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9C_137/2022 (f) du 14.07.2022 – Responsabilité de l’employeur et responsabilité subsidiaire des organes de l’employeur – 52 LAVS / Négligence grave / Lien de causalité entre la passivité de l’administrateur et le dommage subi par la caisse de compensation

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_137/2022 (f) du 14.07.2022

 

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Responsabilité de l’employeur et responsabilité subsidiaire des organes de l’employeur / 52 LAVS

Obligation de l’administrateur de veiller personnellement aux paiements des cotisations paritaires – Négligence grave en l’absence d’une telle surveillance

Lien de causalité entre la passivité de l’administrateur et le dommage subi par la caisse de compensation

 

D.__ SA (ci-après: la société), inscrite au registre du commerce du Canton de Genève en juin 2008 et affiliée en tant qu’employeur pour le paiement des cotisations sociales dès le 01.08.2008 à la Caisse cantonale de compensation (ci-après: la caisse de compensation), a été dissoute par suite de faillite en 2018. C.A.__ en a été l’administrateur avec signature collective à deux jusqu’au 23.05.2016, date à laquelle son nom a été radié du registre du commerce.

Par décision du 06.07.2020, la caisse de compensation a réclamé à C.A.__, en sa qualité d’administrateur de D.__ SA, la somme de 293’610 fr. 10, à titre de réparation du dommage causé par le non-paiement de cotisations sociales dues pour les années 2014 et 2015, ainsi que pour la période allant du 01.01.2016 au 31.05.2016. Il en était solidairement responsable avec l’autre administrateur de la société, E.__. C.A.__ s’est opposé à cette décision. Il est décédé en 2020. La caisse de compensation a confirmé sa décision du 06.07.2020 par décision sur opposition du 04.02.2021, notifiée au conseil du défunt.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/73/2022 – consultable ici)

Par jugement du 20.01.2022, admission partielle du recours, formé par A.A.__ et B.A.__, héritiers de C.A.__, par le tribunal cantonal. La cour cantonale a toutefois confirmé la responsabilité de feu C.A.__ du 01.01.2014 au 31.03.2016.

 

TF

 

Consid. 4
Le litige porte sur la responsabilité de C.A.__ au sens de l’art. 52 LAVS dans le préjudice subi par la caisse de compensation intimée en raison du non-paiement par la société de cotisations sociales dues pour la période allant du 01.01.2014 au 31.03.2016.

L’arrêt entrepris expose de manière complète les dispositions légales et les principes jurisprudentiels en matière de responsabilité de l’employeur au sens de l’art. 52 LAVS et de responsabilité subsidiaire des organes de l’employeur (ATF 129 V 11; 126 V 237; 123 V 12 consid. 5b et les références), en particulier les conditions d’une violation intentionnelle ou par négligence des devoirs incombant aux organes (ATF 121 V 243). Il suffit d’y renvoyer. On rappellera que dans l’hypothèse où plusieurs personnes sont responsables d’un même dommage au sens de l’art. 52 LAVS, chacun des débiteurs répond solidairement de l’intégralité du dommage envers la caisse de compensation, celle-ci étant libre de rechercher tous les débiteurs, quelques-uns ou un seul d’entre eux, à son choix (ATF 119 V 86 consid. 5a).

Consid. 5
La juridiction cantonale a considéré que C.A.__ avait commis, en sa qualité d’organe formel de la société, une négligence grave au sens de l’art. 52 LAVS, entraînant ainsi son obligation de réparer le dommage subi par la caisse de compensation en raison du non-paiement des cotisations dues. En particulier, le fait que le Ministère public a classé la procédure pénale à son encontre pour gestion fautive n’était pas décisif au regard de l’art. 52 LAVS. Elle a par ailleurs limité la période à prendre en compte pour le calcul du dommage du 01.01.2014 au 31.03.2016, date pour laquelle C.A.__ avait donné sa démission du conseil d’administration.

Consid. 6.1
Sans remettre en cause la période déterminante, les recourants invoquent une « violation arbitraire » de l’art. 52 al. 2LAVS. Ils font en substance valoir que les arriérés de cotisations paritaires ne sont pas dus à un acte intentionnel ou à une négligence grave de leur père, mais à des actes délictueux de l’autre administrateur de la société également inscrit au registre du commerce durant la période déterminante.

Consid. 6.2
L’argumentation des recourants ne résiste pas à l’examen. A la suite des juges cantonaux, on admettra qu’il incombait à C.A.__, en sa qualité d’administrateur, de veiller personnellement à ce que les cotisations paritaires afférentes aux salaires versés fussent effectivement payées à la caisse de compensation, nonobstant le mode de répartition interne des tâches au sein la société (arrêt 9C_722/2015 du 31 mai 2016 consid. 3.3 et les références). En n’ayant exercé aucune activité de surveillance, C.A.__ a commis une négligence qui doit, sous l’angle de l’art. 52 LAVS, être qualifiée de grave (arrêt 9C_289/2009 du 19 mai 2010 consid. 6.2). Comme le reconnaissent eux-mêmes les recourants, la répartition des rôles au sein d’une société, respectivement le fait que la personne morale est dirigée concrètement par d’autres personnes, ne constitue pas, à cet égard, un motif de suppression ou d’atténuation de la faute commise (arrêt 9C_722/2015 cité). Pour cette raison, c’est également en vain que les recourants se prévalent du classement de la procédure pénale pour gestion fautive à l’encontre de leur père (comp. arrêt H 259/03 du 22 décembre 2003 consid. 8.4) comme l’ont dûment expliqué les juges cantonaux.

C’est en vain que les recourants font valoir encore que les actes délictueux qu’aurait commis E.__ auraient provoqué le dommage. Il ne ressort pas des propos tenus par feu C.A.__ devant le Ministère public genevois que l’autre administrateur l’aurait trompé par des manœuvres fallacieuses, ce qui peut, dans certaines circonstances, interrompre le lien de causalité adéquate (cf. sur de telles circonstances arrêt 9C_328/2012 du 11 décembre 2012 consid. 2.3). Feu C.A.__ a indiqué qu’en réponse à sa question de savoir pourquoi les charges n’avaient pas été payées, E.__ lui répondait qu’elles seraient payées, l’argent devant arriver. A cette occasion, il a réitéré ne pas s’être occupé du tout du paiement des cotisations. Dans ces circonstances, au vu du lien de causalité entre la passivité de C.A.__ et le dommage subi par la caisse de compensation, c’est à bon droit que la cour cantonale a admis la responsabilité de C.A.__ au titre de l’art. 52 al. 2 LAVS pour la période du 01.01.2014 au 31.03.2016.

 

Le TF rejette le recours.

 

 

Arrêt 9C_137/2022 consultable ici

 

9C_466/2021 (d) du 17.10.2022, destiné à la publication – Les subventions d’accueil extra-familial versées par l’employeur sont soumises aux cotisations AVS – Interprétation de l’art. 6 RAVS

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_466/2021 (d) du 17.10.2022, destiné à la publication

 

Arrêt 9C_466/2021 consultable ici

Communiqué de presse du TF du 14.11.2022 consultable ici

 

Les subventions d’accueil extra-familial versées par l’employeur sont soumises aux cotisations AVS – Interprétation de l’art. 6 RAVS

 

Les contributions versées par l’employeur en faveur des employés à une structure d’accueil de jour interne à l’entreprise ou qui lui est affiliée sont soumises à la cotisation AVS. Les subventions d’accueil extra-familial ne peuvent pas être considérées comme des allocations familiales exemptées de l’obligation de cotiser à l’AVS. Le Tribunal fédéral admet un recours concernant les subventions d’accueil extra-familial versées par l’Hôpital universitaire de Bâle.

L’Hôpital universitaire de Bâle dispose de sa propre structure d’accueil. Les employés de l’hôpital qui recourent à cette offre de garde ou à celle d’une autre structure affiliée ont la possibilité de bénéficier d’une aide financière de l’hôpital pour les frais de garde. L’hôpital ne verse pas le montant aux parents, mais directement à la structure d’accueil. En 2019, la Caisse de compensation des employeurs de Bâle a conclu qu’aucune cotisation AVS n’avait été prélevée jusqu’à présent, à tort, sur les subventions de l’hôpital. Sur recours de l’hôpital, le Tribunal des assurances sociales du canton de Bâle-Ville a jugé en 2021 que les subventions aux structures d’accueil n’étaient pas soumises à l’obligation de cotiser à l’AVS, puisqu’elles devaient être considérées comme des allocations familiales qui, conformément à l’art. 6 RAVS, sont exemptées de l’obligation de cotiser.

