Loi sur l’égalité entre femmes et hommes : nouvelle étude de la jurisprudence du Tribunal fédéral

Loi sur l’égalité entre femmes et hommes : nouvelle étude de la jurisprudence du Tribunal fédéral

 

Communiqué de presse du Bureau fédéral de l’égalité entre femmes et hommes (BFEG) du 21.01.2021 consultable ici

 

27% des recours déposés auprès du Tribunal fédéral au titre de la loi fédérale sur l’égalité entre femmes et hommes (loi sur l’égalité) sont admis. C’est ce qu’indique une étude commandée par le Bureau fédéral de l’égalité entre femmes et hommes (BFEG). Celle-ci montre aussi que deux tiers des cas portent sur une discrimination salariale et que plus de la moitié des dossiers concernent le secteur de la santé et de l’éducation. L’étude recommande entre autres de poursuivre les recherches sur l’accès à la justice des personnes discriminées dans le cadre de leur emploi.

L’étude a analysé 81 jugements prononcés par le Tribunal fédéral (TF) au titre de la loi sur l’égalité entre 2004 et 2019. Deux tiers des recours portaient sur une discrimination salariale et 40% d’entre eux ont été admis. Ce chiffre est de 29% pour les cas de harcèlement sexuel et de 7% pour les licenciements discriminatoires. Cela ne veut pas dire que la partie recourante obtient alors gain de cause, le Tribunal fédéral renvoyant souvent l’affaire à l’instance précédente pour nouvelle décision.

Plus de la moitié des dossiers traités par le TF concerne des professions de la santé ou de l’éducation, et 63% concernent des rapports de travail de droit public. L’étude n’a pas permis d’établir si les personnes employées dans le cadre de rapports de travail privés évaluent le risque de perdre leur emploi comme étant plus élevé et renoncent ainsi plus souvent à faire appel au TF. L’étude a par ailleurs montré que ce sont le plus souvent des particuliers qui portent leur cas devant le TF, les associations faisant rarement usage de leur droit d’action.

Réalisé sur mandat du BFEG par l’Université de Genève, ce travail vient compléter les connaissances sur la pratique judiciaire relative à la loi sur l’égalité. En 2017, la jurisprudence des tribunaux cantonaux avait fait l’objet d’une analyse analogue.

L’étude propose en conclusion plusieurs recommandations, comme la poursuite des recherches sur l’accès à la justice en cas de discrimination liée au travail, notamment par le renforcement du droit d’action des associations ou la réévaluation de l’allègement du fardeau de la preuve pour les cas de harcèlement sexuel et de discrimination à l’embauche. Pour ce dernier point, cela signifierait que les présumées victimes devraient non pas prouver la discrimination, mais uniquement la rendre vraisemblable. Il s’agit par ailleurs d’améliorer la formation continue des juges, des avocat-e-s et des membres des autorités de conciliation, et de renforcer l’information du grand public quant à la loi sur l’égalité.

Entrée en vigueur en 1996, la loi sur l’égalité interdit toute discrimination fondée sur le sexe dans le monde du travail. L’égalité de fait entre les femmes et les hommes est une priorité du Conseil fédéral, mais aussi de la stratégie nationale en matière d’égalité qui doit être adoptée cette année.

 

Recommandations

Recommandations formulées, ayant pour objectif d’améliorer le fonctionnement de la justice et l’accès à celle-ci en cas de discrimination fondée sur le genre dans la vie professionnelle. Certaines recommandations ont déjà été formulées lors de l’Analyse 2017.

A. Autorités législatives

1. Renforcer le droit d’action des organisations : dans le cadre des travaux visant à améliorer l’exercice collectif des droits en Suisse, examiner les moyens de rendre plus efficace le droit d’action des organisations lors de procès fondés sur la loi sur l’égalité (art. 7 LEg).

2. Alléger le fardeau de la preuve en cas de harcèlement sexuel et de discrimination à l’embauche : réexaminer l’opportunité d’étendre l’allègement du fardeau de la preuve (art. 6 LEg) à tous les cas de discriminations fondés sur le sexe, comme le prévoit le droit de l’Union européenne.

B. Professions juridiques

3. Améliorer la formation des juges, des membres d’autorité de conciliation et du barreau : insérer dans les programmes de formation de base et de formation continue des modules de cours sur la LEg et la CEDEF. Sensibiliser de façon systématique238 le milieu judiciaire aux stéréotypes sexistes, aux violences fondées sur le genre (notamment le harcèlement sexuel) et aux formes croisées de discriminations.

C. Bureaux de l’égalité

4. Sensibiliser aux droits prévus par la LEg : continuer à informer tous les milieux concernés (individus, entreprises, administrations, partenaires sociaux, milieu juridique, etc.) sur les discriminations en raison du sexe dans les relations de travail, les droits prévus par la LEg et les possibilités d’action en justice.

D. Bureau fédéral de l’égalité entre femmes et hommes (BFEG)

5. Mandater une recherche complémentaire sur l’issue des litiges fondés sur la LEg : améliorer les connaissances sur l’issue de la procédure lorsque le Tribunal fédéral a renvoyé l’affaire à une instance cantonale pour nouveau jugement. Organiser une enquête auprès des avocates et avocats ayant porté l’affaire devant le Tribunal fédéral (et dont le nom apparaît au début de l’arrêt) afin de répondre aux questions suivantes : quel a été le sort des prétentions fondées sur la LEg ? Les parties ont-elles fini par conclure un accord extrajudiciaire ?

6. Mieux comprendre la pratique et les attentes du Tribunal fédéral lorsqu’il invite une autorité à se déterminer (art. 102 LTF). Solliciter à cette fin en particulier la Présidence de la Ière Cour de droit social et de la Ière Cour de droit civil.

E. Associations de défense des travailleuses et travailleurs

7. S’approprier le droit d’action prévu par l’art. 7 LEg : se donner les moyens d’utiliser cette action en étudiant de façon approfondie les conditions d’exercice de ce droit, afin de faire constater non seulement des discriminations salariales dans le secteur public, mais aussi d’autres types de discriminations (p. ex. un refus d’embauche ou de promotion), y compris dans le cadre de rapports travail soumis au droit privé.

F. Milieu de la recherche

8. Poursuivre les recherches en matière d’accès à la justice : mener une étude qualitative permettant de mieux cerner le profil des femmes qui portent leur plainte pour discrimination jusqu’au Tribunal fédéral et mettre en évidence les facteurs qui influencent ce choix (p. ex. situation familiale, âge, handicap, ressources financières, situation de crise économique, région linguistique, etc.).

9. Etudier les accords de résiliation conclus suite à une grossesse : effectuer une enquête auprès des barreaux cantonaux, des autorités de conciliation LEg, ainsi que des femmes ayant perdu leur emploi suite à une grossesse afin d’en savoir plus sur la fréquence et le contenu des accords de résiliation en cas de maternité. Collecter un certain nombre d’accords (anonymisés) et analyser dans quelle mesure ces accords contiennent des concessions réciproques.

 

 

Communiqué de presse du Bureau fédéral de l’égalité entre femmes et hommes (BFEG) du 21.01.2021 consultable ici

Rapport de recherche « Analyse de la jurisprudence fédérale relative à la loi sur l’égalité entre femmes et hommes (2004-2019) » disponible ici

 

 

Rapport de recherche « Conseil juridique et protection juridique des personnes touchées par la pauvreté bénéficiant de l’aide sociale »

Rapport de recherche « Conseil juridique et protection juridique des personnes touchées par la pauvreté bénéficiant de l’aide sociale »

 

Rechtsberatung und Rechtsschutz von Armutsbetroffenen in der Sozialhilfe (Rapport 18/20) disponible ici

 

Le rapport de recherche montre que la protection juridique des personnes touchées par la pauvreté bénéficiant de l’aide sociale est parfois lacunaire. Pour y remédier, le rapport propose de mettre en place des mesures juridiques et institutionnelles, et d’améliorer la communication. L’accent est mis tout particulièrement sur le rôle joué par les services de conseil juridique ou de médiation indépendants pour assurer la protection juridique dans l’aide sociale. Le rapport est publié en allemand, avec un résumé en français, en italien et en anglais.

 

La conclusion de l’étude souligne la nécessité d’agir et propose des approches concrètes au niveau du droit, des autorités et des services de conseil.

Au niveau juridique :

  • L’accès à un conseil juridique indépendant est un droit fondamental qui est déjà appliqué dans d’autres domaines (par ex. loi sur l’aide aux victimes). Sa concrétisation devrait passer par l’inscription dans la loi d’un droit à un conseil et à l’information ainsi que par le financement de services de conseil indépendants.
  • En vertu de l’État de droit et du principe de transparence, l’accès aux informations juridiques doit être amélioré.
  • L’assistance judiciaire gratuite, y compris l’assistance d’un conseil juridique, doit être étendue et devrait être accordée plus fréquemment dès la première étape de la procédure (procédure administrative).
  • D’autres adaptations du droit procédural pourraient consister à mener des négociations orales dans les procédures de l’aide sociale, à ne pas fixer de délais inférieurs à 30 jours et à supprimer les frais de procédure.

