Archives par mot-clé : Rapports médicaux

9C_599/2019 (f) du 24.08.2020 – Valeur probante d’un rapport établi suite à un examen psychiatrique au SMR / Amélioration notable de l’état de santé psychique malgré des plaintes similaires – 17 LPGA / Effets d’une dysthymie sur la capacité de travail [et de gain] exigible – 16 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_599/2019 (f) du 24.08.2020

 

Consultable ici

 

Valeur probante d’un rapport établi suite à un examen psychiatrique au SMR

Amélioration notable de l’état de santé psychique malgré des plaintes similaires / 17 LPGA

Effets d’une dysthymie sur la capacité de travail [et de gain] exigible / 16 LPGA

 

Assurée, née en 1972, a travaillé pour la société B.__ du 01.01.2000 au 29.11.2011, en dernier lieu à 100% comme caissière. Après avoir bénéficié d’indemnités de l’assurance-chômage, elle a déposé une demande de prestations de l’assurance-invalidité le 03.12.2013.

L’office AI a procédé aux investigations auprès des médecins traitants, puis soumis l’assurée à une évaluation psychiatrique auprès de son SMR les 17.08.2016 et 30.11.2016. Dans un rapport établi le 05.12.2016, la spécialiste en psychiatrie et psychothérapie du SMR a diagnostiqué – avec répercussion sur la capacité de travail – un épisode dépressif moyen avec syndrome somatique en rémission complète, ainsi que – sans répercussion sur la capacité de travail – une dysthymie et des difficultés dans les rapports avec le conjoint. Selon la psychiatre du SMR, l’assurée disposait d’une capacité de travail complète dès le 17.08.2016, tant dans son activité habituelle que dans une activité adaptée.

L’assurée a déposé un avis complémentaire de la médecin traitante et de la psychiatre traitante. Les 31.03.2017 et 06.12.2017, la spécialiste en médecine interne générale et médecin auprès du SMR a recommandé à l’office AI de suivre en l’absence d’autres éléments les conclusions de la psychiatre traitante jusqu’au 17.08.2016, puis celles de la psychiatre du SMR à compter de cette date. Par décision, l’office AI a octroyé à l’assurée une rente entière d’invalidité du 01.10.2014 au 30.11.2016, soit trois mois après l’amélioration de l’état de santé constatée par la psychiatre du SMR.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/652/2019 – consultable ici)

La cour cantonale a constaté que l’assurée présentait selon le médecin du SMR des périodes où elle se sentait un peu mieux, mais la plupart du temps, elle se décrivait comme fatiguée et déprimée, tout lui coûtait et rien ne lui était agréable. Elle ruminait et se plaignait, dormait mal, perdait confiance en elle-même, pleurait sur son sort et se positionnait dans un rôle de victime. Si l’assurée ne souffrait pas de fatigue, elle se plaignait que tout la fatiguait. Les juges cantonaux se sont étonnés que ces constatations pussent conduire le médecin du SMR à conclure à une rémission de l’état de santé de l’assurée, sans même les commenter. Ils ont jugé que ces éléments étaient suffisants pour faire douter sérieusement des conclusions du médecin du SMR et, partant, de leur valeur probante. Aussi, ils ne pouvaient affirmer qu’il y avait eu amélioration de l’état de santé de l’assurée dès août 2016.

Au contraire, selon les juges cantonaux, les conclusions du médecin du SMR constituaient une nouvelle appréciation de la capacité de travail résiduelle de l’assurée, alors que l’état de fait était resté inchangé. En effet, l’état de l’assurée décrit par le médecin du SMR correspondait plus ou moins à celui figurant dans les rapports établis par la psychiatre traitante dès 2014. Une simple appréciation différente d’un état de fait, qui, pour l’essentiel, était demeuré inchangé ne permettait dès lors pas de réviser le droit de l’assurée à une rente d’invalidité. Pour le surplus, le médecin du SMR ne pouvait sérieusement considérer que la capacité de travail de l’assurée était pleine et entière au motif que sa famille lui apportait toute l’aide dont elle avait besoin. Les conclusions de l’évaluation psychiatrique du SMR ne pouvaient par conséquent pas motiver valablement une révision du droit de l’assurée à une rente entière d’invalidité.

Par jugement du 09.07.2019, admission du recours par le tribunal cantonal et maintien de la rente entière d’invalidité au-delà du 30.11.2016.

 

TF

En l’espèce, la juridiction cantonale a retenu que la psychiatre du SMR avait procédé à des examens cliniques approfondis les 17.08.2016 et 30.11.2016. L’évaluation de la psychiatre du SMR contient de plus une description détaillée de ses observations cliniques, une présentation des diagnostics retenus, ainsi qu’une discussion sur le fonctionnement de la personnalité et l’influence de celle-ci sur la capacité de travail de l’assurée. A l’inverse de ce que la juridiction cantonale a considéré, la psychiatre du SMR expose en outre de manière claire les motifs pour lesquels elle a retenu une rémission durable de l’épisode dépressif moyen avec syndrome somatique. Elle a tout d’abord recherché les symptômes dépressifs mentionnés dans les avis de la psychiatre traitante. Puis, au terme de son évaluation, elle a nié la persistance de troubles de la mémoire, de la concentration et de l’attention, d’un ralentissement psychomoteur, d’une anhédonie, d’une fatigue, d’une augmentation de la fatigabilité (durant les entretiens), de troubles cognitifs, d’idées de culpabilité ou de persécution, d’une agoraphobie ou d’une phobie sociale. Aussi, la psychiatre du SMR a exclu de manière convaincante que l’assurée souffrit encore de signes florides de la lignée dépressive au 17.08.2016.

Quant aux reproches formulés par l’assurée à l’encontre des conclusions du psychiatre du SMR, ils se fondent exclusivement sur la manière dont elle ressent et assume elle-même sa situation. En particulier, on ne saurait reprocher à la psychiatre du SMR d’avoir tout d’abord reproduit fidèlement les plaintes de l’assurée, qui sont pour l’essentiel demeurées les mêmes depuis la perte de son emploi, puis d’évaluer objectivement leur portée pour établir la mesure de ce qui était raisonnablement exigible au sens de l’art. 7 al. 2 LPGA. En se limitant à mentionner les différences entre ses plaintes (« rien ne lui est agréable », « se sent inutile », etc.) et les constatations objectives de l’évaluation psychiatrique (absence d’anhédonie, de dévalorisation, etc.), l’assurée n’établit dès lors nullement que la psychiatre du SMR aurait ignoré des éléments cliniques ou diagnostiques essentiels, ni n’explique en quoi le point de vue de sa psychiatre traitante justifierait la mise en œuvre d’une expertise psychiatrique indépendante.

Il s’ensuit que l’office AI a recueilli une évaluation psychique qui expose un changement clairement objectivé de la situation clinique de l’assurée sur le plan psychique (rémission) et, donc, une amélioration notable de sa capacité de travail dès le 17.08.2016 (au sens de l’art. 17 LPGA).

 

Il reste à examiner les effets d’une dysthymie sur la capacité de travail de l’assurée.

Selon la jurisprudence, une dysthymie est susceptible d’entraîner une diminution de la capacité de travail lorsqu’elle se présente avec d’autres affections, à l’instar d’un grave trouble de la personnalité (arrêt 9C_585/2019 du 3 juin 2020 consid. 4.1 et les références). Pour en évaluer les éventuels effets limitatifs, ces atteintes doivent en principe faire l’objet d’une procédure probatoire structurée selon l’ATF 141 V 281.

