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9C_660/2024 (f) du 27.06.2025 – Capacité de travail exigible – Rapport du médecin traitant probant – Mauvaise lecture par le médecin du SMR / Appréciation arbitraire des faits et des preuves par le tribunal cantonal

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_660/2024 (f) du 27.06.2025

 

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Capacité de travail exigible – Rapport du médecin traitant probant – Mauvaise lecture par le médecin du SMR / 16 LPGA – 43 LPGA

Appréciation arbitraire des faits et des preuves par le tribunal cantonal

 

Résumé
Assurée, née en 1982, souffrant d’un syndrome de type angiome Klippel-Trenaunay de la jambe droite. L’office AI a nié le droit à des mesures professionnelles et à la rente, confirmé par la juridiction cantonale. Sur la base des pièces, le Tribunal fédéral a été retenu que le SMR avait mal interprété l’avis de l’angiologue traitant, qui a précisé qu’il ne serait pas possible de travailler assise une journée complète et a limité la capacité à environ quatre heures par jour. L’appréciation cantonale des preuves a été jugée arbitraire; une expertise médicale indépendante doit être mise en œuvre et la cause a été renvoyée à l’office AI.

 

Faits
En octobre 2021, assurée, née en 1982, a présenté une demande de prestations de l’assurance-invalidité. Elle y indiquait souffrir depuis la naissance d’un syndrome de type angiome Klippel-Trenaunay sur toute la jambe droite. Après avoir en particulier sollicité des renseignements auprès des médecins traitants de l’assurée, qu’il a soumis à son SMR, l’office AI a nié le droit de l’intéressée à des mesures d’ordre professionnel et à une rente.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 15.10.2024, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 4.1
Les juges cantonaux ont d’abord constaté que le médecin traitant spécialiste en médecine interne générale et en angiologie avait indiqué que l’assurée disposait d’une capacité de travail de 50% dans son activité habituelle de responsable de fabrication auprès de D.__ Sàrl, respectivement de 100% dans une activité entièrement adaptée à ses limitations fonctionnelles. Ils ont ensuite considéré qu’aucune raison ne permettait de « s’écarter » de l’appréciation probante du médecin du SMR, selon laquelle l’assurée disposait d’une pleine capacité de travail dans une activité légère et adaptée. En particulier, l’avis de l’angiologue traitant ne contredisait pas les conclusions du médecin du SMR quant à l’exigibilité de l’exercice à 100% d’une activité entièrement adaptée aux limitations fonctionnelles de l’assurée, à savoir un emploi sédentaire où celle-ci pourrait rester assise toute la journée et le cas échéant effectuer des pauses régulières pour allonger sa jambe droite. Après avoir confirmé le taux d’invalidité arrêté par l’office intimé à 38%, la juridiction cantonale a finalement nié le droit de l’assurée à une rente, ainsi qu’à des mesures de réadaptation.

Consid. 5.1
En l’occurrence, en ce qu’elle a considéré que l’avis du médecin traitant spécialiste en médecine interne générale et en angiologie ne contredisait pas les conclusions du médecin du SMR, selon lesquelles une activité entièrement adaptée aux limitations fonctionnelles de l’assurée était exigible à 100%, la juridiction cantonale a apprécié arbitrairement les faits et les preuves. Elle s’est fondée sur l’avis du médecin du SMR, qui, appelé à se prononcer au sujet des conclusions de l’angiologue traitant, avait admis que son confrère avait apprécié la situation de sa patiente en ce sens qu’elle disposait d’une capacité de travail de 50% au maximum « dans l’activité habituelle (plutôt debout) » et de 100% « dans une activité plutôt assise ».

Or tels ne sont pas les propos de l’angiologue traitant. Dans son rapport, le médecin traitant n’a en effet pas indiqué que l’assurée disposait d’une pleine capacité de travail dans une activité adaptée (même assise ou plutôt assise). Après avoir d’abord rappelé qu’en 2008, il s’était adressé à l’employeur de sa patiente afin de lui signifier qu’elle « devrait avoir au moins 50% de son activité en position assise », l’angiologue traitant a décrit l’« évolution sur 13 ans », en faisant état d’une « diminution de la capacité de travail lié[e] aux douleurs du [membre inférieur droit] de plus en plus importantes ». Dans ce contexte, le médecin traitant a indiqué que l’atteinte angiomateuse du réseau veineux profond ne pouvait bénéficier d’aucun traitement en dehors de la contention et de l’hygiène veineuse et qu’il « ne serait pas possible de travailler assise une journée complète »; il a précisé à ce propos qu’il pensait clairement que l’on ne pouvait pas attendre de l’assurée plus de quatre heures par jour de travail dans son activité et dans toute activité d’ailleurs. À cet égard, la considération de la juridiction cantonale, selon laquelle cette « précision » de l’angiologue traitant ne reposait sur aucune explication et semblait dès lors être principalement fondée par la relation de confiance particulière le liant à sa patiente, ne peut pas être suivie.

Consid. 5.2
On rappellera que le fait, tiré de l’expérience de la vie, qu’en raison du lien de confiance (inhérent au mandat thérapeutique) qui l’unit à son patient, le médecin traitant est généralement enclin à prendre parti pour celui-ci (ATF 135 V 465 consid. 4.5; 125 V 351 consid. 3a/cc) ne libère pas le juge de son devoir d’apprécier correctement les preuves, ce qui suppose de prendre également en considération les rapports versés par l’assuré à la procédure. Le juge doit alors examiner si ceux-ci mettent en doute, même de façon minime, la fiabilité et la pertinence des constatations des médecins internes à l’assurance. Lorsque, comme en l’occurrence, une décision administrative s’appuie exclusivement sur l’appréciation d’un médecin interne à l’assureur social et que l’avis motivé d’un médecin traitant ou d’un expert privé auquel on peut également attribuer un caractère probant laisse subsister des doutes quant à la fiabilité et à la pertinence de cette appréciation, la cause ne saurait être tranchée en se fondant sur l’un ou sur l’autre de ces avis. Il y a lieu de mettre en oeuvre une expertise par un médecin indépendant selon la procédure de l’art. 44 LPGA (ou une expertise judiciaire; ATF 135 V 465 consid. 4.5 et 4.6; arrêt 9C_553/2023 du 14 novembre 2024 consid. 3.2 et les références). Aussi la cause doit-elle être renvoyée à l’office AI pour ce faire. Le recours est bien fondé.

 

Le TF admet le recours de l’assuré.

 

Arrêt 9C_660/2024 consultable ici

 

 

 

9C_107/2024 (f) du 24.06.2025 – Rente d’invalidité LPP – Survenance de l’incapacité de travail – Connexité matérielle et temporelle – Eléments tangibles établis en temps réel

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_107/2024 (f) du 24.06.2025

 

Consultable ici

 

Rente d’invalidité LPP – Incapacité de travail dont la cause est à l’origine de l’invalidité / 23 LPP

Survenance de l’incapacité de travail – Connexité matérielle et temporelle – Eléments tangibles établis en temps réel

 

Résumé
Le Tribunal fédéral a confirmé le rejet de la demande de l’assurée tendant à obtenir une rente de la prévoyance professionnelle. Bien qu’elle ait souffert de troubles psychiques puis de douleurs articulaires et qu’une rente AI entière a été octroyée dès le 01.08.2020, il n’a pas été établi qu’une incapacité de travail d’au moins 20% liée à son atteinte rhumatologique se soit concrètement manifestée avant la fin de son affiliation à la caisse de pension, le 31.01.2020. L’aggravation déterminante de son état de santé n’était survenue qu’à partir de février 2020, soit après la période d’affiliation.

 

Faits
Assurée, née en 1996, a travaillé en dernier lieu comme employée polyvalente à 100% du 01.04.2018 au 31.12.2019.

En arrêt de travail depuis le 12.08.2019, l’assurée a déposé une demande de prestations de l’assurance-invalidité le 13.12.2019. L’office AI a recueilli notamment l’avis du spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, du médecin traitant et du spécialiste en rhumatologie. Le 16.07.2021, le médecin du SMR a retenu que l’assurée était totalement incapable de travailler depuis août 2019, tout d’abord en raison d’une réaction anxiodépressive à la suite d’une situation professionnelle conflictuelle, puis de manifestations d’un rhumatisme psoriasique rebelle à toutes les thérapies tentées. Par décisions des 08.10.2021 et 02.11.2021, l’office AI a octroyé à l’assurée une rente entière de l’assurance-invalidité dès le 01.08.2020.

Sollicitée par l’assurée, la caisse de pension a refusé de prester. Elle a retenu que la survenance de l’incapacité de travail déterminante était postérieure à la fin du rapport d’assurance, le 31.01.2020. À l’invitation de la caisse de pension, le rhumatologue traitant a indiqué que l’assurée était en incapacité de travail totale pour des motifs rhumatologiques depuis le 21.04.2020, mais que la symptomatologie était antérieure à cette date. Par la suite, la caisse de pension a maintenu son refus de prester, la dernière fois le 24.01.2023.

 

Procédure cantonale (arrêt PP 7/23 – 1/2024 – consultable ici)

Par jugement du 10.01.2024, rejet de la demande par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 2.1 [résumé]
La question est celle de savoir si l’incapacité de travail à l’origine de l’invalidité est survenue durant la période d’affiliation de l’assurée auprès de la caisse de prévoyance, soit entre le 01.04.2018 et le 31.01.2020 (art. 10 al. 3 LPP). L’arrêt entrepris expose de manière complète les dispositions légales et les principes jurisprudentiels relatifs notamment au droit à des prestations d’invalidité de la prévoyance professionnelle (art. 23 LPP) et à la notion de survenance de l’incapacité de travail, en relation avec la double condition de la connexité matérielle et temporelle nécessaire pour fonder l’obligation de prester d’une institution de prévoyance (ATF 135 V 13 consid. 2.6; 134 V 20 consid. 3.2.1 et 5.3 et les références). Il suffit d’y renvoyer.

Consid. 2.2
On rappellera que la preuve suffisante d’une limitation de la capacité fonctionnelle de travail déterminante sous l’angle du droit de la prévoyance professionnelle (ATF 134 V 20 consid. 3.2.2) ne suppose pas forcément l’attestation médicale d’une incapacité de travail « en temps réel » (« echtzeitlich »). Toutefois, des considérations subséquentes et des suppositions spéculatives, comme une incapacité médico-théorique établie rétroactivement après bien des années, ne suffisent pas. L’atteinte à la santé doit avoir eu des effets significatifs sur les rapports de travail; en d’autres termes, la diminution de la capacité fonctionnelle de travail doit s’être manifestée sous l’angle du droit du travail, notamment par une baisse des prestations dûment constatée, un avertissement de l’employeur ou une accumulation d’absences du travail liées à l’état de santé (arrêt 9C_556/2019 du 4 novembre 2019 consid. 4.3 et la référence).

Consid. 2.3
Dans le domaine des assurances sociales, le juge fonde généralement sa décision sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible; la vraisemblance prépondérante suppose que, d’un point de vue objectif, des motifs importants plaident pour l’exactitude d’une allégation, sans que d’autres possibilités revêtent une importance significative ou entrent raisonnablement en considération. Il n’existe par conséquent pas de principe selon lequel le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de la personne assurée (ATF 144 V 427 consid. 3.2; 139 V 176 consid. 5.3).

 

Consid. 5.1
En l’espèce, l’absence de consultation spécifique pour des douleurs rhumatologiques pendant les rapports d’assurance ne permet pas de conclure de manière automatique à l’inexistence de douleurs articulaires ni, a fortiori, à l’absence de diminution de la capacité de travail en lien avec celles-ci. Les troubles somatiques chroniques, en particulier lorsqu’ils s’inscrivent dans un contexte de souffrance psychique marquée, peuvent être tus, minimisés ou interprétés à travers un prisme psychologique, tant par les patients que par les médecins. Le fait que l’assurée a été en arrêt de travail pour un état dépressif et un épuisement professionnel dès août 2019 ne signifie pas que des symptômes physiques – tels que des douleurs articulaires – étaient absents. Il est au contraire fréquent que ces symptômes soient intégrés au tableau par exemple de l’épuisement, sans faire l’objet d’un diagnostic différencié immédiat, en particulier en l’absence d’une orientation vers un spécialiste en rhumatologie ou en médecine interne. Dès lors, la preuve d’une limitation de la capacité fonctionnelle de travail ne suppose pas forcément l’attestation médicale d’une incapacité de travail « en temps réel » pour une atteinte rhumatologique (consid. 2.2 supra).

Cependant, à l’inverse de ce que souhaiterait l’assurée, la problématique ne peut être réduite à la question de savoir si le diagnostic de spondylarthrite a été diagnostiqué tardivement ou s’il existe un lien « patent » entre une spondylarthrite et une incapacité de travail antérieure reconnue à l’époque d’origine psychiatrique. En effet, il est constant que l’assurée présentait déjà des symptômes pouvant s’inscrire dans un tableau différentiel, comprenant plusieurs hypothèses diagnostiques dont celle d’une spondylarthrite, y compris déjà avant son affiliation à la caisse de pension intimée (arthralgies aux mains, aux coudes, avant-pieds et chevilles). Ces symptômes ne l’ont toutefois pas empêchée de travailler à 100%.

