au droit fédéral de l’art. 49bis al. 3 RAVS (en relation avec une rente complémentaire pour enfants de l’assurance-invalidité [art. 35 al. 1 LAI]), le Tribunal fédéral a mis en évidence, dans l’ATF 142 V 226 déjà cité, que la délégation législative de l’art. 25 al. 5 LAVS accordait un (très) large pouvoir d’appréciation au Conseil fédéral. Reconnaissant que la limite de revenu fixée à l’art. 49bis al. 3 RAVS ne présentait pas de lien direct avec la notion de « formation », il a considéré que la délégation législative devait néanmoins être comprise de façon large et être interprétée à la lumière du but assigné par le législateur à la rente complémentaire pour enfant (de l’AVS). Dès lors qu’un enfant qui réalisait à côté de sa formation un revenu mensuel moyen au cours d’une année civile au moins équivalent à la rente maximale de l’AVS était en mesure de subvenir dans une large mesure, si ce n’est totalement, à ses besoins et n’était plus tributaire du soutien financier de ses parents. De ce fait, le parent bénéficiaire de la rente n’avait plus d’obligation d’entretien à l’égard de son enfant, si bien que la rente complémentaire pour enfant perdait sa justification au regard du droit des assurances sociales (ATF 142 V 226 consid. 7.2.2).

Consid. 5.5
A l’instar de la rente d’orphelin du premier pilier (cf. ATF 134 V 15 consid. 2.3.3), la rente d’orphelin prévue par l’art. 20 al. 1 LPP – dont l’art. 22 LPP détermine le début et la fin – a pour fonction de compenser les difficultés financières liées à la disparition d’un parent. Par définition, elle naît lorsque le père ou la mère est décédé et est due à l’enfant qui en est directement l’ayant droit. Même si le statut familial (enfant du défunt) au moment du décès de la personne assurée ouvre en principe le droit à la rente d’orphelin, l’idée que l’entretien de l’enfant est supprimé en raison du décès, ce que la rente d’orphelin doit venir combler, du moins en partie, joue également un rôle fondamental (MARC HÜRZELER, System und Dogmatik der Hinterlassenensicherung im Sozialversicherungs- und Haftpflichtrecht, Berne 2014, p. 96). Après que l’orphelin a atteint l’âge de 18 ans révolus, l’élément déterminant pour le droit à la rente correspondante ou le maintien de ce droit est la situation de formation concrète dans laquelle il se trouve, qui limite voire même empêche la mise en œuvre de la capacité de subvenir à ses propres besoins (HÜRZELER, op. cit., p. 335).

A la différence de la rente pour orphelin de l’assurance-vieillesse et survivants, qui fait partie des prestations du premier pilier (assurance-vieillesse, survivants et invalidité fédérale et prestations complémentaires) devant couvrir les besoins vitaux des personnes assurées de manière appropriée (art. 112 al. 2 let. b Cst.), la rente pour orphelin de la prévoyance professionnelle relève des prestations du deuxième pilier qui doivent permettre aux personnes assurées de maintenir de manière appropriée leur niveau de vie antérieur (art. 113 al. 2 let. a Cst.; voir également art. 1 al. 1 LPP; cf. ATF 136 V 313 consid. 3.1). Le but des prestations du deuxième pilier, soit le maintien du niveau de vie, va donc au-delà de celui des prestations du premier pilier (couverture des besoins vitaux), même si cette conception n’a pas valeur absolue, dans la mesure où, pour les personnes de condition modeste, maintien du niveau de vie et couverture des besoins vitaux tendent par exemple à se confondre (ATF 136 V 313 consid. 3.2 et les références).

 

Consid. 6.1
Selon la doctrine, en raison de l’étroite coordination entre le premier et le deuxième pilier, en particulier dans le contexte des conditions du droit aux prestations, il y a lieu pour l’interprétation de l’art. 22 al. 3 let. a LPP de recourir à la jurisprudence et aux avis doctrinaux relatifs à l’art. 25 al. 2, 2e phrase, LAVS (HANS MICHAEL RIEMER, Familienrechtliche Beziehungen als Leistungsvoraussetzungen gemäss AHVG/IVG, BVG-Obligatorium und freiwilliger beruflicher Vorsorge, in Mélanges pour le 65e anniversaire de Cyril Hegnauer, Berne 1986, p. 414 et 422; GABRIELA RIEMER-KAFKA, Soziale Sicherheit von Kindern und Jugendlichen, Berne 2011, n° 648 et note de bas de page 968; HÜRZELER/BRÜHWILER, Obligatorische berufliche Vorsorge, in Soziale Sicherheit, Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR] vol. XIV, 3e éd. 2016, p. 2117 n° 144; ISABELLE VETTER-SCHREIBER, BVG/FZG Kommentar, 4e éd. 2021, n° 1 et 5 ad art. 22 LPP). Pour la doctrine, étant donné que l’art. 22 al. 3 let. a LPP correspond à la réglementation de l’art. 25 al. 5 LAVS, les dispositions d’exécution des art. 49biset 49ter RAVS sont applicables par analogie en matière de prévoyance professionnelle. Par conséquent, lorsque l’orphelin exerce une activité lucrative en parallèle à sa formation, le statut de formation est circonscrit par une comparaison quantitative où le montant du revenu généré est déterminant. Un enfant est dès lors considéré comme n’étant pas en formation lorsque le revenu moyen mensuel provenant de son activité lucrative dépasse le montant maximal de la rente de vieillesse (mensuelle) de l’AVS (HÜRZELER/SCARTAZZINI, in LPP et LFLP, 2e éd. 2020, n° 25 et 29 ad art. 22 LPP; ESTHER AMSTUTZ, in Basler Kommentar, Berufliche Vorsorge, 2021, n° 29 s. ad art. 22 LPP; dans ce sens également MIRIAM LENDFERS, Junge Erwachsene in Ausbildung, in Jahrbuch zum Sozialversicherungsrecht [JaSo] 2014, p. 131).