 

Au niveau des autorités :

  • Les bénéficiaires de l’aide sociale doivent être informés de manière proactive, complète et adaptée de leurs droits et devoirs, de la situation juridique et de leurs possibilités de recours.
  • Les informations des autorités de l’aide sociale devraient être continuellement examinées pour s’assurer qu’elles sont claires, compréhensibles et expurgées des aspects inutilement complexes.
  • Ces informations devraient être actuelles, disponibles en plusieurs langues, faciles d’accès et couvrir l’ensemble de la région concernée.
  • Les autorités de l’aide sociale doivent aider les personnes concernées à clarifier et à faire appliquer leurs droits à l’égard des assurances sociales.
  • En consacrant plus de temps au travail social, les services sociaux pourraient non seulement améliorer la réintégration, mais aussi éviter des conflits. Une professionnalisation plus poussée et, si nécessaire, une régionalisation des services seraient à ce titre bénéfiques.

 

Au niveau des services de conseil :

  • Un renforcement ciblé des ressources et des compétences professionnelles des services de conseil est nécessaire et doit être financé par les pouvoirs publics.
  • Les difficultés d’accès à un conseil indépendant doivent être réduites afin de donner aux groupes les plus vulnérables la possibilité de bénéficier d’un conseil juridique.
  • Les services à bas seuil proposant un conseil juridique général doivent bénéficier d’un soutien optimal dans leur travail de tri.
  • La mise en réseau et l’expertise des services de conseil juridique doivent être renforcées.
  • Enfin, la mise en place de services publics de médiation en dehors des grandes villes est souhaitable.

 

 

Rechtsberatung und Rechtsschutz von Armutsbetroffenen in der Sozialhilfe (Rapport 18/20) disponible ici

 

 

9C_814/2019 (f) du 10.09.2020 – Allocation pour impotent – Condition d’assurance – Séquelles d’une poliomyélite – 6 LAI / Allocation pour impotent en relation avec l’obésité – Atteinte à la santé invalidante au sens de l’art. 4 LAI vs 9 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_814/2019 (f) du 10.09.2020

 

Consultable ici

 

Allocation pour impotent – Condition d’assurance – Séquelles d’une poliomyélite / 6 LAI

Allocation pour impotent en relation avec l’obésité – Atteinte à la santé invalidante au sens de l’art. 4 LAI vs 9 LPGA

 

Assurée, ressortissante étrangère, souffre de séquelles d’une poliomyélite avec atteinte du membre inférieur droit contractée à l’âge de cinq ans. Arrivée en Suisse en février 2004, où l’assurance-invalidité a pris en charge des frais supplémentaires de formation professionnelle initiale, une aide au placement et des frais d’orientation professionnelle. En 2009 et 2013, elle a eu deux enfants.

Le 18.07.2011, l’assurée a déposé une demande d’allocation pour impotent, exposant qu’elle avait besoin de l’aide d’un tiers depuis septembre 2009 pour placer correctement l’orthèse sur sa jambe droite, ainsi que mettre et ôter les vêtements passant par cette jambe. Elle a aussi mentionné le besoin d’aide pour entrer et sortir de la douche depuis 2004. En outre, elle a indiqué avoir besoin d’un accompagnement durable et régulier pour faire face aux nécessités de la vie, soit pour lui permettre de vivre chez elle ainsi que pour les rendez-vous et les contacts hors domicile.

Sur la base des renseignements obtenus, l’office AI a rejeté la demande, par décision du 14.06.2012. En bref, il a considéré que les conditions d’assurance n’étaient pas remplies, car le besoin d’aide dans l’accomplissement de certains actes ordinaires de la vie existait déjà en raison des séquelles d’une poliomyélite au moment où l’assurée était arrivée en Suisse. Cette décision a été annulée par la cour cantonale, qui, par jugement du 18.06.2015 (AI 173/12 – 162/2015), a renvoyé la cause à l’office AI pour instruction complémentaire sur le caractère invalidant de l’obésité pathologique mise en évidence par l’expertise du spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur (jugement confirmé par le TF [9C_593/2015].

Par décision du 06.07.2017, l’office AI a rejeté la demande. En bref, il a retenu que l’excédent de poids n’avait pas provoqué d’atteinte à la santé et n’était pas la conséquence d’un trouble de santé, si bien que l’obésité ne devait pas être considérée comme une atteinte à la santé invalidante au sens de la loi.

 

Procédure cantonale (arrêt AI 275/17 – 348/2019 – consultable ici)

En se référant à son jugement du 18.06.2015, la juridiction cantonale a admis que la condition d’assurance n’était pas réalisée en ce qui concerne le droit à une allocation pour impotent (art. 37 RAI) en relation avec les séquelles de la poliomyélite.

En ce qui concerne le droit à l’allocation pour impotent en relation avec l’obésité, il importe peu qu’elle soit la cause ou la conséquence d’une atteinte à la santé se répercutant sur la capacité de gain, respectivement qu’il s’agisse d’une obésité primaire ou secondaire. Seul est décisif le point de savoir si l’obésité en tant que telle est source d’impotence pour l’accomplissement de trois actes de la vie quotidienne (se vêtir, se baigner/se doucher et se déplacer) ou pour faire face aux nécessités de la vie. Selon l’instance cantonale, l’assurée n’a toutefois besoin ni d’aide ni d’accompagnement du fait de son surpoids, puisque les difficultés qu’elle éprouve sont essentiellement liées à l’interaction entre les séquelles de la poliomyélite – singulièrement le port d’une orthèse – et l’obésité. Sans les séquelles de la poliomyélite, la seule obésité n’engendrerait aucun besoin d’assistance, de sorte que l’assurée n’a pas droit à une allocation pour impotent du fait de son surpoids.

Par jugement du 05.11.2019, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Condition d’assurance – Allocation pour impotent

Selon les constatations de l’autorité cantonale, et comme l’office AI le fait observer en se référant à l’extrait de compte individuel de l’assurée, la première inscription sur le compte en lien avec une période de cotisations date du mois d’août 2005.

Par ailleurs, l’aide invoquée se rapportait surtout aux travaux ménagers et aux déplacements hors domicile, de sorte qu’il n’était pas possible de soutenir que cette aide aurait été nécessitée après l’arrivée de l’assurée en Suisse en 2004. A cet égard, l’affirmation de l’assurée selon laquelle elle aurait vécu de façon indépendante en Suisse de 2005 à 2009 ne suffit pas à mettre en évidence un défaut d’instruction de la part de la juridiction cantonale sur ce point, étant donné qu’elle entre partiellement en contradiction avec les déclarations de l’assurée qui ressortent de sa demande de prestations du 18.07.2011, où elle invoquait déjà ce besoin d’accompagnement « depuis 2004 ».

 

Allocation pour impotent en relation avec l’obésité

En l’espèce, le spécialiste en médecine générale et le spécialiste en chirurgie orthopédique ont tous deux confirmé le caractère de maladie de l’obésité, le premier ayant indiqué qu’elle est pathologique tandis que le second a fait état d’obésité morbide. On se trouve donc en présence d’une atteinte à la santé. Celle-ci est survenue dans les suites du premier accouchement, le 15.01.2009, soit à un moment où la condition d’assurance était remplie (art. 6 al. 2 LAI). L’une des exigences posées à l’art. 9 LPGA pour ouvrir droit à l’allocation pour impotent est ainsi réalisée.

Quant au caractère invalidant de cette atteinte, on rappellera que la notion d’atteinte à la santé prévue à l’art. 9 LPGA correspond à celle de l’invalidité qui figurait à l’art. 42 al. 2 LAI, dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2002 (cf. arrêt I 127/04 du 2 juin 2004 consid. 2.2.1, in SVR 2005 IV n° 4 p. 14), et non à celle qui est retenue pour fixer l’incapacité de gain (cf. art. 7 LPGA). Déjà sous l’empire de l’art. 42 al. 2 aLAI, la notion d’impotence n’était pas limitée aux personnes invalides au sens de l’art. 4 aLAI, à savoir aux assurés qui en raison d’une atteinte à la santé subissaient une diminution de la capacité de gain. Le terme « invalidité » en relation avec l’impotence n’avait déjà à l’époque pas une signification économique, mais celle d’atteinte à la santé ou de handicap physique ou mental (ATF 137 V 351 consid. 4.3 p. 358). Dans ces conditions, on constate que le caractère primaire ou secondaire de l’obésité (à ce sujet, cf. arrêt 9C_49/2019 du 3 mai 2019 consid. 5.3), tel qu’invoqué par l’office AI, ne joue aucun rôle. Il s’agit en définitive uniquement de savoir si l’atteinte à la santé entraîne une perte d’autonomie susceptible de fonder le droit à l’allocation litigieuse (MICHEL VALTERIO, Commentaire de la loi fédérale sur l’assurance-invalidité, 2018, n° 6 ad art. 42 LAI, p. 597).

En ce qui concerne l’incidence de l’obésité sur l’accomplissement des différents actes ordinaires de la vie, le Tribunal cantonal a constaté que pour trois actes (se vêtir, se baigner/se doucher, se déplacer), les difficultés trouvaient leur origine dans les suites de la poliomyélite ; la seule obésité n’entraînait aucun besoin d’assistance au sens de l’art. 9 LPGA.

Il n’y a pas lieu de s’écarter des constatations cantonales relatives à l’origine des difficultés pour accomplir les actes ordinaires de la vie. En tant que l’assurée soutient que l’obésité serait causale dans le besoin invoqué, elle méconnaît que s’il existe une interaction entre l’obésité et les séquelles de la poliomyélite, c’est cette atteinte à la santé – non assurée – qui a provoqué les limitations par rapport aux actes en cause.

En particulier, en relation avec l’acte « se déplacer », le besoin existe indépendamment du surpoids de l’assurée. Il importe donc peu que l’obésité ait aggravé la situation, comme le spécialiste en chirurgie orthopédique l’a attesté en notant que le surpoids entraîne une diminution de la capacité à la marche.