A l’issue des examens cliniques, la psychiatre du SMR a exclu l’existence d’une atteinte à la santé présentant une certaine gravité, notamment un trouble de la personnalité morbide. Elle a constaté que l’assurée disposait de plus de ressources personnelles d’adaptation au changement, de ressources mobilisables (notamment le soutien des membres de sa famille) et qu’elle adhérait à sa thérapie. Elle a retenu en outre à juste titre que l’assurée semblait tirer avantage de ses autolimitations (ménage réalisé par sa sœur ou sa fille, emplettes réalisées par sa sœur ou son mari, etc.). Contrairement à ce que la juridiction cantonale a retenu, la psychiatre du SMR n’a par ailleurs pas indiqué que l’assurée pouvait travailler parce que sa famille lui apportait de l’aide, mais qu’on pouvait attendre de l’assurée qu’elle mît à profit ses ressources personnelles afin de surmonter les autolimitations primaires et secondaires. Compte tenu de ces éléments, la juridiction cantonale s’est écartée de manière arbitraire des conclusions de l’évaluation psychiatrique du SMR. Dans la mesure où la psychiatre traitante s’est fondée dans ses différents avis médicaux sur les seules plaintes de l’assurée, sans aucune distanciation objective et sans apporter de critiques fondées quant aux constatations du SMR, l’office AI n’avait pour le surplus pas à mettre en œuvre une expertise psychiatrique indépendante (cf. ATF 143 V 409 consid. 4.5 p. 415). Aussi, avec l’aide des médecins de son SMR, l’office AI a tiré dans sa décision les conséquences qui s’imposaient des conclusions de l’évaluation psychiatrique du médecin du SMR.

Ensuite des éléments qui précèdent, il convient de retenir que l’assurée présentait une capacité de travail de 100% dans son activité habituelle à compter du 17.08.2016. La juridiction cantonale a dès lors violé le droit fédéral en maintenant le droit de l’assurée à une rente entière d’invalidité au-delà du 30.11.2016 (art. 17 LPGA et art. 88a al. 1 RAI).

 

Le TF admet le recours de l’office AI, annule le jugement cantonal et confirme la décision de l’office AI.

 

 

Arrêt 9C_599/2019 consultable ici

 

 

8C_370/2017 (f) du 15.01.2018 – Capacité de travail exigible – 16 LPGA / Appréciation du médecin traitant vs appréciation du médecin-conseil – Ad mise en œuvre d’une expertise médicale afin de départager les opinions

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_370/2017 (f) du 15.01.2018

 

Consultable ici

 

Capacité de travail exigible / 16 LPGA

Appréciation du médecin traitant vs appréciation du médecin-conseil / Ad mise en œuvre d’une expertise médicale afin de départager les opinions

 

Assuré, né en 1953, opérateur de production, a été victime, le 04.02.2012, d’une chute sur l’épaule droite en glissant sur une plaque de glace. Une IRM pratiquée le 24.02.2012 a mis en évidence une déchirure intra-tendineuse du tendon du sous-scapulaire sans désinsertion. L’assuré a repris son activité à 50% dès le 16.04.2012, puis à 100% à compter du 14.05.2012.

Le 02.10.2013, l’assuré a annoncé une rechute à partir du 30.09.2013. Il a été opéré le 07.01.2014 (ténodèse du biceps, suture du muscle sus-épineux et sub-scapulaire, décompression sous-acromiale et résection de l’articulation acromio-claviculaire de l’épaule droite).

Dans un rapport du 11.05.2015, le médecin-conseil, spécialiste en chirurgie orthopédique, a tout d’abord indiqué que le cas n’était pas stabilisé et qu’il était peu probable que l’assuré puisse reprendre son travail habituel, tout en soulignant qu’une capacité de travail même dans une activité adaptée était pratiquement nulle étant donné les douleurs au repos et nocturnes de l’assuré. Ultérieurement, le chirurgien orthopédiste traitant a constaté que sous physiothérapie l’évolution était clairement favorable ; le patient présentait des douleurs lors de mouvements plutôt dans l’extrême mais pas en-dessous de l’horizontale et n’avait plus de douleur au repos (rapport du 11.11.2015).

Le 29.01.2016, le médecin-conseil a considéré que le cas était stabilisé et que si l’assuré ne pouvait plus reprendre son travail habituel, il était désormais apte à travailler dans un métier adapté aux limitations fonctionnelles (sans port ou soulèvement de charges de plus de 5 kg avec le membre supérieur droit, en évitant les mouvements de l’épaule droite au-delà de l’horizontale, les métiers qui impliquaient des mouvements répétitifs de celle-ci et en travaillant à hauteur d’établi).

Par décision du 08.03.2016, l’assurance-accidents a alloué à l’assuré une indemnité pour atteinte à l’intégrité de 10% mais a refusé de lui allouer une rente d’invalidité, motif pris que le taux d’incapacité de gain n’atteignait pas le minimum légal de 10%.

A l’occasion d’un contrôle du 27.04.2016, le médecin traitant a fait état d’une évolution défavorable avec une persistance de douleurs très importantes lors de la mobilisation de l’épaule et une incapacité totale de travail pour toute activité manuelle même légère. Prenant position sur cette appréciation, le médecin-conseil a indiqué ne pas partager l’avis de ses confrères ; les lésions anatomiques constatées ne permettaient pas de retenir que l’assuré était inapte à reprendre une activité professionnelle. L’assurance-accidents a confirmé la décision.

 

Procédure cantonale (arrêt 605 2016 141 – consultable ici)

L’orthopédiste-traitant a examiné l’assuré à deux reprises et a exprimé l’avis que la situation clinique était stagnante du point de vue des douleurs et de la fonction au niveau du membre supérieur droit (avec des pics de douleurs tout de même moins intenses). Il a conclu que l’assuré n’était pas capable d’exercer une activité manuelle même légère au risque de causer une péjoration de l’état actuel de l’épaule droite.

Les juges cantonaux se sont fondés essentiellement sur l’avis du médecin-conseil qu’ils ont préféré à l’appréciation du chirurgien orthopédiste traitant, lequel avait retenu une incapacité complète de travail pour toute activité manuelle même légère. D’après la juridiction cantonale, le médecin traitant n’avait pas véritablement distingué les causes à l’origine de ce constat. A l’instar des autres médecins qui s’étaient prononcés sur les perspectives professionnelles de l’assuré, il avait principalement mentionné des facteurs étrangers à l’accident susceptibles de compromettre le retour de l’assuré sur le marché du travail, en particulier l’âge de ce dernier. Or, seules les conséquences concrètes de l’accident relevaient de la responsabilité de l’assureur-accidents. Par conséquent, s’il existait une éventuelle incapacité de travail, celle-ci découlait de facteurs dont l’assurance-accidents n’avait pas à répondre.

Par jugement du 07.04.2017, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

La jurisprudence (ATF 125 V 351 consid. 3b/ee p. 354) a posé le principe que le seul fait que les médecins de l’assurance sont employés de celle-ci ne permet pas de conclure à l’existence d’une prévention et d’un manque d’objectivité. Si un cas d’assurance est jugé sans rapport d’un médecin externe à l’assurance, l’appréciation des preuves doit être soumise à des exigences strictes. L’existence d’un doute même minime sur la fiabilité et la validité des constatations du médecin de l’assurance, doit conduire le tribunal à demander des éclaircissements (ATF 122 V 157 consid. 1d p. 162).

En application du principe de l’égalité des armes, l’assuré a le droit de présenter ses propres moyens de preuve pour mettre en doute la fiabilité et la validité des constatations du médecin de l’assurance. Il s’agit souvent de rapports émanant du médecin traitant ou d’un autre médecin mandaté par l’assuré. Ces avis n’ont pas valeur d’expertise et, d’expérience, en raison de la relation de confiance liant le patient à son médecin, celui-ci va plutôt pencher, en cas de doute, en faveur de son patient. Ces constats ne libèrent cependant pas le tribunal de procéder à une appréciation complète des preuves et de prendre en considération les rapports produits par l’assuré, afin de voir s’ils sont de nature à éveiller des doutes sur la fiabilité et la validité des constatations du médecin de l’assurance.

Il résulte de ce qui précède que les rapports des médecins employés de l’assurance sont à prendre en considération tant qu’il n’existe aucun doute, même minime, sur l’exactitude de leurs conclusions (ATF 135 V 465 consid. 4.7 p. 471; voir aussi l’arrêt 8C_796/2016 du 14 juin 2017 consid. 3.3).

 

En l’espèce, le Tribunal fédéral constate que l’instruction de la cause ne permet pas de trancher entre les opinions de ces spécialistes, en particulier de se prononcer sur la capacité de travail de l’assuré. On ne peut pas d’emblée retenir que seuls des facteurs étrangers à l’atteinte à la santé, notamment l’âge de l’assuré, compromettent la reprise d’une activité professionnelle. Le médecin traitant a certes indiqué, dans un rapport du 24.03.2015, qu’il lui semblait peu probable que l’assuré puisse reprendre un jour son activité « surtout au vu de son âge ». Il n’a cependant pas retenu ce facteur dans ses rapports ultérieurs pour justifier l’incapacité de travail totale de l’assuré. On en est fondé à considérer que par rapport à la situation qui prévalait en mars 2015, ce médecin est d’avis que la situation a évolué défavorablement, contrairement à son pronostic initial.

