Archives de catégorie : Jurisprudence

9C_49/2021 (f) du 27.10.2021 – Montant de la rente de vieillesse AVS / Inscription au compte individuel de salaires versés sur lesquels des cotisations ne peuvent plus être exigées ni versées – 30ter LAVS

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_49/2021 (f) du 27.10.2021

 

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Montant de la rente de vieillesse AVS

Inscription au compte individuel de salaires versés sur lesquels des cotisations ne peuvent plus être exigées ni versées / 30ter LAVS

 

Saisie d’une demande de rente de l’assurance-vieillesse et survivants présentée le 29.05.2018, la caisse de compensation AVS (ci-après: la Caisse) a octroyé à l’assurée, née en 1940, une rente de vieillesse d’un montant de 123 fr. par mois à compter du 01.05.2013, puis de 113 fr. par mois à compter du 01.08.2014.

L’assurée s’est opposée à ces décisions en indiquant qu’elle avait travaillé en 1976, 1977 et 1978 comme chanteuse dans un restaurant-cabaret tessinois, ce qui n’aurait à tort pas été pris en considération lors du calcul de sa rente. La Caisse a pris connaissance d’une attestation (non datée) de l’ancienne gestionnaire de l’établissement. Selon celle-ci, l’assurée avait travaillé dans son établissement comme chanteuse entre 1976 et 1978 à raison de huit mois par année, six jours par semaine, pour un cachet journalier de 140 fr. Les renseignements pris par la Caisse, notamment auprès de la Caisse de compensation GastroSocial, ont mis en évidence que le restaurant-cabaret en question avait été affilié à cette dernière à partir du 01.07.1976, mais qu’aucune inscription de salaire n’avait été enregistrée au nom de l’assurée pour les années 1976 à 1978. Sur le vu de ces informations, la Caisse a rejeté l’opposition.

 

Procédure cantonale

Le Tribunal cantonal a laissé ouverte la question de l’existence de l’activité lucrative alléguée par l’assurée au moyen de l’attestation de l’ancienne gestionnaire du restaurant-cabaret, dès lors qu’il considérait comme non-établi que les anciens associés de son employeur de l’époque avaient payé des cotisations sur son salaire, que l’assurée n’avait pas produit des pièces démontrant que des cotisations lui avaient été déduites du salaire et que ses allégations concernant une éventuelle convention de salaire net étaient contradictoires et restées sans preuve à l’appui.

Par jugement du 02.12.2020, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Des cotisations qui ne peuvent plus être exigées ni versées ne peuvent être inscrites au compte individuel de l’assurée que s’il est établi – sans équivoque – soit que l’employeur les a retenues sur le salaire, soit qu’il existait une convention sur le salaire net (art. 30ter al. 2 LAVS; arrêt 9C_743/2017 du 16 mars 2018 consid. 5.2 et l’arrêt cité). En espèce, le Tribunal cantonal a constaté qu’il n’était pas établi que l’employeur avait déduit les cotisations litigieuses, ni que celui-ci avait conclu avec l’assurée une convention sur le salaire net. En conséquence, il n’était plus décisif de savoir si l’assurée avait effectivement exercé l’activité prétendue dans les années 1976 à 1978. A lui seul, ce fait n’aurait en tout cas pas permis l’inscription de cotisations non versées dans son compte individuel, dès lors que le prélèvement de celles-ci constitue l’élément déterminant.

L’assurée ne démontre pas en quoi le Tribunal cantonal aurait versé dans l’arbitraire, manqué à son devoir d’élucider les faits pertinents ou violé les règles de preuve en considérant que ni la retenue des cotisations sur le salaire, ni une convention sur le salaire net n’étaient établies. En particulier, elle n’expose pas quels renseignements supplémentaires l’instance cantonale aurait dû demander à la Caisse GastroSocial qui auraient été aptes à changer l’appréciation des preuves (cf. concernant l’appréciation anticipée des preuves et l’examen limité qu’en fait le Tribunal fédéral p.ex. ATF 136 I 229 consid. 5.3; 144 V 111 consid. 3), voire à justifier l’appel en cause de cette caisse de compensation. Elle n’explique singulièrement pas quelle influence sur le sort de la cause pourrait avoir le fait de connaître « les raisons de l’absence du nom de Mme A.__ dans ses registres ». Le Tribunal fédéral reste donc lié par les constatations de la première instance exposées ci-dessus, et il peut être renvoyé aux motifs de l’arrêt attaqué, auxquels il n’y a rien à ajouter.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_49/2021 consultable ici

 

 

9C_662/2020 (f) du 16.09.2021 – Révision procédurale niée – 53 al. 1 LPGA / Expertises médicales – Faits nouveaux vs Appréciation divergente d’un même état de fait

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_662/2020 (f) du 16.09.2021

 

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Révision procédurale niée / 53 al. 1 LPGA

Expertises médicales – Faits nouveaux vs Appréciation divergente d’un même état de fait

 

Assurée, née en 1957, a requis des prestations de l’assurance-invalidité en raison de différents troubles somatiques et psychiques le 14.05.2004. L’office AI lui a accordé une rente entière d’invalidité à partir du 01.10.2003. Sa décision reposait sur une expertise psychiatrique du docteur B.__. Dans son rapport du 16.03.2004, l’expert avait fait état d’un trouble dépressif majeur et d’un trouble de la personnalité dépendante à l’origine d’une incapacité totale de travail à compter du mois d’août 2002.

En juillet 2006, l’office AI a entrepris une procédure de révision, à l’issue de laquelle il a supprimé la rente avec effet au 01.01.2010 (décision du 18.11.2009). Sa décision se fondait sur un examen clinique rhumato-psychiatrique des docteurs C.__ et D.__, médecins de son Service médical régional (SMR). Ces médecins avaient observé une amélioration de l’état de santé, avec un trouble dépressif en rémission complète ainsi qu’un trouble mixte non décompensé de la personnalité (avec des traits dépendants) autorisant la reprise à plein temps, depuis le 01.12.2005, d’une activité adaptée à des limitations fonctionnelles dues à des douleurs rachidiennes (rapport du 02.11.2007). La décision du 18.11.2009 est entrée en force après que le Tribunal cantonal vaudois a déclaré irrecevable le recours formé par l’assurée (arrêt du 13.10.2011, confirmé par arrêt 9C_893/2011 du Tribunal fédéral du 30.04.2012).

L’intéressée a de nouveau sollicité des prestations le 03.09.2013. L’administration n’est pas entrée en matière sur cette requête (décision du 12.02.2015).

L’assurée s’est à nouveau annoncée à l’assurance-invalidité le 21.07.2015. L’office AI est entré en matière sur la nouvelle demande de prestations et a fait réaliser une nouvelle expertise. Les experts E.__ et F.__, spécialistes en psychiatrie et psychothérapie, ont retenu un trouble de la personnalité paranoïaque totalement incapacitant dès 2002 mais autorisant la reprise à mi-temps d’une activité impliquant un minimum d’interactions sociales dès 2006 (rapport du 04.12.2017). Considérant cependant que les circonstances personnelles de l’intéressée rendaient inexploitable une quelconque capacité de travail depuis le mois de janvier 2016, l’administration a reconnu le droit de l’assurée à une rente entière d’invalidité depuis le 01.01.2017 (décision du 12.09.2018).

 

Le 12.10.2018, l’assurée a sollicité de l’office AI la révision procédurale et/ou la reconsidération des décisions des 18.11.2009 et 12.02.2015. L’office AI n’est pas entré en matière sur la demande de reconsidération (courrier du 21.01.2019). Il a rejeté la demande de révision procédurale de la décision du 18.11.2009 (décision du 10.02.2020).

 

Procédure cantonale (arrêt AI 307/18 & 86/20 – 313/20 – consultable ici)

Le 12.10.2018, l’assurée a déféré la décision du 12.09.2018 et, le 16.03.2020, la décision du 10.02.2020 au tribunal cantonal. Les causes ont été jointes.

Par jugement du 15.09.2020, la cour cantonale a rejeté le recours contre la décision du 10.02.2020 et admis partiellement celui contre la décision du 12.09.2018, qu’il a réformée en ce sens que la rente entière d’invalidité était octroyée à l’assurée dès le 01.01.2016.

 

TF

Etant donné les motifs et les conclusions recevables du recours, selon lesquels seule la période de novembre 2009 à décembre 2015 est litigieuse sous l’angle de la révision procédurale de la décision du 18.11.2009, seule reste à trancher la question de savoir si la juridiction cantonale pouvait confirmer le rejet de cette demande.

 

Le tribunal cantonal a retenu que les conditions d’une révision procédurale au sens de l’art. 53 al. 1 LPGA n’étaient pas remplies en l’occurrence. Il a admis que les experts E.__ et F.__ avaient posé un nouveau diagnostic (trouble de la personnalité paranoïaque) mais considéré que ce diagnostic reposait sur une nouvelle appréciation d’un état de fait connu depuis la décision d’octroi de rente du 08.11.2005. Selon les juges cantonaux, la différence de qualification du trouble de la personnalité (paranoïaque en 2017 par rapport à dépendante en 2004 et 2007) se fondait essentiellement sur des symptômes (plus particulièrement sur les difficultés à gérer les relations interpersonnelles) décrits par le docteur G.__de l’Institut für Medizinisch-Psychiatrische Expertise dans son rapport du 18.08.2003, qui avait certes été écarté dans la mesure où il avait été jugé confus mais dont de larges extraits avaient été repris par le docteur B.__. Les juges cantonaux ont par ailleurs considéré sous l’angle de l’art. 17 al. 1 LPGA que les rapports produits par les médecins traitants et les experts établissaient au degré de la vraisemblance prépondérante une modification notable de l’état de santé de l’assurée (décompensation psychique) qui justifiait l’incapacité de travail constatée par les docteurs E.__ et F.__ à compter du mois de janvier 2015. Ils ont dès lors fixé la naissance du droit à la rente au 01.01.2016.