Dès lors, la question n’est pas celle de savoir si l’assurée souffrait déjà d’une spondylarthrite avant le 01.02.2020, mais celle de savoir si une diminution de la capacité fonctionnelle de travail pour des raisons rhumatologiques d’au moins 20% s’était manifestée concrètement pendant les rapports d’assurance (ATF 144 V 58 consid. 4.4 et les références). Autrement dit, l’enjeu du litige réside dans la démonstration par l’assurée que la juridiction cantonale aurait arbitrairement omis de constater un retentissement fonctionnel – pour des raisons rhumatologiques – sur sa capacité de travail d’au moins 20% entre le 01.04.2018 et le 31.01.2020, et non dans l’établissement rétrospectif d’un diagnostic.

Consid. 5.2 [résumé]
Selon les faits constatés par la juridiction cantonale, le médecin traitant a mentionné que l’assurée ne l’avait pas consulté entre le 19.08.2019 et le 02.03.2020, date de l’établissement de l’avis médical. Rien n’indique que l’assurée aurait par ailleurs été empêchée de consulter son médecin traitant avant le 02.03.2020 en raison de l’épidémie de COVID-19. Le médecin traitant indique au contraire qu’il l’avait reçue à sa consultation début mars, puis avait annulé tous les rendez-vous non urgents à partir du 16.03.2020. L’assurée n’a donc pas consulté un médecin pour des douleurs articulaires entre août 2019 et mars 2020.

Consid. 5.3 [résumé]
L’assurée avait entamé un suivi psychologique en août 2019 pour des difficultés professionnelles. Dans son avis du 18.11.2019, la psychiatre a noté une anxiété avec tristesse, troubles du sommeil, anticipation anxieuse, anxiété physique et sentiment de dévalorisation. La seule mention d’ »anxiété physique » ne suffit pas à attester, en temps réel, de douleurs rhumatologiques justifiant un arrêt d’au moins 20%, faute de détails spécifiques ou d’orientation vers la médecine interne ou la rhumatologie.

Dans son mémoire, l’assurée objecte que la psychiatre traitante, ainsi que des médecins du Service de rhumatologie de l’Hôpital G.__, ont indiqué qu’il était plus que probable, sans qu’il ne soit possible de quantifier ce pourcentage (mais supérieur à 90%), que la spondylarthrite périphérique fût déjà présente en août 2019 et qu’elle se plaignait déjà de douleurs articulaires aux poignets à l’époque. De telles considérations subséquentes, fondées sur des suppositions (comp. arrêt 9C_605/2023 du 22 août 2024 consid. 7.2), ne permettent pas d’établir une diminution de la capacité fonctionnelle de travail pour des raisons rhumatologiques d’au moins 20% dès 2019. L’atteinte à la santé doit avoir eu des effets significatifs sur la capacité de travail en temps réel, ce que ne permettent pas d’attester des spéculations ultérieures (supra consid. 2.2). Il manque au dossier des éléments tangibles établis en temps réel.

Consid. 5.4 [résumé]
Le rhumatologue traitant a indiqué une symptomatologie de longue date aggravée depuis février 2020 et un arrêt de travail à 100% dès le 21.04.2020. Le 28.01.2022, il a confirmé le début de l’incapacité au 21.04.2020, tout en précisant des symptômes déjà diffus avant. Le médecin traitant a relevé le 11.03.2020 des douleurs « depuis un moment » aux mains, aggravées depuis deux semaines, avec raideur matinale. Le gestionnaire AI a noté le 03.03.2020 l’apparition récente d’une problématique physique avec douleurs importantes, puis a précisé le 04.06.2020 une consultation récente chez le rhumatologue pour une atteinte inconnue lors de la demande AI du 13.12.2019. Ces constatations montrent, en temps réel, une dégradation en février 2020. Quant à l’échange de message SMS du 16 janvier 2020, dans lequel l’assurée confiait à son ami qu’elle ne pouvait pas sortir du lit, était un peu rouillée ce matin-là et avait perdu 1.1 kg depuis la veille, il ne saurait, par sa teneur non corroborée médicalement, ébranler la chronologie objective et documentée des faits médicaux retenue par les juges cantonaux. Il est constant que des symptômes diffus existaient, mais rien n’accrédite un retentissement fonctionnel de la spondylarthrite d’au moins 20% entre août 2019 et fin janvier 2020. En février 2020, le rapport de prévoyance avait pris fin (art. 10 al. 3 LPP), de sorte que l’assurée n’était plus couverte par la caisse intimée.

Consid. 5.5
Au vu des éléments qui précèdent, les juges cantonaux pouvaient retenir sans arbitraire qu’il n’était pas établi, au degré de la vraisemblance prépondérante, que la survenance de l’incapacité de travail dont la cause est à l’origine de l’invalidité de l’assurée fût survenue avant la fin de sa couverture d’assurance auprès de la caisse de pension intimée.

En refusant les offres de preuve de l’assurée, ils n’ont pas violé son droit d’être entendue sous l’angle de l’appréciation anticipée des preuves (à ce sujet, voir ATF 145 I 167 consid. 4.1).

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

Arrêt 9C_107/2024 consultable ici

 

 

8C_748/2023 (f) du 06.06.2024 – Accident avant la retraite légale et incapacité de travail se poursuivant au-delà – Fin du droit aux indemnités journalières LAA lors de la stabilisation de l’état de santé, postérieur à l’âge de la retraite – 16 LAA – 19 al. 1 LAA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_748/2023 (f) du 06.06.2024

 

Consultable ici

 

Accident avant la retraite légale et incapacité de travail se poursuivant au-delà – Fin du droit aux indemnités journalières LAA lors de la stabilisation de l’état de santé, postérieur à l’âge de la retraite / 16 LAA – 19 al. 1 LAA

Rappel et confirmation de la jurisprudence

Pas de violation du principe de l’égalité de traitement

Absence d’enrichissement légitime et absence de surindemnisation (concordance événementielle) / 62 CO – 69 LPGA

 

 

L’assurée, née en septembre 1958, travaillait depuis 1996 comme responsable des ventes. Le 01.12.2020, elle a signé un contrat de travail avec son nouvel employeur, prévoyant son emploi jusqu’à ses 64 ans (31.10.2022). Le 08.07.2021, elle a subi un accident domestique entraînant une incapacité de travail. Une expertise médicale du 05.07.2022 a estimé qu’elle pourrait reprendre son activité habituelle environ un an et demi après l’accident.

Le 19.08.2022, l’employeur a informé l’assurance-accidents que l’assurée n’avait pas exprimé le souhait de continuer à travailler après l’âge de la retraite. L’assurée a confirmé le 26.08.2022 son intention de cesser son activité au 31.10.2022. L’employeur a officialisé la fin du contrat pour cette date le 05.09.2022.

Par décision du 21.12.2022, confirmée sur opposition le 21.03.2023, l’assurance-accidents a mis un terme au versement des indemnités journalières au 31.10.2022.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/816/2023 – consultable ici)

Par jugement du 18.10.2023, admission du recours par le tribunal cantonal, annulant la décision sur opposition et condamnant l’assurance-accidents à verser des du 01.11.2022 au 27.03.2023.

 

TF

Consid. 3.1.1
Aux termes de l’art. 16 LAA, l’assuré totalement ou partiellement incapable de travailler à la suite d’un accident a droit à une indemnité journalière (al. 1); le droit à l’indemnité journalière naît le troisième jour qui suit celui de l’accident (al. 2, première phrase); il s’éteint dès que l’assuré a recouvré sa pleine capacité de travail, dès qu’une rente est versée ou dès que l’assuré décède (al. 2, seconde phrase). Une personne est considérée comme incapable de travailler lorsque, pour cause d’atteinte à la santé physique, mentale ou psychique, elle ne peut plus exercer son activité habituelle ou ne peut l’exercer que d’une manière limitée ou encore seulement avec le risque d’aggraver son état (art. 6, première phrase, LPGA; ATF 134 V 392 consid. 5.1; arrêt 8C_733/2020 du 28 octobre 2021 consid. 3.1 et la référence). En cas d’incapacité de travail de longue durée, l’activité qui peut être exigée de l’assuré peut aussi relever d’une autre profession ou d’un autre domaine d’activité (art. 6, seconde phrase, LPGA). L’art. 19 al. 1 LAA dispose que le droit à la rente prend naissance dès qu’il n’y a plus lieu d’attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l’état de l’assuré et que les éventuelles mesures de réadaptation de l’assurance-invalidité ont été menées à terme (première phrase); le droit au traitement médical et aux indemnités journalières cesse dès la naissance du droit à la rente (seconde phrase).

Consid. 3.1.2
Selon l’art. 22 al. 3 OLAA, l’indemnité journalière est calculée sur la base du salaire que l’assuré a reçu en dernier lieu avant l’accident, y compris les éléments de salaire non encore perçus et auxquels il a droit. En principe, on ne tient pas compte de ce que l’assuré aurait gagné après l’accident. L’indemnité journalière ne se fonde donc pas sur un salaire hypothétique, mais sur le revenu dont l’assuré victime d’un accident est effectivement privé en raison de la réalisation du risque assuré (ATF 134 V 392 consid. 5.3.1; 117 V 170 consid. 5b; arrêt 8C_766/2018 du 23 mars 2020 consid. 5.3 et les références).

Consid. 3.1.3
L’indemnité journalière compense la perte de gain résultant de l’incapacité de travail, raison pour laquelle une personne assurée dont la capacité (médico-théorique) de travail est certes réduite en raison des suites de l’accident, mais qui ne subit pas de perte de gain, n’a en principe pas droit à l’indemnité journalière (ATF 134 V 392 consid. 5.3 et les références; arrêt 8C_608/2019 du 14 janvier 2020 consid. 5.2.1). Faute de perte de gain, le Tribunal fédéral a ainsi nié le droit à l’indemnité journalière d’un assuré qui avait subi un accident durant la période d’assurance prolongée de l’art. 3 al. 2 LAA, alors qu’il était en retraite anticipée (ATF 130 V 35 consid. 3). Le Tribunal fédéral s’est ensuite penché sur le cas d’une assurée qui travaillait encore au moment de son accident et qui avait atteint l’âge ordinaire de la retraite alors qu’elle était encore en incapacité de travail en raison de l’accident. Il a jugé que le droit de l’assurée à l’indemnité journalière devait être maintenu au-delà de l’âge ouvrant le droit à une rente de l’AVS, tant qu’elle n’avait pas recouvré une pleine capacité de travail ou que le traitement médical n’était pas terminé (ATF 134 V 392 consid. 5).

Consid. 3.2
Les juges cantonaux ont retenu que la stabilisation de l’état de santé de l’assurée était survenue le 27.03.2023, et que l’incapacité de travail s’était poursuivie jusqu’à cette date. Dès lors que le droit à l’indemnité journalière était né alors que l’assurée exerçait encore une activité lucrative, ce droit perdurait jusqu’au 27.03.2023 en application de la jurisprudence, malgré le fait que l’intéressée ait pris sa retraite. L’assurance-accidents, après avoir refusé le versement de l’indemnité journalière au-delà du 31.10.2022, motif pris que l’assurée n’aurait pas poursuivi d’activité lucrative après cette date, semblait d’ailleurs admettre désormais que le droit à l’indemnité journalière ne s’était pas éteint au seul motif que l’assurée était retraitée; elle se prévalait maintenant d’une interdiction de surindemnisation (cf. consid. 4 infra) pour justifier son refus de continuer à verser ses prestations.

 

Consid. 3.3
Devant le Tribunal fédéral, l’assurance-accidents conteste le droit de l’assurée à l’indemnité journalière au-delà de l’âge ordinaire de la retraite. Elle expose qu’avant même l’accident, l’assurée aurait prévu de ne plus travailler une fois l’âge de la retraite atteint, de sorte que celle-ci n’aurait subi aucune perte de gain à compter de la retraite. Elle soutient que la reconnaissance d’un droit de l’assurée à l’indemnité journalière, au-delà de l’âge ouvrant le droit à une rente de l’AVS, constituerait une inégalité de traitement entre les assurés, d’une part entre ceux subissant un accident avant l’âge de la retraite et ceux victimes d’un accident après l’âge de la retraite, et d’autre part entre ceux qui auraient continué de travailler après l’âge ordinaire de la retraite et ceux qui n’avaient pas eu cette intention. L’assurance-accidents aborde par ailleurs la question du calcul et du paiement des primes d’assurance, en exposant qu’aucune prime n’aurait été versée pour la période du 01.11.2022 au 27.03.2023 et que sans l’accident, aucun salaire n’aurait été versé à l’assurée après sa retraite.

