8C_19/2020 (f) du 21.09.2020 – Accident de ski – Lésion à une épaule – 6 LAA / Lien de causalité naturelle – Statu quo sine vel ante

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_19/2020 (f) du 21.09.2020

 

Consultable ici

 

Accident de ski – Lésion à une épaule / 6 LAA

Lien de causalité naturelle – Statu quo sine vel ante après 3 mois

 

Assuré, né en 1964, professeur de ski, s’est blessé, le 29.01.2017 à l’épaule droite lors d’une chute à ski. Malgré les douleurs, il a poursuivi son activité avant de consulter, le 14.04.2017, un spécialiste en médecine interne générale. Celui-ci a diagnostiqué une contusion de l’épaule droite avec rupture des muscles sous-scapulaire et sus-épineux et a prescrit un traitement antalgique, de la physiothérapie et du repos. Une IRM de l’épaule droite pratiquée le 20.04.2017 a mis en évidence une déchirure partielle du tendon du sous-scapulaire antérieurement proche de l’insertion humérale sans rupture complète, une déchirure à l’insertion humérale du tendon du sus-épineux sans rétractation significative, un remaniement inflammatoire modéré de l’articulation acromio-claviculaire, des signes d’insertionite chronique sur le trochiter avec plusieurs géodes sous-corticales, ainsi qu’un aspect dégénératif du bourrelet glénoïdien dans sa partie antérieure. Le 28.06.2017, l’assuré s’est soumis à une intervention chirurgicale de l’épaule droite (Schulterarthroskopie rechts, subacromiale Dekompression, Rotatorenmanschettennaht), pratiquée par un spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur.

Se fondant sur un avis du 26.09.2017 de son médecin-conseil, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur, l’assurance-accidents a rendu une décision par laquelle elle a mis un terme aux prestations d’assurance avec effet au 30.04.2017. Elle a considéré qu’au-delà de trois mois après l’accident, les troubles de l’assuré n’étaient plus en lien de causalité naturelle avec celui-là. L’assurance-accidents a rejeté l’opposition formée par l’assuré, après avoir soumis le dossier médical à un second médecin-conseil, également spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 13.11.2019, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Selon le principe de la libre appréciation des preuves, le juge apprécie librement les preuves médicales qu’il a recueillies, sans être lié par des règles formelles, en procédant à une appréciation complète et rigoureuse des preuves. Le juge doit examiner objectivement tous les documents à disposition, quelle que soit leur provenance, puis décider s’ils permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. S’il existe des avis contradictoires, il ne peut pas trancher l’affaire sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion plutôt qu’une autre. En ce qui concerne la valeur probante d’un rapport médical, ce qui est déterminant, c’est que les points litigieux aient fait l’objet d’une étude circonstanciée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu’il prenne également en considération les plaintes exprimées par la personne examinée, qu’il ait été établi en pleine connaissance de l’anamnèse, que la description du contexte médical et l’appréciation de la situation médicale soient claires et enfin que les conclusions soient dûment motivées. Au demeurant, l’élément déterminant pour la valeur probante n’est ni l’origine du moyen de preuve ni sa désignation comme rapport ou comme expertise, mais bel et bien son contenu (ATF 134 V 231 consid. 5.1 p. 232; 125 V 351 consid. 3a p. 352).

En l’espèce, les médecins-conseils de l’assurance-accidents ont nié l’existence d’un lien de causalité entre l’accident et les troubles révélés par l’IRM du 20.04.2017, lesquels ont notamment justifié l’opération chirurgicale du 28.06.2017. Eu égard au délai de plus de trois mois entre l’accident et les premiers soins, à l’absence d’impotence fonctionnelle et au fait que l’assuré pratiquait régulièrement le bodybuilding et le powerlifting, le premier médecin-conseil a considéré que la symptomatologie était en relation avec une lésion dégénérative classique chez un homme de 53 ans qui pratiquait des sports avec de lourdes charges répétées aux membres supérieurs. Le second médecin-conseil a relevé de son côté que des signes dégénératifs avaient été mis en évidence par l’IRM du 20.04.2017 sous la forme d’une lésion au niveau du labrum et lors l’arthroscopie per-opératoire, laquelle a montré un acromion agressif courbé en ricochet de stade III selon Bigliani. Il a en outre indiqué qu’il se produisait dans le cas de cette pathologie dégénérative une irritation du tendon du sus-épineux lors de mouvements d’élévation de l’épaule pouvant aboutir à une déchirure. Par ailleurs, dans le cas d’une rupture traumatique, on pouvait selon lui s’attendre à une impotence fonctionnelle immédiate avec, en tant que professeur de ski, une incapacité de travail dans les jours qui suivaient. Il en a conclu que seul le diagnostic de contusion de l’épaule était en lien de causalité avec l’événement accidentel et a confirmé un statu quo sine après trois mois.

On ne saurait reprocher aux deux médecins-conseil de n’avoir pas pris en considération les plaintes de l’assuré dans la mesure où ces derniers ne contestent pas en tant que telle l’existence d’une symptomatologie incapacitante perdurant au-delà du 30.04.2017 mais considèrent, au degré de la vraisemblance prépondérante, que celle-ci est d’origine dégénérative et non traumatique. S’il est vrai que les médecins-conseils n’ont pas examiné personnellement l’assuré, on ne voit pas en quoi un tel examen aurait pu les conduire à émettre un avis différent sur l’origine des troubles mis évidence par l’IRM du 20.04.2017. Ces spécialistes ont au contraire été en mesure de statuer sur la nature des lésions internes au niveau de l’épaule droite de l’assuré sur la base des pièces médicales. Quant au chirurgien traitant, s’il indique dans son rapport (succinct) que, de son point de vue, il existe clairement un lien de causalité entre l’accident et l’opération de l’épaule, il n’en reste pas moins que son appréciation n’est nullement étayée. Le fait qu’il a suivi l’évolution de l’état de santé de l’assuré et pratiqué l’opération du 28.06.2017 ne saurait pallier l’absence de toute motivation sur la nature des déchirures musculaires. Dans ces conditions, les premiers juges étaient fondés à privilégier l’avis motivé des médecins-conseils au rapport susmentionné du chirurgien traitant.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_19/2020 consultable ici

 

 

La contribution d’assistance encourage l’autonomie : le rapport final confirme les résultats précédents

La contribution d’assistance encourage l’autonomie : le rapport final confirme les résultats précédents

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 19.11.2020 consultable ici

 

La contribution d’assistance encourage la vie autonome et responsable ainsi que la participation sociale : c’est ce que révèle le rapport final sur cet instrument introduit en 2012. Les personnes en situation de handicap qui ont régulièrement besoin d’aide pour gérer le quotidien peuvent ainsi continuer à vivre à domicile de manière indépendante.

Le rapport final confirme les résultats des autres rapports publiés jusqu’ici. Près de 81% des bénéficiaires adultes de la contribution d’assistance ayant participé à l’enquête sont satisfaits, voire très satisfaits de cette prestation. Selon trois-quarts d’entre eux, la contribution d’assistance a amélioré leur qualité de vie et leur a permis d’accroître leur autonomie. 70% des adultes interrogés déclarent en outre que la charge incombant aux proches a diminué depuis qu’ils perçoivent une contribution d’assistance. Le rapport final fournit également un éclairage sur l’évolution de la demande et des coûts, sur le montant et l’utilisation de la contribution d’assistance ainsi que sur les caractéristiques du groupe cible. Ce travail de recherche a été réalisé en collaboration étroite avec des représentants des offices AI et de la Conférence des directrices et directeurs cantonaux des affaires sociales (CDAS).

 

Évolution de la demande et des coûts

Depuis l’introduction de la contribution d’assistance, le nombre de bénéficiaires a augmenté de façon constante. En 2019, 2612 adultes et 696 mineurs ont perçu une contribution d’assistance de l’assurance-invalidité, un résultat légèrement inférieur aux prévisions, qui tablaient sur 3000 adultes. Les coûts annuels d’environ 47 millions de francs avancés dans le message concernant les bénéficiaires adultes étaient par contre déjà dépassés en 2017 et n’ont cessé d’augmenter depuis lors. En 2019, le coût des prestations a atteint 63 millions de francs.

 

Réalisation des objectifs et taux de satisfaction

Selon la plupart des bénéficiaires de la contribution d’assistance, les objectifs de la mesure sont atteints. Ils estiment qu’elle encourage l’autonomie, la responsabilité et la participation sociale, et qu’elle leur offre la possibilité de vivre à domicile malgré un handicap. De plus, elle permet de décharger les proches. Une claire majorité des 1906 bénéficiaires adultes ayant participé à l’enquête sont satisfaits, voire très satisfaits de la contribution d’assistance. Les propositions d’amélioration ont trait principalement à la réduction de la charge administrative liée à la prestation.

 

Quelles sont les prochaines étapes ?

Le présent rapport final marque la fin de l’évaluation globale qui a porté sur plusieurs années. Un monitoring interne à l’OFAS permettra à l’avenir d’observer et d’analyser les paramètres centraux de la prestation. Des indicateurs relatifs à la mesure seront en outre repris dans la statistique standard de l’OFAS.

Diverses propositions d’amélioration, notamment dans le domaine du conseil et des montants du forfait de nuit, seront également reprises dans les travaux de mise en œuvre du Développement continu de l’AI.

 

___________________

Introduite le 01.01.2012 à l’entrée en vigueur de la 6e révision de la loi sur l’assurance-invalidité, la contribution d’assistance a depuis lors fait l’objet d’évaluations approfondies. Durant cette période, 3466 adultes ont perçu au moins une fois une contribution d’assistance.

Depuis mai 2013, un questionnaire a été envoyé à 3876 bénéficiaires, dont 3056 adultes et 820 mineurs, pour s’enquérir de leurs expériences en la matière. Le taux de participation des adultes s’est élevé à 62% (1906 réponses), celui des mineurs à 67% (553 réponses).

