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8C_416/2019 (f) du 15.07.2020 – Causalité naturelle – Syndrome douloureux régional complexe (SDRC ; CRPS) – Algodystrophie / Rappel des critères de Budapest / Temps de latence entre l’événement accidentel et l’apparition du SDRC

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_416/2019 (f) du 15.07.2020

 

Consultable ici

NB : cet arrêt, non destiné à la publication, est détaillé, avec de nombreuses références tant médicales que jurisprudentielles. Il s’agit – à notre connaissance – de l’arrêt le plus précis au sujet de la causalité lors d’un SDRC. L’arrêt rappel, à juste titre, qu’un SDRC doit être posé selon les critères de Budapest.

 

Causalité naturelle – Syndrome douloureux régional complexe (SDRC ; CRPS) – Algodystrophie / 6 LAA

Rappel des critères de Budapest

Temps de latence entre l’événement accidentel et l’apparition du SDRC

 

Assurée, née en 1982, infirmière à temps partiel, victime d’un accident le 19.03.2015 : alors que l’assurée se trouvait au guichet d’un office postal, la vitre automatique s’est soudainement abaissée, la blessant à la main droite. Incapacité de travail à 100% du 19.03.2015 au 17.05.2015 puis 70% (capacité de 50% de son 60%) dès le 18.05.2015 et 0% dès le 30.07.2015.

IRM du poignet droit le 24.04.2015 qui était dans les limites de la norme. Rapport du 04.05.2015 émanant d’un service de chirurgie plastique et de la main, l’assurée présentait une entorse MCP D2 D avec réaction sudeckoïde. Au status, il n’y avait pas de tuméfaction, pas d’hypersudation, pas de changement de couleur. La mobilité du poignet et des doigts était bonne. L’assurée souffrait de douleurs à la palpation de tous les espaces intermétacarpiens au premier tiers moyen de la main droite. Elle s’était en outre plainte d’un manque de force au niveau de D2. Consilium neurologique effectué en juin 2015 était rigoureusement physiologique au niveau du membre supérieur droit. Il n’y avait par ailleurs aucun élément évocateur d’une souffrance d’origine radiculaire ou plexulaire. Scintigraphie osseuse trois phases réalisée le 30.09.2015 dans la norme, sans foyer d’hyperactivité pouvant expliquer la symptomatologie de la patiente.

Dans sa décision du 25.02.2016, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a mis fin à l’octroi de ses prestations avec effet au 30.09.2015, en se fondant essentiellement sur le point de vue de son médecin-conseil, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur. Ce dernier a considéré qu’aucune pathologie organique telle qu’une séquelle de fracture ou de luxation, ou une lésion tendineuse d’envergure, susceptible d’expliquer les douleurs durables, n’avait été objectivée à l’aide des examens effectués (IRM, scintigraphie osseuse, examen neurologique). Il a nié tout lien de causalité entre l’accident et la maladie de Sudeck entre-temps diagnostiquée, au motif que celle-ci était apparue dix-huit-mois après l’accident, précisant qu’une algodystrophie pouvait survenir de manière spontanée. Il a en outre expliqué qu’un délai de six mois dès l’accident était largement suffisant pour déceler un Sudeck précoce à l’aide d’une scintigraphie. Or la scintigraphie réalisée en septembre 2015 n’avait révélé aucun signe de cette maladie. Enfin, il a relevé que l’examen neurologique réalisé en juin 2015 avait permis d’exclure des troubles au niveau des sensations et de la sensibilité au niveau des mains et des poignets.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 69/16 – 62/2019 – consultable ici)

Expertise médicale mise en œuvre. Au plan diagnostique, les experts ont considéré que les douleurs persistantes intenses malgré un traitement antalgique, apparues à la suite d’un traumatisme par écrasement et après exclusion d’autres diagnostics à l’imagerie, laissaient suspecter un syndrome douloureux régional complexe (SDRC), aussi appelé syndrome ou maladie de Sudeck, algoneurodystrophie ou algodystrophie. Si les signes cliniques du SDRC étaient certes apparus tardivement, des symptômes sensitif et moteur survenant dans le SDRC étaient évoqués en juin 2015 lors du consilium neurologique. En outre, l’introduction d’un traitement par vitamine C en août 2015, utilisé habituellement pour réduire l’incidence de SDRC après les fractures de poignet, suggérait qu’un SDRC était suspecté. Sur la question du lien de causalité, les experts judiciaires ont retenu qu’il existait un lien de causalité certain entre l’événement accidentel du 19.03.2015 et le SDRC, au motif notamment que les douleurs étaient apparues immédiatement après le traumatisme, qu’elles avaient persisté sans interruption, que les examens complémentaires mis en œuvre avaient permis d’exclure une autre cause et qu’un traumatisme par écrasement était décrit comme facteur de risque d’un SDRC.

Par jugement du 09.05.2019, admission du recours par le tribunal cantonal et réformation de la décision en ce sens que l’assurance-accidents est tenue de prendre en charge au-delà du 30.09.2015 les suites de l’événement accidentel survenu le 19 mars 2015.

 

TF

Syndrome douloureux régional complexe (SDRC ; CRPS)

Le syndrome douloureux régional complexe (ou complex regional pain syndrome [CRPS]), anciennement nommé algodystrophie ou maladie de Sudeck, a été retenu en 1994 par un groupe de travail de l’International Association for the Study of Pain (IASP). Il constitue une entité associant la douleur à un ensemble de symptômes et de signes non spécifiques qui, une fois assemblés, fondent un diagnostic précis (DR F. LUTHI/DR P.-A. BUCHARD/A. CARDENAS/C. FAVRE/DR M. FÉDOU/M. FOLI/DR J. SAVOY/DR J.-L TURLAN/DR M. KONZELMANN, Syndrome douloureux régional complexe, in Revue médicale suisse 2019, p. 495). L’IASP a aussi réalisé un consensus diagnostique aussi complet que possible avec la validation, en 2010, des critères dits de Budapest, à savoir:

1) Douleur qui persiste et apparaît disproportionnée avec l’événement initial

2) Au moins un symptôme dans trois (critères cliniques) ou quatre (critères recherche) des quatre catégories suivantes:

a) Sensoriel: le patient décrit une douleur qui évoque une hyperpathie et/ou une allodynie

b) Vasomoteur: le patient décrit une asymétrie de température et/ou un changement de couleur et/ou une asymétrie de couleur

c) Sudomoteur/œdème: le patient décrit un œdème et/ou une asymétrie de sudation

d) Moteur/trophique: le patient décrit une raideur et/ou une dysfonction motrice (faiblesse, trémor, dystonie) et/ou un changement trophique (pilosité, ongles, peau).

3) Au moins un signe dans deux des catégories suivantes (critères cliniques et recherche) :

a) Sensoriel: confirmation d’une hyperpathie et/ou allodynie

b) Vasomoteur: confirmation d’une asymétrie de température et/ou changement de couleur et/ou asymétrie de couleur

c) Sudomoteur/oedème: confirmation d’un œdème et/ou asymétrie de sudation

d) Moteur/trophique: confirmation d’une raideur et/ou dysfonction motrice (faiblesse, trémor, dystonie) et/ou changement trophique (pilosité, ongles, peau)

4) Il n’existe pas d’autre diagnostic qui explique de manière plus convaincante les symptômes et les signes cliniques

Les critères ci-dessus sont exclusivement cliniques et ne laissent que peu de place aux examens radiologiques (radiographie, scintigraphie, IRM). L’utilisation de l’imagerie fait l’objet d’une controverse dans le milieu médical, mais garde un rôle notamment dans la recherche de diagnostics différentiels, ou lorsque les signes cliniques sont discrets ou incomplets ainsi que dans certaines formes atypiques (DRS K. DISERENS/P. VUADENS/PR JOSEPH GHIKAIN, Syndrome douloureux régional complexe: rôle du système nerveux central et implications pour la prise en charge, in Revue médicale suisse 2020, p. 886; F. LUTHI/M. KONZELMANN, Le syndrome douloureux régional complexe [algodystrophie] sous toutes ses formes, in Revue médicale suisse 2014, p. 271).

En pratique,

  • si les critères 1 à 3 sont remplis et que le critère 4 est respecté, on doit considérer que le patient souffre d’un SDRC; toutefois la valeur prédictive positive n’est que de 76%.
  • si les critères sont partiellement remplis, il faut poursuivre le diagnostic différentiel et réévaluer le patient.
  • si les critères ne sont pas remplis, le patient a une probabilité quasi nulle d’avoir un SDRC (DR F. LUTHI/DR P.-A. BUCHARD/A. CARDENAS/C. FAVRE/DR M. FÉDOU/M. FOLI/DR J. SAVOY/DR J.-L TURLAN/DR M. KONZELMANN, op. cit., p. 498).

Le SDRC est quatre fois plus fréquent chez la femme, le plus souvent au membre supérieur, avec une prédominance entre 50 et 70 ans. L’introduction des critères de Budapest a réduit de 50% les diagnostics de SDRC (DRS K. DISERENS/P. VUADENS/PR JOSEPH GHIKAIN, op. cit., p. 885 s.).

 

Causalité naturelle et algodystrophie (SDRC/CRPS)

S’agissant de l’admission d’un lien de causalité entre un accident et une algodystrophie, le Tribunal fédéral a considéré, dans un arrêt 8C_384/2009 du 5 janvier 2010, que trois conditions cumulatives devaient être remplies: 1° la preuve d’une lésion physique après un accident (p. ex. un hématome ou une enflure) ou l’apparition d’une algodystrophie à la suite d’une opération nécessitée par l’accident; 2° l’absence d’un autre facteur causal de nature non traumatique (p. ex. état après un infarctus du myocarde, après une apoplexie, etc.); 3° une courte période de latence entre l’accident et l’apparition de l’algodystrophie (au maximum six à huit semaines). Dans l’arrêt en question, le Tribunal fédéral a nié l’existence d’un rapport de causalité naturelle avec une probabilité prépondérante entre un accident et un SDRC, dès lors que le délai de latence entre l’accident et l’apparition du SDRC était supérieur à une année. Pour arriver à cette conclusion, le Tribunal fédéral s’est fondé sur un article médical (B. KIENER ET R. KISSLING, Expertise et algodystrophie) paru en 1998 dans une brochure sur le SDRC (Algodystrophie, éditeurs E. BÄR/M. FELDER/B. KIENER) publiée par la Caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accidents (CNA) et Novartis.

Depuis lors, grâce aux recherches scientifiques entreprises, de nouvelles et importantes connaissances sur la physiopathologie du SDRC ont pu être acquises, lesquelles ont motivé un remaniement complet de la brochure en question qui a été actualisée et rééditée sous le titre « SDRC Syndrome douloureux régional complexe » (W.JÄNIG/R. SCHAUMANN/W.VOGT [éditeurs]) en 2013. Dans un article paru dans ladite brochure, ses auteurs expliquent que la question de la causalité doit être résolue en étudiant en particulier l’évolution en fonction du temps et en prenant en compte les critères de Budapest ainsi que d’autres facteurs ayant marqué significativement le décours. Selon ces auteurs, ce n’est qu’une fois que l’expert a posé un diagnostic de SDRC qu’il faut, s’agissant de la causalité accidentelle, démontrer qu’une lésion corporelle de l’extrémité concernée s’est bien produite ; si tel est le cas, se pose alors la question de savoir si le SDRC est apparu durant la période de latence correspondante de six à huit semaines (R. SCHAUMANN/W. VOGT/F. BRUNNER, Expertise, in: SDRC Syndrome douloureux régional complexe, 2013, p. 130 s.). Cette période de latence de six à huit semaines ne constitue qu’une valeur empirique et ne fait nullement l’objet d’un consensus médical. Au demeurant, elle a été proposée en 1998, soit avant que les critères diagnostiques du SDRC aient été établis. On ne saurait dès lors établir, sur le plan juridique, une règle absolue quant au délai dans lequel les symptômes du SDRC devraient se manifester.