 

Consid. 3.4
Une décision viole le principe de l’égalité de traitement consacré à l’art. 8 al. 1 Cst. lorsqu’elle établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou qu’elle omet de faire des distinctions qui s’imposent au vu des circonstances, c’est-à-dire lorsque ce qui est semblable n’est pas traité de manière identique et ce qui est dissemblable ne l’est pas de manière différente (ATF 148 I 271 consid. 2.2; 144 I 113 consid. 5.1.1; 142 V 316 consid. 6.1.1). L’inégalité de traitement apparaît ainsi comme une forme particulière d’arbitraire, consistant à traiter de manière inégale ce qui devrait l’être de manière semblable ou inversement (ATF 146 II 56 consid. 9.1; 142 V 316 consid. 6.1.1; 137 I 167 consid. 3.5).

Consid. 3.5
Le grief tiré d’une violation du principe de l’égalité de traitement est mal fondé. La situation d’un assuré actif victime d’un accident avant la retraite est différente de celle d’un individu accidenté après qu’il a pris sa retraite; le premier exerce une activité lucrative au moment de l’accident et se trouve privé de son salaire ou d’une partie de celui-ci en cas d’incapacité de travail, alors que le second ne perçoit aucun salaire – et ne connaît donc aucune perte de gain – au moment de l’accident. L’un peut ainsi prétendre à l’octroi d’indemnités journalières en vertu de l’art. 16 LAA, l’autre non. Le moment auquel s’éteint le droit à l’indemnité journalière doit être fixé sans égard à la situation de personnes qui ne pouvaient pas prétendre à un tel droit.

Pour le surplus, la poursuite du versement des indemnités journalières à un assuré au-delà de l’âge ordinaire de la retraite, indépendamment du point de savoir s’il aurait ou non continué à exercer une activité lucrative après cette échéance, résulte du fait que l’indemnité journalière est calculée de manière abstraite et rétrospective, sur la base du revenu perçu avant l’accident. Pour éviter des lacunes d’assurance et pour des raisons de simplification administrative, le législateur a renoncé à mettre fin au versement des indemnités pour les assurés qui auraient cessé leur activité après l’âge de la retraite, pour autant que le droit aux indemnités ait pris naissance auparavant. Il a également renoncé à appliquer à cette situation une réglementation analogue à celle prévue par la jurisprudence en cas d’accident subi pendant une période d’assurance prolongée par un assuré en retraite anticipée (ATF 130 V 35 [cf. consid. 3.1 supra]; cf. Message du 30 mai 2008 relatif à la modification de la LAA [FF 2008 4877], p. 4895). Il s’agit d’un choix du législateur fédéral, guidé par des motifs de praticabilité, dont il n’y a pas lieu de s’écarter (cf. art. 190 Cst.; ATF 149 I 41 consid. 6.3; 143 V 9 consid. 6.2).

Pour le reste, l’arrêt 8C_811/2008, cité par l’assurance-accidents, ne lui est d’aucun secours. Cet arrêt confirme la jurisprudence publiée aux ATF 134 V 392, qu’il n’y a pas lieu de remettre en cause. Par ailleurs, le moment auquel les primes d’assurance ont été versées et le calcul de celles-ci ne constituent pas des éléments pertinents. C’est à bon droit que les premiers juges ont reconnu le droit de l’assurée à l’indemnité journalière jusqu’au 27.03.2023. Les griefs de l’assurance-accidents s’avèrent mal fondés.

 

Consid. 4
L’assurance-accidents soutient qu’elle devrait être dispensée du versement de l’indemnité journalière à compter du 01.11.2022 pour cause de surindemnisation de l’assurée. À défaut, l’assurée s’enrichirait de manière illégitime au sens de l’art. 62 CO.

Consid. 4.1.1
Selon l’art. 68 LPGA, sous réserve de surindemnisation, les indemnités journalières et les rentes de différentes assurances sociales sont cumulées. L’art. 69 al. 1 LPGA prévoit que le concours de prestations des différentes assurances sociales ne doit pas conduire à une surindemnisation de l’ayant droit (première phrase); ne sont prises en compte dans le calcul de la surindemnisation que des prestations de nature et de but identiques qui sont accordées à l’assuré en raison de l’événement dommageable (seconde phrase). L’art. 69 al. 2 LPGA précise qu’il y a surindemnisation dans la mesure où les prestations sociales légalement dues dépassent, du fait de la réalisation du risque, à la fois le gain dont l’assuré est présumé avoir été privé, les frais supplémentaires et les éventuelles diminutions de revenu subies par les proches. Aux termes de l’art. 69 al. 3 LPGA, les prestations en espèces sont réduites du montant de la surindemnisation (première phrase); sont exceptées de toute réduction les rentes de l’AVS et de l’AI, de même que les allocations pour impotents et les indemnités pour atteinte à l’intégrité (deuxième phrase); pour les prestations en capital, la valeur de la rente correspondante est prise en compte (troisième phrase).

Consid. 4.1.2
L’art. 69 al. 1 LPGA pose le principe de la concordance des droits (« Kongruenzprinzip »). Cela signifie que pour être coordonnées au sens de l’art. 68 LPGA, les indemnités journalières et les rentes doivent impérativement remplir ces critères (GHISLAINE FRÉSARD-FELLAY/JEAN-MAURICE FRÉSARD, in Commentaire romand, Loi sur la partie générale des assurances sociales, 2018, n° 12 ad art. 68 LPGA et les références). Selon ce principe, qui a une porte générale dans l’assurance sociale (ATF 142 V 75 consid. 6.3.1), les prestations sociales concomitantes concordent lorsque les assureurs sociaux sont tenus à verser des prestations de même nature et but, pour la même période, pour la même personne et pour le même événement dommageable. Aussi, une concordance au niveau de l’événement dommageable ainsi qu’une concordance fonctionnelle (ou matérielle) doivent notamment exister (ATF 135 V 29 consid. 4.1; arrêts 9C_21/2021 du 14 janvier 2022 consid. 3.2; 9C_43/2018 du 19 octobre 2018 consid. 5.2; FRÉSARD-FELLAY/FRÉSARD, op. cit., n° 16 ad art. 69 LPGA). La concordance matérielle suppose que d’un point de vue économique, les prestations aient la même fonction et la même nature, alors que la concordance événementielle postule que les prestations sont consécutives au même événement dommageable (ATF 131 III 160 consid. 7.2; 126 III 41 consid. 2; FRÉSARD-FELLAY/FRÉSARD, op. cit., n° 19 et 22 ad art. 69 LPGA).

Pour déterminer, en cas de surindemnisation, laquelle des prestations en concours doit être réduite, il convient de se fonder sur l’ordre de priorité figurant aux art. 64 à 66 LPGA ou sur les dispositions légales spéciales applicables (arrêt U 200/05 du 16 février 2006 consid. 2.2; FRÉSARD-FELLAY/FRÉSARD, op. cit., n° 55 ad art. 69 LPGA; MARC HÜRZELER, in Frésard-Fellay/Klett/Leuzinger [éd.], Basler Kommentar, Allgemeiner Teil des Sozialversicherungsrechts, 2020, n° 41 ad art. 69 LPGA).

Consid. 4.2
Comme l’ont exposé les juges cantonaux, la concordance événementielle doit être niée. Le versement de l’indemnité journalière par l’assurance-accidents trouve son fondement dans la survenance de l’accident du 08.07.2021, tandis que l’allocation de la rente de l’AVS a pour origine l’arrivée de l’assurée à l’âge de la retraite. En outre, à supposer que l’art. 62 CO s’applique au cas d’espèce, au moins une des conditions de l’enrichissement illégitime (cf. arrêt 5A_819/2021 du 9 février 2022 consid. 3.2.1 et les références) fait défaut. Le versement de l’indemnité journalière à l’assurée ayant un fondement légal, il n’y a pas d’absence de cause légitime à son enrichissement ni paiement d’un indu à son avantage. En tout état de cause, il n’y a pas de principe général prohibant la surindemnisation dans le domaine des assurances sociales (ATF 134 III 489 consid. 4.1; 135 V 29 consid. 4.3), comme semble le penser l’assurance-accidents. L’arrêt entrepris échappe ainsi à la critique également en tant qu’il écarte toute réduction des prestations dues à l’assurée pour cause de surindemnisation.

 

Le TF rejette le recours de l’assurance-accidents.

 

Arrêt 8C_748/2023 consultable ici

 

Remarques personnelles :

Il est fréquent d’observer dans la pratique que le versement de l’indemnité journalière LAA cesse au moment où la personne assurée atteint l’âge de la retraite. Cette situation est rarement contestée par ces dernières, car elles commencent alors à percevoir leurs rentes de vieillesse (AVS et LPP). Je pense que cette pratique ne résulte pas d’une intention malveillante des assureurs-accidents, mais plutôt d’une compréhension incomplète du système par les gestionnaires de dossiers.

Il est également important de sensibiliser les médecins traitants à cette problématique. En effet, ils ont tendance à déclarer la fin de l’incapacité de travail lorsque leur patient-e atteint l’âge de la retraite, sans nécessairement tenir compte des spécificités du droit des assurances sociales en la matière.

Bien que la jurisprudence ne prêtât pas à interprétation, le présent arrêt du Tribunal fédéral dissipe tout doute éventuel. Il énonce de manière explicite et sans ambiguïté la position de notre Haute Cour sur ce point.

 

 

4A_271/2023 (d) du 14.11.2023 – Indemnités journalières maladie LCA / Notion d’incapacité de travail – Question de droit – Interprétation des CGA

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_271/2023 (d) du 14.11.2023

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle, seul l’arrêt fait foi

 

Indemnités journalières maladie LCA

Notion d’incapacité de travail – Question de droit – Interprétation des CGA

Caractéristique essentielle ou importante de l’activité professionnelle habituelle

 

Assuré, chef d’équipe CNC né en 1957, employé par C.__ SA. Déclaration de sinistre le 13.02.2019, annonçant une incapacité de travail depuis le 23.01.2019. Par lettre du 17.10.2019, l’employeur a résilié le contrat de travail avec l’assuré pour le 31.01.2020.

Sur la base du rapport du Dr D.__, l’assurance perte de gain maladie a informé l’assuré le 02.10.2019 qu’il était dès à présent apte à travailler à 100% à un autre poste. Elle a toutefois accepté de continuer à verser l’indemnité journalière à 100% jusqu’au 31.10.2019 et, après cette date, les indemnités journalières seraient versées en fonction de son incapacité de travail. Par courriel du 21.10.2019, l’assuré a fait part de son désaccord et a remis des rapports médicaux à l’assurance. Le 06.12.2019, l’assurance a informé l’intéressé que les documents médicaux remis se rapportaient au poste actuel et a rappelé que l’assuré disposait d’une pleine capacité de travail dans un autre poste. En guise de geste commercial, l’assurance a informé qu’elle continuerait à verser les indemnités journalières jusqu’au 31.01.2020 et qu’elle ne verserait plus d’indemnités journalières après cette date.

Le 19.06.2020, le médecin du SMR a estimé que l’assuré présentait une capacité de travail de 50 à 70%, tout en recommandant, en raison du déconditionnement probable entre-temps et dans l’optique d’une réinsertion professionnelle durable, de débuter avec un taux d’occupation de 50%.

Par courriel du 29.09.2020, l’assuré a demandé à l’assurance de continuer à verser l’indemnité journalière à 100% avec effet rétroactif. Par courrier du 23.10.2020, l’assurance l’a informé que, sur la base de l’évaluation du médecin du SMR, elle verserait l’indemnité journalière du 01.02.2020 au 18.06. 2020 sur la base d’une incapacité de travail de 100% et, à partir du 19.06.2020, sur la base d’une incapacité de travail de 50%. L’assurance a ensuite versé l’indemnité journalière jusqu’à l’épuisement du droit aux prestations (05.03.2021) sur la base d’une incapacité de travail de 50%.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 95/14 – 85/2015 – consultable ici)

L’instance cantonale a considéré que l’assurance avait à juste titre considéré que l’assuré avait une capacité de travail de 50% pour la période déterminante. Cette capacité de travail attestée s’applique ensuite à l’activité habituelle de l’intéressé. Dans ce contexte, elle a constaté qu’une activité adaptée supposait si possible de ne pas travailler de nuit, que les horaires de travail soient réguliers, que l’employeur soit bienveillant et compréhensif et que le lieu de travail soit calme. L’activité ne devait pas non plus, du moins au début, comporter de tâches de direction. Il ressort du questionnaire rempli par l’employeur le 25.07.2019 que l’activité de l’assuré consistait à diriger des collaborateurs (34 à 66%, soit 3 à 5,25 heures par jour), parfois à programmer et à effectuer des travaux de bureau (6 à 33% chacun, soit 0,5 à 3 heures par jour) et rarement à travailler à la machine CNC (1 à 5%, soit jusqu’à environ 0,5 heure par jour). Ces indications d’activités comportaient une marge de manœuvre relativement importante en termes de temps, de sorte qu’il n’était pas possible de déterminer avec précision l’étendue des tâches de direction et de gestion qui n’étaient pas possibles du point de vue psychiatrique. Toutefois, la cour cantonale est partie du postulat que l’assuré aurait pu exercer son activité habituelle ou une activité comparable à sa profession habituelle à un taux d’occupation de 50% depuis le 19.06.2020.