Dans ces circonstances, il subsiste un doute à tout le moins léger quant à la pertinence de l’avis du médecin-conseil. Il se justifie dès lors, conformément à la jurisprudence, de renvoyer la cause aux premiers juges pour qu’ils ordonnent une expertise médicale afin de départager les opinions du médecin-conseil, d’une part, et du médecin traitant, d’autre part.

 

Le TF admet le recours de l’assuré, annule le jugement du tribunal cantonal et lui renvoie la cause pour nouvelle décision.

 

 

Arrêt 8C_370/2017 consultable ici

 

 

8C_335/2018 (f) du 07.05.2019 – Causalité naturelle – Rechute – 6 LAA – 11 OLAA / Causalité adéquate – Jurisprudence applicable en cas de traumatisme de type « coup du lapin », de traumatisme analogue à la colonne cervicale ou de TCC / Accident à la limite inférieure des accidents de gravité moyenne

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_335/2018 (f) du 07.05.2019

 

Consultable ici

 

Causalité naturelle – Rechute / 6 LAA – 11 OLAA

Causalité adéquate – Jurisprudence applicable en cas de traumatisme de type « coup du lapin », de traumatisme analogue à la colonne cervicale ou de TCC

Accident à la limite inférieure des accidents de gravité moyenne

 

Assuré, né en 1982, travaillant en qualité d’opérateur, a subi un accident de circulation sur un parking le 20.02.2016. Il se trouvait à l’arrêt au volant de sa voiture derrière un autre véhicule lorsqu’un conducteur effectuant une marche arrière pour sortir d’une place de stationnement a percuté le flanc arrière droit de sa voiture. L’assuré s’est rendu le 24.02.2016 chez son médecin traitant généraliste, qui a fait état de tensions musculaires post AVP surtout au trapèze et prescrit une incapacité de travail dès le 02.03.2016. La suite du traitement a été assurée par une spécialiste en chiropratique. Un bilan radiologique de la colonne dorsale n’a pas montré de fracture visible des différents corps vertébraux. Le 25.03.2016, l’assuré a repris son activité professionnelle.

Le 08.07.2016, l’employeur a annoncé à l’assurance-accidents une rechute de l’accident du 20.02.2016, en indiquant une incapacité de travail dès le 30.06.2016. Une IRM de la colonne cervicale réalisée le 09.06.2016 a mis en évidence une protrusion discale paramédiane droite de C6-C7 au contact de la racine pouvant être à l’origine d’un syndrome irritatif, mais pas de lésion osseuse ni ligamentaire cervicale. Une IRM dorsale D7 à L3 pratiquée trois semaines plus tard a été jugée dans les limites de la norme sans lésion osseuse ou discale ni médullaire décelable. Dans un rapport intermédiaire du 26.08.2016, la spécialiste en chiropratique a posé le diagnostic de syndrome complexe de décompensation neuromusculaire post-traumatique sur syndrome d’hyperflexion-hyperextension.

Se fondant sur les appréciations de son médecin-conseil, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur, l’assurance-accidents a refusé de prendre en charge la rechute, au motif qu’aucun lien de causalité ne pouvait être retenu entre les troubles dorsaux annoncés et l’accident du 20.02.2016. Dans le détail, l’assurance-accidents a retenu que l’assuré présentait dans le cadre de la rechute des douleurs dorsales basses, et que cette symptomatologie n’était pas imputable à l’accident du 20.02.2016 dès lors que cet événement n’avait causé aucune lésion organique. De toute façon, l’on pouvait d’emblée nier l’existence d’un rapport de causalité adéquate entre ces troubles dorsaux et l’accident. En l’absence de substrat objectivable, c’était la jurisprudence en matière de troubles psychiques consécutifs à un accident qui trouvait application (ATF 115 V 133). Pour un accident à la limite inférieure de la catégorie des accidents de gravité moyenne comme celui subi par l’assuré, il fallait un cumul de quatre critères au mois parmi les sept consacrés. Or, aucun d’entre eux n’était rempli.

 

Procédure cantonale

Après avoir confirmé le caractère non objectivable des dorsalgies de l’assuré, la cour cantonale a examiné la causalité adéquate en se référant à la jurisprudence applicable en cas de traumatisme de type « coup du lapin » à la colonne cervicale, de traumatisme analogue à la colonne cervicale ou de traumatisme cranio-cérébral (cf. ATF 134 V 109 consid. 10.3 p. 130; 117 V 359 consid. 6a p. 367 et 369 consid. 4b p. 383). Elle est parvenue au même résultat que l’assurance-accidents, à savoir que les critères jurisprudentiels applicables en cas d’accident du type « coup du lapin » n’étaient pas réalisés en nombre suffisant pour admettre un tel lien s’agissant d’un accident à la limite inférieure des accidents de gravité moyenne.

Par jugement du 15.03.2018, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Selon l’art. 6 al. 1 LAA, les prestations d’assurance sont allouées en cas d’accident professionnel, d’accident non professionnel et de maladie professionnelle. La responsabilité de l’assureur-accidents s’étend, en principe, à toutes les conséquences dommageables qui se trouvent dans un rapport de causalité naturelle et adéquate avec l’événement assuré. Les prestations d’assurance sont également allouées en cas de rechutes et de séquelles tardives (art. 11 OLAA). On rappellera que les rechutes ne peuvent faire naître une obligation de l’assureur-accidents (initial) de verser des prestations que s’il existe un lien de causalité naturelle et adéquate entre les nouvelles plaintes de l’intéressé et l’atteinte à la santé causée à l’époque par l’accident assuré (ATF 118 V 293 consid. 2c p. 296 et les références; RAMA 1994 n° U 206 p. 327 consid. 2).

En l’espèce, le médecin-conseil a constaté que l’accident du 20.02.2016 n’avait causé aucune lésion structurelle traumatique, comme le montraient les clichés d’imagerie effectués après l’accident, ni d’affection neurologique. Le médecin-conseil a également retenu que l’assuré n’avait pas subi un accident du type « coup du lapin ». Ces considérations médicales ne sont pas sérieusement remises en cause par les autres avis au dossier, même si le diagnostic de « syndrome d’hyperflexion-hyperextension » ou « whiplash » figure dans certains rapports versés ultérieurement au dossier. En effet, nulle part dans les rapports médicaux initiaux, il n’est documenté que l’assuré en avait développé le tableau clinique typique dans les suites immédiates de l’accident (pour les conditions à la reconnaissance d’une telle atteinte, cf. ATF 134 V 109 consid. 9 p. 122 ss; voir également JEAN-MAURICE FRÉSARD/MARGIT MOSER-SZELESS, L’assurance-obligatoire, in Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], 3ème éd., 2016, n o 111 ss). Ceci dit, le médecin-conseil a conclu que d’après l’expérience médicale, aucun lien de causalité ne pouvait être retenu entre de simples contusions et des douleurs chroniques.

La circonstance que le médecin-conseil ne l’a pas examiné personnellement ne saurait ôter une valeur probante à son appréciation dès lors que ce médecin disposait du dossier complet instruit par l’assurance-accidents. Ensuite, les avis médicaux que l’assuré a produits ne contiennent aucun élément objectif propre à faire douter de la fiabilité et de la pertinence de l’appréciation du médecin-conseil.