Dans un arrêt 8C_177/2016 du 22 juin 2016, le Tribunal fédéral a du reste précisé, s’agissant du temps de latence entre l’événement accidentel et l’apparition du SDRC, qu’il n’est pas nécessaire qu’un SDRC ait été diagnostiqué dans les six à huit semaines après l’accident pour admettre son caractère causal avec l’événement accidentel; il est en revanche déterminant qu’on puisse conclure, en se fondant sur les constats médicaux effectués en temps réel, que la personne concernée a présenté, au moins partiellement, des symptômes typiques du SDRC durant la période de latence de six à huit semaines après l’accident (voir aussi arrêts 8C_27/2019 du 20 août 2019 consid. 6.4.2; 8C_123/2018 du 18 septembre 2018 consid. 4.1.2; 8C_673/2017 du 27 mars 2018 consid. 5 et les références citées).

Dans l’arrêt 8C_177/2016 précité, l’assurée avait annoncé le 01.11.2012 un accident (chute sur les mains et blessure à l’annulaire droit) survenu le 25.10.2011. Le premier rapport médical au dossier datait du 12.12.2012, soit plus d’une année après l’accident, et arrivait à la conclusion qu’il n’existait pas d’explication pour les douleurs persistantes de l’assurée et qu’il manquait des indices cliniques pour poser le diagnostic de SDRC. Nonobstant cela, l’assureur avait versé des indemnités journalières jusqu’au 30.06.2013 et pris en charge le traitement médical au-delà de cette date. Tant la juridiction cantonale que le Tribunal fédéral saisi par l’assureur-accidents ont admis l’existence d’un lien de causalité naturelle entre l’événement accidentel du 25.10.2011 et le diagnostic de SDRC posé pour la première fois par des experts médicaux le 28.11.2013, soit plus de deux ans après l’événement déclenchant; ils ont admis que les symptômes du SDRC avaient bel et bien dû exister avant la pose du diagnostic, car on ne pouvait pas expliquer autrement l’incapacité de travail de longue durée attestée médicalement dans l’activité habituelle.

 

En l’espèce, l’assurée a présenté une incapacité de travail totale dans son activité habituelle dès le jour de l’accident, ce qui laisse supposer qu’elle souffrait d’une atteinte dont l’élément déclenchant était, avec une haute vraisemblance, l’accident assuré. Elle a en outre présenté des symptômes au niveau de sa main droite au cours des premières semaines ayant suivi l’accident (fortes douleurs persistantes, manque de force au niveau de D2). Lors du consilium, le neurologue a constaté que l’assurée avait l’impression d’avoir moins de sensibilité et moins de force au niveau de sa main droite. Il s’agit là de symptômes sur un plan sensoriel et moteur qui ne sauraient purement et simplement être ignorés, d’autant moins qu’ils font partie des symptômes cliniques typiques du SDRC à propos desquels il existe un consensus médical.

Quant à l’examen de scintigraphie osseuse qui s’est révélé dans la norme en septembre 2015, il ne permet pas d’exclure un SDRC d’apparition tardive. En effet, même si les constatations faites lors de la pratique d’examens paracliniques (radiographies, scintigraphie, IRM) sont normales, on ne peut pas pour autant exclure formellement un SDRC (O. ROMMEL/C. MAIHÖFNER, Aspects cliniques du SDRC, in: SDRC Syndrome douloureux régional complexe, 2013, p. 78). Par conséquent, la négativité de la scintigraphie réalisée en septembre 2015 ne permettait pas d’exclure le développement en cours d’un syndrome de Sudeck, suggéré par le tableau clinique lui-même.

Par ailleurs, l’assurée s’est plainte de façon continue de douleurs au site du traumatisme. Un spécialiste en neurologie (rapport produit lors de la procédure cantonale) avait pu constater, en sus de l’hypoesthésie dans le territoire de la branche superficielle du nerf radial (critère sensoriel), une légère augmentation de la température locale (critère vasomoteur), contrôlée à plusieurs reprises en début et en fin d’examen (cf. rapport du 14 mars 2017). La scintigraphie osseuse trois phases réalisée le 29.09.2016, soit environ dix-huit mois après l’accident, avait permis de constater une anomalie locale en relation avec un syndrome de Sudeck au lieu précis du traumatisme, de sorte qu’il était difficile, selon le neurologue, d’attribuer au hasard ou à une autre cause, par ailleurs inconnue, le développement du SDRC, même tardif, sur le site traumatique lui-même. Ce spécialiste a conclu qu’un développement tardif inhabituel des signes scintigraphiques avait peut-être une explication (extra-traumatique ou non) qu’un expert du SDRC pourrait expliquer, mais qu’il ne voyait pas comment on pouvait sérieusement écarter toute composante traumatique au vu de la chronologie décrite et de la confirmation finale par scintigraphie, même si cette seconde scintigraphie avait été réalisée de manière différée.

Selon les experts mandatés par la cour cantonale, le diagnostic de SDRC peut être posé tardivement, alors que les critères de Budapest étaient présents. Le diagnostic de SDRC après un traumatisme peut également être tardif si les symptômes initiaux sont inconstants ou d’apparition tardive et ne remplissaient pas les critères de Budapest initialement. Les experts ont précisé que le délai entre le traumatisme et le diagnostic de SDRC reste sujet à débat. En effet, il n’existe pas de consensus médical sur la question de savoir dans quel délai après une blessure on peut diagnostiquer un SDRC et l’on ne dispose pas d’examens paracliniques qui permettent de confirmer indubitablement le diagnostic (O. ROMMEL/W. VOGT, Epidémiologie, facteurs de risque et aspects économiques, in: SDRC Syndrome douloureux régional complexe, 2013, p. 25).

Dans le cas présent, aucun médecin n’a évoqué une autre cause non liée à l’accident (« Unfallfremde Ursache ») qui aurait à elle seule pu expliquer ou être à l’origine des symptômes et des signes cliniques présentés par l’assurée. L’affirmation du médecin-conseil, selon laquelle l’algodystrophie peut aussi survenir spontanément, ne saurait à cet égard suffire pour admettre que l’atteinte présentée par l’assurée serait à mettre exclusivement sur le compte de facteurs étrangers à l’accident. En effet, selon la doctrine médicale la plus récente, le SDRC est rare et il survient dans la majorité des cas après un traumatisme de l’appareil locomoteur ou un accident vasculaire cérébral (DR F. LUTHI/DR P.-A. BUCHARD/A. CARDENAS/C. FAVRE/DR M. FÉDOU/M. FOLI/DR J. SAVOY/DR J.-L TURLAN/DR M. KONZELMANN, op. cit., 2019, p. 495). Aussi, en l’absence d’accident vasculaire cérébral ou d’autres facteurs étrangers à l’accident susceptibles à eux seuls d’expliquer le SDRC, l’assureur-accidents ne pouvait pas supprimer ses prestations.

Vu ce qui précède, l’arrêt cantonal échappe à la critique en tant qu’il condamne l’assurance-accidents à prendre en charge au-delà du 30.09.2015 les suites de l’événement accidentel survenu le 19.03.2015.

 

Le TF rejette le recours de l’assurance-accidents.

 

 

Arrêt 8C_416/2019 consultable ici

 

NB : cet arrêt, non destiné à la publication, est détaillé, avec de nombreuses références tant médicales que jurisprudentielles. Il s’agit – à notre connaissance – de l’arrêt le plus précis au sujet de la causalité lors d’un SDRC. L’arrêt rappel, à juste titre, qu’un SDRC doit être posé selon les critères de Budapest.

 

 

9C_97/2020 (f) du 10.06.2020 – Restitution de prestations indûment perçues – 25 al. 2 LPGA / Applicabilité du délai de péremption plus long prévu par le droit pénal – 25 al. 2, 2e phrase, LPGA / Appréciation anticipée des preuves par le tribunal cantonal arbitraire – Violation du droit d’être entendue de l’assurée

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_97/2020 (f) du 10.06.2020

 

Consultable ici

 

Restitution de prestations indûment perçues / 25 al. 2 LPGA

Applicabilité du délai de péremption plus long prévu par le droit pénal / 25 al. 2, 2e phrase, LPGA

Appréciation anticipée des preuves par le tribunal cantonal arbitraire – Violation du droit d’être entendue de l’assurée

 

Assurée, née en 1945, a bénéficié de prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse et survivants dès le 01.09.2007. Le 28.11.2012, elle a signé un document intitulé « révision quadriennale P.C. », accompagné d’un récapitulatif de sa fortune et de ses revenus, dont la caisse de compensation n’a déduit aucun changement significatif de la situation.

En 2017, l’assurée a transmis à la caisse de compensation des documents attestant qu’elle avait reçu un important héritage en 2011. Par décisions du 22.01.2018, confirmées sur opposition, la caisse de compensation a d’une part réexaminé le droit de l’assurée à des prestations complémentaires à l’AVS à partir du 01.09.2007 et d’autre part réclamé la restitution de la somme de 174’663 fr. 05 correspondant aux prestations indûment touchées durant la période du 01.09.2007 au 31.01.2018.

 

Procédure cantonale (arrêt PC 17/18 – 24/2019 – consultable ici)

La juridiction cantonale a constaté que le partage de la succession avait été retardé en raison d’un profond désaccord au sein de l’hoirie et que le montant des parts respectives des héritiers du père de l’assurée n’avait été formellement constaté que par acte notarié du 04.10.2010. Aussi, n’était-il possible d’imputer à la fortune de l’assurée une part de la succession non partagée de son père qu’à compter de cette date.

Sous l’angle ensuite du délai de péremption de plus longue durée prévu par le droit pénal, la juridiction cantonale a considéré que l’assurée avait adopté un comportement qui ne relevait pas d’une simple négligence en apposant sa signature sur le questionnaire destiné à la révision quadriennale de son dossier en 2012. Les faits de ne pas répondre correctement aux questions posées et de taire l’existence d’un compte bancaire sur lequel avaient été déposés les montants touchés à titre d’héritage devaient être appréciés selon les premiers juges comme étant constitutifs d’une tromperie par commission, dès lors que ce questionnaire constituait une invitation explicite à faire état de sa situation patrimoniale. Même en admettant que ce questionnaire avait été complété par une assistante sociale et que l’assurée ne l’avait pas relu avant de le signer, comme elle le prétendait, il n’y avait aucun doute sur le fait qu’il avait été complété en sa présence et avec sa collaboration active. Les informations figurant dans le questionnaire correspondaient à ses réponses. L’assurée ne pouvait donc ignorer que les renseignements donnés étaient incomplets. En apposant sa signature au bas du document tout en certifiant que les réponses données étaient complètes et conformes à la vérité, elle s’était accommodée du fait qu’elle pût toucher des prestations complémentaires auxquelles elle n’avait pas droit, commettant ainsi un acte à tout le moins par dol éventuel. Les juges cantonaux ont retenu que l’assurée réalisait dès lors les éléments objectifs et subjectifs de l’infraction d’escroquerie réprimée à l’art. 146 CP, si bien que le délai de péremption de quinze ans (art. 25 al. 2 LPGA, en lien avec l’art. 97 al. 1 let. b CP) était applicable.

La juridiction cantonale a refusé de donner suite aux mesures d’instruction requises par l’assurée au cours de la procédure cantonale. Selon la cour cantonale, l’audition de l’assurée ne modifierait pas, selon toute vraisemblance, l’appréciation selon laquelle elle avait caché certains faits à l’assistante sociale. De même, il n’était pas nécessaire de recueillir des renseignements médicaux auprès de l’Hôpital B.__ puisqu’ils ne permettraient que de décrire l’état de santé actuel de l’assurée, élément sans pertinence dans le cas d’espèce. Une telle mesure d’instruction se justifiait d’autant moins que l’assurée n’avait selon les premiers juges jamais daigné préciser au cours de la procédure la nature des troubles dont elle était atteinte.

Par jugement du 05.12.2019, admission partielle du recours par le tribunal cantonal, reformant la décision sur opposition en ce sens que l’assurée doit restitution à la caisse de compensation de la somme de 116’572 fr.