Par jugement du 19.04.2023, le tribunal cantonal a rejeté la demande de l’assuré.

 

TF

Consid. 3.1
Le 1er janvier 2022, la loi révisée sur le contrat d’assurance est entrée en vigueur. Conformément à la disposition transitoire de l’art. 103a LCA, les dispositions suivantes du nouveau droit s’appliquent aux contrats qui ont été conclus avant l’entrée en vigueur de la modification du 19 juin 2020 : les prescriptions en matière de forme (let. a) ; le droit de résiliation au sens des art. 35a et 35b (let. b). Toutes les autres dispositions ne s’appliquent qu’aux contrats nouvellement conclus (cf. message relatif à la modification de la loi sur le contrat d’assurance du 28 juin 2017, FF 2017 5089 ss, 5136 [en français : FF 2017 4767, 4812]). Le contrat d’assurance à l’origine du présent litige a été conclu avant le 19 juin 2020. A l’exception des prescriptions de forme et du droit de résiliation, les dispositions de la LCA dans sa version en vigueur jusqu’à fin 2021 (ci-après aLCA) sont donc applicables. A l’exception de l’art. 87 aLCA, qui norme le droit de créance du bénéficiaire dans l’assurance-accidents ou maladie collective, l’aLCA ne contient pas de dispositions spécifiques concernant les indemnités journalières en cas de maladie. Ce sont donc en premier lieu les conventions contractuelles qui sont déterminantes.

Consid. 3.2
Si l’assuré est en incapacité de travail après constatation médicale, l’assurance paie, conformément à l’art. B8 ch. 1 f. CGA, l’indemnité journalière est versée à l’expiration du délai d’attente convenu, au plus tard pendant la durée des prestations mentionnée dans la police. En cas d’incapacité de travail totale, l’assurance l’indemnité journalière mentionnée dans la police. En cas d’incapacité de travail partielle, le montant est déterminé en fonction de l’étendue de l’incapacité de travail. L’incapacité de travail est déterminée selon l’art. A4, ch. 2 CGA : l’incapacité totale ou partielle, due à une maladie, d’accomplir dans sa profession ou son domaine d’activité le travail qui peut raisonnablement être exigé de lui. En cas d’incapacité de longue durée, l’activité raisonnablement exigible dans une autre profession ou un autre domaine de tâches est également prise en compte.

Consid. 4.3.1
L’assuré se plaint d’une application erronée de l’art. A4 ch. 2 CGA par l’instance cantonale. Selon lui, celui qui, pour des raisons de santé, ne peut plus exercer qu’une partie secondaire des activités nécessaires à son ancienne profession est totalement incapable de travailler dans celle-ci. Ainsi, un cuisinier qui, pour des raisons de santé, ne peut plus travailler en cuisine, mais qui est encore en mesure de passer des commandes de denrées alimentaires à l’ordinateur, doit être considéré comme totalement incapable de travailler dans son ancienne profession de cuisinier, tout comme un chef d’équipe CNC qui ne peut plus assumer de tâches de direction. L’assuré fait donc valoir en substance que l’instance cantonale s’est fondée sur une notion erronée de l’incapacité de travail dans l’ancienne profession. Alors que l’état de santé de l’assuré, la liste des tâches de l’ancienne profession ainsi que la détermination des activités professionnelles qui ne peuvent plus être exercées en raison de l’état de santé constituent des constatations de fait, la notion d’incapacité de travail constitue une notion juridique qui peut être librement examinée par le Tribunal fédéral (ULRICH MEYER – BLASER, Der Rechtsbegriff der Arbeitsunfähigkeit und seine Bedeutung in der Sozialversicherung, namentlich für den Einkommensvergleichung in der Invaliditätsbemessung, in : Schaffhauser/Schlauri [Hrsg. ], Schmerz und Arbeitsunfähigkeit, 2003, p. 47 ss ; cf. aussi ATF 140 V 193 consid. 3.1). En conséquence, il convient de définir ci-après la notion d’incapacité de travail selon l’art. A4 ch. 2 CGA.

Consid. 4.3.2
Les CGA sont des conditions générales, donc des dispositions contractuelles, qui ont été préformulées de manière générale en vue de la conclusion future d’un grand nombre de contrats (ATF 148 III 57 consid. 2). Lorsqu’elles sont valablement intégrées dans des contrats, les conditions générales doivent en principe être interprétées selon les mêmes principes que les clauses contractuelles rédigées individuellement (ATF 148 III 57 consid. 2.2.1 et les références ; 142 III 671 consid. 3.3 et les références). Ce qui est donc déterminant, c’est en premier lieu la volonté réelle et commune des parties contractantes et, en second lieu, si une telle volonté ne peut être établie, l’interprétation des déclarations des parties sur la base du principe de la confiance (ATF 148 III 57 consid. 2.2.1 ; 142 III 671 consid. 3.3). Pour ce faire, il convient de partir du texte des déclarations, qui ne doivent toutefois pas être appréciées isolément, mais en fonction de leur sens concret (ATF 148 III 57 consid. 2.2.1 ; 146 V 28 consid. 3.2). Même si le texte semble clair à première vue, il ne faut donc pas s’en tenir à une interprétation purement littérale (ATF 148 III 57 consid. 2.2.1 ; 131 III 606 consid. 4.2). Les déclarations des parties doivent au contraire être interprétées de la manière dont elles pouvaient et devaient être comprises en fonction de leur teneur et de leur contexte ainsi que de l’ensemble des circonstances. Le juge doit prendre en considération le but réglementaire de la disposition contractuelle poursuivi par le déclarant, tel que le destinataire de la déclaration pouvait et devait le comprendre de bonne foi (ATF 148 III 57 consid. 2.2.1 ; 146 V 28 consid. 3.2). Par conséquent, ce qui est déterminant pour l’interprétation d’une disposition contractuelle rédigée par une partie contractante, c’est le but réglementaire que l’autre partie contractante pouvait et devait raisonnablement reconnaître dans la clause considérée en tant que partie contractante de bonne foi. En principe, il faut présumer que le destinataire de la déclaration peut supposer que le déclarant vise une règle raisonnable et appropriée (ATF 148 III 57 consid. 2.2.1, avec références). L’examen d’une interprétation objective des déclarations de volonté est une question de droit, que le Tribunal fédéral examine librement, alors qu’il est en principe lié par les constatations de l’autorité cantonale concernant les circonstances extérieures ainsi que la connaissance et la volonté des parties (art. 105 al. 1 LTF ; ATF 148 III 57 consid. 2.2.1 ; 146 V 28 consid. 3.2).

Consid. 4.3.3
Selon l’art. A4 ch. 2 CGA, l’incapacité de travail est définie comme l’incapacité totale ou partielle, due à une maladie, d’accomplir dans sa profession ou son domaine d’activité le travail qui peut raisonnablement être exigé de lui. Il résulte du libellé de l’art. A4 ch. 2 CGA que le travailleur est partiellement apte à travailler tant que ses capacités restantes lui permettent d’accomplir un travail exigible dans sa profession actuelle. Il en découle en même temps que la seule incapacité du travailleur, due à la maladie, d’exercer une fonction déterminée (même si elle est essentielle) dans son ancienne profession ne conduit en principe pas à une incapacité de travail totale. Il en serait autrement si, en raison de la maladie, une caractéristique essentielle ou importante (« zwingende bzw. dominierende Eigenschaft ») pour l’exercice de la profession devenait impossible à tel point que la capacité de travail restante dans l’ancienne profession ne serait pas économiquement exploitable ou ne pourrait être raisonnablement exigée. Une capacité de travail résiduelle économiquement exploitable dans l’activité exercée jusqu’alors exclut ainsi, en règle générale, le droit à la totalité de l’indemnité journalière assurée (cf. ATF 114 V 281 consid. 3d). Le but de l’assurance d’indemnités journalières conclue plaide également en faveur d’une telle interprétation. Ainsi, une assurance d’indemnités journalières sert de revenu de substitution et ne remplace l’obligation de l’employeur de continuer à verser le salaire que dans la mesure et aussi longtemps que le travailleur n’est pas en mesure, pour des raisons de santé, de remplir tout ou partie de ses obligations contractuelles ou d’exercer une autre activité lucrative. Elle n’est toutefois pas destinée à compenser la perte de salaire d’un bénéficiaire qui pourrait à nouveau obtenir un revenu d’une activité lucrative (arrêt 9C_595/2008 du 5 novembre 2008 consid. 4.1).

On ne peut donc pas suivre l’assuré dans la mesure où il fait valoir qu’il est totalement incapable de travailler dans sa profession habituelle parce qu’il ne peut pas assumer de tâches de direction. Ainsi, dans son recours, il ne démontre pas suffisamment en quoi l’exercice de tâches de direction constitue une caractéristique essentielle de son activité professionnelle au point que la capacité de travail restante dans son ancienne profession n’aurait pas été économiquement exploitable ou n’aurait pas été exigible.

Le Tribunal fédéral confirme la conclusion de l’instance cantonale selon laquelle l’assuré avait une capacité de travail de 50% durant la période déterminante.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 4A_271/2023 consultable ici

 

Proposition de citation : 4A_271/2023 (d) du 14.11.2023, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2024/02/4a_271-2023)

 

9C_435/2021 (f) du 07.09.2022 – Notion de survenance de l’incapacité de travail – 23 LPP / Connexité matérielle et temporelle – Principes généraux en matière de droit transitoire

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_435/2021 (f) du 07.09.2022

 

Consultable ici

 

Notion de survenance de l’incapacité de travail / 23 LPP

Connexité matérielle et temporelle

Principes généraux en matière de droit transitoire

 

Assurée, née en 1963, a travaillé notamment comme secrétaire comptable auprès d’un grand magasin de 1985 à 1990, puis comme commise administrative à 50% auprès de l’Hôpital C.__ dès le 01.08.1996. A ce titre, elle était affiliée pour la prévoyance professionnelle auprès de la caisse de prévoyance CIA du 01.08.1996 au 31.01.2002, puis de la caisse de prévoyance CEH dès le 01.02.2002. Le 01.01.2014, la CEH a fusionné avec la CIA afin de constituer la Caisse de prévoyance de l’Etat de Genève (ci-après: la CPEG).

En mars 2017, l’assurée a déposé une demande AI. Dans un avis du 07.03.2018, le médecin auprès du SMR a diagnostiqué une anorexie mentale; l’assurée était en incapacité de travail à 50% depuis le 17.05.1989 et à 100% depuis le 25.04.2017. L’office AI a, en se fondant sur l’avis du médecin de son SMR, octroyé à l’assurée une rente entière de l’assurance-invalidité dès le 01.09.2017 (décision du 21.11.2018).

Donnant suite à la décision de l’office AI, la CPEG a nié le droit de l’assurée à des prestations de la prévoyance professionnelle au motif que l’incapacité de travail de celle-ci était survenue le 17.05.1989, soit avant l’affiliation du 01.08.1996.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/677/2021 – consultable ici)

Par jugement du 24.06.2021, rejet de la demande par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3.1
La CPEG est une institution de prévoyance de droit public dite enveloppante, en ce sens qu’elle alloue à ses affiliés des prestations obligatoires et plus étendues (sur la notion d’institution de prévoyance enveloppante, voir ATF 140 V 169 consid. 6.1). Une telle institution est libre de définir, dans les limites des dispositions expressément réservées à l’art. 49 al. 2 LPP en matière d’organisation, de sécurité financière, de surveillance et de transparence, le régime de prestations, le mode de financement et l’organisation qui lui convient, pour autant qu’elle respecte les principes d’égalité de traitement et de proportionnalité ainsi que l’interdiction de l’arbitraire (ATF 140 V 145 consid. 3.1 et les références).

La faculté réservée aux institutions de prévoyance en vertu de l’art. 49 al. 2 LPP n’implique cependant pas pour elles un pouvoir discrétionnaire. Lorsqu’elles adoptent dans leurs statuts ou règlements un certain système d’évaluation, elles doivent se conformer, dans l’application des critères retenus, aux conceptions de l’assurance sociale ou aux principes généraux (voir par exemple, en ce qui concerne la notion de l’invalidité, ATF 120 V 106 consid. 3c, ou en ce qui concerne la notion de l’événement assuré, arrêts B 31/03 du 23 janvier 2004 consid. 3; B 57/02 du 19 août 2003 consid. 3.3; B 40/93 du 22 juin 1995 consid. 4, in SVR 1995 LPP n° 43 p. 127). Autrement dit, si elles ont une pleine liberté dans le choix d’une notion, elles sont néanmoins tenues de donner à celle-ci sa signification usuelle et reconnue en matière d’assurance (arrêt 9C_52/2020 du 1 er février 2021 consid. 5.2.1, non publié in ATF 147 V 146).

