Archives par mot-clé : Rapports médicaux

8C_796/2016 (f) du 14.06.2017 – Causalité naturelle – Algodystrophie (CRPS / SDRC) – 6 LAA / Rapports des médecins employés de l’assurance – Principe de l’égalité des armes – 6 par. 1 CEDH

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_796/2016 (f) du 14.06.2017

 

Consultable ici : http://bit.ly/2ugAJsi

 

Causalité naturelle – Algodystrophie (CRPS / SDRC) / 6 LAA

Rapports des médecins employés de l’assurance – Principe de l’égalité des armes / 6 par. 1 CEDH

 

Assuré qui, le 04.02.2014, est tombé d’une échelle d’une hauteur d’environ 4 mètres, entraînant une fracture multi-fragmentaire du calcanéum droit. Un traitement conservateur a été instauré. Dans un rapport du 08.01.2015, le médecin-chef à la Clinique de rhumatologie, médecine physique et rééducation de l’Hôpital E.__, a diagnostiqué un syndrome douloureux régional complexe CRPS (ou SDRC) de type I secondaire à une fracture du calcanéum en février 2014, ainsi qu’une carence en vitamine D.

L’assurance-accidents a mis un terme à ses prestations avec effet au 01.03.2015 car l’un des critères cumulatifs retenus par la jurisprudence pour admettre l’existence d’un lien de causalité entre l’accident et l’algodystrophie devait être nié.

L’assuré s’est opposé à cette décision, alléguant que l’algodystrophie était présente déjà dans les huit premières semaines qui avaient suivi l’accident. L’assureur-accidents a admis partiellement l’opposition et accordé à l’assuré une indemnité pour atteinte à l’intégrité de 15% et a rejeté l’opposition pour le surplus.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 24.10.2016, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Causalité naturelle

L’art. 6 al. 1 LAA prévoit que les prestations de l’assurance-accidents obligatoire sont allouées en cas d’accident professionnel, d’accident non professionnel et de maladie professionnelle. Le droit aux prestations suppose notamment entre l’événement dommageable de caractère accidentel et l’atteinte à la santé un lien de causalité naturelle. Cette condition est réalisée lorsqu’il y a lieu d’admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout ou qu’il ne serait pas survenu de la même manière. Il n’est pas nécessaire que l’accident soit la cause unique ou immédiate de l’atteinte à la santé: il suffit qu’associé éventuellement à d’autres facteurs, il ait provoqué l’atteinte à la santé, c’est-à-dire qu’il apparaisse comme la condition sine qua non de cette atteinte. Savoir si l’événement assuré et l’atteinte en question sont liés par un rapport de causalité naturelle est une question de fait que l’administration ou, le cas échéant, le juge, examine en se fondant essentiellement sur des renseignements d’ordre médical, et qui doit être tranchée à la lumière de la règle du degré de vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à l’appréciation des preuves dans l’assurance sociale (ATF 142 V 435 consid. 1 p. 438 et les références).

Pour admettre l’existence d’un rapport de causalité entre un accident et une algodystrophie, la jurisprudence impose, notamment, une courte période de latence entre l’apparition de l’algodystrophie et l’événement accidentel ou une opération nécessitée par celui-ci (soit au maximum six à huit semaines; arrêts 8C_763/2015 du 11 juillet 2016 consid. 5.3, 8C_807/2014 du 22 décembre 2015 consid. 5.3 et les références).

 

Principe de l’égalité des armes – Rapports des médecins employés de l’assurance

L’art. 6 par. 1 CEDH ne contient pas de règles concernant les moyens de preuve admissibles en procédure judiciaire et sur la manière de les apprécier. Ainsi, le refus d’un tribunal de donner suite à une demande d’expertise judiciaire déposée par une des parties, ne contrevient pas à l’art. 6 par. 1 CEDH, lorsque le procès peut encore être qualifié d’équitable.