 

TF

Il sied de rappeler que lorsqu’il statue sur la créance de la caisse de compensation en restitution de prestations indûment versées, le juge doit examiner, à titre préjudiciel, si les circonstances correspondant à une infraction pénale sont réunies et, partant, si un délai de péremption plus long que les délais relatifs (une année) et absolus (cinq ans) prévus par l’art. 25 al. 2, 1ère phrase, LPGA est applicable dans le cas particulier. Pour que le délai de péremption plus long prévu par le droit pénal s’applique (art. 25 al. 2, 2ème phrase LPGA), il n’est pas nécessaire que l’auteur de l’infraction ait été condamné (ATF 140 IV 206 consid. 6.2 p. 208 et les références). En matière de prestations complémentaires, ce sont principalement les infractions réprimées aux art. 146 CP (escroquerie) et 31 LPC (manquement à l’obligation de communiquer) qui entrent en considération.

Selon le principe inquisitoire qui régit la procédure devant le tribunal cantonal des assurances – de même que la procédure administrative (art. 43 al. 1 LPGA) – dans le domaine des assurances sociales, il appartient au juge d’établir d’office les faits déterminants pour la solution du litige et d’administrer, le cas échéant, les preuves nécessaires (art. 61 let. c LPGA). En principe, les parties ne supportent ni le fardeau de l’allégation ni celui de l’administration des preuves. Cette maxime doit cependant être relativisée par son corollaire, soit le devoir de collaborer des parties, lequel comprend l’obligation d’apporter, dans la mesure où cela est raisonnablement exigible, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués. Si le principe inquisitoire dispense les parties de l’obligation de prouver, il ne les libère pas du fardeau de la preuve, dans la mesure où, en cas d’absence de preuve, c’est à la partie qui voulait en déduire un droit d’en supporter les conséquences, sauf si l’impossibilité de prouver un fait peut être imputée à la partie adverse. Cette règle ne s’applique toutefois que s’il se révèle impossible, dans le cadre de la maxime inquisitoire et en application du principe de la libre appréciation des preuves, d’établir un état de fait qui correspond, au degré de la vraisemblance prépondérante, à la réalité (ATF 139 V 176 consid. 5.2 p. 185 et les références).

Le tribunal cantonal des assurances peut refuser d’administrer une preuve, sans violer le droit d’être entendu garanti par l’art. 29 al. 2 Cst., si le moyen de preuve est inapte à fonder une conviction, si le fait à prouver est déjà établi, s’il est sans pertinence ou encore si le tribunal, en procédant à une appréciation anticipée des preuves, parvient à la conclusion que sa conviction est déjà faite et que le résultat de la mesure probatoire sollicitée ne peut plus la modifier (ATF 144 II 427 consid. 3.1.3 p. 435; 140 I 285 consid. 6.3.1 p. 298; arrêt 8C_159/2018 du 17 décembre 2018 consid. 3.2 et les références).

La présomption d’innocence, garantie en procédure pénale par les art. 6 par. 2 CEDH, 32 al. 1 Cst. et 10 CPP, ainsi que son corollaire le principe « in dubio pro reo » concernent tant le fardeau de la preuve que l’appréciation des preuves. Lorsque l’appréciation des preuves et la constatation des faits sont critiquées en référence au principe « in dubio pro reo », celui-ci n’a pas de portée plus large que l’interdiction de l’arbitraire (ATF 138 V 74 consid. 7 p. 82; 144 IV 345 consid. 2.2.3.2 p. 350). La violation du droit d’être entendu (art. 29 al. 2 Cst.) invoquée par l’assurée se confond également avec le principe de l’interdiction de l’arbitraire dans l’appréciation des preuves. L’assurée se plaint en effet par ce biais exclusivement de la manière dont la juridiction cantonale a apprécié les circonstances du cas (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 p. 298; 130 II 425 consid. 2.1 p. 428).

 

Le Tribunal fédéral constate que la juridiction cantonale a retenu que la décision sur opposition ne permettait pas à l’assurée de comprendre les éléments qui avaient été retenus par la caisse de compensation en relation avec l’application d’un délai de péremption de plus longue durée prévue par le droit pénal, ni pourquoi ils l’avaient été, ce qui l’avait empêchée d’attaquer valablement cette décision. Les juges cantonaux ont considéré qu’en ce sens la décision de première instance aurait dû être annulée pour défaut de motivation. Ils ont constaté que la caisse de compensation avait cependant « fourni quelques explications » à l’occasion de la réponse du 01.03.2019 au recours cantonal et qu’elle avait notamment précisé que le comportement de l’assurée était constitutif d’une escroquerie (au sens de l’art. 146 CP). Dans la mesure où l’assurée avait pu prendre connaissance des motifs retenus par la caisse de compensation et qu’elle avait eu la possibilité de s’exprimer à leur sujet, la juridiction cantonale a renoncé à annuler la décision pour des motifs formels et s’est prononcée sur le fond du litige, sans administrer les preuves requises par l’assurée.

En l’espèce, la manière de procéder de la juridiction cantonale a privé l’assurée du droit à une instruction complète des faits déterminants de la cause. A la suite de la réponse de la caisse de compensation du 01.03.2019, elle a certes placé l’assurée en situation d’exercer son droit d’être entendue par écrit. Pour ce faire, l’assurée a bénéficié de différentes prolongations de délai, soit d’un délai d’environ quatre mois et demi. En se fondant sur la jurisprudence applicable en matière pénale, l’assurée a fait valoir au terme de ce délai que sa comparution personnelle était la seule mesure d’instruction propre à établir qu’elle n’avait jamais cherché à cacher sciemment des éléments de fortune déterminants. L’assurée a donc exercé en temps utile son droit de faire administrer une preuve complémentaire en instance cantonale (art. 61 let. c LPGA), comme elle l’y avait du reste été dûment invitée par la juridiction cantonale (ordonnance du 04.03.2019).

A ce stade, l’assurée a maintenu sa demande d’être entendue oralement en affirmant pouvoir apporter des explications indispensables, alors que les juges cantonaux avaient retenu qu’elle n’avait pas été placée en situation d’attaquer utilement la décision sur opposition. Dans ces circonstances, la juridiction cantonale ne pouvait pas, sans violer le droit à l’administration de la preuve, renoncer à entendre oralement l’assurée sans l’en avertir et lui donner à cette occasion la possibilité de faire valoir par écrit sa version des faits quant à la réalisation éventuelle de l’infraction d’escroquerie. A défaut de connaître l’argumentation de l’assurée sur ce point – ou du moins de lui avoir laissé le choix de s’exprimer à ce sujet par écrit –, la cour cantonale ne pouvait affirmer d’emblée qu’entendre sa version des faits ne permettait pas de remettre en cause leur conviction sans que leur appréciation anticipée des preuves fût entachée d’arbitraire et, partant, sans violer le droit d’être entendue de l’assurée.

 

Le TF admet le recours de l’assurée, annule le jugement cantonal et renvoie la cause à l’autorité cantonale pour complément d’instruction au sens des considérants et nouvelle décision.

 

 

Arrêt 9C_97/2020 consultable ici

 

 

8C_101/2020 (d) du 09.06.2020 – Lien de causalité adéquate – Troubles psychiques – 6 LAA / Collision voiture-arbre à 60-70 km/h – Moyennement grave stricto sensu / Circonstances concomitantes particulièrement dramatiques ou caractère particulièrement impressionnant de l’accident / Douleurs physiques persistantes

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_101/2020 (d) du 09.06.2020

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt original fait foi.

 

Lien de causalité adéquate – Troubles psychiques / 6 LAA

Collision voiture-arbre à 60-70 km/h – Moyennement grave stricto sensu

Circonstances concomitantes particulièrement dramatiques ou caractère particulièrement impressionnant de l’accident / Douleurs physiques persistantes

 

Assuré, né en 1974, ouvrier du bâtiment, a subi un accident pendant ses vacances à l’étranger le 17.10.2015. Conduisant une voiture à une vitesse de 60-70 km/h, il a évité un animal et a heurté frontalement un arbre. La femme qui l’accompagnait a été soignée pour des blessures mineures dans un hôpital voisin. L’assuré n’a bénéficié d’un traitement médical pour des douleurs dorsales qu’après son retour en Suisse ; il a été opéré le 20.10.2015 pour une fracture d’une vertèbre lombaire (fusion D12-L2).

Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a octroyé à l’assuré une rente d’invalidité basée sur un degré d’invalidité de 13% à compter du 01.03.2017 et une IPAI de 15%. Elle a nié l’existence d’un lien de causalité adéquat entre les troubles psychologiques et l’accident.

 

Procédure cantonale

La juridiction cantonale a constaté que l’assuré roulait le 17.10.2015 à une vitesse de 60-70 km/h lorsqu’il a dû éviter un animal, a perdu la maîtrise du véhicule et a heurté un arbre. En se référant à la casuistique du Tribunal fédéral, elle a qualifié cet événement d’accident moyennement grave stricto sensu (cf. arrêts 8C_212/2019 du 21 août 2019 consid. 4.3.3 et 8C_434/2012 du 21 novembre 2012 consid. 7.2.2, et les arrêts 8C_720/2017 du 18 mars 2018 consid. 4.3 et 8C_885/2011 du 18 janvier 2012 consid. 5). Pour retenir un lien de causalité adéquate entre les troubles psychiques et l’accident, il faut un cumul de trois critères sur les sept ou au moins que l’un des critères retenus se soit manifesté de manière particulièrement marquante pour l’accident (ATF 129 V 177 consid. 4.1 p. 183, 115 V 133 consid. 6c/aa p. 140 ; arrêt 8C_632/2018 du 10 mai 2019 consid. 8.3). Par la suite, la cour cantonale, après une évaluation minutieuse et détaillée des dossiers médicaux et des autres circonstances, est arrivée à la conclusion qu’aucun critère n’était rempli. L’assurance-accidents a ainsi nié à juste titre l’existence d’un lien de causalité adéquate. Par conséquent, la question de la causalité naturelle peut demeurer ouverte, faute de pertinence pour la décision (ATF 135 V 465 consid. 5.1 p. 472 ; arrêt 8C_632/2018 du 10 mai 2019 consid. 7.3) et aucune autre clarification n’était nécessaire.

Par jugement du 17.12.2019, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Qualification de l’accident

L’assuré évoque qu’un accident comparable, dans lequel le conducteur a heurté une clôture en grillage métallique hors de la route à une vitesse de 80 km/h, a été qualifié de grave par le Tribunal fédéral. Or, cet incident a plutôt été évalué comme moyennement grave stricto sensu dans le jugement 8C_609/2007 du 22 août 2008 (consid. 4.1.2 et 4.1.3 de l’arrêt ; cf. également arrêt 8C_212/2019 du 21 août 2019 consid. 4.2.2).

 

Circonstances concomitantes particulièrement dramatiques ou caractère particulièrement impressionnant de l’accident

Le critère relatif aux circonstances concomitantes particulièrement dramatiques ou au caractère particulièrement impressionnant de l’accident doit être examiné d’une manière objective et non pas en fonction du ressenti subjectif de l’assuré, en particulier de son sentiment d’angoisse ou de peur qui en résulte (ATF 140 V 356 consid. 5.6.1 p. 366). Des exigences nettement plus élevées sont imposées à sa réalisation, puisque tous les accidents qualifiés de moyennement graves présentent déjà un certain degré d’impression (arrêt 8C_627/2019 du 10 mars 2020 5.4.1 avec références).

Il n’y a pas de circonstances qui pourraient justifier ce critère. La cour cantonale doit au contraire s’assurer que le déroulement de l’accident impliquant la collision avec l’arbre à une vitesse de 60-70 km/h lorsque l’airbag est déployé ne dépasse pas l’impression inhérente à tout accident de catégorie moyenne stricto sensu.

 

Douleurs physiques persistantes

L’assuré se réfère à la douleur intense existant depuis l’accident. Les juges cantonaux ont précisé que seuls les troubles physiques ou somatiques doivent être pris en compte lors de l’examen des critères d’adéquation, tandis que les troubles psychologiques ne doivent pas être inclus (ATF 134 V 109 consid. 2.1 p. 112).

Cela peut être évalué de manière fiable à partir du moment où l’on ne peut attendre aucune amélioration significative de la poursuite du traitement médical des troubles somatiques (ATF 134 V 109 consid. 6.1 p. 116).

