9C_630/2020 (f) du 08.09.2021 – Surindemnisation pour une assurée avec un statut mixte (statut d’active et de ménagère) – 34a LPP – 24 OPP2 / Institution de prévoyance «enveloppante» – Interprétation de la notion de gain présumé perdu

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_630/2020 (f) du 08.09.2021

 

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Surindemnisation pour une assurée avec un statut mixte (statut d’active et de ménagère) / 34a LPP – 24 OPP2

Institution de prévoyance de droit public cantonal vs de droit privé – Règles d’interprétation de la loi vs en matière contractuelle

Institution de prévoyance «enveloppante» – Interprétation de la notion de gain présumé perdu – Evolution salariale qui aurait eu lieu en l’absence d’invalidité mais sans changement du taux d’activité

 

Assurée, née en 1980, mère de deux enfants (nés en 2010 et 2012), a travaillé en tant qu’agent de police depuis 2002, d’abord à 100%, puis à 50% dès le 01.05.2011. A ce titre, elle a été assurée auprès de la Caisse de pensions depuis le 14.01.2002. Par décision du 13.02.2018, l’office AI lui a reconnu le droit à un quart de rente d’invalidité (taux d’invalidité de 40%), assorti de deux rentes pour enfant, dès le 01.10.2017, puis à trois quarts de rente à partir du 01.01.2018 (taux d’invalidité de 61%). En bref, il a considéré qu’à compter du 29.05.2015, seule une capacité de travail de 25% d’un plein temps était encore exigible de l’assurée et que celle-ci avait un statut d’active et de ménagère (d’abord à raison de 50/50%, puis de 60/40% dès août 2016, et de 80/20% dès le mois d’août 2017).

Entre-temps, depuis le 29.08.2017, la Caisse de pensions a reconnu le droit de l’assurée à une rente d’invalidité de la prévoyance professionnelle d’un montant mensuel de 1427 fr. 95.

Le 18.12.2017, après avoir été informée par l’office AI du droit de l’assurée à des prestations de l’assurance-invalidité (projet d’acception de rente), la Caisse de pensions a indiqué à l’intéressée qu’elle allait réduire le montant des prestations de la prévoyance professionnelle, en application de la clause de surassurance figurant à l’art. 30 de son règlement de prévoyance, à compter du 01.10.2017. L’assurée ayant fait part de son désaccord quant au calcul de surindemnisation. En se fondant sur un traitement annuel brut sans invalidité correspondant à une activité exercée à un taux de 50%, et compte tenu d’une limite de surindemnisation fixée à 90% de ce traitement, la Caisse de pensions allait réduire le montant de la rente d’invalidité de la prévoyance professionnelle due à l’assurée à 1160 fr. 25 du 01.10.2017 au 31.12.2017, puis à 512 fr. 40 dès le 01.01.2018, ce dernier montant correspondant à celui des prestations minimales de la prévoyance professionnelle obligatoire. L’assurée a indiqué à la Caisse de pensions qu’il n’y avait pas lieu de prendre en compte l’augmentation des prestations versées par l’assurance-invalidité en lien avec la hausse hypothétique de son activité professionnelle si la limite de surindemnisation n’était pas augmentée en parallèle. Il en résultait, selon elle, un droit à une rente d’invalidité de la prévoyance professionnelle de 1’427 fr. 65 du 01.10.2017 au 31.12.2017, puis de 1’383 fr. 40 dès le 01.01.2018. Le 08.08.2018, la Caisse de pensions a maintenu sa position.

 

Procédure cantonale

La juridiction cantonale a procédé à l’interprétation de la disposition réglementaire litigieuse. Elle a considéré que la notion de « traitement que réaliserait l’intéressé s’il était resté en activité » selon l’art. 30 al. 1 du règlement de prévoyance de la Caisse de pensions n’implique pas, en raison de la seule utilisation du conditionnel, la prise en compte d’une évolution du traitement déterminant consécutive à un changement de statut de l’assuré. Selon les juges cantonaux, dans la mesure où l’emploi du conditionnel paraît simplement de mise parce que l’on se réfère à une situation hypothétique dans laquelle l’assuré n’aurait pas été invalide et aurait ainsi pu continuer à exercer son activité professionnelle, la prise en considération du taux d’activité au moment de la survenance de l’invalidité afin de fixer la limite de surindemnisation n’est aucunement incompatible avec la notion de « traitement que réaliserait l’intéressé s’il était resté en activité » au sens de la disposition réglementaire précitée. En conséquence, la juridiction de première instance a confirmé que la Caisse de pensions était en droit de réduire le montant de ses prestations d’invalidité dès le mois d’octobre 2017, à 1160 fr. 25 jusqu’au 31.12.2017, puis à 512 fr. 40 dès le 01.01.2018.

Par jugement du 07.09.2020, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Surindemnisation – 34a LPP – 24 OPP2

Selon l’art. 34a al. 1 LPP, l’institution de prévoyance peut réduire les prestations de survivants et d’invalidité dans la mesure où celles-ci, ajoutées à d’autres prestations d’un type et d’un but analogues ainsi qu’à d’autres revenus à prendre en compte, dépassent 90% du gain annuel dont on peut présumer que l’intéressé est privé. Par « gain annuel dont on peut présumer que l’intéressé est privé » (« mutmasslich entgangenen Verdienst » resp. « guadagno presumibilmente perso dall’assicurato » selon les versions allemande et italienne de la loi), la jurisprudence a précisé qu’il faut entendre, le salaire hypothétique que l’assuré réaliserait sans invalidité, au moment où doit s’effectuer le calcul de surindemnisation (si le cas de prévoyance ne s’était pas produit), soit au moment où se pose la question de la réduction des prestations LPP. Il ne correspond pas forcément au gain effectivement obtenu avant la survenance du cas de prévoyance (ATF 125 V 163 consid. 3b; 122 V 151 consid. 3c; arrêt 9C_853/2018 du 27 mai 2019 consid. 3.3.1 et les références). Le statut de l’affilié dans l’assurance-invalidité a donc des incidences sur le calcul de la surindemnisation en matière de prévoyance professionnelle, tout comme un changement dudit statut. Par exemple, s’il existe des éléments concrets permettant d’admettre qu’un assuré travaillant jusqu’alors à temps partiel aurait repris, en l’absence d’invalidité, une activité à plein temps, la limite de surindemnisation dans la prévoyance professionnelle doit être adaptée en conséquence (ATF 142 V 75 consid. 6.3.1 et les références citées).

L’art. 30 al. 1 du règlement de prévoyance de la Caisse de pensions (dans sa teneur en vigueur dès le 01.01.2012, applicable en l’espèce) prévoit que: « Les prestations selon le présent règlement sont réduites dans la mesure où, additionnées à d’autres revenus imputables, elles dépassent 90% du traitement annuel brut que réaliserait l’intéressé s’il était resté en activité ».

 

Règles d’interprétation

La Caisse de pensions intimée est une institution de prévoyance de droit public cantonal (cf. art. 2 al. 1 de la loi valaisanne du 14 décembre 2018 régissant la Caisse de prévoyance du Canton du Valais [CPVAL; LCPVAL; RS/VS 172.51], et non de droit privé, comme l’a retenu à tort la juridiction cantonale. En conséquence, il convient d’interpréter l’art. 30 du règlement de prévoyance en fonction uniquement des règles d’interprétation de la loi (ATF 139 V 66 consid. 2.1 et les références), et non des règles d’interprétation en matière contractuelle, auxquelles les juges cantonaux ont eu recours.

Le fait que le règlement de prévoyance a été édicté par la Caisse de pensions (en conformité avec l’art. 11 al. 1 let. c LCPVAL) et ne figure pas dans la loi cantonale n’y change rien (arrêts 9C_426/2008 du 23 décembre 2008 consid. 2.1; B 33/04 du 18 mai 2005 consid. 5.2). On rappellera à ce propos que la loi s’interprète en premier lieu selon sa lettre. Il n’y a lieu de déroger au sens littéral d’un texte clair par voie d’interprétation que lorsque des raisons objectives permettent de penser que ce texte ne restitue pas le sens véritable de la disposition en cause. Si le texte n’est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, il convient de rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux préparatoires, du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose ou encore de sa relation avec d’autres dispositions légales. Le Tribunal fédéral ne privilégie aucune méthode d’interprétation, mais s’inspire d’un pluralisme pragmatique pour rechercher le sens véritable de la norme; en particulier, il ne se fonde sur la compréhension littérale du texte que s’il en découle sans ambiguïté une solution matériellement juste (ATF 146 V 95 consid. 4.3.1; 139 V 250 consid. 4.1 et les références; arrêt 9C_886/2018 du 4 juillet 2019 consid. 3.4).

En l’espèce, le texte de l’art. 30 al. 1 du règlement de prévoyance de la Caisse de pensions n’est pas clair dans la mesure où les termes de « traitement annuel brut que réaliserait l’intéressé s’il était resté en activité » laissent place à une certaine interprétation. En particulier, il n’est pas d’emblée clair si ces termes comprennent une évolution hypothétique du taux d’occupation. Il convient dès lors de rechercher quelle est la portée de la disposition réglementaire.

 

Gain présumé perdu

Au regard du sens littéral de l’art. 30 al. 1 du règlement de prévoyance, il apparaît que la notion de « traitement annuel brut que réaliserait l’intéressé s’il était resté en activité » est évolutive et implique de tenir compte de l’évolution du salaire jusqu’au moment du calcul de surindemnisation. La notion de « traitement annuel » comprend en effet les éléments énumérés de manière exhaustive à l’art. 7 al. 1 du règlement de prévoyance, soit, pour les assurés rémunérés au mois, le traitement de base, les parts d’expérience, les augmentations progressives liées à la prestation et la prime de performance limitée à 5%. Le caractère évolutif des termes utilisés à l’art. 30 al. 1 du règlement de prévoyance s’agissant de l’évolution salariale n’est du reste pas contesté par la Caisse de pensions, qui a exposé à cet égard, devant la juridiction cantonale, que le recours au conditionnel est destiné à permettre une dynamisation de la limite de surindemnisation en tenant compte de l’évolution salariale qui aurait eu lieu en l’absence d’invalidité, en particulier des parts d’expérience. Cette solution est corroborée par la jurisprudence, selon laquelle ce n’est en effet que lorsqu’une institution de prévoyance recourt à des termes qui ne font pas appel à une notion variable ou hypothétique (telles les expressions « salaire présumé perdu » ou « salaire hypothétique qu’aurait perçu l’assuré »), mais qui se rapportent au revenu brut effectivement réalisé par l’assuré, comme par exemple, les termes de « traitement brut », que l’évolution du salaire jusqu’au moment du calcul de surindemnisation n’a pas à être prise en considération (voir arrêt 9C_48/2007 du 20 août 2007 consid. 6.2).

La Caisse de pensions conteste en revanche le caractère évolutif de la notion de « traitement annuel brut que réaliserait l’intéressé s’il était resté en activité » quant à une éventuelle modification du taux d’activité de la personne assurée, c’est-à-dire quant à d’éventuels changements de statut de l’assuré dans l’assurance-invalidité. Le point de vue de la Caisse de pensions est confirmé par l’interprétation littérale de l’art. 30 al. 1 de son règlement de prévoyance. En effet, le terme de « traitement » s’apparente aux notions de gain et de salaire et ne se rapporte pas directement au taux d’occupation professionnelle de l’assuré. Sous l’angle également de l’interprétation historique, si l’on ne dispose certes pas des travaux préparatoires usuels dans une procédure législative (qui a concerné l’adoption de la LCPVAL), la Caisse de pensions a fait valoir, devant l’instance cantonale, que selon sa pratique constante, le « traitement annuel brut que réaliserait l’intéressé s’il était resté en activité » est obtenu en se fondant sur le taux d’activité lors de la survenance de l’incapacité de gain. L’assurée ne prétend du reste pas que la pratique de la Caisse de pensions aurait changé dans le temps.

C’est en vain que l’assurée se réfère à la notion de « gain annuel dont on peut présumer que l’intéressé est privé » au sens de l’art. 34a al. 1 LPP. Si certes, cette notion est évolutive et comprend l’évolution hypothétique du statut de la personne assurée, l’art. 34a al. 1 LPP n’est pas déterminant en l’espèce. Selon la jurisprudence dûment rappelée par les juges cantonaux, dans le domaine de la prévoyance plus étendue, les institutions de prévoyance peuvent en effet prévoir une réglementation plus restrictive que celle de l’art. 34a al. 1 LPP. Il n’est en l’occurrence pas contesté que l’institution de prévoyance est une institution de prévoyance dite « enveloppante » qui a décidé d’étendre la prévoyance au-delà des exigences minimales légales (prévoyance surobligatoire ou plus étendue) et qu’elle est par conséquent libre de définir dans les limites des dispositions expressément réservées à l’art. 49 al. 2 LPP le régime de prestations, le mode de financement et l’organisation qui lui convient pour autant qu’elle respecte les principes d’égalité de traitement et de proportionnalité ainsi que l’interdiction de l’arbitraire (ATF 140 V 145 consid 3.1 et les références).

Au-delà du sens commun, dont il ressort que la notion de « traitement » recouvre le salaire ou gain perçu par l’assuré pour l’exercice d’une activité lucrative, sans référence directe au taux auquel cette activité est exercée, l’art. 30 du règlement de prévoyance s’insère dans le système de la surindemnisation prévu par la loi. On rappellera à cet égard que lorsque le règlement de prévoyance fixe une limite de surindemnisation plus restrictive que celle prévue par l’art. 34a al. 1 LPP, l’institution de prévoyance doit procéder à un calcul comparatif entre les prestations selon la LPP (sur la base du compte-témoin que les institutions de prévoyance doivent tenir afin de contrôler le respect des exigences minimales de la LPP [Alterskonto; art. 11 al. 1 OPP 2]) et les prestations réglementaires (Schattenrechnung; cf. ATF 136 V 65 consid. 3.7 et les références). Cette comparaison permet de s’assurer que les prestations réglementaires respectent les exigences minimales de la LPP, autrement dit que la personne assurée bénéficie au moins des prestations minimales légales selon la LPP (art. 49 al. 1 LPP en corrélation avec l’art. 6 LPP). Une institution de prévoyance doit en effet verser les prestations légales lorsque celles-ci sont supérieures à celles calculées conformément à son règlement. En l’occurrence, l’assurée ne conteste ni le calcul comparatif auquel la Caisse de pensions a procédé, ni le montant des prestations minimales de la prévoyance professionnelle obligatoire.

 

Compte tenu de ce qui précède, c’est bien le taux d’activité au moment de la survenance de l’invalidité qu’il convient de prendre en compte afin de fixer la limite de surindemnisation en application de l’art. 30 al. 1 du règlement de prévoyance de la Caisse de pensions. En conséquence, c’est à bon droit que la juridiction cantonale a confirmé la réduction du montant des prestations d’invalidité opérée par la Caisse de pensions, prestations dont le calcul n’est pas remis en cause en tant que tel par l’assurée, dès le mois d’octobre 2017.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 9C_630/2020 consultable ici

 

 

ATF 146 V 95 – 9C_391/2019 (d) du 23.03.2020 – Partage des avoirs de prévoyance professionnelle en cas de divorce / Interprétation des art. 122 et 123 CC – Cas de prévoyance invalidité en cours (annoncé à l’AI) mais sans octroi de rente lors de l’introduction de la procédure de divorce

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_391/2019 (d) du 23.03.2020, publié aux ATF 146 V 95

 

Arrêt 9C_391/2019 consultable ici

ATF 146 V 95 consultable ici

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi.

 

Partage des avoirs de prévoyance professionnelle en cas de divorce / 122 ss CC

Interprétation des art. 122 et 123 CC / Cas de prévoyance invalidité en cours (annoncé à l’AI) mais sans octroi de rente lors de l’introduction de la procédure de divorce

 

Par jugement du 22.06.2018, le divorce entre A.__ (né en 1958) et B.__ (née en 1959) a été prononcé ; le partage de la moitié des avoirs de prévoyance professionnelle accumulés pendant le mariage a été ordonné conformément à l’art. 122 CC. Après que le jugement de divorce est devenu définitif et dans le cadre de la procédure prévue à l’art. 281 al. 3 CPC, le tribunal a renvoyé le 31.08.2018 l’affaire au tribunal cantonal compétent pour le partage des prestations de sortie (« décision en termes de montant »).