Le Tribunal fédéral admet le recours de l’Office fédéral des assurances sociales contre cette décision. Pour que des allocations versées par l’employeur à ses salariés puissent être exemptées de l’obligation de cotiser à l’AVS, une base légale spécifique est requise. Contrairement à l’avis du Tribunal des assurances sociales bâlois, il résulte de l’interprétation de l’art. 6 RAVS que les subventions pour l’accueil extra-familial ne sont pas des allocations familiales au sens dudit règlement. Sont notamment considérées comme allocations familiales les allocations de ménage qui sont des prestations fixes, indépendantes du montant du salaire, et qui doivent être d’un montant identique pour tous les employés qui y ont droit. Or, les subventions pour l’accueil extra-familial de l’hôpital ne sont versées qu’en faveur des collaborateurs dont le revenu net du ménage ne dépasse pas un certain montant. En matière d’allocations familiales, aucun canton ne prévoit toutefois une solution liée au revenu du ménage. En outre, dans le cas d’espèce, les parents ne peuvent pas bénéficier automatiquement des subventions pour l’accueil extra-familial de l’hôpital, même si leur revenu est inférieur au montant limite ; les besoins sont au contraire évalués au cas par cas. Enfin, les subventions pour l’accueil extra-familial ont certes pour objectif, comme les allocations familiales, d’alléger la charge financière des parents. Il convient toutefois de tenir compte du fait que les subventions pour accueil extra-familial constituent également un attrait en vue du recrutement et de la fidélisation des collaborateurs, de sorte que leur objectif n’est pas purement social.

 

 

Arrêt 9C_466/2021 consultable ici

Communiqué de presse du TF du 14.11.2022 consultable ici

 

 

9C_430/2021 (f) du 07.04.2022 – Responsabilité de l’employeur – Non-paiement de cotisations sociales – 52 LAVS / Lien de causalité entre le manquement imputable à l’associé gérant et le préjudice subi par la caisse de compensation

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_430/2021 (f) du 07.04.2022

 

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Responsabilité de l’employeur – Non-paiement de cotisations sociales / 52 LAVS

Lien de causalité entre le manquement imputable à l’associé gérant et le préjudice subi par la caisse de compensation

 

B.__ Sàrl (ci-après: la société), fondée en 2004, a été affiliée en tant qu’employeur pour le paiement des cotisations sociales à la caisse de compensation dès 2006. Après avoir été déclarée en faillite avec effet en septembre 2011, la société a été radiée du registre du commerce en 2015.

Entre-temps, le 09.11.2012, la caisse de compensation a adressé à A.__, en sa qualité d’associé gérant, une décision de réparation de dommage portant sur un montant de 115’459 fr. 15, dont 6351 fr. 30 d’intérêts moratoires et 325 fr. de frais de poursuites. Cette somme correspondait au solde des cotisations sociales (AVS/AI/APG/AC) dues sur les salaires déclarés par la société pour la période courant du mois de février 2009 au mois de juillet 2011.

Après une première procédure judiciaire, la caisse de compensation a repris l’instruction de la cause. Par décision sur intérêts moratoires du 05.03.2019, confirmée sur opposition le 26.06.2019, elle a arrêté le montant des intérêts moratoires dus par le prénommé à 6351 fr. 30, constaté qu’il n’y avait pas lieu de modifier la somme due au titre du dommage qui lui avait été causé, et dit que A.__ était débiteur envers elle de la somme de 115’459 fr. 15 et lui en devait immédiat paiement.

 

Procédure cantonale (arrêt AVS 28/19 – 33/2021 – consultable ici)

Par jugement du 08.07.2021, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 5.2
Selon la jurisprudence, commet notamment une faute ou une négligence grave au sens de l’art. 52 al. 1 LAVS, l’employeur qui verse des salaires pour lesquels les créances de cotisations qui en découlent de par la loi ne sont pas couvertes (cf. arrêts 9C_848/2018 du 21 janvier 2019 consid. 4.2; 9C_713/2013 du 30 mai 2014 consid. 4.2.3 et les références).

En conséquence, l’argumentation de A.__ selon laquelle les juges cantonaux ne pouvaient pas retenir qu’il avait commis une négligence grave, étant donné qu’il s’était régulièrement acquitté pour le compte de la société d’une partie à tout le moins des cotisations dues et que les « retards partiels de paiements » qui lui sont reprochés ne porteraient que sur une période « relativement courte », est mal fondée. Si les ressources financières de la société ne lui permettaient pas de payer les cotisations paritaires dans leur intégralité, il eût appartenu à l’employeur – soit à A.__ en sa qualité d’associé gérant de la société – de ne verser que les salaires pour lesquels les créances de cotisations qui en découlaient de par la loi pouvaient être couvertes (arrêt 9C_546/2019 du 13 janvier 2020 consid. 4.2).

Consid. 5.3
A.__ ne peut pas davantage être suivi lorsqu’il allègue que des circonstances « tout à fait extraordinaires » et des « facteurs commerciaux exogènes à [s]a volonté » rendraient son comportement excusable. Certes, selon la jurisprudence dûment rappelée par l’instance précédente, il existe certains motifs de nature à justifier ou à excuser le comportement fautif de l’employeur au sens de l’art. 52 LAVS (ATF 108 V 183 consid. 1b; arrêts H 28/84 du 21 août 1985 consid. 2 et H 8/85 du 30 mai 1985 consid. 3a, in RCC 1985 p. 603 et 647). Cependant, s’il peut arriver qu’un employeur parvienne à maintenir son entreprise en vie, par exemple lors d’une passe délicate dans la trésorerie, en retardant le paiement de cotisations, il faut encore, pour qu’un tel comportement ne tombe pas ultérieurement sous le coup de l’art. 52 LAVS, que l’on puisse admettre que l’intéressé avait, au moment où il a pris sa décision, des raisons sérieuses et objectives de penser qu’il pourrait s’acquitter des cotisations dues dans un délai raisonnable (ATF 108 V 183 consid. 2, confirmé dans ATF 121 V 243; cf. aussi arrêts 9C_546/2019 précité consid. 4.3; 9C_338/2007 du 21 avril 2008 consid. 3.1). En l’occurrence, ces conditions ne sont pas remplies.

Consid. 5.3.1
Quoi qu’en dise d’abord A.__, le fait de s’être régulièrement acquitté pour le compte de la société d’une partie des cotisations dues et d’avoir fait un apport d’argent personnel dans la société ne constituent pas des motifs d’exculpation suffisants (cf. arrêt 9C_588/2017 du 21 novembre 2017 consid. 5.2). Si ces démarches étaient en théorie susceptibles de conduire à l’assainissement de B.__ Sàrl, il n’en demeure pas moins que les difficultés financières rencontrées par la société n’étaient pas passagères, dès lors qu’il ressort des constatations cantonales que le paiement des cotisations sociales était devenu aléatoire depuis le début de l’année 2009 et que la société avait fait l’objet de divers rappels et sommations jusqu’en juillet 2011, avant d’être déclarée en faillite au mois de septembre suivant. En ce qu’il indique qu’il aurait « quelque peu retardé durant quelques mois le paiement des cotisations dues » afin de faire face à des difficultés économiques « tout à fait passagères », A.__ ne conteste pas sérieusement ces constatations. C’est également en vain qu’il se prévaut du chiffre d’affaires de la société en 2009 et 2010 et du carnet des commandes pour affirmer que la situation était saine et favorable et qu’il avait de bonnes raisons de penser que le manque de liquidités de la société n’était que temporaire. A la suite des juges cantonaux, on constate en effet que des problèmes rencontrés sur un chantier à tout le moins dès 2008 laissaient présager un manque de liquidités, puisque A.__ avait lui-même indiqué à cet égard à une cliente, dans une correspondance datée du 23.05.2008, que la société était « près de la catastrophe » s’agissant des liquidités. Quant aux comptes de pertes et profits pour les années 2009, 2010 et 2011, s’il y est fait mention d’un bénéfice de 21’599 fr. 58 en 2009, ils ont ensuite présenté une perte de 23’113 fr. 48 en 2010 et de 323’708 fr. 86 en 2011, si bien que A.__ ne pouvait manifestement pas en inférer que la situation économique de la société allait se stabiliser dans un laps de temps déterminé. A cet égard, on rappellera au demeurant que la seule expectative que la société retrouve un équilibre financier ne suffit pas pour admettre qu’il existait une raison sérieuse et objective de penser qu’un arriéré de cotisations pourrait être comblé dans un délai raisonnable (cf. arrêts 9C_641/2020 du 30 mars 2021 consid. 6.2; 9C_338/2007 précité consid. 3.2 et la référence).