 

Contrairement à ce que fait valoir l’assurée, le tribunal cantonal ne s’est pas interdit d’examiner la situation antérieure à 2016 ou ne s’est pas trompé d’approche dans son analyse. En effet, il s’est dans un premier temps attaché à déterminer si le trouble de la personnalité paranoïaque diagnostiqué par les docteurs E.__ et F.__ en 2017 constituait un fait nouveau qui pouvait justifier la modification de la qualification de l’affection retenue dans la décision initiale du 08.11.2005 et si l’incapacité de travail engendrée par cette affection à partir de 2002 d’après les médecins cités pouvait justifier la révision procédurale de la décision de suppression de rente du 18.11.2009. Ce n’est que dans un second temps que les juges cantonaux ont restreint leur examen aux événements postérieurs à la dernière décision entrée en force du 12.02.2015 pour déterminer sous l’angle de l’art. 17 al. 1 LPGA et à la lumière des informations transmises par les docteurs E.__ et F.__ si l’état de santé de l’assurée s’était éventuellement aggravé.

On relèvera ensuite que conformément à ce qu’a retenu la juridiction cantonale, si le trouble diagnostiqué par les docteurs E.__ et F.__ est différent de celui retenu par les docteurs B.__ ou C.__ et D.__ auparavant, il résulte d’une appréciation divergente d’un même état de fait. Tous ont fait état d’un « trouble spécifique de la personnalité » (F 60 de la CIM-10). Seule la qualification de ce trouble diffère selon les médecins. Les docteurs B.__ ainsi que C.__ et D.__ ont considéré que l’assurée présentait une « personnalité dépendante » (F 60.7 CIM-10) tandis que les docteurs E.__ et F.__ qu’elle présentait une « personnalité paranoïaque » (F 60.0 CIM-10).

De plus, la qualification spécifique du trouble de la personnalité (F….0 ou F….7) dépend des symptômes observés concrètement. Or, à ce propos, le tribunal cantonal a à juste titre nié l’existence de faits nouveaux au motif que les docteurs E.__ et F.__ s’étaient fondés sur des éléments constatés par le docteur G.__ (notamment les difficultés à gérer les relations interpersonnelles) et connus du docteur B.__ pour qualifier rétrospectivement différemment le trouble de la personnalité unanimement admis. Le fait pour l’assurée d’affirmer péremptoirement que les docteurs B.__, C.__ et D.__ avaient totalement omis de tenir compte dans leur appréciation des difficultés qu’elle avait rencontrées dans son enfance, dans la mesure où ils avaient focalisé leur attention sur la problématique dépressive, ne remet pas valablement en cause l’arrêt cantonal et ne démontre pas la découverte de faits nouveaux. En effet, l’assurée se contente ainsi d’alléguer l’existence de difficultés sans en préciser la nature. En tout état de cause, on constate à la lecture des rapports des docteurs B.__, C.__ et D.__ ainsi que E.__ et F.__ que les éléments anamnestiques concernant les difficultés rencontrées durant l’enfance sont décrits d’une manière foncièrement identique, ce qui relativise en outre la portée des propos du docteur H.__ quant à la superficialité de l’anamnèse du rapport des docteurs C.__ et D.__. L’argument y relatif tombe donc à faux.

Il est aussi erroné de prétendre, comme le fait l’assurée, que l’attention des experts et médecins examinateurs avait initialement été concentrée sur la problématique dépressive. Le docteur B.__ décrivait effectivement le trouble dépressif comme étant en rémission partielle et de gravité actuelle mineure. En revanche, il liait la reprise d’une activité lucrative avant tout à l’amendement du fort aspect dépendant du trouble de la personnalité. Les docteurs C.__ et D.__ s’étaient certes exprimés sur la problématique dépressive (en rémission complète) mais avaient également déduit de leurs investigations que le trouble de la personnalité n’était pas décompensé.

Compte tenu de ce qui précède, il apparaît que le tribunal cantonal n’a pas fait preuve d’arbitraire (sur cette notion, cf. ATF 137 I 58 consid. 4.1.2) ni violé l’art. 53 al. 1 LPGA en concluant que les docteurs E.__ et F.__ avaient procédé rétrospectivement à une appréciation divergente d’un état de fait connu et n’avaient pas mis en évidence de faits nouveaux justifiant une appréciation différente de l’évolution de la capacité de travail de l’assurée depuis 2002.

Les autres éléments critiqués par l’assurée (la référence des juges cantonaux à l’avis de ses médecins traitants et à l’instauration d’une curatelle en 2014) ne laissent pas non plus apparaître l’existence de tels faits.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 9C_662/2020 consultable ici

 

 

9C_147/2021 (f) du 13.10.2021 – Début et fin du droit à des prestations d’invalidité – 26 LPP / Survenance de l’incapacité de travail – Connexité matérielle et temporelle

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_147/2021 (f) du 13.10.2021

 

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Début et fin du droit à des prestations d’invalidité / 26 LPP

Survenance de l’incapacité de travail – Connexité matérielle et temporelle

Absence de preuve d’une incapacité de travail de 20% au moins

 

Assuré, né en 1967, a travaillé pour le compte de la Poste Suisse, du 01.11.1983 au 30.09.2012. A ce titre, il a été assuré pour la prévoyance professionnelle auprès de la Caisse de pensions Poste (ci-après: la Caisse de pensions) jusqu’au 30.09.2012. L’assuré s’est ensuite inscrit à l’assurance-chômage dès le 01.10.2012.

Entre-temps, l’office AI a reconnu le droit de l’assuré à un quart de rente d’invalidité du 01.03.2006 au 31.05.2006, puis à une rente entière du 01.06.2006 au 31.12.2006. A la suite d’une nouvelle demande de prestations présentée par l’assuré en septembre 2014, l’office AI lui a octroyé une rente entière d’invalidité du 01.03.2015 au 28.02.2017, puis dès le 01.06.2017 (décisions des 21.09.2017 et 24.11.2017). En bref, l’administration a considéré, après avoir notamment diligenté une expertise auprès d’un spécialiste en psychiatrie et psychothérapie et sollicité l’avis de son Service médical régional (SMR), que l’assuré présentait une incapacité totale de travail dans toute activité professionnelle depuis le 24.10.2013. L’office AI a précisé que si la demande de prestations n’avait pas été tardive, l’assuré aurait pu prétendre à une rente entière d’invalidité, fondée sur un taux d’invalidité de 100%, depuis le 01.10.2014.

Le 20.09.2017, l’assuré s’est adressé à la Caisse de pensions en vue d’obtenir des prestations de la prévoyance professionnelle. Celle-ci a nié toute obligation de prester, au motif que selon les décisions de l’office AI des 21.09.2017 et 24.11.2017, l’incapacité de travail ayant conduit à l’invalidité avait débuté le 24.10.2013, soit à un moment où l’assuré n’était plus affilié auprès d’elle.

 

Procédure cantonale

Après avoir constaté que l’office AI avait fixé au 24.10.2013 le moment de la survenance de l’incapacité de travail qui a constitué la cause de l’invalidité ayant fondé le droit de l’assuré à une rente de l’assurance-invalidité dès le 01.03.2015, et considéré que cette date n’était cependant pas déterminante pour l’examen du droit aux prestations de la prévoyance professionnelle, dès lors que la demande de prestation de l’assurance-invalidité avait été présentée tardivement par l’assuré, la juridiction cantonale a procédé à une appréciation du cas sans égard à la date déterminante pour l’assurance-invalidité.

La cour cantonale a constaté que l’incapacité de travail ayant conduit au droit de l’assuré à une rente de l’assurance-invalidité en 2006 était exclusivement en lien avec des atteintes somatiques, alors que la rente octroyée dès le 01.03.2015 l’avait été en raison essentiellement d’un trouble spécifique de la personnalité, personnalité anxieuse (F60.4) et d’un trouble dépressif récurrent, épisode moyen. Partant, les juges cantonaux ont nié que l’incapacité de travail survenue en 2006 pût constituer la cause de l’invalidité reconnue dès 2015 (à défaut de lien de connexité matérielle).

Si l’instance cantonale a ensuite admis que le choc subi par l’annonce du licenciement le 17.04.2012 avait entraîné une perturbation psychique chez l’assuré, elle a constaté que celle-ci n’avait évolué que progressivement vers une atteinte sévère et finalement invalidante et qu’aucun élément au dossier ne permettait de retenir une perte (durable) de capacité de travail de l’intéressé durant sa période d’emploi auprès de la Poste Suisse pour ce motif. Les premiers éléments concrets concernant une baisse de la capacité de travail de l’assuré avaient été mentionnés le 04.10.2013 par l’office régional de placement, alors que l’assuré était inscrit depuis le 01.10.2012 comme demandeur d’emploi à 100% à l’assurance-chômage. En conséquence, les juges cantonaux ont admis que la connexité temporelle entre la prétendue incapacité de travail durant le rapport de prévoyance (dès le printemps 2012) et l’invalidité ultérieure avait été interrompue.

Par jugement du 25.01.2021, rejet de l’action par le tribunal cantonal.

 

TF

La juridiction cantonale n’a pas négligé ni minimisé le diagnostic d’état dépressif réactionnel posé en 2006 par le médecin-traitant, spécialiste en médecine interne générale. Si ce médecin a certes attesté une incapacité totale de travail depuis le 30.05.2006, il a fait état d’une évolution favorable sur le plan psychique dans son rapport du 18.08.2006, puis a, par la suite, conclu au recouvrement d’une capacité totale de travail dès le 06.11.2006. Dans un rapport établi le 30.01.2018, à la demande du mandataire de l’assuré, le médecin-traitant a par ailleurs indiqué qu’en 2006 son patient avait fait une réaction dépressive transitoire et réactionnelle à sa peur d’être licencié à l’époque par sa hiérarchie, en précisant qu’il n’y avait pas eu de diminution fonctionnelle de rendement en raison d’une atteinte à la santé psychique et que si l’assuré avait été en incapacité de travail à différentes reprises avant le 30.09.2012, c’était en raison de divers accidents (genoux et chevilles). Dans son rapport final, le médecin du SMR a retenu le diagnostic principal d’état après corrections chirurgicales de troubles de la statique du pied gauche et le diagnostic associé avec répercussion sur la capacité de travail d’état après myocardite aiguë. Il a en revanche classé le trouble de l’humeur au sein des diagnostics sans répercussion sur la capacité de travail.