 

Procédure cantonale

La cour cantonale a calculé la prestation de sortie pour l’épouse à CHF 670’106.35 et pour l’époux à CHF 343’049.30 lors de l’introduction de la procédure de divorce. Elle en a déduit les avoirs de prévoyance existant au moment du mariage et constitués jusqu’au moment de l’introduction de la procédure de divorce, soit CHF 318’013.37 pour l’époux et CHF 197’602.52 pour l’épouse. L’instance cantonale a fixé le partage de l’avoir de prévoyance de l’époux à CHF 352’092,98 et celui de son épouse divorcée à CHF 145’446,78. Par conséquent, après avoir divisé ces montants à parts égales, il a accordé à l’épouse divorcée CHF 103’323,10 CHF (net) au titre de la compensation des pensions.

Par arrêt du 07.05.2019, le tribunal cantonal des assurances a ordonné à l’institution de prévoyance de transférer CHF 103’323.10 du compte de l’époux, majoré des intérêts à compter du 20.02.2018, sur le compte de l’épouse divorcée auprès de la caisse de pension X.__.

 

TF

A.__ a recouru contre l’arrêt du 07.05.2019, demandant son annulation et le « report de la détermination du montant à transférer par son institution de prévoyance jusqu’à la détermination de la pension d’invalidité » »

La IIe Cour de droit social et la IIe Cour de droit civil du Tribunal fédéral ont mené la procédure d’échange selon l’art. 23 LTF.

 

Consid. 2.2

En cas de divorce, les prestations de sortie et les parts de rente sont partagées conformément aux art. 122 à 124e CC et 280 et 281 CPC ; les art. 3 à 5 LFLP s’appliquent par analogie au montant à transférer (art. 22 LFLP).

Conformément au principe de l’art. 122 CC, les prétentions de prévoyance professionnelle acquises durant le mariage et jusqu’à l’introduction de la procédure de divorce sont partagées entre les époux. Il faut distinguer les partages « pour les prestations de sortie » (art. 123 CC), « en cas de perception d’une rente d’invalidité avant l’âge réglementaire de la retraite » (art. 124 CC) et « en cas de perception d’une rente d’invalidité après l’âge réglementaire de la retraite ou d’une rente de vieillesse » (art. 124a CC).

 

Consid. 2.3

Les prestations de sortie acquises, y compris les avoirs de libre passage et les versements anticipés pour la propriété du logement, sont partagées par moitié (art. 123 al. 1 CC). En vertu de l’art. 123 al. 3 CC, les prestations de sortie à partager se calculent conformément aux art. 15 à 17 et 22a ou 22b LFLP. Au sens de l’art. 124 al. 1 CC, si, au moment de l’introduction de la procédure de divorce, l’un des époux perçoit une rente d’invalidité et qu’il n’a pas encore atteint l’âge réglementaire de la retraite, le montant auquel il aurait droit en vertu de l’art. 2 al 1ter LFLP en cas de suppression de sa rente est considéré comme prestation de sortie. Conformément à l’art. 124 al. 2 CC, les dispositions relatives au partage des prestations de sortie s’appliquent par analogie.

La différence entre les dispositions de l’art. 123 et de l’art. 124 CC réside essentiellement dans le fait que la répartition prévue à l’art. 123 CC ne concerne que les prestations de sortie « acquises » (c’est-à-dire les prestations « effectivement » épargnées et portant intérêt), tandis que celle prévue à l’art. 124 CC, il s’agit d’une prestation de sortie « hypothétique », qui comprend en outre les avoirs (ainsi que les intérêts) provenant du maintien du compte de vieillesse après le début de l’invalidité (cf. art. 14 OPP 2) dans le domaine obligatoire et l’exonération des cotisations en vertu de la réglementation dans le domaine plus étendu) (Message du 29 mai 2013 concernant la révision du code civil suisse (Partage de la prévoyance professionnelle en cas de divorce), FF 2013 4353 ch. 1.5.2 et 4357 ch. 2.1 ; JUNGO/GRÜTTER, in : FamKomm Scheidung, vol. I, 3. Aufl. 2017, N. 6 ss. à l’art. 124 CC ; FLEISCHANDERL/HÜRZELER, in : FamKomm Scheidung, Bd. II, Anhang Sozialversicherungsrechtliche Fragen in Bezug auf Trennung und Scheidung, 3. Aufl. 2017, p. 432 Rz. 206 ; GEISER/WALSER, in : Basler Kommentar, Zivilgesetzbuch, Bd. I, 6. Aufl. 2018, N. 2 à l’art. 124 ZGB).

 

Consid. 2.4

Pour chaque conjoint, la prestation de sortie à partager correspond à la différence entre la prestation de sortie, augmentée des avoirs de libre passage existant éventuellement au jour de l’introduction de la procédure de divorce, et la prestation de sortie augmentée des avoirs de libre passage existant éventuellement au moment de la conclusion du mariage. Pour ce calcul, on ajoute à la prestation de sortie et à l’avoir de libre passage existant au moment de la conclusion du mariage les intérêts dus au jour de l’introduction de la procédure de divorce. Les paiements en espèces et les versements en capital effectués durant le mariage ne sont pas pris en compte (art. 22a al. 1 LFLP). Les prétentions réciproques des époux à des prestations de sortie ou à des parts de rente sont compensées entre elles (art. 124c al. 1, 1e phrase, CC).

 

Consid. 3

La seule somme litigieuse et à examiner est le montant de l’avoir de vieillesse de l’époux divorcé au 19.02.2018 (introduction de la procédure de divorce), que la cour cantonale a pris en compte à hauteur de CHF 670’106.35. L’époux affirme (comme déjà dans la procédure devant le tribunal cantonal) qu’il est tombé gravement malade en novembre 2014 et qu’il s’est ensuite annoncé à l’assurance-invalidité afin de bénéficier de leurs prestations. La procédure était en cours et la question de savoir s’il avait droit à une rente d’invalidité AI avec effet rétroactif (dès 2015) et, par conséquent, à celle de la prévoyance professionnelle était ouverte. L’avoir de vieillesse de CHF 670’106.35 déclaré par son institution de prévoyance au 19 février 2018 n’était donc que provisoire et pouvait encore être considérablement réduit. Le présent litige ne pourra être réglé qu’après que le droit à une pension d’invalidité aura été clarifié.

 

Consid. 4.1

S’agissant de l’application des art. 123 et 124 CC, l’instance cantonale a seulement considéré que le cas de droit à une rente ne s’était pas produit pour l’époux divorcé lors de l’introduction de la procédure de divorce le 19.02.2018, puisque aucun droit à une rente de l’AI n’était né jusqu’à ce moment-là. Les éventuelles procédures en cours auprès de l’AI ne devaient donc pas être prises en compte dans le partage des prétentions de prévoyance professionnelle. La cour cantonale a donc (implicitement) assimilé la perception effective d’une rente à la survenance de l’événement assuré ou l’a considérée comme le critère déterminant pour la délimitation entre les art. 123 et 124 CC et a (exclusivement) considéré que la première des deux dispositions était applicable.

 

Consid. 4.2.1

Selon l’ancien droit applicable jusqu’au 31.12.2016, le partage des prestations de sortie était (en principe ; cf. pour une exception SVR 2011 BVG Nr. 24 S. 91, 9C_610/2010 consid. 3 ; 2010 BVG Nr. 11 S. 40, 9C_691/2009 consid. 2) était exclue si un « cas de prévoyance » est déjà « survenu » pour l’un des époux (« Vorsorgefall eingetreten » ; « sopraggiunto [un] caso d’assicurazione » resp. « di previdenza ») au moment considéré (cf. art. 122 al. 1 et 124 al. 1 aCC [RO 1999 1128 s.]; ATF 142 V 419 consid. 4.4 p. 424).

 

Consid. 4.2.2

Le Tribunal fédéral a défini ce principe comme suit : Le cas d’invalidité assuré ne survient pas avec l’incapacité de travail sous-jacente, mais avec le début du droit à une prestation d’invalidité (art. 26 al. 1 LPP). Cela correspond à la jurisprudence relative au partage de la prestation de sortie en cas de divorce : selon celle-ci, le cas d’invalidité assuré est survenu si l’un des conjoints est invalide à raison de 50% au moins ou – depuis le 01.01.2005 – 40% au moins ou a présenté une incapacité de travail d’au moins 50% ou – depuis le 01.01.2005 d’au moins 40% durant une année sans interruption notable ou a perçu la prestation sous la forme d’un capital (ATF 142 V 419 consid. 4.3.1 p. 422 ; ATF 134 V 28 consid. 3.4.2 p. 32 ; ATF 129 III 481 consid. 3.2.2 p. 484).

Dans l’ATF 142 V 419 consid. 4.4, le Tribunal fédéral, au vu de cette jurisprudence, a relativisé l’importance de la perception (effective) d’une rente : il a précisé que la réduction complète d’un droit à une rente d’invalidité de la prévoyance professionnelle pour cause de surindemnisation ne change rien à la survenance du cas d’invalidité assuré du premier pilier dans le cadre d’un divorce. Dans les cas cités, l’existence d’un droit à une rente d’invalidité (au moins de l’assurance-invalidité) était déjà claire avant le moment déterminant (entrée en force du jugement de divorce) (ATF 142 V 419 lit. A p. 420 ; 134 V 28 consid. 3.1 p. 30 ; 129 III 481 consid. 3 p. 483).

 

Consid. 4.2.3

Dans l’arrêt 9C_388/2009 du 10.05.2010 consid. 4.4 (non publié in ATF 136 V 225, mais in SVR 2011 BVG Nr. 8 p. 27), le Tribunal fédéral a précisé que ce n’est pas la perception de la rente en tant que telle qui est déterminante, mais uniquement le fait que le droit aux prestations soit né avant le moment déterminant, même si une décision définitive à ce sujet n’intervient qu’ultérieurement (pendant la procédure devant le tribunal de la prévoyance professionnelle ou même après sa conclusion). Si, dans ce sens, le cas d’invalidité s’était produit (et que le partage selon l’art. 122 al. 1 aCC était impossible), le cas devait être renvoyé d’office au juge du divorce, qui était à son tour compétent, pour la détermination d’une indemnité équitable (art. 124 al. 1 aCC) (ATF 136 V 225 consid. 5.3 p. 227 ss).

Puis le Tribunal fédéral a considéré ce qui suit dans l’arrêt 9C_191/2013 du 08.07.2013 consid. 4 (SVR 2014 BVG Nr. 2 p. 5 ; en confirmation de l’arrêt 9C_388/2009 resp. ATF 136 V 225 et en référence à l’arrêt 9C_899/2007 du 28.03.2008 consid. 5.2, FamPra.ch 2008 p. 654) : En principe, le tribunal de la prévoyance professionnelle est lié par le partage prévu dans le jugement de divorce et doit simplement l’exécuter. Cela s’applique également si un cas de prévoyance survient après le moment déterminant ([alors] entrée en force du jugement de divorce). La situation est toutefois différente s’il s’avère par la suite qu’un événement assuré de facto s’est déjà produit avant la date déterminante. Dans ce cas, l’ensemble de la procédure régie par les art. 122/141-142 aCC et 25a aLFLP ne peut être appliqué. Dans ce cas, si le tribunal de la prévoyance professionnelle n’a pas encore procédé à la répartition selon l’art. 122 aCC, il doit suspendre la procédure si le versement rétroactif de prestations d’invalidité jusqu’à une date antérieure au jugement de divorce est probable ou si l’institution de prévoyance est en train de clarifier la question, ou – si un versement rétroactif est certain – renvoyer la question au tribunal du divorce afin qu’il détermine une indemnité équitable conformément à l’art. 124 al. 1 aCC, au besoin par voie de révision du jugement de divorce. Cela vaut également si la procédure AI est encore en cours. En effet, les personnes qui sont invalides à 40% au moins au sens de l’AI ont droit à des prestations d’invalidité LPP (art. 23 lit. a in initio LPP). Le moment décisif pour la survenance du cas d’invalidité assuré est l’entrée en force de la décision de l’assurance-invalidité. Ceci en raison du fait que l’octroi d’une rente de l’assurance invalidité donne également droit à rente au titre de la prévoyance professionnelle obligatoire.

 

Consid. 4.2.4

Il en ressort que dans la situation juridique applicable jusqu’à fin 2016, pour l’application de l’art. 122 al. 1 aCC ou de l’art. 124 al. 1 aCC la perception effective d’une rente avant la date déterminante n’était pas pertinente. Seule la survenance du cas d’invalidité assuré selon le premier (ou le deuxième) pilier était relevant, même si elle n’était déterminée qu’ultérieurement – dans le cadre d’une attribution de rente rétroactive.

 

Consid. 4.3.1

On peut se demander si, dans le droit actuel, le même critère doit être appliqué pour la démarcation entre les art. 123 et 124 CC.

La loi s’interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n’est pas absolument clair, si plusieurs interprétations sont possibles, il convient de rechercher la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l’intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d’autres dispositions légales (interprétation systématique). Le Tribunal fédéral ne privilégie aucune méthode d’interprétation, mais s’inspire d’un pluralisme pragmatique pour rechercher le sens véritable de la norme (ATF 146 V 51 consid. 8.1 p. 63 ; ATF 145 III 109 consid. 5.1 p. 114 ; ATF 144 III 29 consid. 4.4.1 p. 34 s. ; ATF 131 III 314 consid. 2.2 p. 315 s. ; ATF 121 III 460 consid. 4a/bb p. 465 ; chacun avec les références).

 

Consid. 4.3.2

Selon l’art. 124 al. 1 CC, l’élément déterminant pour son application est le fait que le conjoint « perçoit » (« bezieht », « percepisce ») une rente d’invalidité au moment (nouvellement pertinent) de l’introduction de la procédure de divorce. Cette formulation semble claire. Toutefois, l’élément de la perception effective d’une rente est déjà relativisé au vu de la formulation de l’art. 124 al. 3 CC en ce qui concerne « une rente d’invalidité […] réduite pour cause de surindemnisation » (éventuellement totale) (cf. également le consid. 4.2.2 ci-dessus et la référence à l’ATF 142 V 419 consid. 4.4 p. 424).

 

Consid. 4.3.3

Rien n’indique, dans les documents, qu’il y ait eu une discussion sur l’aspect du libellé de l’art. 124 al. 1 CC qui nous intéresse ici. Tant dans le message du Conseil fédéral (FF 2013 4341 ss, notamment 4353 ss [ch. 1.5.2 et 1.5.3] et 4357 ss [ch. 2.1]) que dans les délibérations de l’Assemblée fédérale (BO 2014 S 522 ss ; BO 2015 N 757 ss), la perception d’une rente était assimilée à la survenance de l’événement assuré et les expressions correspondantes étaient utilisées comme synonymes. Il n’est pas évident que cela ait été compris différemment que dans l’ancienne situation juridique (cf. consid. 4.2.3 ci-dessus) et que le terme plus étroit de perception effective de la rente soit désormais déterminant.

 

Consid. 4.3.4

La nouvelle réglementation du partage de la prévoyance professionnelle en cas de divorce visait notamment à permettre le partage des avoirs de pension même si l’un des conjoints était déjà invalide. Toutes les prétentions de prévoyance professionnelle acquises durant le mariage (jusqu’à l’introduction de la procédure de divorce) (prestations de sortie) devaient être soumis au partage (FF 2013 4355 ch. 1.5.3, 4904 ss ch. 2.1 ; BO 2014 S 524 ; BO 2015 N 759, 761, 764). L’octroi rétroactif d’une rente à un moment antérieur à la date effective de l’introduction du divorce peut également conduire – en fonction de la durée du mariage – à une augmentation supplémentaire de l’avoir de prévoyance. Il n’est pas logique que le conjoint divorcé ne participe pas aux bonifications dues au maintien du compte de vieillesse pour la seule raison qu’ils ne sont accordés qu’après la date déterminante (mais rétroactivement).