Consid. 3.2
Le règlement d’une institution de prévoyance de droit public peut être modifié même en l’absence de toute disposition réservant un changement de réglementation, à condition toutefois de respecter les principes d’égalité de traitement et d’interdiction de l’arbitraire (ATF 135 V 382 consid. 6.1; 134 I 23 consid. 7.2 et les références citées). La nouvelle réglementation ne doit également pas porter atteinte aux droits acquis. Ces derniers ne naissent en faveur des personnes concernées que si la loi a fixé une fois pour toutes les relations en cause pour les soustraire aux effets des modifications légales, ou lorsque des assurances précises ont été données à l’occasion d’un engagement individuel (sur la notion de droits acquis, voir ATF 143 I 65 consid. 6.2; 134 I 23 consid. 7.2). En matière de prévoyance plus étendue, seul le droit à la rente comme tel constitue un droit acquis, lequel n’est pas touché par un changement des paramètres de calcul de la surindemnisation, même si ce changement peut avoir une incidence sur le montant des prestations d’assurance en cours (ATF 144 V 236 consid. 3.4.1; arrêt 9C_111/2018 du 14 septembre 2018 consid. 4.2 et les références).

 

Consid. 5.1
La juridiction cantonale a retenu que l’incapacité de travail de l’assurée était survenue le 17.05.1989, soit à une époque où l’intéressée n’était pas encore assurée auprès de la caisse de prévoyance. En raison d’une anorexie mentale, l’assurée avait été incapable de travailler à 50% du 17.05.1989 au 24.04.2017, puis à 100% dès le 25.04.2017. Dans la mesure où elle n’avait pas présenté une capacité de travail de plus de 80% dans une activité adaptée pendant plus de trois mois depuis le 17.05.1989, le lien de connexité matérielle et temporelle entre l’incapacité de travail survenue à cette date et l’invalidité reconnue « officiellement en septembre 2017 » n’avait par ailleurs pas été interrompu. Il n’incombait par conséquent pas à l’institution de prévoyance de prendre en charge le cas d’invalidité, l’incapacité de travail déterminante existant déjà à une époque où l’assurée n’était pas encore assurée auprès de la caisse de prévoyance.

Consid. 6.1
D’après les principes généraux en matière de droit transitoire, on applique, en cas de changement de règles de droit et sauf réglementation transitoire contraire, les dispositions en vigueur lors de la réalisation de l’état de fait qui doit être apprécié juridiquement et qui a des conséquences juridiques. Ces principes valent également en cas de changement de dispositions réglementaires ou statutaires des institutions de prévoyance (ATF 138 V 176 consid. 7.1 et les références). Leur application ne soulève pas de difficultés en présence d’un événement unique, qui peut être facilement isolé dans le temps. S’agissant par exemple des prestations de survivants, on applique les règles en vigueur au moment du décès de l’assuré, c’est-à-dire la date à laquelle naît le droit aux prestations du bénéficiaire (ATF 137 V 105 consid. 5.3.1 et la référence).

En cas d’incapacité de travail donnant lieu à une rente d’invalidité, l’état de fait dont découle le droit aux prestations de la prévoyance professionnelle n’est pas la survenance de l’incapacité de travail, événement déterminé dans le temps, mais l’incapacité de travail comme telle, qui est un état durable. La situation juridique qui donne lieu à une rente d’invalidité n’est donc pas ponctuelle, mais perdure jusqu’à la naissance du droit aux prestations de la prévoyance professionnelle. En cas de modification réglementaire après la survenance de l’incapacité de travail, mais avant le début du droit aux prestations, ce sont donc les nouvelles règles qui sont applicables, sauf disposition contraire (ATF 121 V 97 consid. 1c).

Consid. 6.2
Ces principes conduisent à retenir que le droit de l’assurée à une rente de la prévoyance professionnelle (surobligatoire) doit être examiné conformément aux dispositions du RCPEG et non pas des statuts de la CEH, comme l’ont retenu à juste titre les juges cantonaux. En effet, l’état de fait dont découle le droit aux prestations – que ce soit en vertu de l’art. 27 des statuts ou de l’art. 33 RCPEG – est l’incapacité de remplir sa fonction ou l’incapacité de remplir au sens de l’assurance-invalidité comme telle, qui est un état de fait durable. La situation juridique qui donne lieu à une rente d’invalidité perdure donc jusqu’à la naissance du droit aux prestations, coïncidant ici avec celui du droit à une rente de l’assurance-invalidité (art. 33 al. 3 RCPEG; art. 27 al. 4 des statuts), soit le 01.09.2017. Le RCPEG ne contient en outre aucune disposition transitoire qui déclarerait applicables les anciennes dispositions en cas d’incapacité de travail survenue avant cette date.

Par ailleurs, l’art. 27 al. 1 des statuts de la CEH n’attache aucune conséquence juridique particulière à la date de la survenance de l’incapacité de travail, tant et aussi longtemps que cette incapacité ne fonde pas un droit à des prestations d’invalidité de la prévoyance professionnelle. Dans la mesure où aucun droit à la rente en faveur de l’assurée n’a pris naissance sous l’empire des statuts de la CEH, l’assurée ne saurait par conséquent être suivie lorsqu’elle prétend être au bénéfice d’un droit acquis, qui conduirait, selon elle, à l’application des statuts de la CEH.

 

Consid. 7.1
Dans le domaine de la prévoyance professionnelle obligatoire, le versement des prestations d’invalidité incombe à l’institution de prévoyance auprès de laquelle la personne assurée était affiliée au moment de la survenance de l’incapacité de travail dont la cause est à l’origine de l’invalidité, même si celle-ci est survenue après la fin des rapports de prévoyance (art. 23 let. a LPP; ATF 138 V 227 consid. 5.1 et les références citées). Ce principe sert à délimiter les responsabilités entre institutions de prévoyance, notamment lorsque le travailleur, déjà atteint dans sa santé dans une mesure propre à influer sur sa capacité de travail, entre au service d’un nouvel employeur en changeant en même temps d’institution de prévoyance, et bénéficie, ultérieurement, d’une rente de l’assurance-invalidité (ATF 123 V 262 consid. 1c; 121 V 97 consid. 2a; arrêt 9C_797/2013 du 30 avril 2014 consid. 3.4).

Les mêmes principes sont applicables en matière de prévoyance professionnelle surobligatoire, à tout le moins en l’absence de dispositions réglementaires ou statutaires contraires (ATF 138 V 409 consid. 6.1; 136 V 65 consid. 3.2; 123 V 262 consid. 1b).

Consid. 7.2
En l’espèce, le RCPEG, applicable au présent litige, prévoit que le membre salarié reconnu invalide par l’AI l’est également par la caisse pour autant qu’il ait été assuré auprès de la caisse lorsqu’est survenue l’incapacité de travail dont la cause est à l’origine de l’invalidité (art. 33 al. 1 RCPEG). Cette disposition réglementaire a donc la même teneur que l’art. 23 let. a LPP, sur les points litigieux. Les principes posés par l’art. 23 let. a LPP s’imposent par conséquent dans le domaine de la prévoyance professionnelle surobligatoire, dans la mesure où le RCPEG n’y déroge aucunement.

Consid. 7.3
La référence de l’assurée à l’arrêt B 101/02 n’y change rien. Dans le cadre de la prévoyance professionnelle surobligatoire, les institutions de prévoyance sont libres de définir, dans les limites des dispositions expressément réservées à l’art. 49 al. 2 LPP, le régime de prestations qui leur convient (arrêt B 101/02 précité consid. 4.1). A cet égard, elles peuvent notamment faire dépendre le droit à une rente d’invalidité étendue (respectivement le droit à la part étendue de la rente d’invalidité en cas de solutions de prévoyance enveloppantes) de l’existence du rapport de prévoyance au moment de la survenance, respectivement de l’aggravation de l’invalidité définie réglementairement (ATF 118 V 158 consid. 5a; arrêt 9C_658/2016 du 3 mars 2017 consid. 6.4.2; HÜRZELER, Commentaire LPP et LFLP, 2e éd. 2020, n° 5 et 58 ad art. 23 LPP et les références). Le cas échéant, elles ont alors la possibilité d’instituer une réserve pour l’affection qui est à l’origine de l’invalidité (arrêt B 101/02 précité consid. 4.4; ATF 118 V 158 consid. 5a). Dans l’arrêt B 101/02, le Tribunal fédéral a jugé qu’une obligation de prester à la charge des institutions de prévoyance peut découler de l’interprétation de leur règlement de prévoyance selon le principe de la confiance lorsqu’elles renoncent à instituer une réserve, alors qu’elles ont dûment connaissance d’une atteinte à la santé préexistante. Tel est le cas de l’institution de prévoyance qui confirme expressément à la personne concernée, sur la base d’investigations médicales qui ont révélé une atteinte à la santé préexistante, qu’elle l’assure sans réserve pour sa capacité de gain résiduelle (arrêt B 101/02 consid. 4.4).

A l’inverse de la situation qui a donné lieu à l’arrêt B 101/02 précité, l’assurée n’a pas établi en l’espèce que la caisse de prévoyance avait eu connaissance du certificat d’examen médical du 18.01.2002. Il s’agit en effet d’un certificat d’aptitude demandé par l’employeur, singulièrement par la Direction des ressources humaines de l’Hôpital C.__. On ne voit dès lors pas ce que ce certificat médical, qui n’a pas été porté à la connaissance de la caisse de prévoyance, apporterait de plus à l’interprétation littérale de l’art. 33 al. 1 RCPEG. Qui plus est, le médecin qui a rédigé ce certificat a uniquement confirmé l’aptitude de l’assurée à exercer sa fonction à un taux d’activité de 50% et n’a pas mentionné une atteinte à la santé préexistante (voire une incapacité de travail pour les 50% restants). Dans ces circonstances, les motifs invoqués par l’assurée, en particulier le fait qu’elle a été assurée sans réserve par la caisse de prévoyance (à ce sujet, voir arrêt 9C_536/2012 du 28 décembre 2012 consid. 2.4), ne justifient aucunement de s’écarter des conditions d’assurance résultant du RCPEG.

Consid. 7.4
Finalement, l’assurée ne prétend pas que le lien de connexité temporelle et matérielle entre l’incapacité de travail survenue dès 1989 et l’invalidité ultérieure a été interrompue. Il s’ensuit que la juridiction cantonale a retenu à juste titre que l’institution de prévoyance intimée, auprès de laquelle l’assurée n’était pas affiliée lors de la survenance de l’incapacité de travail déterminante en 1989, n’est pas tenue de prendre en charge le cas d’invalidité ainsi que son aggravation.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

Arrêt 9C_435/2021 consultable ici

 

9C_154/2021 (d) du 10.03.2022 – Survenance de l’incapacité de travail dont la cause est à l’origine de l’invalidité – Connexité temporelle et matérielle / 23 LPP

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_154/2021 (d) du 10.03.2022

 

Consultable ici

NB : Traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi

 

Survenance de l’incapacité de travail dont la cause est à l’origine de l’invalidité – Connexité temporelle et matérielle / 23 LPP

Conflit de compétences entre caisse de pensions et la Fondation institution supplétive

 

Assurée, né en 1976, a travaillé du 02.11.2010 au 31.05.2011 dans le cadre d’un stage professionnel suivi d’un engagement à durée déterminée auprès de l’office B.__ et, à partir du 01.06.2011, auprès de l’office C.__ de la même ville. L’institution de prévoyance professionnelle compétente durant cette période était la caisse de pension de la ville de Lucerne (ci-après : CP Ville de Lucerne). Après la résiliation des rapports de travail d’un commun accord pour fin février 2015 (accord du 15.10.2014), l’assurée a perçu des indemnités de chômage du 16.03.2015 au 13.12.2015 et était assurée pour la prévoyance professionnelle auprès de la Fondation institution supplétive LPP.

En mars 2016, l’assurée a déposé une demande AI. Après examen psychiatrique réalisé par un médecin du SMR, l’office AI a accordé à l’assurée une rente entière d’invalidité dès le 01.09.2016 (décision du 07.04.2017). A partir de cette date, la Fondation institution supplétive LPP a avancé les prestations de la prévoyance professionnelle.

 

Procédure cantonale

Le 29.11.2019, l’assurée a ouvert action contre la CP Ville de Lucerne et la Fondation institution supplétive LPP, en demandant que la CP Ville de Lucerne soit tenue de verser les prestations obligatoires et réglementaires, majorées d’un intérêt de 5% à compter de l’introduction de l’action ; à titre subsidiaire, que la Fondation institution supplétive LPP soit tenue de verser les prestations obligatoires et réglementaires, majorées d’un intérêt de 5% à compter de l’introduction de l’action ; cette dernière doit en outre être tenue, à titre de mesure provisoire, de (continuer à) avancer les prestations pendant la procédure en cours.