___________________

 

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 19.11.2020 consultable ici

Rapport de recherche de l’OFAS no 16/20 « Evaluation Assistenzbeitrag 2012-2019 » (en allemand, avec résumés en français, en italien et en anglais) disponible ici

 

 

8C_619/2019 (f) du 03.07.2020 – Objet du litige dans la procédure de recours / Valeur probante d’une expertise judiciaire / Pas de preuve d’une lésion assimilée à un accident – Absence de déchirure du tendon du sus-épineux – 9 al. 2 OLAA / Causalité naturelle et statu quo ante

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_619/2019 (f) du 03.07.2020

 

Consultable ici

 

Objet du litige dans la procédure de recours

Valeur probante d’une expertise judiciaire

Pas de preuve d’une lésion assimilée à un accident – Absence de déchirure du tendon du sus-épineux / 9 al. 2 OLAA (accident avant 2017)

Causalité naturelle et statu quo ante

 

Assuré, né en 1961, sertisseur, a été victime d’un accident le 05.01.2014 : alors qu’il disputait un match de football, le prénommé a chuté et s’est blessé au niveau de l’épaule et du coude droits. L’assurance-accidents a pris en charge le cas, ainsi que les rechutes de l’accident annoncées en février 2015 et juillet 2016.

Par décision du 01.12.2017, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a mis un terme au 25.10.2017 au droit de l’assuré à la prise en charge du traitement médical et de l’incapacité de travail pour les suites de l’accident, motif pris que les troubles subsistant après cette date étaient désormais de nature maladive.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/734/2019 – consultable ici)

La cour cantonale a ordonné la mise en œuvre d’une expertise orthopédique et l’a confiée à un spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur. L’expert conclut qu’à partir du 11.01.2016, date à laquelle l’assuré avait repris son activité à 100%, le statu quo ante avait été atteint et les facteurs étrangers étaient devenus les seules causes influant sur l’état de santé de celui-ci.

L’instance cantonale a considéré que le statu quo ante avait été atteint dès le 11.01.2016 et s’est ralliée à l’avis de ce médecin, selon lequel l’assuré ne présentait pas de déchirure du tendon du sus-épineux de l’épaule droite. Par ailleurs, les juges cantonaux ont relevé qu’il n’était pas possible de retenir en l’état que l’assuré souffrait d’une maladie professionnelle et, en toute hypothèse, que cette question outrepassait l’objet du litige, limité à la question du lien de causalité entre les affections de l’assuré et l’accident du 05.01.2014.

Par jugement du 19.08.2019, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Droit applicable

Le 01.01.2017 est entrée en vigueur la modification du 25.09.2015 de la LAA. A juste titre, la cour cantonale a retenu que dans la mesure où l’événement litigieux était survenu avant cette date, le droit de l’assuré aux prestations d’assurance était soumis à l’ancien droit (cf. dispositions transitoires relatives à la modification du 25.09.2015 ; RO 2016 4375).

 

Objet du litige dans la procédure de recours

En procédure juridictionnelle administrative, ne peuvent en principe être examinés et jugés que les rapports juridiques à propos desquels l’autorité administrative compétente s’est prononcée préalablement d’une manière qui la lie sous la forme d’une décision. Dans cette mesure, la décision détermine l’objet de la contestation qui peut être déféré en justice par la voie d’un recours. Le juge n’entre donc pas en matière, sauf exception, sur des conclusions qui vont au-delà de l’objet de la contestation (ATF 144 II 359 consid. 4.3 p. 362 s.; 134 V 418 consid. 5.2.1 p. 426 et les références).

L’objet du litige dans la procédure de recours est le rapport juridique réglé dans la décision attaquée dans la mesure où, d’après les conclusions du recours, il est remis en question par la partie recourante. L’objet de la contestation (Anfechtungsgegenstand) et l’objet du litige (Streitgegenstand) sont identiques lorsque la décision administrative est attaquée dans son ensemble. En revanche, les rapports juridiques non litigieux sont compris dans l’objet de la contestation, mais pas dans l’objet du litige (ATF 144 II 359 consid. 4.3 précité; 144 I 11 consid. 4.3 p. 14; 125 V 413 consid. 1b p. 414 s.). L’objet du litige peut donc être réduit par rapport à l’objet de la contestation. Il ne peut en revanche pas, sauf exception (consid. 4.2.2 infra), s’étendre au-delà de celui-ci (ATF 144 II 359 consid. 4.3 précité; 136 II 457 consid. 4.2 p. 463).

Selon une jurisprudence constante rendue dans le domaine des assurances sociales, la procédure juridictionnelle administrative peut être étendue pour des motifs d’économie de procédure à une question en état d’être jugée qui excède l’objet de la contestation, c’est-à-dire le rapport juridique visé par la décision, lorsque cette question est si étroitement liée à l’objet initial du litige que l’on peut parler d’un état de fait commun et à la condition que l’administration se soit exprimée à son sujet dans un acte de procédure au moins (ATF 130 V 501 consid. 1.2 p. 503 et les références; 122 V 34 consid. 2a p. 36; arrêt 9C_747/2018 du 12 mars 2019 consid. 3.5; voir aussi MEYER/VON ZWEHL, L’objet du litige en procédure de droit administratif fédéral, in Mélanges Pierre Moor, 2005, p. 446).

En l’espèce, la décision sur opposition déférée à la cour cantonale portait sur le droit de l’assuré à des prestations d’assurance au-delà du 25.10.2017, pour les suites de son accident du 05.01.2014. La question de l’existence d’une maladie professionnelle a été soulevée pour la première fois par l’assuré au stade de la procédure de recours cantonale, postérieurement à la reddition du rapport d’expertise judiciaire. Dans ces conditions, l’existence éventuelle d’une maladie professionnelle outrepassait l’objet de la contestation et les conditions pour étendre celui-ci n’étaient pas remplies, dans la mesure où l’assurance-accidents ne s’est pas exprimée à ce sujet en procédure cantonale. La juridiction cantonale était donc fondée à ne pas entrer en matière sur la question, qu’elle n’a d’ailleurs pas tranchée en se limitant à relever que le rapport d’expertise judiciaire ne permettait pas, en l’état, de confirmer l’existence d’une maladie professionnelle. Cela dit, rien n’empêche l’assuré de requérir des prestations à ce titre auprès de l’assurance-accidents et le prononcé d’une décision en la matière.

 

Valeur probante du rapport d’expertise – Lésion assimilée à un accident

Selon le principe de la libre appréciation des preuves, le juge apprécie librement les preuves médicales qu’il a recueillies, sans être lié par des règles formelles, en procédant à une appréciation complète et rigoureuse des preuves. Le juge doit examiner objectivement tous les documents à disposition, quelle que soit leur provenance, puis décider s’ils permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. S’il existe des avis contradictoires, il ne peut pas trancher l’affaire sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion plutôt qu’une autre. En ce qui concerne la valeur probante d’un rapport médical, ce qui est déterminant, c’est que les points litigieux aient fait l’objet d’une étude circonstanciée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu’il prenne également en considération les plaintes exprimées par la personne examinée, qu’il ait été établi en pleine connaissance de l’anamnèse, que la description du contexte médical et l’appréciation de la situation médicale soient claires et enfin que les conclusions de l’expert soient dûment motivées. Au demeurant, l’élément déterminant pour la valeur probante n’est ni l’origine du moyen de preuve ni sa désignation comme rapport ou comme expertise, mais bel et bien son contenu (ATF 125 V 351 consid. 3a p. 352; 122 V 157 consid. 1c p. 160 et les références).

En principe, le juge ne s’écarte pas sans motifs impérieux des conclusions d’une expertise médicale judiciaire, la tâche de l’expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l’éclairer sur les aspects médicaux d’un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut notamment constituer une raison de s’écarter d’une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu’une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d’autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l’expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d’une nouvelle expertise médicale (ATF 125 V 351 précité consid. 3b/aa p. 352 s. et les références).

 

En ce qui concerne l’absence de déchirure du tendon du sus-épineux retenue dans le rapport d’expertise judiciaire, l’expert a exposé que malgré la mise en œuvre de cinq IRM au niveau de l’épaule droite, il n’y avait pas eu de consensus quant au diagnostic précis en ce qui concernait l’état du tendon du sus-épineux (tendinopathie du sus-épineux avec hypersignal selon l’IRM du 24.04.2014 ; lésion partielle communicante du sus-épineux en regard de l’éperon sous-acromial selon l’IRM du 24.09.2014 ; tendinopathie du sus-épineux sans rupture transfixiante selon l’IRM du 08.03.2016 ; absence de lésion du sus-épineux selon l’IRM du 30.01.2017 ; déchirure partielle profonde de type articular side du tendon du sus-épineux infra-centimétrique sub-transfixiante avec petite lamination du tendon selon l’arthro-IRM du 23.06.2017). Après avoir revu les imageries, le médecin-expert a conclu que le tendon du sus-épineux était globalement intact et qu’il n’y avait pas vraiment de déchirure (les deux examens décrivant une atteinte ou déchirure partielle ne démontraient une lésion compatible avec une déchirure partielle que sur une seule coupe dans le plan coronal). En outre, l’épaule droite avait fait l’objet d’une intervention chirurgicale le 19.12.2017 qui n’avait mis en évidence aucune lésion du tendon du côté articulaire ou bursal et aucune sanction thérapeutique ou chirurgie réparatrice au niveau du tendon n’avait été pratiquée à cette occasion. Selon le médecin-expert, on pouvait donc conclure qu’au niveau du tendon du sus-épineux, il y avait eu une irritation / tendinopathie post-traumatique transitoire, probablement accompagnée d’une capsulite […] et que le tout s’était progressivement résorbé dans les mois qui avaient suivi l’accident. Il avait alors subsisté par la suite un conflit sous-acromial […] levé et adressé par l’intervention du 19.12.2017. Il demeurait par contre un conflit mécanique / souffrance acromio-claviculaire droit, référence faite à un scanner de l’épaule droite du 09.01.2019.