 

Consid. 4.3.5

D’un point de vue systématique, il faut noter qu’en principe le montant de l’art. 124 al. 1 CC ne peut pas être utilisé pour le partage de la prévoyance professionnelle si une rente d’invalidité a été réduite en raison de la surindemnisation avec les prestations de l’assurance-accidents ou de l’assurance militaire. Dans ce cas, une indemnité équitable est due conformément à l’art. 124e al. 1 CC (art. 124 al. 3 CC en relation avec l’art. 26a OPP 2 ; FF 2013 4363 ch. 2.1). La raison de cette exception existe indépendamment du fait que le droit à la pension était déjà ouvert au moment de l’introduction de la procédure de divorce ou seulement ultérieurement.

 

Consid. 4.4

A l’aune de ce qui précède, l’élément déterminant pour l’application de l’art. 124 CC est de savoir si un droit à une rente d’invalidité de la prévoyance professionnelle est né ou, en d’autres termes, si le cas d’invalidité est survenu avant l’introduction de la procédure de divorce. Dans le domaine de la prévoyance professionnelle obligatoire, la survenance de l’événement assuré coïncide avec l’ouverture du droit à une rente de l’assurance invalidité, même si la rente de la prévoyance professionnelle est différée (pour éviter une surindemnisation). Il en va de même pour la prévoyance étendue si le règlement ne contient rien de contraire (ATF 142 V 419 consid. 4.3.3-4.4 p. 423 s.; GEISER/WALSER, op. cit., N. 7 ad Art. 124 ZGB; FLEISCHANDERL/HÜRZELER, op. cit., p. 432 s. no 207). Contrairement à l’avis de l’instance cantonale, le fait qu’une décision définitive sur le droit à une rente d’invalidité soit encore pendante et que, par conséquent, aucune rente ne soit (encore) perçue n’exclut ni la survenance de l’événement assuré au moment déterminant, ni l’application de l’art. 124 CC (cf. également MEYER/UTTINGER, in: BVG und FZG, 2e ed., 2019, no 42 ad Art. 73 BVG; JUNGO/GRÜTTER, op. cit., no 5 ad art. 122 ZGB et no 13 s. ad art. 124 ZGB).

 

Consid. 5.1 (non publié aux ATF 146 V 95)

Compte tenu des observations (suffisamment précises) de l’époux recourant, il est difficile de savoir si un cas de prévoyance « invalidité » s’est produit dans son cas avant l’introduction de la procédure de divorce. Il n’est pas possible de répondre à cette question sur la base des dossiers de la juridiction cantonale. La cour cantonale devra procéder aux clarifications nécessaires (cf. art. 73 al. 2 LPP). Lorsqu’un droit à une rente d’invalidité avec effet rétroactif à un moment antérieur à l’introduction de la procédure de divorce ne peut être exclu, il est généralement opportun de suspendre la procédure – comme dans le droit précédant (cf. consid. 4.2.3) – jusqu’à ce que la question de la survenance de l’événement assuré soit clarifiée.

Cela vaut également en l’espèce où le tribunal de la prévoyance professionnelle, selon l’ordonnance du dispositif n° 3 du jugement de divorce et la lettre de transfert du tribunal de district (cf. faits de la cause, lit. A), doit déterminer le montant à transférer dans le cadre du partage des avoirs de prévoyance professionnelle.

 

Consid. 5.3 (non publié aux ATF 146 V 95)

La partie défenderesse et l’OFAS évoquent les inconvénients liés au retard (supplémentaire) du partage des avoirs de prévoyance professionnelle. Toutefois, afin d’éviter ces inconvénients, des mesures provisionnelles peuvent être prises conformément au droit procédural cantonal (cf. § 46 al. 2 de la loi argovienne du 4 décembre 2007 sur l’administration du droit administratif (Verwaltungsrechtspflegegesetz, VRPG ; SAR 271.200).

 

Le TF admet le recours de l’époux divorcé.

 

 

Arrêt 9C_391/2019 consultable ici

ATF 146 V 95 consultable ici

 

 

Proposition de citation : ATF 146 V 95 – 9C_391/2019 (d) du 23.03.2020 – Interprétation des art. 122 et 123 CC, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2021/11/atf-146-v-95-9c_391-2019)

4A_518/2020 (f) du 25.08.2021 – Accès par l’employeur aux conversations privées sur le téléphone portable et messagerie électronique professionnels / Tort moral – Atteinte illicite à la personnalité du travailleur / Traitement de données personnelles au sens de l’art. 3 LPD par l’employeur / Respect des principes généraux de la LPD – Bonne foi et proportionnalité

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_518/2020 (f) du 25.08.2021

 

Consultable ici

 

Accès par l’employeur 5 mois après le licenciement aux conversations privées sur le téléphone portable et messagerie électronique professionnels

Tort moral – Atteinte illicite à la personnalité du travailleur / 328 CO – 328b CO – 49 al. 1 CO

Traitement de données personnelles au sens de l’art. 3 LPD par l’employeur

Respect des principes généraux de la LPD – Bonne foi et proportionnalité

 

Procédure cantonale (arrêt CAPH/163/2020 – consultable ici)

La cour cantonale a écarté diverses pièces produites par l’employeuse, consistant qui en des conversations WhatsApp privées échangées sur le téléphone portable mis à disposition de l’employé, qui en des courriels intimes envoyés depuis sa messagerie professionnelle : il s’agissait de preuves obtenues en violation des art. 143bis al. 1 et 179novies CP, 328 et 328b CO, et 8 CEDH.

Les pièces n. 2 et 2bis consistaient en des courriels intimes que l’employé avait échangés, au moyen de sa messagerie professionnelle, avec une collègue intimement liée à lui. L’employeuse (qui n’avait pas interdit l’utilisation de la messagerie à des fins privées) y avait accédé sans l’autorisation de l’employé. Elle avait violé ses droits de la personnalité, de sorte que ces preuves avaient été obtenues illicitement.

S’agissant des autres pièces, l’employeuse, par l’entremise de la fille du directeur général D1.________, avait récupéré sans l’autorisation de l’employé des conversations WhatsApp privées qu’il avait échangées, via son téléphone portable, avec des proches et des collègues. Cette récupération était intervenue par le biais de son compte iCloud personnel protégé par un mot de passe. L’employeuse savait que l’employé utilisait son téléphone professionnel à des fins privées et l’avait autorisé à supprimer les données privées avant de le restituer; elle ne pouvait, sans violer le principe de la bonne foi, récupérer cinq mois plus tard ces données sans solliciter l’autorisation de celui-ci. Le procédé était en outre extrêmement intrusif. Il s’agissait aussi de moyens de preuve illicites.

Le litige s’inscrivant dans un contexte privé à caractère purement patrimonial, l’intérêt à la découverte de la vérité ne prévalait pas sur le droit de l’employé à la protection de sa personnalité.

La cour cantonale a alloué à l’employé une indemnité pour tort moral de 5’000 fr. motivée par la grave atteinte que l’employeuse avait portée à sa personnalité (art. 328 et 328b CO en lien avec l’art. 49 al. 1 CO). Son argumentation peut se résumer comme il suit:

Après le licenciement immédiat de l’employé, l’employeuse avait accédé sans autorisation aux conversations privées que celui-ci avait échangées avec autrui sur son téléphone portable et sa messagerie électronique professionnels.

Le contrat précisait certes que le téléphone portable ne devait être utilisé qu’à des fins professionnelles. L’intéressée savait néanmoins que l’employé en faisait aussi un usage privé puisqu’elle lui avait donné la possibilité de supprimer ses données privées avant de restituer l’appareil. Dans ce contexte, récupérer cinq mois plus tard, sans autorisation, les données du téléphone via le compte iCloud personnel de l’employé constituait non seulement une atteinte à la personnalité, mais aussi une violation du principe de la bonne foi. Quant à la messagerie professionnelle, l’employeuse n’avait pas interdit son utilisation à des fins privées et y avait également accédé sans autorisation alors que le contenu des messages était personnel. Ce faisant, elle avait derechef porté atteinte à la personnalité de l’employé.

L’employeuse entendait récolter des preuves susceptibles d’accabler l’employé. Or, d’autres méthodes moins intrusives lui eussent permis de sauvegarder ses intérêts, notamment en récoltant des informations auprès des employés qui avaient travaillé avec l’intimé et en demandant leur audition en tant que témoins.

D’un point de vue objectif, l’atteinte (illicite) à la personnalité était particulièrement grave. Les données obtenues ne relevaient pas seulement de la sphère privée de l’employé, mais aussi de sa sphère intime, notamment sexuelle. Qui plus est, l’employeuse avait eu accès à l’ensemble des conversations privées que l’employé avait échangées sur son téléphone portable professionnel durant les rapports de travail. Certaines données avaient même été portées à la connaissance de tiers tels que des employés de l’entreprise, des membres de la famille de D1.__ [directeur général de l’entreprise] ou des personnes ayant eu accès à la présente procédure, dont les employés de l’assurance chômage.

Sur le plan subjectif, l’atteinte subie par l’employé, déjà fragilisé psychologiquement par la résiliation des rapports de travail, était effectivement de nature à provoquer la forte souffrance morale qu’il disait avoir ressentie.

 

TF

L’employeur est tenu de protéger et respecter, dans les rapports de travail, la personnalité du travailleur (art. 328 al. 1 CO).

Il ne peut traiter des données concernant le travailleur que dans la mesure où elles portent sur les aptitudes du travailleur à remplir son emploi ou sont nécessaires à l’exécution du contrat de travail. En outre, les dispositions de la loi fédérale sur la protection des données (LPD) sont applicables (art. 328b CO).

Selon l’art. 3 LPD, constituent des données (personnelles) toutes les informations se rapportant à une personne identifiée ou identifiable (let. a). Par traitement, il faut comprendre toute opération relative à des données personnelles – quels que soient les moyens et procédés utilisés – notamment la collecte, la conservation, l’exploitation, la modification, la communication, l’archivage ou la destruction de données (let. e).

Tout traitement de données doit être licite, et effectué conformément aux principes de la bonne foi et de la proportionnalité (art. 4 al. 1 et 2 LPD).

Une atteinte à la personnalité est illicite à moins d’être justifiée par le consentement de la victime, par un intérêt prépondérant privé ou public, ou par la loi (art. 13 al. 1 LPD; cf. aussi art. 28 al. 2 CC).

 

Traitement de données personnelles au sens de l’art. 3 LPD

Les informations/données visées par l’art. 3 let. a LPD peuvent consister en des constatations de fait ou en des jugements de valeur se rapportant à une personne identifiée ou identifiable. Peu importe la forme des données (signe, mot, image, son ou une combinaison de ces éléments) et le support sur lequel elles reposent (matériel ou électronique) (cf. entre autres PORTMANN/RUDOLPH, in Basler Kommentar [Obligationenrecht I], 7e éd. 2020, n° 3 ad art. 328b CO; GABOR BLECHTA, in Basler Kommentar [Datenschutzgesetz], 3e éd. 2014, n° 6 ad art. 3 LPD; PHILIPPE MEIER, Protection des données, 2011, n° 422). Constituent ainsi des données au sens de l’art. 328b CO tous les renseignements, indications ou notes concernant la personne du travailleur, ses relations et ses activités, qu’elles portent sur sa vie privée ou professionnelle (MEIER, op. cit., n° 2031).

Quant à la notion de traitement, qui est très large comme le montre la définition légale précitée, il est admis qu’elle vise notamment la démarche de l’employeur qui prend intentionnellement connaissance (ou collecte) des données personnelles d’un de ses employés. La simple transmission de données personnelles constitue une communication au sens de l’art. 3 let. f LPD,et partant un traitement de données selon l’art. 3 let. e LPD (arrêt 4A_661/2016 du 31 août 2017 consid. 3.1).

A l’aune de ces précisions, l’employeur conteste sans succès que l’accession à des messages que l’employé avait échangés avec des tiers sur son téléphone portable et sa messagerie électronique professionnels, respectivement leur prise de connaissance et leur transmission à autrui constituent un traitement de données personnelles au sens de l’art. 3 LPD (cf. PETER HAFNER, Auswertung der E-Mails von Arbeitnehmern, PJA 2018 p. 1328 et 1329 point III/A).

 

Atteinte illicite à la personnalité du travailleur

Se pose ensuite la question de savoir si ce traitement constitue une atteinte illicite à la personnalité du travailleur, étant entendu que la protection de l’art. 328b CO peut s’exercer même après la fin des rapports de travail (ATF 131 V 298 consid. 6.1 i.f. p. 304).

Les droits de la personnalité d’une personne physique englobent le droit au respect de la vie privée, qui comprend une sphère privée et une sphère intime. En font parties les informations de nature personnelle transmises au moyen de la messagerie électronique. L’irruption d’un tiers dans cette sphère, notamment pour rassembler des informations, constitue une atteinte à la personnalité (ATF 130 III 28 consid. 4.2 p. 33). En l’occurrence, la nature privée, et parfois même intime, des messages consultés n’est pas contestée, de sorte qu’il n’y a guère de quoi disputer l’atteinte à la sphère privée de l’intéressé (cf. arrêt 4A_465/2012 du 10 décembre 2012 consid. 3.2 ab initio). Le cœur du litige porte bien plutôt sur la licéité de cette atteinte.

Il existe des dissensions doctrinales sur la nature et la portée de l’art. 328b CO (cf. le résumé de la querelle présenté par HAFNER, op. cit., p. 1330; JEAN-PHILIPPE DUNAND, Commentaire du contrat de travail, 2013, n° 4 ad art. 328b CO; MEIER, op. cit., nos 2032 ss; ROSENTHAL/JÖHRI, in Handkommentar zum Datenschutzgesetz, 2008, nos 3 ss ad art. 328b CO). Pour la majorité toutefois, cette norme concrétise les principes de proportionnalité et de finalité ancrés à l’art. 4 al. 2 et 3 LPD (cf. entre autres HAFNER, op. cit., p. 1330; MEIER, op. cit., n° 2037; Message du 23 mars 1988 concernant la loi fédérale sur la protection des données, FF 1988 II 494).

Cela étant, le Tribunal fédéral a précisé que l’art. 328b CO introduit une présomption de licéité du traitement de données lorsqu’elles «portent sur les aptitudes du travailleur à remplir son emploi ou sont nécessaires à l’exécution du contrat» (ATF 130 II 425 consid. 3.3 p. 434). Le traitement de données est en principe licite lorsqu’il est en relation directe avec la conclusion ou l’exécution d’un contrat. L’art. 328b CO concrétise ce fait justificatif dans le domaine des rapports de travail en désignant deux situations qui autorisent a priori le traitement de données (GABRIEL AUBERT, La protection des données dans les rapports de travail, in Journée 1995 de droit du travail et de la sécurité sociale, 1999, p. 150).

De façon générale, la doctrine admet qu’un traitement de données s’inscrivant dans le champ de l’art. 328b CO (i.e. a priori licite) doit néanmoins respecter les principes généraux de la LPD, en particulier la bonne foi et la proportionnalité (HAFNER, op. cit., p. 1330 i.f.et 1334; DUNAND op. cit., nos 13 et 34 ad art. 328b CO; STREIFF ET ALII, Arbeitsvertrag, Praxiskommentar zu Art. 319-362 OR, 7e éd. 2012, p. 583 n. 7 et p. 621 n. 18; MEIER, op. cit., no 2055; REHBINDER/STÖCKLI, Berner Kommentar, 2010, n° 7 ad art. 328b CO; ADRIAN STAEHELIN, Zürcher Kommentar, 4e éd. 2006, nos 1 et 8 ad art. 328b CO; AUBERT, op. cit., p. 150 i.f.; cf. aussi ATF 130 II 425 consid. 3.3 p. 434). Ce dernier principe commande de mettre en balance l’intérêt de l’auteur du traitement des données et celui de la personne concernée par ce traitement (cf. par ex. MEIER, op. cit., n° 665 s.). Lorsque le traitement de données n’entre pas dans le cadre de l’art. 328b CO, il est présumé illicite et doit pouvoir se fonder sur un autre motif justificatif au sens de l’art. 13 LPD (PORTMANN/RUDOLPH, op. cit., nos 7 et 23 ad art. 328b CO; DUNAND, op. cit., n° 25 ad art. 328b CO; MEIER, op. cit., nos 2056 et 2060; SUBILIA/DUC, Droit du travail, 2010, nos 20 ss ad art. 328b CO; REHBINDER/STÖCKLI, op. cit., n° 11 ad art. 328b CO; ROSENTHAL/JÖHRI, op. cit., nos 12-14 ad art. 328b CO; AUBERT, op. cit., p. 151; cf. aussi l’arrêt 4A_588/2018 du 27 juin 2019 consid. 4.3.1; contra STREIFF ET ALII, op. cit., p. 579 n. 3).