C’est également sans fondement que l’assuré reproche à la juridiction cantonale de ne pas avoir pris en compte une note interne établie par l’office AI le 31.10.2007, à la suite d’un entretien téléphonique. Le fait que l’assuré aurait, au cours de cet entretien, « surréagi et craignait d’être licencié s’il percevait une rente » ne permet en effet pas de conclure à une incapacité de travail pour des raisons psychiques à cette époque, dès lors déjà que ces déclarations sont contredites par les rapports médicaux versés au dossier.

Si le médecin-expert a certes indiqué qu’à partir de l’entretien disciplinaire d’avril 2012 et de l’annonce de son licenciement, l’assuré s’était senti fragile psychiquement et avait fait une « réaction aiguë à un facteur de stress », et qu’il a conclu à une incapacité totale de travail à compter de « la fin de son activité en juillet 2012 », cette conclusion est infirmée par d’autres éléments du dossier. Outre le fait que l’assuré n’a cessé de travailler que le 01.09.2012, dans son premier rapport d’expertise, le médecin-expert n’avait pas fait état d’une incapacité de travail de 20% au moins avant le 24.10.2013. Par ailleurs, le médecin-traitant a attesté une incapacité totale de travailler depuis le 24.10.2013 seulement, et non dès 2012 déjà. Comme l’a retenu sans arbitraire la juridiction cantonale, la seconde évaluation du médecin-expert, postérieure de plus de six ans après la période déterminante, n’est dès lors pas susceptible d’établir une diminution de la capacité de travail pendant ou au terme des rapports de travail avec la Poste Suisse.

Le fait que l’assuré a annoncé à son employeur qu’il avait des « problèmes de moral » au cours de l’entretien disciplinaire d’avril 2012 et qu’en réponse à l’annonce de son licenciement, il a manifesté « une volonté de se jeter dans le Rhône », ne sont pas non plus des éléments suffisants pour admettre, au degré de la vraisemblance prépondérante, qu’il présentait une incapacité de travail en raison d’une atteinte à la santé psychique au printemps 2012 déjà. Outre qu’il s’agit des propres déclarations – subjectives – de l’assuré, on constate, à la suite de la juridiction cantonale, que les premiers éléments concrets concernant une baisse de la capacité de travail de l’assuré ont été mentionnés le 04.10.2013 par l’office régional de placement, alors que l’assuré était inscrit depuis le 01.10.2012 comme demandeur d’emploi à 100% à l’assurance-chômage. Hormis des incapacités attestées en raison d’accidents divers et un jour d’arrêt maladie le jour de l’annonce du licenciement, le 17.04.2012, aucune incapacité de travail pour des raisons psychiques n’avait été médicalement attestée. Il ressort par ailleurs des décomptes de salaires afférents aux mois de mai à septembre 2012 et des relevés de la saisie du temps de travail relatifs aux mois de juillet à septembre 2012 que l’assuré avait travaillé jusqu’au terme des rapports de travail, effectuant même les travaux de nuit. A cet égard, l’argumentation de l’assuré selon laquelle il n’aurait travaillé que 31 jours de juillet à septembre 2012, ce qui lui « permettait de compenser une incapacité de travail due à son état de santé », ne saurait emporter conviction, dès lors déjà qu’il admet avoir été en vacances et libéré de son obligation de travailler pendant une partie de cette période.

Quant au fait que l’assuré a mentionné, lors de son premier entretien à l’office régional de placement, le 05.10.2012, qu’il était en dépression, il ne suffit pas non plus pour admettre qu’il était déjà en incapacité de travail à cette époque. Outre qu’il s’est inscrit auprès de l’assurance-chômage en tant que demandeur d’emploi à 100% dès le 01.10.2012, on constate, à la suite des juges cantonaux, qu’aucun élément ne permet de retenir une incapacité de travail à ce moment-là, puisque l’assuré avait cherché activement du travail, suivi des cours informatiques et bénéficié d’un programme temporaire (PET) auprès de l’hôpital F.__. L’assuré a en conséquence perçu de pleines indemnités de chômage du 01.10.2012 au 18.10.2013, ce qu’il ne conteste pas.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_147/2021 consultable ici

 

 

8C_614/2020 (f) du 07.09.2021 – TCC sans preuve d’un déficit organique objectivable vs avec lésions traumatiques objectivables d’un point de vue organique – 6 LAA / Troubles vestibulaires

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_614/2020 (f) du 07.09.2021

 

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TCC sans preuve d’un déficit organique objectivable vs avec lésions traumatiques objectivables d’un point de vue organique / 6 LAA

Troubles vestibulaires

Résultats de l’investigation (médicale) susceptibles d’être confirmés en cas de répétition de l’examen

 

Assuré, né en 1987, joueur de hockey sur glace professionnel au Club B.__ du 01.05.2013 au 30.04.2016, date à laquelle son engagement a été résilié.

Le 22.01.2015, lors d’un match, l’assuré a été victime d’une charge (mise en échec) par un joueur de l’équipe adverse qu’il n’avait pas vu venir (sur la déclaration d’accident du 27.01.2015, le Club B.__ a mentionné un « violent choc à la tête donné par un adversaire »; A.__ déclarera ultérieurement avoir pris l’épaule du joueur adverse sur le côté droit de la figure sans perte de conscience). Il a immédiatement ressenti des vertiges, des maux de tête et une vision floue; il a dû interrompre le jeu et a été pris de vomissements à deux reprises dans les vestiaires. Il a été suivi par le médecin du club, qui a posé le diagnostic de concussion et a prescrit une incapacité de travail de 100% dès le jour de l’accident. L’assuré a poursuivi son traitement à Stockholm (Suède), où il a effectué le 21.06.2015 un CT-scan cérébral montrant un status normal. Il s’est également rendu aux Etats-Unis pour y subir un bilan et une rééducation vestibulaires.

Vu l’absence d’amélioration notable de l’état de santé de l’assuré, l’assurance-accidents a mis en œuvre une expertise neurologique auprès du docteur G.__ avec un volet neuropsychologique. Dans son rapport du 21.01.2016, ce médecin n’a pas constaté d’anomalie spécifique, si ce n’est une gêne subjective lors des mouvements des yeux ou lors des tests vestibulo-oculaires; compte tenu du tableau post-traumatique (céphalées au moindre effort, hypersensibilité au bruit et à la lumière, fatigue significative), il a suggéré des investigations complémentaires par imagerie pour exclure une lésion contusionnelle fronto-temporale ainsi qu’une dissection artérielle. Quant à l’examen neuropsychologique, il n’a révélé chez l’assuré aucun déficit exécutif, attentionnel ou mnésique; les scores obtenus montraient toutefois une certaine lenteur par rapport à ce qui pouvait être attendu d’un sportif professionnel.

Par décision du 29.03.2016, l’assurance-accidents a mis fin à ses prestations, au motif qu’il n’y avait pas de lien de causalité adéquate entre les troubles présentés par l’assuré et l’accident du 22.01.2015. L’assuré a formé opposition, en invoquant une instruction incomplète.

Au mois d’août 2016, l’assuré a subi des examens vestibulaires spécialisés dont les résultats ont conduit les médecins (neurologue et oto-neurologue), à faire état de ce qui suit: « Contusio cerebelli/Contusio trunci cerebri mit okulären Fixationsstörungen im Sinne von mikro-square-wave jerks und konsekutiv reduziertem dynamischem Visus […], SOT [Sensory Organization Test] mit deutlicher Einschränkung vestibulär visuell und propriozeptiv » (rapport du 25 août 2016). L’assuré a également produit un rapport d’un spécialiste en médecine du sport.

De son côté, l’assurance-accidents a demandé au docteur G.__ de procéder à une expertise complémentaire. Le neurologue s’est adjoint les services d’un spécialiste en oto-neurologie, qui s’est limité à pratiquer un audiogramme vu les tests vestibulaires déjà exécutés en août 2016. Cet examen a montré une audition normale des deux côtés avec cependant une légère asymétrie des seuils en défaveur de la gauche pouvant suggérer une commotion labyrinthique. Le docteur G.__ a également complété les examens d’imagerie et refait passer à l’assuré un examen neuropsychologique. Dans son rapport du 02.12.2016, l’expert neurologue a posé les diagnostics de status après traumatisme crânien et de commotion vestibulaire en janvier 2015. Il a confirmé l’absence d’anomalie neurologique au status et à l’imagerie. A la question de savoir si les plaintes émises et les troubles constatés étaient dus à l’accident du 22.01.2015, il a répondu que hormis les sensations vertigineuses fluctuantes qui étaient compatibles de façon probable avec les séquelles de la commotion vestibulaire, les autres plaintes (céphalées quotidiennes, fatigue, difficultés de concentration) avaient une relation de causalité improbable avec l’accident. Il a précisé que même si les séquelles vestibulaires étaient minimes, elles étaient incompatibles avec une activité de hockeyeur professionnel ou d’autres sports de haut niveau impliquant le même type de stimulation. En revanche, il n’existait aucune limitation pour une activité professionnelle de la vie sédentaire usuelle.

Le 09.11.2017, l’assurance-accidents a rejeté l’opposition de l’assuré et maintenu sa décision initiale du 29.03.2016.

 

Procédure cantonale (arrêt (AA 159/17-121/2020 – consultable ici)

Se fondant sur le rapport du docteur G.__ auquel elle a accordé pleine valeur probante, la cour cantonale a retenu que l’accident du 22.01.2015 n’avait causé aucune lésion organique. Cela étant, la cour cantonale a laissé ouverte la question de la causalité naturelle entre les troubles (sans substrat organique) dont se plaignait encore l’assuré et l’événement accidentel, considérant que le caractère adéquat de ces troubles pouvait de toute façon être nié. Pour cet examen, elle a fait application de la jurisprudence en matière de traumatisme du type coup du lapin ou de traumatisme cranio-cérébral sans preuve d’un déficit organique objectivable. Après avoir classé l’accident dans la catégorie des accidents de gravité moyenne à la limite des accidents peu graves, elle n’a admis la réalisation que d’un seul des critères déterminants consacrés par la jurisprudence précitée, à savoir celui de l’importance de l’incapacité de travail en dépit des efforts reconnaissables de l’assuré. Ce critère ne s’était toutefois pas manifesté de manière particulièrement marquante en l’espèce, dès lors que l’assuré avait été considéré apte à reprendre une activité adaptée dès le 01.05.2016. La cour cantonale a donc nié l’existence d’un lien de causalité adéquate et a confirmé le refus de l’assureur-accidents de prester au-delà du 30 avril 2016.