L’instance cantonale a constaté que l’état de santé était stabilisé le 18.01.2017. En ce qui concerne le critère de la douleur physique persistantes, en particulier, les plaintes de l’assuré, importantes sur le plan physique mais qui ne sont pas suffisamment démontrables sur le plan objectif, doivent être écartées (arrêts 8C_632/2018 du 10 mai 2019 consid. 10.2, in: SVR 2019 UV Nr. 41 S. 155; 8C_123/2018 du 18 septembre 2018 consid. 5.2.2.1, 8C_236/2016 du 11 août 2016 consid. 6.2.4 et 8C_825/2008 du 9 avril 2009 consid. 4.6).

À cet égard, la cour cantonale a démontré – sans contradiction – que la douleur avait été de plus en plus « psychologique » à partir du moment où l’assuré a quitté la clinique de réadaptation à la fin du mois de mai 2016, de sorte qu’elle ne pouvait pas être prise en compte.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_101/2020 consultable ici

Proposition de citation : 8C_101/2020 (d) du 09.06.2020 – Lien de causalité adéquate – Troubles psychiques – Collision voiture-arbre à 60-70 km/h, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2020/08/8c_101-2020)

 

8C_479/2014 (f) du 03.07.2015 – Indemnité chômage – Gain assuré / Durée hebdomadaire normale de travail annoncé par l’employeur (42.5h) vs selon CCT romande du second œuvre (CCT-SOR) (41h) / Heures supplémentaires exclues du calcul du gain assuré / Reconsidération

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_479/2014 (f) du 03.07.2015

 

Consultable ici

 

Indemnité chômage – Gain assuré / 23 al. 1 LACI – 37 OACI

Durée hebdomadaire normale de travail annoncé par l’employeur (42.5h) vs selon CCT romande du second œuvre (CCT-SOR) (41h) – Interprétation des clauses normatives d’une convention collective de travail

Heures supplémentaires exclues du calcul du gain assuré

Reconsidération – Pas d’erreur manifeste / 95 al. 1 LACI – 53 al. 2 LPGA

 

Assuré a travaillé en qualité de peintre en bâtiment du 03.05.2011 au 23.12.2011 et du 02.01.2012 au 09.03.2012 dans le cadre d’un contrat de travail temporaire à plein temps, au service d’une société (ci-après : l’employeur). Le 19.03.2012, il a présenté une demande d’indemnité de chômage. L’employeur a attesté un horaire normal de travail dans l’entreprise de 42,5 heures par semaine et a indiqué que la convention collective de travail romande du second œuvre (ci-après: la CCT-SOR) était applicable.

La caisse cantonale de chômage (ci-après: la caisse) a alloué à l’assuré, à partir du 19.03.2012, une indemnité de chômage calculée sur la base d’un gain assuré de 5’704 fr. et d’un horaire de travail hebdomadaire de 42,5 heures.

A la suite d’une révision périodique effectuée par le Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO), la caisse a rendu une décision, le 13.01.2014, par laquelle elle a réclamé à l’assuré la restitution d’un montant de 1’802 fr. 40, correspondant à des prestations perçues en trop durant la période du 19.03.2012 au 30.03.2012, ainsi qu’au cours des mois de mai et juin 2012 et de la période du mois d’août 2012 au mois de juin 2013. Elle a indiqué que l’indemnité de chômage aurait dû être calculée sur la base d’un gain assuré de 5’511 fr. et d’un horaire de travail hebdomadaire de 41 heures, conformément à la CCT-SOR. Compte tenu d’un montant de 177 fr. 90 déjà retenu sur les indemnités allouées au mois de juillet 2013, le montant encore à restituer s’élevait à 1’624 fr. 50.

Saisie d’une opposition, la caisse a soumis le cas au SECO, lequel a indiqué que les moyens invoqués par l’assuré n’étaient pas de nature à mettre en cause la décision de restitution des prestations. L’opposition a été rejetée par décision du 06.03.2014.

 

Procédure cantonale

Pour établir la durée hebdomadaire normale de travail, la cour cantonale s’est référée aux différents contrats de missions liant l’assuré à l’employeur, ainsi qu’à la CCT-SOR. Selon la CCT-SOR, la durée hebdomadaire moyenne de travail est de 41 heures, l’employeur ayant cependant la faculté de fixer cette durée à 45 heures au maximum (art. 12 al. 1 let. a et b). Si le nombre des heures effectuées au cours d’une une année dépasse un total de 2’132 heures (ce qui correspond à 41h hebdomadaires en moyenne) mais ne dépasse pas 2’212 heures (ce qui correspond à 42,5h hebdomadaires en moyenne), le travailleur bénéficie d’un bonus qui doit être compensé sous forme de congé ou rétribué sans supplément ; s’il est supérieur à 2’212 heures, le bonus est rémunéré ou compensé au titre des heures supplémentaires (art. 12 al. 2 let. i CCT-SOR).

Aussi, la cour cantonale a-t-elle inféré de ces dispositions que seules les heures effectuées en plus du total de 2’212 heures (ce qui correspond à 42,5h hebdomadaires en moyenne) constituent des heures supplémentaires exclues du calcul du gain assuré.

La cour cantonale a ainsi considéré que la durée hebdomadaire normale de travail de l’assuré était de 42,5h et non de 41h, comme l’a retenu la caisse, de sorte que celle-ci n’était pas fondée à considérer la différence de durée du temps de travail comme des heures supplémentaires exclues du calcul du gain assuré.

Par jugement du 21.05.2014, admission du recours par le tribunal cantonal, annulant la décision attaquée et condamnant la caisse à restituer à l’assuré les montants retenus sur les indemnités allouées à compter du mois de juillet 2013.

 

TF

Selon l’art. 23 al. 1 LACI, est réputé gain assuré le salaire déterminant au sens de la législation sur l’AVS qui est obtenu normalement au cours d’un ou de plusieurs rapports de travail durant une période de référence, y compris les allocations régulièrement versées et convenues contractuellement, dans la mesure où elles ne sont pas des indemnités pour inconvénients liés à l’exécution du travail (première phrase). Le Conseil fédéral détermine la période de référence et fixe le montant minimum (quatrième phrase). La période de référence pour le calcul du gain assuré est réglée à l’art. 37 OACI. Le gain assuré est calculé sur la base du salaire moyen des six derniers mois de cotisation (art. 11 OACI) qui précèdent le délai-cadre d’indemnisation (al. 1). Il est déterminé sur la base du salaire moyen des douze derniers mois de cotisation précédant le délai-cadre d’indemnisation si ce salaire est plus élevé que le salaire moyen visé à l’alinéa 1 (al. 2). La période de référence commence à courir le jour précédant le début de la perte de gain à prendre en considération quelle que soit la date de l’inscription au chômage (al. 3, première phrase). Aux termes de l’art. 37 al. 3bis OACI (dans sa teneur – applicable en l’occurrence [cf. ATF 132 V 215 consid. 3.1.1 p. 220 et les arrêts cités] – valable depuis le 1er avril 2011), lorsque le salaire varie en raison de l’horaire de travail usuel dans la branche, le gain assuré est calculé conformément aux alinéas 1 à 3, mais au plus sur la moyenne annuelle de l’horaire de travail convenu contractuellement.

Le salaire pris en considération comme gain assuré se rapproche de la notion de salaire déterminant au sens de l’art. 5 al. 2 LAVS, mais ne se recouvre pas exactement avec celui-ci, comme cela ressort du terme « normalement » (« normalerweise » ; « normalmente ») utilisé à l’art. 23 al. 1 LACI (BORIS RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, n. 8 ad art. 23). Certains montants perçus par le salarié, certes soumis à cotisation, n’entrent pas dans la fixation du gain assuré. Il en va ainsi notamment de la rémunération des heures supplémentaires (ATF 129 V 105), de l’indemnité de vacances (à certaines conditions: ATF 130 V 492 consid. 4.2.4 p. 497), des gains accessoires (art. 23 al. 3 LACI; ATF 129 V 105 consid. 3.2 p. 108; 126 V 207) ou des indemnités pour inconvénients liés aux travail ou en raison de frais occasionnés par le travail (art. 23 al. 1, 1 ère phrase, LACI; DTA 1992 n. 14 p. 140 [C 13/92] consid. 2b).

Par heures supplémentaires exclues du calcul du gain assuré, il y a lieu de comprendre non seulement les heures supplémentaires (« Überzeit ») au sens des art. 12 et 13 LTr, mais également les heures effectuées en sus de l’horaire habituel (« Überstunde »). Par temps de travail accompli en sus de l’horaire habituel, il faut comprendre l’activité accomplie en plus de la durée de travail en vigueur dans l’entreprise ou habituelle dans la branche, telle qu’elle a été fixée par le contrat individuel de travail ou la convention collective. Tant les rémunérations perçues dans l’accomplissement d’heures supplémentaires que les gains réalisés au cours d’heures effectuées en sus de l’horaire habituel ne constituent pas un salaire obtenu « normalement » au sens de l’art. 23 al. 1 LACI (ATF 129 V 105 consid. 3 p. 107 s.; 116 II 69 consid. 4a p. 70; DTA 2013 p. 68 [8C_379/2012] consid. 3.2; 2003 p. 189 [C 108/02] consid. 2).

Les clauses normatives d’une convention collective de travail s’interprètent selon les méthodes applicables aux lois (ATF 136 III 283 consid. 2.3.1 p. 284; 127 III 318 consid. 2a p. 322; arrêt 4A_163/2012 du 27 novembre 2012 consid. 4.1, non publié in ATF 139 III 60). D’après la jurisprudence, la loi s’interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). On peut cependant s’écarter de cette interprétation s’il y a des raisons sérieuses de penser que le texte de la loi ne reflète pas la volonté réelle du législateur; de tels motifs peuvent découler des travaux préparatoires, du but et du sens de la disposition, ainsi que de la systématique de la loi. Lorsque plusieurs interprétations sont possibles, il convient de rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux préparatoires, du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose ou encore de sa relation avec d’autres dispositions; le Tribunal fédéral ne privilégie aucune méthode d’interprétation, mais s’inspire d’un pluralisme pragmatique (ATF 140 V 227 consid. 3.2 p. 230, 489 consid. 4.1 et les arrêts cités).

Dans le domaine de l’interprétation des dispositions normatives d’une convention collective, le Tribunal fédéral a précisé que la distinction entre les règles sur l’interprétation des lois et les règles sur l’interprétation des contrats ne doit pas être exagérée; la volonté des cocontractants et ce que l’on peut comprendre selon le principe de la bonne foi constituent également des moyens d’interprétation (ATF 136 III 283 consid. 2.3.1 p. 284; 133 III 213 consid. 5.2 p. 218; arrêt 4A_163/2012 du 27 novembre 2012 consid. 4.1, non publié in ATF 139 III 60).

 

En l’espèce, il est constant que les contrats de missions liant l’assuré à l’employeur étaient soumis aux conditions de la CCT-SOR. Or, selon l’art. 12 al. 1 let. a de cette convention, la durée hebdomadaire moyenne de travail est de 41 heures. L’art. 12 al. 1 let. b CCT-SOR dispose que l’entreprise a la faculté de fixer la durée hebdomadaire de travail à 39 heures au minimum et 45 heures au maximum, du lundi au vendredi, la tranche horaire ordinaire se situant entre 06.00 heures et 22.00 heures (06.00 heures et 18.00 heures dans le canton de Genève [cf. annexe V à la CCT-SOR]). En l’occurrence, l’employeur a fait usage de cette faculté en instaurant un horaire de travail hebdomadaire de 42,5 heures. Il n’en demeure pas moins, selon une interprétation littérale et conformément au principe de la bonne foi, que l’art. 12 al. 1 let. a CCT-SOR fixe l’horaire de travail habituel hebdomadaire à 41 heures dans le secteur de la peinture dans le canton de Genève.