Par ailleurs, l’assurée n’aurait pas besoin d’assistance pour accomplir les autres actes de la vie en cause sans les séquelles de la poliomyélite. A propos de l’acte « se baigner/se doucher », elle ne démontre pas en quoi l’instance précédente aurait violé l’art. 61 let. c LPGA dans la mesure où elle a examiné cet aspect mais n’a pas constaté d’impotence liée à l’obésité. Il ressort des constatations du jugement attaqué que l’assurée dépendait précédemment d’autrui pour se doucher en raison des séquelles de la poliomyélite.

Quant à l’acte « se vêtir », les difficultés éprouvées (singulièrement la fixation de l’orthèse et la mise d’un pantalon) sont aussi liées aux séquelles de la poliomyélite. Le besoin d’aide concerne les suites de cette maladie, sans laquelle le port de l’orthèse n’aurait pas été nécessaire. Pour cet acte également, l’obésité ne crée pas un besoin indépendant des suites de l’atteinte non assurée.

Finalement, en affirmant simplement revendiquer un besoin d’accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie en raison de l’obésité, l’assurée ne met pas en évidence en quoi la juridiction cantonale aurait violé le droit en ne reconnaissant pas que les conditions du besoin étaient réalisées. A cet égard, les premiers juges ont constaté qu’un tel besoin avait été mentionné par l’assurée depuis 2004 déjà et qu’il était en tout état de cause lié aux séquelles de la poliomyélite, sans que l’assurée ne critique ces considérations. Il n’y a donc pas lieu de s’en écarter.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 9C_814/2019 consultable ici

 

 

Lettre d’information de l’OFSP du 08.12.2020 – Informations concernant les conséquences du Brexit sur l’assurance-maladie sociale

Lettre d’information de l’OFSP du 08.12.2020 – Informations concernant les conséquences du Brexit sur l’assurance-maladie sociale

 

Consultable ici

 

La présente lettre a pour objectif de vous informer sur l’avenir des relations entre le Royaume-Uni et la Suisse en ce qui concerne l’assurance-maladie.

 

1. Contexte

Le 20.01.2020, nous vous avons déjà fourni des précisions au sujet de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne (UE) au 31.01.2020. Nous vous avons notamment communiqué que 1’accord entre la Confédération suisse, d’une part, et 1’UE et ses Etats membres, d’autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP) ainsi que le droit européen de coordination des assurances sociales (règlements [CE] n° 883/2004 et n° 987/2009) continuaient à s’appliquer sans changement jusqu’au 31.12.2020.

La Suisse et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord ont conclu, le 25.02.2019, un accord relatif aux droits des citoyens à la suite du retrait du Royaume-Uni de 1’UE et de la fin de l’applicabilité de 1’accord sur la libre circulation des personnes. En outre, le Comité mixte prépare actuellement une décision visant à modifier l’annexe II de I’ALCP relative à la coordination des systèmes de sécurité sociale entre la Suisse et 1’UE. Ces deux actes protègent les droits acquis sous le régime de I’ALCP qui ont un lien avec le Royaume-Uni.

 

2. Maintien des droits acquis

Le maintien des droits acquis signifie que les dispositions du droit européen de coordination des systèmes de sécurité sociale (règlements [CE] n° 883/2004 et n° 987/2009) continueront à s’appliquer aux personnes qui étaient soumises à I’ALCP avant le 01.01.2021, aussi longtemps qu’elles se trouvent dans une situation transfrontalière. Seront notamment protégés les droits qu’ont acquis les ressortissants suisses et britanniques, les citoyens d’un Etat membre de 1’UE, les réfugiés, les apatrides ou les membres de leurs familles dans le cadre d’une situation transfrontalière impliquant la Suisse et le Royaume-Uni. Les droits acquis par les ressortissants britanniques dans une situation transfrontalière entre la Suisse et un Etat membre de 1’UE ou ceux acquis par les ressortissants suisses dans une situation transfrontalière entre un Etat membre de l’UE et le Royaume-Uni seront, eux aussi, protégés. Ainsi, les droits d’un citoyen britannique assuré contre la maladie en Suisse et vivant en Allemagne seront protégés.

 

2.1 Conséquences pour les personnes couvertes par l’assurance-maladie sociale (AMal) en Suisse

Les frontaliers, les bénéficiaires d’une rente suisse ou d’une prestation de l’assurance-chômage suisse ainsi que les travailleurs détachés résidant au Royaume-Uni devront continuer à s’assurer contre la maladie en Suisse. Les attestations A1 et S1 resteront en vigueur, de même que les droits et obligations qui en découlent. Les coûts des traitements médicaux seront couverts par l’entraide en matière de prestations.

Les touristes et les étudiants qui se trouveront au Royaume-Uni le 31.12.2020 continueront à bénéficier des droits fondés sur la carte européenne d’assurance-maladie (CEAM) après cette date, c’est-à-dire qu’ils auront droit à tous les soins médicaux nécessaires sur le plan médical, compte tenu de la nature des prestations requises et de la durée prévue du séjour. Les coûts seront couverts par l’entraide en matière de prestations.

Les assurés qui, avant le 31.12.2020, ont commencé à suivre un traitement programmé au Royaume-Uni sur la base d’une attestation S2 pourront y poursuivre le traitement après cette date et les coûts seront couverts par l’entraide en matière de prestations.

Les règlements (CE) n° 883/2004 et n° 987/2009 continueront à s’appliquer à certaines personnes, même si elles ne se trouvent pas ou plus dans une situation transfrontalière, à condition qu’elles aient le droit de travailler ou de vivre dans l’autre Etat. Lors de séjours au Royaume-Uni, les assurés qui travaillent en Suisse après la fin de leur détachement continueront à bénéficier des droits fondés sur la CEAM. Les coûts des traitements médicaux nécessaires seront alors couverts par l’entraide en matière de prestations. Il en sera de même pour les assurés qui cessent d’exercer une activité lucrative en Suisse et qui continuent à y vivre.

 

2.1 .1 Certificat spécial

Pour suivre un traitement médical au Royaume-Uni, l’assuré ne pourra pas seulement présenter sa CEAM. Il devra se procurer un certificat spécial délivré par l’assureur-maladie suisse et prouvant qu’il bénéficie du maintien des droits acquis. Ce certificat pourra aussi être commandé rétroactivement lorsqu’un assuré nécessite un traitement. Les assureurs-maladie auront l’obligation de délivrer un certificat à la demande de l’assuré. Il devra ressortir de la période de validité inscrite sur ce certificat que les droits ont été acquis avant le 01.01.2021 et qu’ils sont garantis après cette date. À ce stade, nous ne savons pas encore s’il y aura une solution à l’échelle de I’UE. Pour l’instant, le certificat peut être téléchargé sous le site Internet de l’Institution commune : www.kvg.org – Assureurs – Droit de coordination – Documents UE/AELE. Les assureurs maladie y trouveront également des informations sur la manière de l’utiliser. En cas de changement ultérieur, les assureurs seront également informés sous ce site. L’assuré qui demande un tel certificat après Le 31.12.2020 devra pouvoir prouver de manière crédible à l’assureur-maladie qu’il a acquis des droits sous le régime de I’ALCP (le début des études, l’établissement de la résidence, le début des vacances, etc. doivent être antérieurs au 01.01.2021).

 

2.2 Conséquences pour les personnes couvertes par le système de santé publique du Royaume-Uni (National Health Service, NHS)

Tous les cas mentionnés au ch. 2.1 s’appliquent selon la même logique aux personnes couvertes par le NHS qui résident en Suisse ou y séjournent temporairement.

Les attestations A1 et S1 délivrées au Royaume-Uni avant le 01.01.2021 resteront valables. Les traitements programmés en Suisse qui ont commencé sur la base d’une attestation S2 avant le 01.01.2021 pourront y être poursuivis après cette date et les coûts seront couverts par l’entraide en matière de prestations.

Le Royaume-Uni a d’ores et déjà créé deux CEAM spéciales avec son blason, qu’il remettra à ses assurés bénéficiant de droits acquis. Les étudiants du NHS à l’étranger ont leur propre CEAM. Les étudiants ne peuvent utiliser la CEAM pour effectuer les traitements nécessaires que dans le pays où ils étudient. Ce pays est donc indiqué dans la section 6 à la fin du code PIN de la carte d’étudiant. S’ils étudient en Suisse, l’abréviation CH apparaît après le code PIN.

À partir du 01.01.2021, les personnes couvertes par le NHS qui recevront des soins médicaux en Suisse sur la base de la CEAM ne pourront se faire rembourser les coûts des traitements par l’entraide en matière de prestations que si elles disposent de cette carte. L’abréviation CRA (Citizens Rights Agreement) ou CH doit figurer sous le chiffre 6 de la carte.

Les assurés couverts par la NHS qui ne seront pas en possession d’une CEAM spéciale ou d’un certificat provisoire de remplacement ad hoc délivré par la NHS Business Services Authority (NHSBSA) devront être traités par les fournisseurs de prestations suisses de la même façon que les ressortissants de pays tiers. La NHS ne prend pas en charge les coûts des traitements médicaux dispensés à l’étranger. De ce fait, les personnes couvertes par la NHS devront souscrire une couverture d’assurance suffisante ou pouvoir présenter une garantie de prise en charge. Sinon, les fournisseurs de prestations pourront exiger une avance sur les coûts.