Consid. 6.2
Le point de vue de la doctrine, que la juridiction cantonale a intégralement fait sien, ne peut pas être entièrement suivi.

Consid. 6.2.1
Il paraît justifié d’interpréter la notion de formation de l’art. 22 al. 3 let. a LPP par analogie avec celle de l’art. 25 al. 5 LAVS, en fonction des éléments qualitatifs prévus par l’art. 49bis al. 1 et 2 RAVS. Les éléments qualitatifs prévus par l’art. 49bis RAVS reprennent, dans une large mesure, la jurisprudence fédérale sur la notion de formation au sens de la LAVS, à laquelle le Tribunal fédéral s’est référé pour définir les termes d' »apprentissage et d’études » [soit concrètement « Ausbildung »] au sens de l’art. 22 al. 3 let. a LPP (arrêt B 25/97 du 13 novembre 1998 consid. 2e, in RSAS 2000 p. 535).

Consid. 6.2.2
En revanche, en ce qui concerne l’élément quantitatif par lequel le Conseil fédéral a défini la notion de formation en adoptant l’art. 49bis al. 3 RAVS, le Tribunal fédéral avait considéré par le passé – avant l’entrée en vigueur de cette disposition – que le fait que l’orphelin réalisait un revenu lui permettant de subvenir à ses besoins, en parallèle à ses études, ne constituait pas un motif d’extinction du droit à la rente d’orphelin de l’AVS (consid. 5.3 supra). Il a par ailleurs retenu que la limite de revenu figurant à l’art. 49bis al. 3 RAVS ne présente pas de lien direct avec la notion de formation (cf. aussi LENDFERS, op. cit., p. 128); s’il a admis la conformité au droit fédéral de cette norme, c’est en raison du large pouvoir d’appréciation dont disposait le Conseil fédéral au regard de la délégation législative de l’art. 25 al. 5, 2e phrase, LAVS (consid. 5.4 supra). Une telle délégation législative fait cependant défaut à l’art. 22 al. 3 let. a LPP, tout comme un renvoi à la norme de la LAVS, ce qui exclut, sous l’angle systématique, une application directe de l’art. 49bis al. 3 RAVS.

Quant à une application par analogie de cette disposition, en ce sens que l’élément quantitatif prévu vaudrait également pour la rente d’orphelin de la prévoyance professionnelle, elle ne prend pas en considération le but des prestations du deuxième pilier, qui n’est pas le même que celui de l’AVS/AI (consid. 5.5 supra). L’idée qui sous-tend la limite quantitative prévue par l’art. 49bis al. 3 RAVS est que l’enfant qui réalise un revenu équivalent à celle-ci est en mesure de subvenir dans une large mesure à ses besoins (consid. 5.4 supra). Or le droit à une rente d’orphelin de l’AVS et celui à une rente d’orphelin de la prévoyance professionnelle obligatoire sont en principe ouverts en parallèle (cf. art. 34a al. 2 LPP sur le concours des prestations), de sorte que la rente d’orphelin de la prévoyance professionnelle est censée améliorer la situation de l’enfant au-delà de la seule couverture de ses besoins vitaux. La suppression de la rente d’orphelin du deuxième pilier, pour le même motif que celle du premier pilier, revient à nier que la prestation de la prévoyance professionnelle a pour but d’améliorer la situation financière de l’enfant en formation, l’objectif étant le maintien du niveau de vie et non seulement la couverture des besoins vitaux.

L’application de la limite forfaitaire, fixée de manière schématique à l’art. 49bis al. 3 RAVS, ne se justifie par conséquent pas dans le cadre de l’art. 22 al. 3 let. a LPP (cf. aussi les critiques sur la limite forfaitaire, LENDFERS, op. cit., p. 135; R IEMER-KAFKA, op. cit., n° 398 et note de bas de page 622; HÜRZELER, op. cit., p. 335 s. et note de bas de page 1175).

Consid. 6.2.3
Pour le reste, l’institution de prévoyance ne soutient pas que l’exercice de l’activité lucrative en cause aurait empêché la fille de la veuve de suivre sa formation avec l’assiduité nécessaire pendant la période concernée, étant précisé que la situation d’un abus de droit, où un orphelin qui consacrerait la plus grande partie de son temps à l’exercice d’une activité lucrative tout en restant inscrit dans un cursus de formation pour ne pas perdre son droit, demeure réservée.

 

Consid. 7
Il résulte de ce qui précède que la suppression du droit à la rente pour orphelin de la fille de la veuve à partir du 01.01.2013 en application par analogie de l’art. 49bis al. 3 RAVS n’est pas conforme au droit de la prévoyance professionnelle. En conséquence, les conditions d’une restitution de prestations indument perçues au sens de l’art. 35a LPP, examinées par la juridiction cantonale, n’étaient pas réalisées. Il convient de reconnaître l’obligation de la Caisse de pensions de verser à la veuve la somme de 27’193 fr. réclamée, montant que l’institution de prévoyance ne remet pas en cause.