Cela étant, l’expert a exposé les différentes appréciations des médecins au regard des IRM et arthro-IRM pratiquées et a expliqué de manière circonstanciée les raisons pour lesquelles il ne retenait pas de déchirure du tendon du sus-épineux, compte tenu notamment de l’intervention du 19.12.2017. Au vu de l’ensemble de ses explications, on ne saurait lui faire grief d’avoir indiqué que le tendon n’était « pas vraiment déchiré », ni de s’être écarté de l’avis d’un des radiologues qui n’est au demeurant pas partagé par l’ensemble des médecins consultés (cf. en particulier le rapport du docteur F.__ du 18.02.2016, dans lequel ce médecin indique que « l’arthro-IRM ne montre pas de déchirure mais une tendinopathie du sus-épineux »). A cela s’ajoute que le compte-rendu opératoire de l’intervention chirurgicale du 19.12.2017 mentionne expressément l’absence de lésion visualisée du sus-épineux. Dans ces conditions, il n’existe pas de motif impérieux de s’écarter de l’expertise judiciaire à propos de l’absence de déchirure du tendon du sus-épineux et la juridiction cantonale était fondée à renoncer à ordonner un complément d’expertise ou à donner suite à la requête d’audition de l’assuré.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_619/2019 consultable ici

 

 

Le Conseil fédéral adopte le message sur la réforme de la prévoyance professionnelle

Le Conseil fédéral adopte le message sur la réforme de la prévoyance professionnelle

 

Communiqué de presse du 25.11.2020 consultable ici

 

La réforme de la prévoyance professionnelle (LPP 21) vise à garantir le niveau des rentes, à renforcer son financement et améliorer la couverture des travailleurs à temps partiel, notamment celle des femmes. Lors de sa séance du 25.11.2020, le Conseil fédéral a adopté le message concernant cette réforme et l’a transmis au Parlement.

Les rentes de la prévoyance professionnelle sont sous pression depuis un certain temps déjà. Cette situation s’explique par l’augmentation de l’espérance de vie et la faiblesse des taux d’intérêt. Après le rejet de la réforme de la prévoyance vieillesse en septembre 2017, une réforme de la prévoyance professionnelle, en particulier une baisse du taux de conversion, est indispensable afin de garantir à long terme le financement des rentes.

Dans son message au Parlement, le Conseil fédéral propose de reprendre le modèle développé à sa demande par les partenaires sociaux : l’Union patronale suisse (UPS), l’Union syndicale suisse (USS) et Travail.Suisse. Ce modèle prévoit une baisse du taux de conversion minimal à 6%. Utilisé pour convertir en rente le capital constitué, ce taux est actuellement fixé à 6,8%, un niveau trop élevé étant donné l’évolution démographique et la faiblesse des taux d’intérêt.

 

Introduction d’un supplément de rente

Pour le Conseil fédéral, la garantie du niveau des prestations est primordiale. Afin d’amortir la baisse des rentes consécutive à la diminution du taux de conversion, le projet introduit parallèlement un mécanisme de compensation. Les futurs bénéficiaires de rentes de vieillesse et d’invalidité de la prévoyance professionnelle toucheront à vie un supplément de rente. Le montant de ce supplément sera fixé dans la loi pendant une période transitoire de quinze ans : il sera de 200 francs par mois pour les assurés qui atteindront l’âge de la retraite dans les cinq premières années suivant l’entrée en vigueur de la réforme, de 150 francs pour ceux qui atteindront cet âge dans les cinq années suivantes et de 100 francs pour ceux qui l’atteindront pendant la troisième tranche de cinq ans. Le Conseil fédéral déterminera ensuite chaque année le montant du supplément pour les nouveaux bénéficiaires de rente. Le supplément sera indépendant du montant de la rente et sera financé de manière solidaire par une cotisation de 0,5% prélevée sur le revenu annuel soumis à l’AVS jusqu’à hauteur de 853’200 francs (état 2020).

 

Diminution de la déduction de coordination

Afin d’améliorer la prévoyance des personnes à bas revenu, le projet prévoit aussi de diminuer la déduction de coordination, qui passera de 24’885 francs à 12’443 francs. Le salaire assuré sera par conséquent plus élevé, et les assurés touchant des salaires relativement bas, dont un nombre important de femmes et de travailleurs à temps partiel, bénéficieront d’une meilleure protection sociale contre la vieillesse et l’invalidité.

 

Adaptation des bonifications de vieillesse

Le projet prévoit également de réduire l’écart de cotisations entre les jeunes assurés et les plus âgés. Les bonifications de vieillesse seront adaptées, et leur progression sera moins marquée qu’aujourd’hui. La solution proposée consiste en une bonification de vieillesse de 9% du salaire soumis à la LPP pour les travailleurs âgés de 25 à 44 ans, et de 14% à partir de 45 ans. Cela permettra de réduire les coûts salariaux pour les travailleurs plus âgés. Les bonifications de vieillesse des assurés de 55 ans et plus s’élèvent actuellement à 18%.

La réforme LPP 21 proposée par le Conseil fédéral permettra de maintenir dans l’ensemble le niveau des prestations dans la prévoyance professionnelle obligatoire et même de l’améliorer pour les bas revenus, ce qui profitera en particulier à de nombreuses femmes. Le Conseil fédéral estime que la proposition alternative développée par plusieurs acteurs (ASIP, USAM, ASA) ne remplit pas l’un des principaux objectifs de la réforme, à savoir la garantie du niveau des rentes.

 

 

Communiqué de presse du 25.11.2020 consultable ici

Fiche d’information « Message LPP 21 : comparaison avec la proposition alternative » du 25.11.2020 disponible ici

Rapport sur les résultats de la consultation disponible ici

Message du Conseil fédéral concernant la modification de la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (Réforme LPP 21) [version provisoire] consultable ici

Modification et texte de la LPP 21 consultable ici

Rapport de recherche no 13/20 « Reform der beruflichen Vorsorge (BVG 21): Auswirkungen auf Beschäftigung, Löhne, Arbeitskosten und Umverteilung » (Réforme de la prévoyance professionnelle (LPP 21) : effets sur l’emploi, les salaires, les coûts du travail et la redistribution), disponible ici

 

 

Motion Buffat 20.4210 « Augmentation de la sécurité pour les cyclistes » [rendre le port du casque obligatoire pour tous les cyclistes] – Avis du Conseil fédéral

Motion Buffat 20.4210 « Augmentation de la sécurité pour les cyclistes » – Avis du Conseil fédéral

 

Consultable ici

 

Texte déposé

Le Conseil fédéral est chargé de proposer une modification de la loi sur la circulation routière (LCR) afin de rendre le port du casque obligatoire pour tous les cyclistes.

 

Développement

Depuis de nombreuses années, le développement du vélo dans toutes ses variantes (vélo de loisir, moyen de transport, vélo électrique) n’a cessé de prendre de l’ampleur.

Un nombre non négligeable de cyclistes roule sans casque. Avec l’arrivée des vélos électriques, la vitesse des vélos dépasse celle des cyclomoteurs.

En termes de chiffres, rien que pour 2018 ce ne sont pas moins de 27 morts en Suisse qui circulaient à vélo, dont 12 qui étaient à vélo électrique. Au niveau des blessés graves, ce sont 877 cyclistes à vélo « standard » (+7%) et 308 cyclistes à vélo électrique (+38%). La plupart des personnes tuées ou grièvement blessées le sont avec des vélos électriques de type « lent » (236 personnes vs 85 avec des vélos électriques rapides).

Je souhaite que la loi soit modifiée afin que le port du casque devienne obligatoire pour tous les cyclistes.

 

Avis du Conseil fédéral du 25.11.2020

Le Conseil fédéral a proposé d’introduire une obligation générale de porter le casque pour les cyclistes en 2008, dans le cadre de la consultation sur le programme de sécurité routière Via sicura. Toutefois, les participants à la consultation ont rejeté la mesure à une large majorité. Certains ayant néanmoins laissé entendre qu’ils y seraient favorables pour les enfants, le Conseil fédéral a suggéré, dans son message, de n’imposer le port du casque qu’aux cyclistes jusqu’à quatorze ans, une limite d’âge bien acceptée par la population d’après des sondages (FF 2010 7703 ss). Le Parlement a pourtant clairement rejeté l’instauration de l’obligation de porter le casque pour les cyclistes jusqu’à quatorze ans en 2012, lors de ses délibérations sur Via sicura.

Dans le cadre de la consultation sur la révision partielle de la loi fédérale sur la circulation routière, de la loi sur les amendes d’ordre et de huit ordonnances, qui court jusqu’au 12 décembre 2020, le Conseil fédéral propose plusieurs mesures destinées à augmenter la sécurité des conducteurs de vélos électriques. Il prévoit par exemple d’imposer à ces derniers l’usage diurne des phares ou le port du casque. En outre, le Conseil fédéral questionne les participants à la consultation sur leur soutien éventuel à l’introduction de l’obligation de porter le casque pour les cyclistes jusqu’à seize ans. Il n’est cependant pas favorable à une obligation plus étendue.

 

Proposition du Conseil fédéral du 25.11.2020

Le Conseil fédéral propose de rejeter la motion.

 

 

Motion Buffat 20.4210 « Augmentation de la sécurité pour les cyclistes » consultable ici

 

 

Motion Prelicz-Huber 20.4044 « Obligation d’avancer les prestations. Combler les lacunes » – Avis du Conseil fédéral

Motion Prelicz-Huber 20.4044 « Obligation d’avancer les prestations. Combler les lacunes » – Avis du Conseil fédéral

 

Consultable ici

 

Texte déposé

Le Conseil fédéral est chargé de présenter un projet qui garantisse que le traitement des enfants et des adolescents puisse commencer dès qu’il y a indication médicale pour la thérapie, même sans accord sur l’assurance qui prendra en charge les coûts.

 

Développement

Dans son avis du 13 novembre 2019 relatif à la motion 19.4196 déposée par Maya Graf (« Renforcer la médecine pédiatrique en garantissant le début du traitement avant de s’entendre sur l’assurance qui prendra en charge les coûts »), le Conseil fédéral déclare que les bases juridiques actuelles, notamment l’obligation d’avancer les prestations prévue à l’art. 70 LPGA, garantissent que les assurés ont accès aux prestations nécessaires avant que l’assurance qui doit prendre en charge les coûts soit désignée. Dans les faits, on observe toutefois des lacunes pour les enfants et les adolescents. Le Tribunal fédéral s’est d’ailleurs déjà penché sur la question dans l’un de ses arrêts (ATF 146 V 129). Les deux exemples suivants tirés de la vie réelle montrent les lacunes existantes.