Par jugement du 18.08.2020, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Le droit à des prestations de l’assurance-accidents suppose un lien de causalité naturelle et adéquate entre l’événement dommageable de caractère accidentel et l’atteinte à la santé (sur ces notions ATF 129 V 177 consid. 3.1 et 3.2). En présence d’une atteinte à la santé physique en relation de causalité naturelle avec l’accident, le problème de la causalité adéquate ne se pose guère car l’assureur répond aussi des atteintes qui ne se produisent habituellement pas selon l’expérience médicale (ATF 127 V 102 consid. 5b/bb et les références).

En revanche, en cas d’accident ayant entraîné un traumatisme de type « coup du lapin » à la colonne cervicale, un traumatisme analogue à la colonne cervicale ou un traumatisme cranio-cérébral sans preuve d’un déficit organique objectivable, le Tribunal fédéral a développé une jurisprudence particulière en matière de causalité adéquate (cf. ATF 138 V 248 consid. 4; 134 V 109 consid. 10 et les arrêts cités). La raison en est que dans ces cas, il est plus difficile d’apprécier juridiquement si l’accident revêt une importance déterminante dans la survenance du résultat.

Sont considérés comme objectivables les résultats de l’investigation (médicale) susceptibles d’être confirmés en cas de répétition de l’examen, lorsqu’ils sont indépendants de la personne de l’examinateur ainsi que des indications données par le patient. On ne peut ainsi parler de lésions traumatiques objectivables d’un point de vue organique que lorsque les résultats obtenus sont confirmés par des investigations réalisées au moyen d’appareils diagnostiques ou d’imagerie et que les méthodes utilisées sont reconnues scientifiquement (ATF 138 V 248 consid. 5.1; SVR 2012 UV n° 5 p. 17; arrêt 8C_816/2012 du 4 septembre 2013 consid. 6 et les références).

Dans un arrêt récent (8C_591/2018 du 29 janvier 2020), le Tribunal fédéral avait à juger le cas d’une assurée souffrant de vertiges à la suite d’un accident de la circulation lui ayant occasionné un traumatisme crânien ainsi qu’une contusion labyrinthique bilatérale. Selon les conclusions de l’expert spécialiste en oto-neurologie mandaté par l’assureur-accidents, elle présentait un déficit vestibulaire bilatéral sous-compensé en lien probable avec cet accident. Même si les examens d’imagerie effectués s’étaient révélés normaux, le Tribunal fédéral a considéré que dans la mesure où le diagnostic de déficit vestibulaire bilatéral sous-compensé avait été posé sur la base d’observations cliniques reproductibles et issues d’appareils diagnostiques spécialisés propres au domaine ORL [oto-rhino-laryngologie] dont le caractère scientifiquement reconnu n’était pas douteux, il constituait une atteinte à la santé objectivée sur le plan médical. En conséquence, c’était à tort que la cour cantonale avait assimilé les symptômes d’instabilité de l’assurée aux tableaux cliniques sans preuve de déficit organique. Dans cette affaire, le Tribunal fédéral a néanmoins renvoyé la cause à la cour cantonale pour complément d’instruction médicale, au motif qu’il existait une divergence de vues inconciliables entre l’expert neurologue, pour lequel il n’y avait pas d’atteinte vestibulaire résiduelle mais une ataxie statique liée à une neuropathie des membres inférieurs, et l’expert oto-neurologue, qui réfutait que cette maladie préexistante chez l’assurée pût jouer un rôle prépondérant dans les symptômes d’instabilité.

 

Dans la mesure où elle porte sur le refus de réaliser une expertise judiciaire, la violation du droit d’être entendu invoquée par l’assuré est une question qui n’a pas de portée propre par rapport au grief tiré d’une mauvaise appréciation des preuves (arrêt 8C_15/2009 du 11 janvier 2010 consid. 3.2, in SVR 2010 IV n° 42 p. 132, et les arrêts cités). Elle sera donc examinée sous cet angle. Compte tenu des principes jurisprudentiels régissant le droit aux prestations de l’assurance-accidents, la première question à trancher est de déterminer si, au vu des pièces médicales à sa disposition, la cour cantonale a admis à juste titre que l’accident du 22.01.2015 n’avait causé aucune atteinte organique.

Dans son rapport du 2 décembre 2016, comme cela lui était demandé (question 3.1 de la mission d’expertise), le docteur G.__ a fait état de ses propres constatations et a pris position sur celles des autres médecins, en particulier sur les résultats des tests vestibulaires réalisés en août 2016. Il a confirmé que l’assuré ne présentait aucune anomalie neurologique objectivable au status et à l’imagerie et a pris acte de ce que ses confrères neurologue et oto-neurologue mettaient en évidence une « dysfonction vestibulaire sous forme de troubles de la fixation avec micro-ondes carrées et troubles visuels aux mouvements ». Dans la mesure où lui-même n’a pas trouvé d’anomalie significative à l’issue de son examen clinique (poursuite oculaire, examen des saccades, coordination visuo-oculomotrice), il s’est exprimé sur cette « apparente contradiction » en déclarant qu’elle ne s’expliquait pas par une amélioration intervenue entre les examens pratiqués en août 2016 et les siens propres, mais qu’elle « témoign[ait] d’une modestie ou du peu de signification clinique des anomalies détectées lors des tests appareillés à Zurich ». Plus loin (question 3.4), le docteur G.__ a indiqué qu’il voyait une corrélation entre le syndrome vertigineux fluctuant et les anomalies constatées en août 2016, tout en précisant encore une fois qu’il ne pouvait s’agir que d’une atteinte sous-jacente légère en considération de la normalité des tests visuo-oculomoteurs auxquels il avait lui-même procédé. A la question relative au lien de causalité, l’expert a affirmé que ce syndrome vertigineux était « compatible de façon probable avec les séquelles d’une commotion vestibulaire, dont les séquelles objectivables actuellement [étaient] cependant minimes », étant rappelé que ledit expert a posé les diagnostics de status après traumatisme crânien et de commotion vestibulaire en janvier 2015. Finalement, en ce qui concerne la capacité de travail, le docteur G.__ a exposé ce qui suit: « On doit accepter que la probabilité des séquelles vestibulaires persistantes, même légères, soient incompatibles avec la reprise d’une activité de hockeyeur professionnel, même à temps partiel; en effet, l’alternance des stimulations posturales lentes et rapides, multidirectionnelle, avec l’interaction nécessaire entre l’oculomotricité, la vision et la proprioception peut être altérée de façon non compatible avec cette activité, même lors de séquelles mineures au niveau du système vestibulaire; ceci est de même pour toutes activités sportives de haut niveau impliquant le même type de stimulation; en revanche, il n’existe aucune limitation organique pour toute activité de la vie sédentaire usuelle notamment sur le plan professionnel ».

En l’occurrence, si ces considérations médicales tendent à remettre en cause la constatation, par la cour cantonale, d’un tableau clinique uniquement dominé par des troubles sans preuve d’un déficit organique, elles ne permettent pas, en l’état, de retenir l’existence d’une atteinte objectivable d’un point de vue organique au sens de la jurisprudence. Lorsque le docteur G.__ conclut que l’assuré présente des séquelles mineures « objectivables » au niveau du système vestibulaire, il se fonde exclusivement sur les observations faites en août 2016 puisqu’il n’a lui-même trouvé aucune anomalie à l’issue de ses propres examens cliniques. A la lecture du rapport y relatif, on constate que les examens spécialisés vestibulaires réalisés ont montré des résultats normaux hormis une diminution de l’acuité visuelle dynamique et la présence de nombreuses micro-ondes carrées (« Vestibuläre apparative Diagnostik: VKIT-normal, grob pathologische DVA [pour dynamic visual acuity] links 1.18, rechts 1.36, auffällig häufige micro-square-wave jerks »); il est également fait mention d’un test d’organisation sensorielle avec des performances apparemment déficitaires (« Sensory Organisation Test: Beeinträchtigung für vestibulär, visuell, propriozeptiv »). Aucune explication n’accompagne toutefois les données cliniques obtenues et les résultats détaillés des examens ne sont pas non plus joints au rapport, de sorte qu’on ne sait pas s’il s’agit de résultats susceptibles d’être confirmés en cas de répétition de l’examen, c’est-à-dire qui ne dépendent ni de la personne de l’examinateur ni des indications données par le patient. En l’absence d’informations complémentaires de la part de l’expert neurologue à ce sujet, il n’est donc pas possible pour le Tribunal fédéral de vérifier la réalisation de ces conditions, contrairement à ce qui était le cas dans l’affaire qui a donné lieu à l’arrêt 8C_591/2018 du 29 janvier 2020. A cela s’ajoute qu’il ne ressort pas de manière assez claire et détaillée de l’expertise du neurologue comment il est parvenu à la conclusion qu’il existe un lien de causalité entre les séquelles vestibulaires et l’événement du 22.01.2015. En effet, en août 2016, ses confrères neurologue et oto-neurologue n’ont pas véritablement pris position sur la question du lien de causalité – ce qui n’était pas leur mission -, mentionnant seulement l’existence de signes évocateurs dans ce sens (« Neben dem am ehesten atypisch migräniformen Kopfschmerz mit ausgeprägter Photophobie bestehen anamnestisch, klinisch und apparativ Hinweise für die seltene Commotio Variante Contusio cerebelli/Contusio trunci cerebri (vestibulär apparativ: okuläre Fixationsstörung im Sinne von mikro-square-wave jerks und konsekutiv massiv reduziertem dynamischem Visus bei normalen Video-Kopfimpulstest). »).