L’art. 12 al. 2 CCT-SOR règle les conditions applicables en cas d’instauration d’un horaire variable destiné à tenir compte des besoins économiques de l’entreprise. Celle-ci doit notamment s’acquitter d’un salaire « mensuel-constant » calculé sur la base du salaire horaire multiplié par 177,7 heures – ce qui correspond à 41 heures par semaine et 2’132 heures par année (art. 12 al. 2 let. a et c CCT-SOR). S’il justifie d’un « bonus d’heures » de plus de 2’132 heures et de moins de 2’212 heures (ce qui correspond à 42,5 heures par semaine), le travailleur a droit à une compensation sous forme d’heures de congé ou au paiement des heures, sans supplément; les heures accomplies en plus du maximum susmentionné sont considérées comme des heures supplémentaires payées ou compensées avec un supplément au sens de l’art. 16 CCT-SOR (art. 12 al. 2 let. i CCT-SOR).

Cela étant, même si le travailleur qui effectue plus de 41 heures hebdomadaires mais au maximum 42,5 heures ne perçoit pas de supplément au sens de l’art. 16 CCT-SOR, il n’en demeure pas moins que la rémunération obtenue pour les heures accomplies en plus de la durée hebdomadaire moyenne de travail de 41 heures, prévue à l’art. 12 al. 1 let. a CCT-SOR, ne constitue pas un salaire obtenu « normalement » au sens de l’art. 23 al. 1 LACI. Dans ces conditions, le gain assuré déterminant pour fixer le montant de l’indemnité de chômage allouée à compter du 19.03.2012 devait être calculé sur la base d’un horaire de travail hebdomadaire de 41 heures.

 

Selon l’art. 95 al. 1 LACI en relation avec les art. 25 al. 1 et 53 al. 2 LPGA, l’assureur peut réclamer la restitution de prestations accordées sur la base de décisions – formelles ou non – passées en force et sur lesquelles une autorité judiciaire ne s’est pas prononcée sous l’angle matériel seulement si celles-ci sont manifestement erronées et que leur rectification revêt une importance notable (reconsidération; cf. ATF 130 V 318 consid. 5.2 p. 319; 122 V 367 consid. 3 p. 368; 110 V 176 consid. 2a p. 179 et les références).

En l’espèce, s’il était faux de calculer l’indemnité de chômage sur la base d’une durée hebdomadaire de travail de 42,5 heures, il n’apparaît cependant pas, sur le vu des considérations qui précèdent, que cette erreur était manifeste. Aussi, la caisse n’était-elle pas fondée, par sa décision sur opposition du 06.03.2014, à réclamer les prestations allouées en trop.

 

Le TF rejette le recours du SECO.

 

 

Arrêt 8C_479/2014 consultable ici

 

 

9C_712/2019 (f) du 16.06.2020 – destiné à la publication – Moyens auxiliaires – Aménagements de la demeure de l’assuré nécessités par l’invalidité / ch. 14.04 de l’annexe à l’OMAI / Ch. 2162 CMAI pas conforme au droit / Examen concret dans chaque cas particulier si la prestation requise fait partie des aménagements figurant au ch. 14.04 de l’annexe à l’OMAI

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_712/2019 (f) du 16.06.2020, destiné à la publication

 

Consultable ici

 

Moyens auxiliaires – Aménagements de la demeure de l’assuré nécessités par l’invalidité / ch. 14.04 de l’annexe à l’OMAI

Ch. 2162 de la Circulaire de l’OFAS concernant la remise de moyens auxiliaires par l’assurance-invalidité (CMAI) pas conforme au droit

Examen concret dans chaque cas particulier si la prestation requise fait partie des aménagements figurant au ch. 14.04 de l’annexe à l’OMAI

 

Assuré, né en 1984 et forestier-bûcheron de formation, est atteint de tétraplégie sensori-motrice complète au-dessous de la vertèbre C4 à la suite d’un accident survenu le 25.01.2010. L’office AI lui a alloué une rente entière AI à partir du 01.01.2011 et pris en charge des moyens auxiliaires, dont les frais liés à l’aménagement de la salle de bain du logement de l’assuré, à l’adaptation de l’accès à la terrasse et à l’accès au garage.

En septembre 2016, après avoir été informé par l’assuré de l’acquisition d’une parcelle de terrain sur laquelle il allait faire construire une villa, l’office AI a mandaté la Fédération suisse de consultation en moyens auxiliaires pour personnes handicapées et âgées (ci-après: la FSCMA) pour examiner les aménagements liés au handicap qui pourraient faire l’objet d’une éventuelle prise en charge par l’assurance-invalidité.

L’assuré a emménagé dans son nouveau domicile en mars 2017. Dans son rapport du 11.06.2018, la FSCMA a examiné la liste de dix aménagements établie le 18.08.2017 par le planificateur de chantier. La FSCMA a proposé la prise en charge d’une partie des installations à titre de moyens auxiliaires. Par décisions du 11.01.2019, l’office AI a refusé la prise en charge des aménagements intérieurs de la demeure (porte coulissante pour la salle de bain, élargissement de la porte de la chambre à coucher, emplacement pour la machine à laver), ainsi que de la motorisation des stores.

 

Procédure cantonale

La juridiction cantonale a partiellement admis le recours, en tant qu’il est recevable, et réformé la décision du 11 janvier 2019 concernant la prise en charge d’aménagements de la demeure (porte coulissante pour la salle de bain, élargissement de la porte de la chambre à coucher, emplacement pour la machine à laver), en ce sens que l’assurance-invalidité prendra en charge ces moyens auxiliaires à hauteur de 1556 fr. 45. Elle a confirmé la décision du 11 janvier 2019 concernant le refus de la prise en charge de la motorisation des stores.

Par jugement du 17.09.2019, admission du recours par le tribunal cantonal concernant la prise en charge d’aménagements de la demeure (porte coulissante pour la salle de bain, élargissement de la porte de la chambre à coucher, emplacement pour la machine à laver), en ce sens que l’assurance-invalidité prendra en charge ces moyens auxiliaires à hauteur de 1556 fr. 45. Le refus de la prise en charge de la motorisation des stores a été confirmé.

 

TF

Dans le domaine des moyens auxiliaires également, l’assurance-invalidité n’est pas une assurance étendue qui prendrait en charge l’ensemble des coûts causés par l’invalidité ; la loi entend garantir la réadaptation seulement dans la mesure où celle-ci est nécessaire dans le cas particulier et où le succès prévisible de la mesure de réadaptation se trouve dans un rapport raisonnable avec ses coûts (art. 8 al. 1 LAI ; ATF 134 I 105 consid. 3 p. 107 et les références). Dans le domaine du logement aussi, ce ne sont pas tous les coûts supplémentaires liés au handicap qui sont pris en charge, mais seulement certaines mesures déterminées, énumérées de manière exhaustive (ATF 131 V 9 consid. 3.4.2 p. 14 ; 121 V 258 consid. 2b p. 260), ce qui est en principe conforme à la loi et à la Constitution (ATF 134 I 105). On rappellera que constituent des moyens auxiliaires servant à développer l’autonomie personnelle notamment « les aménagements de la demeure de l’assuré nécessités par l’invalidité: adaptation de la salle de bain, de la douche et des WC à l’invalidité, déplacement ou suppression de cloisons, élargissement ou remplacement de portes, pose de barres d’appui, mains courantes et poignées supplémentaires, suppression de seuils ou construction de rampes de seuils, pose d’installations de signalisation pour les sourds et déficients auditifs graves et pour les sourds-aveugles. Le montant maximal remboursé pour la pose d’installations de signalisation est de 1300 francs, TVA comprise » (ch. 14.04 de l’annexe à l’OMAI).

A l’égard du ch. 14.04 de l’annexe à l’OMAI, la Circulaire de l’OFAS concernant la remise de moyens auxiliaires par l’assurance-invalidité (CMAI; état au 01.01.2019) prévoit: « La liste au ch. 14.04 OMAI est exhaustive (ATF I 133/06 du 15.3.2007). En ce qui concerne la construction de nouveaux logements en propriété, ne peut être accordée, dans la catégorie prévue au ch. 14.04 OMAI, que la pose de barres d’appui, de mains courantes, de poignées supplémentaires et d’installations de signalisation. À propos de l’obligation de réduire le dommage: arrêts du TF 8C_803/2013 du 30.7.2014 et 9C_293/2016 du 18.7.2016 » (ch. 2162 CMAI).

 

En relation avec le grief tiré de la violation de la règle prévue par le ch. 2162 CMAI, il y a lieu de rappeler que les directives administratives de l’OFAS ne créent pas de nouvelles règles de droit mais sont destinées à assurer l’application uniforme des prescriptions légales, en visant à unifier, voire à codifier la pratique des organes d’exécution. Elles ont notamment pour but d’établir des critères généraux d’après lesquels sera tranché chaque cas d’espèce et cela aussi bien dans l’intérêt de la praticabilité que pour assurer une égalité de traitement des ayants droit. Selon la jurisprudence, ces directives n’ont d’effet qu’à l’égard de l’administration, dont elles donnent le point de vue sur l’application d’une règle de droit et non pas une interprétation contraignante de celle-ci. Cela ne signifie toutefois pas que le juge n’en tienne pas compte. Au contraire, il doit les prendre en considération lors de sa décision lorsqu’elles offrent une interprétation satisfaisante des dispositions légales applicables et adaptée au cas d’espèce. Il ne s’en écarte que dans la mesure où les directives administratives établissent des normes qui ne sont pas conformes aux dispositions légales applicables (ATF 145 V 84 consid. 6.1.1 p. 87 et les références).

Le ch. 2162 CMAI ne reprend en effet que de manière imparfaite la jurisprudence du Tribunal fédéral concernant le ch. 14.04 de l’annexe à l’OMAI. 

Dans l’ATF 104 V 88, le Tribunal fédéral a retenu que les contributions aux aménagements prévus au ch. 14.04 de l’annexe à l’OMAI – qui y sont énumérés de manière exhaustive – peuvent en principe également être accordées en cas de nouvelle construction, pour autant que les mesures correspondantes ne puissent pas d’emblée être incluses dans la planification ni être réalisées sans coûts supplémentaires. Concrètement, il a admis le droit à la prise en charge des coûts pour la pose de barres d’appui et d’installations de signalisation. Il a en revanche nié ce droit pour les deux autres modifications « suppression de seuils » et déplacement de l’encadrement de portes (« Versetzen von Türstöcken ») figurant (à l’époque) au ch. 14.04 de l’annexe à l’OMAI (dans sa version du 29.11.1976), parce que de telles mesures pouvaient être planifiées depuis le début et réalisées dans le cadre des travaux et dépenses ordinaires de construction sans coûts supplémentaires.

Comme le Tribunal fédéral a déjà eu l’occasion de le retenir (arrêt I 415/97 du 30 décembre 1998 consid. 3c, SVR 1999 IV n° 27 p. 83), il n’est pas possible de déduire de ces considérations ce qu’il en est des autres catégories d’aménagements insérées depuis dans l’énumération du ch. 14.04 de l’annexe à l’OMAI. Au contraire, il convient dans chaque cas particulier d’examiner si la prestation requise fait partie des aménagements figurant audit chiffre. Si tel est le cas, se pose la question de savoir si les aménagements en cause pouvaient d’emblée être inclus dans la planification et réalisés sans coûts supplémentaires. En conséquence, en tant que la participation de l’assurance-invalidité en cas de construction de nouveaux logements en propriété est d’emblée limitée, selon le ch. 2162 CMAI, à la pose de barres d’appui, de mains courantes, de poignées supplémentaires et d’installations de signalisation, sans égard à l’ensemble des aménagements énumérés au ch. 14.04 de l’annexe à l’OMAI (soit également adaptation de la salle de bain, de la douche et des WC à l’invalidité, déplacement ou suppression de cloisons, élargissement ou remplacement de portes, suppression de seuils ou construction de rampes de seuils), la directive administrative établit une règle qui n’est pas conforme au droit, singulièrement audit ch. 14.04 et à la jurisprudence y relative. C’est donc à juste titre que la juridiction cantonale s’en est écartée.