 

3. Assurés ne bénéficiant pas de droits acquis

Les règlements (CE) n° 883/2004 et n° 987/2009 ne s’appliqueront plus aux personnes dont la situation transfrontalière aura commencé après le 31.12.2020 (début des vacances ou des études, de l’établissement de résidence, d’un traitement programmé au Royaume-Uni ou en Suisse, etc. ultérieur au 31.12.2020). A partir du 01.01.2021, le droit national respectif sera applicable.

 

3.1 Conséquences

En vertu de 1’art. 3 LAMal, l’obligation de s’assuré en Suisse est liée au domicile. De ce fait, les personnes qui transfèrent leur domicile de la Suisse au Royaume-Uni ne peuvent pas rester assurées en Suisse contre la maladie. À l’inverse, les personnes qui transfèrent leur domicile du Royaume-Uni en Suisse ont l’obligation d’y conclure une assurance-maladie.

Conformément à l’art. 3 OAMal, les frontaliers de nationalité britannique qui exercent une activité lucrative en Suisse et les membres de leur famille sont soumis à l’assurance-maladie suisse sur requête de leur part.

L’art. 4 OAMal concerne les personnes qui sont détachées de Suisse au Royaume-Uni. En vertu de la convention de sécurité sociale de 1968 conclue entre la Suisse et le Royaume-Uni, qui sera probablement de nouveau applicable, la durée du détachement est de deux ans ; les parties contractantes peuvent convenir d’une période plus longue dans un cas particulier. Les personnes détachées qui doivent également s’assurer au Royaume-Uni peuvent présenter une demande d’exemption de l’assurance-maladie obligatoire sur la base de 1’art. 2 al. 2 OAMal. Les personnes détachées du Royaume-Uni peuvent présenter en Suisse une demande d’exemption de l’assurance-maladie obligatoire sur la base de l’art. 2 al. 5 OAMal.

Les touristes et les étudiants suisses qui sont assurés en vertu de la LAMal et qui séjournent temporairement au Royaume-Uni y ont droit à un traitement médical en cas d’urgence. L’assureur-maladie prend en charge les coûts d’un tel traitement jusqu’à concurrence du double du montant qui aurait été payé en Suisse (art. 36 al. 2 et 4 OAMal).

Comme il ressort du ch. 2.2, les personnes couvertes par le NHS qui séjournent temporairement en Suisse doivent être traitées de la même façon que les ressortissants de pays tiers. En cas de traitement médical, les fournisseurs de prestations suisses doivent s’assurer que le patient dispose d’une couverture d’assurance suffisante ou d’une garantie de prise en charge. Sinon, ils peuvent exiger une avance sur les coûts.

 

3.2 Future réglementation

Il est prévu que les relations entre la Suisse et le Royaume-Uni feront à l’avenir l’objet de nouvelles règles de coordination ; les dispositions correspondantes sont en cours de négociation. Nous vous informerons dès que possible à ce sujet.

Les informations les plus récentes sur le Brexit se trouvent sur les pages suivantes du site Internet de l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS).

https://www.bsv.admin.ch/bsv/fr/home/assurances-sociales/int/brexit.html

https://www.bsv.admin.ch/bsv/fr/home/assurances-sociales/int/brexit-sozialversicherungen.html

 

 

Lettre d’information de l’OFSP du 08.12.2020 – Informations concernant les conséquences du Brexit sur l’assurance-maladie sociale consultable ici

 

 

8C_450/2020 (d) du 15.09.2020 – Incapacité de gain pour un assuré seul membre du conseil d’administration et actionnaire unique d’une SA – 16 LPGA / Analyse comptable – Revenu sans invalidité – Revenu d’invalide

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_450/2020 (d) du 15.09.2020

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi.

 

Incapacité de gain pour un assuré seul membre du conseil d’administration et actionnaire unique d’une SA / 16 LPGA

Analyse comptable – Revenu sans invalidité – Revenu d’invalide

 

Assuré, né en 1949, est le seul membre du conseil d’administration et l’unique actionnaire du bureau d’ingénieurs B.__ SA. Il travaille également pour l’entreprise en tant qu’employé. Le 03.11.2012, son index et son majeur droits se sont coincés dans la tondeuse à gazon, sectionnant une partie desdits doigts.

Par courrier du 19.09.2016, l’assurance-accidents a informé l’assuré que, selon un examen médical, aucun autre traitement n’était nécessaire, raison pour laquelle elle a mis fin aux prestations précédentes à compter du 31.10.2016. Par décision du 27.01.2017, confirmée sur opposition le 27.09.2018, l’assurance-accidents a refusé l’octroi d’une rente d’invalidité, motif pris qu’il n’y avait pas d’atteinte significative à la capacité de gain à la suite de l’accident. Toutefois, elle a accordé à l’assuré une IPAI de 7,5%.

 

Procédure cantonale

Le tribunal cantonal a déterminé le revenu sans invalidité sur la base des inscriptions au compte individuel (CI), en prenant la moyenne des cinq dernières années avant l’accident (2007-2011). L’année d’accident 2012 n’a pas été prise en compte, car l’assuré n’avait pas travaillé à 100% cette année-là en raison d’une incapacité totale de travail à partir de la date de l’accident. En outre, lui seul avait pu déterminer quel salaire il réglerait avec la caisse de compensation, de sorte que des considérations ou réflexions de techniques d’assurance ne pouvaient être exclues. En tout état de cause, la raison pour laquelle les documents comptables font apparaître un salaire brut de CHF 106’300 pour 2012, alors qu’un salaire brut de CHF 135’300 avait été enregistré dans le CI, n’est pas claire. Sur la base des inscriptions pour les années 2007 à 2011, la cour cantonale a calculé – en tenant compte de l’évolution nominale des salaires – un revenu de CHF 99’984,32 (valeur 2016). Les juges cantonaux ont également souligné que même si l’on prenait en compte les trois dernières années (CHF 103’984,51) ou même seulement la dernière année avant l’accident (CHF 130’485,75), cela n’entraînerait pas un degré d’invalidité justifiant une rente.

Pour déterminer le revenu d’invalide, le tribunal cantonal a pris en compte les revenus enregistrés au CI pour les années 2013 à 2016, en ajoutant aux revenus individuels les paiements de dividendes dépassant 10% de la valeur fiscale de l’entreprise – par analogie à la « Nidwaldner Praxis » développée dans la jurisprudence sur les cotisations AVS (cf. ATF 134 V 297) – et en indexant les résultats respectifs à l’évolution nominale des salaires jusqu’en 2016. Le revenu d’invalide moyen (2013-2016) est de CHF 156’856,94.

Par jugement du 02.06.2020, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Le tribunal cantonal a considéré que l’assuré était le seul directeur général, le seul membre du conseil d’administration et le seul employé du bureau d’ingénieurs B.__ SA. Il était habilité à disposer du capital de la société et à prendre seul toutes les décisions concernant la société. Par conséquent, bien qu’il soit officiellement un employé de la société anonyme, il est assimilé à un travailleur indépendant au regard de la législation sur la sécurité sociale. Ceci n’est à juste titre remis en cause par aucune partie (voir SVR 2019 UV n° 3 p. 9, 8C_121/2017 consid. 7.1 et les références ; arrêts 8C_202/2019 du 9 mars 2020 consid. 3.3 ; 9C_453/2014 du 17 février 2015 consid. 4.2).

 

Revenu d’invalide

Le revenu d’invalide doit être évalué avant tout en fonction de la situation professionnelle concrète de la personne assurée. Si l’activité exercée après la survenance de l’atteinte à la santé repose sur des rapports de travail particulièrement stables, qu’elle met pleinement en valeur la capacité de travail résiduelle exigible et encore que le gain obtenu correspond au travail effectivement fourni et ne contient pas d’éléments de salaire social, c’est le revenu effectivement réalisé qui doit être pris en compte pour fixer le revenu d’invalide (ATF 143 V 295 consid. 2.2 p. 296 ; 129 V 472 consid. 4.2.1 p. 475 ; 126 V 75 consid. 3b/aa p. 76).

Dans le cas présent, il n’est pas contesté que le revenu d’invalide doit être déterminé sur la base de la situation professionnelle concrète.

Dans la mesure où l’assuré veut considérer, comme étant décisif pour la détermination du revenu d’invalide, uniquement le revenu gagné en 2016 selon l’inscription au compte individuel (CHF 51’036) en ajoutant les indemnités journalières LAA perçues cette année-là (CHF 16’851,25), il faut lui opposer qu’en tant qu’unique actionnaire et unique membre du conseil d’administration de la société, il a une influence déterminante sur la répartition du salaire/part des bénéfices. Par conséquent, la détermination du degré d’invalidité ne peut pas être basée uniquement sur l’extrait du compte individuel (cf. arrêt 8C_346/2012 du 24 août 2012 consid. 4.6). Outre le risque évident que le degré de l’incapacité de gain lui-même puisse être influencé, une telle approche créerait une nette inégalité de traitement par rapport aux travailleurs indépendants (propriétaires d’une entreprise individuelle) qui n’ont pas la possibilité de thésauriser/capitaliser les bénéfices (« Gewinne zu horten ») via des entités juridiques intermédiaires ou de les distribuer sous forme de dividendes. Il n’est donc pas contestable que le tribunal cantonal ait également pris en compte les bénéfices réalisés par le bureau d’ingénieurs B.__ SA pour déterminer le revenu d’invalide, d’autant plus que ceux-ci sont principalement imputables au travail de l’assuré et – compte tenu des circonstances économiques – doivent lui être attribués en tant qu’indépendant de fait. À cet égard, il n’est pas différent du cas d’un assuré non salarié qui est propriétaire d’une entreprise individuelle (cf. SVR 2019 UV n° 3 p. 9, 8C_121/2017 consid. 7.1 et 7.8 et les références ; arrêts 8C_928/2015 du 19 avril 2016 consid. 2.3.4 ; 9C_453/2014 du 17 février 2015 consid. 4.2 ; I 185/02 du 29 janvier 2003 consid. 3.3). Dans la mesure où le grief est dirigé contre la « Nidwaldner Praxis » appliquée par l’instance cantonale, l’assuré passe donc à côté de l’essentiel.