Il convient donc de renvoyer la cause à la cour cantonale pour qu’elle complète l’instruction médicale sur les deux points décrits ci-dessus et rende un nouvel arrêt. S’agissant du complément d’instruction, il lui est loisible de solliciter une nouvelle prise de position du docteur G.__ ou de nommer le cas échéant un nouvel expert. Il incombera à l’expert médical désigné de fournir une réponse motivée aux questions de savoir si les résultats cliniques constatés en août 2016 constituent une atteinte à la santé objectivable au sens de la jurisprudence (ATF 138 V 248 consid. 5.1) et si cette atteinte est, au degré de la vraisemblance prépondérante, en lien de causalité avec l’accident du 22.01.2015.

 

Le TF admet partiellement le recours de l’assuré, annulant le jugement cantonal et renvoyant la cause à la cour cantonale.

 

Arrêt 8C_614/2020 consultable ici

 

 

8C_259/2021 (f) du 23.09.2021 – Revenu sans invalidité d’un assuré en gain intermédiaire chômage – 16 LPGA / Référence à la ligne Total de l’ESS

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_259/2021 (f) du 23.09.2021

 

Consultable ici

 

Revenu sans invalidité d’un assuré en gain intermédiaire chômage / 16 LPGA

Référence à la ligne Total de l’ESS

 

Assuré, né en 1964, a travaillé comme nettoyeur pour le compte de B.__ SA jusqu’au 31 décembre 2013. Ensuite de son licenciement pour des motifs économiques, il s’est inscrit auprès de la Caisse de chômage à partir du 01.01.2014. Dès le 13.07.2015, il a été engagé comme nettoyeur pour l’entreprise C.__ SA, par un contrat de durée déterminée jusqu’au 18.09.2015 à un taux d’activité de 88%.

Le 20.07.2015, alors qu’il se rendait à son travail à vélo, l’assuré a chuté et sa tête a heurté une automobile circulant en sens inverse. Il a subi un traumatisme crânien avec perte de connaissance, une fracture déplacée vers l’intérieur de l’os pariétal gauche, un hématome épicrânien pariétal gauche, une fracture comminutive de la tête du péroné gauche ainsi qu’une fracture au niveau occipital. Le 31.07.2015, l’assuré a subi une ostéosynthèse pour la fracture de son plateau tibial gauche. L’ablation du matériel d’ostéosynthèse a eu lieu le 24.08.2016. En raison de la mauvaise évolution du genou gauche, une prothèse totale du genou a été réalisée le 22.11.2017.

Le 02.11.2018, l’assuré a été examiné par le médecin-conseil, spécialiste en chirurgie orthopédique. Ce praticien a retenu que l’ancienne activité n’était plus exigible, mais qu’une activité professionnelle adaptée (réalisée essentiellement en position assise, tout en permettant quelques brefs déplacements, avec un port ponctuel de charges limitées à 5 kg, sans monter sur une échelle, sans devoir s’agenouiller, sans limitation au niveau des membres supérieurs) était envisageable à la journée entière, sans baisse de rendement. Le médecin-conseil a également procédé à une évaluation de l’atteinte à l’intégrité et a estimé que celle-ci s’élevait à 35%.

Par décision du 08.05.2019, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a refusé d’octroyer une rente d’invalidité à l’assuré, au motif que la comparaison des salaires sans (53’690 fr.) et avec invalidité (60’968 fr. 70) ne faisait apparaître aucune perte de capacité de gain. Elle lui a également alloué une indemnité pour atteinte à l’intégrité de 35%.

 

Le 21.01.2016, l’assuré s’était annoncé à l’assurance-invalidité (ci-après : l’OAI) en raison des suites de l’accident. Par décision du 17.05.2019, l’OAI lui a accordé une rente entière du 01.07.2016 au 31.01.2019 sur la base d’un taux d’invalidité de 100% ; cependant, à partir du mois de novembre 2018, une capacité de travail de 100% dans une activité adaptée était exigible, de sorte que le droit à la rente s’éteignait dès le 01.02.2019. Concernant la comparaison des revenus, l’OAI s’est référé tant pour le revenu sans invalidité que pour celui d’invalide aux valeurs de l’Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS) 2014 (Tableau 1, tous secteurs confondus [total], homme, niveau de compétences 1, actualisé à l’année 2016 au moyen de l’indice suisse nominal des salaires [ISS]), ce qui donnait un montant annuel de 67’022 fr. S’agissant du revenu sans invalidité, l’OAI a motivé l’application des valeurs statistiques par le fait que l’assuré était au chômage avant l’atteinte à la santé. Quant au revenu avec invalidité, il a opéré un abattement de 10% sur le revenu statistique en raison des limitations fonctionnelles de l’assuré. Il en résultait un revenu avec invalidité de 60’320 fr. et, en conséquence, un degré d’invalidité de 10%, qui excluait le droit à une rente de l’assurance-invalidité. Après avoir tenu une audience de comparution personnelle des parties le 29.01.2020, la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève a rejeté le recours formé par l’assuré contre la décision de l’OAI (arrêt du 6 mai 2020).

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/194/2021 – consultable ici)

La juridiction cantonale a confirmé le revenu d’invalide de 60’968 fr. 70 établi par l’assurance-accidents en référence aux données de l’ESS 2016 (TA1, total secteur privé, hommes, à une moyenne horaire de 41,7 heures par semaine, indexées à 2019) et en opérant un abattement de 10%.

La cour cantonale s’est toutefois écartée du salaire sans invalidité déterminé par l’assurance-accidents sur la base des informations salariales de l’ancien employeur B.__ SA, au motif que les rapports de travail avec cette entreprise avaient pris fin le 31.12.2013 pour des raisons économiques. Les juges cantonaux ont par ailleurs considéré qu’il n’y avait pas lieu de retenir le salaire payé par C.__ SA dès lors que cet emploi s’inscrivait dans le cadre d’une période de chômage et était prévu pour une période déterminée. Partant, la juridiction cantonale s’est référée aux données statistiques ressortant de l’ESS 2016, en prenant la même table TA1, ligne « total », hommes, pour fixer le revenu sans invalidité en 2019 à 67’743 fr. De la comparaison avec le revenu d’invalide résultait un taux d’invalidité de 10%, qui ouvrait le droit à une rente d’invalidité de l’assurance-accidents selon l’art. 18 al. 1 LAA.

Par jugement du 10.03.2021, admission du recours par le tribunal cantonal, réformant la décision en ce sens que l’assuré a droit à une rente d’invalidité de 10% dès le 01.01.2019.

 

TF

Pour déterminer le revenu sans invalidité, il convient d’établir ce que l’assuré aurait, au degré de la vraisemblance prépondérante, réellement pu obtenir au moment déterminant s’il n’était pas devenu invalide. Le revenu sans invalidité doit être évalué de la manière la plus concrète possible. Partant de la présomption que l’assuré aurait continué d’exercer son activité sans la survenance de son invalidité, ce revenu se déduit en principe du salaire réalisé en dernier lieu par l’assuré avant l’atteinte à la santé, en prenant en compte également l’évolution des salaires jusqu’au moment de la naissance du droit à la rente; des exceptions ne peuvent être admises que si elles sont établies au degré de la vraisemblance prépondérante (ATF 139 V 28 consid. 3.3.2; 135 V 297 consid. 5.1; 134 V 322 consid. 4.1; 129 V 222 consid. 4.3.1; arrêt 8C_679/2020 du 1er juillet 2021 consid. 5.1). Ainsi, si la perte de l’emploi est due à des motifs étrangers à l’invalidité, le revenu sans invalidité doit en principe être déterminé sur la base de valeurs moyennes (arrêts 9C_500/2020 du 1er mars 2021 consid. 4.1; 9C_212/2015 du 9 juin 2015 consid. 5.4 et les arrêts cités). Autrement dit, n’est pas déterminant pour la fixation du revenu hypothétique de la personne valide le salaire que la personne assurée réaliserait actuellement auprès de son ancien employeur, mais bien plutôt celui qu’elle réaliserait si elle n’était pas devenue invalide (arrêts 9C_500/2020 du 1 er mars 2021 consid. 4.1; 9C_394/2013 du 27 septembre 2013 consid. 3.3 et les références).

 

Au moment de l’accident, l’assuré était employé comme nettoyeur par C.__ SA par un contrat de durée déterminée (du 13.07.2015 au 18.09.2015) dans le cadre d’un emploi en gain intermédiaire, alors qu’il était inscrit au chômage. Il avait déjà exercé cette même activité professionnelle pour le compte de B.__ SA pendant environ deux ans. Après la perte de cet emploi, il s’était certes inscrit au chômage dès le 01.01.2014 comme nettoyeur de locaux, comme le retient l’assurance-accidents. Celle-ci omet toutefois de mentionner qu’à l’inscription au chômage, il avait également signalé une expérience professionnelle de plus de trois années en tant qu’aide-peintre. En effet, l’assuré, qui ne dispose d’aucune formation particulière, avait indiqué à l’assurance-accidents avoir travaillé auparavant dans différents métiers du bâtiment, au Portugal et en Suisse, ce qu’il a confirmé lors de l’audience du 29 janvier 2020 devant la cour cantonale dans le cadre de la cause l’opposant à l’assurance-invalidité.

L’assurance-accidents soutient en outre que les juges cantonaux auraient considéré de manière erronée que rien ne permettait de retenir que l’assuré aurait poursuivi son activité au sein de C.__ SA. Ainsi, il aurait déclaré lors de l’audience du 29 janvier 2020 que son activité chez C.__ SA devait être prolongée pour une période indéterminée compte tenu de la qualité de son travail. Pourtant, le rapport de travail avec cette entreprise n’avait duré qu’une semaine au moment de l’accident et l’assuré a fait cette déclaration « aux dires des chefs de l’entreprise ». Au surplus, l’assurance-accidents n’avance aucun autre élément à l’appui de cette hypothèse. La conclusion de la cour cantonale selon laquelle il n’est pas établi au degré de la vraisemblance prépondérante que l’assuré aurait continué à travailler pour cette entreprise ne prête donc pas le flanc à la critique.

C’est donc à juste titre que la cour cantonale a évalué le revenu sans invalidité en se fondant sur la ligne « total » de la table TA1 des ESS et non sur la ligne 77, 79-82 ni sur le salaire que réalisait l’assuré dans son emploi intermédiaire auprès de C.__ SA (cf. arrêt 8C_61/2018 du 23 mars 2018 consid. 6.3.1). Enfin, l’assurance-accidents ne peut rien déduire en sa faveur du principe selon lequel l’évaluation de l’invalidité par les organes de l’assurance-invalidité n’a pas de force contraignante pour l’assureur-accidents (et vice versa, cf. ATF 133 V 549 et 131 V 362 consid. 2.3; arrêt 8C_374/2021 du 13 août 2021 consid. 5.6).

