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5A_907/2021 (f) du 20.04.2022, publié 148 III 232 – Séquestre des avoirs de prévoyance – 92 al. 1 LP – 275 LP – 4 LFLP – 5 LFLP – 16 OLP

Arrêt du Tribunal fédéral 5A_907/2021 (f) du 20.04.2022, publié 148 III 232

 

Arrêt 5A_907/2021 consultable ici, résumé du Bulletin de la prévoyance professionnelle n° 160 du 10.11.2022 disponible ici

ATF 148 III 232 consultable ici

 

Séquestre des avoirs de prévoyance – Condition de l’exigibilité du droit aux prestations / 92 al. 1 LP – 275 LP – 4 LFLP – 5 LFLP – 16 OLP

 

L’avoir de prévoyance ne peut faire l’objet d’un séquestre que si la personne assurée a fait une demande de versement. Ce principe vaut pour les avoirs de prévoyance du 2e pilier, y compris les comptes et polices de libre passage, ainsi que pour les avoir de prévoyance individuelle liée (pilier 3a). Une demande de transfert dans une institution de libre passage ne suffit pas pour rendre séquestrable l’avoir de prévoyance.

Dans cet arrêt, le TF a examiné la question de savoir s’il pouvait y avoir séquestre de la prestation de sortie de l’intimé qui était détenue par son ancienne institution de prévoyance à laquelle il avait cessé d’être affilié facultativement comme indépendant et à qui il avait donné l’ordre de transférer sa prestation de sortie à une institution de libre passage. Selon l’art. 275 de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP), les art. 91 à 109 LP relatifs à la saisie s’appliquent par analogie à l’exécution du séquestre. L’art. 92 LP, al. 1, ch. 10 LP, déclare insaisissables « les droits aux prestations de prévoyance et de libre passage non encore exigibles à l’égard d’une institution de prévoyance professionnelle ».

Le TF a déjà jugé, au sujet du paiement en espèces de la prestation de sortie en cas de libre passage (art. 5 LFLP), que la simple possibilité de demander le paiement ne provoque pas l’exigibilité de la prestation. La demande de paiement en espèces de la prestation de sortie en cas de libre passage est une condition dont dépend l’exigibilité du droit au paiement. Aussi longtemps qu’une telle demande n’est pas déposée, la prestation de libre passage doit rester affectée au maintien de la prévoyance et ne peut donc être ni saisie, ni séquestrée. Le TF a déjà également considéré qu’il n’y a rien d’abusif de se conformer aux règles qui permettent de maintenir l’affectation de la prestation de sortie au but de prévoyance, même lorsque les conditions pour obtenir un versement sont remplies.

En l’espèce, le TF a jugé que la prestation de libre passage n’était pas exigible et donc pas séquestrable, car l’intimé avait demandé à son ancienne institution de prévoyance le transfert de celle-ci sur un compte auprès d’une institution de libre passage afin de maintenir sa prévoyance sur la base de l’art. 4 LFLP.

 

Arrêt 5A_907/2021 consultable ici

ATF 148 III 232 consultable ici

Résumé in Bulletin de la prévoyance professionnelle n° 160 du 10.11.2022 disponible ici

 

9C_374/2021 (f) du 03.05.2022 – Fin des rapports de travail – Convention de résiliation – Indemnité de départ versée postérieurement – Cotisation et fin de l’affiliation à l’institution de prévoyance / 10 al. 2 LPP – 331a CO

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_374/2021 (f) du 03.05.2022

 

Consultable ici

 

Fin des rapports de travail – Convention de résiliation – Indemnité de départ versée postérieurement – Cotisation et fin de l’affiliation à l’institution de prévoyance / 10 al. 2 LPP – 331a CO

 

L’assurée a travaillé pour la B.__ (l’employeur) dès le 01.03.2019. Le 06.02.2020, l’assurée et l’employeur ont signé un acte dans lequel elles convenaient de mettre fin aux rapports de travail de la prénommée avec effet au 29.02.2020, d’entente entre elles et d’un commun accord. L’employée était libérée de son obligation de travailler jusqu’à la fin des rapports de travail, le 29.02.2020. L’employeur s’engageait à payer à l’assurée le 01.04.2020 un montant total de 182’272 fr. brut, dont à déduire les charges sociales et légales usuelles. Ce montant brut correspondait au préavis de congé de six mois (102’528 fr. brut), au 13ème salaire pro rata temporis calculé sur huit mois (11’392 fr. brut) et à une indemnité équivalente à quatre mois du salaire mensuel brut, à bien plaire, par gain de paix, et sans aucune reconnaissance de responsabilité (68’352 fr. brut).

A la demande de l’assurée, l’employeur lui a indiqué le 17.03.2020 que l’indemnité de départ ne sera pas soumise aux cotisations de prévoyance professionnelle, dont le paiement avait pris fin au 29.02.2020.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/477/2021 – consultable ici)

Par demande du 14.08.2020, l’assurée a ouvert action devant la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice contre B.__. Elle a conclu à ce que celle-ci soit condamnée à verser à l’institution de prévoyance (CPEG) la somme de 30’758 fr. 40, plus intérêts à 5% l’an dès le 01.04.2020. Ce montant correspondait selon elle aux cotisations de prévoyance professionnelle (parts employé et employeur) sur la somme de 113’920 fr. (102’528 fr. + 11’392 fr.).

La juridiction cantonale a retenu qu’il résultait sans aucun doute possible de la convention du 06.02.2020 que le contrat de travail de l’assurée avait pris fin le 29.02.2020. Au vu de la doctrine et de la jurisprudence, notamment de l’arrêt B 55/99 du 8 novembre 2001, l’affiliation de l’intéressée à l’institution de prévoyance avait donc pris fin ce jour-là. Les sommes qui lui ont été versées le 01.04.2020 et qui concernaient une période postérieure à la validité du contrat n’étaient dès lors pas soumises aux cotisations LPP. Les juges cantonaux ont rappelé que l’indemnité de départ ne fait pour le surplus pas partie des éléments de salaire soumis à cotisations.

Par jugement du 19.05.2021, rejet de la demande par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3
L’assurance obligatoire LPP commence en même temps que les rapports de travail et cesse, entre autres éventualités, à leur dissolution (art. 10 al. 2 let. b LPP et 331a CO; ATF 120 V 20 consid. 2a). En matière de prévoyance plus étendue, la dissolution des rapports de travail est également un motif qui met fin à l’assurance (ATF 121 V 277 consid. 2b et la référence). En l’occurrence, l’art. 14 al. 3 de la loi genevoise du 14 septembre 2012 instituant la Caisse de prévoyance de l’État de Genève (LCPEG/GE; rs/GE B 5 22) reprend ce principe. Le moment de la dissolution des rapports de travail est celui où, juridiquement, les rapports de travail ont pris fin, conformément aux règles des art. 334 ss CO, c’est-à-dire en principe à l’expiration du délai légal ou contractuel de congé. Peu importe la date à laquelle le travailleur, effectivement, a quitté l’entreprise (ATF 121 V 277 consid. 2b et les références).

Consid. 5.1
Selon l’art. 341 al. 1 CO, le travailleur ne peut pas renoncer, pendant la durée du contrat et durant le mois qui suit la fin de celui-ci, aux créances résultant de dispositions impératives de la loi ou d’une convention collective. Cette règle prend en considération que le travailleur se trouve dans une situation de dépendance aiguë et que celle-ci peut l’entraîner à accepter une réduction de ses prétentions, en particulier s’il redoute de perdre son emploi. Elle n’introduit pas un simple délai de réflexion; elle s’applique pendant toute la durée du contrat et encore pendant un mois au-delà. Les remises de dette et les renonciations unilatérales sont seules privées de validité, à l’exclusion de celles que l’employeur obtient moyennant une contrepartie adéquate lors d’une transaction. La validité d’une transaction entre les parties est subordonnée à une équivalence appropriée de leurs concessions réciproques (ATF 136 III 467 consid. 4.5 et les références; cf. aussi 144 III 235 consid. 2.2.1). L’art. 341 al. 1 CO est de droit relativement impératif, en ce sens qu’il est impossible d’y déroger au détriment de l’employé (art. 362 al. 1 CO).

Consid. 5.2
L’art. 341 al. 1 CO n’interdit pas aux parties de mettre fin en tout temps le contrat de travail d’un commun accord pour une date précise, pour autant qu’elles ne cherchent pas à détourner par ce biais une disposition impérative de la loi (ATF 119 II 449 consid. 2a; arrêt 4A_364/2016 du 31 octobre 2016 consid. 3.1). Une convention de résiliation vise à empêcher la naissance de nouvelles prétentions; elle exclut la protection des art. 336 ss CO (arrêt 4A_13/2018 et 4A_17/2018 du 23 octobre 2018 consid. 4.1.3 et 4.2.1).

 

Consid. 5.3
En l’espèce, la convention du 06.02.2020 exprime sans équivoque la volonté des parties de mettre fin au contrat de travail de l’assurée avec effet au 29.02.2020. Le rapport de prévoyance a donc pris fin en même temps que la dissolution des rapports de travail, conformément à l’art. 10 al. 2 let. b LPP (respectivement l’art. 14 al. 3 LCPEG/GE en ce qui concerne la prévoyance plus étendue). Il est par ailleurs exclu de prolonger la durée du rapport de prévoyance pour le simple fait que l’assurée a perçu, après la fin de son contrat de travail, des indemnités conventionnelles. A cet égard, le Tribunal fédéral a jugé notamment que le paiement d’indemnités de vacances non prises après la fin du contrat de travail ne prolonge pas le rapport de prévoyance (ATF 120 V 15 consid. 2). De même, le devoir de l’employeur de verser le salaire en cas de maladie ou la poursuite du versement du salaire par le biais d’une assurance ne prolongent pas les rapports de prévoyance (arrêt 9C_663/2008 du 19 décembre 2008 consid. 3).

C’est en vain ensuite que l’assurée fait référence aux critiques de la doctrine concernant l’arrêt B 55/99 du 8 novembre 2001, rés. in PJA 2002 583, selon lequel l’indemnité en cas de congé immédiat injustifié au sens de l’art. 337c CO n’est pas soumise aux cotisations LPP. A ce sujet, une partie de la doctrine préconise d’admettre une prolongation du rapport de prévoyance jusqu’à l’échéance ordinaire du contrat de travail en cas de congé immédiat injustifié (pour un aperçu de ces critiques, voir arrêt 4A_458/2018 du 29 janvier 2020 consid. 6.2.1; BRECHBÜHL/GECKELER HUNZIKER, Commentaire LPP et LFLP, 2e éd. 2020, n° 19 ad art. 10 LPP). En l’occurrence, à l’inverse de la situation d’une personne faisant l’objet d’un congé immédiat injustifié, l’assurée a librement convenu avec son employeur de la date de la dissolution de ses rapports de travail et de l’équivalence appropriée des concessions réciproques. La convention du 06.02.2020 exclut par conséquent l’application des art. 336 ss CO. Il n’y a dès lors pas lieu d’examiner les critiques de la doctrine concernant une situation différente de celle ici en cause.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 9C_374/2021 consultable ici

 

Prévoyance professionnelle : adaptation des rentes de survivants et d’invalidité à l’évolution des prix au 01.01.2023

Prévoyance professionnelle : adaptation des rentes de survivants et d’invalidité à l’évolution des prix au 01.01.2023

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 20.10.2022 consultable ici

 

Au 01.01.2023, les rentes de survivants et d’invalidité de la prévoyance professionnelle obligatoire seront adaptées à l’évolution des prix, certaines pour la première fois, d’autres de manière subséquente.

 

Les rentes de survivants et d’invalidité du régime obligatoire de la prévoyance professionnelle doivent être adaptées périodiquement jusqu’à l’âge ordinaire de la retraite en cas d’augmentation de l’indice des prix à la consommation. Ces rentes de la LPP doivent être adaptées pour la première fois après trois ans, puis en même temps que les rentes de l’AVS, en règle générale tous les deux ans.

 

Rentes adaptées pour la première fois

Le taux d’adaptation des rentes ayant pris naissance en 2019 sera de 3,4%. Il est calculé sur la base des indices des prix à la consommation de septembre 2019 (101,1522 selon base décembre 2020 = 100) et de septembre 2022 (104,5831 selon base décembre 2020 = 100).

Au vu du niveau du renchérissement actuel, il y a également lieu d’examiner si certaines rentes de survivants et d’invalidité qui n’ont encore jamais été adaptées (celles ayant pris naissance en 2008 et 2011) doivent être adaptées à l’évolution des prix au 01.01.2023. La comparaison de l’indice de septembre 2022 avec l’indice correspondant de l’année de naissance des rentes donne les taux d’adaptation suivants :

  • Pour les rentes nées en 2008, le taux d’adaptation sera de 2,8%
  • Pour les rentes nées en 2011, le taux d’adaptation sera de 3,0%

 

Adaptations subséquentes en raison de l’augmentation des rentes AVS

Les rentes de l’AVS étant adaptées en 2023, chaque génération de rentes de survivants et d’invalidité de la prévoyance professionnelle obligatoire doit être examinée pour savoir à quel taux se monte leur adaptation subséquente au 01.01.2023. Le taux d’adaptation est calculé par la comparaison de l’indice de septembre 2022 avec l’indice correspondant de la dernière adaptation des rentes. Toutes les rentes de survivants et d’invalidité de la prévoyance professionnelle obligatoire seront adaptées, les taux d’adaptation peuvent être lus dans le tableau en annexe (sous « Documents »).