Consid. 5.3.2
Le défaut de paiement relatif à deux chantiers ne saurait ensuite non plus constituer un motif de nature à justifier ou à excuser le comportement fautif du recourant au sens de l’art. 52 LAVS. Quand bien même lesdits chantiers lui auraient été confiés par des proches, amis et partenaires en affaires de très longue date, comme il le soutient, des difficultés de paiement rencontrées avec certains clients ne sont en effet pas inenvisageables et ne suffisent donc pas pour rompre le lien de causalité entre le manquement imputable à l’associé gérant et le préjudice subi par la caisse de compensation (au sujet du rapport de causalité entre la faute ou la négligence grave et le dommage ainsi que l’interruption de ce rapport, cf. ATF 119 V 401 consid. 4; arrêt H 95/05 du 10 janvier 2007 consid. 4 et les références), comme l’ont dûment expliqué les juges cantonaux. La crise cardiaque dont a été victime l’un des employés principaux de la société et à la suite de laquelle l’assurance perte de gain a refusé d’entrer en matière – selon les dires de A.__ -, n’est pas non plus une circonstance si exceptionnelle et imprévisible qu’elle reléguerait à l’arrière-plan tous les autres facteurs qui ont contribué à occasionner le dommage subi par la caisse de compensation, en particulier la négligence de A.__.

Consid. 5.4
En conséquence, au vu des arguments avancés, il n’y a pas lieu de s’écarter des conclusions des juges cantonaux, selon lesquelles le comportement de A.__ dans la gestion de la société concernée est constitutif d’une négligence grave au sens de l’art. 52 LAVS et qu’il ne saurait être mis au bénéfice de circonstances exceptionnelles lui permettant de se dégager de sa responsabilité.

 

Le TF rejette le recours de A.__.

 

 

Arrêt 9C_430/2021 consultable ici

 

9C_36/2021 (f) du 07.12.2021 – Assujettissement et cotisations AVS – Société anonyme – Activité dépendante vs indépendante d’un avocat actionnaire-administrateur unique

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_36/2021 (f) du 07.12.2021

 

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Assujettissement et cotisations AVS – Société anonyme – Activité dépendante vs indépendante d’un avocat actionnaire-administrateur unique

 

Affilié en tant qu’indépendant auprès de la caisse de compensation depuis 1986, Maître B.__ a créé A.__ SA (ci-après: la société) après avoir jusqu’alors été associé dans une étude d’avocats. La société a notamment pour but la fourniture de prestations juridiques en Suisse et à l’étranger par des avocats inscrits dans un registre des avocats suisse ou étranger et par des conseillers qualifiés, l’exercice de tous mandats, l’exploitation et la commercialisation de méthodologies patrimoniales, de solutions légales, de méthodologies d’ingénierie légales et d’architecture juridiques, la représentation de clients dans le cadre de procédures devant les tribunaux, arbitrages et autres autorités, ainsi que le conseil en général et en matière fiscale. Elle est affiliée en tant qu’employeur auprès de la caisse de compensation et Maître B.__ en est l’unique actionnaire et administrateur, avec signature individuelle.

A la suite d’un contrôle d’employeur effectué auprès de la société le 14.04.2014 et portant sur la période du 15.07.2010 au 31.12.2012, la caisse de compensation a établi un décompte rectificatif de cotisations paritaires employeur/employés et réclamé à A.__ SA le paiement de la somme de 40’034 fr. 45, intérêts moratoires de 4066 fr. 05 en sus, par décisions du 30.04.2014, contestées par A.__ SA. Après avoir procédé à un nouveau contrôle d’employeur le 18.06.2018, elle a établi un décompte rectificatif de cotisations paritaires pour la période du 01.01.2013 au 31.12.2014 et réclamé à A.__ SA la somme de 33’475 fr. 40, intérêts moratoires de 7409 fr. 25 en sus, par décisions du 06.12.2018. Elle a ensuite confirmé ses décisions des 30.04.2014 et 06.12.2018 par décision sur opposition du 20.06.2019.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/1076/2020 – consultable ici)

Après avoir constaté qu’il y avait identité économique complète entre la société et Maître B.__, ce qui permettait d’exclure tout rapport de subordination entre eux, la juridiction cantonale a examiné qui de la société ou de l’avocat supportait le risque économique, ainsi que le point de savoir si le second disposait d’une organisation d’entreprise indépendante de celle de la première. Etant donné, notamment, que la société mettait gratuitement à disposition de l’avocat des locaux, du matériel et du personnel administratif, qu’elle concluait des mandats avec des clients et qu’elle avait souscrit une assurance professionnelle en responsabilité civile, les juges cantonaux ont admis que le risque économique était supporté par A.__ SA. En l’absence de pièces attestant de l’existence d’une réelle organisation d’entreprise de Maître B.__ indépendante de celle de la société anonyme, qui permettrait à celui-ci de se voir reconnaître le statut d’indépendant, ils en ont inféré que l’activité de l’avocat était dépendante.

Par jugement du 29.10.2020, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3.1
Le litige porte sur la question de savoir si l’entreprise A.__ SA est tenue de payer des cotisations sociales sur les rémunérations qu’elle a versées à Maître B.__ entre le 15.07.2010 et le 31.12.2014. Pour résoudre le litige, il faut examiner si ces rémunérations sont dues pour une activité exercée à titre salarié ou indépendant.

Consid. 5.2
La juridiction cantonale n’a pas violé le droit fédéral en considérant que les rémunérations versées par la société anonyme à Maître B.__ entre le 15.07.2010 et le 31.12.2014 résultaient de l’exercice d’une activité dépendante.

Consid. 5.2.1
A l’inverse de ce que soutient en premier lieu la société anonyme, la juridiction cantonale n’était pas forcément tenue de procéder à l’examen des rapports juridiques existant entre elle et Maître B.__, lesquels sont régis par une convention de fiducie datée du 15.07.2010. Selon la jurisprudence, dûment rappelée par la juridiction cantonale, le point de savoir si l’on a affaire, dans un cas donné, à une activité indépendante ou salariée ne doit pas être tranché d’après la nature juridique du rapport contractuel entre les partenaires. Ce qui est déterminant, bien plutôt, ce sont les circonstances économiques (ATF 140 V 241 consid. 4.2 et les références). Les rapports de droit civil peuvent certes fournir quelques indices, mais ils ne sont pas déterminants. D’une manière générale, est réputé salarié celui qui dépend d’un employeur quant à l’organisation du travail et du point de vue de l’économie de l’entreprise, et ne supporte pas le risque encouru par l’entrepreneur. Ces principes ne conduisent cependant pas, à eux seuls, à des solutions uniformes, applicables schématiquement. Les manifestations de la vie économique revêtent en effet des formes si diverses qu’il faut décider dans chaque cas particulier si l’on est en présence d’une activité dépendante ou d’une activité indépendante en considérant toutes les circonstances de ce cas. Souvent, on trouvera des caractéristiques appartenant à ces deux genres d’activité; pour trancher la question, on se demandera quels éléments sont prédominants dans le cas considéré (ATF 140 V 108 consid. 6; arrêt 9C_578/2020 du 25 mai 2021 consid. 4.2.1).

Consid. 5.2.2
Certes, il ressort des constatations cantonales qu’il y a identité économique complète entre la société et Maître B.__, permettant ainsi d’exclure tout rapport de subordination entre eux. Cela étant, lorsque comme en l’occurrence, il y a identité économique entre la personne morale et son organe dirigeant et qu’il n’existe donc, par définition, aucun rapport de subordination ni contrat de travail entre la société anonyme et son actionnaire et administrateur unique, il convient de procéder à l’examen de l’ensemble des circonstances du cas concret pour déterminer si l’activité en cause est exercée de manière dépendante ou indépendante (arrêt 4A_10/2017 du 19 juillet 2017 consid. 3.1 et les arrêts cités). A cet égard, pour parvenir à la conclusion que le risque économique était supporté par A.__ SA et que l’avocat ne disposait pas d’une réelle organisation d’entreprise indépendante de celle de la société, la juridiction cantonale a constaté que celle-ci mettait gratuitement à disposition de Maître B.__ des locaux, du matériel et du personnel administratif, comme elle le faisait pour tous les autres collaborateurs qui exerçaient leurs activités dans le cadre d’un contrat de travail conclu avec elle. Les procurations signées par les clients l’étaient en faveur de la société anonyme et de l’avocat, si bien qu’elle concluait aussi des contrats de mandat avec la clientèle, comme cela ressort également du but de la société mentionné dans l’extrait du registre du commerce. Par ailleurs, l’assurance professionnelle en responsabilité civile avait été souscrite par A.__ SA.