 

En ce qui concerne les aménagements dont la prise en charge a été sollicitée par l’assuré, la cour cantonale a constaté que celui-ci avait pris les dispositions en amont des travaux de construction puisqu’il avait modifié les aménagements de base qui figuraient sur les plans de la villa, et non pas attendu qu’ils soient réalisés pour en demander le changement. Ces aménagements adaptés avaient cependant entraîné un surcoût (« plus-value liée au handicap ») qui résultait par exemple de la différence entre les coûts d’une porte standard et ceux d’une porte coulissante adaptée, ce qui valait également pour la machine à laver le linge (en relation avec l’adaptation de la salle de bain [recours du 18 février 2019 et rapport de la FSCMA du 11 juin 2018]).

Par rapport à ces constatations, l’office AI se limite à affirmer qu’une planification prévoyante aurait dû tenir compte du handicap de l’assuré afin de disposer d’un espace suffisamment grand pour admettre la machine à laver le linge dans la pièce désirée. Or une telle argumentation, par laquelle l’office AI oppose simplement son avis sur une seule des trois mesures en cause à l’appréciation de la juridiction cantonale, est de nature appellatoire et n’établit pas le caractère manifestement inexact ou arbitraire des faits constatés par l’autorité précédente quant à la prise en considération en amont des aménagements en cause et aux frais supplémentaires néanmoins survenus. Le Tribunal fédéral n’a dès lors pas à s’écarter du résultat auquel est parvenue la juridiction cantonale.

 

Le TF rejette le recours de l’assurance-invalidité.

 

 

Arrêt 9C_712/2019 consultable ici

 

 

8C_808/2019 (f) du 17.06.2020 – Indemnité pour atteinte à l’intégrité (IPAI) – 24 LAA – 25 LAA –36 OLAA / Réduction en cas de concours de diverses causes de dommages – 36 LAA – 47 OLAA / Situation personnelle et économique de l’assuré – 47 in fine OLAA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_808/2019 (f) du 17.06.2020

Jugement à 5 juges – non publié

 

Consultable ici

 

Indemnité pour atteinte à l’intégrité (IPAI) / 24 LAA – 25 LAA –36 OLAA

Réduction en cas de concours de diverses causes de dommages / 36 LAA – 47 OLAA

Situation personnelle et économique de l’assuré / 47 in fine OLAA

 

Assuré, né en 1955, victime d’un accident le 09.04.2011 alors qu’il circulait à moto.

L’assurance-accidents a, par deux fois (les 10.08.2015 et 22.06.2016), versé à l’assuré un montant de 12’600 fr. à titre d’avance sur l’IPAI.

Le médecin-conseil de l’assurance-accidents a, en juin 2015, initialement estimé le taux de l’IPAI à 20% (à savoir 10% pour le pouce droit, 7,5% pour le pouce gauche et 2,5% pour la bilatéralité des lésions). Lors de son examen final en mars 2017, il a estimé qu’il était justifié d’augmenter le taux de 2,5% compte tenu d’une arthrodèse à gauche et d’une arthrose grave de la trapézo-métacarpienne à droite. Ayant par la suite eu connaissance de radiographies d’octobre 2011 faisant état d’une atteinte arthrosique préexistante du pouce gauche, il a proposé en juillet 2017 de réduire le taux correspondant au pouce gauche pour aboutir à un taux global de 17,5% au lieu de 22,5%.

Par décision du 13.07.2017, l’assurance-accidents a refusé d’octroyer à l’assuré une rente d’invalidité et lui a reconnu le droit à une IPAI d’un montant de 22’050 fr. correspondant à un taux de 17,5%. Par une autre décision du même jour, elle a demandé à l’intéressé la restitution d’un montant de 3150 fr. versé à tort au titre d’avance sur l’IPAI. Ces deux décisions ont été confirmées sur opposition.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 50/18 – 143/2019 – consultable ici)

Les juges cantonaux ont constaté que le montant des avances sur l’IPAI perçues par l’assuré en août 2015 et en juin 2016 correspondait au montant de l’indemnité calculé selon un taux de 20%, tel qu’évalué par le médecin-conseil en juin 2015. Ils ont également retenu que l’assuré avait requis ces avances en raison d’une situation financière délicate. En outre, celui-ci ne pouvait pas être tenu pour responsable du fait que le médecin-conseil n’avait pas eu connaissance de l’atteinte arthrosique du pouce gauche antérieure à l’accident. Par conséquent, il était justifié de limiter la réduction du taux de l’IPAI à 20%, ce qui conduisait à l’annulation de la demande de restitution.

Par jugement du 31.10.2019, admission partielle du recours par le tribunal cantonal. Le refus de la rente d’invalidité a été confirmé, la décision a été réformée s’agissant de l’IPAI (taux fixé à 20% et annulation de la restitution).

 

TF

Réduction en cas de concours de diverses causes de dommages – 36 LAA – 47 OLAA

Selon l’art. 36 al. 2 LAA, les rentes d’invalidité, les indemnités pour atteinte à l’intégrité ainsi que les rentes de survivants sont réduites de manière équitable lorsque l’atteinte à la santé ou le décès ne sont que partiellement imputables à l’accident (première phrase). Toutefois, en réduisant les rentes, on ne tiendra pas compte des états antérieurs qui ne portaient pas atteinte à la capacité de gain (seconde phrase). Le Tribunal fédéral a eu l’occasion de préciser que la seconde phrase de l’art. 36 al. 2 LAA n’est pas applicable aux indemnités pour atteinte à l’intégrité (arrêts 8C_192/2015 du 1 er mars 2016 consid. 5.2 et U 374/06 du 29 juin 2007 consid. 2 publié in SVR 2008 UV n° 6 p. 19). Il s’ensuit que cette prestation peut être réduite en raison d’un état préexistant, même si cet état n’avait aucune incidence sur la capacité de gain de la personne assurée avant l’accident.

En vertu de l’art. 47 OLAA, l’ampleur de la réduction des indemnités pour atteinte à l’intégrité qui est opérée en raison de causes étrangères à l’accident est déterminée en fonction du rôle de celles-ci dans l’atteinte à la santé ; la situation personnelle et économique de l’ayant droit peut également être prise en considération.

Le litige ne porte pas à proprement parler sur la fixation de l’IPAI au sens des art. 24 et 25 LAA et 36 OLAA, mais sur l’ampleur de la réduction de l’indemnité en raison de l’existence d’une atteinte préexistante à l’accident, en application des art. 36 al. 2 LAA et 47 OLAA. Or cette dernière disposition prévoit expressément que la situation personnelle et économique de l’assuré peut être prise en compte dans ce calcul.

Par ailleurs, l’argument selon lequel le Tribunal fédéral ne se serait jamais intéressé aux circonstances personnelles et économiques d’un assuré pour examiner le bien-fondé d’une IPAI allouée par un assureur-accidents tombe à faux ; pour autant que cette allégation soit exacte, la juridiction cantonale n’en était pas moins fondée à tenir compte de tels critères dans le cadre de la réduction de l’indemnité, dès lors que l’art. 47 OLAA l’y autorisait expressément.

Pour le reste, l’assurance-accidents déplore que l’art. 47 in fine OLAA constitue une brèche dans le principe de l’assurance causale caractérisant l’assurance-accidents. Elle ne prétend toutefois pas, et on ne voit pas, que cette norme serait contraire à la constitution ou à la loi.

 

Situation personnelle et économique de l’assuré – 47 in fine OLAA

L’art. 47 OLAA est de nature potestative et relève par conséquent du pouvoir d’appréciation de l’administration et du juge. Par situation personnelle et économique, on entend les charges familiales, la situation financière (revenus et fortune), ainsi que les dettes (VOLLENWEIDER/BRUNNER, in Basler Kommentar zum Unfallversicherungsgesetz, 2019, n° 36 ad art. 36 LAA et les références citées).

En l’espèce, la prise en compte de la situation personnelle et économique de l’assuré a conduit les premiers juges à réduire l’IPAI au taux de 20% plutôt qu’à celui de 17,5% qui correspondait strictement aux causes étrangères à l’accident, soit une différence de 2,5% seulement.

L’assuré a exposé n’avoir dégagé aucun revenu de deux premiers exercices comptables (2012 et 2013) de sa nouvelle société créée en juillet 2012 et s’être octroyé un salaire mensuel d’environ 1500 fr. en 2014. Il a en outre fait état, en juillet 2012, d’un burn-out provoqué par une procédure de divorce, du versement d’une contribution d’entretien de plus de 4000 fr. y afférente et du loyer d’un ancien domicile, ainsi que d’un cancer dont il aurait souffert. En juillet 2015, il a sollicité l’octroi d’une avance sur l’IPAI, en arguant d’une future intervention chirurgicale devant entraîner une incapacité de travail de deux mois, avec pour conséquence des difficultés pour s’acquitter de ses charges professionnelles. L’assurance-accidents lui a d’ailleurs accordé l’avance requise en août 2015, puis une nouvelle fois en juin 2016. Le fait que l’assuré aurait, selon l’assurance-accidents, agi de manière déraisonnable en fondant une nouvelle entreprise dans le domaine de la mécanique postérieurement à son accident et malgré l’apparition de limitations fonctionnelles ne s’avère enfin pas pertinent ; au vu de l’art. 47 OLAA, la prise en compte de la situation personnelle et économique de l’assuré n’est pas conditionnée à un comportement non fautif de celui-ci.

 

Au vu de ce qui précède, on ne saurait faire grief à la cour cantonale d’avoir abusé de son pouvoir d’appréciation en retenant que la situation personnelle et économique de l’assuré justifiait de fixer le taux de l’IPAI à 20% et non à 17,5%.

 

Le TF rejette le recours de l’assurance-accidents.

 

 

Arrêt 8C_808/2019 consultable ici

 

 

9C_222/2020 (f) du 18.06.2020 – Contestation par l’assuré de la prise en charge de médicaments par la caisse-maladie / Procédure simplifiée – 51 LPGA – 80 al. 1 LAMal / Obligation de rendre une décision en cas de désaccord – 49 LPGA / Recours (au tribunal cantonal) pour déni de justice – 56 al. 2 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_222/2020 (f) du 18.06.2020

 

Consultable ici

 

Contestation par l’assuré de la prise en charge de médicaments par la caisse-maladie

Procédure simplifiée / 51 LPGA – 80 al. 1 LAMal

Obligation de rendre une décision en cas de désaccord / 49 LPGA

Recours (au tribunal cantonal) pour déni de justice / 56 al. 2 LPGA

 

Assuré AOS qui, par courrier du 28.08.2019, a requis de la caisse-maladie la prise en charge de deux médicaments prescrits le 22.08.2019 par son médecin-dentiste traitant. Il lui demandait, en cas de refus, de rendre une « décision motivée, susceptible de recours et avec les voies de droit ».

La caisse-maladie a envoyé à l’assuré deux décomptes de prestations, datés des 06.09.2019 et 07.09.2019, selon lesquels les coûts des médicaments (de respectivement 27 fr. 10 et 16 fr. 15) étaient à la charge de l’assuré.

Le 13.10.2019, le prénommé a contesté les « décisions daté[es] » du 06.09.2019 et 07.09.2019 et réclamé leur annulation ainsi que le remboursement des médicaments en cause. Répondant le 27.12.2019, la caisse-maladie a refusé le remboursement des coûts au titre de l’assurance obligatoire des soins, parce que les médicaments en cause avaient été prescrits en lien avec un traitement dentaire qui n’était pas obligatoirement pris en charge par cette assurance.

 

Procédure cantonale (arrêt AM 6/20 – 5/2020 – consultable ici)

Par acte du 03.02.2020, l’assuré a saisi le tribunal cantonal d’un recours contre « la décision de la [caisse-maladie] » du 27.12.2019 dont il a demandé l’annulation ; il a conclu notamment à la prise en charge des médicaments.

La juridiction cantonale a considéré qu’au moment où elle a été saisie, la caisse-maladie n’avait pas rendu de décision sur opposition sujette à recours : le courrier de la caisse-maladie du 27.12.2019 ne constituait pas un tel prononcé, mais un acte rendu selon la procédure simplifiée de l’art. 51 al. 1 LPGA. Aussi, le recours formé devant elle était-il prématuré et l’assuré devait d’abord procéder en la forme prévue par l’art. 51 al. 2 LPGA.