Selon l’art. 6 par. 1 CEDH, le principe de l’égalité des armes fait partie des droits à un procès équitable. Ce principe n’est pas uniquement destiné à sauvegarder l’égalité formelle des parties dans la procédure judiciaire mais doit en plus garantir une égalité des chances pour les parties de pouvoir faire valoir leurs moyens devant le tribunal. Toutefois, l’art. 6 par. 1 CEDH n’oblige pas les pays signataires de la Convention à prévoir une complète égalité des armes entre les parties. La Convention exige cependant qu’un assuré ne soit pas mis dans une situation procédurale dans laquelle il n’a aucune chance raisonnable de soumettre son affaire au tribunal sans être clairement défavorisé par rapport aux autres parties à la procédure. En regard de ces règles, il est en principe admissible qu’un tribunal se fonde sur les preuves obtenues de manière correcte par l’assureur et renonce ainsi à sa propre procédure probatoire.

La jurisprudence (ATF 125 V 351 consid. 3b/ee p. 354) a posé le principe que le seul fait que les médecins de l’assurance sont employés de celle-ci ne permet pas de conclure à l’existence d’une prévention et d’un manque d’objectivité. Si un cas d’assurance est jugé sans rapport d’un médecin externe à l’assurance, l’appréciation des preuves doit être soumise à des exigences strictes. L’existence d’un doute même minime sur la fiabilité et la validité des constatations du médecin de l’assurance, doit conduire le tribunal à demander des éclaircissements (ATF 122 V 157 consid. 1d p. 162).

En application du principe de l’égalité des armes, l’assuré a le droit de présenter ses propres moyens de preuve pour mettre en doute la fiabilité et la validité des constatations du médecin de l’assurance. Il s’agit souvent de rapports émanant du médecin traitant ou d’un autre médecin mandaté par l’assuré. Ces avis n’ont pas valeur d’expertise et, d’expérience, en raison de la relation de confiance liant le patient à son médecin, celui-ci va plutôt pencher, en cas de doute, en faveur de son patient. Ces constats ne libèrent cependant pas le tribunal de procéder à une appréciation complète des preuves et de prendre en considération les rapports produits par l’assuré, afin de voir s’ils sont de nature à éveiller des doutes sur la fiabilité et la validité des constatations du médecin de l’assurance.

Il résulte de ce qui précède que les rapports des médecins employés de l’assurance sont à prendre en considération tant qu’il n’existe aucun doute, même minime, sur l’exactitude de leurs conclusions (ATF 135 V 465 consid. 4.7 p. 471).

 

Dans le cas d’espèce, un examen des avis du médecin-traitant de l’assuré et du médecin-conseil de l’assurance-accidents ne permet pas, en l’état, d’admettre ou de nier l’existence d’un lien de causalité naturelle entre l’accident et l’apparition d’un CRPS, au degré de la vraisemblance prépondérante. En effet, le médecin-traitant a exprimé l’avis suivant: « Je pense cependant que le diagnostic a été posé tardivement mais que son Sudeck a effectivement été présent bien avant les 8 semaines post-accident ». De son côté, le médecin-conseil n’a pas catégoriquement exclu cette éventualité en indiquant: « (Rétrospectivement), on ne peut que suspecter qu’il était peut-être déjà présent, mais on ne peut pas le confirmer avec exactitude ».

Dans ces conditions, il subsiste un doute à tout le moins léger quant à la pertinence de l’avis du médecin de l’assurance. Conformément à la jurisprudence, cela justifie de renvoyer la cause aux premiers juges pour qu’ils ordonnent une expertise médicale afin de départager les opinions des deux médecins. A cet égard, il est vrai que le médecin-conseil a indiqué qu’une expertise destinée à dater rétrospectivement le début de ce syndrome pourrait poser problème. Toutefois, il appartiendra à l’expert de trancher la question de la possibilité de rendre un tel avis.