Par jugement du 20.01.2021, le tribunal cantonal a ordonné à la CP Ville de Lucerne de verser à l’assurée les prestations d’invalidité obligatoires et réglementaires, majorées des intérêts, conformément à l’art. 7 OLP, à compter de l’introduction de la demande ou de la date d’échéance ultérieure ; il a rejeté le recours pour le reste.

 

TF

Consid. 2.1
[…] Les expertises sur dossier peuvent également avoir valeur de preuve, dans la mesure où il existe une analyse sans faille et qu’il ne s’agit pour l’essentiel que de l’évaluation d’un état de fait médical établi en soi, c’est-à-dire que la consultation directe de la personne assurée par un médecin spécialiste passe au second plan (cf. parmi d’autres : SVR 2010 n° 46 p. 143, 9C_1063/2009 consid. 4.2.1 ; arrêts 9C_647/2020 du 26 août 2021 consid. 4.2 et 9C_524/2017 du 21 mars 2018 consid. 5.1 et les références).

Consid. 2.2
Le moment de la survenance de l’incapacité de travail déterminante pour la prévoyance professionnelle doit être établi au degré de la vraisemblance prépondérante (ATF 126 V 353 consid. 5b et les références), usuel en droit des assurances sociales (arrêts 9C_52/2018 du 21 juin 2018 consid. 3.2 et 9C_96/2008 du 11 juin 2008 consid. 2.2, et leurs références). La preuve juridiquement suffisante d’une perte de capacité fonctionnelle pertinente pour le droit de la prévoyance professionnelle ne requiert pas nécessairement une incapacité de travail attestée en temps réel par un médecin. Des hypothèses professionnelles ou médicales ultérieures et des réflexions spéculatives, comme par exemple une incapacité de travail médico-théorique déterminée rétroactivement seulement après des années, ne suffisent toutefois pas (arrêt 9C_61/2014 du 23 juillet 2014 consid. 5.1 et les références). Pour suivre l’attestation médicale rétrospective de l’incapacité de travail et pouvoir renoncer à un certificat médical en temps réel, il faut au contraire que les effets négatifs de la maladie sur la capacité de travail soient documentés en temps réel (arrêts 9C_517/2020 du 28 janvier 2021 consid. 3.2 et 9C_851/2014 du 29 juin 2015 consid. 3.2 et la référence, in : SZS 2015 p. 469).

Consid. 2.3
Les constatations de l’instance précédente concernant la nature de l’atteinte à la santé (constat, diagnostic, etc.) et la capacité de travail, qui sont le résultat d’une appréciation des preuves, lient en principe le Tribunal fédéral (ATF 132 V 393 consid. 3.2). La question de fait est également celle du moment de la survenance de l’incapacité de travail dont la cause a conduit à l’invalidité (SVR 2008 LPP n° 31 p. 126, 9C_182/2007 consid. 4.1.1). En revanche, le Tribunal fédéral examine librement les éléments sur lesquels se fonde la décision à ce sujet (SVR 2009 LPP n° 7 p. 22, 9C_65/2008 consid. 2.2 ; arrêt 9C_670/2010 du 23 décembre 2010 consid. 1.2) et si celle-ci repose sur des preuves suffisantes (arrêt 9C_100/2018 du 21 juin 2018 consid. 2.3).

Consid. 3.1
L’office AI a fixé le début du délai d’attente d’un an selon l’art. 28 al. 1 let. b LAI au mois de mai 2015. Or, comme la demande de prestations AI de l’assurée n’a été déposée qu’à la mi-mars 2016, et donc tardivement (cf. art. 29 al. 1 LAI), le tribunal cantonal a nié tout lien à cet égard et a examiné librement l’obligation de la CP Ville de Lucerne de verser des prestations, ce qu’aucune partie ne conteste à juste titre (cf. p. ex. arrêt 9C_679/2020 du 9 février 2021 consid. 4).

Consid. 3.2
L’instance cantonale a considéré qu’une incapacité de travail d’au moins 20% pour raisons psychiques était survenue, au degré de la vraisemblance prépondérante, pendant le rapport de prévoyance avec la CP Ville de Lucerne. Une nouvelle évaluation psychiatrique ne n’aurait apporté que peu de résultats utiles, étant donné que le dossier contient déjà des rapports impartiaux en « temps réel » sur le comportement de l’assurée. Ensuite, la cour cantonale est partie du postulat qu’il existait un lien matériel étroit entre la problématique de santé à partir d’août 2014 et l’invalidité ultérieure. En outre, à partir de cette date, il existait, d’un point de vue médical, une incapacité de travail complètement sans interruption, de sorte qu’il fallait également admettre un lien temporel ininterrompu. En conséquence, le tribunal cantonal a admis l’obligation de la CP Ville de Lucerne de verser ses prestations.

Consid. 4.1
La conclusion centrale de l’instance cantonale, selon laquelle les résultats psychopathologiques invalidants auraient selon toute vraisemblance déjà entraîné une incapacité de travail d’au moins 20% pendant les rapports de travail avec la ville de Lucerne, repose sur une appréciation complète et détaillée du dossier. La cour cantonale a d’abord tenu compte du fait qu’une incapacité de travail attestée en temps réel était avérée et qu’elle concernait le rapport de prévoyance en question. Ainsi, selon l’établissement des faits du tribunal cantonal, l’assurée était en incapacité totale de travail dès le 28.08.2014. Le médecin traitant a expressément confirmé que l’emploi auprès de l’office C.__ avait dû être abandonné pour des raisons de santé ; une poursuite de l’activité était impossible (certificat du 20.03.2015). Le fait que des causes autres que psychiques aient été à l’origine de l’incapacité total de travail attestée par le médecin n’est ni visible ni exposé (de manière étayée) dans le recours. […] Il n’existe aucun indice valable pour que l’assurée ait retrouvé durablement une capacité de travail supérieure à 80% après la fin de ses rapports de travail avec la ville de Lucerne (à ce sujet : ATF 144 V 58 consid. 4.4).

Consid. 4.2
[…] Certes, les explications fournies dans le rapport d’examen du SMR du 11.01.2017 permettent de conclure que les travaux de construction (changement de sol) ont bien déclenché les troubles psychiatriques dans le sens où une détérioration de l’état de santé s’est produite par la suite. Cela ne permet toutefois pas d’ignorer le fait que le médecin n’a pas exclu que la maladie ait déjà eu un impact significatif sur la capacité de travail ( » […] trouble délirant développé depuis le printemps 2015 ou auparavant […]). A ce sujet, le médecin du SMR a précisé que chez l’assurée, ce n’était pas (seulement) la grande sensibilité aux odeurs, aux émissions et aux composés chimiques, apparue dans le cadre de la transformation de l’appartement, qui était frappante, mais le traitement et l’interprétation des expériences et des événements en soi, ce qui s’était déjà manifesté lors du décès de l’animal domestique ou de l’avocat. Selon le médecin, le trouble délirant (CIM-10 F22.0) qui a finalement conduit à une rente AI avec une incapacité de travail de 100% se caractérise par le fait que la patiente est gravement atteinte dans son appréciation de la réalité, qu’elle ne peut donc pas se distancier de sa perception de la réalité et qu’elle ne dispose en outre d’aucune conscience de la maladie ; à cet égard, elle réagit au contraire de manière défensive et même irascible.

Consid. 4.3
L’instance cantonale a procédé à sa propre appréciation du dossier personnel (en temps réel) et ne s’est fondée qu’en dernier lieu sur l’expertise médicale du 05.11.2019, qui intègre ces conclusions et les confirme en tous points. Le médecin-expert a exposé en détail, sur la base des inscriptions dans le dossier personnel, les parallèles entre les symptômes principaux d’un trouble délirant déjà décrits par le médecin du SMR et le comportement de l’assurée durant son emploi à la ville de Lucerne. Le début de l’incapacité de travail déterminante fixé par le médecin-expert en raison des difficultés rencontrées sur le lieu de travail correspond également à la date indiquée par le médecin traitant – fin août 2014. […] On ne voit pas non plus que la cour cantonale n’aurait pas tenu compte des principes applicables aux expertises des parties, puisque le médecin-expert a uniquement évalué la survenance rétrospective de l’incapacité de travail pertinente pour des faits médicaux établis en soi.

Consid. 4.4
En conséquence, on ne saurait reprocher à l’instance cantonale une constatation manifestement inexacte ou une appréciation des preuves juridiquement erronée en ce qui concerne la survenance de l’incapacité de travail pertinente d’au moins 20%. Le fait qu’elle ait renoncé à des investigations supplémentaires, en particulier à la demande d’expertise judiciaire, n’est pas critiquable (appréciation anticipée des preuves ; ATF 144 V 361 consid. 6.5 ; 136 I 229 consid. 5.3). Il n’y a pas non plus de violation du droit à la preuve (art. 29 al. 2 Cst. et art. 6 ch. 1 CEDH). La condition du lien matériel et temporel étroit entre l’incapacité de travail existant pendant le rapport de prévoyance et l’invalidité survenue ultérieurement est restée incontestée et ne donne lieu à aucune remarque.

 

Le TF rejette le recours de la caisse de pension.

 

 

Proposition de citation : 9C_154/2021 (d) du 10.03.2022, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2022/07/9c_154-2021)

 

Arrêt 9C_154/2021 consultable ici

 

Postulat Nantermod 22.3196 «Quelles mesures pour lutter contre les certificats médicaux de complaisance? » – Avis du Conseil fédéral

Postulat Nantermod 22.3196 «Quelles mesures pour lutter contre les certificats médicaux de complaisance? » – Avis du Conseil fédéral

 

Consultable ici

 

Texte déposé

Dans un rapport, le Conseil fédéral est prisé d’analyser les mesures qui pourraient être mises en œuvre pour lutter efficacement contre l’établissement de certificats médicaux de complaisance. Une statistique des cas avérés de fraude est aussi requise, notamment par un sondage auprès des employeurs.

 

Développement

Le Code des obligations garantit à l’employé le versement du salaire et le protège contre le licenciement en cas de maladie, durant une période variable en fonction de la durée des rapports de travail.

Si cette protection est incontestable, il arrive malheureusement que des soupçons de fraude soient constatés et que les employeurs se trouvent confrontés à des certificats médicaux de complaisance. Si les moyens d’action existent en théorie, ils sont complexes à mettre en œuvre et aboutissent rarement à des sanctions.

Or, des mesures pour lutter contre les cas de fraude existent. Certains cantons ont adopté par exemple les formulaires officiels pour les certificats médicaux, sur le modèle du droit du bail, qui rappellent aux professionnels de la santé les droits et devoirs du médecin. D’autres mesures pourraient être envisagées, notamment concernant des certificats médicaux rétroactifs ou de certificats délivrés sans consultation médicale.

Par ailleurs, une communication renforcée entre le médecin, l’employeur et l’employé optimise la convalescence des travailleurs malades ou accidentés et favorise leur réinsertion dans le processus de travail. Cela contribue à la réduction des arrêts de travail et donc à la diminution des coûts de la santé.

Le Conseil fédéral est aussi invité à analyser l’efficacité des mesures déjà entreprises et les statistiques des fraudes constatées. Ces statistiques devront reposer aussi sur une enquête auprès des employeurs.

 

Avis du Conseil fédéral du 18.05.2022

L’Office fédéral de la santé publique (OFSP) ne dispose d’aucune donnée concernant des cas avérés de fraude en rapport avec des certificats médicaux. Ces infractions étant principalement sanctionnées par des tribunaux régionaux ou cantonaux, l’OFSP n’est pas en mesure d’établir de statistiques en la matière.

Le Conseil fédéral est toutefois disposé à faire analyser l’efficacité de certaines mesures de prévention des fraudes déjà mises en œuvre.

 

Proposition du Conseil fédéral du 18.05.2022

Le Conseil fédéral propose d’accepter le postulat.

 

 

Postulat Nantermod 22.3196 «Quelles mesures pour lutter contre les certificats médicaux de complaisance? » consultable ici

Postulato Nantermod 22.3196 “Quali misure per contrastare i certificati medici compiacenti?” disponibile qui

Postulat Nantermod 22.3196 «Welche Massnahmen gegen Gefälligkeitszeugnisse von Ärztinnen und Ärzten?» hier verfügbar

 

 

9C_682/2020 (f) du 03.11.2021 – Incapacité de travail pour troubles psychiques – Lien de connexité temporelle et matérielle – 23 let. a LPP / Absence de preuve d’une limitation de la capacité fonctionnelle de travail déterminante sous l’angle du droit de la prévoyance professionnelle

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_682/2020 (f) du 03.11.2021

 

Consultable ici

 

Incapacité de travail pour troubles psychiques – Lien de connexité temporelle et matérielle / 23 let. a LPP

Absence de preuve d’une limitation de la capacité fonctionnelle de travail déterminante sous l’angle du droit de la prévoyance professionnelle

 

Assurée a travaillé en qualité d’enseignante à 60% dès le 15.08.2015, puis à 58% à partir du 01.08.2016 au service de l’école B.__. A ce titre, elle était assurée auprès de la caisse de pensions depuis le 01.08.2015 pour la prévoyance professionnelle.