La doctrine est encline à distinguer selon que l’employeur a interdit, autorisé ou toléré l’utilisation de la messagerie électronique et du téléphone portable professionnels à des fins privées. La marge de manœuvre de l’employeur serait plus large lorsqu’il a interdit l’utilisation privée de ces moyens de communication, parce qu’il est alors légitimé à contrôler si l’employé respecte ses directives (cf. DUNAND, op. cit., nos 82 ss ad art. 328b CO; STREIFF ET ALII, op. cit., p. 621-623 n. 18; GABRIEL AUBERT, in Commentaire romand [Code des obligations I], 2e éd. 2012, nos 8-9 ad art. 328b CO; MEIER, op. cit., nos 2170 ss; BERTIL COTTIER, La protection des données, in Internet au lieu de travail, 2004, p. 100 s.; cf. en outre le Guide du Préposé fédéral à la protection des données destiné à l’économie privée, «relatif à la surveillance de l’utilisation d’Internet et du courrier électronique au lieu de travail» [état: septembre 2013], accessible sur le site Internet www.edoeb.admin.ch, spéc. points B.5.4 et B.5.7). Des limites doivent être posées (STREIFF ET ALII, op. cit., p. 622). D’aucuns précisent que même en cas d’interdiction, l’employeur doit en principe s’abstenir de prendre connaissance du contenu des courriels privés ou des conversations téléphoniques privées de l’employé (DUNAND, op. cit., nos 83 i.f., 96 et 103 ad art. 328b CO; MEIER, op. cit., n° 2176, qui concède l’aspect artificiel de cette prescription; ROSENTHAL/JÖHRI, op. cit., no 64 ad art. 328b CO).

En l’occurrence, l’employeuse insiste sur le fait que les messages WhatsApp et les courriers électroniques ont été échangés sur des supports professionnels (téléphone portable et ordinateur) qu’elle avait mis à disposition de l’employé. Elle semble ainsi soutenir entre les lignes que le traitement de ces données s’inscrivait dans le cadre autorisé par l’art. 328b CO, en tant qu’il devait établir les aptitudes du travailleur à remplir son emploi ou s’avérait nécessaire à l’exécution du contrat de travail. Ces données – qu’elle distille dans son recours – démontreraient que l’employé n’effectuait pas les heures supplémentaires prétendues et mettraient en relief son incapacité à «manager» du personnel.

La doctrine semble encline à interpréter largement la notion de données «nécessaires à l’exécution du contrat de travail». Plusieurs auteurs indiquent que sont notamment visées les données nécessaires à la conduite d’un procès portant sur un litige relatif aux rapports de travail (PORTMANN/RUDOLPH, op. cit., n° 9 ad art. 328b CO; JÜRG BRÜHWILER, Einzelarbeitsvertrag, 3e éd. 2014, n° 2 ad art. 328b CO; STREIFF ET ALII, op. cit., p. 583 n. 6 i.f.; MEIER, op. cit., nos 2072 i.f.et 2131; ROSENTHAL/JÖHRI, op. cit., no 27 ad art. 328b CO, qui mentionnent le cas d’une recherche dans les e-mails privés de l’employé; STAEHELIN, op. cit., n° 6 ad art. 328b CO). Toutefois, lors même que l’accession aux messages privés et leur consultation s’inscriraient dans le champ d’activités a priori autorisées par l’art. 328b CO, ces traitements de données restent assujettis aux principes généraux de la LPD.

Il a été constaté en fait que l’employeuse était mue par le souci de trouver des preuves susceptibles d’accabler l’employé. Elle avait successivement notifié deux résiliations de contrat, l’une ordinaire, l’autre avec effet immédiat, et par deux fois l’employé avait manifesté son opposition; dans un possible accès de rage, il avait annoncé son intention de lui «pourrir la vie» et déclaré vouloir invalider l’avenant d’octobre 2016 relatif au délai de congé. Un procès était dès lors prévisible, et l’employeuse devait bien s’attendre à ce que l’ex-employé émette des prétentions pécuniaires. En revanche, un intérêt à protéger les autres employés ne pouvait guère être revendiqué puisque les rapports de travail avaient pris fin.

Selon la doctrine précitée, la nécessité de recueillir des preuves en prévision d’un procès portant sur la fin des rapports de travail peut entrer dans le champ de l’art. 328b CO.

L’autorité cantonale a toutefois jugé qu’il existait d’autres moyens d’investigation moins intrusifs permettant d’atteindre le but recherché par l’employeuse, qui pouvait notamment recueillir des renseignements auprès des employés et les faire auditionner comme témoins. Ce faisant, elle a brandi le principe de proportionnalité et soupesé les intérêts en cause, considérant que celui de l’employeuse à récolter des preuves pour se défendre n’était pas prépondérant dans cette affaire de nature patrimoniale et ne justifiait pas pareille intrusion dans la vie intime de l’intéressé.

Dans les circonstances d’espèce, il faut bien admettre que la Cour de justice n’a pas enfreint le droit fédéral en tirant une telle conclusion, ni abusé de son pouvoir d’appréciation. En jetant en pâture jusque dans son recours des pans de la vie intime de l’employé pour défendre ses intérêts financiers, l’employeuse ne réussit qu’à démontrer son absence totale d’égard pour la personnalité de l’employé.

 

Indemnité pour tort moral

Le salarié victime d’une atteinte à la personnalité contraire à l’art. 328 CO (respectivement à l’art. 328b CO) du fait de son employeur peut, le cas échéant, prétendre à une indemnité pour tort moral aux conditions fixées par l’art. 49 al. 1 CO (ATF 130 III 699 consid. 5.1 p. 704; arrêt précité 4A_465/2012 consid. 3.2).

Selon cette disposition, celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité a droit à une somme d’argent à titre de réparation morale, pour autant que la gravité de l’atteinte le justifie et que l’auteur ne lui ait pas donné satisfaction autrement. N’importe quelle atteinte légère à la réputation professionnelle, économique ou sociale d’une personne ne justifie pas une réparation (ATF 130 III 699 consid. 5.1 p. 704; 125 III 70 consid. 3a p. 75). L’atteinte doit avoir une certaine gravité objective et doit avoir été ressentie par la victime, subjectivement, comme une souffrance morale suffisamment forte pour qu’il apparaisse légitime qu’une personne, dans ces circonstances, s’adresse au juge pour obtenir réparation (arrêt précité 4A_465/2012 consid. 3.2; arrêt 4A_665/2010 du 1er mars 2011 consid. 6.1).

En l’espèce, la gravité de l’atteinte a été suffisamment soulignée par la cour cantonale. Quant à la souffrance morale de l’employé, elle est d’autant plus évidente que l’employeuse ne lui a pas épargné l’étalage des détails de sa vie intime dans le contexte de la présente procédure. Le fait que l’intéressé ait adopté des comportements importuns à caractère sexuel sur son lieu de travail avant la résiliation de son contrat ne le prive pas pour autant du droit au respect de sa sphère privée et intime. L’employeuse a beau jeu de prétendre que la femme et le fils de son directeur général (D1.__) avaient le droit d’être informés par le menu, à mesure qu’ils seraient eux-mêmes victimes d’atteinte à l’honneur: elle ne saurait légitimer a posteriori son intrusion par ce qu’elle prétend avoir découvert ou l’interprétation qu’elle en livre. Quant aux employés de la caisse de chômage qui n’auraient, à l’en croire et de manière quasi certaine, même pas consulté le dossier, et donc pas pris connaissance des éléments touchant à la vie intime de l’employé, ce ne sont certes pas les descriptions qui jalonnent les écritures de l’employeuse qui sont aptes à les en dissuader. C’est donc à bon droit que la cour cantonale a condamné l’employeuse à payer à l’employé une indemnité pour tort moral dont le montant – incontesté en tant que tel – doit être confirmé.

 

 

Arrêt 4A_518/2020 consultable ici

 

 

Réexamen 2021 : l’Office fédéral de la santé publique baisse le prix de près de 300 médicaments

Réexamen 2021 : l’Office fédéral de la santé publique baisse le prix de près de 300 médicaments

 

Communiqué de presse de l’OFSP du 05.11.2021 consultable ici

 

Dans le cadre du réexamen triennal 2021, l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) a baissé le prix de près de 300 médicaments de 10 % en moyenne. Sur la base de ce réexamen, des économies supplémentaires s’élevant à au moins 60 millions de francs sont attendues. Elles viendront s’ajouter aux 100 millions de francs économisés l’année dernière.

Depuis 2017, l’OFSP examine chaque année un tiers des médicaments de la liste des spécialités pour déterminer s’ils sont efficaces, appropriés et économiques. Il réexamine également les prix de ces médicaments dans ce cadre. En 2020, le deuxième cycle de réexamen a débuté après que tous les médicaments ont été évalués une fois entre 2017 et 2019. Les médicaments soumis au réexamen de 2021 sont utilisés, par exemple, pour le traitement de maladies de la peau ainsi que de maladies du système nerveux et du sang.

Pour l’heure, l’OFSP a décidé de réduire le prix de plus de 220 (53 %) des préparations originales examinées. Certaines baisses sont incertaines, les titulaires d’autorisation concernés ayant annoncé qu’ils déposeraient un recours. Aucune réduction de prix ne s’avère nécessaire pour environ 200 médicaments. Ces derniers restent économiques en comparaison avec les prix pratiqués à l’étranger et d’autres médicaments.

Parallèlement, les génériques, les médicaments en co-marketing et les biosimilaires correspondants ont également été réexaminés. Dans près de 40 % des cas, les prix seront aussi réduits.

À ce stade, on escompte des économies de l’ordre d’au moins 60 millions de francs. Comme annoncé, les baisses de prix prendront effet au 1er décembre 2021. Le réexamen des médicaments restants se terminera dans les prochains mois.

 

Économies supplémentaires pour l’année 2020

Le réexamen 2020 est désormais en grande partie terminé : les médicaments faisant l’objet d’un recours depuis 2017 sont encore en cours d’examen. Il en résulte des économies de 100 millions de francs, un montant nettement supérieur à l’estimation de l’automne dernier qui prévoyait 60 millions de francs.

 

Répartition en groupes thérapeutiques

Tous les trois ans, l’OFSP réexamine les conditions d’admission et notamment les prix des médicaments figurant sur la liste des spécialités, qui sont remboursés par l’assurance obligatoire des soins. L’OFSP les a répartis en trois unités de taille équivalente. Pour des raisons d’équité, tous les médicaments faisant partie du même groupe thérapeutique sont passés en revue en même temps. Entre 2017 et 2019 déjà, les économies réalisées ont dépassé les 450 millions de francs.

 

 

Communiqué de presse de l’OFSP du 05.11.2021 consultable ici

Page internet de l’OFSP « Réexamen triennal des conditions d’admission des médicaments dans la LS »

 

9C_594/2020 (f) du 15.09.2021 – Moyens auxiliaires – Frais d’entraînement auditif en lien avec un implant cochléaire – 21 LAI – 14 RAI – 2 et 7 OMAI / Liste des thérapeutes agréés – Choix du personnel médical et des fournisseurs de moyens auxiliaires – Convention tarifaire / 26bis LAI – 27 LAI

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_594/2020 (f) du 15.09.2021

 

Consultable ici

 

Moyens auxiliaires / OMAI

Frais d’entraînement auditif en lien avec un implant cochléaire / 21 LAI – 14 RAI – 2 et 7 OMAI

Liste des thérapeutes agréés – Choix du personnel médical et des fournisseurs de moyens auxiliaires – Convention tarifaire / 26bis LAI – 27 LAI

 

Assurée souffrant de surdité bilatérale congénitale, de troubles secondaires de l’expression orale et de troubles psychiques, au bénéficie d’une rente AI et de moyens auxiliaires, dont un implant cochléaire. Le 23.11.2017, elle a requis de l’office AI la prise en charge des frais d’entraînement auditif en lien avec son nouvel implant cochléaire. Elle a précisé que cet entraînement serait dispensé par la logopédiste B.__. Par décision, l’office AI a rejeté la requête dès lors que la logopédiste choisie n’apparaissait pas sur la liste des thérapeutes agréés par l’Association romande des enseignants en lecture labiale (ARELL).

 

Procédure cantonale

La juridiction cantonale a considéré que l’office AI n’avait pas violé le droit fédéral en refusant de prendre en charge les coûts relatifs à un entraînement auditif auprès de la logopédiste B.__, au motif que son nom ne figurait pas sur la liste des spécialistes agréés par l’ARELL – avec laquelle l’OFAS avait conclu une Convention tarifaire concernant la rémunération individuelle des enseignants/tes en entraînement à la compréhension – même si l’art. 7 OMAI ne permettait pas expressément à l’OFAS de conclure une telle convention. Elle a aussi indiqué que la convention mentionnée rendait non seulement possible un entraînement auditif de qualité dispensé par des spécialistes ayant une formation spécifique, mais garantissait également une facturation uniforme et économiquement adéquate. Elle a encore précisé que des enseignants agréés par l’ARELL se trouvaient à Martigny et à Monthey.

Par jugement du 24.08.2020, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Convention tarifaire avec les associations des professions médicales et paramédicales – 27 LAI

L’art. 27 al. 1 LAI autorise le Conseil fédéral à conclure des conventions, notamment, avec les associations des professions paramédicales (par exemple la logopédie) qui appliquent les mesures de réadaptation, afin de régler leur collaboration avec les organes de l’assurance et de fixer les tarifs. Le Conseil fédéral a délégué sa compétence à l’OFAS (art. 24 al. 2 RAI).

Or d’une part, les mesures de réadaptation comprennent l’octroi de moyens auxiliaires (art. 8 al. 3 let. d LAI). D’autre part, la prise en charge des frais résultant du besoin d’entraînement particulier pour utiliser un moyen auxiliaire est un droit accessoire au droit à un tel moyen. Le besoin d’entraînement implique forcément l’octroi d’un moyen auxiliaire. La personne qui dispense un tel entraînement – pour autant qu’elle satisfasse aux prescriptions cantonales visées par l’art. 26bis al. 1 LAI – est donc une personne qui « applique [une] mesure de réadaptation » au sens de l’art. 27 al. 1 LAI. Par conséquent, l’OFAS était en droit de conclure une convention tarifaire avec l’ARELL afin de fixer les tarifs des logopédistes désignés par elle et ainsi habilités à pratiquer un entraînement auditif en lien avec un implant cochléaire.

On ajoutera que, dans la mesure où l’assurance-invalidité a toujours eu vocation à prendre en charge uniquement des moyens auxiliaires simples et adéquats (cf. Message du Conseil fédéral relatif à un projet de loi sur l’assurance-invalidité ainsi qu’à un projet de loi modifiant celle sur l’assurance-vieillesse et survivants du 24 octobre 1958, FF 1958 II 1289, 2e al. ad art. 21), ainsi qu’à garantir la compétence des fournisseurs de prestations (cf. Message du Conseil fédéral cité, FF 1958 1291, 4e al. ad art. 26), l’OFAS n’est pas sorti du cadre de la délégation de compétence ni n’a violé le droit fédéral (cf. arrêt 9C_177/2020 du 28 mai 2021 consid. 7.1 destiné à la publication) en concluant avec l’ARELL une convention visant à fixer des tarifs (art. 1) et à veiller à ce que les prestations soient fournies par du personnel spécialisé, qualifié et diplômé (art. 2).