 

Le TF admet le recours de l’assuré, annule le jugement cantonal et renvoie la cause à l’instance précédente.

 

 

Arrêt 8C_796/2016 consultable ici : http://bit.ly/2ugAJsi

 

 

9C_10/2017 (f) du 27.03.2017 – Valeur probante de l’avis du SMR – 59 al. 2bis LAI – 49 al. 1 RAI

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_10/2017 (f) du 27.03.2017

 

Consultable ici : http://bit.ly/2sXXPmr

 

Valeur probante de l’avis du SMR / 59 al. 2bis LAI – 49 al. 1 RAI

 

Assurée, conseillère en assurances indépendante, requérant le 24.01.2013 des prestations de l’assurance-invalidité en raison des suites d’un accident de la circulation routière survenu le 16.08.2009.

Après avoir examiné les informations médicales reçues, le médecin du Service médical régional de l’office AI (SMR), spécialiste en médecine interne générale, a retenu que l’activité habituelle était entièrement exigible. Un second médecin du SMR, également spécialiste en médecine interne générale, a de même conclu que les diagnostics évoqués par les médecins traitants étaient sans répercussion sur la capacité de travail; une incapacité de travail pouvait seulement être retenue entre août 2009 et, au maximum, juillet 2010.

L’office AI a rejeté la demande.

 

Procédure cantonale

Après avoir passé en revue l’avis des différents médecins s’étant prononcés sur l’état de santé de l’assurée, le tribunal cantonal a considéré que les conclusions du second médecin du SMR, consistantes et clairement étayées, démontraient de manière convaincante que l’assurée disposait d’une capacité de travail entière dans son activité habituelle, sous réserve des périodes qui avaient immédiatement suivi les interventions chirurgicales subies en 2009 et 2012.

Par jugement du 11.11.2016, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Comme l’a relevé la juridiction cantonale, lorsque le second médecin du SMR s’est prononcé sur dossier en mai, juin 2014 et janvier 2016, elle a fourni un avis au sens de l’art. 59 al. 2bis LAI, en corrélation avec l’art. 49 al. 1 RAI. Dès lors qu’elle n’avait pas examiné l’assurée, son rapport ne contient aucune observation clinique. De tels rapports, qui se distinguent des expertises ou des examens médicaux auxquels le SMR peut également procéder (art. 49 al. 2 LAI), ont seulement pour fonction d’opérer la synthèse des renseignements médicaux recueillis, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical (ATF 142 V 58 consid. 5.1 p. 66; arrêt 8C_756/2008 du 4 juin 2009 consid. 4.4 in SVR 2009 IV n° 50 p. 153). Ces rapports ne sont certes pas dénués de toute valeur probante et il est admissible que l’office AI, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 135 V 465 consid. 4.6 p. 471; arrêt 9C_335/2015 du 1 er septembre 2015 consid. 3.2 et les références citées).

Si les rapports du SMR permettent de susciter des doutes quant à la validité des conclusions des médecins traitants et des experts, ils ne suffisent pas à les écarter, ni à déterminer de manière définitive l’état de santé de l’assurée. On relève en particulier que l’avis du SMR provient d’une spécialiste en médecine générale, qui n’a pas examiné elle-même l’assurée, et qu’un spécialiste en chirurgie orthopédique du SMR ne s’est pas non plus exprimé sur les résultats d’une expertise du 27.10.2015. Or les experts parviennent à des conclusions qui divergent nettement de celles retenues par le second médecin SMR.

Dans ces circonstances, la juridiction cantonale n’était pas en droit d’écarter les conclusions des experts médicaux sur la capacité de travail, qui s’opposaient à l’avis du SMR. A ce stade, les documents médicaux au dossier ne lui permettaient pas de se prononcer sur l’état de santé de l’assurée.

Le TF admet le recours de l’assurée et la cause est renvoyée à l’office AI pour complément d’instruction et nouvelle décision.