L’assurée a été en arrêt de travail à 100% pour cause de maladie depuis le 06.02.2017. La caisse de pensions l’a mise au bénéfice d’une pension d’invalidité temporaire à partir du 28.03.2017. Le 21.08.2017, la caisse de pensions a fait savoir à son assurée qu’elle mettait fin au versement des prestations avec effet au 31.07.2017, date de la fin des rapports de service. L’assurée s’y étant opposée, la caisse de pensions a mandaté un spécialiste en psychiatrie et psychothérapie. Dans son rapport, ce médecin a posé les diagnostics, ayant des répercussions sur la capacité de travail, de trouble anxieux généralisé (F41.1) et d’épisode dépressif encore léger (en rémission) (F32.0), à l’origine de l’incapacité de travail totale attestée depuis le 07.03.2017. Selon le médecin-expert, l’assurée pouvait reprendre son activité d’enseignante, d’abord à 50% (50% de 60%), puis à 80% (80% de 60%) depuis le 01.03.2018, et à 100% à compter du 01.04.2018. Le 26.04.2018, le Conseil d’administration de la caisse de pensions a confirmé que le versement de la rente temporaire n’était pas possible au-delà du 31.07.2017.

De son côté, l’office AI a mis en œuvre une expertise pluridisciplinaire qui a été réalisée par un spécialiste en oto-rhino-laryngologie, un spécialiste en psychiatrie et psychothérapie un spécialiste en neurologie. Dans leur synthèse, les experts ont retenu une capacité de travail dans l’activité habituelle de 0% dès février 2017, de 20% dès février 2018 et de 40% dès janvier 2019. En cas de rémission des troubles psychiques, et après rééducation vestibulaire, la capacité de travail dans une activité adaptée resterait de 80% en raison de la pathologie ORL. Par décision du 21.01.2020, l’office AI a alloué à l’assurée une rente entière d’invalidité du 01.02.2018 au 31.03.2019, fondée sur un degré d’invalidité de 80%, puis trois-quarts de rente à compter du 01.04.2019 en raison d’un taux d’invalidité de 60%.

 

Procédure cantonale (arrêt PP 9/18 – 27/2020 – consultable ici)

Entre-temps, le 24.05.2018, l’assurée a ouvert action devant le tribunal cantonal, en concluant implicitement à l’octroi de prestations d’invalidité définitive au-delà du 31.07.2017 par la caisse de pensions.

Les juges cantonaux ont constaté que l’assurée ne présentait pas une capacité de travail diminuée de plus de 20% avant son engagement au service de l’école B.__ en se fondant sur le rapport de l’expertise pluridisciplinaire. Ils ont encore constaté que l’anxiété généralisée provoquée par l’activité au sein de l’école B.__ avait conduit à l’incapacité totale de travail à partir de février 2017, ce qui suffisait, conformément à la jurisprudence (cf. ATF 144 V 58 consid. 4.4 et 4.5), à interrompre le lien de causalité temporelle. Quant au lien de connexité matérielle, la juridiction cantonale a également nié son existence s’agissant du trouble anxieux généralisé apparu en février 2017 mais l’a admis pour le trouble vestibulaire présent depuis 2010. Dans ces conditions, l’art. 23 let. a LPP ne permettait pas à la caisse de pensions de refuser d’allouer ses prestations.

Par jugement du 22.09.2020, la juridiction cantonale a admis la demande en ce sens que la caisse de pensions a été condamnée à verser mensuellement à l’assurée, avec effet au 01.08.2017, une rente d’invalidité de 1327 fr. 95, valeur au 31.08.2015, et une rente-pont AI de 445 fr. 25, montants qu’il conviendra d’adapter au 01.08.2017, sous déduction de la rente de l’assurance-invalidité versée à l’assurée.

 

TF

Les constatations de la juridiction cantonale relatives à l’incapacité de travail résultant d’une atteinte à la santé (survenance, degré, durée, pronostic) relèvent d’une question de fait et ne peuvent être examinées par le Tribunal fédéral que sous un angle restreint dans la mesure où elles reposent sur une appréciation des circonstances concrètes du cas d’espèce (art. 97 al. 1 et 105 al. 1 et 2 LTF). Les conséquences que tire la juridiction cantonale des constatations de fait quant à la connexité temporelle sont en revanche soumises au plein pouvoir d’examen du Tribunal fédéral (arrêt 9C_503/2013 du 25 février 2014 consid. 3.3, in SVR 2014 BVG n° 38 p. 143 et la référence).

Le rapport de l’expertise pluridisciplinaire mandaté par l’AI a force probante et permet de statuer en connaissance de cause. Dans l’anamnèse, les experts ont en effet clairement relaté l’évolution de l’état de santé depuis 2010 en mentionnant les affections psychiques et somatiques dont l’assurée avait été atteinte. S’ils ont attesté que l’incapacité totale de travail avait commencé en février 2017 en raison des troubles psychiques, les experts n’ont en revanche pas indiqué que ces affections auraient entraîné une incapacité de travail supérieure à 20%, tant au début des rapports de service en août 2015 que durant la période qui l’avait précédé. On ajoutera que l’expert psychiatre mandaté par la caisse de pensions n’a pas non plus fait état d’une incapacité de travail d’origine psychique antérieurement au mois de mars 2017 dans son rapport d’expertise, en précisant que l’anamnèse psychiatrique était vide.

Dans ce contexte, il faut rappeler que si la preuve d’une limitation de la capacité fonctionnelle de travail déterminante sous l’angle du droit de la prévoyance professionnelle (ATF 134 V 20 consid. 3.2.2) ne suppose pas forcément l’attestation médicale d’une incapacité de travail « en temps réel » (« echtzeitlich »), des considérations subséquentes et des suppositions spéculatives, comme par exemple, une incapacité médico-théorique établie rétroactivement après bien des années, ne suffisent pas. L’atteinte à la santé doit avoir eu des effets significatifs sur les rapports de travail; en d’autres termes, la diminution de la capacité fonctionnelle de travail doit s’être manifestée sous l’angle du droit du travail, notamment par une baisse des prestations dûment constatée, un avertissement de l’employeur ou une accumulation d’absences du travail liées à l’état de santé (arrêt 9C_556/2019 du 4 novembre 2019 consid. 4.3 et la référence). De tels éléments ne sont pourtant pas établis en l’espèce. En outre, les seuls problèmes d’ordre psychiatrique mentionnés par les experts mandatés par l’AI sur la base du dossier concernent un déconditionnement psychique survenu en février 2013, soit bien avant le début de l’activité au service de l’école B.__, le 01.08.2015. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la caisse de pensions, rien ne permet d’admettre que l’assurée aurait d’emblée restreint son activité professionnelle en raison de son état de santé, lorsqu’elle a accepté l’emploi à temps partiel qui a commencé le 01.08.2015 (à 60% puis à 58%).

Vu ce qui précède, l’instance cantonale a admis à juste titre que l’activité déployée d’août 2015 à février 2017 avait interrompu le lien de connexité temporelle entre une éventuelle incapacité de travail pour troubles psychiques qui aurait existé avant le 01.08.2015 et celle qui est survenue en février 2017 (cf. ATF 144 V 58 consid. 4.4 et consid. 4.5), elle-même à l’origine de l’invalidité durable. C’est donc sans violation de l’art. 23 let. a LPP ainsi que des art. 59 et 60 du Règlement de la Caisse de pensions que l’obligation de l’institution de prévoyance de verser des prestations d’invalidité définitive à compter du 01.08.2017 a été reconnue. Sur ce point, le recours est mal fondé.

 

Le TF rejette – sur ce point – le recours de la caisse de pensions.

 

 

Arrêt 9C_682/2020 consultable ici

 

 

9C_423/2020 (f) du 02.12.2020 – Début et fin de droit à des prestations d’invalidité / 23 let. a LPP – 26 LPP / Connexité matérielle et temporelle nécessaire pour fonder l’obligation de prester d’une institution de prévoyance / Force contraignante de la décision de l’AI pour l’institution de prévoyance – Décisions et communications de l’OAI pas adressé à l’IP

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_423/2020 (f) du 02.12.2020

 

Consultable ici

 

Début et fin de droit à des prestations d’invalidité / 23 let. a LPP – 26 LPP

Connexité matérielle et temporelle nécessaire pour fonder l’obligation de prester d’une institution de prévoyance

Force contraignante de la décision de l’AI pour l’institution de prévoyance – Décisions et communications de l’OAI pas adressé à l’IP

 

L’assuré a travaillé pour le compte de B.__ SA du 03.06.1985 au 31.08.2000. A ce titre, il a été assuré pour la prévoyance professionnelle auprès de la Fondation de prévoyance et de secours en faveur du personnel de B.__ SA (laquelle a été reprise en 2002 par la Fondation de prévoyance C.__, devenue par la suite Fondation de Prévoyance D.__ [ci-après : la Caisse de pensions]). Il a ensuite été affilié à la Fondation institution supplétive LPP (ci-après : l’institution supplétive), dans le cadre de l’assurance-chômage (délai-cadre d’indemnisation du 01.09.2000 au 31.08.2002). Le 01.01.2003, l’assuré a débuté un emploi en tant qu’horloger au sein de l’entreprise familiale de ses parents.

Au mois de septembre 2003, l’assuré a présenté une demande de prestations de l’assurance-invalidité, à la suite de laquelle l’office AI lui a reconnu le droit à une rente entière d’invalidité dès le 01.09.2002 (décision du 20.09.2011).

Le 06.03.2012, l’assuré s’est adressé à la Fondation de Prévoyance D.__ en vue d’obtenir des prestations de la prévoyance professionnelle. Celle-ci a nié toute obligation de prester. Par jugement du 4 septembre 2013, la Cour cantonale a rejeté l’action ouverte par l’assuré contre la Caisse de pensions. Saisi d’un recours de l’assuré, le Tribunal fédéral l’a rejeté (arrêt 9C_736/2013 du 07.04.2014).

L’assuré a par la suite sollicité le versement de prestations d’invalidité pour les personnes au chômage auprès de l’institution supplétive, qui a rejeté la demande au motif que l’incapacité de travail ayant conduit à l’invalidité avait débuté le 31.08.2000.

 

Procédure cantonale (arrêt PP 12/16 – 12/2020 – consultable ici)

Les juges cantonaux ont constaté que l’office AI avait retenu que l’assuré présentait une incapacité de travail depuis le 01.01.1999. Cette date n’était cependant pas déterminante pour l’examen du droit aux prestations de la prévoyance professionnelle dès lors que l’institution de prévoyance n’avait pas reçu les décisions et communications de l’office AI. En conséquence, la juridiction cantonale a considéré qu’il lui appartenait de procéder à une appréciation du cas au regard des rapports versés au dossier afin de déterminer la survenance de l’incapacité de travail qui a constitué la cause de l’invalidité ayant fondé le droit de l’assuré à une rente de l’assurance-invalidité à compter du 01.09.2002. Dans le cadre de son examen, elle a constaté que l’assuré s’était inscrit au chômage avec une pleine aptitude au placement, et que les médecins n’avaient pas fait état de périodes d’incapacité de travail significatives durant le délai-cadre d’indemnisation ouvert du 01.09.2000 au 31.08.2002. La conclusion que l’assuré disposait d’une pleine capacité de travail était par ailleurs concrètement confirmée par le fait qu’il avait obtenu un diplôme fédéral d’économiste d’entreprise le 18.11.2002, à la suite d’une formation prise en charge par l’assurance-chômage. Compte tenu de ces éléments, les premiers juges ont nié que l’incapacité de travail à l’origine de l’invalidité constatée par l’office AI le 20.09.2011 fût survenue durant la période d’affiliation de l’assuré auprès de l’institution supplétive, et partant, l’existence d’une obligation à charge de celle-ci de verser des prestations.

Par jugement du 08.05.2020, rejet par le tribunal cantonal de l’action ouverte le 18.05.2016 par l’assuré contre l’institution supplétive.

 

TF

Force contraignante de la décision de l’AI pour l’institution de prévoyance

Les juges cantonaux ont indiqué la raison pour laquelle la décision de l’office AI de septembre 2011 ne peut, en l’espèce, pas lier l’institution de prévoyance. Ils ont en effet expliqué que l’office AI n’avait pas transmis un exemplaire de sa décision du 20.09.2011 à l’institution supplétive. La question de la force contraignante de la décision de l’assurance-invalidité pour l’institution de prévoyance a par ailleurs également été examinée par le Tribunal fédéral dans son arrêt du 07.04.2014, qui a considéré que les constatations et autres appréciations des organes de l’assurance-invalidité faites au-delà de la période de douze mois précédant le dépôt tardif de la demande de prestations de l’assuré en 2003 n’ont en l’espèce a priori aucune force contraignante pour les organes de la prévoyance professionnelle (arrêt 9C_736/2013 précité, consid. 3.2 et 6.1).