La société anonyme n’apporte pas d’indices sérieux permettant de s’éloigner de ces constatations. Elle n’allègue en particulier pas que Maître B.__ emploierait du personnel ou qu’il supporterait les frais nécessaires à l’exercice de son activité. A cet égard, le fait que la société ne verserait pas de loyer à l’avocat, mais à une régie, et que celui-ci ne serait pas propriétaire des locaux, mais seulement copropriétaire de ceux-ci, n’est pas déterminant. L’intéressée admet en effet qu’elle assume les frais relatifs à la location des bureaux commerciaux, ainsi que les charges locatives sur la part de copropriété de Maître B.__, et ne prétend pas qu’elle aurait reçu une participation du prénommé à ces frais. Contrairement à ce que expose A.__ SA, la rémunération versée à l’avocat, sous forme d’acomptes payables par mensualités de 10’000 fr., le 25 de chaque mois, constitue également un indice en faveur de l’exercice d’une activité dépendante. Il s’agit en effet du paiement d’une rémunération fixe et non d’honoraires facturés par l’avocat en fonction des prestations effectivement fournies et du temps passé sur chaque dossier, en procédant à des décomptes « d’apothicaire », comme le relève du reste elle-même la société anonyme. Le fait que les rémunérations ne concernent que l’activité d’avocat, puisque Maître B.__ ne serait pas rémunéré pour sa fonction d’administrateur, n’est à cet égard pas non plus déterminant. Au vu du rôle et de l’intégration étroite de l’avocat dans l’organisation de la société anonyme, on ne saurait en effet admettre qu’il agissait en qualité de tiers vis-à-vis d’elle lorsqu’il accomplissait ses activités d’avocat et qu’il aurait effectué celles-ci même s’il n’avait pas été administrateur et actionnaire unique de la société. Ces différents éléments mettent en évidence que l’avocat ne supportait pas le risque encouru par l’entrepreneur et qu’il ne disposait pas d’une organisation d’entreprise distincte de celle de la société.

Consid. 5.2.3
L’argumentation de la société anonyme, selon laquelle Maître B.__ « a une obligation indéfectible de par la convention de fiducie le rendant de facto responsable de l’intégralité des frais et risques », ne résiste pas davantage à l’examen. La société affirme à cet égard que bien qu’elle assume les frais liés au personnel, aux locaux professionnels et au matériel informatique, c’est en réalité uniquement l’avocat qui supporte le « risque final économique », puisqu’en cas de manque de liquidités, c’est en effet à lui qu’il incombe d’avancer les montants nécessaires dans le respect des engagements pris vis-à-vis d’elle par la convention de fiducie. Comme le relève à juste titre l’OFAS, de par l’identité parfaite des parties au contrat de fiducie, non contestée par la société, la responsabilité de Maître B.__ instituée par ledit contrat envers elle n’est qu’une responsabilité interne envers lui-même et non une responsabilité externe envers les créanciers de la société. Outre que la société anonyme indique du reste avoir été créée par le prénommé dans une optique de limitation des risques et de la responsabilité vis-à-vis des tiers, il ressort des constatations cantonales que l’avocat n’assume pas les responsabilités économiques d’un chef d’entreprise, notamment à l’égard du personnel de la société anonyme et des clients, l’assurance professionnelle en responsabilité civile de l’avocat ayant à cet égard été conclue au nom de la société et non à celui de Maître B.__ (consid. 5.2.2 supra). Pour le surplus, la société ne s’en prend nullement à la considération des juges cantonaux selon laquelle l’identité économique totale entre elle-même et l’avocat permet d’exclure qu’elle se retourne contre Maître B.__.

 

Le TF rejette le recours de la société anonyme.

 

 

Arrêt 9C_36/2021 consultable ici

 

9C_123/2021 (f) du 05.04.2022 – Assujettissement obligatoire à l’AVS d’un ressortissant français établit en Suisse – 1a al. 1 let. a LAVS / Défaut de collaboration de la personne assurée à l’instruction de sa cause – 43 al. 3 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_123/2021 (f) du 05.04.2022

 

Consultable ici

 

Assujettissement obligatoire à l’AVS d’un ressortissant français résidant en Suisse / 1a al. 1 let. a LAVS

Défaut de collaboration de la personne assurée à l’instruction de sa cause / 43 al. 3 LPGA

 

Assuré, né en 1957, ressortissant français, s’est établi à Genève en 2006, puis en Valais le 31.12.2016. Le 15.03.2019, la caisse cantonale de compensation lui a fait savoir que les personnes sans activité lucrative domiciliées en Suisse avaient l’obligation d’être affiliées à la caisse de compensation de leur lieu de domicile. Elle l’a invité à remplir un questionnaire et à produire ses déclarations d’impôts complètes et les justificatifs de ses moyens d’existence pour les années 2014 à 2016. Le 08.04.2019, l’assuré a répondu qu’il n’était pas concerné par la demande, n’ayant jamais été sans activité lucrative ou en activité réduite pour les années 2014 à 2016 et encore moins postérieurement d’ailleurs. Le 25.04.2019, la caisse a demandé à l’assuré de lui remettre les copies de ses attestations annuelles de salaire 2014 à 2016 (en Suisse ou à l’étranger) ainsi que les copies de ses déclarations d’impôts 2014 à 2016 complètes, dès lors qu’il n’avait déclaré aucun salaire durant ces années-là. Par lettre du 17.05.2019, l’assuré a précisé à la caisse que depuis son arrivée en Suisse, il n’avait jamais eu de salaire que ce soit en Suisse ou provenant de l’étranger; il a ajouté qu’il ne souhaitait pas fournir ses déclarations d’impôts.

Le 06.06.2019, la caisse a rendu quatre décisions. Dans la première, elle a affilié l’assuré en qualité de personne sans activité lucrative du 01.01.2014 au 31.12.2016. Dans les trois autres, sur la base de la fortune nette de l’assuré communiquée par l’administration fiscale, elle a fixé au total à 2192 fr. 40, pour les années 2014 à 2016, les cotisations personnelles AVS/AI/APG ainsi que les frais d’administration et les intérêts moratoires correspondants. Saisie d’une opposition, la caisse l’a écartée par décision du 27.11.2019.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/1248/2020 – consultable ici)

Par jugement du 21.12.2020, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 4
L’assuré indique qu’il n’a jamais été salarié en Suisse. Il précise que les cotisations qui avaient été versées à ce titre pour les années 2010 à 2013 avaient été remboursées par la caisse de compensation à la société B.__ SA, dont il était administrateur et actionnaire uniques, car elles résultaient d’une erreur de sa fiduciaire; il ajoute qu’il en est allé de même pour les années 2015 à 2019. L’assuré soutient que son affiliation à la caisse de compensation comme personne sans activité lucrative pour les années 2014 à 2016 constitue une « duperie » et une « démarche déloyale », car la caisse de compensation avait précédemment informé la Caisse C.__ en France qu’il n’avait pas cotisé en Suisse, ce qui a eu un effet sur sa situation de retraite en France (prise en compte de 123 trimestres au lieu de 139) dès le 01.06.2019. Il ajoute que la caisse de compensation n’avait aucun intérêt digne de protection à rendre une décision (constatatoire) d’affiliation, puisqu’elle a pu rendre des décisions (condamnatoires) de cotisations.

Consid. 5.2
A la lecture des échanges de lettres intervenus entre les parties, on constate que l’assuré n’a pas collaboré à l’instruction de sa cause dans la mesure qui était raisonnablement exigible de sa part. En effet, lorsque la caisse de compensation a cherché à connaître ses moyens d’existence pour les années 2014 à 2016 en lui demandant de déposer des copies de ses attestations annuelles de salaire 2014 à 2016 (en Suisse ou à l’étranger) ainsi que les copies de ses déclarations d’impôts 2014 à 2016 complètes, puisqu’il n’avait déclaré aucun salaire durant ces années-là, l’assuré lui a simplement répondu que depuis son arrivée en Suisse, il n’avait jamais eu de salaire que ce soit en Suisse ou provenant de l’étranger. De plus, il a déclaré qu’il ne souhaitait pas fournir ses déclarations d’impôts.

En pareilles circonstances, puisque l’assuré n’entendait pas collaborer, la caisse de compensation pouvait statuer en l’état du dossier sans chercher à obtenir d’autres éléments sur ses revenus, en particulier une éventuelle rémunération liée à une activité salariée ou indépendante à l’étranger. A la lumière des renseignements recueillis conformément à l’art. 43 LPGA, le statut de l’assuré retenu par la caisse de compensation, confirmé par la juridiction cantonale (une personne sans activité lucrative pour les années 2014 à 2016) n’apparaît pas critiquable. En effet, à défaut d’avoir participé à l’instruction, l’assuré n’a pas rendu vraisemblable qu’il avait exercé une activité lucrative durant les années 2014 à 2016 en Suisse ou dans un Etat de l’Union européenne. Compte tenu de la nationalité française de l’assuré et de son domicile en Suisse, une telle constellation impliquait l’application de la législation suisse de sécurité sociale (art. 11 § 3 let. e du Règlement [CE] no 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, RS 0.831.109.268.1; ATF 140 V 98 consid. 8.1). Conformément à l’art. 1a al. 1 let. a LAVS, l’assuré devait ainsi être affilié à l’AVS en tant que personne sans activité lucrative.

Consid. 5.3
On ajoutera que le grief de « duperie » et de « démarche déloyale » que l’assuré adresse à l’égard de la caisse de compensation est infondé. D’une part, l’assuré ne conteste pas l’exactitude des renseignements fournis à la Caisse C.__ en France par la Caisse suisse de compensation au moment où ils ont été transmis (l’absence de cotisations en Suisse à l’époque). D’autre part, l’administration de l’AVS devait affilier l’assuré puisque les conditions légales étaient remplies (cf. art. 1a al. 1 let. a et 10 LAVS, 28 et 29 RAVS).