 

 

Arrêt 9C_10/2017 consultable ici : http://bit.ly/2sXXPmr

 

 

9C_639/2016 (f) du 06.04.2017 – Evaluation de l’invalidité – Capacité de travail exigible – 16 LPGA / Rapport d’expertise médicale de l’assureur perte de gain maladie pris en compte par l’AI

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_639/2016 (f) du 06.04.2017

 

Consultable ici : http://bit.ly/2qgaocw

 

Evaluation de l’invalidité – Capacité de travail exigible / 16 LPGA

Rapport d’expertise médicale de l’assureur perte de gain maladie pris en compte par l’AI

 

Assurée, titulaire d’un CFC de vendeuse, a travaillé auprès de la Coop du 05.04.1993 au 31.05.2012 (en dernier lieu à temps partiel, à 73%). Elle a subi l’implantation d’une prothèse totale de la hanche à droite le 01.04.2008, puis de multiples contusions consécutives à une chute sur son lieu de travail le 21.04.2009. Elle a déposé une demande de prestations de l’assurance-invalidité, le 18.08.2011. Elle est en arrêt de travail depuis le 23.08.2011.

Divers rapports médicaux ont été demandés par l’office AI. Il a également versé au dossier le rapport du docteur F.__, spécialiste en rhumatologie, rédigé à la demande de l’assurance perte de gain en cas de maladie. L’instruction a encore été complétée par une enquête économique sur le ménage, laquelle a mis en évidence un empêchement de 15,70% dans l’accomplissement des travaux habituels.

Par décision du 12.03.2014, l’office AI a, en application de la méthode mixte de l’évaluation de l’invalidité, nié le droit de l’assurée à une rente. En substance, l’administration a retenu que l’assurée présentait une capacité de travail de 100% dans une activité adaptée dès le 26.04.2012 et un empêchement de 15,70% dans son ménage, soit un degré global d’invalidité de 4,20%, insuffisant pour ouvrir le droit à des prestations d’invalidité.

 

Procédure cantonale (arrêt AI 74/14 – 205/2016 – consultable ici : http://bit.ly/2qRktJ2)

Par jugement du 08.08.2016, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Entre autres griefs, l’assurée conteste la valeur probante du rapport établi par le docteur F.__.

Dans un grief d’ordre formel qu’il convient d’examiner en premier, l’assurée reproche à la juridiction cantonale d’avoir accordé une valeur probante comparable à celle d’une expertise (au sens de l’art. 44 LPGA) aux conclusions du rapport du 26.04.2012. Elle relève que l’assurance perte de gain en cas de maladie ne lui a nullement donné l’occasion de s’exprimer préalablement à la désignation du docteur F.__, qui n’est à son avis pas expert des symptomatologies multiples dont elle souffre, et que ce mandat n’a pas été attribué de manière aléatoire.

Selon le TF, le fait que ce médecin a été mandaté par l’assurance perte de gain en cas de maladie et qu’il est qualifié d’expert par la juridiction cantonale ne change absolument rien au contenu de ses conclusions. Dans le cadre de la procédure de l’assurance-invalidité, le rapport de ce praticien est un document médical comme les autres auquel la juridiction cantonale a conféré une valeur probante prépondérante au terme de son appréciation des preuves. Toutes les critiques formelles soulevées par l’assurée contre les conclusions de ce rapport ne lui sont ainsi d’aucune utilité dans la mesure où l’administration n’a pas elle-même attribué un mandat à ce médecin, ni n’est intervenue dans sa mise en œuvre, par exemple en lui posant des questions complémentaires (ATF 136 V 113 consid. 5.4 p. 116). L’assurée n’expose pour le surplus pas précisément en quoi un spécialiste en rhumatologie ne pouvait pas s’exprimer sur sa capacité de travail.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_639/2016 consultable ici : http://bit.ly/2qgaocw