 

Rentes du régime surobligatoire

Les rentes pour lesquelles la LPP ne prévoit pas de compensation périodique du renchérissement sont adaptées par les institutions de prévoyance dans les limites de leurs possibilités financières. L’organe suprême de l’institution de prévoyance décide chaque année si et dans quelle mesure les rentes doivent être adaptées (cf. art. 36 al. 2 LPP). Les décisions sont commentées dans les comptes annuels ou dans le rapport annuel de l’institution de prévoyance.

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 20.10.2022 consultable ici

Tableau des taux d’adaptation du 20.10.2022 disponible ici

 

 

8C_487/2021 (f) du 05.05.2022 – LPP – L’admission du recours par la partie intimée ne dispensent pas le Tribunal fédéral d’examiner la cause au fond – 32 LTF / Maxime d’office – 43 al. 1 LPGA – 61 let. c LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_487/2021 (f) du 05.05.2022

 

Consultable ici

 

Rente d’invalidité LPP – Erreur manifeste du tribunal cantonal dans calcul avoir vieillesse

L’admission du recours par la partie intimée ne dispensent pas le Tribunal fédéral d’examiner la cause au fond – 32 LTF / Maxime d’office – 43 al. 1 LPGA – 61 let. c LPGA

Frais judiciaires et dépens – 66 LTF – 68 LTF

 

Assurée, née en 1976, a travaillé du 01.02.2007 au 31.03.2012 en qualité de secrétaire trilingue et était affiliée pour la prévoyance professionnelle auprès de la A.__ (l’institution de prévoyance).

Le 24.02.2014, l’assurée a présenté une demande de prestations de l’assurance-invalidité. Elle été mise au bénéfice d’une rente entière d’invalidité dès le 01.08.2014 conformément à l’arrêt rendu le 09.03.2017 par le tribunal cantonal dans la cause l’opposant à l’office AI.

Saisie le 31.05.2017 d’une demande de rente de la prévoyance professionnelle, l’institution de prévoyance a informé l’assurée qu’elle estimait ne pas être tenue de lui allouer des prestations. Le 14.03.2018, l’assurée a ouvert action contre l’institution de prévoyance en concluant à l’octroi d’une rente entière d’invalidité d’au moins 41’184 fr. par an dès le 01.04.2012 avec intérêts moratoires à 5% l’an dès le 01.06.2017.

Par arrêt du 29.07.2019 (arrêt PP 4/18 – 25/2019), la cour cantonale a admis la demande, a constaté que l’assurée avait droit à une rente entière d’invalidité de la prévoyance professionnelle à compter du 01.04.2012 et a invité l’institution de prévoyance à fixer le montant des prestations à servir conformément aux considérants.

A la suite de cet arrêt, l’institution de prévoyance a alloué à l’assurée une rente d’invalidité d’un montant mensuel de 2’998 fr. 80. Cette dernière a manifesté son désaccord avec ce montant, invoquant le droit à une rente d’invalidité annuelle de 41’184 fr., soit une rente de 3’432 fr. par mois. L’institution de prévoyance a maintenu sa position, expliquant que l’incapacité de travail invalidante remontait au 27.08.2009, de sorte que le calcul de la rente était effectué sur la base du gain assuré selon le certificat personnel au 01.01.2009 (61’444 fr. 65) et non sur celui au 01.01.2012 (70’595 fr.).

 

Procédure cantonale (arrêt PP 5/20 – 16/2021 – consultable ici)

Le 05.03.2020, l’assurée a déposé à titre principal une demande d’interprétation du dispositif de l’arrêt rendu le 29.07.2019 par la cour cantonale, en concluant à ce que son droit à la rente d’invalidité dès le 01.04.2012 se calcule d’après son gain assuré figurant sur le dernier certificat de prévoyance au 01.01.2012. Subsidiairement, elle a formé une demande en constatation de droit tendant à ce que la rente annuelle entière d’invalidité qui lui est due par l’institution de prévoyance avec intérêts s’élève à au moins 41’184 fr.

Par arrêt du 12.05.2021, la cour cantonale a déclaré irrecevable la demande d’interprétation (chiffre I) et a admis la demande en constatation de droit (chiffre II) en ce sens que l’assurée a droit à compter du 01.04.2012 à une rente annuelle d’invalidité de 46’005 fr. 15 avec intérêts à 5% dès le 14.03.2018 (chiffre III).

 

TF

Consid. 3.1
Compte tenu des motifs et conclusions du recours, le litige en instance fédérale ne porte plus que sur un seul aspect du calcul opéré par la cour cantonale pour fixer le montant de la rente annuelle d’invalidité due par l’institution de prévoyance à l’assurée dès le 01.04.2012.

Alors que les juges cantonaux ont retenu, au titre de l’avoir de vieillesse déterminant pour calculer cette rente, un montant de 704’519 fr. 93, l’institution de prévoyance soutient que ce montant doit être établi à 630’672 fr. 90, ce qui donne, après application du taux de conversion de 6,53% selon l’annexe 3 RPEC [Règlement de prévoyance pour les personnes employées et les bénéficiaires de rente de la Caisse de prévoyance de la Confédération; RS 172.220.141.1], une rente annuelle d’invalidité de 41’182 fr. 95 et non pas de 46’005 fr. 15 comme fixé dans le dispositif de l’arrêt entrepris. Plus particulièrement, l’institution de prévoyance s’en prend à la manière dont la cour cantonale a déterminé, dans le cas d’espèce, la somme des bonifications de vieillesse depuis la naissance du droit à la prestation d’invalidité jusqu’à l’âge de 65 ans selon l’art. 24 RPEC, somme qui, avec l’avoir de vieillesse selon l’art. 36 RPEC que la personne assurée a accumulé jusqu’à la naissance du droit à la prestation d’invalidité, compose l’avoir de vieillesse déterminant servant au calcul de la rente (voir l’art. 57 al. 1 let. a et b RPEC).

Consid. 3.2
L’assurée ayant conclu à l’admission du recours sur ce point, il convient de déterminer ce que cela implique pour l’examen de la cause par la Cour de céans.

En droit privé, lorsque la cause est soumise à la maxime de disposition, l’acquiescement devant un tribunal est considéré comme un acte de procédure unilatéral par lequel la partie intimée reconnaît le bien-fondé de la prétention de la partie recourante et admet les conclusions de celle-ci (cf. arrêt 5A_667/2018 du 2 avril 2019 consid. 3.2, publié in SJ 2019 I 344). En droit des assurances sociales, dans lequel prévaut la maxime d’office (cf. art. 43 al. 1 et art. 61 let. c LPGA), l’acquiescement de la partie intimée ne permet pas au Tribunal fédéral de rayer la cause du rôle conformément à l’art. 32 al. 2 LTF; en d’autres termes, des conclusions de la partie intimée tendant à l’admission du recours ne dispensent pas le Tribunal fédéral d’examiner la cause au fond, en vérifiant que la situation résultant de l’admission du recours soit conforme au droit fédéral et en rendant une décision sur le fond (FLORENCE AUBRY GIRARDIN, in: Commentaire de la LTF, 2e éd. 2014, n° 23a ad art. 32 LTF; arrêts 8C_331/2020 du 4 mars 2021 consid. 2.1; 9C_149/2017 du 10 octobre 2017 consid. 1; 2C_299/2009 du 28 juin 2010 in RDAF 2010 II 494, consid. 1.3.4).

Il convient dès lors d’examiner si, comme le soutient l’institution de prévoyance, la cour cantonale a violé les dispositions pertinentes du RPEC en établissant le montant de la rente annuelle d’invalidité à 46’005 fr. 15 sur la base d’un avoir de vieillesse déterminant de 704’519 fr. 93.

Consid. 4.1
Invoquant un établissement inexact des faits (art. 97 al. 1 et art. 105 al. 2 LTF), l’institution de prévoyance reproche à la cour cantonale d’avoir pris en compte à double la même prestation de libre passage de l’assurée dans l’avoir de vieillesse déterminant pour le calcul de la rente d’invalidité selon l’art. 57 al. 1 let. a et b RPEC. Elle explique que le 09.10.2012, elle avait transféré, en raison de la sortie de l’assurée de sa caisse, un montant de 46’381 fr. 40 (sic) sur un compte auprès de la Fondation institution supplétive LPP et que ce montant lui avait été reversé par cette dernière le 16.10.2019, majoré des intérêts courus depuis le versement jusqu’à la date de remboursement (48’279 fr. 19), après qu’elle avait été condamnée à verser une rente d’invalidité à l’assurée par arrêt du 29.07.2019. Ces faits ressortaient clairement de ses écritures ainsi que des documents qu’elle avait versés en procédure cantonale, et auraient dû être constatés par la cour cantonale conformément à son obligation d’établir les faits d’office (art. 73 al. 2 LPP). La prise en compte, par l’instance cantonale, à la fois du montant de 46’381 fr. 40 et du versement de 48’279 fr. 19 conduisait à un calcul de rente erroné en violation des dispositions règlementaires.

Consid. 4.2
En l’occurrence, on doit donner raison à l’institution de prévoyance. Après avoir pris en considération d’une manière correcte la prestation de sortie de l’assurée, à sa valeur au 31.03.2012 (soit 46’381 fr. 40), au titre de l’avoir de vieillesse accumulée par celle-ci au moment de la naissance du droit à la prestation d’invalidité (cf. art. 57 al. 1 let. a RPEC), la cour cantonale a également porté en compte, dans le calcul de la somme des bonifications de vieillesse futures de l’assurée (cf. art. 57 al. 1 let. b RPEC), le montant de 48’279 fr. 19 correspondant au versement effectué par la Fondation institution supplétive LPP à l’institution de prévoyance en date du 16.10.2019 (voir le tableau y relatif figurant à la page 25 de l’arrêt entrepris). Il s’agit là d’une erreur manifeste de la cour cantonale, puisqu’il ressort des pièces produites par-devant elle que le montant de 48’279 fr. 19 constitue la prestation de sortie de l’assurée versée par l’institution de prévoyance en 2012 et restituée à cette dernière en 2019 avec les intérêts courus depuis lors conformément à l’art. 90 RPEC, et non pas une prestation de sortie acquise par l’assurée auprès d’autres institutions de prévoyance et apportée à l’institution de prévoyance. Si l’on fait abstraction du montant précité dans le calcul de la somme des bonifications de vieillesse futures de l’assurée, l’avoir de vieillesse déterminant de celle-ci s’élève à 630’672 fr. 90, comme cela résulte du tableau récapitulatif à la page 18 du recours. Il en découle une rente annuelle d’invalidité de 41’182 fr. 95 (630’672 fr. 90 x 6,53).

Consid. 4.3
Au vu de ce qui précède, le recours doit être admis et l’arrêt attaqué réformé en ce sens que l’assurée a droit, à compter du 01.04.2012, à une rente annuelle d’invalidité de 41’182 fr. 95 avec intérêts à 5% dès le 14.03.2018.

 

Consid. 5
Doit encore être résolue la question des frais et dépens de la présente procédure.

Consid. 5.1
Selon l’art. 66 al. 1 LTF, en règle générale, la partie qui succombe doit payer les frais judiciaires; si les circonstances le justifient, le Tribunal peut les répartir autrement ou renoncer à les mettre à la charge des parties. En ce qui concerne les dépens, le Tribunal fédéral décide si et, le cas échéant, dans quelle mesure les frais de la partie obtenant gain de cause sont supportés par celle qui succombe (art. 68 al. 1 LTF). En règle générale, aucuns dépens ne sont alloués à la Confédération, aux cantons, aux communes ou aux organisations chargées de tâches de droit public lorsqu’ils obtiennent gain de cause dans l’exercice de leurs attributions officielles (art. 68 al. 3 LTF).

Consid. 5.2
En l’espèce, l’institution de prévoyance obtient gain de cause. Elle a dû recourir pour faire corriger une erreur manifeste commise par la cour cantonale dans l’établissement de l’avoir de vieillesse déterminant de l’assurée. Devant le Tribunal fédéral, cette dernière ne s’est pas identifiée à l’arrêt entrepris, mais elle a au contraire acquiescé au recours, mettant en évidence l’erreur qui faussait le calcul de sa rente. On ne saurait donc lui reprocher d’avoir succombé sur ce point devant le Tribunal fédéral (cf. arrêt 4A_595/2011 précité consid. 3), de sorte qu’il sera renoncé à la perception de frais judiciaires pour la procédure fédérale (art. 66 al. 1, deuxième phrase, LTF). Bien qu’obtenant gain de cause, l’institution de prévoyance, en sa qualité d’institution chargée de tâches de droit public, n’a pas droit à des dépens (art. 68 al. 3 LTF; ATF 128 V 124 consid. 5b). Quant à l’assurée, elle saurait ne se voir allouer les dépens qu’elle demande dès lors qu’elle n’obtient pas gain de cause (art. 68 al. 1 LTF).