Concernant les intérêts moratoires, le règlement prévoit qu’un intérêt moratoire est dû en cas de versement de pensions, à partir du jour de la poursuite ou de la demande en justice, le taux correspondant au taux minimal LPP (art. 24 let. a du règlement de la Caisse de pensions intimée). Par « taux minimal LPP », la Caisse de pensions entend appliquer aux intérêts moratoires le taux d’intérêt minimal fixé dans la prévoyance professionnelle obligatoire, prévu à l’art. 12 OPP 2 (RS 831.441.1), à savoir 1% (pour la période courant dès le 1er janvier 2017; art. 12 let. j OPP 2). La prétention de la veuve doit donc être assortie d’un taux d’intérêts de 1% à partir du 22.01.2020 (date à laquelle l’action a été introduite en instance cantonale; ATF 137 V 373 consid. 6.6; 119 V 131).

 

Le TF admet le recours de la veuve.

 

Arrêt 9C_543/2021 consultable ici

 

9C_422/2021 (f) du 23.03.2022 – Prestations complémentaires – Dessaisissement de fortune – 17 OPC-AVS/AI (dans sa teneur jusqu’au 31.12.2020) / Détermination de la part de l’assurée sur les immeubles cédé aux enfants

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_422/2021 (f) du 23.03.2022

 

Consultable ici

 

Prestations complémentaires – Dessaisissement de fortune – 17 OPC-AVS/AI (dans sa teneur jusqu’au 31.12.2020)

Détermination de la part de l’assurée sur les immeubles cédé aux enfants

 

Assurée, née en 1938, a présenté une demande de prestations complémentaires à sa rente AVS, en novembre 2018. Par décisions du 01.03.2019, la caisse de compensation (ci-après: la caisse) a rejeté la demande. En bref, elle a considéré que pour la période courant dès le 01.11.2018, les revenus déterminants étaient supérieurs aux dépenses reconnues, en prenant notamment en considération que l’assurée s’était dessaisie sans contrepartie de biens immobiliers au profit de ses deux fils.

Le 26.09.2019, la caisse a rejeté l’opposition de l’assurée. Dans ses calculs, elle a fixé respectivement à 117’260 fr. (pour 2018) et 107’260 fr. (pour 2019) les montants de la fortune dessaisie, après déduction des dettes hypothécaires, en fonction des informations données par la commission de taxation de la commune, qui avait estimé la valeur des biens cédés en mars et septembre 2007 à 323’120 fr. et 433’400 fr. Selon la caisse, les immeubles cédés constituaient des acquêts, de sorte que la part de dessaisissement de l’assurée correspondait à la moitié de la valeur des biens.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 14.07.2021, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3.2
Il y a dessaisissement lorsque la personne concernée a renoncé à des éléments de revenu ou de fortune sans obligation juridique et sans avoir reçu en échange une contre-prestation équivalente, ces deux conditions étant alternatives (ATF 140 V 267 consid. 2.2; 134 I 65 consid. 3.2; 131 V 329 consid. 4.4). Aux termes de l’art. 17 OPC-AVS/AI (RS 831.301), dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31.12.2020, la fortune prise en compte doit être évaluée selon les règles de la législation sur l’impôt cantonal direct du canton du domicile (al. 1). Lorsque des immeubles ne servent pas d’habitation au requérant ou à une personne comprise dans le calcul de la prestation complémentaire, ils seront pris en compte à la valeur vénale (al. 4).

Consid. 4.1
L’assurée ne conteste pas les constatations de la juridiction cantonale selon lesquelles feu son époux était inscrit au registre foncier comme propriétaire des deux parcelles objets des libéralités et qu’elle avait cédé sa part dans l’hoirie de son conjoint à ses deux fils, singulièrement à B.__ selon l’acte notarié du 03.03.1997 et à D.__ selon l’acte notarié du 05.09.2007. Elle ne s’en prend pas non plus aux considérations de la juridiction cantonale selon lesquelles pour déterminer le montant de la fortune nette dont elle s’était dessaisie, il convenait de fixer non seulement la quote-part découlant de sa participation à l’hoirie, mais également sa participation à la liquidation du régime matrimonial, laquelle précédait celle de la succession. L’assurée s’en prend uniquement à la quotité de la part sur les biens cédés à ses fils, que la juridiction cantonale a fixée à deux tiers au lieu de la moitié retenue par la caisse. Elle se limite cependant à contester la modification de la répartition effectuée par le Tribunal cantonal et retenir dans ses propres calculs la « répartition validée par la caisse (…), soit 1/2 », sans faire valoir d’élément concret à l’encontre du raisonnement de la juridiction cantonale.

Toutefois, les considérations cantonales, fondées sur les règles du code civil relatives à la liquidation du régime matrimonial en vigueur jusqu’au 31.121987 (soit avant l’entrée en vigueur de la modification du Code civil suisse du 05.10.1984 [Effets généraux du mariage, régime matrimonial et successions; RO 1986 122]), en fonction de la date du décès de l’époux de l’assurée (en 1984), ainsi que sur les règles sur le partage successoral (dont en particulier l’art. 462 ch. 1 CC), reposent sur une application erronée du droit. Les premiers juges ont d’abord correctement tenu compte des (anciennes) règles sur l’union des biens, applicables à défaut de contrat de mariage ou de situation soumise au régime matrimonial extraordinaire (art. 178 aCC, en relation avec l’art. 9a al. 2 des dispositions transitoires du CC). Conformément aux art. 213 et 214 al. 1 aCC, au décès du mari, le bénéfice restant après le prélèvement de ses apports par la femme appartient pour un tiers à celle-ci ou à ses descendants et, pour le surplus, au mari ou à ses héritiers. En revanche, la juridiction cantonale a perdu de vue que selon l’art. 462 al. 1 aCC, qui a été modifié au 01.01.1988 (RO 1986 122, p. 143), le conjoint survivant peut réclamer à son choix, si le défunt laisse des descendants, l’usufruit de la moitié ou la propriété du quart de la succession. La part de l’assurée à la succession de son époux s’élevait dès lors à un quart au décès de celui-ci, moment de l’ouverture de la succession (art. 537 al. 1 CC; cf. STEINAUER, Le droit des successions, 2e éd. 2015, N 62, 104 et 852 ss). La part de l’assurée sur les immeubles cédés à ses fils s’élevait dès lors à 1/2 (1/3 [résultant de la dissolution du régime matrimonial] + [1/4 x 2/3 résultant du partage de la succession]). Par conséquent, c’est bien la quotité d’une demie prise en considération par la caisse qui se révèle conforme au droit. Ce résultat ne modifie cependant pas l’issue de la cause, comme il ressort des considérations suivantes.