Les documents comptables de l’entreprise B.__ SA montrent qu’après l’accident de l’assuré en 2012, la société a réalisé des bénéfices au cours des années suivantes, de 2013 à 2016, à hauteur de CHF 148’301,85 (2013), CHF 228’086,64 (2014), CHF 168’215,21 (2015) et CHF 154 508,12 (2016). En 2013 et 2014, des montants de CHF 11’500 (2013) et CHF 5’000 (2014) ont été affectés à la réserve légale (voir dans ce contexte l’arrêt I 5/99 du 18 janvier 2000 consid. 3b/bb). En outre, des salaires bruts d’un montant de CHF 111’200 (2013), CHF 98’400 (2014), CHF 98’400 (2015) et CHF 96’868,80 (2016) ont été enregistrés dans les comptes, étant établi que l’entreprise B.__ SA n’emploie aucun autre employé que l’assuré. Même si la totalité du bénéfice de l’entreprise ne pouvait être prise en compte dans le revenu d’invalide, une perte de revenus pertinente due à l’accident en 2012 n’est pas discernable au vu des chiffres susmentionnés.

Il est vrai que les circonstances au moment de la naissance du droit à la rente sont déterminantes et que les revenus à comparer doivent être déterminés sur une base identique (ATF 129 V 222 consid. 4.3.1 p. 224). Toutefois, cela n’exclut pas, dans un cas particulier, de fonder la détermination du revenu d’invalide – de la même manière que pour le revenu sans invalidité (cf. arrêt 9C_651/2019 du 18 février 2020 consid. 6.2) – sur les revenus moyens réalisés pendant une période plus longue (arrêts 8C_228/2020 du 28 mai 2020 consid. 4.1.3 ; 8C_121/2017 du 5 juillet 2018 consid. 7.8 ; 9C_812/2015 du 7 juillet 2016 consid. 5.2 ; 9C_479/2015 du 22 décembre 2015 consid. 4.1).

 

Revenu sans invalidité

Dans son rapport daté du 17 août 2016, l’expert-comptable mandaté par l’assurance-accidents a déclaré que la société d’ingénierie dépendait des prestations de l’assuré. Par conséquent, la baisse de rendement se répercuterait principalement sur les postes du résultat d’exploitation (revenus), du travail fourni par des tiers et des dépenses de personnel. L’analyse a montré une forte augmentation du résultat d’exploitation au cours de l’exercice 2007. Les années suivantes, les résultats d’exploitation avaient encore diminué jusqu’à l’exercice 2010. Une augmentation marquée et ponctuelle a été à nouveau perceptible au cours de l’exercice 2011. Au cours des deux années suivantes, les résultats d’exploitation ont de nouveau diminué de manière constante avant d’augmenter à nouveau au cours de l’exercice 2014. L’expert-comptable a souligné que le résultat d’exploitation de l’exercice 2014 était le deuxième meilleur résultat de la période considérée. Il a également souligné que la société travaillait avec des indépendants pour gérer les pics de travail. Au cours de l’exercice 2014, les dépenses consacrées aux travaux fournis par des tiers ont augmenté à la fois en termes absolus et en proportion des résultats d’exploitation. Cependant, une comparaison sur plusieurs années a montré que les dépenses se situaient dans la fourchette atteinte avant l’accident. L’expert-comptable a conclu qu’aucune perte liée à un accident ne pouvait être déduite des chiffres de l’entreprise.

Selon le Tribunal fédéral, les documents comptables pour les années 2015 et 2016 montrent que des bénéfices élevés ont également été réalisés au cours de ces années – même en tenant compte de l’augmentation de la part des travaux de tiers. Dans le passé, de meilleurs résultats d’exploitation n’ont été obtenus qu’en 2011 et en 2012, année de l’accident. Contrairement aux allégations de l’assuré, une baisse marquée des commandes n’est pas évidente dans les années 2015 et 2016. Ainsi, au cours de ces années, le montant des honoraires se sont élevés à CHF 604’625,50 (2015) et CHF 506’510,50 (2016), ce qui représente une diminution par rapport à l’année la plus fructueuse à ce jour, à savoir 2011. Toutefois, le montant des honoraires est sensiblement plus élevé que celui de 2004 à 2010 et est comparable à celui de 2012 à 2014, de sorte que l’analyse économique/comptable reste tout à fait pertinente pour les questions dont il est question ici.

Ensuite, contrairement à ce qui est indiqué dans le recours, ce n’est pas le résultat opérationnel 1 [« Betriebsergebnis 1 »] (bénéfice brut 1 moins les charges de personnel et d’exploitation) des années 2004 à 2012 qui s’est élevé en moyenne à CHF 393’729,68, mais le bénéfice brut 1 (résultat d’exploitation [« Betriebsertrag »] moins le travail de tiers).

En comparaison, le bénéfice brut 1 moyen pour les années 2013 à 2017 s’élève à CHF 415’381,00. L’assuré n’est pas non plus en mesure de tirer quelque chose en sa faveur de cette comparaison. En outre, il n’y a pas d’éléments concrets indiquant que les travaux effectués avant l’accident n’auraient pas été comptabilisés dans l’exercice concerné. Enfin, l’assuré ne prouve pas que le développement de l’entreprise aurait été économiquement bien meilleur sans les atteintes à la santé.

A l’aune de ce qui précède, c’est à bon droit que la cour cantonale a (également) nié une incapacité de gain liée à l’accident, sur la base de l’analyse des résultats d’exploitation de l’entreprise B.__ SA et au vu des documents comptables des années 2015 et 2016.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_450/2020 consultable ici

Proposition de citation : 8C_450/2020 (d) du 15.09.2020 – Incapacité de gain pour un assuré seul membre du conseil d’administration et actionnaire unique d’une SA, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2021/01/8c_450-2020)

 

Arrêt de la CrEDH du 12.01.2021 Ryser c. Suisse (no 23040/13) – L’assujettissement d’une personne, inapte au service militaire pour des raisons de santé, à une taxe d’exemption est discriminatoire / 8 CEDH – 14 CEDH

Arrêt de la CrEDH du 12.01.2021 Ryser c. Suisse (no 23040/13)

 

Communiqué de presse du Greffier de la Cour consultable ici

Arrêt consultable ici

 

Dans son arrêt de chambre, rendu le 12.01.2021 dans l’affaire Ryser c. Suisse (requête no 23040/13), la Cour européenne des droits de l’homme dit, à la majorité (six voix contre une), qu’il y a eu :

Violation de l’article 14 (interdiction de la discrimination) combiné avec l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) de la Convention européenne des droits de l’homme.

L’affaire concerne l’assujettissement de M. Ryser à la taxe d’exemption de l’obligation de servir, bien qu’il ait été déclaré inapte au service militaire. L’intéressé se plaignait d’une discrimination fondée sur son état de santé.

La Cour juge que M. Ryser a été victime d’un traitement discriminatoire fondée sur son état de santé. Elle note à cet égard que la distinction, notamment entre les personnes inaptes au service et exonérées de la taxe litigieuse et les personnes inaptes au service et néanmoins assujetties à la taxe, n’apparaît pas raisonnable. Elle constate aussi que M. Ryser était nettement désavantagé par rapport aux objecteurs de conscience qui, bien qu’aptes au service, pouvaient effectuer un service de remplacement civil et, ainsi, éviter de payer la taxe litigieuse. Elle précise également que le montant de la taxe, plutôt modeste, n’est pas décisif en soi. Elle rappelle notamment que M. Ryser était étudiant à l’époque des faits.

La Cour prend note des changements apportés à la législation, à la suite de l’arrêt Glor c. Suisse [Glor c. Suisse, no 13444/04, CEDH 2009] : ceux-ci sont toutefois intervenus ultérieurement et ne sont pas applicables au cas de M. Ryser.

 

Principaux faits

Le requérant, Jonas Ryser, est un ressortissant suisse né en 1983.

En octobre 2004, les autorités compétentes déclarèrent M. Ryser inapte au service militaire pour des raisons de santé. À l’exception de deux jours de sélection pour le recrutement, il n’accomplit donc aucun service militaire. En revanche, il fut déclaré apte au service de protection civile.

En février 2010, l’Office de la sécurité civile, du sport et des affaires militaires du canton de Berne astreignit M. Ryser à payer la taxe d’exemption de l’obligation de servir, dont le montant pour l’année 2008 s’élevait à 254,45 francs suisses (CHF).

En mars 2010, M. Ryser forma une opposition contre cette décision et demanda à être exonéré de la taxe. Il soutenait que, son inaptitude au service étant d’ordre médical, il ne pouvait accomplir ni le service militaire ni le service civil de remplacement. L’office rejeta l’opposition formée par le requérant.

En décembre 2011, M. Ryser fut informé qu’il était incorporé dans la réserve de la protection civile et exempté du cours d’initiation. Invoquant en substance les mêmes arguments que dans son opposition, il saisit la Commission cantonale des recours en matière fiscale, mais son recours fut rejeté.