 

Le TF admet le recours de l’institution de prévoyance.

 

 

Arrêt 8C_487/2021 consultable ici

 

Prévoyance professionnelle : le taux d’intérêt minimal reste à 1%

Prévoyance professionnelle : le taux d’intérêt minimal reste à 1%

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 12.10.2022 consultable ici

 

Le taux d’intérêt minimal appliqué dans la prévoyance professionnelle restera fixé à 1% l’année prochaine. Lors de sa séance du 12 octobre 2022, le Conseil fédéral a été informé qu’il n’était pas nécessaire de revoir le taux cette année. Ce taux détermine l’intérêt minimal auquel doivent être rémunérés les avoirs de vieillesse du régime obligatoire conformément à la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle (LPP).

 

Aux termes de la loi, l’élément déterminant pour la fixation du taux est l’évolution du rendement des obligations de la Confédération ainsi que, en complément, celui des actions, des obligations et de l’immobilier.

Le rendement des obligations de la Confédération a nettement progressé : le taux d’intérêt des obligations de la Confédération à dix ans était de -0,13% à la fin 2021 et de 1,09% à la mi-septembre 2022. Si les actions et l’immobilier ont connu une évolution positive en 2021, l’année en cours a été marquée par des reculs importants. Malgré la situation actuellement difficile sur les marchés, le maintien du taux d’intérêt minimal à 1% se justifie dans l’ensemble. C’est pourquoi le taux n’est pas revu cette année. Le Conseil fédéral est tenu de réévaluer le taux d’intérêt minimal au moins tous les deux ans et procédera à cet examen l’année prochaine.

Le 30 août 2022, la Commission fédérale de la prévoyance professionnelle s’est, elle aussi, prononcée pour un maintien du taux à 1%.

 

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 12.10.2022 consultable ici

 

9C_61/2021 (f) du 01.03.2022 – Personne assurée exerçant différentes activités à temps partiel et obligatoirement affilié à plusieurs institutions de prévoyance / Rente d’invalidité LPP et examen des différents rapports de travail

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_61/2021 (f) du 01.03.2022

 

Consultable ici

Cf. également demande de révision 9F_4/2022, 9F_5/2022

 

Personne assurée exerçant différentes activités à temps partiel et obligatoirement affilié à plusieurs institutions de prévoyance / Rente d’invalidité LPP et examen des différents rapports de travail

Aggravation de l’état de santé et augmentation de l’invalidité à un moment où l’assuré n’est plus affilié à l’IP / 23 LPP

 

Assuré ayant exercé différentes activités professionnelles à temps partiel, notamment pour le compte de l’Ecole-Club B.__ (ci-après: l’Ecole-Club) à compter du 01.02.2012 et de l’institut C.__ Sàrl dès le 01.09.2012. Dans le cadre de ces emplois, il a été affilié depuis le 01.01.2013 pour la prévoyance professionnelle respectivement auprès de la Caisse de pensions Migros (ci-après: la CPM ou la Caisse de pensions) et de la Caisse Inter-Entreprises de Prévoyance Professionnelle (ci-après: la CIEPP). L’assuré a également travaillé en tant qu’avocat collaborateur à 60% auprès d’une étude d’avocats, du 01.02.2013 au 31.07.2013. A ce titre, il a été assuré pour la prévoyance professionnelle auprès d’AXA Fondation LPP Suisse romande, Winterthur (ci-après: AXA), à compter du 01.02.2013.

Depuis le 01.12.2014, l’assuré a bénéficié d’une rente de l’assurance-invalidité (d’abord une demi-rente, puis trois quarts de rente dès le 01.04.2017 et une rente entière à compter du 01.10.2018; décisions de l’office AI des 08.01.2016, 26.06.2018 et 18.01.2019). L’assuré a également perçu une rente entière d’invalidité de la prévoyance professionnelle d’AXA, dès le 01.04.2015 (d’un montant de 42’120 fr. par an), et de la CIEPP, depuis le 01.10.2018 (d’un montant de 34’848 fr. par an).

Entre-temps, le 21.03.2016, la CPM a refusé d’allouer des prestations d’invalidité de la prévoyance professionnelle à l’assuré, au motif que son atteinte à la santé n’influençait pas son activité auprès de l’Ecole-Club. Après que la Caisse de pensions a réitéré son refus de prestations le 04.09.2018, l’assuré a ouvert action, concluant à l’octroi d’une demi-rente d’invalidité du 01.12.2014 au 31.03.2017, puis d’une rente entière à compter du 01.04.2017, et à ce que le revenu assuré déterminant pour le calcul des prestations s’élève à 42’207 fr. 15. Par arrêt du 18.12.2018 (cause A/3049/2018), la juridiction cantonale a pris acte du retrait de la demande en paiement et rayé la cause du rôle. Les 29.01.2019 et 18.02.2019, l’assuré s’est à nouveau adressé à la CPM afin de solliciter le versement d’une rente entière d’invalidité depuis octobre 2018. Le 14.03.2019, la Caisse de pensions a nié toute obligation de prester, en expliquant que l’activité de l’intéressé auprès de l’Ecole-Club était devenue accessoire depuis le 01.01.2015.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/1186/2020 – consultable ici)

Le 18.04.2019, l’assuré a ouvert action contre la Caisse de pensions devant le tribunal cantonal compétent.

La juridiction cantonale a d’abord constaté que A.__ avait été affilié à titre obligatoire auprès de la Caisse de pensions, à tout le moins du 01.01.2013 au 31.12.2014; pour les années suivantes, l’activité exercée auprès de l’Ecole-Club avait été de nature accessoire, de sorte qu’il n’était pas affilié à titre obligatoire, ni facultatif du reste, auprès de la Caisse de pensions à partir du 01.01.2015. Elle a ensuite retenu que l’incapacité de travail dont la cause est à l’origine de l’invalidité ayant fondé le droit de l’assuré à une rente de l’assurance-invalidité était survenue le 01.04.2013. Cette date était déterminante pour l’examen du droit aux prestations de la prévoyance professionnelle, dès lors que l’art. 29 al. 1 et 3 du règlement de prévoyance de la CPM reprenait la définition de l’invalidité de l’assurance-invalidité et qu’il n’était pas insoutenable, pour l’office AI, d’avoir retenu que la cause de l’incapacité de travail (à savoir un début de sclérose en plaques avec les troubles qui l’ont accompagné) était survenue le 01.04.2013. Après avoir admis que la double condition de la connexité matérielle et temporelle était remplie, et compte tenu du fait que l’assuré avait présenté un taux d’invalidité supérieur à 70% depuis le second semestre 2018, les juges cantonaux ont considéré que la CPM était en principe tenue de lui verser une rente entière d’invalidité dès le 01.02.2019, sous réserve d’une surindemnisation. Ils ont ensuite fixé le montant annuel de cette rente à 20’524 fr., en se fondant sur le salaire assuré au 01.01.2014 de 41’602 fr., conformément aux certificats de prévoyance de l’intimé (art. 18 al. 3 OPP 2 en relation avec l’art. 24 LPP). La juridiction de première instance a encore examiné s’il y avait surindemnisation pour l’année 2019, ce qu’elle a nié. Elle a finalement fixé le taux d’intérêt moratoire sur les rentes échues à 5%, faute de disposition réglementaire sur ce point, à partir du 23.04.2019. En conséquence, elle a admis la demande de l’assuré.

 

TF

Consid. 5.2
L’arrêt entrepris expose de manière complète les dispositions légales et les principes jurisprudentiels relatifs notamment à l’assurance obligatoire des salariés (art. 2 et 7 LPP) et aux catégories de salariés non soumises à l’assurance obligatoire (art. 1j OPP 2 en relation avec l’art. 2 al. 4 LPP), au droit à des prestations d’invalidité de la prévoyance professionnelle obligatoire (art. 23 LPP) et à la notion de survenance de l’incapacité de travail, en relation avec la double condition de la connexité matérielle et temporelle nécessaire pour fonder l’obligation de prester d’une institution de prévoyance (ATF 135 V 13 consid. 2.6; 134 V 20 consid. 3.2.1 et 5.3 et les références), ainsi qu’aux conditions dans lesquelles les décisions de l’assurance-invalidité lient l’institution de prévoyance compétente (ATF 144 V 72 consid. 4.1; 138 V 409 consid. 3.1 et les arrêts cités). Il rappelle également les règles applicables à l’obligation de verser des prestations d’invalidité lorsque l’assuré exerce plusieurs activités lucratives à temps partiel et est obligatoirement affilié à plusieurs institutions de prévoyance (ATF 144 V 72 consid. 5.3.4; 136 V 390 consid. 3 et 4; 129 V 132 consid. 4.3.3), ainsi qu’au calcul de ces prestations (art. 24 LPP et 18 OPP 2) et à la possibilité, pour l’institution de prévoyance, de réduire ses prestations afin d’éviter une surindemnisation de l’assuré (art. 34a LPP, art. 24 OPP 2). Il suffit d’y renvoyer.

 

Consid. 7.1
Conformément à l’art. 23 al. 1 LPP, ont droit à des prestations d’invalidité les personnes qui sont invalides à raison de 40% au moins au sens de l’AI, et qui étaient assurées lorsqu’est survenue l’incapacité de travail dont la cause est à l’origine de l’invalidité. Certes, comme le fait valoir l’assuré, la qualité d’assuré doit exister au moment de la survenance de l’incapacité de travail, mais pas nécessairement lors de l’apparition ou de l’aggravation de l’invalidité. Cette interprétation littérale est conforme au sens et au but de l’art. 23 LPP, lequel vise à faire bénéficier de l’assurance le salarié qui, après une maladie d’une certaine durée, devient invalide alors qu’il n’est plus partie à un contrat de travail (ATF 138 V 227 consid. 5.1; 136 V 65 consid. 3.1; 123 V 262 consid. 1a). Cela étant, on rappellera également que lorsqu’un assuré est obligatoirement affilié à plusieurs institutions de prévoyance sur la base de différentes activités à temps partiel et qu’il doit quitter un de ses emplois en raison d’une invalidité, seule la caisse de pensions de l’employeur avec lequel le rapport de travail s’est terminé à cause des empêchements rencontrés doit s’acquitter d’une rente entière d’invalidité, calculée sur le salaire perçu dans l’activité partielle abandonnée, les autres institutions de prévoyance n’ayant en revanche pas l’obligation de verser des prestations (ATF 136 V 390 consid. 3 et 4).

Dans l’ATF 129 V 132 consid. 4.3.3, le Tribunal fédéral a jugé que lorsqu’un assuré devient invalide à 50% et abandonne pour cette raison l’un de ses emplois, conservant l’autre au même taux que précédemment, l’institution de prévoyance de l’employeur restant peut être tenue à prestations en cas d’augmentation ultérieure de l’incapacité de travail pour les mêmes raisons de santé lorsque cette augmentation survient à un moment où l’intéressé est assuré auprès d’elle (et a une incidence sur les rapports de travail avec l’employeur concerné). Il résulte de cet arrêt que l’institution de prévoyance libérée de l’obligation de verser des prestations d’invalidité parce que l’incapacité de travail dont la cause est à l’origine de l’invalidité n’avait pas eu d’incidence sur les rapports de travail concernés, ne peut être tenue de verser des prestations, en cas d’aggravation ultérieure de l’invalidité pour les mêmes raisons de santé, qu’à la condition que la personne soit toujours assurée au moment où l’incapacité de travail alors déterminante – à savoir, l’augmentation de l’incapacité de travail dont la cause est à l’origine de l’aggravation de l’invalidité – est survenue. Par conséquent, en tant que la juridiction cantonale a retenu qu’il importait peu que l’incapacité de travail de l’intimé se fût ou non manifestée de manière défavorable dans le cadre des rapports de travail avec l’Ecole-Club, son raisonnement ne saurait être suivi.

Consid. 7.2
En l’espèce, selon les constatations cantonales, non contestées par les parties, l’assuré a été affilié à titre obligatoire auprès de la Caisse de pensions du 01.01.2013 au 31.12.2014, mais non plus postérieurement à cette date. De plus, l’aggravation de son état de santé, qui trouve sa cause dans la sclérose en plaques ayant occasionné une incapacité de travail en avril 2013, est survenue en 2018, soit à un moment où il n’était plus assuré auprès de la CPM. Dans ces circonstances, une obligation de prester de la CPM ne pourrait être reconnue que si l’incapacité de travail initiale avait eu une incidence sur l’emploi exercé par l’assuré pour le compte de l’Ecole-Club et pour lequel il était assuré auprès de la Caisse de pensions, conformément à l’art. 23 let. a LPP. A cet égard, l’assuré soutient que tel est le cas, puisqu’il aurait présenté une claire diminution de rendement dans l’activité déployée pour l’Ecole-Club, dès le début de sa maladie en avril 2013, à tel point que la CMP aurait, selon lui, été tenue de lui verser une rente d’invalidité de 50% dès la reconnaissance de son droit à une demi-rente d’invalidité de l’assurance-invalidité par décision du 08.01.2016.