Par jugement du 10.02.2020, la juridiction cantonale a déclaré le recours irrecevable.

 

TF

Selon l’art. 49 al. 1 LPGA, l’assureur doit rendre par écrit les décisions qui portent sur des prestations, créances ou injonctions importantes ou avec lesquelles l’intéressé n’est pas d’accord. Les prestations, créances et injonctions qui ne sont pas visées à l’art. 49 al. 1 peuvent être traitées selon une procédure simplifiée (art. 51 al. 1 LPGA), mais l’intéressé peut exiger qu’une décision soit rendue (art. 51 al. 2 LPGA).

Les décisions peuvent être attaquées dans les trente jours par voie d’opposition auprès de l’assureur qui les a rendues (art. 52 al. 1 LPGA) et les décisions sur opposition peuvent faire l’objet d’un recours devant le tribunal cantonal des assurances compétent (art. 56 al. 1 en relation avec les art. 57 al. 1 et 58 al. 1 LPGA).

En matière d’assurance-maladie obligatoire, les prestations d’assurance sont allouées selon la procédure simplifiée prévue par l’art. 51 LPGA (art. 80 al. 1 LAMal). Cette règle, qui s’applique également, en dérogation à l’art. 49 al. 1 LPGA, aux prestations importantes (art. 80 al. 2 LAMal), ne modifie ni l’obligation de l’assureur-maladie de rendre une décision par écrit en cas de désaccord de l’assuré (prévue par l’art. 49 al. 1 LPGA), ni le droit de celui-ci d’exiger qu’une décision soit rendue, en vertu de l’art. 51 al. 2 LPGA (ATF 133 V 188 consid. 3.3 p. 190).

Comme le fait valoir à juste titre l’assuré, en le renvoyant à agir en la forme prévue par l’art. 51 al. 2 LPGA, soit en l’obligeant à exiger de la caisse-maladie qu’elle rende une décision, la juridiction cantonale a appliqué de façon incorrecte les art. 49 et 51 LPGA en relation avec l’art. 80 al. 1 LAMal.

En l’espèce, le 13.10.2019, l’assuré a exprimé son désaccord avec les décomptes de prestations des 06.07.2019 et 07.09.2019, par lesquels la caisse-maladie avait indiqué, selon la procédure simplifiée de l’art. 80 al. 1 LAMal, que les médicaments étaient à sa charge. Compte tenu de ce désaccord, du reste précédé par une demande tendant à ce que la caisse-maladie se prononce par une décision susceptible d’être attaquée en justice en cas de refus (courrier du 28.08.2019), il incombait à la caisse-maladie de rendre une décision conformément aux art. 49 al. 1 et 51 al. 2 LPGA. En réponse, la caisse-maladie a toutefois envoyé un courrier, le 27.12.2019, selon lequel elle refusait la prise en charge des coûts au titre de l’assurance-maladie obligatoire et espérait que ses explications contribueraient à clarifier la situation pour l’assuré. La lettre n’était pas intitulée comme décision et n’indiquait pas de voies de droit. Selon la jurisprudence relative à l’art. 49 al. 1 LPGA (ATF 134 V 145 consid. 3.2 in fine p. 148), à défaut de réaliser ces exigences, elle ne pouvait pas être considérée comme une décision, quoi qu’en dise l’assuré, qui se réfère à une situation où, à la différence d’avec son cas, l’acte qualifié de décision imposait de manière contraignante le paiement d’une prestation d’une somme d’argent à l’Etat (cf. ATF 143 III 162 consid. 2 p. 163).

A ce stade de la procédure, où il appartenait à la caisse-maladie de se prononcer par une décision formelle au sens de l’art. 49 al. 1 LPGA, dans un délai de trente jours (art. 127 OAMal), le recours dont a été saisie l’autorité de première instance apparaissait certes prématuré, faute de décision et décision sur opposition, susceptible de recours. Mais la juridiction cantonale ne pouvait pas se contenter de déclarer irrecevable le recours et de renvoyer l’assuré à exiger une nouvelle fois une décision de la part de la caisse-maladie, selon l’art. 51 al. 2 LPGA, alors qu’il s’était déjà conformé à cette disposition en exprimant son désaccord et en réclamant la décision que la caisse-maladie a manqué de rendre selon les formes prévues. Au vu des circonstances, l’autorité judiciaire de première instance aurait dû considérer le recours de l’assuré comme un recours au sens de l’art. 56 al. 2 LPGA, selon lequel le recours peut aussi être formé lorsque l’assureur, malgré la demande de l’intéressé, ne rend pas de décision ou de décision sur opposition. Ce recours (pour déni de justice) a précisément pour but d’obtenir une décision de la part de l’assureur social (cf. ATF 133 V 188 consid. 3.2 p. 190; arrêt 8C_738/2016 du 28 mars 2017 consid. 3.1.1) dans une situation dans laquelle celui-ci est tenu d’en rendre une. Or l’assuré était confronté à l’absence de décision de la part de la caisse-maladie qui s’était prononcée à tort de manière informelle et non par le biais d’un prononcé au sens de l’art. 49 al. 1 LPGA, malgré sa requête dans ce sens (cf. ATF 134 V 145 consid. 5.1 p. 149; cf. KIESER, ATSG-Kommentar, 4e éd. 2020, ad art. 49 LPGA n° 39).

En conséquence, la juridiction cantonale aurait été tenue d’entrer en matière sur le recours conformément à l’art. 56 al. 2 LPGA. Dès lors que la cause est en l’état d’être jugée et que les parties ont eu l’occasion de se déterminer, il y a lieu, par économie de procédure, de réformer directement le jugement cantonal : à ce stade, il appartient à la caisse-maladie de rendre une décision conformément à l’art. 49 al. 1 LPGA, de sorte que l’autorité de première instance aurait dû admettre le recours dans ce sens. Aussi, la cause doit-elle être renvoyée à la caisse-maladie pour qu’elle se prononce dans les meilleurs délais.

 

Le TF admet le recours de l’assuré, réforme le jugement cantonal en ce sens que le recours est admis et la cause est renvoyée à la caisse-maladie pour qu’elle rende une décision.

 

 

Arrêt 9C_222/2020 consultable ici

 

 

8C_765/2019 (i) du 10.06.2020 – Revenu d’invalide – 16 LPGA / Horaire hebdomadaire de la branche – Année à prendre en compte (année de l’ESS vs année de la comparaison des revenus)

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_765/2019 (i) du 10.06.2020

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi.

 

Revenu d’invalide / 16 LPGA

Horaire hebdomadaire de la branche – Année à prendre en compte (année de l’ESS vs année de la comparaison des revenus)

Abattement de 5%

 

Le 17.12.2015, l’assuré, né en 1968, maçon, a trébuché et est tombé sur l’asphalte, se protégeant en « mettant ses mains en avant ». À la suite de cet événement, l’assuré a signalé une déchirure de la coiffe des rotateurs à droite et une minime déchirure du supra-spinatus à gauche. Une intervention et plusieurs enquêtes ont suivi.

Par décision, confirmée par opposition, l’assurance-accidents a nié le droit à une rente d’invalidité et a octroyé une IPAI de 20%. Pour le revenu d’invalide, il a été tenu compte d’un abattement de 5%, l’assuré ayant des limitations aux deux épaules, en particulier le port de poids ; les autres activités ne sont par contre pas limitées.

 

Procédure cantonale (35.2019.57)

Le tribunal cantonal a rappelé que les données statistiques les plus récentes doivent être utilisées pour statuer sur les oppositions. La juridiction cantonale a pris en compte l’expérience professionnelle acquise par l’assuré au fil des ans tant en Italie qu’en Suisse en tant que maçon, sans être titulaire d’un CFC. Il a utilisé dans ce cas le tableau ESS TA1 2016, branche 41-43 « Construction », niveau 1, hommes, rapporté sur 41,3 heures et indexé jusqu’en 2018. Dans les calculs, elle a reporté, sans raison particulière, le salaire mensuel brut moyen sur 41,4 heures. L’indexation du revenu d’invalide de 2016 à 2018 a été fait au moyen du tableau « T1.1.10 Indice des salaires nominaux, hommes, 2011-2018 ». Contrairement à l’assurance-accidents, la cour cantonale a tenu compte d’un abattement de 10%, afin de tenir compte des limitations fonctionnelles liées à l’atteinte à la santé, l’assuré ne pouvant effectuer pour l’essentiel que des travaux très légers.

Par jugement du 14.10.2019, admission du recours par le tribunal cantonal, annulant la décision sur opposition et octroyant à l’assuré une rente d’invalidité fondée sur un taux de 12% dès le 01.07.2018.

 

TF

Horaire hebdomadaire à prendre en compte

Le premier grief se rapporte à l’horaire hebdomadaire à prendre en compte.

La durée hebdomadaire de 41,4 heures est liée aux données de 2016, alors que celle de 41,3 heures l’est aux données de 2018.

Le Tribunal fédéral confirme que les statistiques « Durée normale du travail dans les entreprises selon la division économique » (tableau T 03.02.03.01.04.01), dans la branche 41-43 « Construction » sont de 41.4h en 2016 et de 41.3h en 2018.

Le Tribunal fédéral conclut que le tribunal cantonal est tombé dans une erreur manifeste. Si le salaire mensuel brut selon ESS de CHF 5’508, rapporté sur 41.3h/semaine, s’élève à CHF 5’687,01 en 2018, soit CHF [68’244.12] par an (CHF 5’687,01 x 12), 13e salaire inclus (voir arrêt U 274/98 du 18 février 1999, consid. 3a).  [NB : erreur de calcul par le TF, le résultat correct est bien 68’244.12 et non 68’409.36.]

 

Abattement

S’agissant de l’abattement, le tribunal cantonal s’est contenté de se référer à un jugement cantonal antérieur, qui n’a pas fait l’objet d’un recours devant le Tribunal fédéral. Or, l’application d’un abattement sur le revenu d’invalide est le résultat d’une évaluation globale de la situation (cf. également les arrêts 8C_730/2019 du 10.06.2020 et 8C_9/2020 du 10.06.2020 pour un grief identique, au résultat identique).

 

Le TF admet le recours de l’assurance-accidents, annule le jugement cantonal et confirme la décision sur opposition de l’assurance-accidents.

 

Arrêt 8C_765/2019 consultable ici

Proposition de citation : 8C_765/2019 (i) du 10.06.2020 – Revenu d’invalide – Horaire hebdomadaire de la branche – Abattement, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2020/08/8c_765-2019)

 

Remarque : cet arrêt est intéressant et tranche clairement la question de savoir quelle durée hebdomadaire il contient d’appliquer. Bien que, dans le cas d’espèce, l’ESS 2016 a servi de base, le revenu d’invalide a été déterminé pour l’année 2018. Ce sont donc bien les données de la durée hebdomadaire de 2018 qui doivent servir de référence pour l’adaptation.

8C_730/2019 (i) du 10.06.2020 – Revenu d’invalide – 16 LPGA / Indexation du revenu ESS / Abattement sur le salaire statistique

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_730/2019 (i) du 10.06.2020

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi.

 

Revenu d’invalide / 16 LPGA

Indexation du revenu ESS

Abattement sur le salaire statistique

 

Assuré, né en 1963, charpentier, est victime le 06.08.2017 d’un accident au genou droit. Les examens médicaux ont montré la présence d’une gonarthrose médiale et fémoro-patellaire, rendue symptomatique par le traumatisme subi.

L’assurance-accidents a, par décision confirmée sur opposition, le droit à une rente d’invalidité et a octroyé une IPAI de 10%. Le revenu d’invalide a été fixé sur la base de l’ESS 2016, tableau TA1 (niveau de compétences 1, hommes, toutes branches confondues), indexé à 2018 ; l’assureur n’a tenu compte d’aucun abattement.

 

Procédure cantonale (35.2019.59)

En ce qui concerne l’indexation jusqu’en 2018, le tribunal cantonal a indiqué que selon l’indice T1.1.10 des salaires nominaux, hommes 2011-2018, l’indice par rapport à 2010 était de 104,1 en 2016 et de 105,1 en 2018. Le revenu 2018 est ainsi de CHF 67’445.12. L’abattement a été porté à 10%.