Ainsi, dans son rapport, le médecin traitant généraliste reconnaît que « l’argumentation [du médecin-conseil] est de bonne qualité » et ne lui oppose aucune critique d’un point de vue médical. Et si le médecin traitant considère néanmoins que le lien entre l’affection et l’accident est probable, il justifie son opinion uniquement par le fait que son patient ne présentait aucune plainte dorsale avant (hormis un lumbago en 2010) et qu’il n’était pas exclu que cet événement lui ait causé un stress psychologique important se manifestant par des douleurs et des tensions musculaires. Or, le seul fait que des symptômes douloureux ne se sont manifestés qu’après la survenance d’un accident ne suffit pas à établir un rapport de causalité naturelle avec cet accident (raisonnement « post hoc, ergo propter hoc »; cf. ATF 119 V 335 consid. 2b/bb p. 341 s.; RAMA 1999 n° U 341 p. 408 s., consid. 3b); il convient en principe d’en rechercher l’étiologie et de vérifier, sur cette base, l’existence du rapport de causalité avec l’événement assuré. Par ailleurs, à suivre le médecin traitant quant au caractère psychogène des douleurs de l’assuré, on peut d’emblée nier que la responsabilité de l’assurance-accidents soit engagée à cet égard au vu de la jurisprudence applicable en la matière. On relèvera également que le rhumatologue. qui a examiné l’assuré en octobre 2016, a noté une aggravation des plaintes exprimées malgré plusieurs mois d’incapacité de travail et la normalité des examens radiologiques, et attribué la symptomatologie à des causes multifactorielles.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_335/2018 consultable ici

 

 

9C_722/2018 (f) du 12.12.2018 – Indemnité journalière maladie – 67 ss LAMal / Expertise médicale – Durée de l’examen pas per se un critère de la valeur probante d’un rapport médical / Libre appréciation des preuves / 61 let. c LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_722/2018 (f) du 12.12.2018

 

Consultable ici

 

Indemnité journalière maladie / 67 ss LAMal

Expertise médicale – Durée de l’examen pas per se un critère de la valeur probante d’un rapport médical

Libre appréciation des preuves / 61 let. c LPGA

 

Assurée, née en 1980, a travaillé en qualité d’aide-cuisinière du 16.04.2005 au 31.03.2016, date pour laquelle elle a résilié son contrat de travail. Annonce à l’assurance perte de gain maladie (selon la LAMal) le 23.10.2015 par l’employeur que l’assurée est totalement incapable de travailler depuis octobre 2015.

Entre autres mesures d’instruction, l’assurance perte de gain maladie a diligenté une expertise auprès d’une spécialiste en psychiatrie et psychothérapie. L’experte a posé les diagnostics de trouble anxieux et dépressif mixte (F41.2), existant depuis février 2015 et incapacitant depuis août 2015, et de conflit avec l’employeur (Z 56) ; elle a conclu à une incapacité de travail totale du 17.08.2015 au 01.12.2015, de 50% dès le 02.12.2015, puis à une pleine capacité de travail dans une activité adaptée depuis le 08.01.2016. Par courrier du 17.02.2016, l’assurance perte de gain maladie a reconnu à l’assurée le droit à des indemnités journalières à hauteur de 50% jusqu’au 31.05.2016 au plus tard.

A la suite d’un complément d’expertise réalisé le 02.09.2016 (examen d’une durée entre 45 minutes et une heure), après que l’assurée a invoqué une péjoration de son état de santé et sollicité le réexamen de son droit aux prestations, l’assurance perte de gain maladie a confirmé par décision formelle la suppression du versement des indemnités journalières au 31.05.2016 ; la caisse a maintenu son point de vue par décision sur opposition.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 17.09.2018, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Selon le Tribunal fédéral, les premiers juges ont dûment examiné les documents médicaux versés au dossier et expliqué les raisons qui leur ont fait suivre le point de vue de l’experte médicale et non celui du médecin-traitant. L’assurée oppose simplement l’avis de son psychiatre traitant à celui de l’experte psychiatre sans mettre en évidence d’élément objectif susceptible de démontrer que l’appréciation de l’experte serait erronée et sans expliquer en quoi les conclusions de l’expertise ou du rapport complémentaire seraient remises en cause, ni exposer les raisons pour lesquelles les premiers juges auraient établi les faits de manière manifestement inexacte. Une telle argumentation appellatoire ne suffit pas pour établir le caractère arbitraire des considérations des premiers juges. Par conséquent, il n’y a pas lieu de s’écarter des constatations de la juridiction cantonale quant à la capacité entière de travail de l’assurée dans une activité adaptée depuis le 08.01.2016.

S’agissant de l’argumentation avancée par l’assurée quant à la durée trop brève du complément d’expertise, elle ne met en évidence aucune irrégularité dans la constatation des faits par la juridiction cantonale. On rappellera que la durée de l’examen – qui n’est pas en soi un critère de la valeur probante d’un rapport médical -, ne saurait remettre en question la valeur du travail de l’expert, dont le rôle consiste notamment à se prononcer sur l’état de santé psychique de l’assuré dans un délai relativement bref (cf. arrêts 9C_133/2012 du 29 août 2012 consid. 3.2.1; 9C_443/2008 du 28 avril 2009 consid. 4.4.2 et les arrêts cités). En l’occurrence, on constate au demeurant que l’expertise et son complément ont été précédés d’entretiens téléphoniques avec les médecins-traitants et d’un entretien personnel avec l’assurée, à chaque fois en présence d’un interprète. Au total, l’experte s’est entretenue avec l’assurée durant trois heures trente (deux heures trente lors de l’expertise du 08.01.2016, respectivement environ une heure dans le cadre du complément de septembre 2016). Dans ces conditions, l’assurée ne peut donc pas être suivie lorsqu’elle affirme que la juridiction cantonale se serait fondée sur des « entretiens lapidaires », et le renvoi qu’elle opère à l’arrêt I 1094/06 du 14 novembre 2007 ne lui est non plus d’aucun secours.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 9C_722/2018 consultable ici

 

 

8C_755/2017 (f) du 11.12.2018 – Révision procédurale – Faits nouveaux – 53 al. 1 LPGA / Cahier des charges et description du poste de travail fournis ultérieurement / Force probante de l’appréciation médicale du médecin de l’assurance-accidents

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_755/2017 (f) du 11.12.2018

 

Consultable ici

 

Révision procédurale – Faits nouveaux / 53 al. 1 LPGA

Cahier des charges et description du poste de travail fournis ultérieurement

Force probante de l’appréciation médicale du médecin de l’assurance-accidents

 

Assuré, né en 1975, engagé le 23.01.2015 par une entreprise dont le but social est notamment la pose de parquet, moquette, linoléum, carrelage. L’épouse de l’assuré en est l’administratrice avec signature individuelle.

Le 06.02.2015, l’assuré a glissé sur une plaque de glace. Il a consulté une semaine plus tard son médecin traitant qui a retenu le diagnostic de contusions sur tout le côté droit du corps (bras, épaule, coude et hanche) et prescrit une incapacité de travail de 100% depuis l’accident. L’employeur a annoncé cet accident le 09.03.2015. Sur ladite déclaration d’accident, il était indiqué que la profession exercée par l’assuré était contremaître et qu’il était rémunéré sur la base d’un salaire annuel brut de 108’000 fr.

L’assurance-accidents a, par courrier du 11.03.2015, informé l’assuré qu’elle prenait en charge les suites de l’accident et que le montant de l’indemnité journalière à laquelle il avait droit dès le 09.02.2015 se montait à 236 fr. 75 par jour. Elle est toutefois revenue sur sa position en versant une indemnité de 161 fr. 55. L’employeur a alors transmis à l’assurance-accidents le contrat de travail et les bulletins de salaires des mois de janvier et février 2015 concernant l’assuré, en la priant de verser la différence. Par décision du 16.06.2015, l’assurance-accidents a confirmé le paiement d’un montant de 161 fr. 55. Elle estimait que la preuve du versement du salaire indiqué dans la déclaration d’accident n’avait pas été apportée et qu’il n’était pas crédible que l’assuré fût engagé à un poste de contremaître avec de telles conditions salariales, retenant en lieu et place un salaire annuel de 73’697 fr. correspondant à celui prévu pour cette fonction par la convention collective. Alors que l’assuré n’a pas formé opposition contre cette décision, l’employeur s’est adressé à nouveau à l’assurance-accidents en lui confirmant que le salaire de son employé était bien de 108’000 fr.

Par lettre du 19.10.2015, l’assurance-accidents a invité l’assuré à lui faire parvenir certains documents (fiches de salaire, extraits de compte bancaire, taxations fiscales etc.) et lui a fait savoir qu’elle suspendait immédiatement le versement de l’indemnité journalière dans cette attente.

Le 29.01.2016, l’assuré a été examiné par le médecin d’arrondissement. Tout en estimant que la situation n’était pas encore stabilisée, ce médecin lui a reconnu une capacité de travail à 50% à partir du 01.03.2016, ce que l’assurance-accidents a confirmé à l’intéressé par lettre du 03.02.2016.