L’argumentation de l’assuré ne peut pas être suivie. S’il a certes présenté des incapacités de travail pendant la période d’emploi pour le compte de l’Ecole-Club durant laquelle il était affilié auprès de la Caisse de pensions, celles-ci ont cependant été peu nombreuses, courtes et isolées (à savoir à 100% du 11.02.2013 au 15.02.2013, du 26.03.2013 au 04.04.2013 et du 30.05.2013 au 02.06.2013 et 100% du 09.07.2014 au 20.07.2014 et du 08.08.2014 au 20.08.2014). A cet égard, l’assuré se limite à indiquer que le dossier instruit par la juridiction cantonale démontre une diminution de sa capacité fonctionnelle et de rendement dans l’activité qu’il exerçait pour le compte de l’Ecole-Club, et à déduire de la modification de son contrat de travail avec cet employeur, le 23.11.2016, qu’il n’effectuait désormais plus de tâches d’enseignement, mais uniquement des tâches administratives. Ce faisant, il ne démontre pas qu’il aurait présenté une incapacité de travail durable dans le cadre de son emploi pour l’Ecole-Club dès le début de sa maladie en 2013, soit pendant la période d’affiliation auprès de la CPM. Si le fait qu’une personne réduise son taux d’activité peut, suivant les circonstances, constituer un indice important, en faveur d’une incapacité de travail au sens de l’art. 23 LPP, cette réduction du taux d’occupation doit être due à des raisons de santé et ne suffit pas, à elle seule, pour démontrer une diminution de la capacité de rendement. Cela vaut en particulier lorsqu’il existe des raisons concurrentes, telles que le souhait de disposer de davantage de temps pour certaines autres activités ou pour une formation continue (arrêts 9C_420/2015 du 26 janvier 2016 consid. 4.2.2; 9C_394/2012 du 18 juillet 2012 consid. 3.1.2 et les arrêts cités).

Or en l’espèce, outre qu’il ressort des constatations cantonales, non contestées par l’assuré, que la diminution du taux d’occupation pour l’Ecole-Club s’accompagne notamment d’une augmentation du taux d’occupation pour l’institut C.__, ainsi que du suivi d’une formation (LLM suivi à l’Université D.__ entre août 2013 et le printemps 2014), aucun des médecins consultés n’a fait état d’une incapacité de travail durable dans l’activité exercée pour le compte de l’Ecole-Club en 2013 ou 2014. Dans ce contexte, la juridiction cantonale a retenu que l’incapacité de travail dès avril 2013 avait été attestée « en temps réel » et s’était manifestée de manière défavorable dans le cadre des rapports de travail avec l’étude d’avocats; une constatation semblable en ce qui concerne les rapports de travail avec l’Ecole-Club fait défaut. Par ailleurs, l’assuré a présenté une capacité de travail correspondant en tout cas à la capacité de travail résiduelle de 50% dès le 01.04.2013 (puis de 40% dès janvier 2017) dans une activité adaptée, telle que celle de formateur pour l’Ecole-Club et l’institut C.__, retenue par les organes de l’assurance-invalidité.

Consid. 7.3
En définitive, dès lors que l’assuré n’a pas subi d’incapacité de travail déterminante dans son emploi pour le compte de l’Ecole-Club pendant la durée de son affiliation auprès de la Caisse de pensions au sens de l’art. 23 let. a LPP à la suite de l’atteinte à la santé qui s’est manifestée en 2013, la CPM ne saurait être tenue de prendre en charge l’aggravation de l’invalidité intervenue en 2018, soit à un moment où l’assuré ne lui était plus affilié. Aussi, la juridiction cantonale n’était-elle pas en droit de reconnaître l’obligation de la CPM de verser à l’assuré une rente de la prévoyance professionnelle dès le 01.02.2019, en lien avec l’aggravation de l’invalidité ultérieure. Le recours est bien fondé.

 

Le TF admet le recours de la Caisse de pensions.

 

Arrêt 9C_61/2021 consultable ici

Cf. également demande de révision 9F_4/2022, 9F_5/2022

 

9C_543/2021 (f) du 20.07.2022, destiné à la publication – Droit à la rente d’orphelin de l’institution de prévoyance / Pas d’application par analogie de l’art. 49bis al. 3 RAVS en LPP pour l’élément quantitatif – Buts des prestations différents en AVS et en LPP

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_543/2021 (f) du 20.07.2022, destiné à la publication

 

Consultable ici

 

Droit à la rente d’orphelin de l’institution de prévoyance / 22 LPP

Interprétation par le TF des art. 25 LAVS, 49bis RAVS et 22 al. 3 let. a LPP

But des prestations du 2e (maintien du niveau de vie antérieur) va au-delà de celui des prestations du 1er pilier (couverture des besoins vitaux)

Pas d’application par analogie de l’art. 49bis al. 3 RAVS en LPP pour l’élément quantitatif – Buts des prestations différents en AVS et en LPP

 

A la suite du décès de son époux, en octobre 2011, A.A.__ (ci-après : la veuve) a été mise au bénéfice de prestations pour survivants de la prévoyance professionnelle. La Caisse de pensions lui a alloué une rente de conjoint survivant et une rente d’orpheline pour sa fille cadette B.A.__ (née en janvier 1992 [ci-après : l’orpheline]), à partir du 01.11.2011.

Depuis la rentrée 2011, l’orpheline a suivi une formation en cours d’emplois auprès de la Haute école C.__ (Bachelor of Science HES en Economie d’entreprise). En parallèle, elle a travaillé au sein de l’administration cantonale jurassienne comme collaboratrice à un taux d’occupation de 50%, du 01.09.2011 au 31.08.2015.

En octobre 2014, la Caisse cantonale de compensation, qui allouait une rente de veuve et une rente d’orpheline de l’assurance-vieillesse et survivants (AVS) à la veuve depuis le 01.11.2011, a informé l’institution de prévoyance qu’elle comptait réviser le dossier de la prénommée, au regard de la formation effectuée en emploi par sa fille. Par courrier du 24.02.2015, la Caisse de pensions a indiqué à la veuve qu’elle supprimait le droit à la rente d’orpheline avec effet rétroactif au 31.12.2012. Elle lui a également demandé le remboursement des rentes d’orpheline versées à tort du 01.01.2013 au 30.09.2014 (à hauteur de 19’102 fr. 65), en mentionnant compenser immédiatement les montants réclamés avec la pension de conjoint survivant. Elle a maintenu sa position par lettre du 15.03.2018, une fois terminée la procédure opposant la veuve à la Caisse cantonale de compensation sur la suppression du droit à la rente d’orpheline de l’AVS au 31.12.2012 et la restitution des prestations versées à tort du 01.09.2013 au 30.09.2014 (notamment arrêt 9C_531/2016 du 11.05.2017).

 

Procédure cantonale

Le 22.01.2020, la veuve a introduit une action contre la Caisse de pensions devant le Tribunal cantonal, en concluant à ce que l’institution de prévoyance soit condamnée à lui verser un montant de 27’193 fr., avec intérêts à 5% depuis le 01.01.2016 (échéance moyenne). Statuant le 08.09.2021, le Tribunal cantonal a rejeté l’action.

 

TF

Le litige porte sur le droit de la veuve à un montant de 27’193 fr. correspondant aux sommes qu’elle fait valoir à titre de retenues par la Caisse la Caisse de pensions sur la rente de conjoint survivant (de février 2015 à juillet 2017) et de rente d’orpheline d’octobre 2014 à mai 2016. En d’autres termes, il s’agit d’examiner si la veuve est tenue de restituer à la Caisse de pensions les montants correspondant aux rentes d’orpheline qui auraient été versées à tort à partir du 01.10.2013. Selon la juridiction cantonale, le droit à la rente d’orpheline s’est éteint dès cette date, parce que l’orpheline ne pouvait alors plus être réputée en formation en raison de son activité lucrative parallèle, ce que la veuve conteste.

 

Consid. 2.2
Sous le titre « Début et fin du droit aux prestations » (pour survivants), l’art. 22 al. 1 LPP prévoit que le droit des survivants aux prestations prend naissance au décès de l’assuré, mais au plus tôt quand cesse le droit au plein salaire. Selon l’art. 22 al. 3 let. a LPP, le droit aux prestations pour orphelin s’éteint au décès de l’orphelin ou dès que celui-ci atteint l’âge de 18 ans. Il subsiste, jusqu’à l’âge de 25 ans au plus, tant que l’orphelin fait un apprentissage ou des études.

Dans sa version en vigueur à partir du 01.01.2014, le Règlement de prévoyance de la Caisse de pensions (ci-après: le règlement) reprend la teneur de l’art. 22 al. 3 let. a LPP, à son art. 48 al. 4 et 5. La disposition réglementaire prévoit que la pension d’orphelin est due jusqu’à la fin du mois au cours duquel l’enfant atteint l’âge de 18 ans (art. 48 al. 4); le droit à la pension subsiste jusqu’à la fin du mois au cours duquel l’enfant atteint l’âge de 25 ans tant que l’enfant fait des études ou un apprentissage (art. 48 al. 5, 1er tiret). Modifié par une décision du Conseil d’administration du 09.01.2021, l’art. 48 al. 4 du règlement prévoit désormais que le droit à la pension subsiste jusqu’à la fin du mois au cours duquel l’enfant atteint l’âge de 25 ans tant que l’enfant est en formation au sens des art. 49biset 49ter RAVS, sans exercer d’activité professionnelle à titre principal ou prépondérant. Dans sa teneur déterminante en l’occurrence, en vigueur avant la modification adoptée le 09.01.2021, l’art. 48 al. 5 du règlement n’a pas de portée propre par rapport à l’art. 22 al. 3 let. a LPP.

Consid. 2.3
En ce qui concerne la rente d’orphelin de l’AVS, l’art. 25 al. 4 LAVS prévoit que le droit à une rente d’orphelin prend naissance le premier jour du mois suivant le décès du père ou de la mère. Il s’éteint au 18e anniversaire ou au décès de l’orphelin. En vertu de l’art. 25 al. 5 LAVS, pour les enfants qui accomplissent une formation, le droit à la rente s’étend jusqu’au terme de cette formation, mais au plus jusqu’à l’âge de 25 ans révolus. Le Conseil fédéral peut définir ce que l’on entend par formation.

Conformément à cette délégation de compétence, le Conseil fédéral a édicté l’art. 49bis RAVS, selon lequel un enfant est réputé en formation lorsqu’il suit une formation régulière reconnue de jure ou de facto à laquelle il consacre la majeure partie de son temps et se prépare systématiquement à un diplôme professionnel ou obtient une formation générale qui sert de base en vue de différentes professions (al. 1). Sont également considérées comme formation les solutions transitoires d’occupation telles que les semestres de motivation et les préapprentissages, les séjours au pair et les séjours linguistiques, pour autant qu’ils comprennent une partie de cours (al. 2). L’enfant n’est pas considéré en formation si son revenu d’activité lucrative mensuel moyen est supérieur à la rente de vieillesse complète maximale de l’AVS (al. 3). Autrement dit, lorsqu’un enfant perçoit un revenu d’activité lucrative mensuel moyen supérieur à la rente de vieillesse AVS, il n’a pas droit à la rente d’orphelin de l’AVS, quand bien même il suit une formation remplissant les conditions des al. 1 et 2 de l’art. 49bis RAVS (cf. ATF 142 V 226).

A partir du 01.01.2013, la rente AVS maximale s’élevait à 2340 fr. par mois.

 

Consid. 4
Selon la jurisprudence, la loi s’interprète en premier lieu d’après sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n’est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, il convient de rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit de sa relation avec d’autres dispositions légales (interprétation systématique), du but poursuivi, de l’esprit de la règle, des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l’intérêt protégé (interprétation téléologique), ainsi que de la volonté du législateur telle qu’elle ressort notamment des travaux préparatoires (interprétation historique). Le Tribunal fédéral ne privilégie aucune méthode d’interprétation (ATF 147 V 242 consid. 7.2; 146 V 87 consid. 7.1 et les références).

Consid. 5.1
Dans ses trois versions linguistiques, l’art. 22 al. 3 let. a LPP subordonne le maintien du droit aux prestations pour orphelin après que l’ayant droit a atteint l’âge de 18 ans à la poursuite d’une formation (« tant que l’orphelin fait un apprentissage ou des études », « bis zum Abschluss der Ausbildung », « fintanto che l’orfano è a tirocinio o agli studi »). Si la lettre de la disposition n’est pas identique à celle de l’art. 25 al. 5, 1re phrase, LAVS (« le droit à la rente s’étend jusqu’au terme de cette formation », « bis zu deren Abschluss » [die Ausbildung], « al termine della stessa » [formazione]), le sens en est le même: la fin de la formation (études ou apprentissage) entraîne l’extinction du droit à la rente d’orphelin.