Un enfant atteint d’autisme habite avec sa famille dans le canton X, qui ne propose aucune offre d’intervention précoce. Le traitement pourrait avoir lieu dans le canton limitrophe Y. Conformément aux directives qui régissent la péréquation financière au niveau fédéral, l’AI doit payer les prestations médicales et le canton de domicile les prestations pédagogiques. L’AI donne sa garantie pour la prise en charge de la partie médicale du traitement, mais le canton de domicile refuse de prendre en charge les prestations pédagogiques de ce traitement extracantonal alors même qu’il ne le propose pas sur son propre territoire.

En cas de trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité, certaines caisses-maladie conditionnent la prise en charge provisoire des prestations au dépôt simultané auprès de l’assurance-invalidité d’une demande de prise en charge des coûts. Si l’AI estime qu’elle n’est pas compétente et refuse d’examiner la demande, il est déjà arrivé que des caisses-maladie refusent d’avancer les prestations comme elles y sont tenues.

On voit que, contrairement à ce que déclare le Conseil fédéral dans son avis relatif à la motion précitée, des mesures législatives complémentaires sont nécessaires. Les lacunes en matière d’avance de prestations causent de la souffrance et de gros tracas aux personnes concernées et à ceux qui leur fournissent des traitements. Et si le début du traitement est retardé, le pronostic à long terme peut s’aggraver.

 

Avis du Conseil fédéral du 25.11.2020

Le Conseil fédéral a eu connaissance de faits montrant que la prise en charge pose problème dans des domaines spécifiques. Selon lui, les causes ne résident pas dans les bases légales mais dans la mise en œuvre. Tel est le cas lorsque des prestations pédagogiques ne peuvent pas être prises en charge par une assurance sociale et que les questions de compétences cantonales doivent être résolues par d’autres moyens. L’un des objectifs du projet pilote « Intervention précoce intensive auprès des enfants atteints d’autisme infantile » vise par exemple à délimiter et à clarifier la prise en charge des coûts entre la Confédération et les cantons.

L’obligation d’avancer des prestations ne peut être réglée que lorsque plusieurs assurances sociales entrent en ligne de compte, en fonction de leurs bases légales spécifiques, en tant que débiteurs des prestations en question. Le Conseil fédéral estime que cette question est déjà suffisamment et clairement réglementée comme il l’expose dans son avis sur la motion 19.4196 « Renforcer la médecine pédiatrique en garantissant le début du traitement avant de s’entendre sur l’assurance qui prendra en charge les coûts ». Par ailleurs, le Tribunal fédéral a déjà établi que l’art. 70 al. 2 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA) est complet à cet égard. Dans l’un de ses arrêts (ATF 146 V 129), il a également tranché sur une lacune pointée dans l’obligation d’avancer les prestations dans le domaine des moyens auxiliaires, précisant que l’extension du droit de remboursement à toutes les prestations indiquées médicalement sans que ces dernières ne répondent aux bases légales d’une assurance sociale (y compris aux exigences d’efficacité, d’adéquation et d’économicité) ne saurait être admise. Cela entraînerait un foisonnement incontrôlé du catalogue de prestations et, par là même, une augmentation considérable des volumes de prestations et des coûts.

 

Proposition du Conseil fédéral du 25.11.2020

Le Conseil fédéral propose de rejeter la motion.

 

 

Motion Prelicz-Huber 20.4044 « Obligation d’avancer les prestations. Combler les lacunes » consultable ici

 

 

8C_1/2020 (f) du 15.10.2020 – Détermination de la méthode d’évaluation applicable pour un associé-gérant de deux Sàrl, dont il est également salarié – 18 LAA – 16 LPGA / Méthode extraordinaire / Frais de traduction de l’expertise économique réalisée sur mandat de l’assurance-accidents (allemand => français) – Principe de la territorialité des langues – 70 al. 1 Cst.

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_1/2020 (f) du 15.10.2020

 

Consultable ici

 

Détermination de la méthode d’évaluation applicable pour un associé-gérant de deux Sàrl, dont il est également salarié / 18 LAA – 16 LPGA

Méthode extraordinaire

Frais de traduction de l’expertise économique réalisée sur mandat de l’assurance-accidents (allemand => français) – Principe de la territorialité des langues / 70 al. 1 Cst.

 

Assuré exerce conjointement avec son épouse la fonction d’associé-gérant des sociétés B.__ Sàrl et C.__ Sàrl, dont il est également salarié et dont le but social est l’exploitation de trois cafés-restaurants à U.__. Le 03.03.2011, il a été victime d’un accident de la circulation qui lui a causé diverses fractures au niveau du poignet droit et de l’épaule gauche. L’assurance-accidents a versé des indemnités journalières jusqu’au 31.08.2017.

Après avoir ordonné la mise en œuvre d’une expertise économique afin d’évaluer les revenus avec et sans invalidité, l’assurance-accidents a rendu une décision par laquelle elle a reconnu le droit de l’assuré à une rente d’invalidité fondée sur un taux d’invalidité de 13% à compter du 01.09.2017. Rejet de l’opposition ainsi que de la demande de l’assuré de faire traduire en français le rapport d’expertise économique rédigé en allemand.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/1052/2019 – consultable ici)

La cour cantonale a considéré que la méthode extraordinaire était la plus appropriée pour déterminer le taux d’invalidité de l’assuré. A son avis, la comparaison des résultats d’exploitation effectuée par l’assurance-accidents ne permettait pas de chiffrer la perte de gain de manière fiable. En effet, l’assuré n’était pas à la tête d’une simple entreprise unipersonnelle mais était associé-gérant (avec son épouse) de deux entreprises exploitant trois restaurants. Il était ainsi nécessaire de distinguer sa situation personnelle de celles des entreprises, ce que l’expert mandaté par l’assurance-accidents n’avait pas fait. En outre, on ne pouvait pas exclure que des facteurs étrangers à l’atteinte dont souffrait l’assuré aient influencé le résultat de ces entreprises, ne serait-ce qu’au regard de la concurrence, de la conjoncture et compte tenu du fait que lesdites entreprises employaient un personnel relativement nombreux, dont plusieurs membres de sa famille. Par ailleurs, les données comptables relatives aux charges salariales variaient fortement d’une année à l’autre et apparaissaient partiellement contradictoires avec les chiffres communiqués à l’AVS. En pareilles circonstances, il n’était pas possible de distinguer la part du résultat d’exploitation qu’il fallait attribuer aux facteurs étrangers à l’invalidité de celle qui revenait à la propre prestation de travail de l’assuré. Enfin, les juges cantonaux ont relevé qu’en chiffrant le revenu d’invalide en fonction du résultat d’exploitation et du salaire déclaré à l’AVS pour l’année 2012, l’expert avait méconnu que pour procéder à une comparaison des revenus, il convenait de se placer au moment de la naissance du droit à la rente, en l’occurrence au 01.09.2017, soit à une période pour laquelle on ne disposait d’aucun renseignement sur le revenu perçu par l’assuré.

La juridiction cantonale a confié la traduction en français du rapport d’expertise économique à un traducteur-juré.

Par jugement du 13.11.2019, admission partielle du recours par le tribunal cantonal, reconnaissant le droit de l’assuré à une rente d’invalidité fondée sur un taux d’invalidité de 35% dès le 01.09.2017. Elle a en outre mis à la charge de l’assurance-accidents les frais de traduction du rapport d’expertise économique, à hauteur de 562 fr. 20.

 

TF

Méthode d’évaluation applicable

Chez les assurés exerçant une activité lucrative, le taux d’invalidité doit être évalué sur la base d’une comparaison des revenus. Pour cela, le revenu que l’assuré aurait pu réaliser s’il n’était pas invalide est comparé avec celui qu’il pourrait obtenir en exerçant l’activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA). La comparaison des revenus s’effectue, en règle générale, en chiffrant aussi exactement que possible les montants de ces deux revenus et en les confrontant l’un avec l’autre, la différence permettant de calculer le taux d’invalidité (méthode ordinaire de la comparaison des revenus ; ATF 137 V 334 consid. 3.3.1 p. 337).

Lorsque l’assuré est une personne de condition indépendante, la comparaison porte sur les résultats d’exploitation réalisés dans son entreprise avant et après la survenance de l’invalidité. Ce n’est que si ces données comptables ne permettent pas de tirer des conclusions valables sur la diminution de la capacité de gain due à l’invalidité – ce qui est le cas lorsque les résultats de l’exploitation ont été influencés par des facteurs étrangers à l’invalidité – que le taux d’invalidité doit être évalué en application de la méthode extraordinaire (consistant à évaluer le taux d’invalidité d’après l’incidence de la capacité de rendement amoindrie sur la situation économique concrète). Les résultats d’exploitation d’une entreprise dépendent en effet souvent de nombreux paramètres difficiles à apprécier, tels que la situation conjoncturelle, la concurrence, l’aide ponctuelle des membres de la famille, des personnes intéressées dans l’entreprise ou des collaborateurs, lesquels constituent des facteurs étrangers à l’invalidité. Ainsi, il convient, dans chaque cas, afin de déterminer la méthode d’évaluation applicable, d’examiner si les documents comptables permettent ou non de distinguer la part du revenu qu’il faut attribuer aux facteurs étrangers à l’invalidité de celle qui revient à la propre prestation de travail de l’assuré (arrêts 9C_826/2017 du 28 mai 2018 consid. 5.2; 9C_106/2011 du 14 octobre 2011 consid. 4.3 et les références). Sinon, il faut, en s’inspirant de la méthode spécifique pour personnes sans activité lucrative dans l’assurance-invalidité (art. 28a al. 2 LAI, en relation avec les art. 27 RAI et 8 al. 3 LPGA), procéder à une comparaison des activités pour déterminer quel est l’empêchement provoqué par l’atteinte à la santé, puis apprécier séparément les effets de cet empêchement sur la capacité de gain (ATF 128 V 29; arrêts 8C_312/2016 du 13 mars 2017 consid. 5.4.2, 9C_236/2009 du 7 octobre 2009 consid. 3.2, in SVR 2010 IV n° 11 p. 35).