Début février 2016, un entretien a eu lieu entre un inspecteur de l’assurance-accidents et l’assuré, au cours duquel ce dernier a expliqué avoir été engagé « pour reprendre une partie de la gestion de l’entreprise mais que l’accident était intervenu tôt après l’engagement ». Par lettre du 24.03.2016, l’assurance-accidents a dès lors sollicité de l’employeur un complément d’information sur les tâches dévolues à l’assuré. L’entreprise a fourni un cahier des charges mentionnant les tâches suivantes : gestion de documents administratifs de toutes sortes (35%); déplacement sur les lieux de travail (15%); rendez-vous professionnels avec les clients (10%); pose de sols et pose de parquets spéciaux (20%); recherche de nouveaux collaborateurs (5%); gestion RH (15%). Par la suite, la société a toutefois spécifié que ce cahier des charges valait seulement à partir du 01.04.2016 et qu’il n’y en avait pas eu pour la période précédente.

Le 11.05.2016, l’assurance-accidents a décidé ce qui suit: au vu des renseignements obtenus relativement au salaire de l’assuré, elle annulait la décision du 16.06.2015 et levait la suspension des prestations d’assurance; par ailleurs, eu égard aux nouveaux éléments apportés quant à la nature de l’activité du prénommé auprès l’entreprise, elle revenait également sur les termes de son courrier du 03.02.2016 ; selon un nouvel avis de son service médical du 19.04.2016, il aurait été exigible de l’assuré de reprendre le travail à 80% quatre mois après l’accident, puis totalement dans un délai de 15 mois après celui-ci; par conséquent, elle allouait des indemnités journalières sur la base d’une incapacité de travail de 100% du 06.02.2015 au 07.06.2015, respectivement de 20% du 08.06.2015 au 05.07.2016, ces prestations étant calculées sur le salaire annuel annoncé dans la déclaration d’accident.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 91/16 – 97/2017 – consultable ici)

La juridiction cantonale a retenu que l’assurance-accidents, par ses communications à l’assuré des 11.03.2015 et 03.02.2016 ainsi que par ses décomptes d’indemnités journalières des mois de février à août 2015, avait reconnu de manière informelle les taux et périodes d’incapacité de travail annoncés, et que ces prises de position étaient entrées matériellement en force dans la mesure où leur destinataire ne les avaient pas contestées. En conséquence, l’assurance-accidents ne pouvait revenir sur ces décisions (matérielles) qu’à la condition de pouvoir se fonder sur un motif de révision au sens de l’art. 53 LPGA. Tel était bien le cas selon les juges cantonaux, le cahier des charges transmis par l’employeur constituant un fait nouveau propre à justifier un réexamen de l’incapacité de travail de l’assuré.

Par jugement du 20.09.2017, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Bien que cela n’ait pas véritablement d’incidence sur l’issue du litige, il convient de distinguer la période durant laquelle l’assurance-accidents a octroyé ses prestations de celle, postérieure, où elle n’a rien versé en attendant de se prononcer définitivement sur le droit aux prestations de l’assuré. En effet, si c’est à juste titre que la cour cantonale a considéré que l’assurance-accidents ne pouvait revenir sur l’octroi des indemnités journalières sans un motif de révocation au sens de l’art. 53 LPGA, il n’en va pas de même en ce qui concerne la période suivant la suspension des prestations. Pour cette période, l’assurance-accidents n’est pas tenue d’invoquer un tel motif puisqu’elle a expressément réservé sa position quant à l’étendue de ses obligations (sur la nature provisoire d’une suspension des prestations voir l’arrêt 9C_248/2017 du 15 février 2018 consid. 7.3).

En l’occurrence, le cahier des charges remis par l’employeur met en évidence que les tâches de l’assuré ne se limitaient pas à la conduite d’une équipe d’ouvriers – qui constitue la responsabilité principale d’un contremaître -, et que ce dernier était censé assumer plus largement, dès son engagement, une fonction de direction au sein de l’entreprise. On ne saurait considérer que cet aspect de son travail était déjà connu de l’assurance-accidents au vu des éléments qui lui avaient été soumis, notamment la déclaration d’accident. Certes, l’assuré avait un salaire important. C’est ce qui a d’ailleurs conduit l’assurance-accidents à éprouver des doutes sur la réalité de ce salaire, le montant indiqué à ce titre par l’employeur lui apparaissant trop élevé par rapport à la rémunération usuelle de la branche pour une fonction de contremaître.

Or lorsque l’assurance-accidents a réduit le montant de l’indemnité journalière en raison du caractère non réaliste du salaire annoncé, ni l’assuré ni l’employeur n’ont apporté la moindre indication lui permettant de savoir que la rémunération convenue était liée à des responsabilités plus étendues que la conduite d’une équipe de poseurs de sol. En particulier, le contrat de travail non daté et non signé produit par l’employeur en réaction à la réduction de l’indemnité ne faisait que rappeler que l’assuré était engagé en tant que contremaître et ne contenait aucun descriptif des tâches et responsabilités confiées à l’assuré. L’assurance-accidents ne disposait ainsi d’aucun indice de nature à la faire douter de la nature exacte de l’activité de ce dernier et de sa position dans l’entreprise, et n’avait pas non plus de raison d’orienter ses recherches en sens. Par conséquent, c’est à juste titre que la cour cantonale est parvenue à la conclusion que la véritable fonction de l’assuré au sein de l’entreprise telle qu’elle ressort dudit cahier des charges constitue un fait nouveau au sens de l’art. 53 al. 1 LPGA, dont l’assurance-accidents n’avait ni ne pouvait avoir connaissance précédemment.

Toutefois, selon le Tribunal fédéral, la brève appréciation du médecin d’arrondissement du 19.04.2016 est insuffisamment motivée pour retenir que l’assuré était apte à travailler à 80% dès le mois de juin 2015. Cela étant, on ne peut pas non plus s’en tenir aux certificats d’arrêt de travail délivrés en leur temps par le médecin-traitant. Le point de savoir si et dans quelle mesure, compte tenu de l’atteinte diagnostiquée, l’assuré aurait été capable d’exécuter les tâches décrites dans le cahier des charges doit dès lors faire l’objet d’une instruction complémentaire.

 

Le TF admet partiellement le recours de l’assuré, annule le jugement cantonal et la décision et renvoie la cause à l’assurance-accidents pour nouvelle décision.

 

 

Arrêt 8C_755/2017 consultable ici

 

 

8C_870/2017 (f) du 30.11.2018 – Hernie discale – Causalité naturelle – Statu quo sine 9 mois après l’accident – 6 LAA / Valeur probante du rapport d’expertise – 44 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_870/2017 (f) du 30.11.2018

 

Consultable ici

 

Hernie discale – Causalité naturelle – Statu quo sine 9 mois après l’accident / 6 LAA

Valeur probante du rapport d’expertise / 44 LPGA

 

Assuré, né en 1959, ostéopathe de profession, a subi l’événement suivant : le 12.02.2015, au moment où il chargeait deux sacs de courses dans le coffre de sa voiture, il a glissé sur une plaque de verglas et a chuté en arrière avec réception sur la région sacrée du côté gauche. Il a immédiatement ressenti des douleurs dans le bas du dos. Malgré ces douleurs et grâce à la prise d’analgésiques, il a continué à travailler dans son cabinet. La situation allant en s’aggravant, il a consulté le 23.02.2015 les urgences où le médecin a posé le diagnostic de sciatique trajet S1 et prescrit une incapacité de travail totale. Par la suite, l’assuré a été suivi par son médecin traitant.

Une IRM lombaire réalisée le 02.03.2015 a révélé la présence d’une hernie discale L5-S1 avec fragment dirigé vers le bas du côté gauche entraînant un clair conflit radiculaire S1, un syndrome facettaire intéressant les 3 derniers niveaux lombaires, un petit élément de déchirure de l’anneau fibreux au niveau du disque intersomatique L2-L3 sans conflit associé, ainsi que des modifications à composante inflammatoire des plateaux vertébraux adjacents à l’espace intersomatique L5-S1, mais aucun tassement vertébral ou lésion osseuse récents.