L’art. 22 al. 3 LPP ne définit pas la notion de formation (« Ausbildung ») si ce n’est en indiquant, dans ses versions latines, qu’il s’agit d’effectuer un apprentissage ou des études. Avec ces termes, en tant que synonyme de formation (« Ausbildung »), le législateur a utilisé une notion sujette à interprétation, dans la mesure déjà où il n’apparaît pas d’emblée quel type d’études ou de formation (professionnelle) entre en considération. Le point de savoir quel but les études doivent viser ou si le suivi de cours doit comprendre une durée minimale peut par exemple prêter à discussion.

Consid. 5.2.1
En proposant une disposition sur le début et la fin du droit aux prestations pour survivants de la prévoyance professionnelle accordées aux orphelins (art. 21 al. 3 du projet de loi), le Conseil fédéral a implicitement indiqué suivre la réglementation en vigueur dans l’AVS, en mentionnant s’en écarter sur un seul point non pertinent en l’occurrence (maintien du droit des orphelins invalides pour les deux tiers au moins jusqu’à l’âge de 25 ans; FF 1976 I 117, 200 ch. 521.32). La proposition (devenue finalement l’art. 22 al. 3 LPP) a été adoptée sans discussion dans les deux Conseils du Parlement fédéral (BO CN 1977 1327; BO CE 1980 274 s.).

Consid. 5.2.2
En ce qui concerne la notion de formation dans le domaine de l’AVS à l’époque de l’adoption de l’art. 22 al. 3 LPP et de l’entrée en vigueur de la LPP, le 1er janvier 1985 (RO 1983 797), l’art. 25 al. 2, 2e phrase, LAVS, qui réglait la fin du droit à la rente d’orphelin, faisait référence (dans sa version française) à l’apprentissage et aux études. Selon cette disposition, pour les enfants qui font un apprentissage ou des études, le droit à la rente dure jusqu’à la fin de l’apprentissage ou des études, mais au plus jusqu’à l’âge de 20 ans révolus (FF 1947 I 5, 14; RO 63 843). Alors qu’à l’origine, la commission d’experts avait proposé de servir les rentes d’orphelin jusqu’à l’âge de 18 ans révolus, le Conseil fédéral a prévu d’élever cet âge à 20 ans – lequel a par la suite été fixé à 25 ans (modification de la LAVS du 19 décembre 1963 [6e révision de la LAVS]; RO 1964 277) -, dans sa proposition à l’Assemblée fédérale. Il était d’avis que le principe du droit à la rente jusqu’à 20 ans révolus pour les orphelins qui font un apprentissage ou des études secondaires ou universitaires était nécessaire pour engager à acquérir une formation professionnelle sérieuse (Message du 24 mai 1946 relatif à un projet de loi sur l’assurance-vieillesse et survivants, FF 1946 II 353, 520 ch. III.B.III).

Ce n’est qu’avec la modification de la LAVS du 7 octobre 1994 (10e révision de l’AVS), entrée en vigueur le 1er janvier 1997 (RO 1996 2466), que l’art. 25 LAVS a introduit une délégation de compétence en faveur du Conseil fédéral pour qu’il puisse définir « certains principes ou certaines lignes directrices » sur le sujet de la formation par voie d’ordonnance. La loi indiquait seulement jusque-là que le droit à la rente d’orphelin s’éteint au terme de l’apprentissage ou des études, mais au plus tard au 25e anniversaire de l’ayant droit. Il incombait donc aux tribunaux et à l’administration de définir ce qu’il fallait entendre par apprentissage ou études. Si cette solution présentait l’avantage de permettre à la pratique de s’adapter sans difficulté à l’évolution des conceptions en matière de formation, il paraissait néanmoins judicieux d’accorder une compétence de définition au Conseil fédéral (Message du 5 mars 1990 concernant la dixième révision de l’assurance-vieillesse et survivants, FF 1990 II 1, 93 ch. 51). L’art. 25 al. 3 LAVS a été adopté avec la teneur suivante: « Pour les enfants qui accomplissent une formation, le droit à la rente s’étend jusqu’au terme de cette formation, mais au plus jusqu’à l’âge de 25 ans révolus. Le Conseil fédéral peut définir ce que l’on entend par formation ».

Consid. 5.2.3
Comme le Tribunal fédéral a eu l’occasion de le rappeler dans l’arrêt 9C_915/2015 du 2 juin 2016, publié in ATF 142 V 226 (consid. 3.3), le gouvernement fédéral a fait usage de la compétence en question en introduisant les art. 49bis (Formation) et 49ter (Fin ou interruption de la formation) RAVS avec effet au 1er janvier 2011 (modification du 24 septembre 2010 du RAVS [RO 2010 4573]). Selon l’OFAS (Commentaire des modifications du RAVS au 1er janvier 2011, p. 7 ss), il apparaissait indiqué de fixer des critères de distinction dans les dispositions réglementaires, face à la diversification des filières de formation et à la recrudescence des cas où il semblait légitime de se demander si l’on se trouvait véritablement en présence d’une formation. Cette modification législative avait pour but de permettre l’émergence d’une pratique plus simple et plus uniforme, eu égard notamment aux ambiguïtés observées dans le traitement des interruptions de formation, en particulier pour raisons de service militaire ou de service civil. C’était également l’occasion de reconnaître en tant que formation des semestres de motivations ou des préapprentissages, mais aussi, à l’inverse, de retirer le qualificatif « en formation » aux stagiaires et étudiants qui, au cours de leur stage pratique ou de leurs études, réalisaient un revenu supérieur à la rente de vieillesse complète maximale de l’assurance-vieillesse et survivants. Aucune prestation de sécurité sociale ne devait en effet être versée lorsque l’enfant réalisait un revenu qui lui permettait de subvenir entièrement ou partiellement à ses besoins, ce qui était le cas lorsque l’enfant obtenait un salaire élevé auquel venait s’ajouter une rente d’orphelin ou une rente pour enfant; la limite de revenu correspondait à la rente AVS maximale (commentaire cité, p. 8).

Consid. 5.3
A défaut de disposition légale matérielle sur la notion de formation dans le domaine des assurances sociales, jusqu’à l’entrée en vigueur des art. 49biset 49ter RAVS, c’est la jurisprudence qui s’est chargée de définir ce terme, en posant des principes qui ont été repris par la pratique administrative (cf. Directives de l’OFAS concernant les rentes de l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité fédérale [DR]). La jurisprudence constante a conféré une acception large aux termes d’apprentissage ou d’études, les englobant dans la notion générale de formation professionnelle. Elle a considéré comme formation non seulement le suivi d’une école ou de cours, mais également toute préparation systématique tendant à donner des connaissances professionnelles déterminées (formation professionnelle proprement dite), durant laquelle l’orphelin ne peut prétendre à aucun salaire ou à un salaire sensiblement inférieur – soit inférieur de plus de 25% – à la rémunération initiale de celui qui possède une formation complète dans la branche en cause (ATF 109 V 104 consid. 1a; 108 V 54 consid. 1a; 102 V 208 consid. 1).

S’agissant en particulier de la question de savoir si le fait que l’orphelin titulaire de la rente réalise, durant la formation, un revenu lui permettant de subvenir à ses besoins entraîne l’extinction du droit à la rente d’orphelin de la LAVS, le Tribunal fédéral y a répondu par la négative. Il a souligné que les étudiants et les apprentis qui subvenaient eux-mêmes à leur entretien ne devaient pas être moins bien traités que ceux qui n’avaient pas besoin de gagner leur vie parce qu’ils avaient de la fortune ou étaient entretenus par leurs parents. Même si cette pratique aboutissait à des résultats peu satisfaisants, puisque la rente devait être également versée à des orphelins qui disposaient de revenus élevés permettant de couvrir leurs besoins, il n’en demeurait pas moins que les rentes ordinaires de l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité étaient allouées indépendamment de la situation financière des bénéficiaires. Il incombait au législateur d’adopter une autre réglementation au cas où cela devait être jugé nécessaire pour des motifs de politique sociale (ATF 106 V 147 consid. 3; en dernier lieu, arrêt 9C_674/2008 du 18 juin 2009 consid. 2.2, in SVR 2010 IV n° 1 p. 1, rendu en matière de rente complémentaire pour enfant). Le principe selon lequel la réalisation par l’orphelin d’un revenu permettant de subvenir à son entretien ne fait pas obstacle à l’octroi de la rente a été repris dans la pratique administrative jusqu’au 31.12.2010 (cf. p. ex. ch. 3367 DR, état au 1er janvier 2005 et état au 1er janvier 2010).

Consid. 5.4
Du point de vue systématique, on constate qu’à la différence de l’art. 25 al. 3 LAVS, l’art. 22 al. 3 LPP ne prévoit pas la compétence du Conseil fédéral de définir ce que l’on entend par formation. Il ne comprend pas non plus un renvoi à la notion de formation au sens de la RAVS, comme le fait par exemple l’art. 1 al. 1 de l’ordonnance du 31 octobre 2007 sur les allocations familiales (OAFam), en relation avec l’art. 3 al. 1 let. b LAFam, pour le droit à l’allocation de formation. Selon cette disposition de l’OAFam, ce droit « existe pour les enfants accomplissant une formation au sens des art. 49bis et 49ter du règlement du 31 octobre 1947 sur l’assurance-vieillesse et survivants ».

Or, pour admettre la conformité au droit fédéral de l’art. 49bis al. 3 RAVS (en relation avec une rente complémentaire pour enfants de l’assurance-invalidité [art. 35 al. 1 LAI]), le Tribunal fédéral a mis en évidence, dans l’ATF 142 V 226 déjà cité, que la délégation législative de l’art. 25 al. 5 LAVS accordait un (très) large pouvoir d’appréciation au Conseil fédéral. Reconnaissant que la limite de revenu fixée à l’art. 49bis al. 3 RAVS ne présentait pas de lien direct avec la notion de « formation », il a considéré que la délégation législative devait néanmoins être comprise de façon large et être interprétée à la lumière du but assigné par le législateur à la rente complémentaire pour enfant (de l’AVS). Dès lors qu’un enfant qui réalisait à côté de sa formation un revenu mensuel moyen au cours d’une année civile au moins équivalent à la rente maximale de l’AVS était en mesure de subvenir dans une large mesure, si ce n’est totalement, à ses besoins et n’était plus tributaire du soutien financier de ses parents. De ce fait, le parent bénéficiaire de la rente n’avait plus d’obligation d’entretien à l’égard de son enfant, si bien que la rente complémentaire pour enfant perdait sa justification au regard du droit des assurances sociales (ATF 142 V 226 consid. 7.2.2).

Consid. 5.5
A l’instar de la rente d’orphelin du premier pilier (cf. ATF 134 V 15 consid. 2.3.3), la rente d’orphelin prévue par l’art. 20 al. 1 LPP – dont l’art. 22 LPP détermine le début et la fin – a pour fonction de compenser les difficultés financières liées à la disparition d’un parent. Par définition, elle naît lorsque le père ou la mère est décédé et est due à l’enfant qui en est directement l’ayant droit. Même si le statut familial (enfant du défunt) au moment du décès de la personne assurée ouvre en principe le droit à la rente d’orphelin, l’idée que l’entretien de l’enfant est supprimé en raison du décès, ce que la rente d’orphelin doit venir combler, du moins en partie, joue également un rôle fondamental (MARC HÜRZELER, System und Dogmatik der Hinterlassenensicherung im Sozialversicherungs- und Haftpflichtrecht, Berne 2014, p. 96). Après que l’orphelin a atteint l’âge de 18 ans révolus, l’élément déterminant pour le droit à la rente correspondante ou le maintien de ce droit est la situation de formation concrète dans laquelle il se trouve, qui limite voire même empêche la mise en œuvre de la capacité de subvenir à ses propres besoins (HÜRZELER, op. cit., p. 335).

A la différence de la rente pour orphelin de l’assurance-vieillesse et survivants, qui fait partie des prestations du premier pilier (assurance-vieillesse, survivants et invalidité fédérale et prestations complémentaires) devant couvrir les besoins vitaux des personnes assurées de manière appropriée (art. 112 al. 2 let. b Cst.), la rente pour orphelin de la prévoyance professionnelle relève des prestations du deuxième pilier qui doivent permettre aux personnes assurées de maintenir de manière appropriée leur niveau de vie antérieur (art. 113 al. 2 let. a Cst.; voir également art. 1 al. 1 LPP; cf. ATF 136 V 313 consid. 3.1). Le but des prestations du deuxième pilier, soit le maintien du niveau de vie, va donc au-delà de celui des prestations du premier pilier (couverture des besoins vitaux), même si cette conception n’a pas valeur absolue, dans la mesure où, pour les personnes de condition modeste, maintien du niveau de vie et couverture des besoins vitaux tendent par exemple à se confondre (ATF 136 V 313 consid. 3.2 et les références).