 

En l’espèce, les circonstances justifient le choix des juges cantonaux d’appliquer la méthode extraordinaire pour déterminer le taux d’invalidité de l’assuré. En effet, il ressort du rapport d’expertise économique que, postérieurement à la survenance de l’atteinte à la santé en 2011 et jusqu’en 2015 (dernière année prise en compte par l’expert), le chiffre d’affaires et la masse salariale des entreprises de l’assuré ont varié tant à la hausse qu’à la baisse suivant les années, marquant néanmoins une légère progression par rapport à la période précédant l’accident (années 2008 à 2010). L’expert mentionne toutefois que les chiffres relatifs à la charge salariale diffèrent selon que l’on tient compte des données obtenues de la fiduciaire ou des indications de l’Office cantonal des assurances sociales de Genève. Quant au bénéfice, il a varié de manière considérable à la hausse en 2012 puis à la baisse en 2013 et 2014 avant de progresser à nouveau en 2015. Il n’est cependant pas possible d’établir si et dans quelle mesure une telle évolution est due exclusivement à l’invalidité, ou si elle a aussi été influencée par la conjoncture, le développement de l’entreprise ou d’autres facteurs étrangers à l’invalidité. L’assurance-accidents soutient d’ailleurs elle-même dans son mémoire de recours que les variations du bénéfice et du chiffre d’affaires ne découlent pas de l’accident. On ne peut pas non plus parler de constance au regard du chiffre d’affaires, des charges salariales et du bénéfice de l’exploitation au cours des années qui ont précédé l’atteinte à la santé. D’autres circonstances mises en évidences par la cour cantonale (participation dans plusieurs sociétés, le fait que l’assuré n’était pas l’ayant droit économique unique des sociétés, collaboration des membres de sa famille) empêchent également de déterminer de manière fiable les revenus avec et sans invalidité nécessaires à une comparaison des revenus. Enfin, l’évaluation de l’invalidité par les organes de l’assurance-invalidité n’ayant pas de force contraignante pour l’assureur-accidents (ATF 131 V 362 consid. 2.3 p. 368), la méthode appliquée par l’office AI compétent pour statuer sur le droit de l’assuré à une rente d’invalidité n’est pas déterminante en l’espèce, cela d’autant moins qu’il n’apparaît pas que la décision en question aurait fait l’objet d’un examen par le juge.

Dans ces conditions, les juges cantonaux étaient fondés à considérer la méthode extraordinaire comme étant la plus appropriée. Pour le surplus, l’assurance-accidents ne conteste pas la répartition des champs d’activité fixée par la juridiction cantonale, les pondérations avec et sans handicap, ni les taux d’incapacité de travail relatifs à ces champs d’activité.

 

Frais de traduction

L’assurance-accidents se plaint du fait que la cour cantonale a mis à sa charge les frais de traduction du rapport d’expertise économique. Elle fait valoir que ce document consistait surtout en des chiffres et que le conseil de l’assuré l’avait parfaitement comprise. En outre, la traduction n’était pas nécessaire dans la mesure où la cour cantonale a considéré que le rapport n’était pas pertinent en l’espèce.

Les juges cantonaux ont motivé leur décision de mettre à la charge de l’assurance-accidents les frais de traduction en application du principe de la territorialité des langues, de l’art. 70 al. 1 Cst., ainsi que de la jurisprudence et de la doctrine y relatives. Ils ont exposé en particulier qu’à Genève, tout document soumis au juge devait être rédigé dans la langue officielle ou accompagné d’une traduction dans cette langue ; cette règle valait pour tous les écrits émanant directement du juge ou des parties, ainsi que pour les pièces que celles-ci produisaient. Ils ont considéré en outre que l’on ne pouvait pas exiger du mandataire de l’assuré qu’il établisse à l’intention de son client une traduction littérale d’un rapport d’analyse économique et que selon la jurisprudence (ATF 128 V 34 [cité arrêt I 321/01 du 27 février 2002 dans le jugement cantonal]), une partie n’abusait pas de son droit en demandant la traduction de pièces rédigées dans une langue qu’elle connaissait parfaitement. L’assurance-accidents ne prend pas position à cet égard mais se limite à se prévaloir de la prétendue inutilité de la mesure. Or, il est constant que l’assurance-accidents s’est fondée sur le rapport d’expertise économique pour calculer le taux de la rente d’invalidité litigieuse et qu’il s’agissait ainsi d’une pièce essentielle du dossier de nature à sceller le sort de la procédure (cf. ATF 128 V 34 consid. 2b/bb p. 38). Quant au fait que ce rapport consiste essentiellement en des données chiffrées, cela a pour conséquence de réduire le travail du traducteur mais n’en rend pas moins utile la traduction de l’analyse et des explications de ces données. Dans ces conditions, on ne saurait reprocher à la cour cantonale d’avoir fait procéder à la traduction de l’expertise, quand bien même elle a jugé par la suite qu’une évaluation de l’invalidité selon la méthode de la comparaison des résultats d’exploitation n’était pas appropriée.

 

 

Le TF rejette le recours de l’assurance-accidents.

 

 

Arrêt 8C_1/2020 consultable ici

 

 

9C_153/2020 (f) du 09.10.2020 – Taux d’invalidité – Assuré plâtrier indépendant – 16 LPGA / Revenu sans invalidité d’une personne de condition indépendante – Activité d’indépendant de 7 mois avant l’accident / Revenu sans invalidité déterminé selon l’ESS (T17)

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_153/2020 (f) du 09.10.2020

 

Consultable ici

 

Taux d’invalidité – Assuré plâtrier indépendant / 16 LPGA

Revenu sans invalidité d’une personne de condition indépendante – Activité d’indépendant de 7 mois avant l’accident

Revenu sans invalidité déterminé selon l’ESS (T17)

 

Assuré, né en 1971, a d’abord travaillé comme salarié jusqu’en mai 2014, puis en qualité de plâtrier indépendant dès juin 2014. Le 15.01.2015, il s’est blessé à la main droite et a subi une incapacité totale de travail dans sa profession de plâtrier.

Dépôt d’une demande de prestations AI en juin 2016. L’office AI alloué à l’assuré une rente entière d’invalidité du 01.12.2016 au 31.05.2017. L’administration a retenu que si l’incapacité de travail restait totale dans l’activité habituelle de plâtrier, la capacité de travail était en revanche entière à compter du 07.02.2017 dans une activité adaptée. Comparant un revenu sans invalidité de 73’744 fr. 92 en 2017, établi selon l’ESS (table T17, ligne 71, métiers qualifiés du bâtiment et assimilés, sauf électriciens, niveau de compétences 2), avec un revenu d’invalide de 65’699 fr. 56, également calculé selon l’ESS (table TA1, niveau de compétences 1), l’office AI a fixé le taux d’invalidité à 11%.

 

Procédure cantonale (arrêt AI 117/18 – 21/2020 – consultable ici)

La juridiction cantonale a constaté qu’un revenu de 85’300 fr. afférent à la période de juin à décembre 2014 avait été inscrit sur le compte individuel de l’assuré en tant que personne de condition indépendante, tandis que l’autorité fiscale avait retenu un revenu de 77’188 fr. pour l’année 2014 provenant de l’activité indépendante. Pour les juges cantonaux, cette activité avait débuté à un rythme très soutenu, offrant à l’assuré une rémunération équivalant à un peu plus du double de ce qu’il avait obtenu comme salarié durant les années précédentes. Comme le succès aurait perduré sans atteinte à la santé, il se justifiait d’annualiser les revenus d’une activité qui n’avait été que partielle et qui aurait procuré des revenus supérieurs si l’exercice 2014 avait été complet. Le Tribunal cantonal a dès lors admis qu’il n’y avait pas lieu de s’écarter de la règle de principe selon laquelle les revenus effectivement réalisés sont à prendre en compte. Dans le cas d’espèce, sur la base de six mois entiers d’activité indépendante (de juin à décembre 2014) qui ont procuré une rémunération brute de 85’375 fr. (soumise aux cotisations dues en tant qu’indépendant), les juges cantonaux ont extrapolé ce montant sur l’année entière et fixé la rétribution à 170’749 fr. 99 pour 2014. Comparant ce revenu sans invalidité au revenu d’invalide de 65’699 fr. 56, ils ont fixé le taux d’invalidité à 62%, ce qui ouvrait le droit à trois quarts de rente à partir du 01.06.2016.

Par jugement du 27.01.2020, admission du recours par le tribunal cantonal et octroi d’une rente entière d’invalidité du 01.12.2016 au 31.05.2017 puis de trois quarts de rente à compter du 01.06.2017.

 

TF

Pour déterminer le revenu sans invalidité, on rappellera qu’il faut établir ce que l’assuré aurait, au degré de la vraisemblance prépondérante, réellement pu obtenir au moment déterminant s’il n’était pas devenu invalide. Le revenu sans invalidité doit être évalué de la manière la plus concrète possible. C’est pourquoi il se déduit en principe du salaire réalisé en dernier lieu par l’assuré avant l’atteinte à la santé en posant la présomption qu’il aurait continué d’exercer son activité sans la survenance de son invalidité. Pour les personnes de condition indépendante, on peut se référer aux revenus figurant dans l’extrait du compte individuel de l’AVS (arrêts 8C_661/2018 du 28 octobre 2019 consid. 3.2.2, 9C_771/2017 du 29 mai 2018 consid. 3.6). En effet, l’art. 25 al. 1 RAI établit un parallèle entre le revenu soumis à cotisation à l’AVS et le revenu à prendre en considération pour l’évaluation de l’invalidité ; le parallèle n’a toutefois pas valeur absolue (arrêt 8C_748/2008 du 10 juin 2009 consid. 5.2.1).