Consid. 4.3
L’assurée invoque finalement en vain une violation de l’art. 17c OPC-AVS/AI, selon lequel le montant du dessaisissement en cas d’aliénation correspond à la différence entre la valeur de la prestation et la valeur de la contre-prestation. Cette disposition est entrée en vigueur au 01.01.2021 (RO 2020 599) et n’est par conséquent pas applicable en l’occurrence. Au demeurant, contrairement à ce que soutient l’assurée, les dettes hypothécaires « en vigueur en mars 1997 » ne constituent pas une contre-prestation au sens de la règle d’exécution.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 9C_422/2021 consultable ici

 

Arrêt de la CJUE C-576/20 du 07.07.2022 – Les périodes d’éducation d’enfants accomplies dans d’autres États membres doivent être prises en compte pour le calcul de la pension de vieillesse

Arrêt de la CJUE C-576/20 du 07.07.2022

 

Communiqué de presse n° 119/22 de la Cour de justice de l’Union européenne du 07.07.2022 consultable ici

Arrêt de la CJUE du 07.07.2022 consultable ici

 

Sécurité sociale des travailleurs migrants – Rente de vieillesse – Règl. (CE) no 987/2009

Calcul – Prise en compte des périodes d’éducation d’enfants accomplies dans d’autres États membres

 

La Cour de justice confirme sa jurisprudence selon laquelle l’État membre débiteur de la pension dans lequel la bénéficiaire a exclusivement travaillé et cotisé, tant antérieurement que postérieurement au transfert de sa résidence dans un autre État membre où elle s’est consacrée à l’éducation de ses enfants, doit prendre en compte ces périodes d’éducation d’enfants.

En novembre 1987, après avoir exercé une activité non salariée en Autriche, CC s’est installée en Belgique où elle a donné naissance à deux enfants, respectivement le 5 décembre 1987 et le 23 février 1990. Dès la naissance de son premier enfant, elle s’est consacrée à leur éducation, sans exercer d’emploi, sans acquérir de période d’assurance et sans percevoir de prestations au titre de leur éducation. Il en a été de même en Hongrie où elle a séjourné en décembre 1991.

À son retour en Autriche en février 1993, CC a continué à éduquer ses enfants pendant treize mois, tout en étant obligatoirement affiliée et en cotisant auprès du régime de sécurité sociale autrichien. Elle a ensuite travaillé et cotisé dans cet État membre jusqu’à son départ à la retraite.

Après avoir sollicité l’octroi d’une pension de retraite, l’office des pensions autrichien lui a reconnu ce droit par décision du 29 décembre 2017. Les périodes d’éducation d’enfants effectuées en Autriche ont été assimilées à des périodes d’assurance et prises en compte aux fins de calcul du montant de sa pension. Celles accomplies en Belgique et en Hongrie, en revanche, n’ont pas été prises en compte.

CC a contesté cette décision en faisant valoir que les périodes d’éducation d’enfants accomplies dans d’autres États membres devaient être assimilées à des périodes d’assurance sur la base de l’article 21 TFUE, qui instaure le droit à la libre circulation des citoyens de l’Union, dès lors qu’elle travaillait et était affiliée à la sécurité sociale autrichienne avant et après ces périodes.

Après le rejet de son recours en appel, CC a introduit un recours en Revision devant l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême, Autriche). Ayant des doutes concernant la prise en compte des périodes d’éducation d’enfants accomplies dans d’autres États membres pour le calcul de la pension de vieillesse, cette juridiction a demandé à la Cour d’interpréter une disposition du droit dérivé de l’Union [1], applicable ratione temporis en l’espèce. En effet, il ne serait pas exclu que cette disposition prévoie de manière exclusive les conditions pour une telle prise en compte, et CC ne les remplit pas : à la date à laquelle la première période d’éducation d’enfants a commencé, elle n’exerçait pas d’activité salariée ou non salariée en Autriche.

Par son arrêt, la Cour rejette le caractère exclusif de cette disposition en ce qui concerne la prise en compte des périodes d’éducation d’enfants accomplies par une même personne dans différents États membres et confirme que ces périodes doivent être prises en compte, en l’espèce, au titre de l’article 21 TFUE.

 

Appréciation de la Cour

En premier lieu, la Cour conclut que, au regard de son libellé, du contexte dans lequel il s’inscrit et des objectifs poursuivis par la réglementation dont il fait partie, l’article 44 du règlement no 987/2009 doit être interprété en ce sens qu’il ne régit pas de manière exclusive la prise en compte des périodes d’éducation d’enfants accomplies par une même personne dans différents États membres.

Concernant son libellé, la Cour relève que cette disposition n’indique pas qu’elle régit cette prise en compte de manière exclusive et que si ladite disposition constitue une codification de sa jurisprudence adoptée à cet égard [2], à la date de son entrée en vigueur – l’arrêt Reichel-Albert [3] n’avait pas encore été prononcé -, les enseignements issus de ce dernier arrêt ne pouvaient donc pas être pris en compte lors de l’adoption du règlement no 987/2009 aux fins de leur codification éventuelle.