Par jugement du 30.09.2019, admission du recours par le tribunal cantonal, annulant la décision sur opposition et reconnaissant le droit de l’assuré à une rente d’invalidité, dès le 01.11.2018, fondée sur un taux de 13%.

 

TF

Indexation

L’assurance-accidents (recourante) relève que la juridiction cantonale s’est basée sur le tableau T1.1.10. Indépendamment du fait que, selon l’assureur, le tribunal cantonal aurait dû utiliser le tableau existant le plus récent, c’est-à-dire T1.1.15, il est incompréhensible que ce choix modifie la pratique du même tribunal puisque, dans d’autres cas similaires, le tribunal cantonal aurait toujours utilisé T1.1.15 pour les données à partir de 2015 s’il n’y avait pas besoin d’utiliser les données pour une branche d’activité particulière. Toutefois, le résultat obtenu [avec les données du T1.1.15] ne serait pas fondamentalement différent du calcul appliqué par le tribunal cantonal.

L’utilisation d’un tableau statistique présuppose qu’il a été publié au moment où la décision sur l’opposition a été rendue (ATF 143 V 295 consid. 4.1.2 p. 299). Un examen plus approfondi des deux tableaux T1.1.10 et T1.1.15 montre que les valeurs sont les mêmes. Le résultat non identique de l’utilisation des deux tableaux (avec une différence minimale de 0,06 %) réside simplement dans le fait que les tableaux sont limités à une seule décimale et qu’en fonction de la valeur de base à partir de laquelle on part (2010 ou 2015), un certain écart est créé.

Toutefois, le grief ne tient pas compte de la maxime « minima non curat praetor », que les assureurs sont tenus de respecter (arrêts 8C_144/2019 du 6 août 2019 consid. 5 et 8C_363/2017 du 22 novembre 2017 consid. 4).

 

Abattement sur le salaire statistique

S’agissant de l’abattement, le tribunal cantonal s’est contenté de se référer à un jugement cantonal antérieur, qui n’a pas fait l’objet d’un recours devant le Tribunal fédéral. Or, l’application d’un abattement sur le revenu d’invalide est le résultat d’une évaluation globale de la situation (cf. également les arrêts 8C_765/2019 du 10.06.2020 et 8C_9/2020 du 10.06.2020 pour un grief identique, au résultat identique).

 

Le TF admet le recours de l’assurance-accidents, annule le jugement cantonal et confirme la décision sur opposition de l’assurance-accidents.

 

 

Arrêt 8C_730/2019 consultable ici

Proposition de citation : 8C_730/2019 (i) du 10.06.2020 – Revenu d’invalide – Indexation du revenu ESS – Abattement sur le salaire statistique, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2020/08/8c_730-2019)

 

8C_9/2020 (i) du 10.06.2020 – Rente d’invalidité – Comparaison des revenus – 16 LPGA / Arrondissement du revenu sans invalidité à la dizaine inférieure erroné / Justification et raisonnement pour tenir compte d’un abattement sur le salaire statistique

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_9/2020 (i) du 10.06.2020

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi.

 

Rente d’invalidité – Comparaison des revenus / 16 LPGA

Arrondissement du revenu sans invalidité à la dizaine inférieure erroné

Justification et raisonnement pour tenir compte d’un abattement sur le salaire statistique

Le fait pour un tribunal cantonal de se référer à un jugement cantonal antérieur, qui n’a pas fait l’objet d’un recours devant le Tribunal fédéral, n’a pas été admis

 

Assuré, né en 1955, menuisier, est tombé d’un toit et a subi un traumatisme à l’épaule droite.

 

Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a refusé le droit à une rente d’invalidité et a octroyé une IPAI de 15%. Le revenu sans invalidité a été fixé à CHF 69’156.

S’agissant des limitations fonctionnelles, l’assuré n’a aucune restriction quant à la position assise et debout, sur les mouvements autres que la montée et la descente des escaliers.

 

Procédure cantonale (arrêt 35.2019.64)

Le tribunal cantonal a confirmé le revenu sans invalidité mentionné dans la décision sur opposition mais a conclu à un revenu sans invalidité de CHF 69’150.

Quant au revenu d’invalide, après avoir rappelé la pratique fédérale et cantonale, l’instance cantonale s’est référée à un jugement (cantonal) définitif (entré en force) du 5 septembre 2019, qui « critiquait » [« censurato »] le changement de pratique de l’assurance-accidents, consistant à ne plus appliquer d’abattement sur les revenus d’invalide à compter du 1er janvier 2019. Après avoir rappelé quelques cas similaires, les juges cantonaux ont appliqué une déduction de 10%.

Par jugement du 20.11.2019, admission du recours par le tribunal cantonal, annulant la décision sur opposition et octroyant à l’assuré une rente d’invalidité sur un taux de 12%.

 

TF

Revenu sans invalidité

L’assurance-accidents (recourante) déclare ne pas comprendre pourquoi le tribunal cantonal est arrivé à un chiffre légèrement inférieur, bien qu’il confirme la décision sur l’opposition sur ce point. Ni l’assuré, ni le tribunal cantonal n’ont donné d’avis explicite sur ce point.

Il faut conclure qu’il s’agit bien d’une erreur manifeste de la part du tribunal cantonal. Les juges cantonaux n’ont pas indiqué pourquoi le revenu sans invalidité devait être arrondi à la dizaine inférieure. Le revenu sans invalidité est donc de CHF 69’150.

 

Revenu d’invalide – Abattement sur le salaire statistique

L’assurance-accidents (recourante) considère que le fait d’avoir évalué par le passé l’abattement de manière trop large ne la lie pas à d’autres cas. L’assureur fait également observer que l’abattement de 10% est excessif, car ce taux a été appliqué dans des cas beaucoup plus graves que dans le cas d’espèce.

L’assuré, quant à lui, critique l’attitude contradictoire de l’assurance-accidents, car après avoir reconnu l’abattement dans de nombreux cas, il prétend maintenant ne plus l’appliquer. Il souligne que l’activité exigible (simple et répétitive) ne tient pas compte des limitations concrètes. Il considère que la décision sur opposition est inhabituelle, refusant d’accorder toute déduction ainsi que d’appliquer les DPT, désormais abandonnées par l’assurance-accidents.

Si le revenu d’une personne invalide est établi sur la base de données statistiques, il faut se demander si ce montant ne doit pas être réduit. L’influence de tous les facteurs sur le revenu (limitations de l’état de santé, âge, années de service, nationalité/type de permis de séjour et degré d’emploi) doit être évaluée dans son ensemble en tenant compte de toutes les circonstances du cas spécifique, en faisant un usage approprié du pouvoir d’estimation, sans pour autant quantifier séparément chaque facteur de réduction. En tout état de cause, la réduction ne doit pas dépasser 25% (ATF 135 V 297 consid. 5.2 p. 301 ; 134 V 322 consid. 5.2 p. 327 s. ; 126 V 75 consid. 5b/bb p. 80).

Le point de savoir s’il y a lieu de procéder à un abattement sur le salaire statistique en raison de circonstances particulières est une question de droit qui peut être examinée librement par le Tribunal fédéral (ATF 137 V 71 consid. 5.1 p. 72 ; arrêt 8C_652/2008 du 8 mai 2009 consid. 4, non publié dans ATF 135 V 297). En revanche, l’étendue de l’abattement du salaire statistique dans un cas concret constitue une question relevant du pouvoir d’appréciation. L’exercice du pouvoir d’appréciation n’est pas un motif de recours devant le Tribunal fédéral (ATF 143 V 369 consid. 5.4.1 p. 379), à moins que cela ne constitue une violation du droit fédéral. Tel est le cas si la juridiction de première instance a exercé son pouvoir d’appréciation, soit en commettant un excès positif (« Ermessensüberschreitung ») ou négatif (« Ermessensunterschreitung ») de son pouvoir d’appréciation, soit en abusant de ce pouvoir (« Ermessensmissbrauch »), en se laissant guider par des critères étrangers à l’esprit de la loi ou en ignorant des principes généraux reconnus tels que l’interdiction de l’arbitraire, le principe de la bonne foi ou la proportionnalité (ATF 137 V 71 consid. 5.1 p. 72 et suiv. ; 132 V 393 consid. 3.3 p. 399).

Contrairement au pouvoir d’examen du Tribunal fédéral, celui de l’autorité judiciaire de première instance (art. 57 LPGA) n’est en revanche pas limité dans ce contexte à la violation du droit (y compris l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation), mais s’étend également à l’opportunité de la décision administrative (« Angemessenheitskontrolle »). En ce qui concerne l’opportunité de la décision en cause, l’examen porte sur le point de savoir si une autre solution que celle que l’autorité, dans un cas concret, a adoptée dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation et en respectant les principes généraux du droit, n’aurait pas été plus judicieuse quant à son résultat. A cet égard, le juge des assurances sociales ne peut pas, sans motif pertinent, substituer sa propre appréciation à celle de l’administration ; il doit s’appuyer sur des circonstances de nature à faire apparaître sa propre appréciation comme la mieux appropriée (ATF 137 V 71 consid. 5.2 p. 73 et la référence).

Une réduction sur le revenu d’invalide ne peut être appliquée que s’il est prouvé dans le cas concret que l’assuré ne peut exploiter sa capacité de travail exigible sur un marché du travail équilibré que de manière inférieure à la moyenne, en raison de l’un ou l’autre des critères (ou de plusieurs critères) (ATF 135 V 297 consid. 5.2 p. 301 ; arrêt 8C_82/2019 du 19 septembre 2019, consid. 6.2.2 et la référence).

Il convient de rappeler que les limitations fonctionnelles déjà incluses dans l’examen de la capacité de travail résiduelle ne doivent pas avoir d’influence supplémentaire sur l’examen de l’abattement, afin d’éviter une double prise en compte du même aspect : le simple fait que sont exigibles pour l’assuré que des activités légères à moyennement complexes ne justifie pas une réduction supplémentaire, même dans le cas d’une capacité de travail partielle (arrêts 8C_805/2016 du 22 mars 2017 consid. 3.1 et 3.4.2 et 9C_846/2014 du 22 janvier 2015 consid. 4.1.1 et les références). Le niveau de compétences 1 de l’ESS comprend déjà toute une série d’activités légères, qui tiennent compte de nombreuses limitations. En d’autres termes, seules des circonstances qui, dans un marché équilibré du travail, doivent être considérées comme exceptionnelles peuvent être prises en compte au titre de limitations fonctionnelles (arrêts 8C_495/2019 du 11 décembre 2019 consid. 4.2.2 avec référence et 8C_82/2019 du 19 septembre 2019, considérant 6.3.2).

Dans le cas d’espèce, le tribunal cantonal se contente de se référer à un jugement cantonal antérieur, qui n’a pas fait l’objet d’un recours devant le Tribunal fédéral. Or, l’application d’un abattement sur le revenu d’invalide est le résultat d’une évaluation globale de la situation. Les juges cantonaux ne constatent ni n’affirment en aucune manière qu’il existe des circonstances exceptionnelles dans un marché du travail équilibré, qui permettraient dans ce cas d’affirmer que l’assuré subit un désavantage tel qu’il se trouve dans une situation inférieure à la moyenne. Pour le reste, le tribunal cantonal a improprement substitué sa propre appréciation à celle de l’assureur, sans raison particulière (cf. également les arrêts 8C_730/2019 du 10.06.2020 et 8C_765/2019 du 10.06.2020 pour un grief identique, au résultat identique).

 

Le TF admet le recours de l’assurance-accidents, annule le jugement cantonal et confirme la décision sur opposition de l’assurance-accidents.

 

 

Arrêt 8C_9/2020 consultable ici

Proposition de citation : 8C_9/2020 (i) du 10.06.2020 – Arrondissement du revenu sans invalidité à la dizaine inférieure erroné – Justification et raisonnement pour tenir compte d’un abattement sur le salaire statistique, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2020/08/8c_9-2020)