 

Le TF rejette le recours de l’assurance-accidents.

 

 

Arrêt 8C_259/2021 consultable ici

 

 

Réduction de l’horaire de travail (RHT) : le Tribunal fédéral rejette le recours de la caisse de chômage de Lucerne concernant l’indemnisation des jours de vacances et des jours fériés

Réduction de l’horaire de travail (RHT) : le Tribunal fédéral rejette le recours de la caisse de chômage de Lucerne concernant l’indemnisation des jours de vacances et des jours fériés

 

Communiqué de presse du SECO du 10.12.2021 consultable ici

Arrêt 8C_272/2021 (d) du 17.11.2021 consultable ici

 

Le Tribunal fédéral a décidé qu’il convient de prendre en compte les jours de vacances et les jours fériés s’agissant des employés percevant un salaire mensuel dans le calcul de l’indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail (RHT). Le jugement en question du Tribunal fédéral, tombé le 17.11.2021, est parvenu au SECO le 09.12.2021.

Le 26.02.2021, la caisse de chômage de Lucerne, avec le soutien du SECO, avait déposé un recours au Tribunal fédéral contre une décision du Tribunal cantonal de Lucerne concernant l’indemnisation des jours de vacances et des jours fériés des employés en réduction de l’horaire de travail (RHT) dans la procédure de décompte sommaire. Le Tribunal fédéral a maintenant rejeté ce recours. Dans son jugement, le Tribunal fédéral indique que les jours de vacances et les jours fériés pour les employés percevant un salaire mensuel doivent être pris en compte dans le calcul de l’indemnité en cas de RHT.

Le SECO a pris acte de la décision du Tribunal fédéral et en analysera de manière approfondie les effets sur l’exécution de l’indemnité en cas de RHT. Les conséquences d’une procédure de décompte conforme à la décision du Tribunal fédéral devront être esquissées le plus rapidement possible. Le SECO mettra tout en œuvre pour se conformer aux exigences du Tribunal fédéral et pouvoir soumettre au Conseil fédéral début 2022 des propositions à ce propos.

La procédure de décompte sommaire pour l’indemnité en cas de RHT a été introduite au printemps 2020, au début de la pandémie, en vertu du droit de nécessité, afin de minimiser la charge administrative des entreprises touchées et de permettre des paiements rapides malgré le nombre inédit de demandes de RHT – avec pour objectif premier de garantir le maintien des places de travail et la liquidité des entreprises dans cette situation extraordinaire.

La bonne santé actuellement affichée par le marché du travail – avec un taux de chômage de 2,5% en novembre 2021 – montre de manière frappante que l’instrument de l’indemnité en cas de RHT a atteint son objectif. Depuis de début de la pandémie du coronavirus au printemps 2020, l’assurance-chômage a en effet versé près de 15 milliards de francs d’indemnités en cas de RHT aux entreprises. Lors de la première vague, au seul mois d’avril 2020, la RHT a été décomptée à 154’000 entreprises, soit à 1,4 million d’employés. Ce qui correspond à plus d’un quart (26%) de toutes les personnes actives en Suisse.

 

 

Communiqué de presse du SECO du 10.12.2021 consultable ici

Arrêt 8C_272/2021 (d) du 17.11.2021 consultable ici

 

 

Responsabilité non contractuelle de l’Union européenne – Consommation énergétique des aspirateurs cycloniques sans sac : le Tribunal de l’Union européenne rejette la demande de réparation du préjudice allégué par Dyson ; Arrêt du 08.12.2021 dans l’affaire T-127/19 Dyson e.a./Commission

Arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 08.12.2021 dans l’affaire T-127/19 Dyson e.a./Commission

 

Communiqué de presse du 08.12.2021 consultable ici

 

Responsabilité non contractuelle de l’Union européenne –Indication, par voie d’étiquetage et d’informations uniformes relatives aux produits, de la consommation en énergie / Directive 2010/30/UE – Règlement délégué (UE) no 665/2013

 

En retenant la méthode normalisée de test fondée sur l’utilisation d’un réservoir vide, la Commission n’a pas méconnu de manière manifeste et grave les limites de son pouvoir d’appréciation ni commis une violation suffisamment caractérisée des principes d’égalité de traitement et de bonne administration.

Depuis le 1er septembre 2014, tous les aspirateurs vendus dans l’Union européenne sont soumis à un étiquetage énergétique dont les modalités ont été précisées par la Commission dans un règlement de 2013 [1], qui complétait la directive sur l’étiquetage énergétique [2]. L’étiquetage vise, notamment, à informer les consommateurs du niveau d’efficacité énergétique et des performances de nettoyage de l’aspirateur.

Dyson Ltd, ainsi que les autres requérantes, qui font partie du même groupe, fabriquent des aspirateurs cycloniques sans sac.

Considérant, en substance, que la méthode normalisée de test retenue par la Commission dans le règlement de 2013 pour mesurer le niveau d’efficacité énergétique des aspirateurs défavorisait ses produits par rapport aux aspirateurs à sac, Dyson a demandé au Tribunal de l’Union européenne d’annuler ce règlement. Par arrêt du 11 novembre 2015 [3], le recours a été rejeté. Statuant sur pourvoi, la Cour a annulé l’arrêt du Tribunal [4] et renvoyé l’affaire à ce dernier. Par un arrêt du 8 novembre 2018 [5], le Tribunal a annulé le règlement de 2013, au motif que la méthode de test effectuée à partir d’un réservoir vide ne reflétait pas des conditions aussi proches que possible des conditions réelles d’utilisation.

Par leur recours, Dyson et les autres requérantes demandent réparation du préjudice (qu’elles évaluent à la somme de 176’100’000 euros) qu’elles prétendent avoir subi du fait de l’illégalité du règlement.

Par son arrêt du 8 décembre 2021, le Tribunal de l’Union européenne rejette le recours.

Le Tribunal rappelle tout d’abord que l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union suppose la réunion de trois conditions cumulatives, à savoir que la règle de droit violée ait pour objet de conférer des droits aux particuliers et que la violation soit suffisamment caractérisée, que la réalité du dommage soit établie et, enfin, qu’il existe un lien de causalité direct entre la violation de l’obligation qui incombe à l’auteur de l’acte et le dommage subi par les personnes lésées.

Le Tribunal commence par vérifier si, ainsi que l’allèguent les requérantes, la Commission a commis des violations du droit de l’Union suffisamment caractérisées pour être susceptibles d’engager la responsabilité non contractuelle de l’Union.

En premier lieu, les requérantes soutiennent que la Cour a définitivement jugé que la Commission avait enfreint l’article 10, paragraphe 1, de la directive sur l’étiquetage énergétique en adoptant une méthode normalisée de test fondée sur l’utilisation d’un réservoir vide. Selon les requérantes, en adoptant une étiquette énergétique qui repose sur cette méthode, la Commission a manifestement dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation.

Le Tribunal constate d’abord que l’application de l’article 10, paragraphe 1, de la directive sur l’étiquetage énergétique au cas spécifique des aspirateurs était de nature à susciter certaines différences d’appréciation, indicatives de difficultés d’interprétation au regard du degré de clarté et de précision de cette disposition et, plus généralement, de la directive prise dans son ensemble.

Le Tribunal analyse ensuite la complexité technique de la situation à régler ainsi que le caractère intentionnel ou inexcusable de l’erreur commise par la Commission. À cet égard, le Tribunal constate que, à la date d’adoption du règlement de 2013, il existait des doutes légitimes quant à la validité scientifique et à l’exactitude des résultats auxquels la méthode de test fondée sur un réservoir chargé [6] pouvait conduire aux fins de l’étiquetage énergétique. Même si cette méthode de test était plus représentative des conditions normales d’usage des aspirateurs que celle fondée sur l’utilisation d’un réservoir vide, la Commission a pu considérer, sans excéder d’une manière manifeste et grave les limites de son pouvoir d’appréciation, que ladite méthode de test n’était pas apte à garantir la validité scientifique et l’exactitude des informations fournies aux consommateurs et opter, alternativement, pour une méthode de test apte à répondre aux critères de validité et d’exactitude des informations.

Le Tribunal conclut que la Commission a ainsi fait preuve d’un comportement pouvant être attendu d’une administration normalement prudente et diligente et, par conséquent, que la Commission n’a pas méconnu, de manière manifeste et grave, les limites qui s’imposaient à son pouvoir d’appréciation.

En deuxième lieu, les requérantes soutiennent que le règlement de 2013 a instauré une discrimination entre les aspirateurs à sac et les aspirateurs cycloniques, en traitant ces deux catégories d’aspirateurs d’une manière identique, alors que leurs caractéristiques ne sont pas comparables, et ce sans aucune justification objective. Le Tribunal indique que tant la directive sur l’étiquetage énergétique que le règlement de 2013 prévoyaient un traitement uniforme de l’ensemble des aspirateurs entrant dans leur champs d’application respectif. Toutefois, en se fondant sur l’analyse concernant la violation de l’article 10, paragraphe 1, de la directive, le Tribunal relève qu’il existait des doutes légitimes quant à la validité scientifique et à l’exactitude des résultats auxquels la méthode de test fondée sur l’utilisation d’un réservoir chargé pouvaient conduire aux fins de l’étiquetage énergétique. Ainsi, une telle circonstance d’ordre factuel suffit à considérer que, indépendamment de toute différence objective entre les aspirateurs cycloniques et les autres types d’aspirateurs, la Commission, en retenant la méthode d’essai fondée sur l’utilisation d’un réservoir vide, n’a pas méconnu de manière manifeste et grave les limites de son pouvoir d’appréciation ni commis une violation suffisamment caractérisée du principe d’égalité de traitement.

En troisième lieu, les requérantes font valoir que la Commission a enfreint le principe de bonne administration en méconnaissance d’un élément essentiel de la directive sur l’étiquetage énergétique, ce qu’aucune administration normalement prudente et diligente n’aurait fait. Le Tribunal constate que cette argumentation recoupe dans une large mesure celle développée par les requérantes dans le cadre des deux premières illégalités alléguées et la rejette au même titre.