 

Consid. 6.1
Selon la doctrine, en raison de l’étroite coordination entre le premier et le deuxième pilier, en particulier dans le contexte des conditions du droit aux prestations, il y a lieu pour l’interprétation de l’art. 22 al. 3 let. a LPP de recourir à la jurisprudence et aux avis doctrinaux relatifs à l’art. 25 al. 2, 2e phrase, LAVS (HANS MICHAEL RIEMER, Familienrechtliche Beziehungen als Leistungsvoraussetzungen gemäss AHVG/IVG, BVG-Obligatorium und freiwilliger beruflicher Vorsorge, in Mélanges pour le 65e anniversaire de Cyril Hegnauer, Berne 1986, p. 414 et 422; GABRIELA RIEMER-KAFKA, Soziale Sicherheit von Kindern und Jugendlichen, Berne 2011, n° 648 et note de bas de page 968; HÜRZELER/BRÜHWILER, Obligatorische berufliche Vorsorge, in Soziale Sicherheit, Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR] vol. XIV, 3e éd. 2016, p. 2117 n° 144; ISABELLE VETTER-SCHREIBER, BVG/FZG Kommentar, 4e éd. 2021, n° 1 et 5 ad art. 22 LPP). Pour la doctrine, étant donné que l’art. 22 al. 3 let. a LPP correspond à la réglementation de l’art. 25 al. 5 LAVS, les dispositions d’exécution des art. 49biset 49ter RAVS sont applicables par analogie en matière de prévoyance professionnelle. Par conséquent, lorsque l’orphelin exerce une activité lucrative en parallèle à sa formation, le statut de formation est circonscrit par une comparaison quantitative où le montant du revenu généré est déterminant. Un enfant est dès lors considéré comme n’étant pas en formation lorsque le revenu moyen mensuel provenant de son activité lucrative dépasse le montant maximal de la rente de vieillesse (mensuelle) de l’AVS (HÜRZELER/SCARTAZZINI, in LPP et LFLP, 2e éd. 2020, n° 25 et 29 ad art. 22 LPP; ESTHER AMSTUTZ, in Basler Kommentar, Berufliche Vorsorge, 2021, n° 29 s. ad art. 22 LPP; dans ce sens également MIRIAM LENDFERS, Junge Erwachsene in Ausbildung, in Jahrbuch zum Sozialversicherungsrecht [JaSo] 2014, p. 131).

Consid. 6.2
Le point de vue de la doctrine, que la juridiction cantonale a intégralement fait sien, ne peut pas être entièrement suivi.

Consid. 6.2.1
Il paraît justifié d’interpréter la notion de formation de l’art. 22 al. 3 let. a LPP par analogie avec celle de l’art. 25 al. 5 LAVS, en fonction des éléments qualitatifs prévus par l’art. 49bis al. 1 et 2 RAVS. Les éléments qualitatifs prévus par l’art. 49bis RAVS reprennent, dans une large mesure, la jurisprudence fédérale sur la notion de formation au sens de la LAVS, à laquelle le Tribunal fédéral s’est référé pour définir les termes d' »apprentissage et d’études » [soit concrètement « Ausbildung »] au sens de l’art. 22 al. 3 let. a LPP (arrêt B 25/97 du 13 novembre 1998 consid. 2e, in RSAS 2000 p. 535).

Consid. 6.2.2
En revanche, en ce qui concerne l’élément quantitatif par lequel le Conseil fédéral a défini la notion de formation en adoptant l’art. 49bis al. 3 RAVS, le Tribunal fédéral avait considéré par le passé – avant l’entrée en vigueur de cette disposition – que le fait que l’orphelin réalisait un revenu lui permettant de subvenir à ses besoins, en parallèle à ses études, ne constituait pas un motif d’extinction du droit à la rente d’orphelin de l’AVS (consid. 5.3 supra). Il a par ailleurs retenu que la limite de revenu figurant à l’art. 49bis al. 3 RAVS ne présente pas de lien direct avec la notion de formation (cf. aussi LENDFERS, op. cit., p. 128); s’il a admis la conformité au droit fédéral de cette norme, c’est en raison du large pouvoir d’appréciation dont disposait le Conseil fédéral au regard de la délégation législative de l’art. 25 al. 5, 2e phrase, LAVS (consid. 5.4 supra). Une telle délégation législative fait cependant défaut à l’art. 22 al. 3 let. a LPP, tout comme un renvoi à la norme de la LAVS, ce qui exclut, sous l’angle systématique, une application directe de l’art. 49bis al. 3 RAVS.

Quant à une application par analogie de cette disposition, en ce sens que l’élément quantitatif prévu vaudrait également pour la rente d’orphelin de la prévoyance professionnelle, elle ne prend pas en considération le but des prestations du deuxième pilier, qui n’est pas le même que celui de l’AVS/AI (consid. 5.5 supra). L’idée qui sous-tend la limite quantitative prévue par l’art. 49bis al. 3 RAVS est que l’enfant qui réalise un revenu équivalent à celle-ci est en mesure de subvenir dans une large mesure à ses besoins (consid. 5.4 supra). Or le droit à une rente d’orphelin de l’AVS et celui à une rente d’orphelin de la prévoyance professionnelle obligatoire sont en principe ouverts en parallèle (cf. art. 34a al. 2 LPP sur le concours des prestations), de sorte que la rente d’orphelin de la prévoyance professionnelle est censée améliorer la situation de l’enfant au-delà de la seule couverture de ses besoins vitaux. La suppression de la rente d’orphelin du deuxième pilier, pour le même motif que celle du premier pilier, revient à nier que la prestation de la prévoyance professionnelle a pour but d’améliorer la situation financière de l’enfant en formation, l’objectif étant le maintien du niveau de vie et non seulement la couverture des besoins vitaux.

L’application de la limite forfaitaire, fixée de manière schématique à l’art. 49bis al. 3 RAVS, ne se justifie par conséquent pas dans le cadre de l’art. 22 al. 3 let. a LPP (cf. aussi les critiques sur la limite forfaitaire, LENDFERS, op. cit., p. 135; R IEMER-KAFKA, op. cit., n° 398 et note de bas de page 622; HÜRZELER, op. cit., p. 335 s. et note de bas de page 1175).

Consid. 6.2.3
Pour le reste, l’institution de prévoyance ne soutient pas que l’exercice de l’activité lucrative en cause aurait empêché la fille de la veuve de suivre sa formation avec l’assiduité nécessaire pendant la période concernée, étant précisé que la situation d’un abus de droit, où un orphelin qui consacrerait la plus grande partie de son temps à l’exercice d’une activité lucrative tout en restant inscrit dans un cursus de formation pour ne pas perdre son droit, demeure réservée.

 

Consid. 7
Il résulte de ce qui précède que la suppression du droit à la rente pour orphelin de la fille de la veuve à partir du 01.01.2013 en application par analogie de l’art. 49bis al. 3 RAVS n’est pas conforme au droit de la prévoyance professionnelle. En conséquence, les conditions d’une restitution de prestations indument perçues au sens de l’art. 35a LPP, examinées par la juridiction cantonale, n’étaient pas réalisées. Il convient de reconnaître l’obligation de la Caisse de pensions de verser à la veuve la somme de 27’193 fr. réclamée, montant que l’institution de prévoyance ne remet pas en cause.

Concernant les intérêts moratoires, le règlement prévoit qu’un intérêt moratoire est dû en cas de versement de pensions, à partir du jour de la poursuite ou de la demande en justice, le taux correspondant au taux minimal LPP (art. 24 let. a du règlement de la Caisse de pensions intimée). Par « taux minimal LPP », la Caisse de pensions entend appliquer aux intérêts moratoires le taux d’intérêt minimal fixé dans la prévoyance professionnelle obligatoire, prévu à l’art. 12 OPP 2 (RS 831.441.1), à savoir 1% (pour la période courant dès le 1er janvier 2017; art. 12 let. j OPP 2). La prétention de la veuve doit donc être assortie d’un taux d’intérêts de 1% à partir du 22.01.2020 (date à laquelle l’action a été introduite en instance cantonale; ATF 137 V 373 consid. 6.6; 119 V 131).

 

Le TF admet le recours de la veuve.

 

Arrêt 9C_543/2021 consultable ici

 

9C_298/2021 (f) du 14.03.2022 – Affiliation d’office à l’institution supplétive avec effet rétroactif / Point de départ de l’exigibilité de créances de cotisations relatives à un salarié particulier qui n’avait pas été annoncé à l’institution de prévoyance – Prescription / 41 LPP

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_298/2021 (f) du 14.03.2022

 

Consultable ici

 

Affiliation d’office à l’institution supplétive avec effet rétroactif

Point de départ de l’exigibilité de créances de cotisations relatives à un salarié particulier qui n’avait pas été annoncé à l’institution de prévoyance – Prescription / 41 LPP

 

Par décision du 02.05.2016, la Fondation institution supplétive LPP (ci-après: l’institution supplétive) a prononcé l’affiliation d’office du Club A.__ (ci-après: l’employeur) avec effet rétroactif pour la période du 01.01.1995 au 31.08.2013. Elle lui a adressé un décompte des cotisations dues par salarié pour les périodes de cotisation déterminantes et l’a invité à plusieurs reprises à régler le solde débiteur de son compte, la dernière fois le 25.05.2018. A défaut de paiement de l’employeur, elle a introduit une poursuite (n° xxx), à laquelle celui-ci s’est opposé.

Par décision du 27.06.2019, l’institution supplétive a prononcé la levée d’opposition de la poursuite en question.

 

Procédure cantonale (arrêt A-4345/2019 – consultable ici)

Par jugement du 08.04.2021, admission partielle du recours par le Tribunal administratif fédéral, modifiant le dispositif, en ce sens, d’une part, que l’employeur doit payer à l’institution supplétive le montant de 143’364 fr. 20, auquel s’ajoutent des intérêts moratoires de 15’292 fr. 26 jusqu’au 20.06.2018 et des intérêts à 5 % depuis cette date, ainsi que des frais de rappel de 150 fr. et de poursuite de 100 fr., et, d’autre part, que l’opposition dans la poursuite n° xxx est levée à hauteur d’un montant de 158’906 fr. 46, augmenté d’intérêts moratoires de 5 % sur 143’364 fr. 20 depuis le 20.06.2018.

 

TF

Consid. 2.2
Selon l’art. 41 al. 2 LPP, les actions en recouvrement de créances se prescrivent par cinq ans quand elles portent sur des cotisations ou des prestations périodiques, par dix ans dans les autres cas. Les art. 129 à 142 CO sont applicables.

Consid. 3.1
L’employeur se prévaut d’une violation de l’art. 41 LPP et de la jurisprudence y relative s’agissant du principe de la prescription. Il reproche aux juges du TAF de ne pas avoir pris en considération le délai de prescription absolu de dix ans courant dès l’exigibilité des cotisations, soit avant même la conclusion des rapports d’assurance, conformément à l’ATF 136 V 73. En conséquence, les créances de l’intimée antérieures au 30.06.2009 seraient, selon lui, prescrites.

Consid. 3.2
Conformément à la jurisprudence à laquelle se réfère l’employeur, lorsqu’un employeur est affilié à une institution de prévoyance, le point de départ de l’exigibilité de créances de cotisations relatives à un salarié particulier qui n’avait pas été annoncé à l’institution de prévoyance correspond en principe à la date d’échéance des primes relatives aux rapports de travail soumis à cotisations, et non pas à la date de la constitution effective des rapports contractuels d’assurance (ATF 136 V 73 consid. 3.3 et 4.2; cf. aussi ATF 142 V 118 consid. 7.1). Une exception à ce principe se justifie si l’institution de prévoyance n’a pas connaissance de l’existence de rapports de travail soumis à cotisations à cause d’une violation qualifiée de l’obligation de déclarer de l’employeur. Dans un tel cas, l’exigibilité des créances de cotisations est différée jusqu’au moment où l’institution de prévoyance a connaissance de l’existence des rapports de travail déterminants; la créance individuelle de cotisations se prescrit toutefois de manière absolue par dix ans à compter de sa naissance (virtuelle; ATF 136 V 73 consid. 4.3; cf. aussi ATF 140 V 154 consid. 6.3.1).