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_123/2021 consultable ici

 

Cf. également arrêt 9C_282/2021 du 05.04.2022 pour les cotisations dans le canton du Valais

 

 

9C_282/2021 (f) du 05.04.2022 – Assujettissement obligatoire à l’AVS d’un ressortissant français résidant en Suisse – 1a al. 1 let. a LAVS / Devoir d’instruction de la caisse de compensation – 43 al. 1 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_282/2021 (f) du 05.04.2022

 

Consultable ici

 

Assujettissement obligatoire à l’AVS d’un ressortissant français résidant en Suisse / 1a al. 1 let. a LAVS

Devoir d’instruction de la caisse de compensation / 43 al. 1 LPGA

 

Assuré, né en 1957, ressortissant français, s’est établi à Genève en 2006, puis en Valais le 31.12.2016. A la demande de la caisse cantonale de compensation qui s’était enquise de sa situation vis-à-vis de l’AVS, il a retourné le questionnaire annexé, dans lequel il a indiqué qu’il bénéficierait de rentes étrangères à partir du 01.05.2019 et qu’il continuerait à exercer une activité lucrative indépendante à mi-temps au service de la société B.__ SA (dont le siège est à U.__) lui rapportant un revenu annuel estimé à 30’000 fr.

Par écriture du 04.09.2019, la caisse lui a fait savoir qu’elle l’avait affilié auprès d’elle en tant que personne sans activité lucrative dès le 01.01.2017. Le 05.09.2019, la caisse a rendu une décision définitive de cotisations personnelles pour l’année 2017, portant sur un montant de 493 fr. 60 (cotisation minimale AVS/AI/APG et frais administratifs). Par deux décisions de cotisations provisoires pour les années 2018 et 2019, la caisse a fixé les cotisations et frais administratifs à respectivement 529 fr. 30 et 740 fr. 90. Saisie d’une opposition, la caisse l’a écartée par décision du 19.12.2019.

 

Procédure cantonale

Le 03.02.2020, la caisse a rendu deux décisions rectificatives de cotisations personnelles pour les années 2018 et 2019, les fixant respectivement à 493 fr. 60 et 497 fr. 60. L’assuré s’est déterminé sur ces décisions.

Par jugement du 29.04.2021, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 4
Dans un premier moyen, l’assuré se réfère au questionnaire qu’il avait rempli le 24.02.2019 à la demande de la caisse de compensation. Il indique qu’il avait précisé dans ce document qu’il continuait à exercer une activité lucrative indépendante à mi-temps au service de la société B.__ SA lui rapportant un revenu annuel estimé à 30’000 fr. L’assuré en déduit qu’il n’est pas sans activité lucrative, de sorte qu’il ne devrait pas être affilié à ce titre auprès de la caisse de compensation.

Consid. 5
A l’examen du questionnaire du 24.02.2019, il apparaît que les constatations de fait du jugement entrepris sont lacunaires dans la mesure où les déclarations de l’assuré relatives à l’exercice d’une activité lucrative indépendante à mi-temps pour la société B.__ SA, dont le siège est à U.__, lui rapportant un revenu annuel estimé à 30’000 fr., n’ont pas été mentionnées et que la juridiction cantonale n’en a pas été tenu compte dans son appréciation. Or ces déclarations ne pouvaient pas être totalement ignorées, car elles seraient susceptibles d’influer sur le sort de la cause (cf. art. 97 al. 1 LTF).

En l’état du dossier, il n’est pas établi si l’assuré a effectivement exercé une activité lucrative, comme il l’avait indiqué dans le questionnaire du 24.02.2019, puis en instance cantonale, où il avait précisé avoir travaillé comme indépendant du 01.01.2017 jusqu’au 31.05.2019. La caisse de compensation a fait fi de cette information et a affilié l’assuré comme personne sans activité lucrative dès le 01.01.2017. Or en vertu de son devoir d’instruction au sens de l’art. 43 LPGA, il appartenait à la caisse de compensation à tout le moins d’interpeller l’assuré sur le bien-fondé de ses déclarations et lui donner l’occasion de rendre vraisemblable l’exercice d’une activité indépendante en Suisse, voire à l’étranger. Suivant la réponse (une activité exercée en Suisse ou dans un pays de l’Union européenne, substantiellement ou non), la caisse intimée est ou non compétente pour prélever des cotisations (cf. art. 4 et 8 LAVS; art. 13 § 1 et § 3 du Règlement [CE] no 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, RS 0.831.109.268.1). Il convient dès lors de renvoyer la cause à la caisse de compensation pour qu’elle complète l’instruction sur ce point.

Partant, le jugement attaqué, la décision sur opposition et les décisions sont annulés, la cause étant renvoyée à la caisse de compensation afin qu’elle fasse la lumière sur ce qui précède, puis le cas échéant fixe les cotisations qui seraient éventuellement dues. Dans ce contexte, on relèvera que la perception de cotisations liées à l’exercice d’une activité lucrative dans un pays de l’Union européenne ne serait en principe pas compatible avec le versement de cotisations pour personne sans activité lucrative en Suisse (cf. art. 11 § 3 du Règlement no 883/2004).

 

Le TF admet le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_282/2021 consultable ici

 

Cf. également arrêt 9C_123/2021 du 05.04.2022 pour les cotisations dans le canton du Genève

 

 

 

9C_126/2021 (f) du 29.03.2022 – Conditions d’assurance – Condition de la durée minimale de cotisations – 36 al. 1 LAI / Pas d’intérêt digne de protection de l’assurée à faire constater son (éventuel) degré d’invalidité, en relation avec une hypothétique demande de prestations complémentaires au sens de l’art. 4 al. 1 let. d LPC

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_126/2021 (f) du 29.03.2022

 

Consultable ici

 

Conditions d’assurance – Condition de la durée minimale de cotisations / 36 al. 1 LAI

Pas d’intérêt digne de protection de l’assurée à faire constater son (éventuel) degré d’invalidité, en relation avec une hypothétique demande de prestations complémentaires au sens de l’art. 4 al. 1 let. d LPC

 

Assurée, née en 1968, ressortissante du Kosovo, mariée et mère de trois enfants nés en 1995, 1997 et 1999, est arrivée en Suisse en juillet 2008. Elle a travaillé en tant que couturière jusqu’en 1995 et n’a plus exercé d’activité professionnelle depuis lors.

Demande AI déposée le 18.08.2016. Dans un rapport du 30.03.2017, le médecin du SMR a attesté une incapacité totale de travail depuis le mois de mars 2010 en raison de son état de santé. L’office AI a mis en œuvre une enquête économique sur le ménage, réalisée le 24.08.2017. A la lumière de celle-ci et en application de la méthode spécifique d’évaluation de l’invalidité, l’office AI a nié le droit à la rente par décision du 19.10.2017, car le total des empêchements rencontrés dans la tenue du ménage était inférieur à 40% (38,7%).

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/1280/2020 – consultable ici)

Bien que la juridiction cantonale ait admis que la condition de la durée de cotisations au sens de l’art. 36 LAI n’était pas remplie, elle a néanmoins jugé que la question du taux d’invalidité revêtait une importance pratique sous l’angle d’un éventuel droit aux prestations complémentaires en vertu de l’art. 4 al. 1 let. d LPC. Confirmant le taux des empêchements dans les travaux habituels (38,7%), elle a renvoyé la cause à l’office AI afin qu’il constate le degré d’invalidité de l’assurée en application de la méthode mixte.

Par jugement du 22.12.2020, admission partielle du recours par le tribunal cantonal, renvoyant la cause à l’office AI pour instruction complémentaire au sens des considérants et nouvelle décision.

 

TF

Préjudice irréparable – 93 LTF

Consid. 2.2
Puisqu’il renvoie la cause à l’office AI pour qu’il réexamine le taux d’invalidité de l’assurée en application de la méthode mixte d’évaluation de l’invalidité, en lieu et place de la méthode spécifique, et rende une nouvelle décision, l’arrêt attaqué tranche de manière définitive une question de droit matériel portant sur le statut de l’assurée.

En obligeant l’office AI à appliquer la méthode mixte, cet arrêt contient des instructions impératives qui ne lui laissent plus aucune latitude de jugement pour la suite de la procédure, de sorte que l’office AI sera tenu de rendre une décision qui, selon lui, est contraire au droit fédéral. En cela, il subit un préjudice irréparable au sens de l’art. 93 al. 1 let. a LTF, si bien qu’il y a lieu d’entrer en matière sur son recours (cf. arrêt 9C_36/2013 du 21 juin 2013 consid. 1.3).