 

Libre choix du personnel paramédical – 26bis LAI

Selon l’art. 26bis al. 1 LAI, un assuré peut choisir librement le personnel paramédical, les établissements et les ateliers ou encore les entreprises présentes sur le marché ordinaire du travail qui mettent en œuvre des mesures de réadaptation et les fournisseurs de moyens auxiliaires, pour autant qu’ils satisfassent aux prescriptions cantonales et aux exigences de l’assurance. Le fait que l’OFAS était en l’espèce en droit de conclure une convention tarifaire avec l’ARELL, conformément à l’art. 24 al. 2 RAI en relation avec l’art. 27 al. 1 LAI (cf. consid. 6.1 supra), n’a pas pour conséquence de restreindre cette liberté de choix mais seulement de limiter l’étendue de la prise en charge par l’assurance. L’art. 24 al. 3 RAI prévoit en effet à cet égard que pour les personnes et institutions qui appliquent des mesures de réadaptation sans avoir adhéré à une convention, les qualifications professionnelles fixées contractuellement valent comme exigences minimales de l’assurance au sens de l’art. 26bis al. 1 LAI et les tarifs établis par convention comme montants maximaux au sens des art. 21quater al. 1 let. c et 27 al. 3 LAI.

Il n’est dès lors pas impossible que l’assurée ait droit au remboursement des frais d’un entraînement dispensé par un enseignant non agréé par l’ARELL à concurrence du montant qu’elle aurait obtenu pour un prestataire figurant sur la liste de cette institution. Toutefois, comme ni l’administration ni les premiers juges ne se sont exprimés sur ce point, il convient d’annuler le jugement attaqué ainsi que la décision administrative litigieuse et de renvoyer la cause à l’office AI afin qu’il examine le cas sous l’angle évoqué et rende une nouvelle décision.

 

 

Le TF admet partiellement le recours de l’assurée, annule le jugement cantonal et la décision litigieuse, renvoyant la cause à l’office AI pour instruction complémentaire et nouvelle décision au sens des considérants.

 

 

Arrêt 9C_594/2020 consultable ici

 

 

6B_1247/2020 (f) du 07.10.2021, destiné à la publication – Tardiveté du dépôt du recours au niveau cantonal – Admissibilité de la preuve du respect du délai par vidéo

Arrêt du Tribunal fédéral 6B_1247/2020 (f) du 07.10.2021, destiné à la publication

 

Arrêt consultable ici

Communiqué de presse du Tribunal fédéral du 04.11.2021 disponible ici

 

Un enregistrement vidéo peut en principe apporter la preuve qu’un acte judiciaire a été déposé dans une boîte aux lettres de La Poste Suisse en temps utile. Le Tribunal fédéral admet le recours contre la décision du Tribunal cantonal du canton du Valais.

Un homme avait recouru en 2020 contre le classement d’une procédure pénale auprès du Tribunal cantonal valaisan. Son avocat a déposé le pli contenant le recours dans une boîte aux lettres de La Poste Suisse à 22h05 le soir du dernier jour du délai de dix jours. Dans le pli lui-même, il a informé le Tribunal que le cachet postal figurant sur l’enveloppe expédiée pouvait indiquer la date du jour suivant et qu’il produirait donc un enregistrement vidéo comme preuve du dépôt du recours en temps utile. Le lendemain, le Tribunal cantonal a reçu une clé USB contenant un enregistrement vidéo. Le Tribunal cantonal n’est pas entré en matière sur le recours, qui portait le cachet postal du lendemain, le jugeant hors délai et considérant que l’enregistrement vidéo ne constituait pas une preuve effective du dépôt du recours en temps utile.

Le Tribunal fédéral admet le recours de l’intéressé. Selon le Code de procédure pénale (CPP), le délai est sauvegardé notamment si l’acte de procédure est remis à La Poste Suisse le dernier jour du délai (à minuit) (article 91 CPP). La date du dépôt est présumée coïncider avec celle du sceau postal. Cette présomption peut cependant être renversée. On peut toutefois attendre de l’expéditeur qu’il produise la preuve du dépôt en temps utile avant l’expiration du délai, ou à tout le moins qu’il fasse référence à ce moyen de preuve dans l’envoi lui-même. L’avocat de l’intéressé a dûment procédé de la sorte dans le cas d’espèce. Contrairement à l’avis du Tribunal cantonal, l’enregistrement vidéo peut alors servir de preuve de la remise en temps utile à la poste. Il est vrai, comme l’a retenu le Tribunal cantonal, que les enregistrements audiovisuels sont relativement faciles à manipuler. Toutefois, un avocat commettrait un grave manquement à ses obligations professionnelles s’il falsifiait un moyen de preuve afin d’établir le dépôt en temps utile de son acte. En l’absence d’indices d’une falsification, il ne se justifie pas de douter de l’authenticité d’un enregistrement. La séquence audiovisuelle doit naturellement contenir tous les éléments nécessaires à la preuve, notamment la date et l’heure du dépôt de l’acte ainsi que l’identification du pli contenant le recours. Le Tribunal cantonal valaisan devra ainsi examiner si le contenu de la vidéo apporte la preuve du respect du délai.

Enfin, il convient de relever que le visionnage d’une preuve vidéo peut entraîner un effort supplémentaire et que les coûts correspondants peuvent être mis par le tribunal à la charge de l’expéditeur, c’est-à-dire, par exemple, de l’avocat responsable.

 

 

Arrêt 6B_1247/2020 consultable ici

Communiqué de presse du Tribunal fédéral du 04.11.2021 disponible ici

Version italienne: Prova video ammissibile per dimostrare il rispetto del termine

Version allemande : Videobeweis für Fristwahrung zulässig

 

 

Une compensation ciblée des baisses de rente du deuxième pilier

Une compensation ciblée des baisses de rente du deuxième pilier

 

Communiqué de la CSSS-N Commissions de la sécurité sociale et de la santé publique du 29.10.2021 consultable ici

 

Les quinze premières cohortes de retraités qui seront concernés par l’abaissement du taux de conversion devront bénéficier d’une compensation ciblée. Le calcul du supplément de rente prévu tiendra compte des prestations surobligatoires de la caisse de pension. Voilà ce que propose la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national. Son modèle de compensation englobe 35 % à 40 % des retraités concernés.

Par 14 voix contre 8 et 2 abstentions, la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national (CSSS-N) a approuvé, au vote sur l’ensemble, le projet de réforme de la LPP (20.089). Au cœur de cette réforme de la prévoyance professionnelle : l’abaissement du taux de conversion minimal de 6,8 % à 6,0 %. Par 14 voix contre 11, la commission souhaite que la diminution des rentes qui en résultera soit compensée de manière ciblée. La rente prévue selon le règlement de la caisse de pension sera comparée au montant minimal légal auquel sera ajouté un supplément de rente ; le calcul du supplément tiendra compte des prestations surobligatoires de la caisse. Pour les personnes qui partiront à la retraite les cinq premières années suivant l’entrée en vigueur de la réforme, le supplément équivaudra à 2400 francs par an, au maximum ; les cinq années suivantes, il correspondra à 1800 francs par an, au maximum ; les cinq années d’après, il se montera à 1200 francs par an, au maximum. Ce modèle de compensation englobe 35 % à 40 % des bénéficiaires de rente. Contrairement à ce qui avait été envisagé précédemment (cf. communiqué de presse du 20.08.2021), la majorité de la commission propose que le supplément de rente soit financé de manière solidaire par tous les assurés uniquement dans la mesure où les réserves éventuellement constituées par les différentes caisses de pension ne suffiraient pas. Le fonds de garantie devra prélever à cette fin, auprès des caisses, des cotisations équivalant à 0,15 % des salaires assurés selon la LPP.

Deux importantes minorités de la commission proposent d’autres modèles de compensation. L’une d’elles soutient le mécanisme préconisé par le Conseil fédéral, qui prévoit un supplément de rente pour tous les nouveaux retraités. L’autre envisage un supplément uniquement pour les assurés dont l’avoir de vieillesse serait inférieur ou égal à un peu plus d’un demi-million de francs ; le supplément en question serait versé aux vingt premières cohortes de retraités et serait échelonné de manière décroissante en fonction de l’année de naissance. Ce modèle inclurait quelque 70 % des bénéficiaires de rente.

Par ailleurs, la commission a réexaminé la question des modalités d’assurance des personnes cumulant plusieurs emplois à temps partiel. Par 13 voix contre 11 et 1 abstention, elle propose désormais d’obliger toutes celles d’entre elles qui perçoivent un salaire annuel global de plus de 12 548 francs à s’affilier à une caisse de pension (art. 46, al. 1). Elle a en outre déposé deux motions : « LPP. Étendre l’assurance aux emplois à temps partiel multiples » (21.4338) et « Faciliter l’accès à la propriété grâce au 2e pilier » (21.4339).

 

 

Communiqué de la CSSS-N Commissions de la sécurité sociale et de la santé publique du 29.10.2021 consultable ici

 

Prévoyance professionnelle : le taux d’intérêt minimal reste à 1%

Prévoyance professionnelle : le taux d’intérêt minimal reste à 1%

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 03.11.2021 consultable ici

 

Le Conseil fédéral maintient à 1% le taux d’intérêt minimal appliqué dans la prévoyance professionnelle l’année prochaine. Il en a décidé ainsi lors de sa séance du 3 novembre 2021. Ce taux détermine l’intérêt minimal auquel doivent être rémunérés les avoirs de vieillesse du régime obligatoire conformément à la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle (LPP).

Aux termes de la loi, l’élément déterminant pour la fixation du taux est l’évolution des obligations de la Confédération ainsi que, en complément, celle des actions, des obligations et de l’immobilier.

Le rendement des obligations de la Confédération reste faible : le taux d’intérêt des obligations de la Confédération à dix ans était de -0,53% à la fin 2020 et de -0,17% à fin septembre 2021. La performance des actions, des obligations et de l’immobilier a été légèrement positive avec de fortes fluctuations en 2020 et bonne en 2021. S’agissant des actions, le Swiss Performance Index a enregistré une hausse de 3,8% en 2020 et de 12,9% à fin septembre 2021. Après avoir été légèrement positive en 2020, l’évolution des obligations tend à être moins favorable en 2021 en raison de la hausse des taux d’intérêt. La performance de l’immobilier reste très satisfaisante. Étant donné l’évolution favorable des marchés financiers dans l’ensemble, une baisse du taux minimal ne serait pas justifiée. Dans le même temps, la faiblesse persistante des taux d’intérêt et les perspectives de rendement modérées ne plaident pas pour un relèvement à l’heure actuelle.

Le 23 août 2021, la Commission fédérale de la prévoyance professionnelle s’est clairement prononcée pour un maintien du taux à 1%. Les partenaires sociaux défendaient des positions divergentes. Alors que les syndicats réclamaient un relèvement à 1,25%, la majorité des employeurs plaidait pour un maintien à 1%, à l’exception de l’Union patronale suisse, favorable à un taux de 0,4% ou tout au plus arrondi à 0,5%.

 

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 03.11.2021 consultable ici

 

 

Développement continu de l’AI : entrée en vigueur le 01.01.2022

Développement continu de l’AI : entrée en vigueur le 01.01.2022

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 03.11.2021 consultable ici
(version italienne / allemande)

 

Le Développement continu de l’AI entrera en vigueur le 01.01.2022. Le Conseil fédéral l’a décidé lors de sa séance du 03.11.2021. Cette révision de loi apporte des améliorations en particulier en faveur des enfants, des jeunes et des personnes atteintes de troubles psychiques. Les expertises médicales feront l’objet de mesures visant à garantir la qualité et à améliorer la transparence. La mise en œuvre de la révision implique d’importantes modifications au niveau réglementaire, lesquelles ont été soumises à consultation. Le Conseil fédéral a pris connaissance des résultats et adapté quelques dispositions en conséquence.

Le Développement continu de l’AI vise notamment à soutenir, de façon encore plus ciblée, les enfants et les jeunes en situation de handicap ainsi que les personnes atteintes dans leur santé psychique, ceci afin de renforcer leur potentiel de réadaptation et d’améliorer leur aptitude au placement. À cette fin, l’AI intensifiera la collaboration avec les acteurs impliqués, en particulier les médecins traitants et les employeurs. En outre, les mesures en faveur des jeunes seront coordonnées et davantage orientées vers le marché primaire du travail. Les prestations de conseil et de suivi seront étoffées et consolidées pour profiter tant aux jeunes assurés qu’aux professionnels de l’enseignement et de la formation. Les instruments de détection précoce et les mesures de réinsertion socioprofessionnelles qui ont fait leurs preuves auprès des adultes seront étendus aux jeunes.

 

Expertises médicales : amélioration de la qualité et de la transparence

Dans le cadre du Développement continu de l’AI, les mesures d’instruction et la procédure liée aux expertises médicales seront uniformisées pour toutes les assurances sociales. Lors de l’attribution des mandats d’expertise, l’assurance et la personne assurée devront se mettre d’accord sur un mandataire. En outre, les expertises deviendront plus transparentes : les entretiens entre experts et assurés feront désormais l’objet d’un enregistrement sonore, qui sera joint au dossier. En ce qui concerne l’AI en particulier, les offices AI tiendront une liste publique contenant des informations sur les experts auxquels ils font appel (nombre d’expertises effectuées, remboursements, incapacités de travail attestées, appréciation des expertises dans le cadre de décisions de justice).

 

Les expertises bidisciplinaires seront confiées exclusivement et de manière aléatoire à des centres agréés ou à des binômes d’experts, comme c’était le cas pour les seules expertises pluridisciplinaires (trois disciplines ou plus) jusqu’ici. Une commission extraparlementaire indépendante sera instituée pour veiller à la qualité des expertises. Ses tâches et compétences seront réglées par voie d’ordonnance. À la demande des participants à la consultation, le nombre de représentants du corps médical au sein de la commission diminue au profit de celui des organisations de patients et d’aide aux personnes handicapées. Par ailleurs, des exigences relatives aux qualifications professionnelles des experts médicaux seront définies.

 

Évaluation du taux d’invalidité : une réglementation plus claire

Un système de rentes linéaire est introduit pour les nouveaux bénéficiaires de rente, afin de les inciter à augmenter le taux de leur activité lucrative. Dans le système actuel à quatre échelons, de nombreux bénéficiaires de rente AI n’ont pas intérêt à travailler davantage, car cela n’augmenterait pas leur revenu disponible en raison d’effets de seuil. Une rente entière sera octroyée, comme aujourd’hui, à partir d’un taux d’invalidité de 70%.

Avec l’introduction d’un système de rentes linéaire, l’exactitude du taux d’invalidité revêtira une plus grande importance. En effet, dans ce nouveau système, chaque point de pourcentage sera déterminant pour le calcul du montant de la rente. Afin d’accroître la sécurité juridique et l’uniformité, les principes essentiels de l’évaluation du taux d’invalidité seront désormais définis au niveau d’une ordonnance et non plus par voie de directive. La réforme clarifie en outre les dispositions applicables aux cas suivants : personnes travaillant à temps partiel, comparaison du revenu réalisé avant la survenance de l’invalidité avec celui réalisable après, personnes sans diplôme professionnel, invalides précoces ou de naissance et revenus particulièrement bas avant la survenance de l’invalidité. Ces modifications devraient profiter aux personnes assurées à différents égards. Les participants à la consultation ont en particulier critiqué la réglementation sur l’abattement en raison d’une atteinte à la santé et l’application des tableaux de l’Enquête suisse sur la structure des salaires pour la détermination d’un revenu réalisable. Le Conseil fédéral a décidé de s’en tenir à cette pratique tout en chargeant l’Office fédéral des assurances sociales d’examiner la possibilité de développer de nouvelles bases spécifiques à l’AI.