En ce qui concerne le contexte dans lequel s’inscrit l’article 44 du règlement no 987/2009, la Cour, en se référant au titre et au chapitre de ce règlement dont il relève, précise que cette disposition instaure une règle additionnelle permettant d’augmenter la probabilité pour les personnes concernées d’obtenir une prise en compte complète de leurs périodes d’éducation d’enfants et, ainsi, d’éviter, dans toute la mesure du possible, que tel ne soit pas le cas.

En ce qui concerne l’objectif du règlement no 987/2009, l’interprétation selon laquelle l’article 44 de ce règlement régirait la prise en compte des périodes d’éducation d’enfants accomplies dans différents États membres de manière exclusive reviendrait à permettre à l’État membre débiteur de la pension de vieillesse d’une personne, dans lequel celle-ci a exclusivement travaillé et cotisé tant antérieurement que postérieurement au transfert de sa résidence dans un autre État membre où elle s’est consacrée à l’éducation de ses enfants, de refuser la prise en compte des périodes d’éducation d’enfants accomplies par cette personne dans un autre État membre et, partant, à la désavantager au seul motif qu’elle a exercé son droit à la libre circulation. Dès lors, une telle interprétation irait à l’encontre des objectifs poursuivis par ce règlement, en particulier la finalité de garantir le respect du principe de la libre circulation, consacré à l’article 21 TFUE, et risquerait ainsi de mettre en péril l’effet utile de l’article 44 de ce règlement.

En second lieu, la Cour juge que, afin d’assurer le respect de ce principe, les enseignements de l’arrêt Reichel-Albert sont transposables à une situation, telle que celle en cause au principal, dans laquelle la personne concernée ne remplit pas la condition d’exercice d’une activité salariée ou non salariée imposée par cette dernière disposition pour obtenir, aux fins de l’octroi d’une pension de vieillesse, la prise en compte, par l’État membre débiteur de cette pension, des périodes d’éducation d’enfants qu’elle a accomplies dans d’autres États membres. Partant, cet État membre est tenu de prendre en compte ces périodes au titre de l’article 21 TFUE, dès lors que cette personne a exclusivement travaillé et cotisé dans ledit État membre, tant antérieurement que postérieurement au transfert de sa résidence dans un autre État membre où elle a effectué lesdites périodes.

Ainsi, la Cour constate qu’il existe, à l’instar de la situation en cause dans l’arrêt Reichel-Albert, un lien suffisant entre les périodes d’éducation d’enfants accomplies par CC à l’étranger et les périodes d’assurance accomplies du fait de l’exercice d’une activité professionnelle en Autriche. Dès lors, la législation de cet État membre doit s’appliquer aux fins de la prise en compte et de la validation de ces périodes, en vue de l’octroi d’une pension de vieillesse par ce même État membre.

Si CC n’avait pas quitté l’Autriche, ses périodes d’éducation d’enfants auraient été prises en compte aux fins du calcul de sa pension de vieillesse autrichienne. Partant, à l’instar de l’intéressée dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Reichel-Albert, elle est désavantagée au seul motif qu’elle a exercé son droit à la libre circulation, ce qui est contraire à l’article 21 TFUE.

 

 

[1] Il s’agit de l’article 44, paragraphe 2, du règlement (CE) no 987/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, fixant les modalités d’application du règlement (CE) no 883/2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (JO 2009, L 284, p. 1). Cet article, intitulé « Prise en compte des périodes d’éducation d’enfants », prévoit dans son paragraphe 2, que lorsque, au titre de la législation de l’État membre compétent en vertu du titre II du règlement no 883/2004, les périodes d’éducation d’enfants ne sont pas prises en compte, l’institution de l’État membre dont la législation était, conformément au titre II du règlement no 883/2004, applicable à l’intéressé du fait de l’exercice par ce dernier d’une activité salariée ou non salariée à la date à laquelle, en vertu de cette législation, la période d’éducation d’enfants a commencé à être prise en compte pour l’enfant concerné reste tenue de prendre en compte ladite période en tant que période d’éducation d’enfants selon sa propre législation, comme si l’enfant était éduqué sur son propre territoire.

[2] Voir arrêts du 23 novembre 2000, Elsen, C-135/99, et du 7 février 2002, Kauer, C-28/00 (voir aussi le communiqué de presse n° 13/02) où la Cour a établi le test du « lien étroit » ou du « lien suffisant » entre les périodes d’assurance accomplies du fait de l’exercice d’une activité professionnelle dans l’État membre à la charge duquel la personne concernée sollicite une pension de vieillesse et les périodes d’éducation d’enfants que cette personne a effectuées dans un autre État membre. La Cour a jugé que la circonstance que les personnes, qui avaient exclusivement travaillé dans l’État membre débiteur de leur pension de vieillesse, exerçaient, au moment de la naissance de leur enfant, une activité salariée sur le territoire de cet État membre permettait d’établir l’existence d’un tel lien étroit ou suffisant et que, partant, la législation dudit État membre était applicable en ce qui concerne la prise en compte des périodes d’éducation d’enfants accomplies dans un autre État membre aux fins de l’octroi d’une telle pension.

[3] Dans l’arrêt du 19 juillet 2012, Reichel-Albert, C-522/10, la Cour a jugé que l’article 21 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il fait obligation à l’institution compétente d’un premier État membre de prendre en compte, aux fins de l’octroi d’une pension de vieillesse, les périodes consacrées à l’éducation d’un enfant, accomplies dans un second État membre, comme si ces périodes avaient été accomplies sur son territoire national, par une personne qui n’a exercé des activités professionnelles que dans ce premier État membre et qui, au moment de la naissance de ses enfants, avait temporairement cessé de travailler et établi sa résidence, pour des motifs strictement familiaux, sur le territoire du second État membre.