 

Condition de la durée minimale de cotisations – 36 al. 1 LAI

Consid. 3
Selon l’art. 36 al. 1 LAI, a droit à une rente ordinaire l’assuré qui, lors de la survenance de l’invalidité, compte trois années au moins de cotisations. D’après l’art. 4 al. 1 let. d LPC, les personnes qui ont leur domicile et leur résidence habituelle (art. 13 LPGA) en Suisse ont droit à des prestations complémentaires dès lors qu’elles auraient droit à une rente de l’AI si elles justifiaient de la durée de cotisation minimale requise à l’art. 36 al. 1 LAI.

Consid. 5.1
La condition de la durée minimale de cotisations (cf. art. 36 al. 1 LAI) fait défaut, ce qui n’est pas contesté. Il convient dès lors d’examiner si l’assurée dispose d’un intérêt digne de protection à faire néanmoins constater son (éventuel) degré d’invalidité, en relation avec une hypothétique demande de prestations complémentaires au sens de l’art. 4 al. 1 let. d LPC.

Consid. 5.2
Sur le principe, la jurisprudence a reconnu l’existence d’un tel intérêt digne de protection (cf. art. 59 LPGA en liaison avec l’art. 28 al. 2 LAI), lorsque le taux d’invalidité est déterminant pour savoir si et, le cas échéant, dans quelle mesure il convient de prendre en compte un revenu hypothétique pour fixer les prestations complémentaires (par analogie arrêt 9C_822/2011 du 3 février 2012 consid. 3.2.3).

Dans le cas d’espèce, – et contrairement à la situation exposée dans l’arrêt 9C_822/2011 cité ci-dessus – il ne ressort toutefois ni de l’arrêt attaqué ni des pièces du dossier que l’assurée aurait saisi le Service des prestations complémentaires du canton de Genève (SPC) d’une demande de telles prestations, indépendamment du sort de sa demande de rente d’invalidité. Si cela devait être le cas, les questions préliminaires telles que le statut de l’assurée et le revenu hypothétique à prendre en considération, notamment, pourraient de toute façon être librement tranchées par le SPC dans le cadre d’une décision relative au droit de l’assurée à des prestations complémentaires. En effet, il appartiendrait aux organes désignés par les cantons pour fixer et verser les prestations complémentaires (cf. art. 21 al. 1 LPC) – et non pas à l’office AI – de se prononcer sur le droit éventuel de l’assurée à des prestations complémentaires prévues par la LPC, singulièrement à des prestations indépendantes d’une rente de l’AVS ou de l’AI (« rentenlose Ergänzungsleistung »). L’examen des conditions matérielles du droit à une telle prestation ne dépend pas alors d’une décision (de refus) préalable des organes d’exécution de l’assurance-invalidité, sinon un office de l’assurance-invalidité ou une caisse de compensation devrait toujours examiner la demande de prestations complémentaires avant l’organe compétent selon la LPC (Ralph Jöhl / Patricia Usinger-Egger, Ergänzungsleistungen zur AHV/IV, in Soziale Sicherheit [SBVR], 3ème éd., n° 25 p. 1723).

En d’autres termes, de manière générale, aussi longtemps que l’autorité compétente pour se prononcer à titre principal sur certaines questions n’a pas rendu de décision à leur sujet, une autre autorité peut examiner ces questions à titre préliminaire et rendre une décision, de sorte qu’il n’y a pas de place pour une décision de constatation sur les questions préliminaires (cf. arrêt 9C_528/2010 du 17 novembre 2011 consid. 4.2.2 avec les références).

Consid. 5.3
Il s’ensuit que l’office AI n’aurait pas dû nier le droit à la rente en raison du degré d’invalidité inférieur à 40% qu’il avait établi, mais uniquement parce que la condition de la durée minimale de cotisations de trois ans (cf. art. 36 al. 1 LAI) n’était pas remplie. Par conséquent, l’instance précédente aurait dû confirmer la décision en son dispositif par substitution de motifs, d’autant qu’en l’absence d’une demande de prestations complémentaires au sens de l’art. 4 al. 1 let. d LPC, il n’existe aucun intérêt actuel à faire constater le taux d’invalidité de l’assurée, en particulier dans le cadre du complément d’instruction que les premiers juges ont ordonné. En ce sens, le recours est bien fondé.

Consid. 5.4
Dans sa décision, l’office AI a fixé le statut de l’assurée (ménagère sans activité lucrative) ainsi que son taux d’invalidité (38,7%). Comme ces éléments font partie de la motivation de cette décision et qu’ils ne sont pas définitivement tranchés par le présent arrêt, ils ne lient pas le SPC (cf. arrêt 9C_528/2010 précité, consid. 4.2.3).

 

Le TF admet le recours de l’office AI, annule le jugement cantonal et confirme par substitution de motifs la décision AI.

 

 

Arrêt 9C_126/2021 consultable ici

 

9C_437/2021 (f) du 15.03.2022 – Rétribution d’un administrateur d’une SA, exerçant comme avocat indépendant / Salaire résultant d’une activité dépendante vs honoraires résultant d’une activité indépendante

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_437/2021 (f) du 15.03.2022

 

Consultable ici

 

Rétribution d’un administrateur d’une SA, exerçant comme avocat indépendant / Salaire résultant d’une activité dépendante vs honoraires résultant d’une activité indépendante

Présomption concernant la qualification des honoraires des membres du conseil d’administration d’une personne morale – Rappel et maintien de la jurisprudence (arrêt du TFA H 376/50 du 15.04.1953)

Renversement de la présomption admis

 

Au terme d’un contrôle des salaires déclarés par B.__ SA (ci-après: la société) entre les mois de janvier 2014 et décembre 2016, la caisse cantonale de compensation (ci-après: la caisse) a constaté, notamment, que la société contrôlée avait versé 3703 fr. 70 par mois à son administrateur, A.__, avocat indépendant, et enregistré les montants dans sa comptabilité sur un compte « honoraires juridiques ».

La caisse a réclamé à B.__ SA le paiement des cotisations sociales et des intérêts moratoires dus sur les reprises de salaires relatives aux années contrôlées, y compris sur les montants versés à A.__ (décisions du 16.10.2018). Ce dernier a contesté, en son nom, ces décisions en tant qu’elles qualifiaient implicitement de salaire les honoraires perçus pour des activités qu’il soutenait avoir déployées comme avocat indépendant. Il a déposé un courrier établi par la fiduciaire chargée de la comptabilité de son étude d’avocat attestant que le chiffre d’affaires de celle-ci – sur la base duquel des cotisations sociales avaient déjà été prélevées – incluait les honoraires versés par B.__ SA. La caisse a rejeté l’opposition (décision du 04.04.2019).

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/661/2021 [arrêt non disponible sur le site du tribunal cantonal])

La juridiction cantonale a constaté que pendant la période contrôlée, A.__ avait simultanément exercé l’activité d’avocat indépendant et celle d’administrateur du bureau d’architecte, exploité par son père sous forme de société anonyme et dont il avait perçu une rétribution de 3703 fr. 70 par mois. Elle a considéré que les paiements mensuels devaient être qualifiés de salaires dès lors que les pièces du dossier ne permettaient pas de renverser la présomption qui assimilait la rémunération versée par une société anonyme à un membre de son conseil d’administration à un salaire déterminant au sens de la loi. Elle a précisé que les allégations du recourant et les témoignages récoltés ne démontraient pas au degré de vraisemblance requis que les activités déployées par A.__ pour la société se limitaient exclusivement à lui dispenser des conseils juridiques dans le domaine immobilier et à la représenter en justice mais établissaient, au contraire, que la rétribution perçue n’était pas sans relation avec le rôle d’administrateur d’un bureau d’architecte. Elle a encore constaté qu’en se retranchant derrière son secret professionnel, le recourant n’avait produit aucun document établissant qu’il n’avait représenté B.__ SA qu’en sa qualité d’avocat indépendant.

Les juges cantonaux ont par ailleurs considéré que vu l’ignorance du fait que A.__ percevait une rémunération mensuelle de la part de la société, la caisse de compensation était en droit de procéder à une reconsidération de ses décisions antérieures de cotisations et de rendre la décision du 16.10.2018, malgré le fait que ladite rémunération apparaissait dans le chiffre d’affaires de l’étude d’avocat et avait par conséquent déjà été soumise à cotisations.

Par jugement du 23.06.2021, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Est litigieux le point de savoir si la rétribution octroyée à A.__ par B.__ SA de janvier 2014 à décembre 2016 doit être qualifiée de salaire résultant d’une activité dépendante comme l’a retenu le tribunal cantonal ou d’honoraires résultant d’une activité indépendante comme le soutient le recourant.

Consid. 4.1
Le tribunal cantonal a exposé la jurisprudence relative aux critères distinguant les activités salariées des activités indépendantes (cf. ATF 144 V 111 consid. 4.2 et les arrêts cités; arrêt 9C_1062/2010 du 5 juillet 2011 consid. 7.2), singulièrement celle établissant la présomption que la rétribution versée par une société anonyme à un membre de son conseil d’administration est un salaire (cf. ATF 105 V 113 consid. 3; arrêt H 136/81 du 13 septembre 1982 consid. 2, in RCC 1983 p. 22; H 376/52 du 15 avril 1953, in RCC 1953 p. 441). Il suffit d’y renvoyer.

