9C_137/2022 (f) du 14.07.2022 – Responsabilité de l’employeur et responsabilité subsidiaire des organes de l’employeur – 52 LAVS / Négligence grave / Lien de causalité entre la passivité de l’administrateur et le dommage subi par la caisse de compensation

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_137/2022 (f) du 14.07.2022

 

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Responsabilité de l’employeur et responsabilité subsidiaire des organes de l’employeur / 52 LAVS

Obligation de l’administrateur de veiller personnellement aux paiements des cotisations paritaires – Négligence grave en l’absence d’une telle surveillance

Lien de causalité entre la passivité de l’administrateur et le dommage subi par la caisse de compensation

 

D.__ SA (ci-après: la société), inscrite au registre du commerce du Canton de Genève en juin 2008 et affiliée en tant qu’employeur pour le paiement des cotisations sociales dès le 01.08.2008 à la Caisse cantonale de compensation (ci-après: la caisse de compensation), a été dissoute par suite de faillite en 2018. C.A.__ en a été l’administrateur avec signature collective à deux jusqu’au 23.05.2016, date à laquelle son nom a été radié du registre du commerce.

Par décision du 06.07.2020, la caisse de compensation a réclamé à C.A.__, en sa qualité d’administrateur de D.__ SA, la somme de 293’610 fr. 10, à titre de réparation du dommage causé par le non-paiement de cotisations sociales dues pour les années 2014 et 2015, ainsi que pour la période allant du 01.01.2016 au 31.05.2016. Il en était solidairement responsable avec l’autre administrateur de la société, E.__. C.A.__ s’est opposé à cette décision. Il est décédé en 2020. La caisse de compensation a confirmé sa décision du 06.07.2020 par décision sur opposition du 04.02.2021, notifiée au conseil du défunt.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/73/2022 – consultable ici)

Par jugement du 20.01.2022, admission partielle du recours, formé par A.A.__ et B.A.__, héritiers de C.A.__, par le tribunal cantonal. La cour cantonale a toutefois confirmé la responsabilité de feu C.A.__ du 01.01.2014 au 31.03.2016.

 

TF

 

Consid. 4
Le litige porte sur la responsabilité de C.A.__ au sens de l’art. 52 LAVS dans le préjudice subi par la caisse de compensation intimée en raison du non-paiement par la société de cotisations sociales dues pour la période allant du 01.01.2014 au 31.03.2016.

L’arrêt entrepris expose de manière complète les dispositions légales et les principes jurisprudentiels en matière de responsabilité de l’employeur au sens de l’art. 52 LAVS et de responsabilité subsidiaire des organes de l’employeur (ATF 129 V 11; 126 V 237; 123 V 12 consid. 5b et les références), en particulier les conditions d’une violation intentionnelle ou par négligence des devoirs incombant aux organes (ATF 121 V 243). Il suffit d’y renvoyer. On rappellera que dans l’hypothèse où plusieurs personnes sont responsables d’un même dommage au sens de l’art. 52 LAVS, chacun des débiteurs répond solidairement de l’intégralité du dommage envers la caisse de compensation, celle-ci étant libre de rechercher tous les débiteurs, quelques-uns ou un seul d’entre eux, à son choix (ATF 119 V 86 consid. 5a).

Consid. 5
La juridiction cantonale a considéré que C.A.__ avait commis, en sa qualité d’organe formel de la société, une négligence grave au sens de l’art. 52 LAVS, entraînant ainsi son obligation de réparer le dommage subi par la caisse de compensation en raison du non-paiement des cotisations dues. En particulier, le fait que le Ministère public a classé la procédure pénale à son encontre pour gestion fautive n’était pas décisif au regard de l’art. 52 LAVS. Elle a par ailleurs limité la période à prendre en compte pour le calcul du dommage du 01.01.2014 au 31.03.2016, date pour laquelle C.A.__ avait donné sa démission du conseil d’administration.

Consid. 6.1
Sans remettre en cause la période déterminante, les recourants invoquent une « violation arbitraire » de l’art. 52 al. 2LAVS. Ils font en substance valoir que les arriérés de cotisations paritaires ne sont pas dus à un acte intentionnel ou à une négligence grave de leur père, mais à des actes délictueux de l’autre administrateur de la société également inscrit au registre du commerce durant la période déterminante.

Consid. 6.2
L’argumentation des recourants ne résiste pas à l’examen. A la suite des juges cantonaux, on admettra qu’il incombait à C.A.__, en sa qualité d’administrateur, de veiller personnellement à ce que les cotisations paritaires afférentes aux salaires versés fussent effectivement payées à la caisse de compensation, nonobstant le mode de répartition interne des tâches au sein la société (arrêt 9C_722/2015 du 31 mai 2016 consid. 3.3 et les références). En n’ayant exercé aucune activité de surveillance, C.A.__ a commis une négligence qui doit, sous l’angle de l’art. 52 LAVS, être qualifiée de grave (arrêt 9C_289/2009 du 19 mai 2010 consid. 6.2). Comme le reconnaissent eux-mêmes les recourants, la répartition des rôles au sein d’une société, respectivement le fait que la personne morale est dirigée concrètement par d’autres personnes, ne constitue pas, à cet égard, un motif de suppression ou d’atténuation de la faute commise (arrêt 9C_722/2015 cité). Pour cette raison, c’est également en vain que les recourants se prévalent du classement de la procédure pénale pour gestion fautive à l’encontre de leur père (comp. arrêt H 259/03 du 22 décembre 2003 consid. 8.4) comme l’ont dûment expliqué les juges cantonaux.

C’est en vain que les recourants font valoir encore que les actes délictueux qu’aurait commis E.__ auraient provoqué le dommage. Il ne ressort pas des propos tenus par feu C.A.__ devant le Ministère public genevois que l’autre administrateur l’aurait trompé par des manœuvres fallacieuses, ce qui peut, dans certaines circonstances, interrompre le lien de causalité adéquate (cf. sur de telles circonstances arrêt 9C_328/2012 du 11 décembre 2012 consid. 2.3). Feu C.A.__ a indiqué qu’en réponse à sa question de savoir pourquoi les charges n’avaient pas été payées, E.__ lui répondait qu’elles seraient payées, l’argent devant arriver. A cette occasion, il a réitéré ne pas s’être occupé du tout du paiement des cotisations. Dans ces circonstances, au vu du lien de causalité entre la passivité de C.A.__ et le dommage subi par la caisse de compensation, c’est à bon droit que la cour cantonale a admis la responsabilité de C.A.__ au titre de l’art. 52 al. 2 LAVS pour la période du 01.01.2014 au 31.03.2016.

 

Le TF rejette le recours.

 

 

Arrêt 9C_137/2022 consultable ici

 

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