Le médecin traitant a préconisé un traitement conservateur et attesté une incapacité de travail à 100% jusqu’au 31.05.2015 puis une reprise progressive jusqu’au 10.05.2016.

Entre-temps, l’assurance-accidents a confié une expertise à un spécialiste en neurologie. Dans son rapport du 17.07.2015, le médecin-expert a posé le diagnostic de lombosciatalgies gauches non déficitaires sur hernie discale L5-S1 paramédiane gauche luxée vers le bas. Il a retenu que « la hernie discale [était] survenue à la faveur d’un état dégénératif du disque intervertébral sous-jacent évoluant vraisemblablement depuis longtemps et dont l’influence en termes relatifs [était] nettement supérieure à l’influence de l’événement accidentel », mais que l’on pouvait admettre une « influence causale partielle » de celui-ci vu les douleurs immédiates et l’absence d’antécédent. Il a fixé le statu quo sine au 12.11.2015.

Une nouvelle IRM du 05.11.2015 a permis de constater la disparition totale de la volumineuse hernie paramédiane gauche L5-S1 par rapport à l’IRM du mois de mars 2015 ; le reste de l’examen était superposable. Selon un rapport de consultation du service de neurochirurgie du 26.11.2015, l’évolution clinique et radiologique était favorable.

Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a mis fin à ses prestations avec effet au 12.11.2015, date au-delà de laquelle elle a retenu, en se fondant sur les conclusions du médecin-expert, que la persistance des troubles douloureux et l’incapacité de travail ne se trouvaient plus en lien de causalité avec l’événement assuré (statu quo sine).

 

Procédure cantonale

Par jugement du 06.11.2017, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Le jugement entrepris expose de manière exacte et complète les principes jurisprudentiels concernant les notions de causalité naturelle et adéquate, la jurisprudence particulière applicable en cas de hernie discale (voir RAMA 2000 n° U 378 p. 190 consid. 3; arrêts 8C_373/2013 du 11 mars 2014 consid. 3.3; 8C_1003/2010 du 22 novembre 2011 consid. 1.3), ainsi que l’étendue de la prise en charge du cas par l’assureur-accidents lorsque l’atteinte à la santé n’est que partiellement imputable à l’accident (art. 36 LAA; statu quo ante / statu quo sine) (voir RAMA 1994 n° U 206 p. 326 consid. 3b et 1992 n° U 142 p. 75; arrêts 8C_1003/2010 précité consid. 1.2; 8C_552/2007 du 19 février 2008 consid. 2). Il suffit donc d’y renvoyer.

Selon le Tribunal fédéral, on doit convenir que la manière dont le médecin-expert a formulé ses conclusions prête à confusion. Toutefois, une lecture d’ensemble du document montre que l’expert est d’avis que la hernie discale est survenue à la faveur d’un état dégénératif sous-jacent – constitué par les troubles dégénératifs au niveau facettaire sur les disques sus-jacents à L5-S1 – dont l’influence est nettement supérieure à celle de l’accident, auquel il reconnaît cependant un rôle causal partiel pour une période de 9 mois au plus après l’événement. Il n’y a donc pas de contradiction intrinsèque dans son appréciation. Si le médecin-expert n’a certes pas explicité son point de vue quant aux effets des phénomènes dégénératifs qu’il a constatés sur le disque concerné par la hernie, comme cela aurait été souhaitable, la critique de l’assuré à cet égard n’est pas de nature à lui en ôter toute valeur probante. Le seul avis médical fourni par l’assuré et émanant de son médecin traitant ne contient aucun élément objectif permettant de remettre en cause la pertinence médicale des considérations du médecin-expert. Or, pour faire douter de la fiabilité d’une appréciation médicale d’un expert – au demeurant ici externe à l’assureur -, il ne suffit pas de lui opposer le seul désaccord d’un médecin traitant, dépourvu de toute explication circonstanciée et convaincante. On peut encore ajouter que la date du statu quo sine fixé par le médecin-expert correspond au moment où la hernie a disparu. De plus, selon le rapport de consultation du service de neurochirurgie du 26.11.2015, il n’y avait alors plus de syndrome radiculaire irritatif ni de syndrome vertébral franc et la mobilisation du rachis était possible. Le pronostic favorable effectué par le médecin-expert en se référant à son expérience médicale s’est donc avéré correct.

Il s’ensuit que la juridiction cantonale était fondée à s’en tenir aux conclusions de l’expert, selon lequel le statu quo sine était atteint le 12.11.2015 et, sur cette base, à confirmer la décision de l’assurance-accidents de limiter ses prestations à cette date.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_870/2017 consultable ici

 

 

9C_453/2017+9C_454/2017 (f) du 06.03.2018 – Valeur probante d’un rapport médical / Divergences (notables) dans les conclusions de deux médecins-experts

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_453/2017+9C_454/2017 (f) du 06.03.2018

 

Consultable ici

 

Valeur probante d’un rapport médical

Divergences (notables) dans les conclusions de deux médecins-experts

 

Assurée, aide-soignante, a chuté et heurté un banc avec son épaule et son bras gauche le 17.07.2013, accident pris en charge par son assureur LAA. Demande AI déposée le 07.08.2013.

L’office AI a recueilli l’avis des médecins traitants, puis fait verser au dossier celui de l’assurance-accidents qui contenait notamment une expertise orthopédique. Il a ensuite soumis l’intéressée à une expertise psychiatrique. Par décision, l’office AI a nié le droit de l’assurée à des prestations de l’assurance-invalidité, au motif que son activité habituelle d’aide-soignante demeurait exigible, sans baisse de rendement.

Parallèlement, l’assurance-accidents a mis un terme au versement des indemnités journalières de l’assurance-accidents avec effet au 30.09.2013, ce que l’intéressée a contesté.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/378/2017 – consultable ici)

L’assurée a fait verser à la procédure l’expertise judiciaire bidisciplinaire (rhumatologique et orthopédique) ordonnée dans le cadre de la procédure de recours ouverte contre la décision de l’assurance-accidents. Il existait une divergence entre les conclusions du spécialiste en médecine interne générale et en rhumatologie et celle du spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur. En dépit d’une demande répétée de la cour, les médecins ne s’étaient par ailleurs pas mis d’accord sur ce point. Dans la mesure où le docteur le chirurgien orthopédique s’était cependant rallié aux conclusions de son confrère s’agissant de la date du statu quo ante, il en résultait juges une force probante accrue de l’expertise du rhumatologue, ce d’autant plus qu’elle était plus détaillée. La juridiction cantonale a considéré que l’assurée ne pouvait plus exercer son activité habituelle d’aide-soignante, mais qu’elle disposait d’une capacité de travail entière dans une activité strictement adaptée à ses limitations fonctionnelles.

Par jugement du 15.05.2017, admission partielle du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Selon le principe de la libre appréciation des preuves (art. 61 let. c LPGA), le tribunal apprécie librement les preuves médicales qu’il a recueillies, sans être lié par des règles formelles, en procédant à une appréciation complète et rigoureuse des preuves. Le tribunal doit examiner objectivement tous les documents à disposition, quelle que soit la provenance, puis décider s’ils permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. S’il existe des avis contradictoires, il ne peut trancher l’affaire sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion plutôt qu’une autre. En ce qui concerne la valeur probante d’un rapport médical, ce qui est déterminant c’est que les points litigieux aient fait l’objet d’une étude circonstanciée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu’il prenne également en considération les plaintes exprimées par la personne examinée, qu’il ait été établi en pleine connaissance de l’anamnèse, que la description du contexte médical et l’appréciation de la situation médicale soient claires et enfin que les conclusions de l’expert soient dûment motivées. Au demeurant, l’élément déterminant pour la valeur probante n’est ni l’origine du moyen de preuve ni sa désignation comme rapport ou comme expertise, mais bel et bien son contenu (ATF 143 V 124 consid. 2.2.2 p. 126; 125 V 351 consid. 3a p. 352 et les références).

En l’espèce, confrontée à une divergence d’opinion, l’autorité cantonale ne pouvait faire l’économie d’une mesure d’instruction complémentaire avant de statuer, en invitant par exemple derechef oralement ou par écrit les deux médecins à s’exprimer conjointement sur les effets de l’atteinte à la santé de l’assurée sur sa capacité de travail dans son activité habituelle d’aide-soignante. Compte tenu des spécialités en présence, une réponse claire et cohérente des experts aux questions posées par la juridiction cantonale était en effet nécessaire (à ce sujet, cf. ATF 143 V 124 consid. 2.2.4 p. 128; 137 V 210 consid. 1.2.4 p. 224 et les références), laquelle fait défaut en l’espèce.