Consid. 4.2
Le recourant s’interroge sur l’évolution de la jurisprudence relative à la présomption concernant la qualification des honoraires des membres du conseil d’administration d’une personne morale. Il semble en substance soutenir que le mandat d’administrateur, pour la distinction entre le revenu d’une activité salariée et celui d’une activité indépendante, dans l’arrêt H 376/52 du 15 avril 1953 et l’ATF 105 V 113, est sans explication devenu une présomption, dans l’ATF 121 I 259 et les arrêts ultérieurs (notamment les arrêts H 125/04 du 7 mars 2005 et 9C_727/2014 du 23 mars 2015), avec pour conséquence le renversement du fardeau de la preuve qui n’existait pas auparavant. Il demande au Tribunal fédéral de « clarifier » sa jurisprudence.

Consid. 4.3
En l’absence d’argumentation topique et motivée concernant la nécessité de changer de jurisprudence (cf. ATF 144 V 72 consid. 5.3.2), il n’appartient pas au Tribunal fédéral de « clarifier » sa jurisprudence. Il suffit de préciser que, contrairement à ce que A.__ suggère, la jurisprudence n’a pas subi d’évolution insidieuse. La présomption critiquée a été posée dans l’arrêt H 376/50 du 15 avril 1953. Comme il s’agit d’une présomption, il est possible d’en apporter la preuve du contraire. Or apporter la preuve du contraire dans le cas particulier consiste à démontrer que la rétribution reçue n’a pas de lien avec la qualité d’administrateur de la société qui la verse mais avec l’activité exercée comme avocat indépendant. Pour ce faire, il y a lieu d’appliquer les critères permettant de distinguer les revenus provenant d’une activité salariée de ceux provenant d’une activité indépendante. C’est une telle analyse qui a conduit à la confirmation de la présomption dans l’arrêt de 1953. Une lecture des arrêts ultérieurs cités par le recourant montre en outre que c’est également une telle analyse qui a toujours guidé le Tribunal fédéral dans la résolution des litiges similaires.

 

Consid. 5.1
Le recourant reproche aussi à la juridiction cantonale d’avoir violé le droit fédéral. Il soutient en substance que celle-ci a indûment limité ses moyens de preuve en considérant que seule la preuve d’une activité judiciaire ou, autrement dit, de représentation devant les tribunaux était à même de renverser la présomption. Il fait valoir que l’activité de conseil juridique (qu’il allègue avoir exercée pour la société) relève également des tâches assumées par un avocat indépendant pour son client.

Consid. 5.2
Cette argumentation n’est pas fondée. Dans la mesure où A.__ avait déclaré en cours de procédure que son travail pour la société consistait essentiellement à lui fournir des conseils juridiques en matière immobilière, tâche pouvant être exercée aussi bien en tant qu’administrateur salarié de la société qu’en qualité d’avocat-conseil indépendant de cette dernière, les juges cantonaux ont recherché dans le dossier constitué (en particulier dans les déclarations du recourant et des témoins) les éléments pouvant créditer une thèse plutôt que l’autre. Même si leur appréciation – certes succincte – paraît accorder une importance prépondérante au défaut de production de documents attestant une procédure judiciaire particulière, elle a également porté sur d’autres critères tels que la présence à des réunions dans un but de formation, la gestion effective de la société ou la présence dans les locaux de celle-ci. On ne saurait dès lors faire valablement grief au tribunal cantonal d’avoir violé le principe de la libre appréciation des preuves, en restreignant de manière indue les moyens de preuve que la loi offrait au recourant pour renverser la présomption.

 

Consid. 6.1
A.__ fait également grief à la juridiction cantonale d’avoir violé son devoir de motiver sa décision et d’avoir apprécié arbitrairement les preuves. Il procède à une analyse détaillée de ses déclarations – qu’il estime confirmées et complétées par les témoignages recueillis durant la procédure – et en déduit l’existence de critères – que les juges cantonaux auraient totalement ignorés – permettant de renverser la présomption et de démontrer que les 3703 fr. 70 perçus mensuellement correspondaient à des honoraires pour son activité d’avocat-conseil indépendant et non à un salaire lié à sa qualité d’administrateur.

Consid. 6.2
Sur la base des allégations des parties et des témoins, le tribunal cantonal a admis qu’il était possible que le recourant ait représenté la société de son père en justice et lui ait prodigué des conseils en tant qu’avocat indépendant. Il a toutefois constaté que ni A.__ ni les témoins n’avaient rendu vraisemblable que la rémunération perçue de la société relevait ne serait-ce qu’en partie d’une telle activité: le premier n’avait produit aucun document allant dans ce sens alors que les seconds liaient les conseils donnés à la gestion de la société plutôt qu’à l’activité d’avocat et n’avaient pas été en mesure de citer une procédure judiciaire en particulier. Il a en outre relevé que, dans la mesure où la présence de A.__ aux réunions de la société avait notamment pour but sa formation à la gestion de celle-ci afin de pouvoir s’en occuper à la suite de son père, la rémunération perçue n’était pas sans lien direct avec le rôle de membre du conseil d’administration. Il a par ailleurs considéré que le fait que la gestion de la société était exclusivement assurée par le père du recourant et que ce dernier ne passait qu’occasionnellement dans les locaux n’était pas déterminant pour qualifier la rétribution litigieuse.

Consid. 6.3
Comme cela ressort de la jurisprudence évoquée par les juges cantonaux (cf. consid. 4.1 supra), les manifestations de la vie économique peuvent revêtir des formes si diverses qu’il faut décider dans chaque cas particulier si l’on est en présence d’une activité salariée ou d’une activité indépendante en prenant en considération toutes les circonstances. Il existe de nombreux critères qui aident à faire la distinction et qu’il y a lieu d’apprécier pour trancher la question. Comme le met en évidence le recourant, l’appréciation succincte du tribunal cantonal se focalise principalement sur le défaut de production de documents et quelques rares autres éléments tirés des témoignages recueillis mais passe sous silence la majeure partie de ces derniers. Or les témoins sont unanimes, qu’ils soient architecte indépendant mandaté pour la gestion d’appartements appartenant à B.__ SA, architecte, comptable, secrétaire de la société ou conseiller fiscal de la famille de A.__ ou de B.__ SA. Tous avaient exclusivement affaire au père du recourant pour la gestion de la société. Tous ignoraient l’inscription de A.__ au registre du commerce en qualité d’administrateur de la société ou, du moins, les motifs de cette inscription. Tous admettaient avoir eu des contacts avec le recourant très occasionnellement et constaté qu’en ces occasions, le rôle de A.__ consistait à conseiller son père sur le plan juridique, à entreprendre des démarches administratives dans le cadre de projet d’architecture ou à régler des problèmes (y compris par la voie judiciaire) avec les locataires d’appartements appartenant à B.__ SA ou à une autre société dirigée par le père du recourant. Tous étaient catégoriques quant au fait que c’était le père de A.__ qui prenait les décisions, détenait les informations, était en contact avec les fournisseurs et les régies ou signait les hypothèques. La plupart attestait que le recourant était rarement présent dans les locaux de la société, n’y avait pas de bureau, ni d’adresse e-mail ou de carte de visite, ne donnait pas d’instruction aux employés, ni n’avait de relation avec les fournisseurs ou les clients. Tous soutenaient enfin que le rôle de A.__ au sein de B.__ SA relevait de l’activité d’avocat indépendant plutôt que de celle de salarié.

Consid. 6.4
On relèvera qu’aucune des caractéristiques typiques d’un contrat de travail qui suggéreraient l’existence d’une activité dépendante ou d’un quelconque lien de dépendance ne ressort des témoignages, qui corroborent effectivement les déclarations du recourant. Au contraire, tout laisse à penser que l’activité déployée par le recourant n’avait rien à voir avec la gestion et l’administration de la société et que celui-ci intervenait comme conseiller juridique indépendant et percevait des honoraires pour cette activité. Le fait que les témoins n’ont pas pu nommer une procédure judiciaire en particulier ou que A.__ a invoqué son secret professionnel pour refuser de produire des documents y afférents n’est pas déterminant à lui seul et ne change rien aux déclarations convergentes – et, partant, convaincantes – des témoins sur ce point. La présence du recourant à certaines réunions de régie de B.__ SA dans un but de formation à la gestion de celle-ci afin de pouvoir s’en occuper à la suite du père n’y change rien non plus, dans la mesure où les juges cantonaux n’ont pu évoquer aucun élément du dossier qui permettrait de rattacher la rémunération perçue à cette seule activité. Dans ces circonstances, il apparaît que A.__ avait rendu hautement vraisemblable que les 3703 fr. 70 mensuels correspondaient à des honoraires versés par la société pour rémunérer les conseils juridiques fournis et les activités déployées en qualité d’avocat indépendant, et non au salaire d’administrateur d’une société, d’autant plus que cette rémunération était comptabilisée par B.__ SA sur un compte « honoraires juridiques » et avait également été déclarée comme honoraires par le recourant. Ce dernier a par conséquent renversé la présomption relative à la qualification de salaire de la rémunération d’un administrateur. Son recours est donc fondé.