 

RAPPEL : Le renvoi préjudiciel permet aux juridictions des États membres, dans le cadre d’un litige dont elles sont saisies, d’interroger la Cour sur l’interprétation du droit de l’Union ou sur la validité d’un acte de l’Union. La Cour ne tranche pas le litige national. Il appartient à la juridiction nationale de résoudre l’affaire conformément à la décision de la Cour. Cette décision lie, de la même manière, les autres juridictions nationales qui seraient saisies d’un problème similaire.

 

 

Communiqué de presse n° 119/22 de la Cour de justice de l’Union européenne du 07.07.2022 consultable ici

Arrêt de la CJUE du 07.07.2022 consultable ici

 

Portage salarial et assurances sociales

Portage salarial et assurances sociales

 

Feuille d’information «Portage salarial» de l’OFAS du 30.06.2022 disponible ici

 

Le modèle du portage salarial, développé en France, est aussi de plus en plus proposé en Suisse. Il est régulièrement utilisé pour annoncer comme salariées auprès des assurances sociales des personnes qui sont en réalité indépendantes.

La personne indépendante travaille pour des clients qu’elle a elle-même recrutés (mandat, ouvrage ou prestation de service), sans être liée par des instructions, elle supporte le risque entrepreneurial et est seule responsable. L’entreprise de portage interposée, qui se charge uniquement de la facturation et de l’encaissement auprès de la clientèle, décompte les honoraires auprès des assurances sociales en tant qu’employeur fictif. Une telle pratique n’est pas conforme au droit suisse des assurances sociales et peut conduire au refus de certaines prestations.

 

Du point de vue des assurances sociales

Dans le domaine des assurances sociales, la délimitation entre l’activité salariée et l’activité indépendante est décisive, notamment pour l’affiliation à l’assurance chômage, à la prévoyance professionnelle obligatoire et à l’assurance accidents obligatoire. Les critères de délimitation déterminants ont été fixés par le Tribunal fédéral dans une jurisprudence bien établie depuis de nombreuses années. Ils sont obligatoires pour toutes les assurances sociales.

L’intégration dans l’organisation du travail, la subordination à l’entreprise de l’employeur et le fait d’être lié à lui par des instructions parlent en faveur d’une activité lucrative salariée. Le fait d’assumer un risque entrepreneurial important, notamment l’engagement de capitaux, la responsabilité, le risque d’encaissement et de perte, ainsi que le fait d’agir en son propre nom et pour son propre compte, sont des caractéristiques d’une activité lucrative indépendante. Il convient d’examiner, en fonction des circonstances concrètes de chaque cas, quels critères sont prépondérants. Les rapports de droit civil – comme la conclusion d’un contrat de travail – n’ont qu’un caractère indicatif. Les accords passés par les parties contractantes sur leur statut d’indépendant ou de salarié ne sont pas contraignants pour les assurances sociales.

Dans le cas du portage salarial, l’entreprise de portage n’est pas responsable de l’acquisition de clients, n’exerce pas de droit d’instruction sur l’exécution concrète du travail et n’assume aucune responsabilité. L’indépendant n’est pas non plus intégré dans l’organisation du travail de l’entreprise de portage, mais assume en permanence l’intégralité du risque entrepreneurial. Si l’indépendant ne parvient pas à décrocher de contrats, il ne gagne rien. Il doit en outre subvenir seul à l’exploitation de son entreprise, c’est-à-dire notamment se procurer et entretenir les locaux et l’équipement nécessaires, et il en assume lui-même la responsabilité.

Le simple fait que l’indépendant facture par l’intermédiaire de l’entreprise de portage, qu’il n’agisse souvent pas en son nom propre, mais qu’il fasse conclure le contrat avec la clientèle par l’intermédiaire de l’entreprise de portage et qu’il n’établisse pas lui-même le décompte des cotisations d’assurance sociale, ne fait pas de lui une personne salariée, ni d’ailleurs de l’entreprise de portage un employeur. Il s’agit plutôt d’un statut fictif de salarié. Du point de vue du droit des assurances sociales, les personnes qui décomptent via le portage salarial sont donc en général considérées comme des indépendants.

Si les assurances sociales constatent que des personnes qui sont effectivement indépendantes sont annoncées comme salariées, elles les traitent comme des indépendants. Cela peut par exemple conduire à un refus de prestations de l’assurance chômage.

 

 

Feuille d’information «Portage salarial» de l’OFAS du 30.06.2022 disponible ici

Bulletin à l’intention des caisses de compensation AVS et des organes d’exécution des PC No 453 du 01.07.2022, « Portage salarial », disponible ici

Page « Portage salarial » sur le site de l’OFAS ici

 

Factsheet «Accompagnamento salariale» dell’UFAS del 30.06.2022, disponibile qui

Factsheet « Lohnträgerschaft » des BSV vom 30.06.2022, hier verfügbar

 

 

9C_79/2021 (f) du 04.05.2022, destiné à la publication – Péremption du droit de fixer les cotisations ensuite d’une procédure fiscale (procédure de soustraction d’impôt) plus de 10 ans après les années de cotisations concernées – 16 al. 1 LAVS – 53 al. 1 LPGA en lien avec l’art. 67 PA

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_79/2021 (f) du 04.05.2022, destiné à la publication

 

Consultable ici

Paru in Jurisprudence du Tribunal fédéral relative au droit des cotisations AVS, Sélection de l’OFAS no 78, du 20.06.2022

 

Péremption du droit de fixer les cotisations ensuite d’une procédure fiscale (procédure de soustraction d’impôt) plus de 10 ans après les années de cotisations concernées / 16 al. 1 LAVS – 53 al. 1 LPGA en lien avec l’art. 67 PA

 

Le législateur fédéral a prévu à l’art. 16 al. 1 LAVS une règle spéciale permettant à l’organe d’exécution de la LAVS de fixer les cotisations AVS/AI dans les situations mentionnées jusqu’à un an après la fin de l’année civile au cours de laquelle la taxation fiscale déterminante est entrée en force. Ce délai peut excéder dix ans, selon les circonstances ; le délai absolu de 10 ans pour procéder à une révision procédurale au sens des art. 53 al. 1 LPGA et 67 PA n’y change rien (consid. 5).