On ne saurait par ailleurs suivre la juridiction cantonale lorsqu’elle retient, implicitement, qu’on pouvait se passer d’une telle mesure d’instruction en raison de la « force probante accrue » des conclusions du rhumatologue. Les premiers juges n’établissent en effet nullement cet élément, la valeur probante d’un rapport médical ne résultant en particulier pas de sa longueur. Ils ne pouvaient par ailleurs se contenter d’écarter le point de vue défendu par le chirurgien orthopédique pour le seul motif que le médecin s’était rallié, sur un point non essentiel de l’expertise (les effets d’une contusion sur la capacité de travail de l’assurée), à l’appréciation de son confrère, alors que la question déterminante – au regard de l’art. 16 LPGA – de la capacité de travail de l’assurée dans son activité habituelle d’aide-soignante restait sans réponse.

 

Le TF admet partiellement les recours de l’assurée et de l’office AI, annulant le jugement cantonal et renvoyant la cause au tribunal cantonal pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

 

 

Arrêt 9C_453/2017+9C_454/2017 consultable ici

 

 

8C_796/2016 (f) du 14.06.2017 – Causalité naturelle – Algodystrophie (CRPS / SDRC) – 6 LAA / Rapports des médecins employés de l’assurance – Principe de l’égalité des armes – 6 par. 1 CEDH

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_796/2016 (f) du 14.06.2017

 

Consultable ici : http://bit.ly/2ugAJsi

 

Causalité naturelle – Algodystrophie (CRPS / SDRC) / 6 LAA

Rapports des médecins employés de l’assurance – Principe de l’égalité des armes / 6 par. 1 CEDH

 

Assuré qui, le 04.02.2014, est tombé d’une échelle d’une hauteur d’environ 4 mètres, entraînant une fracture multi-fragmentaire du calcanéum droit. Un traitement conservateur a été instauré. Dans un rapport du 08.01.2015, le médecin-chef à la Clinique de rhumatologie, médecine physique et rééducation de l’Hôpital E.__, a diagnostiqué un syndrome douloureux régional complexe CRPS (ou SDRC) de type I secondaire à une fracture du calcanéum en février 2014, ainsi qu’une carence en vitamine D.

L’assurance-accidents a mis un terme à ses prestations avec effet au 01.03.2015 car l’un des critères cumulatifs retenus par la jurisprudence pour admettre l’existence d’un lien de causalité entre l’accident et l’algodystrophie devait être nié.

L’assuré s’est opposé à cette décision, alléguant que l’algodystrophie était présente déjà dans les huit premières semaines qui avaient suivi l’accident. L’assureur-accidents a admis partiellement l’opposition et accordé à l’assuré une indemnité pour atteinte à l’intégrité de 15% et a rejeté l’opposition pour le surplus.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 24.10.2016, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Causalité naturelle

L’art. 6 al. 1 LAA prévoit que les prestations de l’assurance-accidents obligatoire sont allouées en cas d’accident professionnel, d’accident non professionnel et de maladie professionnelle. Le droit aux prestations suppose notamment entre l’événement dommageable de caractère accidentel et l’atteinte à la santé un lien de causalité naturelle. Cette condition est réalisée lorsqu’il y a lieu d’admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout ou qu’il ne serait pas survenu de la même manière. Il n’est pas nécessaire que l’accident soit la cause unique ou immédiate de l’atteinte à la santé: il suffit qu’associé éventuellement à d’autres facteurs, il ait provoqué l’atteinte à la santé, c’est-à-dire qu’il apparaisse comme la condition sine qua non de cette atteinte. Savoir si l’événement assuré et l’atteinte en question sont liés par un rapport de causalité naturelle est une question de fait que l’administration ou, le cas échéant, le juge, examine en se fondant essentiellement sur des renseignements d’ordre médical, et qui doit être tranchée à la lumière de la règle du degré de vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à l’appréciation des preuves dans l’assurance sociale (ATF 142 V 435 consid. 1 p. 438 et les références).

Pour admettre l’existence d’un rapport de causalité entre un accident et une algodystrophie, la jurisprudence impose, notamment, une courte période de latence entre l’apparition de l’algodystrophie et l’événement accidentel ou une opération nécessitée par celui-ci (soit au maximum six à huit semaines; arrêts 8C_763/2015 du 11 juillet 2016 consid. 5.3, 8C_807/2014 du 22 décembre 2015 consid. 5.3 et les références).

 

Principe de l’égalité des armes – Rapports des médecins employés de l’assurance

L’art. 6 par. 1 CEDH ne contient pas de règles concernant les moyens de preuve admissibles en procédure judiciaire et sur la manière de les apprécier. Ainsi, le refus d’un tribunal de donner suite à une demande d’expertise judiciaire déposée par une des parties, ne contrevient pas à l’art. 6 par. 1 CEDH, lorsque le procès peut encore être qualifié d’équitable.

Selon l’art. 6 par. 1 CEDH, le principe de l’égalité des armes fait partie des droits à un procès équitable. Ce principe n’est pas uniquement destiné à sauvegarder l’égalité formelle des parties dans la procédure judiciaire mais doit en plus garantir une égalité des chances pour les parties de pouvoir faire valoir leurs moyens devant le tribunal. Toutefois, l’art. 6 par. 1 CEDH n’oblige pas les pays signataires de la Convention à prévoir une complète égalité des armes entre les parties. La Convention exige cependant qu’un assuré ne soit pas mis dans une situation procédurale dans laquelle il n’a aucune chance raisonnable de soumettre son affaire au tribunal sans être clairement défavorisé par rapport aux autres parties à la procédure. En regard de ces règles, il est en principe admissible qu’un tribunal se fonde sur les preuves obtenues de manière correcte par l’assureur et renonce ainsi à sa propre procédure probatoire.

La jurisprudence (ATF 125 V 351 consid. 3b/ee p. 354) a posé le principe que le seul fait que les médecins de l’assurance sont employés de celle-ci ne permet pas de conclure à l’existence d’une prévention et d’un manque d’objectivité. Si un cas d’assurance est jugé sans rapport d’un médecin externe à l’assurance, l’appréciation des preuves doit être soumise à des exigences strictes. L’existence d’un doute même minime sur la fiabilité et la validité des constatations du médecin de l’assurance, doit conduire le tribunal à demander des éclaircissements (ATF 122 V 157 consid. 1d p. 162).

En application du principe de l’égalité des armes, l’assuré a le droit de présenter ses propres moyens de preuve pour mettre en doute la fiabilité et la validité des constatations du médecin de l’assurance. Il s’agit souvent de rapports émanant du médecin traitant ou d’un autre médecin mandaté par l’assuré. Ces avis n’ont pas valeur d’expertise et, d’expérience, en raison de la relation de confiance liant le patient à son médecin, celui-ci va plutôt pencher, en cas de doute, en faveur de son patient. Ces constats ne libèrent cependant pas le tribunal de procéder à une appréciation complète des preuves et de prendre en considération les rapports produits par l’assuré, afin de voir s’ils sont de nature à éveiller des doutes sur la fiabilité et la validité des constatations du médecin de l’assurance.

Il résulte de ce qui précède que les rapports des médecins employés de l’assurance sont à prendre en considération tant qu’il n’existe aucun doute, même minime, sur l’exactitude de leurs conclusions (ATF 135 V 465 consid. 4.7 p. 471).

 

Dans le cas d’espèce, un examen des avis du médecin-traitant de l’assuré et du médecin-conseil de l’assurance-accidents ne permet pas, en l’état, d’admettre ou de nier l’existence d’un lien de causalité naturelle entre l’accident et l’apparition d’un CRPS, au degré de la vraisemblance prépondérante. En effet, le médecin-traitant a exprimé l’avis suivant: « Je pense cependant que le diagnostic a été posé tardivement mais que son Sudeck a effectivement été présent bien avant les 8 semaines post-accident ». De son côté, le médecin-conseil n’a pas catégoriquement exclu cette éventualité en indiquant: « (Rétrospectivement), on ne peut que suspecter qu’il était peut-être déjà présent, mais on ne peut pas le confirmer avec exactitude ».