Enfin, le Tribunal souligne que l’argumentation des requérantes prise de la violation du droit d’exercer une activité professionnelle étant, en substance, identique à celle développée dans le cadre des trois autres illégalités alléguées, il y a lieu de la rejeter pour les mêmes motifs.

 

 

[1] Règlement délégué (UE) no 665/2013 de la Commission, du 3 mai 2013, complétant la directive 2010/30/UE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne l’étiquetage énergétique des aspirateurs (JO 2013, L 192, p. 1).

[2] Directive 2010/30/UE du Parlement européen et du Conseil, du 19 mai 2010, concernant l’indication, par voie d’étiquetage et d’informations uniformes relatives aux produits, de la consommation en énergie et en autres ressources des produits liés à l’énergie (JO 2010, L 153, p. 1).

[3] Arrêt du 11 novembre 2015, Dyson/Commission, T-544/13 (voir CP 133/15).

[4] Arrêt du 11 mai 2017, Dyson/Commission, C-44/16 P.

[5] Arrêt du 8 novembre 2018, Dyson/Commission, T-544/13 RENV (voir CP 168/18).

[6] Méthode visée à la section 5.9 de la norme harmonisée EN 60312-1(2013) du Comité européen de normalisation électrotechnique (Cenelec).

 

 

Communiqué de presse du 08.12.2021 consultable ici

Arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 08.12.2021 dans l’affaire T-127/19 Dyson e.a./Commission consultable ici

 

9C_424/2021 (f) du 14.10.2021 – Non-paiement des cotisations sociales – Responsabilité de l’employeur – 52 LAVS

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_424/2021 (f) du 14.10.2021

 

Consultable ici

 

Non-paiement des cotisations sociales – Responsabilité de l’employeur / 52 LAVS

 

La société B.__ Sàrl avait pour but tous travaux dans le bâtiment, notamment dans le domaine de la plâtrerie et des façades, affiliée en tant qu’employeur pour le paiement des cotisations auprès de la caisse de compensation depuis le 01.01.2016. La faillite de la société a été prononcée en septembre 2019, puis suspendue faute d’actif en août 2020.

Le 08.10.2020, la caisse de compensation a réclamé à A.__, en sa qualité d’associé gérant avec signature individuelle de la société B.__ Sàrl (du 25.11.2014 au 20.12.2018), la réparation du dommage qu’elle a subi dans la faillite de la société et portant sur un montant de 267’869 fr. 60. Cette somme correspondait au solde des cotisations sociales dues sur les salaires versés par la société pour les années 2017 et 2018, y compris les frais de sommation et les intérêts moratoires. Par décision du 07.01.2021, la caisse de compensation a rejeté l’opposition formée par A.__.

 

Procédure cantonale (arrêt AVS 2/21 – 34/2021)

La juridiction cantonale a retenu que A.__ avait exercé la fonction d’associé gérant avec signature individuelle de la société B.__ Sàrl du 25.11.2014 au 20.12.2018. L’instance cantonale a constaté que les premières difficultés financières de la société ne dataient pas de 2017 mais de début 2016. Si les juges cantonaux ont admis qu’un employeur, confronté à des difficultés passagères de trésorerie, pouvait suspendre le paiement des cotisations sociales durant un ou deux mois dans l’attente de rentrées d’argent prévisibles, ce motif ne permettait pas de justifier une cessation quasi totale des paiements sur une période longue de près de deux ans. Rien n’indiquait en outre que A.__ avait pris des mesures concrètes et immédiates en vue de remplir ses obligations sociales, telles que la réduction de l’effectif du personnel de la société ou la négociation de solutions transitoires avec les créanciers. Le fait que la société n’était pas encore en situation comptable de surendettement importait par ailleurs peu, dès lors que les liquidités courantes ne permettaient pas à la société de faire face à ses engagements en matière d’assurances sociales. En poursuivant l’exploitation de la société tout en laissant s’accroître l’arriéré de cotisations sociales, A.__ avait donc délibérément choisi de privilégier d’autres créanciers et de faire supporter à la caisse de compensation le risque inhérent au financement de sa société en difficulté. Le comportement de A.__ était d’autant plus critiquable qu’il avait notamment favorisé ses intérêts personnels, en se faisant verser un salaire annuel brut de 195’000 fr. en 2017 et en 2018.

Par jugement du 05.07.2021, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Les problèmes de trésorerie ou de liquidités de la société importent peu en l’occurrence. En tant qu’associé gérant avec signature individuelle de la société, A.__ a commis une négligence grave en laissant en souffrance, pendant près de deux ans, la quasi-totalité des créances de la caisse de compensation. Il n’avait en particulier pas la faculté de désintéresser, en raison d’un contexte économique difficile, en priorité les créanciers les plus pressants de la société (en l’occurrence les salariés et les fournisseurs), au détriment des intérêts de la caisse de compensation, car il était tenu de s’assurer que la société ne verse que les salaires pour lesquels les créances de cotisations sociales étaient couvertes (art. 827 CO, en lien avec les art. 754 CO et 14 LAVS; arrêt 9C_657/2015 du 19 janvier 2016 consid. 5.3). Quant à l’argument de A.__ selon lequel il avait reporté le paiement des cotisations afin de diminuer les charges de la société pour la garder à flot et préserver des emplois jusqu’à ce que les débiteurs de celle-ci s’acquittent de leurs dettes, il est mal fondé. Compte tenu du retard accumulé par la société dans le versement des cotisations sociales dès 2016, les juges cantonaux ont constaté sans arbitraire qu’elle ne rencontrait pas des difficultés de trésorerie seulement passagères. A.__ n’avait donc aucune raison sérieuse et objective de penser que la société pourrait s’acquitter des cotisations sociales dues dans un délai raisonnable. A.__ a d’ailleurs fini par céder ses parts dans la société pour un prix symbolique de 1000 fr. à un tiers le 20.12.2018, démontrant ainsi qu’il n’y avait plus aucun espoir de rétablissement de la situation. Pour le reste, il est incontestable que la négligence grave de A.__ est en relation de causalité avec le dommage subi par la caisse de compensation jusqu’à son départ effectif de la société, soit jusqu’en décembre 2018. Dans ces circonstances, il n’y a pas lieu de s’écarter de l’appréciation des juges cantonaux.

C’est finalement en vain que A.__ prétend que la caisse de compensation a commis une faute concomitante. En sa qualité d’organe, il appartenait à A.__ de prendre toutes les décisions concernant la gestion et la poursuite des activités de la société. Le simple fait que A.__ considère que la caisse de compensation aurait pu demander la liquidation de la société dès novembre 2016 ne suffit pas à établir qu’elle a gravement négligé son obligation d’exiger le paiement des cotisations et d’en poursuivre l’encaissement (à ce sujet, voir ATF 122 V 185 consid. 3c). Les problèmes de liquidités de la société survenus dès 2016 renforcent en revanche le fait, constaté par les juges cantonaux, que A.__ a choisi de faire supporter à la caisse de compensation le risque inhérent au financement de sa société pendant les années 2017 et 2018, alors que le sort de celle-ci était déjà largement scellé.

 

Le TF rejette le recours de A.__.

 

 

Arrêt 9C_424/2021 consultable ici

 

9C_421/2021 (f) du 21.09.2021 – Rente extraordinaire d’invalidité d’un assuré âgé de 21 ans – 39 LAI / Même nombre d’années d’assurance que les personnes de sa classe d’âge – 39 al. 1 LAI – 42 al. 1 LAVS

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_421/2021 (f) du 21.09.2021

 

Consultable ici

 

Rente extraordinaire d’invalidité d’un assuré âgé de 21 ans / 39 LAI

Même nombre d’années d’assurance que les personnes de sa classe d’âge / 39 al. 1 LAI – 42 al. 1 LAVS

 

A la suite d’un premier refus de prestations de l’assurance-invalidité pour manque de collaboration de l’assuré (décision du 25.09.2017), l’assuré, ressortissant suisse né en 1991, a déposé une nouvelle demande de prestations, au mois de décembre 2018. L’office AI a rejeté cette demande, par décision du 11.09.2020. En bref, il a considéré que si l’assuré présentait une incapacité de travail et de gain de 50% depuis le mois de novembre 2011, il n’avait droit ni à une rente ordinaire d’invalidité, étant donné qu’il ne remplissait pas la condition de la durée minimale de cotisations de trois ans lors de la survenance de l’invalidité, ni à une rente extraordinaire, dès lors qu’il n’avait pas le même nombre d’années d’assurance que les personnes de sa classe d’âge.

 

Procédure cantonale (arrêt AI 325/20 – 177/2021 – consultable ici)

Selon les constatations cantonales, l’assuré, né en 1991, était en incapacité de travail à tout le moins depuis le mois de décembre 2011 et l’invalidité est survenue au mois de décembre 2012 (art. 28 al. 1 let. b LAI).

Par jugement du 11.06.2021, admission du recours par le tribunal cantonal, réformant la décision en ce sens que l’assuré a droit à une demi-rente extraordinaire d’invalidité, fondée sur un taux d’invalidité de 50%, à compter du 01.06.2019, et a renvoyé la cause à l’office AI pour fixer les montants dus.

 

TF

Les ressortissants suisses qui ont leur domicile et leur résidence habituelle (art. 13 LPGA) en Suisse ont droit à une rente extraordinaire d’invalidité s’ils ont le même nombre d’années d’assurance que les personnes de leur classe d’âge, mais n’ont pas droit à une rente ordinaire parce qu’ils n’ont pas été soumis à l’obligation de verser des cotisations pendant trois années entières au moins (art. 42 al. 1 LAVS, applicable par renvoi de l’art. 39 al. 1 LAI, en relation avec l’art. 36 al. 1 LAI).