Par la suite, M. Ryser porta l’affaire devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière de droit public. Il demanda au Tribunal fédéral d’annuler les décisions de l’office et de la commission et de dire que la perception de la taxe d’exemption conduisait dans son cas à une discrimination et qu’il devait y être renoncé. En novembre 2012, le Tribunal fédéral rejeta ce recours.

À la suite d’un changement de domicile, M. Ryser fut incorporé dans la réserve de la protection civile de la ville de Berne. Par une lettre du 6 février 2013, il fut informé qu’il ne devait pas a priori accomplir ce service. Le 31 décembre 2013, il fut définitivement libéré du service militaire.

 

Griefs, procédure

Invoquant l’article 14 (interdiction de la discrimination) combiné avec l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale), M. Ryser se disait victime d’une discrimination fondée sur son état de santé.

La requête a été introduite devant la Cour européenne des droits de l’homme le 25 mars 2013.

 

Décision de la Cour

Article 14 (interdiction de la discrimination), combiné avec l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale)

Ryser allègue une violation de l’interdiction de la discrimination fondée sur l’état de santé dans la mesure où il serait, en tant que personne inapte au service militaire et atteinte d’un handicap « mineur », traité différemment des personnes inaptes au service militaire et atteintes d’un handicap « majeur », d’une part, et des personnes aptes au service militaire, d’autre part, ces deux dernières catégories n’étant pas assujetties à la taxe d’exemption de l’obligation de servir. Il ajoute que les personnes aptes au service militaire peuvent effectuer un service de remplacement civil, en tant qu’objecteurs de conscience, pour éviter de payer la taxe, contrairement à lui, qui a été déclaré inapte.

La Cour estime, à l’aune de l’affaire Glor c. Suisse [Glor c. Suisse, no 13444/04, § 80, CEDH 2009], qu’il existe effectivement en l’espèce une différence de traitement entre des personnes placées dans des situations analogues. Elle précise aussi que le champ d’application de l’article 14 englobe l’interdiction de la discrimination fondée sur l’état de santé, critère sur lequel reposait la déclaration d’inaptitude au service militaire.

La Cour rappelle que dans l’affaire Glor, la Cour a pris acte de l’intention du législateur suisse de rétablir une certaine égalité entre les personnes qui effectuaient le service militaire ou le service civil, et celles qui en étaient exemptées. En effet, la taxe litigieuse était censée remplacer les efforts et désagréments liés à l’accomplissement du service militaire. Elle accepte également cette justification en l’espèce.

La Cour considère que, eu égard à la similarité entre l’affaire de M. Ryser et le cas de M. Glor, elle limitera son examen à la question de savoir si les différences factuelles entre les deux affaires, alléguées par le Gouvernement, justifient qu’elle aboutisse à un résultat distinct de celui auquel elle est arrivée dans l’affaire Glor, où elle a conclu à une violation de l’article 14 combiné avec l’article 8.

S’agissant, de l’argument tiré par le Gouvernement de ce que M. Ryser n’aurait pas manifesté de volonté d’effectuer un service militaire, la Cour estime que, puisque M. Ryser a été déclaré inapte pour des raisons médicales, l’existence ou non de pareille volonté n’était pas déterminante lorsque les médecins experts de l’armée ont dit qu’il était inapte à servir.

Le Gouvernement estime aussi que M. Ryser n’a pas démontré qu’il souffrait d’un « handicap » et que son cas diffère considérablement de celui de M. Glor, qui souffrait de diabète. Les parties n’ayant donné aucune précision sur le type d’atteinte à la santé ou à l’intégrité physique de M. Ryser, la Cour ne saurait spéculer à ce sujet. Dès lors, elle n’accepte pas la thèse du Gouvernement selon laquelle la situation de M. Ryser diffère de celle de M. Glor sur ce point.

Pour ce qui est de l’existence de formes de service en alternative à la taxe d’exemption et, en particulier, de la possibilité de réduire le montant de la taxe militaire en se faisant affecter à la protection civile, la Cour observe que, par des lettres du 6 décembre 2011 et du 6 février 2013, M. Ryser a été informé qu’il avait été incorporé dans la réserve de la protection civile et que, dès lors, il ne devait pas a priori accomplir son service. De plus, les parties s’accordent à dire qu’il n’existe aucun droit à effectuer un service civil. Par conséquent, la Cour estime que la possibilité de réduire le montant de la taxe litigieuse est restée purement théorique.

Quant au montant de la taxe, la Cour considère qu’il n’est pas décisif en soi. En effet, même s’il s’agit d’un montant plutôt modeste (254,45 CHF pour l’année 2008), elle rappelle que M. Ryser était étudiant à l’époque des faits. Elle observe aussi que la taxe litigieuse était due tant que l’obligation de servir subsistait, soit généralement à partir de la vingtième année de l’intéressé et jusqu’à la fin de sa trentième année.

Pour finir, la Cour n’arrive pas à cerner, au regard des explications fournies par le Gouvernement et à défaut d’explications sur les raisons pour lesquelles M. Ryser a été déclaré inapte au service militaire, en quoi la manière dont les autorités ont évalué le degré du handicap de ce dernier aurait été différente dans les deux cas.

En conclusion, la Cour est d’avis que la situation de M. Ryser ne se distingue pas suffisamment de l’affaire Glor pour arriver à un résultat différent. Ainsi, la justification objective de la distinction que les autorités internes ont opérée, notamment entre les personnes inaptes au service et exonérées de la taxe litigieuse et les personnes inaptes au service et néanmoins assujetties à la taxe, n’apparaît pas raisonnable. La Cour note également que M. Ryser était nettement désavantagé par rapport aux objecteurs de conscience qui, bien qu’aptes au service, pouvaient effectuer un service de remplacement civil et, ainsi, éviter de payer la taxe litigieuse.

La Cour prend note des changements apportés à la législation à la suite de l’arrêt Glor mais elle observe qu’ils sont intervenus ultérieurement au cas d’espèce et ne sont pas applicables à la situation de M. Ryser.

Ryser a donc été victime d’un traitement discriminatoire et il y a eu violation de l’article 14 de la Convention combiné avec l’article 8.

 

Satisfaction équitable (Article 41)

Ryser n’a pas formulé de demandes valables au titre de la satisfaction équitable dans le délai imparti.

 

Opinion séparée

La juge Keller a exprimé une opinion dissidente dont le texte se trouve joint à l’arrêt.

 

 

Conformément aux dispositions des articles 43 et 44 de la Convention, cet arrêt de chambre n’est pas définitif. Dans un délai de trois mois à compter de la date de son prononcé, toute partie peut demander le renvoi de l’affaire devant la Grande Chambre de la Cour. En pareil cas, un collège de cinq juges détermine si l’affaire mérite plus ample examen. Si tel est le cas, la Grande Chambre se saisira de l’affaire et rendra un arrêt définitif. Si la demande de renvoi est rejetée, l’arrêt de chambre deviendra définitif à la date de ce rejet. Dès qu’un arrêt devient définitif, il est transmis au Comité des Ministres du Conseil de l’Europe qui en surveille l’exécution.

 

 

Communiqué de presse du Greffier de la Cour consultable ici

Arrêt consultable ici

 

 

9C_759/2019 (f) du 31.07.2020 – Nouvelle demande AI après 3 précédents refus – Conditions de la révision – 17 LPGA – 87 al. 2 RAI / Pas de notable modification malgré la modification des limitations fonctionnelles retenues lors du dernier refus – Nature de l’activité adaptée encore exigible aux limitations fonctionnelles serait inchangée

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_759/2019 (f) du 31.07.2020

 

Consultable ici

 

Nouvelle demande AI après 3 précédents refus – Conditions de la révision / 17 LPGA – 87 al. 2 RAI

Pas de notable modification malgré la modification des limitations fonctionnelles retenues lors du dernier refus – Nature de l’activité adaptée encore exigible aux limitations fonctionnelles serait inchangée

Pas de prise en compte du critère de l’âge de l’assurée (proche de l’âge donnant droit à la rente de vieillesse)

 

Assurée, née le 10.09.1956, ayant travaillé en qualité de couturière à l’étranger, ainsi qu’en tant qu’employée de maison et de concierge en Suisse. Les 14.04.2004, 27.03.2009 et 15.10.2010, elle a déposé successivement trois demandes de prestations de l’assurance-invalidité. Celles-ci ont toutes été rejetées par l’office AI, la dernière fois par décision du 04.06.2012 (confirmée par jugement du tribunal cantonal du 20.11.2012).

En juillet 2013, le médecin traitant de l’assurée a annoncé une aggravation de l’état de santé de sa patiente. L’office AI est entré en matière sur cette quatrième demande. L’administration a confié un mandat d’expertise à un spécialiste en chirurgie orthopédique. Dans son rapport du 27.08.2018, ce médecin a conclu à une capacité de travail entière dans une activité adaptée, respectivement de 50% dans l’ancienne activité. Par décision du 04.02.2019, l’office AI a fixé le taux d’invalidité à 34% et rejeté la demande.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/810/2019 – consultable ici)

Les juges cantonaux ont constaté que l’état de santé de l’assurée s’était modifié entre la 3e et la 4e demande de prestations. D’une part, il s’était amélioré s’agissant des atteintes aux épaules, mais d’autre part il s’était aggravé au niveau des membres inférieurs avec l’apparition de gonalgies, lesquelles avaient entraîné des limitations fonctionnelles supplémentaires. L’instance cantonale a aussi constaté que cette évolution de l’état de santé n’avait pas abouti à une modification de la capacité de travail qui s’élevait toujours à 50% dans l’activité habituelle et à 100% dans l’activité adaptée.