En conséquence, on constate que les versements mensuels de 3703 fr. 70, pendant la période courant de janvier 2014 à décembre 2016, correspondent à des honoraires ressortissant de l’activité indépendante d’avocat exercée par le recourant. Selon les constatations de la juridiction cantonale, des cotisations sociales ont déjà été prélevées à ce titre sur les montants en cause. Il convient dès lors d’annuler l’arrêt attaqué ainsi que la décision administrative litigieuse.

Le TF admet le recours de A._.

 

Arrêt 9C_437/2021 consultable ici

 

Portage salarial et assurances sociales

Portage salarial et assurances sociales

 

Feuille d’information «Portage salarial» de l’OFAS du 30.06.2022 disponible ici

 

Le modèle du portage salarial, développé en France, est aussi de plus en plus proposé en Suisse. Il est régulièrement utilisé pour annoncer comme salariées auprès des assurances sociales des personnes qui sont en réalité indépendantes.

La personne indépendante travaille pour des clients qu’elle a elle-même recrutés (mandat, ouvrage ou prestation de service), sans être liée par des instructions, elle supporte le risque entrepreneurial et est seule responsable. L’entreprise de portage interposée, qui se charge uniquement de la facturation et de l’encaissement auprès de la clientèle, décompte les honoraires auprès des assurances sociales en tant qu’employeur fictif. Une telle pratique n’est pas conforme au droit suisse des assurances sociales et peut conduire au refus de certaines prestations.

 

Du point de vue des assurances sociales

Dans le domaine des assurances sociales, la délimitation entre l’activité salariée et l’activité indépendante est décisive, notamment pour l’affiliation à l’assurance chômage, à la prévoyance professionnelle obligatoire et à l’assurance accidents obligatoire. Les critères de délimitation déterminants ont été fixés par le Tribunal fédéral dans une jurisprudence bien établie depuis de nombreuses années. Ils sont obligatoires pour toutes les assurances sociales.

L’intégration dans l’organisation du travail, la subordination à l’entreprise de l’employeur et le fait d’être lié à lui par des instructions parlent en faveur d’une activité lucrative salariée. Le fait d’assumer un risque entrepreneurial important, notamment l’engagement de capitaux, la responsabilité, le risque d’encaissement et de perte, ainsi que le fait d’agir en son propre nom et pour son propre compte, sont des caractéristiques d’une activité lucrative indépendante. Il convient d’examiner, en fonction des circonstances concrètes de chaque cas, quels critères sont prépondérants. Les rapports de droit civil – comme la conclusion d’un contrat de travail – n’ont qu’un caractère indicatif. Les accords passés par les parties contractantes sur leur statut d’indépendant ou de salarié ne sont pas contraignants pour les assurances sociales.

Dans le cas du portage salarial, l’entreprise de portage n’est pas responsable de l’acquisition de clients, n’exerce pas de droit d’instruction sur l’exécution concrète du travail et n’assume aucune responsabilité. L’indépendant n’est pas non plus intégré dans l’organisation du travail de l’entreprise de portage, mais assume en permanence l’intégralité du risque entrepreneurial. Si l’indépendant ne parvient pas à décrocher de contrats, il ne gagne rien. Il doit en outre subvenir seul à l’exploitation de son entreprise, c’est-à-dire notamment se procurer et entretenir les locaux et l’équipement nécessaires, et il en assume lui-même la responsabilité.

Le simple fait que l’indépendant facture par l’intermédiaire de l’entreprise de portage, qu’il n’agisse souvent pas en son nom propre, mais qu’il fasse conclure le contrat avec la clientèle par l’intermédiaire de l’entreprise de portage et qu’il n’établisse pas lui-même le décompte des cotisations d’assurance sociale, ne fait pas de lui une personne salariée, ni d’ailleurs de l’entreprise de portage un employeur. Il s’agit plutôt d’un statut fictif de salarié. Du point de vue du droit des assurances sociales, les personnes qui décomptent via le portage salarial sont donc en général considérées comme des indépendants.

Si les assurances sociales constatent que des personnes qui sont effectivement indépendantes sont annoncées comme salariées, elles les traitent comme des indépendants. Cela peut par exemple conduire à un refus de prestations de l’assurance chômage.

 

 

Feuille d’information «Portage salarial» de l’OFAS du 30.06.2022 disponible ici

Bulletin à l’intention des caisses de compensation AVS et des organes d’exécution des PC No 453 du 01.07.2022, « Portage salarial », disponible ici

Page « Portage salarial » sur le site de l’OFAS ici

 

Factsheet «Accompagnamento salariale» dell’UFAS del 30.06.2022, disponibile qui

Factsheet « Lohnträgerschaft » des BSV vom 30.06.2022, hier verfügbar

 

 

9C_79/2021 (f) du 04.05.2022, destiné à la publication – Péremption du droit de fixer les cotisations ensuite d’une procédure fiscale (procédure de soustraction d’impôt) plus de 10 ans après les années de cotisations concernées – 16 al. 1 LAVS – 53 al. 1 LPGA en lien avec l’art. 67 PA

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_79/2021 (f) du 04.05.2022, destiné à la publication

 

Consultable ici

Paru in Jurisprudence du Tribunal fédéral relative au droit des cotisations AVS, Sélection de l’OFAS no 78, du 20.06.2022

 

Péremption du droit de fixer les cotisations ensuite d’une procédure fiscale (procédure de soustraction d’impôt) plus de 10 ans après les années de cotisations concernées / 16 al. 1 LAVS – 53 al. 1 LPGA en lien avec l’art. 67 PA

 

Le législateur fédéral a prévu à l’art. 16 al. 1 LAVS une règle spéciale permettant à l’organe d’exécution de la LAVS de fixer les cotisations AVS/AI dans les situations mentionnées jusqu’à un an après la fin de l’année civile au cours de laquelle la taxation fiscale déterminante est entrée en force. Ce délai peut excéder dix ans, selon les circonstances ; le délai absolu de 10 ans pour procéder à une révision procédurale au sens des art. 53 al. 1 LPGA et 67 PA n’y change rien (consid. 5).

L’assuré a été affilié à titre de personne exerçant une activité indépendante du 01.04.1986 au 30.09.2005. Les 28.02.2006 et 20.02.2008, la caisse de compensation a rendu des décisions de cotisations pour les années 2004 et 2005. Suite à une procédure de rappel d’impôt à la suite d’une soustraction d’impôt qui a conduit l’autorité fiscale à rendre des taxations fiscales rectificatives, la caisse de compensation a réclamé au recourant un montant supplémentaire de cotisations sociales pour les années 2004 et 2005, par décisions du 14.10.2019.

La question de la péremption du droit de réclamer, en 2019, le solde des cotisations sociales pour les années 2004 et 2005, soit plus de 10 ans après les années de cotisations concernées, est l’objet du litige devant le Tribunal fédéral.

Contrairement à ce qu’a retenu la juridiction cantonale, le Tribunal fédéral expose que la correction de la décision initiale de cotisation en raison de l’existence d’un motif de révision procédurale au sens de l’art. 53 al. 1 LPGA – à savoir la taxation fiscale rectificative à la suite de la procédure de soustraction d’impôt – ne supplante pas l’institution de la péremption selon l’art. 16 al. 1 2ème phrase, LAVS. La taxation fiscale rectificative constitue uniquement la condition à laquelle la décision peut être revue. En revanche, le délai de péremption prévu par la disposition spéciale de la LAVS n’est pas évincé (consid. 5.1). Ce délai n’a pas été modifié par l’entrée en vigueur de la LPGA (consid. 5.2.2) et il n’est pas raccourci par le délai de 10 ans prévu en matière de révision procédurale au sens de l’art. 53 al. 1 LPGA en relation avec l’art. 67 PA (consid. 5.3).

Ainsi, puisqu’elle a respecté le délai d’un an après la fin de l’année civile au cours de laquelle les décisions en rappel d’impôt sont entrées en force (art. 16 al. 1, 2ème phrase, LAVS), la caisse de compensation était en droit de revenir sur ses décisions formellement passées en force en raison des faits nouveaux importants découlant des décisions de taxation, même si plus de 10 ans s’étaient écoulés. La juridiction cantonale a dès lors violé le droit fédéral en considérant que le droit de la caisse de compensation de réclamer le paiement des cotisations arriérées était éteint par péremption (consid. 6).

 

 

Arrêt 9C_79/2021 consultable ici