[NB : le communiqué de presse ne mentionne pas l’abandon de l’abattement sur les salaires statistiques utilisés pour le revenu avec invalidité (nouvelle appellation du revenu d’invalide). Cf. à ce sujet les commentaires de l’art. 26bis al. 3 P-RAI dans le rapport explicatif pour la situation dès le 01.01.2022 et les prises de position dans le rapport sur les résultats de la consultation (p. 48).]

 

Infirmités congénitales : mise à jour de la liste

L’AI finance le traitement médical de certaines infirmités congénitales qui touchent les enfants et les jeunes. La réforme prévoit d’inscrire dans la loi des critères clairs pour déterminer si une maladie est assimilée à une infirmité congénitale, et donc si l’AI prend en charge les coûts de son traitement. La liste des infirmités congénitales sera mise à jour. Les affections qui peuvent être traitées facilement seront désormais prises en charge par l’assurance-maladie. À l’inverse, de nouvelles maladies, en particulier des maladies rares, seront prises en charge par l’AI. La tenue de la liste des infirmités congénitales sera confiée au Département fédéral de l’intérieur (DFI). L’ordonnance actuelle du Conseil fédéral sera donc remplacée par une ordonnance départementale, ce qui facilitera la mise à jour régulière de la liste.

 

Prise en charge de médicaments : création d’un centre de compétences

Pour les infirmités congénitales reconnues, l’AI prend aussi en charge les coûts des médicaments. Afin de simplifier la procédure et de concentrer les compétences techniques, une liste des spécialités sera créée pour l’AI (liste des spécialités en matière d’infirmités congénitales, LS IC). Elle recensera les médicaments pris en charge par l’AI ainsi que leur prix maximal. Pour être admis sur la liste, les médicaments devront faire l’objet d’un examen selon les critères d’efficacité, d’adéquation et d’économicité, sur le modèle de la procédure appliquée dans l’assurance-maladie. La nouvelle LS IC remplacera l’actuelle liste des médicaments destinés au traitement des infirmités congénitales. Lorsqu’une personne assurée atteint l’âge de 20 ans, les médicaments remboursés par l’AI seront pris en charge dans la même mesure par l’assurance obligatoire des soins.

Un centre de compétences sera créé auprès de l’Office fédéral de la santé publique pour la procédure d’admission et la tenue de la LS IC. En effet, cet office étant responsable de la liste des spécialités de l’assurance-maladie, il dispose déjà de l’expérience nécessaire en la matière.

 

Aides financières de l’AI : ajournement de l’ordre de priorité

Les organisations faîtières de l’aide privée aux personnes en situation de handicap peuvent recevoir des aides financières de l’AI. Dans le cadre du Développement continu de l’AI, il était prévu que le Conseil fédéral détermine un ordre de priorité suivant lequel répartir ces aides dans les limites du montant fixé. S’étant heurtée à une vive opposition lors de la consultation, cette réglementation est pour l’heure abandonnée. Un éventuel ajustement sera envisagé de concert avec les organisations concernées pour la prochaine période contractuelle 2024-2027.

 

Nouvelle ordonnance du département sur les prestations de soins

Le DFI met en vigueur une nouvelle ordonnance sur les prestations de soins au 01.01.2022. Celle-ci désigne les prestations de soins ambulatoires (par exemple soins prodigués par des organisations d’aide et de soins à domicile) fournies aux enfants et aux adolescents qui seront prises en charge par l’AI. En faisant édicter une ordonnance du ressort du DFI, le Conseil fédéral répond à un mandat découlant du Développement continu de l’AI.

 

 

Quelques précisions (données issues du rapport explicatif)

 

Optimisation de la réadaptation

  • Formation professionnelle initiale

Pour que la formation professionnelle initiale (FPI) puisse être menée à bien et déboucher sur une intégration au marché du travail (primaire) aussi durable que possible, il est important qu’elle corresponde aux aptitudes et au niveau de développement de l’assuré (cf. art. 8, al. 1bis, LAI).

Avec le Développement continu de l’AI (DC AI), l’art. 16 LAI a été complété de sorte que la FPI vise si possible l’insertion professionnelle sur le marché du travail primaire et soit mise en œuvre sur ce dernier. La norme de délégation de l’al. 4 donnera au Conseil fédéral la compétence de fixer les conditions d’octroi de mesures de formation pratiques et à bas seuil en ce qui concerne leur nature, leur durée et leur étendue.

La réglementation de la FPI doit également être concrétisée au niveau de l’ordonnance. Les points suivants seront inscrits dans le RAI : Définition du recoupement avec l’art. 15 LAI (Orientation professionnelle) (art. 5, al. 2, PRAI) ; Définition de la réussite d’une FPI (art. 5, al. 3, P-RAI) ; Précision de la norme de délégation donnée au Conseil fédéral (art. 5, al. 4 et 5, P-RAI) ; Définition du recoupement avec l’art. 17 LAI (Reclassement) (art. 5bis, al. 1, P-RAI).

 

  • Indemnité journalière de l’AI

La nouvelle réglementation de la LAI relative aux indemnités journalières vise à mettre les jeunes atteints dans leur santé sur un pied d’égalité financière avec les personnes du même âge en bonne santé. Elle permet d’éviter que, pendant la formation, les premiers ne reçoivent des indemnités journalières plus élevées que le salaire perçu par les seconds. Le droit aux indemnités journalières sera ouvert dès le début de la formation, et cela même en l’absence d’une perte de gain et avant l’âge de 18 ans. Ce modèle permettra à l’assuré de percevoir un vrai salaire, directement versé par l’employeur en contrepartie du travail fourni.

Le RAI doit être modifié en conséquence, en particulier en ce qui concerne les modalités d’octroi des indemnités journalières durant l’instruction (art. 17, al. 2, P-RAI) et durant le délai d’attente (art. 18 P-RAI) et les bases de calcul du montant des indemnités journalières (art. 21octies, al. 3, et 22, P-RAI).

 

  • Couverture accidents

L’assurance-accidents de personnes bénéficiant de mesures de l’AI (AA AI), introduite par le Développement continu de l’AI (DC AI), offre une sécurité juridique à toutes les personnes concernées, ce qui favorisera la réadaptation. Les nouvelles dispositions permettent à l’AI de prendre en charge les coûts et obligations notamment des employeurs, dans l’optique d’inciter ces derniers à proposer des mesures de réadaptation.

En 2018, le Tribunal fédéral a, pour la première fois, jugé (ATF 144 V 411) qu’une mesure de réadaptation de l’AI (concrètement, un placement à l’essai au sens de l’art. 18a LAI) était assujettie à la couverture accidents selon la loi fédérale sur l’assurance-accidents (LAA). Les dispositions relatives à la couverture accidents contenues dans le message relatif au DC AI ont donc été adaptées à la nouvelle jurisprudence.

La mise en œuvre de l’AA AI nécessite plusieurs modifications dans le RAI et l’OLAA (notamment les art. 88sexies ss P-RAI ainsi que le titre 8a P-OLAA [art. 132 ss P-OLAA]]). Ces adaptations concernent principalement la procédure relative à la nouvelle branche d’assurance. Au vu de la situation spécifique des assurés bénéficiant de mesures de réadaptation, il est également nécessaire de préciser certaines modalités (notamment calcul des prestations en cas d’accident).

 

Mesures médicales

  • Mesures médicales de réadaptation

Dans le DC AI, la limite d’âge pour les mesures médicales de réadaptation de l’art. 12 LAI a été relevée. Les assurés participant à une mesure de réadaptation d’ordre professionnel bénéficieront désormais de mesures médicales de réadaptation jusqu’à 25 ans. Les modalités de l’enchaînement de mesures de réadaptation d’ordre professionnel doivent être réglées dans le RAI (art. 2bis P-RAI). En outre, les conditions régissant la prise en charge des coûts doivent être concrétisées de sorte qu’une mesure médicale de réadaptation doit être demandée avant le début du traitement (art. 2, al. 3, P-RAI). Cette modification entend alléger la charge administrative liée à la procédure de délimitation des compétences entre les assureurs-maladie et l’AI.

 

Système de rentes

  • Système de rentes linéaire

Avec l’introduction du système de rentes linéaire dans l’AI, le montant du droit aux prestations sera fixé en pourcentage d’une rente complète, et non plus par paliers d’un quart de rente. La disparition du système de paliers entraîne des adaptations formelles du RAI et du RAVS (art. 33bis, al. 2, et art. 38, al. 2, P-RAI ; art. 51, al. 5, RAVS) ; une disposition transitoire portant sur la diminution des deux rentes d’un couple sera également nécessaire. Par ailleurs, les tables de rentes seront remplacées par des prescriptions relatives au calcul du montant des rentes (art. 53, al. 1, P-RAVS).

Comme le nouvel échelonnement du droit à la rente s’appliquera également aux prestations d’invalidité de la prévoyance professionnelle obligatoire, les art. 4 et 15 P-OPP 2 ainsi que l’art. 3 de l’ordonnance sur la prévoyance professionnelle obligatoire des chômeurs seront modifiés.

 

  • Évaluation du taux d’invalidité

La norme de délégation accordée au Conseil fédéral par le DC AI pour le calcul du revenu déterminant a été précisée (art. 28a, al. 1, LAI). Celui-ci pourra donc régler par voie d’ordonnance le revenu avec et sans invalidité ainsi que les facteurs de correction applicables.

Le nouveau système de rentes linéaire revalorisera les prestations au pourcentage près du taux d’invalidité. Pour un taux d’invalidité compris entre 40% et 70%, chaque pour cent modifiera le montant de la rente. La pratique actuelle, fondée principalement sur les directives et tirée en grande partie de la jurisprudence, sera inscrite dans la législation par voie d’ordonnance dans le cadre de la norme de délégation accordée au Conseil fédéral. L’objectif est de créer la plus grande sécurité juridique possible afin de prévenir autant que possible les litiges relatifs au calcul du taux d’invalidité.

Dans un premier temps, il s’agira de déterminer le statut de l’assuré, à savoir si ce dernier exerce une activité lucrative, n’exerce pas d’activité lucrative ou exerce une activité lucrative à temps partiel (art. 24septies P-RAI). Ensuite, les principes généraux applicables à la comparaison des revenus, et en particulier à la date déterminante et à l’application des valeurs statistiques, seront fixés (art. 25 P-RAI).

L’art. 25 al. 2 P-RAI dispose que la situation et les salaires sur le marché suisse du travail sont déterminants pour le calcul du taux d’invalidité. Dans des cas particuliers dûment motivés, l’office AI pour les assurés résidant à l’étranger peut également établir les revenus à comparer sur la base du marché du travail étranger, notamment quand les revenus effectifs sur ce marché sont connus et qu’ils ne peuvent pas être convertis sans autres sur le marché suisse du travail. Cela suppose toutefois que les deux revenus à comparer sont déterminés sur le même marché du travail étranger.

Le revenu avec et sans invalidité sera défini, si possible sur la base du revenu effectif, sinon, sur la base de valeurs statistiques (art. 26 et 26bis P-RAI). En principe, il faut utiliser à cet effet les tableaux de l’ESS ; d’autres valeurs statistiques peuvent être utilisées lorsque le revenu en question n’est pas représenté dans l’ESS.

Pour le calcul du taux d’invalidité, il est prévu d’appliquer les principes généraux aux invalides précoces ou de naissance et de renoncer à l’actuel classement par groupe d’âge jusqu’à 30 ans (art. 26, al. 5 et 6, P-RAI). L’inégalité de traitement sera ainsi supprimée. Les jeunes assurés en possession d’une attestation de formation professionnelle ou d’un certificat fédéral de capacité selon la LFPr doivent être considérés comme les autres jeunes du même âge sans atteinte à la santé.

Une parallélisation sera effectuée pour les revenus sans invalidité, lorsque le salaire de l’assuré est inférieur de plus de 5% au salaire usuel dans la branche (art. 26, al. 2, P-RAI). La nouvelle réglementation est plus avantageuse que la réglementation actuelle pour les assurés, parce qu’il n’est plus nécessaire d’examiner quels sont précisément les facteurs à l’origine d’un revenu inférieur à la moyenne ou si, éventuellement, l’assuré ne se serait pas satisfait d’un revenu aussi modeste. On part plutôt du principe qu’un salarié n’aurait vraisemblablement pas accepté volontairement un revenu aussi faible. La parallélisation doit par conséquent être systématiquement effectuée lorsque le revenu effectivement réalisé selon l’al. 1 est inférieur de 5%, voire davantage au revenu médian usuel dans la branche selon l’ESS. Contrairement à la pratique du Tribunal fédéral, une parallélisation est ici aussi pratiquée lorsque l’assuré réalise le salaire minimum prévu par convention collective de travail (CCT) ou contrat-type de travail (CTT) mais que celui-ci reste néanmoins inférieur de 5 %, voire davantage au revenu médian usuel dans la branche selon l’ESS. Une CCT ou un CTT ne réglemente que le salaire minimum, généralement pas le revenu usuel. Enfin, de nombreuses CCT et CTT ne s’appliquent que régionalement. Le travail des organes d’exécution serait considérable s’il fallait vérifier dans chaque cas qu’une CCT ou un CTT s’applique. Avec l’application automatique de la parallélisation pour les salariés, tous les facteurs économiques pouvant être pris en considération pour un abattement en raison d’une atteinte à la santé sont déjà pris en compte.

Pour les assurés qui sont invalides de naissance ou invalides précoces, le revenu sans invalidité est fixé sur la base de valeurs statistiques non spécifiques au sexe (cf. art. 26, al. 6, P-RAI). Pour éviter toute distorsion, le revenu avec invalidité doit donc lui aussi être déterminé sur la base de valeurs indépendantes du sexe.

S’agissant du revenu avec invalidité, l’abattement en raison d’une atteinte à la santé n’est désormais plus appliqué (cf. commentaires de l’art. 26bis al. 3 P-RAI).

Les règles s’appliquant au calcul du taux d’invalidité des assurés exerçant une activité lucrative à temps partiel ou n’exerçant pas d’activité lucrative resteront largement inchangées (art. 27 et 27bis P-RAI). Toutefois, le calcul applicable au temps partiel sera uniformisé et égalitaire du point de vue juridique. Les activités lucratives et les travaux habituels seront désormais considérés comme complémentaires, de sorte que tout ce qui n’est pas réputé activité lucrative relèvera des travaux habituels (art. 27bis, al. 1, P-RAI).