A ce sujet, on rappellera que le revenu réalisé avant l’atteinte à la santé ne pourra pas être considéré comme une donnée fiable, notamment lorsque l’activité antérieure était si courte qu’elle ne saurait constituer une base suffisante pour la détermination du revenu sans invalidité (cf. ATF 135 V 59 consid. 3.4.6 p. 64; arrêt 9C_658/2015 du 9 mai 2016 consid. 5.1.1). Le cas échéant, on pourra se fonder sur le revenu moyen d’entreprises similaires (cf. arrêt 9C_474/2016 du 8 février 2017 consid. 4), ou sur les statistiques de l’ESS (cf. arrêt 9C_111/2009 du 21 juillet 2009 consid. 3.1).

 

En se référant à l’arrêt I 22/06 du 19 janvier 2007, l’office AI soutient que lorsqu’un assuré est atteint dans sa santé peu de temps après le début de son activité indépendante, il convient de se référer à des données statistiques afin d’établir le revenu sans invalidité, car dans un tel cas de figure, les résultats d’exploitation obtenus sur une durée de quelques mois ne permettent pas de fixer de manière fiable le revenu qui aurait pu être réalisé sans atteinte à la santé. A cet égard, les considérants de l’instance cantonale sur le potentiel de développement du marché et de l’entreprise de l’assuré lui paraissent insoutenables et relèveraient de simples affirmations dont il ignore sur quoi elles reposent. Les taxations fiscales, les décisions de cotisations personnelles, le compte individuel ainsi que la comptabilité de l’entreprise ne permettraient pas d’aboutir à de telles conclusions, ni de déterminer le revenu correspondant à l’activité indépendante sans la survenance de l’atteinte à la santé. L’office AI est aussi d’avis qu’il est arbitraire de transformer le revenu global en revenu mensuel puis de le multiplier par douze (pour obtenir le revenu annuel de 170’749 fr. 99), car cette méthode méconnaît le fonctionnement d’une entreprise du bâtiment ; en outre, l’activité indépendante n’a pas été exercée durant seulement six mois, mais sept mois en 2014 selon le compte individuel, voire huit mois d’après les documents émanant de l’assureur-accidents.

 

Les constatations de l’autorité précédente relatives aux revenus inscrits sur le compte individuel de l’assuré pour l’année 2014 sont manifestement inexactes et doivent être rectifiées et complétées d’office. En effet, s’il ressort de l’extrait du compte individuel que des revenus de 85’300 fr. (60’000 + 25’300) afférents à l’activité indépendante ont été portés en compte pour la période courant de juin à décembre 2014, il apparaît aussi qu’un montant de 49’643 fr. a été extourné pour cette activité indépendante en 2014 (cf. ch. 2403 des Directives de l’OFAS concernant le certificat d’assurance et le compte individuel). La soustraction aboutit à un revenu de l’activité indépendante de 35’657 fr. (85’300 – 49’643) pour cette année-là. En comparant ce revenu de 35’657 fr. avec le revenu d’invalide non contesté de 65’699 fr. 56, le droit à la rente serait ainsi d’emblée exclu, même si l’on extrapolait le montant de 35’657 fr. (correspondant à une période de sept mois) sur toute l’année 2014 et que l’on tienne compte ainsi d’un revenu de 61’126 fr. 30 (pour autant que ce procédé fût admissible).

Par ailleurs, aucune donnée fiable ne ressort des comptes d’exploitation et de pertes et profits de l’entreprise de l’assuré qui ont été versés au dossier. Au demeurant, l’assuré avait fait valoir, dans son recours cantonal, que pour pouvoir faire le calcul de son invalidité, « le montant de CHF 14’229.00 déclaré en tant que revenu brut en tant qu’indépendant vaut pour les mois de juin 2014 à janvier 2015. Partant, c’est une moyenne de CHF 1’778.60 par mois ». En pareilles circonstances et compte tenu de la brièveté de cette activité, celle-ci ne saurait constituer une base suffisante pour la détermination du revenu sans invalidité. C’est ainsi à juste titre que l’office AI l’a établi sur la base de données statistiques dont le bien-fondé n’est pas remis en cause en tant que tel.

A cet égard, on remarquera que le revenu sans invalidité de 73’744 fr. 92 retenu par l’office AI est légèrement inférieur à la moyenne des revenus qui ressortent du compte individuel de l’assuré pour les cinq années précédant l’atteinte à la santé (2010: 80’352 fr.; 2011: 83’999 fr.; 2012: 77’094 fr.; 2013: 75’563 fr.; 2014: 60’074 fr.), soit 75’416 fr. 40. Si l’on comparait ce revenu avec le revenu d’invalide de 65’699 fr. 56, le taux d’invalidité serait alors de 13%, de sorte que l’issue du litige serait inchangée.

Vu ce qui précède, le taux d’invalidité de 11% retenu par l’office AI apparaît conforme au droit, de sorte qu’il a nié à juste titre le droit à la rente postérieurement au 31.05.2017.

 

Le TF admet le recours de l’office AI, annule le jugement cantonal et confirme la décision de l’office AI.

 

 

Arrêt 9C_153/2020 consultable ici

 

 

8C_785/2019 (f) du 17.08.2020 – Gain assuré pour l’indemnité journalière LAA – 15 LAA / Assuré n’exerçant pas d’activité lucrative régulière – Salaire moyen équitable par jour – 23 al. 3 OLAA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_785/2019 (f) du 17.08.2020

 

Consultable ici

 

Gain assuré pour l’indemnité journalière LAA / 15 LAA

Assuré n’exerçant pas d’activité lucrative régulière – Salaire moyen équitable par jour / 23 al. 3 OLAA

 

Assuré, né en 1991, engagé depuis le 04.04.2016 en qualité de ferrailleur auprès de l’entreprise B.__ Sàrl (actuellement en liquidation). Par déclaration de sinistre du 26.05.2016, l’employeur a signalé à l’assurance-accidents que le prénommé était tombé le même jour dans un trou sur un chantier et qu’il s’était fracturé le bras droit; son salaire horaire était fixé à 28 fr. l’heure pour une occupation régulière à 100 % (contrat de durée indéterminée) et un horaire de travail de 45 heures par semaine.

Après avoir pris connaissance du contrat de travail et des décomptes de salaire pour les mois d’avril et mai 2016, l’assurance-accidents a informé l’assuré, par courrier du 15.07.2016, qu’elle allouait les prestations légales d’assurances pour les suites de l’accident du 26.05.2016 et que son droit à l’indemnité journalière était de 155 fr. 55 par jour calendaire.

A la suite d’investigations complémentaires, l’assurance-accidents a rendu une décision par laquelle elle a révisé sa décision du 15.07.2016 et a fixé l’indemnité journalière à 53 fr. par jour. En outre, elle a demandé à l’assuré le remboursement de la différence versée à tort, soit un montant de 36’565 fr. 55. Saisie d’une opposition, l’assurance-accidents l’a partiellement admise en ce sens qu’elle a renoncé à la demande de restitution des prestations versées à tort, les conditions pour une révision ou une reconsidération n’étant pas remplies, l’opposition étant pour le surplus rejetée.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/935/2019 – consultable ici)

Comme l’assurance-accidents, les juges cantonaux ont considéré qu’il n’était possible d’établir de façon fiable ni le dernier salaire reçu avant l’accident du 26.05.2016, ni l’horaire effectué par l’assuré durant cette période, vu les contradictions ressortant des différents documents versés au dossier. Procédant à une instruction complémentaire en vue d’établir le gain déterminant, la cour cantonale a notamment auditionné des témoins et a confronté les déclarations de l’assuré respectivement de son employeur avec celles des autres collaborateurs ainsi que de l’administrateur de l’entreprise. Se fondant sur les informations transmises par l’assurance-accidents, elle a constaté que l’employeur avait déclaré le salaire de l’assuré pour le mois d’avril 2016 après l’accident du 26.05.2016, alors qu’il avait déjà communiqué à l’assurance-accidents les données concernant tous ses autres collaborateurs. Quant au salaire du mois de mai 2016, il avait été annoncé le 04.07.2017 seulement, soit plus d’une année après le sinistre et près de neuf mois après la dernière communication des salaires des autres employés pour ce mois-ci. Sur la base de ces éléments, la cour cantonale a conclu qu’il y avait lieu de douter du bien-fondé des déclarations de l’assuré et de son employeur concernant non seulement le montant du salaire horaire convenu, mais également la régularité et l’ampleur de l’activité déployée par l’assuré durant les mois d’avril et mai 2016. En revanche, elle a considéré comme établi, au degré de la vraisemblance prépondérante requis, que l’assuré avait bien déployé une activité pour B.__ Sàrl en 2016, mais irrégulièrement, tout comme il l’avait fait en 2015 pour le compte du même employeur, en rappelant que son salaire avait alors été soumis à de fortes variations (13’727 fr. de janvier à juin 2015 et 10’480 fr. de septembre à décembre 2015 selon l’extrait de son compte individuel). Dans ces conditions, les juges cantonaux ont estimé que l’assurance-accidents était fondée à s’écarter du revenu déclaré par l’employeur au moment du sinistre et à se référer aux salaires mentionnés dans le compte individuel de l’assuré pour l’année 2015.

Par jugement du 10.10.2019, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Par décision sur opposition du 14.07.2017, l’assurance-accidents a renoncé à réclamer à l’assuré la restitution des indemnités journalières versées à tort. Par conséquent, elle avait le droit de corriger ex nunc et pro futuro le montant de celles-ci, sans devoir se fonder sur un motif de révocation (reconsidération ou révision procédurale; arrêt 8C_22/2019 du 24 septembre 2019 consid. 3, non publié aux ATF 146 V 51 mais in: SVR 2020 UV n° 8 p. 23; ATF 133 V 57 consid. 6.8 p. 65).

 

Gain assuré pour l’indemnité journalière LAA

Selon l’art. 15 LAA, les indemnités journalières et les rentes sont calculées d’après le gain assuré (al. 1). Est réputé gain assuré pour le calcul des indemnités journalières le dernier salaire que l’assuré a reçu avant l’accident (art. 15 al. 2, première phrase, LAA), y compris les éléments de salaire non encore perçus et auxquels il a droit (art. 22 al. 3 OLAA).