Consid. 3.3
L’ATF 136 V 72 concerne l’éventualité dans laquelle un employeur déjà affilié à une institution de prévoyance manque à son devoir d’annoncer un ou des salariés soumis à l’assurance obligatoire, soit une situation qui ne correspond pas à celle de l’employeur, comme l’a dûment exposé le Tribunal administratif fédéral. En l’espèce, les cotisations dues portent en effet sur des périodes durant lesquelles l’employeur n’était pas déjà affilié à une institution de prévoyance, ce que l’intéressé ne conteste pas, pas plus du reste que la violation manifeste de son devoir de s’affilier. Or dans l’ATF 136 V 73, au consid. 3.2.1, le Tribunal fédéral a précisément réservé la situation de l’affiliation d’office et renvoyé à l’arrêt 9C_655/2008 du 2 septembre 2009 consid. 4.3, SVR 2010, BVG, n° 2 p. 4. Selon cet arrêt, en cas d’affiliation d’office de l’employeur ayant manqué à son devoir de s’affilier, le délai de prescription de cinq ans selon l’art. 41 al. 2 LPP ne commence à courir qu’à partir de la décision d’affiliation de l’institution supplétive. L’argumentation de l’employeur, selon laquelle le Tribunal administratif fédéral n’aurait pas pris en considération l’ATF 136 V 73 et se serait fondé uniquement sur des arrêts désuets, car antérieurs à ladite jurisprudence et par ailleurs non publiés, ne résiste dès lors pas à l’examen. Il ne peut pas davantage être suivi lorsqu’il affirme que les employeurs non affiliés à une institution de prévoyance devraient être traités de la même manière que les employeurs déjà affiliés. Ce faisant, l’employeur perd en effet de vue qu’en cas d’affiliation (rétroactive) d’office au sens de l’art. 11 al. 6 LPP, le rapport de prévoyance résulte de l’affiliation à l’institution supplétive, si bien que ce n’est qu’avec la décision d’affiliation que la créance de cotisation prend naissance. Aussi, comme l’a dûment expliqué le Tribunal administratif fédéral, tant que l’employeur ne lui est pas affilié, l’institution supplétive ne peut pas exiger que celui-ci lui verse des cotisations, avec pour conséquence qu’il n’existe pas (encore) une obligation de payer et, partant, qu’aucun délai de prescription ne peut (déjà) commencer à courir (cf. arrêt 9C_618/2007 du 28 janvier 2008 consid. 1.2.1 et les arrêts cités).

Consid. 3.4
En définitive, les considérations des juges du TAF selon lesquelles le délai de prescription de cinq ans selon l’art. 41 al. 2 LPP avait commencé à courir le 02.05.2016 (soit à la date à laquelle l’employeur avait été affilié d’office à l’institution supplétive avec effet rétroactif pour la période du 01.01.1995 au 31.08.2013 et où les créances de cotisations avaient pris naissance), sont conformes au droit. Dès lors que la prescription a été valablement interrompue par la réquisition de poursuite du 21.06.2018 et par la décision du 27.06.2019 – ce que l’employeur ne conteste pas -, c’est également à bon droit que le Tribunal administratif fédéral a constaté que les créances de cotisations litigieuses n’étaient pas prescrites. Le recours est mal fondé.

 

Le TF rejette le recours de l’employeur.

 

 

Arrêt 9C_298/2021 consultable ici

 

9C_346/2021 (f) du 14.03.2022 – Prévoyance professionnelle – Surindemnisation – 34a LPP / Revenu hypothétique d’invalide – 24 al. 1 let. d OPP 2

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_346/2021 (f) du 14.03.2022

 

Consultable ici

 

Prévoyance professionnelle – Surindemnisation / 34a LPP

Revenu hypothétique d’invalide / 24 al. 1 let. d OPP 2

 

Assuré, né en 1968, a travaillé en qualité de manœuvre en 1999. A ce titre, il était assuré pour la prévoyance professionnelle auprès de la Fondation collective LPP X (ci-après: la Fondation).

A la suite d’un accident de travail survenu le 12.01.1999, dont les suites ont été prises en charge par l’assurance-accidents, la Fondation a versé des prestations d’invalidité à l’assuré du 01.01.2008 au 30.06.2014 (correspondances des 22.06.2009 et 19.05.2014). Entre-temps, par décision du 26.06.2014 (confirmée par arrêt du Tribunal cantonal du 05.12.2017), l’office AI a reconnu le droit de l’assuré à une demi-rente d’invalidité à compter du 01.01.2000 (taux d’invalidité de 53%).

Le 29.03.2019, l’assuré a invité la Fondation à lui transmettre un décompte des arriérés de rentes d’invalidité dus par celle-ci depuis le 01.01.2000, ainsi qu’un décompte de surindemnisation. Par courrier du 21.06.2019, la Fondation collective LPP a informé l’assuré que ses prestations prenaient effet seulement depuis le 01.01.2008 étant donné qu’il avait été au bénéfice d’indemnités journalières jusqu’au 31.12.2007 versées par l’assurance-accidents; elle lui a par ailleurs indiqué, s’agissant du calcul de surindemnisation, qu’elle se fonderait sur les éléments retenus par l’office AI, en particulier sur un revenu avec invalidité de 25’298 fr. 67 en tant que revenu pouvant raisonnablement être réalisé. Après que l’assuré l’a informée qu’il n’acceptait pas l’imputation d’un revenu hypothétique, la Fondation a confirmé son point de vue (correspondance du 16.08.2019).

 

Procédure cantonale (arrêt 608 2019 246 – consultable ici)

Le 13.09.2019, l’assuré a ouvert action devant le Tribunal cantonal.

La juridiction cantonale a retenu que la Fondation pouvait en principe se fonder sur les constatations des autorités vaudoises en matière d’assurance-invalidité relatives au revenu avec invalidité de 25’298 fr. 67 (cf. décision administrative du 26.06. 2014). Elle a ensuite considéré que l’assuré n’avait pas allégué de circonstances personnelles et conditions concrètes du marché du travail susceptibles de l’empêcher de réaliser un revenu résiduel équivalent à ce montant. En conséquence, les premiers juges ont procédé au calcul de la surindemnisation en fonction de ce revenu hypothétique (au sens de l’art. 24 al. 1 let. d OPP 2). Dès lors qu’il y avait une surindemnisation, ils ont nié le droit de l’assuré au versement d’une rente d’invalidité de la prévoyance professionnelle.

Statuant le 03.05.2021, la juridiction cantonale a rejeté l’action.

 

TF

Consid. 4.1
La juridiction de première instance a examiné s’il avait allégué des faits et offert des moyens de preuve quant aux circonstances personnelles et aux conditions concrètes du marché du travail qui l’empêcheraient de réaliser un revenu de remplacement équivalant au revenu d’invalide retenu par les organes de l’assurance-invalidité, sous l’angle de la présomption découlant du principe de congruence. Elle a en effet constaté que l’assuré n’avait ni allégué, ni prouvé qu’il eût fait des efforts afin de trouver une activité adaptée, nonobstant le fait qu’il présentait pourtant une capacité de travail de six heures par jour dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles, avec une baisse de rendement de 30% (selon le rapport d’expertise diligentée par l’office AI du 25.06.2009, confirmé par décision administrative du 16.09.2010, puis arrêt du Tribunal cantonal du 20.08.2012). Il ressort à cet égard des constatations cantonales que l’assuré n’avait en particulier pas fait valoir de recherches d’emploi infructueuses, ce que celui-ci ne conteste du reste pas.

Consid. 4.2
C’est en vain que l’assuré reproche ensuite aux juges cantonaux de ne pas avoir examiné si les atteintes à la santé étrangères à l’invalidité qu’il présente (des céphalées douloureuses, un acouphène et des troubles de la mémoire et de la concentration) constituaient des circonstances personnelles permettant de renverser la présomption d’équivalence entre les deux revenus déterminants. L’incapacité totale de travail que l’assuré allègue subir est un élément que l’institution de prévoyance n’a pas à prendre en considération dans le cadre de la surindemnisation, dès lors que l’étendue de la capacité résiduelle de travail a déjà été examinée et déterminée (en l’espèce à six heures de travail par jour dans une activité adaptée, avec une baisse de rendement de 30%) par l’assurance-invalidité pour fixer le taux d’incapacité de gain qu’il présente. L’évaluation de l’invalidité suppose que les organes de l’assurance-invalidité examinent et se prononcent tant sur l’exigibilité et l’étendue de la capacité de travail résiduelle (attestée médicalement) de l’assuré en cause, que sur la mise en valeur de celle-ci sur le plan économique, ces aspects du droit à une rente d’invalidité étant alors en principe déterminants pour l’institution de prévoyance pour fixer ses propres prestations (cf. ATF 144 V 72 consid. 4.1 et les arrêts cités), comme c’est le cas en l’espèce, selon les constatations cantonales non contestées par l’assuré. Lorsqu’il s’agit, par la suite, d’examiner une éventuelle surindemnisation, l’institution de prévoyance n’a pas à apprécier à nouveau l’étendue de la capacité de travail résiduelle présentée par l’assuré. Admettre le contraire reviendrait en effet à l’autoriser à procéder à un nouvel examen de l’invalidité et du droit à la rente qui en découle, en dehors des conditions propres à une révision de la rente d’invalidité de l’assurance-invalidité laquelle ressort en premier lieu de la compétence des organes de cette assurance (cf. arrêt 9C_673/2007 du 9 octobre 2008 consid. 4.3). Dans la mesure où l’assuré entend se prévaloir d’une nouvelle appréciation médicale de sa capacité de travail en se référant à deux rapports médicaux qu’il a produits devant la juridiction cantonale, il lui appartient de s’adresser aux organes de l’assurance-invalidité pour qu’ils examinent, le cas échéant, les modifications invoquées. Dans ce contexte, son grief tiré d’une violation du droit à la preuve, parce que les juges cantonaux auraient manqué de faire verser les dossiers de l’assurance-invalidité à sa cause, est mal fondé.

Consid. 4.3
Les autres griefs de l’assuré, en relation avec ses faibles connaissances linguistiques, son manque de formation et sa très longue absence du marché du travail, ne sont pas davantage fondés. Certes, si ces éléments font partie des circonstances personnelles qui doivent être examinées en relation avec le revenu au sens de l’art. 24 al. 1 let. d LPP (arrêt 9C_73/2010 du 28 septembre 2010 consid. 6.1), ils n’excluent cependant pas en tant que tels le caractère exploitable d’une capacité de travail résiduelle; ils doivent bien plutôt être appréciés à l’aune des exigences de l’activité susceptible d’entrer en ligne de compte (arrêt 9C_1033/2012 du 8 novembre 2013 consid. 5.3, non publié aux ATF 140 I 50). On rappellera à cet égard que dans la procédure de l’assurance-invalidité, les organes d’exécution sont tenus de prendre en considération une mise en valeur réaliste de la capacité de travail résiduelle lors de l’évaluation du revenu d’invalide (arrêts 9C_313/2007 du 8 janvier 2008 consid. 5.2; I 537/03 du 16 décembre 2003 consid. 3.1 et les arrêts cités). Dans le contexte de la surindemnisation, l’examen de l’institution de prévoyance (ou du juge) n’a donc plus à porter sur les aspects de l’exigibilité de la capacité résiduelle de travail ou le caractère réaliste de la mise en valeur de celle-ci sur le plan économique. Elle doit se limiter à vérifier, au regard des éléments que fait valoir l’assuré à l’encontre de la présomption d’équivalence, si le marché du travail entrant concrètement en considération pour l’intéressé comprend des postes de travail adaptés à sa situation. Il en découle que l’assuré ne peut pas invoquer, au titre de « circonstances personnelles » dont il y a lieu de tenir compte sous l’angle de l’exigibilité d’un revenu résiduel, des éléments qui ont déjà été pris en considération par les organes de l’assurance-invalidité pour déterminer l’exigibilité de la capacité de travail résiduelle et son étendue (arrêt 9C_673/2007 précité consid. 4.3; cf. aussi arrêt 9C_912/2009 du 8 juillet 2010 consid. 5.4.1).

Or en l’occurrence, lorsqu’ils ont déterminé l’activité raisonnablement exigible sur le marché équilibré du travail et le revenu d’invalide, les organes de l’assurance-invalidité ont déjà tenu compte des circonstances personnelles dont se prévaut l’assuré. Ils ont en effet considéré que seule une activité d’employé d’usine, d’ouvrier ou de contrôle qualité était exigible de l’assuré et ont procédé à un abattement de 10% sur le revenu d’invalide qu’ils ont fixé en se fondant sur le salaire brut standardisé auquel peuvent prétendre des hommes effectuant des activités simples et répétitives dans le secteur privé (production et services), compte tenu notamment de son manque de formation et de ses difficultés linguistiques.

Quant à la « très longue absence du marché du travail » dont se prévaut l’assuré en se référant à l’arrêt 9C_495/2017 du 16 avril 2018, elle ne constitue pas non plus une circonstance déterminante dans le cas d’espèce, dès lors déjà qu’aucune recherche infructueuse d’emploi ne vient concrètement confirmer qu’il ne pourrait pas exercer une activité adaptée telle que celle retenue par les organes de l’assurance-invalidité (comp. arrêt 9C_495/2017 précité consid. 3.4.2 et 3.5; cf. aussi arrêt 9C_416/2011 du 19 juillet 2011 consid. 4.3). L’assuré ne conteste en effet pas les constatations cantonales selon lesquelles il n’aurait pas fait des efforts, à tout le moins depuis la constatation d’une capacité de travail de 60% en 2012, afin de trouver une activité adaptée.