Les juges cantonaux se sont ensuite référés à la jurisprudence relative à l’évaluation de l’invalidité d’un assuré proche de l’âge donnant droit à la rente de vieillesse, laquelle prescrit de procéder à une analyse globale de la situation et de se demander si, d’une manière réaliste, l’assuré est encore en mesure de retrouver un emploi sur un marché équilibré du travail (cf. ATF 138 V 457 consid. 3.1 p. 459 et les références; arrêt 9C_899/2015 du 4 mars 2016 consid. 4.3). Dans ce contexte, ils ont considéré que la modification de l’état de santé avait eu une incidence sur la nature de l’activité adaptée encore exigible, laquelle devait épargner non seulement les membres supérieurs mais désormais également les genoux (pas d’activités en position agenouillée ou accroupie, pas de déplacements répétés dans les escaliers). Les juges ont admis que même si l’assurée avait changé d’activité à la suite de l’arrêt du 20.11.2012, un nouveau changement d’activité aurait pu être rendu nécessaire compte tenu des limitations fonctionnelles nécessitées par l’atteinte aux genoux. L’assurée pouvait ainsi invoquer son âge de 62 ans (au moment de l’expertise), considéré comme avancé. Son invalidité devait en conséquence être évaluée en fonction de la capacité de travail résiduelle de 50% dans l’activité habituelle qu’elle exerçait avant la survenance de l’atteinte à la santé, ce qui ouvrait droit à la demi-rente.

Par jugement du 10.09.2019, admission du recours par le tribunal cantonal, annulant la décision et mettant l’assurée au bénéfice d’une demi-rente d’invalidité dès le 01.01.2014, fondée sur un degré d’invalidité de 50%.

 

TF

L’art. 17 al. 1 LPGA n’exige pas une modification notable des circonstances prévalant lors de l’octroi de la rente mais une modification notable du degré d’invalidité. Selon la jurisprudence, le changement de circonstances propre à légitimer la révision des rentes d’invalidité ou des autres prestations durables peut ainsi consister en une modification sensible non seulement d’un état de santé mais aussi des conséquences sur la capacité de gain d’un état de santé inchangé (ATF 141 V 9 consid. 2.3 p. 10; 134 V 131 consid. 3 p. 132; 133 V 545 consid. 6.1 p. 546 et 7.1 p. 548 et les références; arrêt 9C_821/2018 du 4 février 2019 consid. 4.1).

Sous l’angle des conditions de la révision, on constate que le spectre légèrement modifié des limitations fonctionnelles subies par l’assurée par rapport à la situation qui prévalait en 2012, ne constitue pas une modification motivant une révision. En effet, la nature de l’activité adaptée encore exigible aux limitations fonctionnelles serait inchangée. Une telle activité ferait toujours partie des activités simples et répétitives telles que prises en compte dans les statistiques salariales de l’ESS et dont peu d’entre elles s’accomplissent à genoux, accroupi ou entraînent des déplacements répétés dans les escaliers. La capacité de gain (théorique) de l’assurée n’en serait dès lors pas modifiée ni, en conséquence, le degré d’invalidité. A défaut d’une modification notable, le taux d’invalidité n’avait pas à être fixé à nouveau en prenant en compte le critère de l’âge de l’assurée (cf. à ce sujet arrêt 9C_899/2015 précité).

 

Le TF admet le recours de l’office AI, annulant le jugement cantonal et confirmant la décision de l’office AI.

 

 

Arrêt 9C_759/2019 consultable ici

 

 

8C_238/2020 (f) du 07.10.2020 – Indemnité pour atteinte à l’intégrité (IPAI) – 24 LAA – 36 OLAA / Non pris en compte d’une aggravation prévisible de l’atteinte à l’intégrité en raison de l’impossibilité de quantifier l’importance d’une telle aggravation

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_238/2020 (f) du 07.10.2020

 

Consultable ici

 

Indemnité pour atteinte à l’intégrité (IPAI) / 24 LAA – 36 OLAA

Non pris en compte d’une aggravation prévisible de l’atteinte à l’intégrité en raison de l’impossibilité de quantifier l’importance d’une telle aggravation

 

Assuré, engagé comme aide menuisier pour une durée déterminée allant du 15.06.2016 au 15.09.2016, est tombé d’un tracteur dont le conducteur avait perdu la maîtrise le 17.06.2016. La chute a entraîné une fracture distale du fémur droit et a nécessité le jour même une intervention chirurgicale, sous la forme d’une réduction ouverte et d’une fixation interne.

Par décision du 17.08.2018, confirmée sur opposition le 05.10.2018, l’assurance-accidents a alloué à l’assuré une indemnité pour atteinte à l’intégrité fondée sur un taux de 10%. Elle a par ailleurs nié le droit de celui-ci à une rente d’invalidité par décision du 08.10.2018, confirmée sur opposition le 10.12.2018.

 

Procédure cantonale

L’assuré a déféré les deux décisions sur opposition au tribunal cantonal compétent, lequel a joint les causes.

En l’espèce, la juridiction cantonale a confirmé le taux de 10% retenu par l’assurance-accidents sur la base de l’appréciation de son médecin d’arrondissement, spécialiste en chirurgie. En ce qui concernait l’aggravation future de l’arthrose évoquée par le médecin-conseil dans son rapport du 16.08.2018, la cour cantonal a jugé que son importance n’était pas quantifiable, de sorte qu’elle ne pouvait pas déjà être prise en compte dans l’évaluation de l’atteinte.

Par jugement du 04.03.2020, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Selon l’art. 24 al. 1 LAA, l’assuré qui souffre d’une atteinte importante et durable à son intégrité physique, mentale ou psychique par suite d’un accident a droit à une indemnité équitable pour atteinte à l’intégrité. Aux termes de l’art. 36 al. 1 OLAA, une atteinte à l’intégrité est réputée durable lorsqu’il est prévisible qu’elle subsistera avec au moins la même gravité pendant toute la vie ; elle est réputée importante lorsque l’intégrité physique, mentale ou psychique subit, indépendamment de la diminution de la capacité de gain, une altération évidente ou grave. L’indemnité pour atteinte à l’intégrité est calculée selon les directives figurant à l’annexe 3 à l’OLAA (art. 36 al. 2 OLAA). Cette annexe comporte un barème – reconnu conforme à la loi et non exhaustif (ATF 124 V 29 consid. 1b p. 32, 209 consid. 4a/bb p. 210 ; arrêt 8C_451/2009 du 18 août 2010 consid. 3.2) – des lésions fréquentes et caractéristiques, évaluées en pour cent. Pour les atteintes à l’intégrité spéciales ou qui ne figurent pas dans la liste, le barème est appliqué par analogie, compte tenu de la gravité de l’atteinte (ch. 1 al. 2 annexe 3 OLAA). En cas de concours de plusieurs atteintes à l’intégrité, dues à un ou plusieurs accidents, l’indemnité est fixée d’après l’ensemble du dommage (art. 36 al. 3, première phrase, OLAA). Enfin, aux termes de l’art. 36 al. 4 OLAA, il est équitablement tenu compte des aggravations prévisibles de l’atteinte à l’intégrité ; une révision n’est possible qu’en cas exceptionnel, si l’aggravation est importante et n’était pas prévisible. S’il y a lieu de tenir équitablement compte d’une aggravation prévisible de l’atteinte lors de la fixation du taux de l’indemnité, cette règle ne vise toutefois que les aggravations dont la survenance est vraisemblable et – cumulativement (arrêt du TFA U 173/00 du 22 septembre 2000 consid. 2 et la référence) – l’importance quantifiable (arrêt 8C_494/2014 du 11 décembre 2014 consid. 6.2, non publié in ATF 141 V 1). Le taux d’une atteinte à l’intégrité dont l’aggravation est prévisible au sens de l’art. 36 al. 4 OLAA doit être fixé sur la base de constatations médicales (arrêt 8C_459/2008 du 4 février 2009 consid. 2.3, in SVR 2009 UV n° 27 p. 97).

 

Dans l’arrêt 8C_459/2008 du 4 février 2009 cité par l’assuré, le Tribunal fédéral n’a pas considéré de manière générale que l’évolution d’une arthrose serait toujours défavorable de sorte qu’en présence d’une telle atteinte, il conviendrait d’emblée d’admettre la condition du caractère prévisible d’une aggravation future ; il s’est limité dans ce contexte à citer l’avis d’un expert s’étant prononcé dans le cas particulier.

En l’espèce, même en admettant la vraisemblance d’une future aggravation de l’arthrose dont souffre l’assuré, le médecin-conseil n’a pas été en mesure de se prononcer sur son importance, qui doit être fixée sur la base de constatations médicales (arrêt 8C_459/2008 précité consid. 2.3). En effet, interrogé à ce propos, il a répondu que l’évolution et la gravité de l’arthrose post-traumatique ne pouvaient pas être quantifiées. L’assuré ne cite aucune pièce médicale susceptible de mettre en cause l’impossibilité, à ce stade, de quantifier l’importance d’une aggravation. On ajoutera au demeurant qu’à la lecture d’un compte-rendu de consultation orthopédique du 02.10.2017 à la Clinique romande de réadaptation, la prévisibilité d’une aggravation n’apparaît pas forcément vraisemblable. Quoi qu’il en soit, si l’arthrose dont souffre l’assuré fait effectivement l’objet d’une aggravation future d’une certaine ampleur, il lui sera loisible de requérir exceptionnellement la révision du taux de l’indemnité pour atteinte à l’intégrité.