Conformément à la délégation de l’art. 15 al. 3 LAA, le Conseil fédéral a promulgué des dispositions sur la prise en considération du gain assuré dans des cas spéciaux, notamment pour l’indemnité journalière (art. 23 OLAA). Selon l’art. 23 al. 3 OLAA, lorsque l’assuré n’exerce pas d’activité lucrative régulière ou lorsqu’il reçoit un salaire soumis à de fortes variations, il y a lieu de se fonder sur un salaire moyen équitable par jour.

A l’ATF 139 V 464, le Tribunal fédéral a considéré que le point de savoir si les conditions de l’art. 23 al. 3 OLAA – à savoir les critères de l’activité irrégulière et les fortes variations de salaire – sont réalisées doit être examiné au regard de l’activité effectivement exercée au moment de l’accident, le parcours professionnel antérieur de l’assuré n’étant pas déterminant. Le fait que l’accident soit survenu peu après la prise du travail ne change rien à cet égard (ATF 139 V 464 consid. 4.2 et 4.3 p. 470 s.; 128 V 298 consid. 2b/bb p. 301). En d’autres termes, si l’assuré n’a pas travaillé ou seulement sporadiquement dans le passé, il n’y a pas lieu de conclure à une activité irrégulière au sens de l’art. 23 al. 3 OLAA; c’est l’activité effective au moment de la survenance de l’accident qui doit être irrégulière pour entraîner l’application de l’art. 23 al. 3 OLAA; par ailleurs, la durée effective de l’engagement n’a pas une importance particulière pour calculer le gain assuré déterminant pour les indemnités journalières (ATF 139 V 464 consid. 4.4 p. 471 s.). Si les conditions de l’art. 23 al. 3 OLAA ne sont pas réalisées, le dernier salaire perçu avant l’accident dans les rapports de travail actuels est déterminant pour calculer l’indemnité journalière en vertu de l’art. 15 al. 2 LAA en liaison avec l’art. 22 al. 3 OLAA (ATF 139 V 464 consid. 4.6 p. 472; arrêt 8C_296/2013 du 14 janvier 2014 consid. 5.1).

Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible; la vraisemblance prépondérante suppose que, d’un point de vue objectif, des motifs importants plaident pour l’exactitude d’une allégation, sans que d’autres possibilités revêtent une importance significative ou n’entrent raisonnablement en considération (ATF 144 V 427 consid. 3.2 p. 429; 139 V 176 consid. 5.3 p. 186; 138 V 218 consid. 6 p. 221 s.).

 

Activité lucrative irrégulière – 23 al. 3 OLAA

D’après la déclaration de sinistre, le salaire convenu entre l’assuré et son employeur était de 28 fr. l’heure pour une occupation régulière de 45 heures par semaine. Contrairement aux constatations des juges cantonaux, il n’y a pas lieu de remettre en question ces éléments. Ainsi, même si dans le contrat de travail il est fait mention d’un salaire horaire de 26 fr., il sied de constater que l’employeur a précisé lors de son audition par-devant la cour cantonale qu’il s’agissait « sans doute d’une erreur », le salaire convenu étant de 28 fr. l’heure. En outre, ce salaire horaire se trouve confirmé aussi bien dans les décomptes de salaire pour les mois d’avril et mai 2016 que dans la liste des salariés de l’entreprise B.__ Sàrl. C’est aussi en vain que la cour cantonale, pour remettre en cause le salaire horaire déclaré par l’assuré, s’est référée à la Convention nationale du secteur principal de la construction en Suisse (CN 2016 – 2018, état au 01.06.2017), dans la mesure où n’y figurent que les salaires minimaux (arrêts 8C_141/2016 et 8C_142/2016 du 17 mai 2016 consid. 5.2.2.3). Il en va de même de la comparaison du salaire de l’assuré avec celui des autres ouvriers salariés actifs entre janvier et juillet 2016, dont les conditions d’engagement ne sont pas connues et dont les salaires ne sont donc pas comparables.

S’agissant du point de savoir à quel taux d’activité l’assuré avait travaillé avant la survenance de son accident, la cour cantonale a retenu qu’il aurait déployé une activité irrégulière en 2016, tout comme il l’avait fait en 2015 pour le compte du même employeur, en rappelant que son salaire avait alors été soumis à de fortes variations (13’727 fr. de janvier à juin 2015 et 10’480 fr. de septembre à décembre 2015 selon l’extrait du compte individuel). Or selon la jurisprudence, la question de savoir si les critères de l’activité irrégulière et les fortes variations de salaire au sens de l’art. 23 al. 3 OLAA sont réalisées doit être examinée au regard de l’activité effectivement exercée au moment de l’accident, le parcours professionnel antérieur de l’assuré n’étant pas déterminant. En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que depuis son nouvel engagement auprès de B.__ Sàrl le 04.04.2016, l’assuré a travaillé à un taux d’activité de 100 %. Le fait que son salaire ait été versé en main propre par l’employeur n’y change rien, tout comme le fait que les salaires du mois d’avril et mai 2016 aient été déclarés à la caisse de compensation plus tard que ceux des autres ouvriers. Enfin, quant à la constatation des juges cantonaux selon laquelle les revenus bruts et nets dans les décomptes de salaire relatifs aux mois d’avril et de mai 2016 seraient bien supérieurs à ceux annoncés à la caisse de compensation, il s’avère en effet que seul le salaire de base (28 fr. x 180 heures, soit 5040 fr.) a été déclaré à celle-ci, sans tenir compte des autres indemnités auxquelles l’assuré prétend (vacances payées par l’employeur, 13e salaire, indemnité professionnelle journalière, pause). La question de savoir s’il s’agit d’une erreur de comptabilité, comme le soutient l’assuré, peut rester indécise, dans la mesure où ce point n’est pas déterminant pour trancher la question de savoir si l’assuré exerçait une activité irrégulière ou percevait un salaire soumis à de fortes variations (art. 23 al. 3 OLAA).

Au vu de ce qui précède, il y a lieu de constater que l’activité exercée par l’assuré auprès de B.__ Sàrl ne constituait pas une activité irrégulière au sens de l’art. 23 al. 3 OLAA. C’est par conséquent à tort que l’assurance-accidents et les juges cantonaux ont calculé l’indemnité journalière sur la base d’un salaire moyen équitable par jour, respectivement en se fondant sur le gain réalisé en 2015. L’indemnité journalière doit bien plutôt être fixée conformément à l’art. 15 al. 2 LAA en lien avec l’art. 22 al. 3 OLAA. Cela étant, il appert que seul le salaire de base, soit le montant de 5040 fr., est établi. C’est donc sur cette base que l’indemnité journalière doit être calculée et par conséquent fixée à 132 fr. 55 (5040 fr. x 12 ÷ 365 x 80 %) conformément aux art. 17 al. 1 LAA et 25 al. 1 OLAA.

 

Le TF admet le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_785/2019 consultable ici

 

 

Analyse des passages de l’assurance-invalidité vers l’aide sociale

Analyse des passages de l’assurance-invalidité vers l’aide sociale

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 17.11.2020 consultable ici

 

D’un côté, la priorité accordée par l’AI à la réadaptation a eu l’effet souhaité : 58% des assurés ayant déposé une demande de prestations auprès de l’AI en 2014 exerçaient une activité lucrative et ne touchaient pas de rente AI quatre ans plus tard ; cette proportion n’était que de 50% parmi les personnes qui avaient déposé une telle demande en 2005. D’un autre côté, la proportion de personnes tributaires de l’aide sociale après que l’AI a refusé de leur octroyer une rente est passée de 11,6 à 14,5%. C’est ce que montre une nouvelle étude de l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS). Le développement continu de l’AI renforcera encore le travail de l’AI en faveur de la réadaptation, ce qui devrait réduire le nombre de transferts vers l’aide sociale. La réforme entrera vraisemblablement en vigueur en 2022.

Le travail de réadaptation fourni par l’AI a été considérablement renforcé à l’occasion de la 4e et surtout de la 5e révision de l’AI en 2004 et en 2008, mais aussi lors de la révision 6a en 2012. Un nombre plus élevé d’assurés ont ainsi bénéficié d’un soutien leur permettant de rester à leur poste ou assurant leur nouvelle réadaptation. Jusqu’à présent, il n’était pas possible de déterminer clairement si cet effort avait permis de maintenir durablement la capacité de gain de ces personnes ou s’il avait provoqué un transfert vers d’autres institutions de la sécurité sociale, en particulier vers l’aide sociale.

Afin de pouvoir répondre à ces questions, l’OFAS a constitué au cours des dix dernières années la base de données AS-AI-AC, qui permet d’analyser les passages entre l’aide sociale (AS), l’assurance-invalidité (AI) et l’assurance-chômage (AC). Cette base de données, actuellement gérée par l’Office fédéral de la statistique (OFS), couvre l’ensemble des personnes ayant déposé une demande de prestations auprès de l’AI entre 2005 et 2017. Elle s’étend désormais sur une période suffisamment longue pour rendre possibles des analyses de parcours. Le rapport de recherche « Évolution des passages de l’assurance-invalidité vers l’aide sociale », publié par l’OFAS, représente l’analyse la plus pertinente réalisée à ce jour sur cette base.

 

Davantage de demandes et de modifications de prestations de l’AI

L’étude met d’abord en évidence que le nombre de demandes de prestations déposées auprès de l’AI a augmenté d’environ un tiers entre 2005 et 2017, passant de 43 000 à 57 000. Environ un tiers des personnes ayant déposé une demande se sont vu octroyer des prestations de l’AI dans les quatre années suivantes. La nature des prestations accordées a fondamentalement changé : alors que le nombre de mesures externes de réadaptation a quasiment triplé, passant de 8% des assurés ayant déposé une demande en 2005 à 23% des assurés l’ayant fait en 2014, la part des rentes AI est quant à elle tombée, sur la même période, de 26 à 15%.