 

Procédure et expertises

La procédure d’instruction menée d’office vise à garantir un traitement aussi simple et rapide que possible des procédures en matière d’assurances sociales. Les droits de participation des assurés ainsi que les rôles et les compétences des organes d’exécution seront réglés dans la LPGA pour toutes les assurances sociales. De plus, les mesures en matière de procédure d’instruction sont clarifiées et uniformisées, notamment s’agissant des expertises médicales :

  • si un assureur et un assuré ne parviennent pas à s’entendre sur un expert, l’assureur communique sa conclusion par décision incidente (art. 44, al. 4, LPGA). Pour que l’expert puisse être choisi de manière consensuelle, les parties doivent, si possible, parvenir à un accord avant la décision. La procédure de consensus est précisée dans l’OPGA (art. 7j P-OPGA). La possibilité d’une recherche de consensus ne prive pas l’assureur de sa compétence s’agissant de la désignation de l’expert. La jurisprudence actuelle selon laquelle l’assuré ne peut se prévaloir d’aucun droit à la désignation d’un expert de son choix continue de s’appliquer.
  • S’agissant de l’attribution des mandats d’expertise, le Conseil fédéral peut édicter des règles pour chaque domaine des assurances sociales (art. 44, al. 7, LPGA). Les règles s’appliquant au domaine de l’AI méritent d’être révisées. Ainsi, en vue de garantir la qualité et à l’instar des expertises multidisciplinaires, les expertises bidisciplinaires sont attribuées uniquement, et de manière aléatoire, à des centres d’expertises ou à des binômes d’experts autorisés (art. 72bis, al. 1bis, P-RAI). De plus, les exigences relatives à la qualification professionnelle des experts médicaux désireux de travailler sur mandat d’une assurance sociale sont définies au plan fédéral (art. 7l P-OPGA).
  • Les entretiens entre l’expert et l’assuré sont enregistrés (enregistrement sonore) et joints au dossier. Le terme «entretien» est employé dans la loi (art. 44, al. 6, LPGA), mais n’y est pas défini. Il doit donc être précisé dans le règlement (art. 7k P-OPGA). Par entretien, on entend l’anamnèse et la description par l’assuré de l’atteinte à sa santé. Les explications et déclarations personnelles de l’assuré sont placées au premier plan. L’enregistrement sonore doit garantir que les déclarations de l’assuré sont saisies correctement et reprises avec exactitude dans le rapport de l’expert. La partie consacrée à l’évaluation psychologique dans les expertises psychiatriques, neurologiques et neuropsychologiques ne peut pas être enregistrée. Lorsque l’assuré souhaite renoncer à l’enregistrement sonore de l’entretien, il doit en aviser par écrit l’assureur. La renonciation ne peut être communiquée qu’à l’organe d’exécution. Si l’assuré décide seulement après coup qu’il ne souhaite pas d’enregistrement, il doit demander à l’organe d’exécution, dans les dix jours qui suivent l’entretien, la destruction de l’enregistrement (art. 7k al. 3 lit. b P-OPGA). En règle générale, l’expertise n’est pas encore terminée à ce stade, ce qui signifie que l’expert n’enverra que son rapport écrit à l’organe d’exécution.
  • Les offices AI géreront une liste publique en vue d’assurer un maximum de transparence en matière de répartition des mandats d’expertise (art. 57, al. 1, let. n, LAI). Ces deux nouveautés sont précisées par voie d’ordonnance (art. 7k et 7l P-OPGA ; art. 41b P-RAI).
  • En vue de l’établissement d’expertises, les médecins doivent avoir suivi une formation postgrade en tant que spécialiste, mais aussi dans le domaine des expertises médicales. L’exigence relative à la possession d’une certification de l’association Médecine d’assurance suisse (Swiss Insurance Medicine, SIM) garantit que les médecins spécialistes qui réalisent des expertises pour les assurances sociales en tant qu’experts ont suivi une formation proposée en Suisse dans le domaine des expertises médicales (art. 7m al. 2 P-OPGA). Le respect de cette condition professionnelle peut également être vérifié sur Internet et dans un registre librement accessible. La qualification en médecine des assurances est requise uniquement pour les disciplines médicales les plus demandées (spécialistes en médecine interne générale, en psychiatrie et en psychothérapie, en neurologie, en rhumatologie, en orthopédie ou en chirurgie orthopédique et en traumatologie de l’appareil locomoteur).
  • Par ailleurs, une commission extra-parlementaire indépendante chargée de veiller à la qualité des expertises est créée (art. 44, al. 7, let. c, LPGA ; art. 7o ss P-OPGA). Ses tâches et compétences sont réglées par voie d’ordonnance. Concrètement, il est prévu qu’elle élabore et contrôle des directives et des instruments en la matière (accréditation des centres d’expertises, normes de qualité pour les expertises, outils standardisés de contrôle de la qualité des expertises, formation de base et formation continue des experts, etc.), qu’elle émette des recommandations et en assure la surveillance (art. 7p P-OPGA).

Plusieurs de ces mesures prises aux niveaux de la loi et de l’ordonnance, comme la création d’une commission indépendante, la fixation de critères d’admission pour les experts médicaux et l’attribution aléatoire des mandats d’expertise bidisciplinaires, correspondent aux recommandations du rapport d’experts sur les expertises médicales dans l’AI, publié à l’automne 2020. L’étude a été rédigée par l’entreprise Interface Politikstudien Forschung Beratung, en collaboration avec le service de psychiatrie forensique de l’Université de Berne. Elle a été faite sur demande du DFI datant de fin 2019 et analyse le système de l’activité d’expert et l’attribution des mandats.

 

Autres mesures du Développement continu de l’AI

  • Indemnité journalière de l’assurance-chômage

Actuellement, les bénéficiaires d’une rente AI dont la rente a été réduite ou supprimée suite à une révision (art. 17 LPGA ou art. 8a LAI) ont droit à 90 indemnités journalières de l’assurance-chômage au plus (art. 27, al. 4, de la loi fédérale sur l’assurance-chômage obligatoire et l’indemnité en cas d’insolvabilité ; LACI). Les nouveaux art. 68septies LAI et 27, al. 5, et 94a, LACI étendent ce droit à 180 indemnités journalières et autorisent l’AI à prendre en charge les indemnités journalières dès le 91e jour. Le nouvel art. 120a P-OACI réglera la procédure de décompte des coûts entre l’AI et l’assurance-chômage débutant le 91e jour des indemnités journalières.

 

Mesures sans lien avec le Développement continu de l’AI

  • Contribution d’assistance

L’évaluation de la contribution d’assistance (2012 à 2019) a mis en évidence que les forfaits de nuits étaient insuffisants. L’urgence d’un ajustement dans ce domaine est devenue encore plus marquée avec le modèle complétant les contrats-types de travail (CTT) cantonaux pour les travailleurs de l’économie domestique mis à la disposition des cantons par le Secrétariat d’État à l’économie (SECO). Le modèle CTT a pour objectif d’améliorer la situation des personnes qui s’occupent 24 heures sur 24 de personnes âgées ou en situation de handicap. Les actuels forfaits de nuit de la contribution d’assistance ne permettent pas de rémunérer les assistants conformément à ces dispositions.

Afin de trouver une solution à cette problématique, un groupe de travail, constitué de représentants de l’OFAS, de la COAI, des organisations pour personnes en situation de handicap, de la Conférence des directrices et directeurs cantonaux des affaires sociales (CDAS) et de la Conférence des chefs des départements cantonaux de l’économie publique (CDEP), a analysé plusieurs possibilités et retenu une variante. Celle-ci prévoit, conformément aux recommandations du SECO, de relever le montant du forfait de nuit de 88 fr. 55 à 160 fr. 50 (art. 39f, al. 3, P-RAI).

Il est également prévu de supprimer la limitation du droit à des prestations de conseil, actuellement fixée à une seule fois. Cette modification découle des discussions menées avec les organisations pour personnes en situation de handicap suite à l’évaluation de la contribution d’assistance. Certes, les prestations de conseil sont surtout demandées en début de contrat, et servent à organiser la prestation (engager du personnel, établir des contrats de travail, souscrire des assurances perte de gain, etc.). Toutefois, la pratique montre qu’elles s’avèrent aussi nécessaires par la suite, contrairement à ce qui était attendu, et ceci dans une mesure qui dépasse les quelques heures qui avaient été estimées.

 

Dispositions transitoires (selon le texte actuellement disponible)

a. Indemnités journalières

Le début effectif de la mesure est déterminant pour la détermination du droit aux indemnités journalières.

b. Évaluation du taux d’invalidité

Si une rente AI a été octroyée avant l’entrée en vigueur de la modification du … à un assuré qui, en raison de son invalidité, n’a pas pu acquérir de connaissances professionnelles suffisantes et si cet assuré n’avait pas encore 30 ans au moment de l’entrée en vigueur de la modification, le droit à la rente AI doit être révisé selon les nouvelles dispositions dans l’année qui suit. En sont exclus les assurés qui perçoivent déjà une rente entière. Une éventuelle augmentation de la rente a lieu au moment de l’entrée en vigueur de la modification du ….

c. Système de rentes

Si les let. b et c des dispositions transitoires de la modification du 19 juin 2020 de la LAI34 sont applicables à un conjoint, la réduction des deux rentes AI du couple en vertu de l’art. 37, al. 1bis, LAI s’effectue, en dérogation à l’art. 32, al. 2, en fonction du droit du conjoint dont la rente AI équivaut au pourcentage le plus élevé d’une rente entière.

d. Révision du montant de la contribution d’assistance pour les prestations de nuit

Le montant des contributions d’assistance allouées pour les prestations de nuit auxquelles les assurés avaient droit au moment de l’entrée en vigueur de la modification du … est adapté conformément à la modification. L’adaptation du montant déploie ses effets au moment de l’entrée en vigueur de la modification en question.

e. Conventions existantes concernant le remboursement de médicaments par l’assurance-invalidité

Les conventions existantes entre l’OFAS et les titulaires d’autorisation qui ont été conclues avant l’entrée en vigueur de la modification du… restent applicables jusqu’à l’inscription du médicament sur la liste des spécialités ou sur la liste des spécialités en matière d’infirmités congénitales.

 

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 03.11.2021 consultable ici

Modification du RAI – Rapport explicatif (après la procédure de consultation) consultable ici

Modification de la LAI publié au RO 2021 705 et du RAI publié in RO 2021 706

Rapport explicatif RAI (après la procédure de consultation) disponible ici 

Rapport sur les résultats de la consultation consultable ici

Ordonnance du DFI concernant les infirmités congénitales (OIC-DFI) et rapport explicatif consultables ici et la publication au RO 2021 708

Ordonnance du DFI sur les prestations de soins fournies sous forme ambulatoire et rapport explicatif consultables ici et la publication au RO 2021 707

 

Cf. également le communiqué de presse d’Inclusion Handicap du 03.11.2021 consultable ici (version allemande ici)

 

Version italienne :

 

Version allemande :

 

 

Nouvelle convention de sécurité sociale entre la Suisse et le Royaume-Uni

Nouvelle convention de sécurité sociale entre la Suisse et le Royaume-Uni

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 01.11.2021 consultable ici

La nouvelle convention de sécurité sociale conclue avec le Royaume-Uni sera appliquée à titre provisoire dès le 1er novembre 2021. Elle coordonne les systèmes de sécurité sociale des deux États contractants après le Brexit, qui a mis un terme à l’applicabilité de l’Accord sur la libre circulation des personnes Suisse-UE.

Depuis la sortie du Royaume-Uni de l’UE le 1er janvier 2021, les relations en matière de sécurité sociale entre la Suisse et le Royaume-Uni ne sont plus régies par l’Accord sur la libre circulation des personnes entre la Suisse et l’UE, les droits déjà acquis étant garantis par l’Accord relatif aux droits des citoyens. Afin de rétablir une réglementation ciblée et exhaustive dans ce domaine, les deux États ont conclu une nouvelle convention bilatérale.

Cette nouvelle convention garantit aux assurés une large égalité de traitement et un accès facilité aux prestations de sécurité sociale. Elle évite une double assurance de même que les lacunes d’assurance pour les personnes ayant affaire aux deux systèmes de sécurité sociale. Ainsi, l’engagement temporaire de main d’œuvre dans l’autre État contractant s’en trouve également facilité.

La convention sera appliquée à titre provisoire dès le 1er novembre 2021. Une fois approuvée par les parlements des deux États, elle entrera définitivement en vigueur.

 

 

Bulletin AVS/PC No 444 consultable ici

 

1 Application provisoire à compter du 1er novembre 2021

En raison du retrait du Royaume-Uni de l’UE (Brexit), l’Accord sur la libre circulation des personnes (ALCP) conclu entre la Suisse et l’UE ainsi que les règlements (CE) no 883/2004 et (CE) no 987/2009 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale ne s’appliquent plus aux relations entre la Suisse et le Royaume-Uni depuis le 1er janvier 2021.

Ces deux États ont dès lors négocié une nouvelle convention qui, jusqu’à son entrée en vigueur définitive, s’appliquera à titre provisoire dès le 1er novembre 2021. Cette nouvelle convention bilatérale remplacera en principe la convention de sécurité sociale de 1968 qui était de nouveau applicable depuis le 1er janvier 2021 (voir le point 2 Champ d’application ci-dessous). La nouvelle convention de sécurité sociale ne s’applique pas aux personnes qui relèvent de l’Accord sur les droits des citoyens (voir Bulletin AVS-PC no 430 et les explications ci-dessous relatives à l’Accord sur les droits des citoyens). Étant donné qu’elle doit encore être ratifiée par les parlements des deux États, la convention sera appliquée à titre provisoire à partir du 1er novembre 2021 jusqu’à son entrée en vigueur définitive.

La nouvelle convention de sécurité sociale a une portée plus large que les accords bilatéraux conclus habituellement avec d’autres États. Elle reprend de nombreuses dispositions des règlements (CE) no 883/2004 et (CE) no 987/2009. Cet alignement sur le droit européen valable jusqu’au 31 décembre 2020 garantit une certaine continuité avec les dispositions de l’ALCP.

 

2 Champ d’application

Dans les relations entre la Suisse et le Royaume-Uni, la convention s’applique aux ressortissants des deux États contractants ainsi qu’aux ressortissants des pays de l’UE (voir toutefois le chiffre 3 ci-après), relatif à l’assujettissement à l’assurance). Comme l’ALCP, la convention vaut aussi pour les membres de la famille qui n’exercent pas d’activité lucrative ainsi que pour les survivants, quelle que soit leur nationalité.

À la différence de l’ALCP, la convention ne comporte que des dispositions bilatérales qui coordonnent uniquement le système suisse de sécurité sociale et son pendant britannique, de sorte qu’il n’y a pas de triangulation entre les divers accords (convention de sécurité sociale Suisse-Royaume-Uni, accord UE-Royaume-Uni et ALCP).

Du point de vue territorial, cette convention s’applique à la Suisse ainsi qu’au Royaume-Uni et à Gibraltar, mais pas aux autres territoires d’outre-mer ni aux Dépendances de la Couronne. La convention bilatérale de sécurité sociale de 1968 reste applicable aux îles de Man, de Jersey, de Guernesey, d’Aurigny, d’Herm et de Jéthou.

 

3 Assujettissement à l’assurance

La nouvelle convention entre la Suisse et le Royaume-Uni règle l’assujettissement des personnes qui se trouvent dans une situation transfrontalière entre les deux États contractants (c’est-à-dire une situation dont tous les éléments ne se cantonnent pas à l’intérieur d’un des deux Etats) et auxquelles l’Accord sur les droits des citoyens ne s’applique pas. En matière d’assujettissement, les dispositions de la nouvelle convention s’appliquent, indépendamment de leur nationalité, aux personnes qui sont ou ont été soumises à la législation de sécurité sociale d’au moins un des deux Etats contractants.

Dans le domaine de la législation applicable, les règles de la nouvelle convention sont calquées sur celles des règlements (CE) n° 883/2004 et 987/2009. Des dispositions relatives à la mise en œuvre et aux procédures sont prévues au titre II de l’annexe 1 de la convention.

 

3.1 Assujettissement au lieu de travail et exceptions notamment pour les détachements

Les personnes couvertes par la convention sont soumises à la législation d’un seul Etat, en règle générale celle de l’État contractant sur le territoire duquel l’activité lucrative est exercée. Des dispositions particulières, s’écartant de ce principe, visent toutefois certaines catégories de personnes (fonctionnaires, marins de haute mer, personnel navigant aérien).

Les travailleurs salariés ou indépendants peuvent être détachés dans l’autre État contractant pour une durée de 24 mois. Les conditions encadrant le détachement sont les mêmes que celles qui sont prévues pour l’application du règlement (CE) n° 883/2004 ; p. ex. la durée d’assurance préalable dans l’État de provenance est, de manière générale, d’un mois pour les salariés et de deux mois pour les indépendants. Les autorités compétentes des deux États peuvent convenir d’une prolongation du détachement, jusqu’à 6 ans au maximum.

Les membres de famille (conjoints non actifs, partenaires enregistrés et enfants) accompagnant les personnes détachées ou les diplomates (fonctionnaires) restent assurés avec le travailleur dans son État de provenance.

 

3.2 Assujettissement en cas de pluriactivité

La convention règle l’assujettissement des travailleurs salariés ou indépendants occupés simultanément en Suisse et au Royaume-Uni, reprenant en substance la « règle des 25% » prescrivant l’assujettissement dans l’État contractant de résidence si une partie substantielle des activités y est exercée. Quand cela n’est pas le cas, le rattachement du salarié pluriactif peut avoir lieu dans l’État contractant du siège du ou des employeurs, dans l’État contractant qui n’est pas celui de résidence lorsque les sièges des employeurs se situent en Suisse et au Royaume-Uni, voire dans l’État contractant de résidence en l’absence de siège d’employeur en Suisse ou au Royaume-Uni.