Pour le reste, l’assuré ne démontre pas en quoi les douleurs qu’il allègue mettraient en doute le taux de l’atteinte à l’intégrité de 10% fixé par le médecin d’arrondissement, lequel a retenu le taux maximum prévu pour les cas d’arthrose fémoro-patellaire moyenne selon la table 5.2 « Taux d’atteinte à l’intégrité résultant d’arthroses » publiée par les médecins de la CNA. Dans ces conditions, les juges cantonaux n’avaient pas à instruire davantage la question en demandant une nouvelle évaluation à un médecin externe à l’assurance-accidents.

 

Selon le Tribunal fédéral, au regard des motifs avancés dans le mémoire de recours, celui-ci était d’emblée dénué de chances de succès. L’assistance judiciaire gratuite est refusée ; l’assuré doit par conséquent payer les frais judiciaires et ne peut pas prétendre à la prise en charge des honoraires de son avocat.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_238/2020 consultable ici

 

 

9C_38/2020 (f) du 20.10.2020 – Prestations complémentaires – Délai de carence de 10 ans précédant la demande pour les étrangers – 5 al. 1 LPC (dans sa teneur en vigueur jusqu’au 30.06.2018) / Compte comme temps de résidence en Suisse la période durant laquelle l’étranger était au bénéfice d’un permis de séjour valable

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_38/2020 (f) du 20.10.2020

 

Consultable ici

 

Prestations complémentaires – Délai de carence de 10 ans précédant la demande pour les étrangers / 5 al. 1 LPC (dans sa teneur en vigueur jusqu’au 30.06.2018)

Compte comme temps de résidence en Suisse la période durant laquelle l’étranger était au bénéfice d’un permis de séjour valable

 

Par décision, confirmée sur opposition, le service cantonal des prestations complémentaires a rejeté la demande de prestations complémentaires à l’assurance-invalidité que l’assurée avait présentée le 29.06.2018, au motif que la prénommée, ressortissante du Brésil, ne remplissait pas la condition de la durée de séjour ininterrompu de dix ans en Suisse, ledit séjour ayant débuté le 24.06.2010.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/1053/2019 – consultable ici)

La juridiction cantonale a indiqué que selon l’art. 5 al. 1 LPC, dans sa teneur en vigueur jusqu’au 30 juin 2018, les étrangers doivent avoir résidé en Suisse de manière ininterrompue pendant les dix années précédant immédiatement la date à laquelle ils demandent la prestation complémentaire (délai de carence). A cet égard, en se référant à la jurisprudence (cf. arrêt 9C_423/2013 du 26 août 2014 consid. 4.2 et 4.3), la cour cantonale a aussi rappelé que ne pouvait compter comme temps de résidence en Suisse que la période durant laquelle l’étranger requérant des prestations complémentaires était au bénéfice d’un permis de séjour valable.

Pour les juges cantonaux, si l’assurée avait rendu vraisemblable sa résidence en Suisse depuis plus de dix ans au moment de sa demande de prestations complémentaires, il était toutefois établi qu’elle n’était pas au bénéfice d’un titre de séjour pendant toute la durée de carence de dix ans, de sorte que les conditions d’octroi des prestations complémentaires n’étaient pas remplies. La juridiction cantonale a aussi rappelé que la jurisprudence rendue en matière d’assurance-invalidité (cf. ATF 118 V 79), dans l’éventualité où une personne séjournant illégalement en Suisse avait cotisé en raison de l’exercice d’une activité lucrative, ne s’appliquait pas au cas d’espèce.

Par jugement du 13.11.2019, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

L’assurée ne conteste pas le bien-fondé des constatations de fait de l’autorité cantonale, singulièrement le fait qu’elle n’était pas au bénéfice d’un titre de séjour pendant toute la période de carence de dix ans précédant sa demande du 29.06.2018. L’assurée affirme qu’elle est néanmoins en mesure de prouver sa présence à Genève depuis 2005 et soutient derechef – en mentionnant les art. 4 al. 1 let. c et 5 al. 1 et 2 LPC (sous-entendu : dans leur teneur en vigueur jusqu’au 30 juin 2018) – que l’obligation d’un titre de séjour ne figure pas dans la loi. Elle fait valoir qu’elle devrait bénéficier du délai de cinq ans prévu à l’art. 5 al. 2 LPC, compte tenu de son permis F.

L’assurée n’est pas ressortissante d’un Etat partie à l’ALCP. Il s’ensuit que le délai de carence de dix ans prévu à l’art. 5 al. 1 LPC (dans sa teneur en vigueur jusqu’au 30 juin 2018) peut lui être opposé sans que cela constitue une discrimination directe prohibée par l’ALCP (cf. ATF 133 V 265 consid. 5.3 p. 272 avec les références ; arrêt 9C_885/2018 du 16 août 2019 consid. 4.3). Par ailleurs, ce délai ne saurait être réduit à cinq ans comme elle semble le penser en invoquant l’art. 5 al. 2 LPC, car elle n’est ni réfugiée ni apatride, mais a séjourné en Suisse au bénéfice d’une admission provisoire (permis F : art. 83 LEI, RS 142.20) à compter du 24.06.2010.

En ce qui concerne la condition de l’existence d’un séjour légal en Suisse pour fixer le début du délai de carence, il est vrai qu’elle ne figurait pas dans la législation en vigueur jusqu’au 30 juin 2018, applicable au cas d’espèce dès lors que la demande de prestations a été déposée le 29.06.2018 (ATF 130 V 445 consid. 1.2.1 p. 447 ; 129 V 1 consid. 1.2 p. 4). L’assurée oublie toutefois que cette exigence découlait de la jurisprudence rappelée par l’instance cantonale (cf. arrêt 9C_423/2013 du 26 août 2014 consid. 4.2 et 4.3, citant notamment les arrêts ATFA 1962 p. 26 et P 42/90 du 8 janvier 1992 ; voir aussi MICHEL VALTERIO, Commentaire de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI, ch. 2 ad art. 5 LPC). Elle n’invoque aucun motif qui pourrait conduire le Tribunal fédéral à revenir sur cette pratique, qui figure désormais dans la loi s’agissant des prestations complémentaires de droit fédéral (cf. art. 5 al. 1 LPC, dans sa teneur en vigueur à partir du 1er juillet 2018).

Si l’existence d’une résidence à Genève depuis plus de dix ans au moment du dépôt de la demande du 29.06.2018 a été reconnue par la juridiction cantonale (consid. 6 p. 7 du jugement attaqué), elle résultait à l’origine d’un séjour non autorisé et ne saurait donc être intégralement prise en considération. Comme un séjour légal n’a existé qu’à partir du 24.06.2010 (voir la date mentionnée comme jour d’entrée en Suisse sur le permis F), la condition de la durée de résidence de dix ans n’était pas remplie au moment de la décision sur opposition du 23.08.2018, dont la date fixe le pouvoir d’examen des autorités judiciaires (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 p. 213).

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 9C_38/2020 consultable ici

 

 

9C_615/2019 (d) du 03.09.2020, destiné à la publication – La rente d’invalidité pour enfant de la prévoyance professionnelle ne peut être versée directement à l’enfant majeur sans l’accord du parent ayant droit à la rente – 25 LPP

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_615/2019 (d) du 03.09.2020, publié aux ATF 147 V 2

 

Arrêt 9C_615/2019 consultable ici

ATF 147 V 2 consultable ici

Résumé par l’OFAS in Bulletin de la prévoyance professionnelle n° 154 du 18.12.2020 (ch. 1056)

 

La rente d’invalidité pour enfant de la prévoyance professionnelle ne peut être versée directement à l’enfant majeur sans l’accord du parent ayant droit à la rente / 25 LPP

 

Le TF devait vérifier s’il était permis de verser directement à un enfant majeur encore en formation une rente d’invalidité pour enfant de la prévoyance professionnelle. En l’espèce, l’instance inférieure avait estimé que le versement direct à la fille majeure était possible, même s’il manquait l’accord de la mère assurée. L’instance inférieure avait alors appliqué par analogie l’art. 71ter, al. 3, RAVS, car, en matière de prévoyance professionnelle, il n’existe pas de disposition de loi ou d’ordonnance autorisant expressément un tel versement en mains de tiers.

Dans le présent arrêt, le TF a refusé l’application par analogie de l’art. 71ter, al. 3, RAVS dans la prévoyance professionnelle. Il a considéré que le législateur, en adoptant la formulation de l’art 25 LPP, était conscient que le droit à une rente pour enfant appartient à la personne assurée au 2e pilier et que la rente pour enfant doit donc en principe être versée au parent ayant droit à la rente. Ainsi, s’il manque dans la prévoyance professionnelle l’une des modalités de paiement prévues dans le 1er pilier au niveau législatif ou réglementaire, il ne s’agit pas, selon cet arrêt, d’une lacune qui peut être comblée par un tribunal au moyen d’une application par analogie de l’art. 71ter , al. 3, RAVS (voir consid. 4.4.2). Compte tenu de ce qui précède, le TF parvient à la conclusion que la rente d’invalidité pour enfant ne peut pas être versée à la fille majeure sans l’accord de la mère assurée. Le TF estime que ce type de versement en mains de tiers à un enfant majeur encore en formation requiert le consentement du parent ayant droit à la rente.

 

 

Arrêt 9C_615/2019 consultable ici

ATF 147 V 2 consultable ici