 

Davantage de personnes financièrement indépendantes

La part des personnes qui exerçaient une activité lucrative et ne touchaient pas de rente AI quatre ans après avoir déposé une demande de prestations à l’AI est passée de 50 à 58% au cours de la période considérée. Quant à la proportion de personnes tirant d’une activité lucrative un revenu supérieur à 3000 francs leur permettant de subvenir à leurs besoins, elle a progressé de 31 à 38% sur la même période. Davantage de personnes étaient ainsi financièrement indépendantes après avoir déposé une demande de prestations auprès de l’AI. Dans le même temps, la proportion de personnes ne touchant ni rente de l’AI, ni revenu d’une activité lucrative couvrant le minimum vital quatre ans après le dépôt d’une demande a, elle aussi, augmenté. De 40% parmi les assurés ayant déposé leur demande en 2006, elle a légèrement progressé pour atteindre 43% des demandes de prestations déposées en 2013.

 

Augmentation des transferts vers l’aide sociale

Dans de nombreux cas, les mesures de réadaptation de l’AI permettent aux assurés de maintenir ou de retrouver leur capacité de gain. Mais si ces assurés ne remplissent pas les conditions d’octroi d’une rente de l’AI, cela ne veut toutefois pas dire qu’ils retrouveront effectivement une place sur le marché du travail et qu’ils n’auront plus besoin d’aide. L’analyse des données AS-AI-AC met en évidence que de telles situations sont devenues plus fréquentes ces dernières années. Alors que 11,6% des assurés qui avaient déposé une demande AI en 2006 étaient tributaires de l’aide sociale quatre ans plus tard, cette proportion s’élevait à 14,5% en 2017, c’est-à-dire parmi les assurés ayant déposé une telle demande en 2013. Sur la base d’un modèle d’estimation qui élimine les facteurs externes à l’AI, on peut supposer que 5450 personnes touchaient l’aide sociale en 2017 parce qu’elles ne remplissaient plus les conditions d’octroi d’une rente AI, ceci en raison du recentrage sur la réadaptation opéré par les révisions de loi des dernières années. Ce chiffre représente environ 3% des cas d’aide sociale en 2017 ou 1,5% des 360 000 assurés ayant déposé une demande de prestations auprès de l’AI entre 2006 et 2013.

Par ailleurs, quelque 2000 personnes sont devenues tributaires de l’aide sociale au cours de la période considérée après que leur rente a été supprimée par l’AI. Cette situation pourrait toutefois s’expliquer par l’application d’une disposition de la révision 6a de l’AI qui a conduit à la révision de nombreuses rentes AI entre 2012 et 2014. Si c’est le cas, ces transferts de l’AI vers l’aide sociale représentent un phénomène uniquement temporaire. Une future analyse s’appuyant sur un ensemble encore plus large de données AS-AI-AC pourrait clarifier ce point.

 

Importance de l’évolution pour l’AI

Pour l’AI, les résultats de l’analyse montrent deux choses. Tout d’abord, la stratégie consistant à enregistrer le plus tôt possible les assurés confrontés à des problèmes de santé et à mettre en place des mesures ciblées pour maintenir leur poste de travail et leur capacité de gain s’avère juste et efficace. Ensuite, le soutien et les offres de réadaptation doivent être encore mieux conçus et mis en œuvre de façon ciblée pour réinsérer dans la vie active les assurés qui n’exercent pas (ou plus) d’activité lucrative. C’est précisément l’orientation générale adoptée pour le projet de développement continu de l’AI. Ce dernier propose de renforcer et d’étendre les mesures de réadaptation, en accordant une attention particulière aux jeunes assurés et aux assurés souffrant de troubles psychiques.

 

 

Interprétation des résultats et conclusion [extrait du Rapport de recherche OFAS 8/20]

Le nombre de personnes ayant déposé une première demande de prestations AI qui touchent l’aide sociale quatre ans plus tard a augmenté entre 2006 et 2013, tant en chiffres relatifs qu’en chiffres absolus. Du point de vue statistique, cette hausse ne s’explique ni par les changements intervenus dans la composition des demandeurs de prestations AI, ni par l’évolution des taux de chômage cantonaux. Toutes cohortes cumulées (2006-2013), quelque 36 520 personnes touchent l’aide sociale quatre ans après le dépôt de leur demande à l’AI ; on compte entre 3620 (2006) et 5720 (2013) personnes par cohorte. D’après les estimations proposées, environ un cinquième de ces bénéficiaires de l’aide sociale (21,2%, soit 7730 personnes) ne l’auraient pas perçue quatre ans après le dépôt de leur demande de prestations auprès de l’AI si le taux consolidé des rentes octroyées était resté le même qu’en 2006. Le pourcentage (maximal) de transfert calculé sur la base de ces estimations a augmenté au fil du temps : à partir de la cohorte 2009, le nombre estimé de cas de transfert par année est passé de 920 (2009 ; 20,3% de 4530) à 1650 (2013 ; 28,9% de 5720).

Le nombre de passages à l’aide sociale après une suppression de rente a également augmenté entre 2008 et 2015, donc au moins en partie avant l’entrée en vigueur, en 2012, de la 6e révision de l’AI. Statistiquement, cette hausse n’est pas liée aux changements intervenus dans la composition des personnes dont la rente a été supprimée ni à l’évolution du taux de chômage. Parmi les personnes dont la rente AI a été supprimée entre 2008 et 2015, quelque 2700 perçoivent l’aide sociale deux ans plus tard. Ici aussi, on observe une tendance à la hausse au fil des années, avec 240 cas en 2009 et environ 410 en 2015.

Une partie de ces transferts s’explique par le fait que la proportion de personnes qui se voient octroyer une rente AI et n’ont ainsi plus besoin de l’aide sociale est en diminution depuis 2010, comme l’ont montré les analyses réalisées à ce sujet. Faute de données suffisantes sur l’aide sociale datant d’avant 2010, de telles analyses ne sont possibles qu’à partir de cette année-là. L’autre partie du transfert s’explique par la hausse du nombre de nouveaux bénéficiaires de l’aide sociale au terme d’une procédure AI, qui ne peut également être observée qu’à partir de 2010.

Des calculs plus approfondis montrent en outre qu’une part proportionnellement élevée de personnes bénéficiant de l’aide sociale au terme d’une procédure AI continuent à la toucher pendant une longue période. Sur tous les nouveaux demandeurs de prestations AI de la cohorte 2006 qui perçoivent l’aide sociale en 2010, 59% en sont encore bénéficiaires pendant les quatre années suivantes, c’est-à-dire jusqu’en 2014. Pour les cohortes 2007, 2008 et 2009, cette proportion augmente légèrement, jusqu’à 61%. En comparaison, selon les indicateurs de l’aide sociale dans les villes suisses (Initiative des villes 2019, données de 14 villes), 40 à 50% des personnes dont le cas a été clôturé en 2018 ont touché l’aide sociale pendant moins d’un an, et 20 à 30% d’entre elles pendant trois ans ou plus, ces chiffres variant d’une ville à l’autre.

Pour conclure, changeons à présent de perspective pour pouvoir mieux classer les chiffres présentés selon leur signification pour l’aide sociale. Quittons le niveau des cohortes AI et passons à une vue transversale, en considérant les 175 240 unités d’assistance qui ont eu recours à l’aide sociale en 2017 selon la statistique de l’aide sociale. La question examinée est celle de savoir dans combien d’unités d’assistance pour lesquelles l’aide sociale a été perçue en 2017 se trouvent des personnes qui ont déposé une demande de prestations à l’AI entre 2006 et 2013 ou dont la rente a été supprimée entre 2008 et 2015. Du côté de l’AI, l’analyse prend en compte les quelque 279 000 personnes ayant déposé une demande entre 2006 et 2013. Environ 27 710 d’entre elles ont bénéficié de l’aide sociale en 2017, parmi lesquelles 2000 couples en ménage commun dont les deux membres ont déposé une demande auprès de l’AI. Comme l’unité d’assistance constitue l’unité de base de l’aide sociale, ces couples ne doivent être comptés qu’une seule fois ; en supprimant le double comptage des couples, il reste ainsi environ 25 710 bénéficiaires de l’aide sociale ayant déposé une demande auprès de l’AI par le passé. Près de 14,7% des 175 240 unités d’assistance qui ont touché l’aide sociale en 2017 incluaient par conséquent des personnes ayant déposé une demande auprès de l’AI entre 2006 et 2013. Outre ces personnes, on dénombre en 2017 plus de 2000 bénéficiaires de l’aide sociale dont la rente a été supprimée entre 2008 et 2015. Ce chiffre correspond à 1,1% des 175 240 unités d’assistance. Près d’une de ces unités d’assistance sur six (15,8%) correspond ainsi à des personnes soit qui ont déposé une demande de prestations auprès de l’AI auparavant (14,7%), soit dont la rente a été supprimée pendant la période mentionnée (1,1%).

En appliquant le pourcentage moyen de transfert de 21,2%, obtenu par une estimation statistique, aux 25 710 personnes qui, en 2017, touchaient l’aide sociale alors qu’elles avaient précédemment déposé une demande de prestations auprès de l’AI (en comptant les couples comme une seule personne), on arrive à 5450 personnes, soit 3,1% de l’ensemble des dossiers d’aide sociale de l’année 2017. Par ailleurs, si les suppressions de rentes intervenues entre 2008 et 2015 ayant débouché sur une perception de l’aide sociale en 2017 sont toutes assimilées à des transferts de l’AI vers l’aide sociale, soit 1,1% supplémentaires, cela représente, avec le nombre estimé de cas de transfert, un total de 4,2% des dossiers d’aide sociale pour l’année 2017.

 

Développement d’un système d’indicateurs AS-AI-AC

Sur la base des résultats des analyses mettant l’accent sur l’AI et des conclusions qui en ont été tirées, des recommandations générales sont formulées dans un rapport distinct concernant le développement du système AS-AI-AC et la création d’un système d’indicateurs destiné à surveiller la situation dans ce domaine. Ce rapport est disponible en allemand sous forme électronique sur le site de l’Office fédéral des assurances sociales :

https://www.bsv.admin.ch/bsv/home.webcode.html?webcode=D353.E059.de

 

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 17.11.2020 consultable ici

Rapport de recherche OFAS 8/20 « Empfehlungen zur Weiterentwicklung Indikatorensystem « SHIVALV » mit Fokus auf Entwicklung von Übertritten zwischen IV, ALV und Sozialhilfe » consultable ici (rapport en allemand, avec résumé en français, en italien et en anglais).