D’autres dispositions, correspondant à celles du règlement (CE) n° 883/2004, régissent l’assujettissement des indépendants pluriactifs, des personnes exerçant une activité indépendante dans un État contractant et salariée dans l’autre et des fonctionnaires exerçant des activités salariées et/ou indépendantes dans l’autre État contractant.

Les activités exercées dans l’UE ne sont pas couvertes et ne sont pas prises en considération dans le cadre de la détermination de la législation applicable selon la nouvelle convention bilatérale.

L’Accord sur les droits des citoyens protège les situations et les droits des personnes qui ont exercé leur droit à la libre circulation avant le 31 décembre 2020 et qui étaient couvertes par l’ALCP à cette date ; le règlement (CE) n° 883/2004 continue à leur être applicable tant qu’elles restent dans une situation transfrontalière impliquant la Suisse et le Royaume-Uni en raison de leur nationalité, de leur activité ou de leur résidence. Par exemple, la législation de sécurité sociale applicable à un ressortissant britannique résidant et travaillant en Suisse au 31 décembre 2020, qui débuterait ensuite une nouvelle activité dans l’UE, même longtemps après le 1er janvier 2021, reste déterminée selon l’art. 13 du règlement (CE) n° 883/2004. Cette personne peut prétendre à la délivrance d’un Document Portable A1 attestant l’unique législation lui étant applicable pour l’ensemble de ses activités.

 

3.3 Employeurs dont le siège est situé en dehors de l’État contractant compétent

Les employeurs dont le siège est situé en dehors de l’État contractant compétent doivent en principe y verser des cotisations de sécurité sociale. Cependant, un tel employeur et le salarié peuvent convenir que ce dernier remplit les obligations relatives au versement des cotisations, pour le compte de l’employeur et sans préjudice de ses obligations de base. Cela correspond à la possibilité prévue à l’art. 21 par. 2 du règlement (CE) n° 987/2009. Les personnes salariées soumises à l’AVS en vertu de la nouvelle convention, qui sont occupées par un employeur situé au Royaume-Uni, ne sont pas considérées comme des salariés dont l’employeur n’est pas tenu de payer des cotisations (« ANOBAG ») au sens de l’art. 6 al. 1 LAVS.

 

3.4 Procédures analogues à celles appliquées entre la Suisse et les États de l’UE

Les cas de détachement entre la Suisse et le Royaume-Uni ou d’activités exercées simultanément dans les deux États contractants sont traités par les caisses de compensation AVS au moyen du portail en ligne ALPS, qui a été adapté en conséquence.

Le formulaire attestant de la législation applicable aux travailleurs en mobilité entre la Suisse et le Royaume-Uni (p. ex. détachement ou pluriactivité) utilisé côté suisse est l’attestation générique employée dans le cadre de l’application des autres conventions bilatérales conclues par la Suisse (Certificate of Coverage, CoC). Le Royaume-Uni emploiera de son côté une attestation ad hoc.

La Suisse et le Royaume-Uni ont convenu de poursuivre l’échange d’informations de sécurité sociale de manière électronique. A cette fin, il est prévu que les deux États continuent à utiliser l’actuel système d’échange électronique d’informations européen (Electronic Exchange of Social Security Information, EESSI).

3.5 Aucune disposition transitoire dans le domaine de l’assujettissement vis-à-vis de la convention de 1968

La nouvelle convention bilatérale remplacera à partir du 1er novembre 2021 la convention de 1968 entre la Suisse et le Royaume-Uni, qui était applicable aux situations à compter du 1er janvier 2021. Pour les situations appréciées dans le cadre de la convention de 1968, l’assujettissement à l’assurance doit être revu et, si nécessaire, redéfini conformément aux dispositions du titre II de la nouvelle convention de sécurité sociale.

Les attestations de détachement émises en vertu de la convention bilatérale de 1968 conservent cependant leur validité jusqu’à la date d’expiration indiquée sur le document.

 

4 Prestations du 1er pilier

La nouvelle convention de sécurité sociale prévoyant l’exportation des prestations de vieillesse et survivants, celles-ci sont ainsi versées dans le monde entier. En revanche, les prestations de l’AI et les rentes extraordinaires ne sont pas exportées. Dès lors, les ressortissants du Royaume-Uni doivent être domiciliés en Suisse pour prétendre à une rente AI.

En vertu du droit national et du droit de l’UE, l’exportation de rentes AI est en revanche possible dans le monde entier pour les ressortissants de la Suisse et ceux des États de l’UE. Font exception les rentes AI versées aux personnes présentant un taux d’invalidité inférieur à 50% : dans ce cas, les bénéficiaires doivent être domiciliés dans un pays de l’UE.

La nouvelle convention prévoit de prendre en compte les périodes d’assurance. Si les périodes d’assurance accomplies en Suisse n’atteignent pas la durée minimale de cotisation de trois ans requise pour avoir droit à une rente AI, il faut prendre en considération, dans le cas des citoyens suisses, des ressortissants du Royaume-Uni et des ressortissants des États membres de l’UE, les périodes de cotisation accomplies au Royaume-Uni.

La nouvelle convention de sécurité sociale n’est pas applicable aux prestations complémentaires, dont l’octroi est exclusivement régi par la loi fédérale du 6 octobre 2006 sur les prestations complémentaires (LPC). Toutefois, étant donné que les ressortissants britanniques domiciliés pendant au moins cinq années consécutives en Suisse immédiatement avant de déposer une demande de rente ont droit, en vertu de la convention, à une rente extraordinaire de vieillesse, de survivant ou d’invalidité aux mêmes conditions que les ressortissants suisses, c’est le délai de carence prévu à l’article 5, alinéa 3, LPC qui s’applique.

L’allocation pour impotent est elle aussi exclue du champ d’application de la convention : seules les personnes domiciliées en Suisse et y séjournant habituellement ont droit à cette prestation et les ressortissants du Royaume-Uni sont soumis aux mêmes conditions que les ressortissants des États non contractants.

Les prestations de préretraite, c’est-à-dire, en Suisse, les prestations transitoires, sont aussi exclues du champ d’application de la convention. Autrement dit, ces prestations ne peuvent pas être exportées vers le Royaume-Uni. Leurs conditions d’octroi et leur calcul sont régis exclusivement par le droit national ; les périodes d’assurance accomplies au Royaume-Uni ne sont pas prises en compte.

 

5 Assurance facultative

À compter du 1er janvier 2021, les ressortissants suisses, des États de l’UE, d’Islande, du Liechtenstein et de Norvège résidant au Royaume-Uni peuvent adhérer à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité facultative sous réserve que les conditions d’adhésion soient remplies, notamment la durée d’assurance préalable d’au moins cinq années consécutives immédiatement avant la sortie de l’assurance obligatoire. Les périodes d’assurance accomplies dans un État de l’UE ou au Royaume-Uni jusqu’au 31 décembre 2020, ne peuvent pas être prises en compte pour l’accomplissement de la durée d’assurance préalable

 

6 Rapport avec l’Accord sur les droits des citoyens

La Suisse et le Royaume-Uni ont conclu un Accord sur les droits de citoyens (en vigueur depuis le 1er janvier 2021) afin de régir les conséquences du retrait du Royaume-Uni de l’ALCP et de garantir les droits des assurés acquis dans le cadre de l’ALCP. La nouvelle convention de sécurité sociale conclue entre la Suisse et le Royaume-Uni formule une réserve en faveur de l’Accord sur les droits des citoyens (pour en savoir plus sur cet accord, voir le Bulletin AVS-PC no 430 et le site internet de l’OFAS http://www.ofas.admin.ch/) : pour toute personne entrant dans le champ d’application de cet accord, ce sont les dispositions du droit de coordination européen et non celles de la nouvelle convention de sécurité sociale qui s’appliquent. En particulier, les personnes ayant accompli avant le 1er janvier 2021 des périodes d’assurance en Suisse, au Royaume-Uni ou dans l’Union européenne sous le régime de l’ALCP peuvent dès lors continuer à percevoir leur rente d’invalidité ordinaire à l’étranger (voir aussi la circulaire AI no 408).

 

7 Procédures et directives

Le dépôt d’une demande de rente de vieillesse, de survivant ou d’invalidité suit la même procédure que celle appliquée avec les États membres de l’UE et de l’AELE : il y a lieu d’engager la procédure interétatique et d’appliquer par analogie les dispositions de la circulaire sur la procédure pour la fixation des prestations dans l’AVS/AI/PC (CIBIL). Pour l’instant, il faut aussi continuer à utiliser les formulaires/SED de l’UE pour certifier les périodes d’assurance.

L’OFAS adaptera les directives en conséquence. Dans le domaine des prestations, l’adaptation aura lieu au moment de l’entrée en vigueur définitive de la convention.

 

 

 

Lettre circulaire AI n° 408 consultable ici

[…]

3 Conséquences pour l’assurance-invalidité

3.1 Exportation

Si l’assurance-invalidité entre bel et bien dans le champ d’application matériel de la nouvelle convention, l’exportation de prestations de l’AI pour des bénéficiaires domiciliés au Royaume-Uni en est par contre explicitement exclue. Dès lors, les ressortissants de cet État doivent être domiciliés en Suisse pour prétendre à une rente AI.

En vertu du droit national et du droit de l’UE, l’exportation de rentes AI est en revanche possible dans le monde entier pour les ressortissants de la Suisse et des États de l’UE. Font exception les rentes AI versées aux personnes présentant un taux d’invalidité inférieur à 50% : dans ce cas, les bénéficiaires doivent être domiciliés dans un pays de l’UE.

 

3.2 Prise en compte des périodes d’assurance

La nouvelle convention prévoit de prendre en compte les périodes d’assurance. Si les périodes d’assurance comptabilisées en Suisse n’atteignent pas la durée minimale de cotisation de trois ans requise pour avoir droit à une rente AI, il faut prendre en considération, dans le cas des citoyens suisses, des ressortissants du Royaume-Uni et des nationaux des pays membres de l’UE, les périodes de cotisation accomplies au Royaume-Uni.

Étant donné que la nouvelle convention ne régit que les relations bilatérales entre la Suisse et le Royaume-Uni, les périodes d’assurance accomplies dans un État de l’UE ou de l’AELE par les ressortissants du Royaume-Uni ne sont pas prises en compte pour le calcul de la durée minimale de cotisation exigée par l’AI.

 

3.3 Procédures et directives

L’échange de données nécessaire à l’exécution de la convention se fait en principe par voie électronique. Il est prévu que les deux États continuent à utiliser le système actuel d’échange d’informations (système d’échange électronique d’informations sur la sécurité sociale [EESSI]).

Le dépôt d’une demande de rente de vieillesse, de survivant ou d’invalidité suit la même procédure que celle appliquée avec les États membres de l’UE et de l’AELE : il y a lieu d’engager la procédure interétatique et d’appliquer par analogie les dispositions de la circulaire sur la procédure pour la fixation des prestations dans l’AVS/AI/PC (CIBIL). Pour l’instant, il faut aussi continuer à utiliser les formulaires SED de l’UE pour certifier les périodes d’assurance.

L’OFAS adaptera les directives dans les meilleurs délais.

 

4 Rapport avec l’Accord sur les droits des citoyens

La Suisse et le Royaume-Uni ont conclu un Accord sur les droits de citoyens (en vigueur depuis le 1er janvier 2021) afin de régir les conséquences du retrait du Royaume-Uni de l’ALCP et de garantir les droits des assurés acquis dans le cadre de l’ALCP. La nouvelle convention de sécurité sociale conclue entre la Suisse et le Royaume-Uni formule une réserve en faveur de l’Accord sur les droits des citoyens (pour en savoir plus sur cet accord, voir le Bulletin AVS-PC no 430 et le site internet de l’OFAS www.ofas.admin.ch) : pour toute personne entrant dans le champ d’application de cet accord, ce sont les dispositions du droit de coordination européen et non celles de la nouvelle convention de sécurité sociale qui s’appliquent.

S’agissant des conditions d’octroi des rentes du 1er pilier, cela signifie que ce n’est pas la nouvelle convention de sécurité sociale, mais l’Accord sur les droits des citoyens qui s’applique lorsque la personne assurée a accompli, avant le 1er janvier 2021, des périodes d’assurance en Suisse, au Royaume-Uni ou dans l’UE sous le régime de l’ALCP. Lorsqu’une personne a accompli des périodes d’assurance satisfaisant à cette exigence, ce sont les dispositions de la circulaire sur la procédure pour la fixation des prestations dans l’AVS/AI/PC (CIBIL) qui s’appliquent, peu importe la date de survenance du cas d’assurance. Contrairement à ce que prévoit la nouvelle convention de sécurité sociale, les rentes d’invalidité ordinaires régies par l’Accord sur les droits des citoyens sont exportées dans le monde entier (y compris les rentes AI octroyées à des personnes présentant un taux d’invalidité inférieur à 50% et exportées dans le Royaume-Uni et au sein de l’UE).

Exemple : un ressortissant britannique tombe malade le 1er juin 2025 et satisfait aux exigences posées pour l’octroi d’une rente AI fondé sur un taux d’invalidité inférieur à 50%. Il a accompli des périodes d’assurance en Suisse de 2016 à 2019. Son droit à la rente relevant du règlement (CE) no 883/2004, ce sont les dispositions de la CIBIL qui s’appliquent. La rente AI octroyée en raison d’un taux d’invalidité inférieur à 50% est exportée au Royaume-Uni (ch. 5009 ss. CIBIL).

L’Accord sur les droits des citoyens n’octroie pas de droit à la continuation de l’assurance (voir ch. 1011 CIBIL). Étant donné que la nouvelle convention de sécurité sociale ne prévoit pas non plus de continuation d’assurance, les ressortissants du Royaume-Uni non domiciliés en Suisse n’auront plus le statut de personne assurée et n’auront dès lors plus droit à des mesures de réadaptation de l’assurance-invalidité suisse.

 

 

Allocations familiales Communication n° 44 consultable ici

Rapport avec l’accord sur les droits des citoyens

La Suisse et le Royaume-Uni ont conclu un accord sur les droits de citoyens (en vigueur depuis le 1er janvier 2021) afin de définir les conséquences du retrait du Royaume-Uni de l’ALCP et de garantir les droits des assurés acquis dans le cadre de l’ALCP. La nouvelle convention de sécurité sociale conclue entre la Suisse et le Royaume-Uni formule une réserve en faveur de cet accord. Pour toute personne entrant dans le champ d’application de l’accord sur les droits de citoyens, ce sont les dispositions du droit de coordination européen et non celles de la nouvelle convention de sécurité sociale qui s’appliquent. Les ressortissants suisses, britanniques ou des États membres de l’UE qui, avant le 1er janvier 2021, se trouvaient déjà dans une situation transfrontalière entre la Suisse et le Royaume-Uni durant au-delà de cette échéance peuvent en particulier continuer à bénéficier des prestations familiales pour les enfants qui ont leur domicile au Royaume-Uni, en Suisse ou dans un État membre de l’UE (pour en savoir plus sur l’accord sur les droits des citoyens, voir Communication Allocations familiales no 38).

Conséquences sur les prestations familiales

À partir de l’application provisoire de la nouvelle convention de sécurité sociale, les dispositions légales nationales de la LAFam et de la LFA sont applicables aux relations entre la Suisse et le Royaume-Uni, pour autant qu’il ne s’agisse pas d’un cas relevant du champ d’application de l’accord sur les droits des citoyens. Le Royaume-Uni doit donc être considéré comme un État non contractant pour ce qui est des prestations familiales, et les prestations familiales au titre de la LAFam et de la LFA ne peuvent pas être exportées.

 

 

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 01.11.2021 consultable ici

Bulletin AVS/PC No 444 consultable ici

Lettre circulaire AI n° 408 consultable ici

Allocations familiales Communication n° 44 consultable ici