L’assuré a été affilié à titre de personne exerçant une activité indépendante du 01.04.1986 au 30.09.2005. Les 28.02.2006 et 20.02.2008, la caisse de compensation a rendu des décisions de cotisations pour les années 2004 et 2005. Suite à une procédure de rappel d’impôt à la suite d’une soustraction d’impôt qui a conduit l’autorité fiscale à rendre des taxations fiscales rectificatives, la caisse de compensation a réclamé au recourant un montant supplémentaire de cotisations sociales pour les années 2004 et 2005, par décisions du 14.10.2019.

La question de la péremption du droit de réclamer, en 2019, le solde des cotisations sociales pour les années 2004 et 2005, soit plus de 10 ans après les années de cotisations concernées, est l’objet du litige devant le Tribunal fédéral.

Contrairement à ce qu’a retenu la juridiction cantonale, le Tribunal fédéral expose que la correction de la décision initiale de cotisation en raison de l’existence d’un motif de révision procédurale au sens de l’art. 53 al. 1 LPGA – à savoir la taxation fiscale rectificative à la suite de la procédure de soustraction d’impôt – ne supplante pas l’institution de la péremption selon l’art. 16 al. 1 2ème phrase, LAVS. La taxation fiscale rectificative constitue uniquement la condition à laquelle la décision peut être revue. En revanche, le délai de péremption prévu par la disposition spéciale de la LAVS n’est pas évincé (consid. 5.1). Ce délai n’a pas été modifié par l’entrée en vigueur de la LPGA (consid. 5.2.2) et il n’est pas raccourci par le délai de 10 ans prévu en matière de révision procédurale au sens de l’art. 53 al. 1 LPGA en relation avec l’art. 67 PA (consid. 5.3).

Ainsi, puisqu’elle a respecté le délai d’un an après la fin de l’année civile au cours de laquelle les décisions en rappel d’impôt sont entrées en force (art. 16 al. 1, 2ème phrase, LAVS), la caisse de compensation était en droit de revenir sur ses décisions formellement passées en force en raison des faits nouveaux importants découlant des décisions de taxation, même si plus de 10 ans s’étaient écoulés. La juridiction cantonale a dès lors violé le droit fédéral en considérant que le droit de la caisse de compensation de réclamer le paiement des cotisations arriérées était éteint par péremption (consid. 6).

 

 

Arrêt 9C_79/2021 consultable ici

 

Le Conseil fédéral recommande d’adopter la réforme sur la stabilisation de l’AVS (AVS 21)

Le Conseil fédéral recommande d’adopter la réforme sur la stabilisation de l’AVS (AVS 21)

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 27.06.2022 consultable ici

 

Le 25 septembre 2022, les Suisses sont appelés à se prononcer sur la réforme relative à la stabilisation de l’AVS (AVS 21). Une AVS en bonne santé financière est capitale pour l’ensemble de la population. Or, après 25 ans sans réforme substantielle, l’AVS est de plus en plus confrontée à des difficultés financières. La réforme permettra de stabiliser ses finances pendant environ dix ans et de garantir les rentes à leur niveau actuel.

Actuellement, 2,6 millions de personnes à la retraite touchent une rente AVS. Pour la plupart d’entre elles, celle-ci constitue une part importante de leur revenu. Les rentes ne sont cependant plus garanties, parce que les dépenses de l’AVS augmentent plus fortement que ses recettes. D’une part, les baby-boomers arrivent à l’âge de la retraite et le nombre de retraités qui perçoivent une rente croît plus vite que celui des personnes exerçant une activité lucrative qui paient des cotisations. D’autre part, l’espérance de vie est en hausse, et les rentes doivent donc être versées pendant une durée de plus en plus longue. Dans quelques années, les recettes ne suffiront par conséquent plus à couvrir toutes les rentes AVS. Le besoin de financement de l’AVS sur les dix prochaines années s’élève à environ 18,5 milliards de francs.

 

Retraite au même âge et mesures de compensation

La réforme AVS 21 instaure un même âge de la retraite pour les femmes et les hommes, soit 65 ans. Cet âge servira de valeur de référence pour un départ à la retraite flexible et sera donc désormais appelé « âge de référence » : les personnes qui commenceront à percevoir leur rente à 65 ans toucheront cette rente sans réduction ni supplément. Le nouvel âge de référence s’appliquera aussi à la prévoyance professionnelle (caisse de pension).

Le relèvement de l’âge de référence peut bouleverser les plans de vie des femmes qui sont proches de la retraite. C’est pourquoi il s’accompagne de deux mesures de compensation. Si la réforme entre en vigueur début 2024, ces mesures concerneront les femmes nées entre 1961 et 1969. Les mesures de compensation consistent en de meilleures conditions en cas d’anticipation de la rente ou en l’octroi d’un supplément à la rente AVS si celle-ci n’est pas perçue avant l’âge de référence. Elles sont échelonnées sur la base de critères sociaux et profiteront en particulier aux femmes qui touchaient de faibles revenus avant la retraite.