Il ne suffit pas d’être assuré en Suisse pour présenter le même nombre d’années d’assurance que les personnes de sa classe d’âge au sens de l’art. 42 al. 1 LAVS, et donc, pour se voir reconnaître le droit à une rente extraordinaire. Selon la jurisprudence, en exigeant que les personnes concernées aient le même nombre d’années d’assurance que les personnes de leur classe d’âge, l’art. 42 al. 1 LAVS ne vise pas les requérants qui comptent une lacune de cotisations du fait de leur non-assujettissement à l’assurance pendant une certaine période de leur vie depuis le 1er janvier suivant la date où ils ont eu 20 ans révolus. Il vise des personnes qui, n’ayant pas encore atteint l’âge déterminant ou qui, tout en ayant été assujetties à l’AI suisse depuis cette limite d’âge, n’ont pas, avant la survenance du risque, cotisé du tout ou pendant trois années, faute d’y avoir été obligées (ATF 131 V 390 consid. 7.3.1; arrêt 9C_528/2010 du 11 juillet 2011 consid. 3.2). En conséquence, les considérations des juges cantonaux, selon lesquelles bien que l’assuré n’eût pas acquitté de cotisations en 2012, il peut se prévaloir du même nombre d’années d’assurance que les assurés de sa classe d’âge, dès lors qu’il était assujetti à l’assurance du fait de son domicile en Suisse, ne peuvent pas être suivies.

Il s’impose néanmoins de confirmer l’arrêt entrepris, qui a reconnu le droit de l’assuré à une demi-rente extraordinaire d’invalidité dès le 01.06.2019, par substitution de motifs.

Contrairement à ce qu’a retenu la juridiction cantonale, l’assuré ne présente en effet pas de lacune de cotisations. Selon les constatations cantonales, l’assuré, né en 1991, était en incapacité de travail à tout le moins depuis le mois de décembre 2011 et l’invalidité est survenue au mois de décembre 2012 (art. 28 al. 1 let. b LAI), soit avant le 1er décembre de l’année suivant celle au cours de laquelle il a atteint 22 ans révolus. A cet égard, selon le ch. 7006 des Directives de l’OFAS concernant les rentes (DR) de l’assurance vieillesse, survivants et invalidité fédérale, valables dès le 1er janvier 2003 (état au 1er janvier 2021), doivent en effet être mises au bénéfice d’une rente extraordinaire d’invalidité les personnes domiciliées en Suisse (art. 39 al. 1 LAI) qui sont invalides depuis leur naissance ou qui sont devenues invalides selon un taux justifiant l’octroi d’une rente avant le 1er décembre de l’année suivant celle au cours de laquelle elles ont atteint 22 ans révolus, mais qui n’ont pas acquis le droit à une rente ordinaire. Ainsi, dans ces circonstances, le fait que l’assuré n’a pas versé de cotisations à compter du 1er janvier de l’année qui suit la date à laquelle il a eu 20 ans (cf. art. 3 al. 1 LAVS), soit en l’occurrence à tout le moins en 2012, n’est pas déterminant, contrairement à ce que soutient l’office AI recourant.

L’arrêt entrepris est conforme au droit dans son résultat. Le recours est mal fondé.

 

Le TF rejette le recours de l’office AI.

 

 

Arrêt 9C_421/2021 consultable ici

 

Restitution du montant PC pour la prime d’assurance-maladie – Conséquences de l’arrêt du Tribunal fédéral 9C_716/2020 du 20.07.2021

Restitution du montant PC pour la prime d’assurance-maladie – Conséquences de l’arrêt du Tribunal fédéral 9C_716/2020 du 20.07.2021

 

Bulletin à l’intention des caisses de compensation AVS et des organes d’exécution des PC no 445 du 30.11.2021 consultable ici

Arrêt 9C_716/2020 (d) du 20.07.2021, destiné à la publication, consultable ici

 

  1. Situation initiale

Conformément à l’article 21a LPC, le montant PC pour la prime d’assurance-maladie ne doit pas être versé à la personne bénéficiant de PC, mais à l’assureur-maladie. Le versement se fait de manière analogue à la réduction individuelle des primes (RIP). C’est pourquoi l’art. 54a al. 6 OPC déclare applicables par analogie les dispositions relatives à l’exécution de la réduction des primes. Ces dispositions comprennent :

  • les articles 106b à 106e de l’ordonnance sur l’assurance-maladie (OAMal ; RS 832.102) ;
  • l’ordonnance du DFI sur l’échange de données relatif à la réduction des primes (OEDRP-DFI ; RS 832.102.2) ;
  • le « concept échange de données sur la réduction des primes » (procédure RP) dans la version désignée à l’art. 6, al. 1, OEDRP-DFI.

L’échange de données entre les organes de réduction des primes et les assureurs-maladie s’effectue via la plateforme d’échange de données Sedex de l’Office fédéral de la statistique. Les processus de communication à utiliser sont définis de manière exhaustive dans l’OEDRP-DFI et dans la procédure RP.

Les PC indûment perçues doivent être restituées. La restitution peut faire l’objet d’une remise si les prestations ont été perçues de bonne foi et si la situation est difficile (art. 25 al. 1 LPGA). Selon les directives en vigueur, la restitution du montant PC pour la prime d’assurance-maladie est demandée directement à l’assureur auquel il a été versé (n° 4610.05 DPC).

Jusqu’à fin 2020, la restitution du montant PC pour la prime d’assurance-maladie ne pouvait pas faire l’objet d’une remise, car l’assureur-maladie ne pouvait pas invoquer la situation difficile (n° 4653.06 DPC dans la version en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020). Cette pratique a été adaptée au 1er janvier 2021 de manière à ce que seule la situation économique du bénéficiaire de PC soit déterminante pour savoir s’il s’agit d’une situation difficile (n° 4653.05 DPC).

 

  1. Arrêt du Tribunal fédéral 9C_716/2020 du 20 juillet 2021

Dans sa jurisprudence constante relative aux art. 20 LPGA et 2 OPGA, le Tribunal fédéral estime que les tiers qui ont perçu indument des prestations uniquement en qualité d’agent d’encaissement ou de paiement ne peuvent être tenus à restitution (entre autres ATF 140 V 233 consid. 3.1 et 3.3 ; ATF 118 V 214 consid. 4a ; ATF 110 V 10 consid. 2b). Dans son arrêt 9C_716/2020 du 20 juillet 2021, le Tribunal fédéral confirme sa jurisprudence en arrivant à la conclusion que l’assureur-maladie doit être considéré comme un simple agent d’encaissement qui n’a pas de droit ni d’obligation en lien avec le rapport de prestations ‒ tels qu’un droit de compensation, un devoir d’administration ou d’assistance ‒ et qu’il n’est donc pas tenu de restituer les montants PC versés à tort. De l’avis du Tribunal fédéral, le remboursement du montant PC pour la prime d’assurance-maladie doit donc être réclamé à la personne bénéficiaire de PC et non à l’assureur-maladie. En appliquant les dispositions de la LPGA et de l’OPGA, le Tribunal fédéral établit en même temps clairement que le montant PC pour la prime d’assurance-maladie est une prestation complémentaire et non une réduction de primes, puisque cette dernière est exclue du champ d’application de la LPGA en vertu de l’art. 1 al. 2 let. c LAMal.

L’art. 106c al. 5 OAMal n’est pas mentionné dans l’arrêt en question. Cette disposition autorise l’assureur-maladie à compenser un éventuel excédent issu de la réduction des primes avec des créances échues. Sont toutefois réservées les réglementations cantonales selon lesquelles la prime peut être réduite au maximum jusqu’à son montant total. Avec la réforme des PC, depuis le 1er janvier 2021, une réglementation analogue existe au niveau fédéral. Selon le nouveau droit, seule la prime effective est prise en compte dans le calcul PC si elle est inférieure à la prime moyenne. Pour les personnes bénéficiaires de PC, l’assureur-maladie n’a plus de droit de compensation en raison de cette réglementation. En conclusion, la décision du Tribunal fédéral selon laquelle l’assureur-maladie est un simple agent d’encaissement peut être suivie.

 

  1. Conséquences de la jurisprudence du Tribunal fédéral et marche à suivre

La présente décision relative à la demande de remboursement du montant PC pour la prime d’assurance-maladie est contraignante tant pour l’OFAS que pour les organes d’exécution et doit être appliquée dans toute la Suisse. La mise en œuvre présuppose toutefois une adaptation des processus administratifs correspondants. Cela concerne en particulier l’échange de données entre les organes de réduction des primes et les assureurs-maladie. Tant les bases juridiques et techniques (OEDRP-DFI et procédure RP) que les systèmes informatiques des organes de réduction des primes et des assureurs-maladie doivent être adaptés à la nouvelle pratique de remboursement. Certaines questions relatives à la protection des données doivent également être clarifiées. Le groupe de pilotage « Echange de données sur la réduction des primes » de la CDS et de santésuisse va s’atteler aux travaux nécessaires en collaboration avec l’OFAS et l’OFSP.

Les DPC seront adaptées à l’arrêt du Tribunal fédéral dès le 1er janvier 2022. L’OFAS estime toutefois qu’il faudra jusqu’à deux ans pour que la nouvelle pratique soit mise en œuvre dans tous les cantons. Conformément à l’art. 106c al. 3 OAMal, les assureurs-maladie présentent au canton un décompte annuel pour chaque personne bénéficiant d’une réduction de primes. Par analogie, cette disposition s’applique également aux bénéficiaires de PC. Afin d’éviter des divergences dans les décomptes entre les organes chargés de la réduction des primes et les assureurs-maladie, les organes PC devraient, dans la mesure du possible, continuer à demander aux assureurs-maladie le remboursement du montant PC pour la prime d’assurance-maladie jusqu’à ce que tous les travaux de mise en œuvre soient terminés. L’OFAS part du principe que la plupart des assureurs-maladie continueront entre-temps d’accepter les demandes de remboursement.

L’OFAS informera régulièrement la Commission des problèmes d’application en matière de PC de l’état d’avancement des travaux.

 

 

Bulletin à l’intention des caisses de compensation AVS et des organes d’exécution des PC no 445 du 30.11.2021 consultable ici

Arrêt 9C_716/2020 (d) du 20.07.2021, destiné à la publication, consultable ici

Mitteilungen an die AHV-Ausgleichskassen und EL-Durchführungsstellen Nr. 445, Rückforderung des EL-Betrages für die Krankenversicherungsprämie, kann hier eingesehen werden