Dans ces conditions, il subsiste un doute à tout le moins léger quant à la pertinence de l’avis du médecin de l’assurance. Conformément à la jurisprudence, cela justifie de renvoyer la cause aux premiers juges pour qu’ils ordonnent une expertise médicale afin de départager les opinions des deux médecins. A cet égard, il est vrai que le médecin-conseil a indiqué qu’une expertise destinée à dater rétrospectivement le début de ce syndrome pourrait poser problème. Toutefois, il appartiendra à l’expert de trancher la question de la possibilité de rendre un tel avis.

 

Le TF admet le recours de l’assuré, annule le jugement cantonal et renvoie la cause à l’instance précédente.

 

 

Arrêt 8C_796/2016 consultable ici : http://bit.ly/2ugAJsi

 

 

9C_10/2017 (f) du 27.03.2017 – Valeur probante de l’avis du SMR – 59 al. 2bis LAI – 49 al. 1 RAI

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_10/2017 (f) du 27.03.2017

 

Consultable ici : http://bit.ly/2sXXPmr

 

Valeur probante de l’avis du SMR / 59 al. 2bis LAI – 49 al. 1 RAI

 

Assurée, conseillère en assurances indépendante, requérant le 24.01.2013 des prestations de l’assurance-invalidité en raison des suites d’un accident de la circulation routière survenu le 16.08.2009.

Après avoir examiné les informations médicales reçues, le médecin du Service médical régional de l’office AI (SMR), spécialiste en médecine interne générale, a retenu que l’activité habituelle était entièrement exigible. Un second médecin du SMR, également spécialiste en médecine interne générale, a de même conclu que les diagnostics évoqués par les médecins traitants étaient sans répercussion sur la capacité de travail; une incapacité de travail pouvait seulement être retenue entre août 2009 et, au maximum, juillet 2010.

L’office AI a rejeté la demande.

 

Procédure cantonale

Après avoir passé en revue l’avis des différents médecins s’étant prononcés sur l’état de santé de l’assurée, le tribunal cantonal a considéré que les conclusions du second médecin du SMR, consistantes et clairement étayées, démontraient de manière convaincante que l’assurée disposait d’une capacité de travail entière dans son activité habituelle, sous réserve des périodes qui avaient immédiatement suivi les interventions chirurgicales subies en 2009 et 2012.

Par jugement du 11.11.2016, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Comme l’a relevé la juridiction cantonale, lorsque le second médecin du SMR s’est prononcé sur dossier en mai, juin 2014 et janvier 2016, elle a fourni un avis au sens de l’art. 59 al. 2bis LAI, en corrélation avec l’art. 49 al. 1 RAI. Dès lors qu’elle n’avait pas examiné l’assurée, son rapport ne contient aucune observation clinique. De tels rapports, qui se distinguent des expertises ou des examens médicaux auxquels le SMR peut également procéder (art. 49 al. 2 LAI), ont seulement pour fonction d’opérer la synthèse des renseignements médicaux recueillis, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical (ATF 142 V 58 consid. 5.1 p. 66; arrêt 8C_756/2008 du 4 juin 2009 consid. 4.4 in SVR 2009 IV n° 50 p. 153). Ces rapports ne sont certes pas dénués de toute valeur probante et il est admissible que l’office AI, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 135 V 465 consid. 4.6 p. 471; arrêt 9C_335/2015 du 1 er septembre 2015 consid. 3.2 et les références citées).

Si les rapports du SMR permettent de susciter des doutes quant à la validité des conclusions des médecins traitants et des experts, ils ne suffisent pas à les écarter, ni à déterminer de manière définitive l’état de santé de l’assurée. On relève en particulier que l’avis du SMR provient d’une spécialiste en médecine générale, qui n’a pas examiné elle-même l’assurée, et qu’un spécialiste en chirurgie orthopédique du SMR ne s’est pas non plus exprimé sur les résultats d’une expertise du 27.10.2015. Or les experts parviennent à des conclusions qui divergent nettement de celles retenues par le second médecin SMR.

Dans ces circonstances, la juridiction cantonale n’était pas en droit d’écarter les conclusions des experts médicaux sur la capacité de travail, qui s’opposaient à l’avis du SMR. A ce stade, les documents médicaux au dossier ne lui permettaient pas de se prononcer sur l’état de santé de l’assurée.

Le TF admet le recours de l’assurée et la cause est renvoyée à l’office AI pour complément d’instruction et nouvelle décision.

 

 

Arrêt 9C_10/2017 consultable ici : http://bit.ly/2sXXPmr

 

 

9C_639/2016 (f) du 06.04.2017 – Evaluation de l’invalidité – Capacité de travail exigible – 16 LPGA / Rapport d’expertise médicale de l’assureur perte de gain maladie pris en compte par l’AI

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_639/2016 (f) du 06.04.2017

 

Consultable ici : http://bit.ly/2qgaocw

 

Evaluation de l’invalidité – Capacité de travail exigible / 16 LPGA

Rapport d’expertise médicale de l’assureur perte de gain maladie pris en compte par l’AI

 

Assurée, titulaire d’un CFC de vendeuse, a travaillé auprès de la Coop du 05.04.1993 au 31.05.2012 (en dernier lieu à temps partiel, à 73%). Elle a subi l’implantation d’une prothèse totale de la hanche à droite le 01.04.2008, puis de multiples contusions consécutives à une chute sur son lieu de travail le 21.04.2009. Elle a déposé une demande de prestations de l’assurance-invalidité, le 18.08.2011. Elle est en arrêt de travail depuis le 23.08.2011.

Divers rapports médicaux ont été demandés par l’office AI. Il a également versé au dossier le rapport du docteur F.__, spécialiste en rhumatologie, rédigé à la demande de l’assurance perte de gain en cas de maladie. L’instruction a encore été complétée par une enquête économique sur le ménage, laquelle a mis en évidence un empêchement de 15,70% dans l’accomplissement des travaux habituels.

Par décision du 12.03.2014, l’office AI a, en application de la méthode mixte de l’évaluation de l’invalidité, nié le droit de l’assurée à une rente. En substance, l’administration a retenu que l’assurée présentait une capacité de travail de 100% dans une activité adaptée dès le 26.04.2012 et un empêchement de 15,70% dans son ménage, soit un degré global d’invalidité de 4,20%, insuffisant pour ouvrir le droit à des prestations d’invalidité.

 

Procédure cantonale (arrêt AI 74/14 – 205/2016 – consultable ici : http://bit.ly/2qRktJ2)

Par jugement du 08.08.2016, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Entre autres griefs, l’assurée conteste la valeur probante du rapport établi par le docteur F.__.

Dans un grief d’ordre formel qu’il convient d’examiner en premier, l’assurée reproche à la juridiction cantonale d’avoir accordé une valeur probante comparable à celle d’une expertise (au sens de l’art. 44 LPGA) aux conclusions du rapport du 26.04.2012. Elle relève que l’assurance perte de gain en cas de maladie ne lui a nullement donné l’occasion de s’exprimer préalablement à la désignation du docteur F.__, qui n’est à son avis pas expert des symptomatologies multiples dont elle souffre, et que ce mandat n’a pas été attribué de manière aléatoire.

Selon le TF, le fait que ce médecin a été mandaté par l’assurance perte de gain en cas de maladie et qu’il est qualifié d’expert par la juridiction cantonale ne change absolument rien au contenu de ses conclusions. Dans le cadre de la procédure de l’assurance-invalidité, le rapport de ce praticien est un document médical comme les autres auquel la juridiction cantonale a conféré une valeur probante prépondérante au terme de son appréciation des preuves. Toutes les critiques formelles soulevées par l’assurée contre les conclusions de ce rapport ne lui sont ainsi d’aucune utilité dans la mesure où l’administration n’a pas elle-même attribué un mandat à ce médecin, ni n’est intervenue dans sa mise en œuvre, par exemple en lui posant des questions complémentaires (ATF 136 V 113 consid. 5.4 p. 116). L’assurée n’expose pour le surplus pas précisément en quoi un spécialiste en rhumatologie ne pouvait pas s’exprimer sur sa capacité de travail.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_639/2016 consultable ici : http://bit.ly/2qgaocw