Le Conseil fédéral et le Parlement estiment que l’alignement de l’âge de référence des femmes sur celui des hommes est justifié. Les femmes sont aujourd’hui mieux formées que par le passé, exercent pour la plupart une activité lucrative et vivent plus longtemps que les hommes. Les mesures de compensation permettront d’atténuer les conséquences de la réforme pour les femmes qui sont proches de l’âge de la retraite. Près d’un tiers des économies réalisées grâce à la réforme seront ainsi redistribuées aux femmes.

 

Flexibilisation du départ à la retraite

De nombreux travailleurs âgés souhaiteraient pouvoir réduire progressivement leur activité lucrative. AVS 21 répond à ce besoin : la rente pourra commencer à être perçue à partir de n’importe quel mois entre 63 et 70 ans, et il sera désormais possible de n’anticiper qu’une partie de la rente. Tout comme le nouvel âge de référence fixé à 65 ans, cette plus grande flexibilité s’appliquera également à la prévoyance professionnelle.

La réforme incite en outre à poursuivre une activité lucrative après 65 ans. Les personnes qui continuent de travailler et de cotiser après l’âge de référence pourront améliorer leur rente AVS, pour autant que cette dernière n’atteigne pas le montant maximal de 2390 francs (3585 francs pour les couples). En effet, les cotisations supplémentaires seront prises en compte dans le calcul de la rente. Cela aidera non seulement les assurés eux-mêmes, qui pourront ainsi combler d’éventuelles lacunes de cotisation, mais aussi l’économie, qui a un besoin urgent de personnel qualifié.

 

Hausse de la TVA nécessaire

Le relèvement de l’âge de référence des femmes permettra de réduire les dépenses de l’AVS d’environ 9 milliards de francs sur les dix prochaines années. Les mesures de compensation coûteront quant à elles quelque 2,8 milliards de francs. Les autres adaptations au niveau des prestations, comme la flexibilisation du départ à la retraite, coûteront environ 1,3 milliard de francs. Dans l’ensemble, AVS 21 permettra donc d’économiser quelque 4,9 milliards de francs d’ici à 2032.

Ces économies ne seront cependant pas suffisantes pour stabiliser les finances de l’AVS et garantir les rentes. C’est pourquoi AVS 21 prévoit également d’augmenter les recettes grâce à la hausse de la TVA. Le taux normal de TVA passera ainsi de 7,7 à 8,1%. La hausse sera moins importante pour les biens de consommation courante : le taux de TVA réduit qui leur est applicable passera de 2,5 à 2,6%. Enfin, le taux spécial pour l’hébergement augmentera de 3,7 à 3,8%.

Pour le Conseil fédéral, ce relèvement minime de la TVA est justifié et nécessaire. Il contribuera grandement à sécuriser l’AVS. S’il fallait stabiliser les finances uniquement en réduisant les dépenses, il faudrait considérablement couper dans les prestations.

D’ici à 2032, la hausse de la TVA rapportera à l’AVS des recettes supplémentaires estimées à 12,4 milliards de francs. Additionnées aux quelque 4,9 milliards de francs d’économies, elles permettront d’alléger les finances de l’AVS d’environ 17,3 milliards de francs d’ici à 2032. D’après les calculs de l’OFAS, il faudra encore trouver environ 1,2 milliard de francs ; le Parlement a décidé que cette question serait réglée lors d’une prochaine réforme (motion 21.3462 « Mandat concernant la prochaine réforme de l’AVS »).

 

Un compromis équilibré pour une AVS stable et des rentes sûres

La réforme AVS 21 est un compromis équilibré entre hausse des recettes et économies. Elle assure le financement des rentes pour les dix prochaines années environ. Aucune réforme majeure de l’AVS n’a abouti au cours des 25 dernières années. Plus le statu quo se prolonge, plus les générations futures devront payer cher pour rétablir l’équilibre des finances de l’assurance et garantir les rentes.

 

Arguments des opposants

Les opposants au projet soutiennent que la réforme veut économiser exclusivement sur le dos des femmes, alors même que leurs rentes de vieillesse (AVS et caisse de pension) sont déjà inférieures d’un tiers à celles des hommes. Ils affirment également que cette réforme ne serait qu’un début et que la retraite à 67 ans pour tout le monde est déjà à l’ordre du jour. AVS 21 ne serait que la première d’une série de tentatives de démantèlement qui nous concernent tous.

 

Deux objets, une réforme
La réforme de l’AVS se compose de deux objets. L’un prévoit une hausse de la TVA en faveur de l’AVS. Il implique une révision de la Constitution et est donc automatiquement soumis au vote. L’autre objet adapte les prestations de l’AVS. Il est soumis au vote parce qu’un référendum a été demandé. Ces deux objets sont liés : si l’un des deux est rejeté, c’est toute la réforme qui échoue.

 

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 27.06.2022 consultable ici

Fiche d’information AVS 21 «L’essentiel en bref» disponible ici

Fiche d’information AVS 21 «Le projet soumis en votation» disponible ici

Fiche d’information AVS 21 «Conséquences pour les femmes» disponible ici

Fiche d’information AVS 21 «Les finances de l’AVS avec et sans AVS 21» disponible ici

Fiche d’information AVS 21 «La réforme en comparaison internationale» disponible ici

Présentation «Stabilisation de l’AVS (AVS 21) – Le projet soumis en votation» disponible ici

Il Consiglio federale raccomanda di accettare la riforma sulla stabilizzazione dell’AVS (AVS 21), comunicato stampa disponibile qui

Der Bundesrat empfiehlt die Reform zur Stabilisierung der AHV (AHV 21) zur Annahme, Medienmitteilung hier verfügbar