Consid. 4.4
Le fait que ni l’assurance-accidents, ni la caisse de compensation, dans l’examen du droit à des prestations complémentaires, ne lui ont imputé un revenu hypothétique, n’est finalement pas non plus déterminant. S’il est exact qu’il existe un parallèle entre les critères de la prévoyance professionnelle et ceux du régime des prestations complémentaires s’agissant de l’examen du revenu hypothétique imputable (cf. arrêts 9C_416/2011 précité consid. 2.3; 9C_73/2010 précité consid. 6.1), celui-ci n’implique pas la reprise, par l’institution de prévoyance, de l’analyse effectuée à cet égard par l’organe d’exécution des prestations complémentaires, pas plus du reste que de l’évaluation de l’assureur-accidents (cf. sur ce point ATF 133 V 549 consid. 6; arrêt 8C_679/2020 du 1er juillet 2021 consid. 5.1).

Consid. 5
Compte tenu de ce qui précède, il n’y a pas lieu de s’écarter des considérations des juges cantonaux selon lesquelles l’assuré n’est pas parvenu à renverser la présomption selon laquelle le revenu que l’assuré pourrait encore raisonnablement réaliser selon l’art. 24 al. 1 let. d LPP correspond au revenu d’invalide fixé par les organes de l’assurance-invalidité. Partant, c’est à bon droit qu’ils ont procédé au calcul de la surindemnisation en prenant en considération le revenu d’invalide de 25’298 fr. 67 fixé par les organes de l’assurance-invalidité.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_346/2021 consultable ici

 

9C_154/2021 (d) du 10.03.2022 – Survenance de l’incapacité de travail dont la cause est à l’origine de l’invalidité – Connexité temporelle et matérielle / 23 LPP

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_154/2021 (d) du 10.03.2022

 

Consultable ici

NB : Traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi

 

Survenance de l’incapacité de travail dont la cause est à l’origine de l’invalidité – Connexité temporelle et matérielle / 23 LPP

Conflit de compétences entre caisse de pensions et la Fondation institution supplétive

 

Assurée, né en 1976, a travaillé du 02.11.2010 au 31.05.2011 dans le cadre d’un stage professionnel suivi d’un engagement à durée déterminée auprès de l’office B.__ et, à partir du 01.06.2011, auprès de l’office C.__ de la même ville. L’institution de prévoyance professionnelle compétente durant cette période était la caisse de pension de la ville de Lucerne (ci-après : CP Ville de Lucerne). Après la résiliation des rapports de travail d’un commun accord pour fin février 2015 (accord du 15.10.2014), l’assurée a perçu des indemnités de chômage du 16.03.2015 au 13.12.2015 et était assurée pour la prévoyance professionnelle auprès de la Fondation institution supplétive LPP.

En mars 2016, l’assurée a déposé une demande AI. Après examen psychiatrique réalisé par un médecin du SMR, l’office AI a accordé à l’assurée une rente entière d’invalidité dès le 01.09.2016 (décision du 07.04.2017). A partir de cette date, la Fondation institution supplétive LPP a avancé les prestations de la prévoyance professionnelle.

 

Procédure cantonale

Le 29.11.2019, l’assurée a ouvert action contre la CP Ville de Lucerne et la Fondation institution supplétive LPP, en demandant que la CP Ville de Lucerne soit tenue de verser les prestations obligatoires et réglementaires, majorées d’un intérêt de 5% à compter de l’introduction de l’action ; à titre subsidiaire, que la Fondation institution supplétive LPP soit tenue de verser les prestations obligatoires et réglementaires, majorées d’un intérêt de 5% à compter de l’introduction de l’action ; cette dernière doit en outre être tenue, à titre de mesure provisoire, de (continuer à) avancer les prestations pendant la procédure en cours.

Par jugement du 20.01.2021, le tribunal cantonal a ordonné à la CP Ville de Lucerne de verser à l’assurée les prestations d’invalidité obligatoires et réglementaires, majorées des intérêts, conformément à l’art. 7 OLP, à compter de l’introduction de la demande ou de la date d’échéance ultérieure ; il a rejeté le recours pour le reste.

 

TF

Consid. 2.1
[…] Les expertises sur dossier peuvent également avoir valeur de preuve, dans la mesure où il existe une analyse sans faille et qu’il ne s’agit pour l’essentiel que de l’évaluation d’un état de fait médical établi en soi, c’est-à-dire que la consultation directe de la personne assurée par un médecin spécialiste passe au second plan (cf. parmi d’autres : SVR 2010 n° 46 p. 143, 9C_1063/2009 consid. 4.2.1 ; arrêts 9C_647/2020 du 26 août 2021 consid. 4.2 et 9C_524/2017 du 21 mars 2018 consid. 5.1 et les références).

Consid. 2.2
Le moment de la survenance de l’incapacité de travail déterminante pour la prévoyance professionnelle doit être établi au degré de la vraisemblance prépondérante (ATF 126 V 353 consid. 5b et les références), usuel en droit des assurances sociales (arrêts 9C_52/2018 du 21 juin 2018 consid. 3.2 et 9C_96/2008 du 11 juin 2008 consid. 2.2, et leurs références). La preuve juridiquement suffisante d’une perte de capacité fonctionnelle pertinente pour le droit de la prévoyance professionnelle ne requiert pas nécessairement une incapacité de travail attestée en temps réel par un médecin. Des hypothèses professionnelles ou médicales ultérieures et des réflexions spéculatives, comme par exemple une incapacité de travail médico-théorique déterminée rétroactivement seulement après des années, ne suffisent toutefois pas (arrêt 9C_61/2014 du 23 juillet 2014 consid. 5.1 et les références). Pour suivre l’attestation médicale rétrospective de l’incapacité de travail et pouvoir renoncer à un certificat médical en temps réel, il faut au contraire que les effets négatifs de la maladie sur la capacité de travail soient documentés en temps réel (arrêts 9C_517/2020 du 28 janvier 2021 consid. 3.2 et 9C_851/2014 du 29 juin 2015 consid. 3.2 et la référence, in : SZS 2015 p. 469).

Consid. 2.3
Les constatations de l’instance précédente concernant la nature de l’atteinte à la santé (constat, diagnostic, etc.) et la capacité de travail, qui sont le résultat d’une appréciation des preuves, lient en principe le Tribunal fédéral (ATF 132 V 393 consid. 3.2). La question de fait est également celle du moment de la survenance de l’incapacité de travail dont la cause a conduit à l’invalidité (SVR 2008 LPP n° 31 p. 126, 9C_182/2007 consid. 4.1.1). En revanche, le Tribunal fédéral examine librement les éléments sur lesquels se fonde la décision à ce sujet (SVR 2009 LPP n° 7 p. 22, 9C_65/2008 consid. 2.2 ; arrêt 9C_670/2010 du 23 décembre 2010 consid. 1.2) et si celle-ci repose sur des preuves suffisantes (arrêt 9C_100/2018 du 21 juin 2018 consid. 2.3).

Consid. 3.1
L’office AI a fixé le début du délai d’attente d’un an selon l’art. 28 al. 1 let. b LAI au mois de mai 2015. Or, comme la demande de prestations AI de l’assurée n’a été déposée qu’à la mi-mars 2016, et donc tardivement (cf. art. 29 al. 1 LAI), le tribunal cantonal a nié tout lien à cet égard et a examiné librement l’obligation de la CP Ville de Lucerne de verser des prestations, ce qu’aucune partie ne conteste à juste titre (cf. p. ex. arrêt 9C_679/2020 du 9 février 2021 consid. 4).

Consid. 3.2
L’instance cantonale a considéré qu’une incapacité de travail d’au moins 20% pour raisons psychiques était survenue, au degré de la vraisemblance prépondérante, pendant le rapport de prévoyance avec la CP Ville de Lucerne. Une nouvelle évaluation psychiatrique ne n’aurait apporté que peu de résultats utiles, étant donné que le dossier contient déjà des rapports impartiaux en « temps réel » sur le comportement de l’assurée. Ensuite, la cour cantonale est partie du postulat qu’il existait un lien matériel étroit entre la problématique de santé à partir d’août 2014 et l’invalidité ultérieure. En outre, à partir de cette date, il existait, d’un point de vue médical, une incapacité de travail complètement sans interruption, de sorte qu’il fallait également admettre un lien temporel ininterrompu. En conséquence, le tribunal cantonal a admis l’obligation de la CP Ville de Lucerne de verser ses prestations.

Consid. 4.1
La conclusion centrale de l’instance cantonale, selon laquelle les résultats psychopathologiques invalidants auraient selon toute vraisemblance déjà entraîné une incapacité de travail d’au moins 20% pendant les rapports de travail avec la ville de Lucerne, repose sur une appréciation complète et détaillée du dossier. La cour cantonale a d’abord tenu compte du fait qu’une incapacité de travail attestée en temps réel était avérée et qu’elle concernait le rapport de prévoyance en question. Ainsi, selon l’établissement des faits du tribunal cantonal, l’assurée était en incapacité totale de travail dès le 28.08.2014. Le médecin traitant a expressément confirmé que l’emploi auprès de l’office C.__ avait dû être abandonné pour des raisons de santé ; une poursuite de l’activité était impossible (certificat du 20.03.2015). Le fait que des causes autres que psychiques aient été à l’origine de l’incapacité total de travail attestée par le médecin n’est ni visible ni exposé (de manière étayée) dans le recours. […] Il n’existe aucun indice valable pour que l’assurée ait retrouvé durablement une capacité de travail supérieure à 80% après la fin de ses rapports de travail avec la ville de Lucerne (à ce sujet : ATF 144 V 58 consid. 4.4).

Consid. 4.2
[…] Certes, les explications fournies dans le rapport d’examen du SMR du 11.01.2017 permettent de conclure que les travaux de construction (changement de sol) ont bien déclenché les troubles psychiatriques dans le sens où une détérioration de l’état de santé s’est produite par la suite. Cela ne permet toutefois pas d’ignorer le fait que le médecin n’a pas exclu que la maladie ait déjà eu un impact significatif sur la capacité de travail ( » […] trouble délirant développé depuis le printemps 2015 ou auparavant […]). A ce sujet, le médecin du SMR a précisé que chez l’assurée, ce n’était pas (seulement) la grande sensibilité aux odeurs, aux émissions et aux composés chimiques, apparue dans le cadre de la transformation de l’appartement, qui était frappante, mais le traitement et l’interprétation des expériences et des événements en soi, ce qui s’était déjà manifesté lors du décès de l’animal domestique ou de l’avocat. Selon le médecin, le trouble délirant (CIM-10 F22.0) qui a finalement conduit à une rente AI avec une incapacité de travail de 100% se caractérise par le fait que la patiente est gravement atteinte dans son appréciation de la réalité, qu’elle ne peut donc pas se distancier de sa perception de la réalité et qu’elle ne dispose en outre d’aucune conscience de la maladie ; à cet égard, elle réagit au contraire de manière défensive et même irascible.

Consid. 4.3
L’instance cantonale a procédé à sa propre appréciation du dossier personnel (en temps réel) et ne s’est fondée qu’en dernier lieu sur l’expertise médicale du 05.11.2019, qui intègre ces conclusions et les confirme en tous points. Le médecin-expert a exposé en détail, sur la base des inscriptions dans le dossier personnel, les parallèles entre les symptômes principaux d’un trouble délirant déjà décrits par le médecin du SMR et le comportement de l’assurée durant son emploi à la ville de Lucerne. Le début de l’incapacité de travail déterminante fixé par le médecin-expert en raison des difficultés rencontrées sur le lieu de travail correspond également à la date indiquée par le médecin traitant – fin août 2014. […] On ne voit pas non plus que la cour cantonale n’aurait pas tenu compte des principes applicables aux expertises des parties, puisque le médecin-expert a uniquement évalué la survenance rétrospective de l’incapacité de travail pertinente pour des faits médicaux établis en soi.

Consid. 4.4
En conséquence, on ne saurait reprocher à l’instance cantonale une constatation manifestement inexacte ou une appréciation des preuves juridiquement erronée en ce qui concerne la survenance de l’incapacité de travail pertinente d’au moins 20%. Le fait qu’elle ait renoncé à des investigations supplémentaires, en particulier à la demande d’expertise judiciaire, n’est pas critiquable (appréciation anticipée des preuves ; ATF 144 V 361 consid. 6.5 ; 136 I 229 consid. 5.3). Il n’y a pas non plus de violation du droit à la preuve (art. 29 al. 2 Cst. et art. 6 ch. 1 CEDH). La condition du lien matériel et temporel étroit entre l’incapacité de travail existant pendant le rapport de prévoyance et l’invalidité survenue ultérieurement est restée incontestée et ne donne lieu à aucune remarque.

 

Le TF rejette le recours de la caisse de pension.

 

 

Proposition de citation : 9C_154/2021 (d) du 10.03.2022, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2022/07/9c_154-2021)

 

Arrêt 9C_154/2021 consultable ici