 

Incapacité de travail – Connexité matérielle et temporelle

Certes, comme le relève l’assuré, le fait qu’un assuré ait la capacité de satisfaire intégralement aux prescriptions de contrôle de l’assurance-chômage ne signifie pas encore qu’il dispose nécessairement d’une capacité de travail durant la même période (arrêt 9C_162/2013 du 8 août 2013 consid. 2.3.2). Cela étant, selon la jurisprudence, dûment rappelée par les juges cantonaux, lorsque l’assuré a perçu des indemnités de chômage, il convient de prendre en considération la situation telle qu’elle apparaît de l’extérieur pour apprécier la relation de connexité temporelle entre l’incapacité de travail et l’invalidité au sens de l’art. 23 let. a LPP (ATF 134 V 20 consid. 3.2.1 p. 22 s.; arrêts B 100/02 du 26 mai 2003 consid. 4.1; B 18/06 du 18 octobre 2006 consid. 4.2.1 in fine et les références).

En l’espèce, il ressort des constatations cantonales que l’assuré s’est inscrit au chômage en qualité de demandeur d’emploi pleinement apte au placement, donnant ainsi aux tiers l’impression de disposer d’une capacité de travail entière. L’assuré avait bénéficié, pendant le délai-cadre d’indemnisation ouvert du 01.09.2000 au 31.08.2002, de 145 jours d’indemnités de chômage, de 5 jours de maladie et de 193 jours de cours. La conclusion que l’assuré disposait d’une pleine capacité de travail était encore concrètement renforcée par le fait qu’il avait obtenu un diplôme fédéral d’économiste d’entreprise le 18.11.2002, à la suite de la formation prise en charge par l’assurance-chômage, soit postérieurement au délai-cadre d’indemnisation. A cet égard, c’est en vain que l’assuré soutient qu’il n’aurait suivi que 322 périodes de cours de 45 minutes réparties sur une période de 4 mois, et que sa « capacité de travail nécessaire à suivre les cours en question » aurait été « arbitrairement surestimée » par les premiers juges. D’une part, il ressort des constatations cantonales, que l’intéressé ne conteste pas, qu’il a perçu 193 indemnités journalières de cours de l’assurance-chômage, ce qui correspond à une période de près de 9 mois (au vu de la moyenne de jours de travail par mois arrêtée à 21,7; cf. art. 40a OACI). D’autre part, les premiers juges n’ont pas fait preuve d’arbitraire en considérant qu’il s’agissait d’une formation contraignante, dès lors déjà que l’assuré avait lui-même indiqué à la doctoresse H.__ que les examens qu’il avait dû passer au terme de la formation étaient complexes.

Les rapports des médecins invoqués par l’assuré ne permettent pas au regard des exigences posées par la jurisprudence en matière de valeur probante de documents médicaux (ATF 125 V 351 consid. 3a p. 352; 122 V 157 consid. 1c p. 160 et les références) de retenir que l’incapacité de travail au sens de l’art. 23 let. a LPP serait survenue entre le 01.09.2000 et le 30.09.2002.

Selon le Tribunal fédéral, on ne saurait reprocher à la juridiction cantonale d’avoir fait preuve d’arbitraire lorsqu’elle a nié que l’invalidité constatée par l’office AI le 20.09.2011 trouvât sa cause dans une incapacité de travail de l’assuré qui serait survenue pendant la période durant laquelle il avait été affilié auprès de l’institution supplétive. A défaut d’un lien de connexité temporelle, c’est donc sans violation de l’art. 23 let. a LPP qu’elle a nié l’obligation de la Fondation institution supplétive LPP de verser des prestations d’invalidité. L’incapacité de travail déterminante doit être survenue après la période d’affiliation de l’assuré tant à la Fondation de Prévoyance D.__ (arrêt 9C_736/2013 précité, consid. 6.3), qu’à la Fondation institution supplétive LPP, c’est-à-dire postérieurement au 30.09.2002.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_423/2020 consultable ici

 

 

8C_327/2019 (f) du 05.05.2020 – Droit à l’indemnité de chômage – 8 LACI / Incapacité de travail pour maladie – Libération des conditions relatives à la période de cotisation – 13 LACI – 14 LACI / Capacité résiduelle de travail de 20% pas considérée comme insignifiante

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_327/2019 (f) du 05.05.2020

 

Consultable ici

 

Droit à l’indemnité de chômage / 8 LACI

Incapacité de travail pour maladie – Libération des conditions relatives à la période de cotisation / 13 LACI – 14 LACI

Capacité de travail de 20% interrompt le lien de causalité entre l’absence de cotisation durant plus de douze mois et l’incapacité de travail due à la maladie

Capacité résiduelle de travail de 20% pas considérée comme insignifiante

 

Assuré, né en 1964, a travaillé à plein temps pour le compte d’une SA à partir du 01.05.2014, où il exerçait la fonction de directeur. Il a été licencié le 29.10.2015 pour le 29.02.2016. La fin des rapports de travail a toutefois été reportée au 31.08.2016 en raison d’un arrêt maladie. La capacité de travail médicalement attestée était nulle entre les 15.01.2016 et 31.07.2017 ; elle a ensuite été de 20% jusqu’au 30.09.2017 puis de 50% jusqu’au 31.12.2017.

L’assuré s’est inscrit auprès de l’office régional de placement (ORP) le 27.09.2017. Il a déposé une demande d’indemnité de chômage le 30.10.2017, requérant le versement de cette indemnité depuis le 01.09.2017.

Par décision, confirmée sur opposition, la caisse de chômage (ci-après: la caisse) a nié le droit de l’intéressé à l’indemnité de chômage au motif qu’il ne remplissait ni les conditions relatives à la période de cotisation ni celles pour en être libéré.

 

Procédure cantonale

Les juges cantonaux ont considéré que l’assuré n’avait pas droit à l’indemnité de chômage dans la mesure où il ne remplissait pas les conditions relatives à la période de cotisation. Sur ce point, la cour cantonale a en particulier exclu que les informations transmises par l’ORP à l’assuré (en relation avec le classement de sa première demande d’inscription au chômage en raison de son incapacité de travail ainsi qu’avec les répercussions de la date d’inscription au chômage sur la période de cotisation et le droit aux prestations) soient constitutives d’une violation du devoir de renseigner ou du principe de la bonne foi justifiant malgré tout l’attribution de l’indemnité requise. Le tribunal cantonal a considéré que l’assuré ne pouvait pas prétendre à l’indemnité de chômage sur la base d’une libération des conditions relatives à la période de cotisation dès lors que le recouvrement d’une capacité résiduelle de travail de 20% à partir du 01.08.2017 avait empêché la réalisation de la condition de l’absence de rapports de travail pour raisons médicales pendant plus de douze mois durant le délai-cadre de cotisation.

Par jugement du 01.04.2019, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Selon l’art. 8 al. 1 let. e LACI, l’assuré a droit à l’indemnité de chômage s’il remplit les conditions relatives à la période de cotisation ou en est libéré (art. 13 et 14 LACI). Aux termes de l’art. 13 al. 1 LACI, celui qui, dans les limites du délai-cadre prévu à cet effet (art. 9 al. 3 LACI), a exercé durant douze mois au moins une activité soumise à cotisation remplit les conditions relatives à la période de cotisation. Selon l’art. 14 al. 1 let. c LACI, sont libérés des conditions relatives à la période de cotisation les personnes qui, dans les limites du délai-cadre (art. 9 al. 3 LACI) et pendant plus de douze mois au total, n’étaient pas parties à un rapport de travail et, partant, n’ont pu remplir les conditions relatives à la période de cotisation en raison notamment d’une maladie (art. 3 LPGA). Selon la jurisprudence, il doit exister un lien de causalité entre le motif de libération invoqué et l’absence de période de cotisation. Par ailleurs, l’empêchement doit avoir duré plus de douze mois. En effet, en cas d’empêchement de plus courte durée, il reste assez de temps à la personne assurée, pendant le délai-cadre de deux ans, pour exercer une activité d’une durée de cotisation suffisante. Comme la période de cotisation des personnes occupées à plein temps (art. 11 al. 4, première phrase, OACI), la causalité requise n’est de plus donnée que si, pour l’un des motifs énumérés à l’art. 14 al. 1 let. a-c LACI, il n’était ni possible, ni exigible de la part de la personne assurée, d’exercer une activité à temps partiel (ATF 141 V 625 consid. 2 p. 627; 141 V 674 consid. 4.3.1 p. 678 s.; 139 V 37 consid. 5.1 p. 38 s.).

L’existence d’une capacité de travail de 20% n’est pas contestée par les parties. Or le Tribunal fédéral a déjà statué dans une situation analogue. Il a en substance considéré que l’assuré qui disposait d’une telle capacité de travail durant le délai-cadre de cotisation pouvait être partie à un rapport de travail (et obtenir ainsi un salaire déterminant [soumis à cotisation] au sens de l’art. 5. LAVS) susceptible d’interrompre le lien de causalité entre l’absence de cotisation durant plus de douze mois et l’incapacité de travail due à la maladie et, par conséquent, d’empêcher l’application de l’art. 14 LACI (arrêt 8C_516/2012 du 28 février 2013 consid. 6.2 et les références), tout comme en l’occurrence.

Cette approche n’est pas schématique mais concrète dans la mesure où elle a été élaborée dans un cas particulier. On ajoutera que, du moment que les médecins attestent une capacité de travail, cela signifie que la personne concernée peut concrètement la mettre en valeur sur le marché du travail (arrêt 8C_516/2012 précité consid. 6.2.2 in limine). On précisera encore qu’une capacité résiduelle de travail de 20% n’est pas insignifiante dès lors qu’elle représente une journée complète de travail et qu’elle est de surcroît significative dans le cadre de la détermination de l’aptitude au placement (art. 5 OACI en relation avec les art. 8 al. 1 let. f et 15 al. 1 LACI; arrêt 8C_516/2012 précité consid. 6.2.2.1 in limine). Le fait que cette capacité corresponde à une brève période n’est d’aucune utilité à l’assuré dans la mesure où, justement, cette brève période s’inscrit dans un processus de reprise du travail à temps complet. Il ne s’agit effectivement pas d’une capacité passagère qui démontrerait une reprise infructueuse du travail en raison d’une appréciation erronée de l’incidence de la maladie sur la capacité de travail mais, selon les mots mêmes de l’assuré, « d’une courte phase sur le chemin d’une reprise du travail complète ».

Il n’y a par ailleurs pas lieu d’entrer en matière sur les autres arguments soulevés par l’assuré dès lors qu’il se borne à alléguer qu’aucun employeur n’aurait accepté de l’engager dans ces conditions, qu’un tel emploi n’aurait de toute façon pas été convenable au sens de l’art. 16 LACI et que d’autres circonstances étaient susceptibles d’entraver les possibilités d’embauche, sans invoquer le moindre élément concret qui établirait que tel aurait bien été le cas en l’occurrence. Le Tribunal fédéral n’a en effet pas à entrer en matière sur de tels arguments appellatoires (cf. ATF 140 III 264 consid. 2.3 p. 265 ss et les références).

 

L’assuré soutient subsidiairement que si son argumentation principale ne devait pas être retenue, il faudrait fixer à plus de 20% – et non à 20% comme en l’espèce – le taux permettant d’exiger l’exercice à temps partiel d’une activité soumise à cotisation au sens des art. 13 et 14 LACI, conformément à ce que préconise un auteur (BORIS RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, n° 25 ad art. 14 LACI).

Cet argument n’est pas davantage fondé que le précédent. Les juges cantonaux ont pris position sur cette question en rappelant que, selon le Tribunal fédéral, un taux de 20% ne pouvait pas être ignoré dans le contexte de l’art. 14 LACI (arrêt 8C_516/2012 du 28 février 2013 consid. 6.2.2) et que l’avis de Boris Rubin était isolé et exprimé de façon retenue. L’assuré n’avance aucun élément pertinent qui remettrait en cause ces considérations. Le seul fait que la jurisprudence fédérale citée ne soit pas publiée au recueil officiel des arrêts du Tribunal fédéral suisse ne change rien à la valeur de son contenu. On précisera au surplus que l’arrêt 8C_516/2012 mentionné établit un parallèle entre aptitude au placement et capacité de travail permettant d’exiger d’un assuré qu’il exerce à temps partiel une activité soumise à cotisation. Or une personne est apte au placement en particulier lorsqu’elle est en situation d’accepter un travail convenable à un taux d’occupation d’au moins 20% ou, en d’autres termes, déjà lorsque sa capacité de travail est équivalente à 20%.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_327/2019 consultable ici