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9C_338/2021 (f) du 18.11.2021 – Refus de prise en charge, à titre de prestations couvertes par la LAMal, des coûts de l’huile de cannabis utilisée à titre thérapeutique

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_338/2021 (f) du 18.11.2021

 

Consultable ici

 

Refus de prise en charge, à titre de prestations couvertes par la LAMal, des coûts de l’huile de cannabis utilisée à titre thérapeutique / 25 al. 2 let. b LAMal – 32 ss LAMal – 52 al. 1 LAMal – 34 OAMal – 35a OAMal – 63 ss OAMal – 29 ss OPAS

Absence de bénéfice thérapeutique élevé en l’espèce

Rappel que l’efficacité doit être démontrée selon des méthodes scientifiques

 

Assurée, souffrant notamment d’une arthrite rhumatoïde occasionnant de fortes douleurs, a présenté à sa caisse-maladie une demande de prise en charge pour de l’huile de cannabis, par l’intermédiaire de son médecin traitant. Par décision, confirmée sur opposition, la caisse-maladie a rejeté la demande.

 

Procédure cantonale (arrêt AM 39/20 – 17/2021 – consultable ici)

Retenant que le traitement en cause est une formule magistrale au sens de l’art. 9 al. 2 let. b de la Loi fédérale du 15 décembre 2000 sur les médicaments et les dispositifs médicaux (Loi sur les produits thérapeutiques [LPTh]), dont le principe actif (le tétrahydrocannabinol) ne figure pas dans la liste des médicaments avec tarifs (LMT), la juridiction cantonale a examiné s’il remplissait les conditions posées par l’art. 71b al. 1 OAMal, en relation avec l’art. 71a al. 1 let. b OAMal, pour être pris en charge par l’assurance obligatoire des soins. Elle a nié cela en considérant que le traitement par huile de cannabis ne remplissait pas la condition du bénéfice thérapeutique élevé (au sens de l’art. 71a al. 1 let. b OAMal).

Par jugement du 27.04.2021, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Selon la jurisprudence, dûment rappelée par les juges cantonaux, la question de savoir s’il existe un bénéfice thérapeutique élevé – en tant que condition pour la prise en charge d’un médicament ne figurant pas dans la liste des spécialités ou d’une préparation magistrale (cf. art. 71b al. 1 OAMal, en relation avec l’art. 71a al. 1 let. b OAMal) – est une question de droit, qui doit être jugée en fonction non seulement du cas d’espèce, mais aussi d’un point de vue général. La preuve doit être apportée au moyen d’études cliniques publiées ou au moyen d’autres résultats scientifiques publiés (ATF 144 V 333 consid. 11.1.3 et les références citées).

Or en l’occurrence, l’assurée ne démontre pas, pas plus qu’elle ne l’allègue, que des études répondant aux critères scientifiques exigés par la LAMal établiraient que l’huile de cannabis présente un bénéfice thérapeutique élevé, que ce soit en lien avec l’arthrite rhumatoïde dont elle est atteinte ou en relation avec le traitement d’autres pathologies. A cet égard, comme l’ont expliqué de manière circonstanciée les premiers juges, en se référant notamment au Rapport du Conseil fédéral en réponse à la motion Kessler (14.4164) « Traiter les personnes gravement malades avec du cannabis » du 7 juillet 2018, en l’état actuel des connaissances, les preuves scientifiques sont globalement insuffisantes pour répondre aux exigences du droit de l’assurance-maladie pour une prise en charge des coûts pour les médicaments à base de cannabis. Seule l’efficacité du Sativex®, pour l’atténuation des symptômes de spasticité modérée à sévère due à une sclérose en plaques, a pu être démontrée. On ajoutera que dans le cadre de la révision de la Loi fédérale du 3 octobre 1951 sur les stupéfiants et les substances psychotropes (LStup), l’absence de données permettant d’établir l’efficacité des médicaments à base de cannabis a à nouveau été constatée par le Conseil fédéral, qui a indiqué que ces médicaments ne sont donc pas remboursés par l’assurance-maladie obligatoire des soins (cf. Message du 24 juin 2020 concernant la modification de la loi fédérale sur les stupéfiants [Médicaments à base de cannabis], FF 2020 5875 [5876 et 5883-5884]). Cette modification, qui a été adoptée le 19 mars 2021 (Loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes [Loi sur les stupéfiants, LStup], Modification du 19 mars 2021, FF 2021 666), vise essentiellement à lever l’interdiction légale de commercialiser, à des fins médicales, des stupéfiants ayant des effets de type cannabique en vue de simplifier leur utilisation et ne porte pas sur les questions relatives au remboursement, qui relèvent du droit de l’assurance-maladie (FF 2020 5875 [5876, 5887 et 5902]).

Pour le surplus, en ce qu’elle s’apparente à une demande de changement de la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, l’argumentation de l’assurée, selon laquelle la jurisprudence relative aux « cas d’application des art. 71 ss OAMal » devrait être précisée afin que les effets bénéfiques d’un traitement soient appréciés à l’aune de son efficacité ressentie par le patient, c’est-à-dire en se fondant sur des éléments « essentiellement, pour ne pas dire exclusivement, subjectifs », n’est pas non plus fondée. Un changement de jurisprudence ne se justifie, en principe, que lorsque la nouvelle solution procède d’une meilleure compréhension de la ratio legis, repose sur des circonstances de fait modifiées ou répond à l’évolution des conceptions juridiques; sinon, la pratique en cours doit être maintenue. Un changement doit par conséquent reposer sur des motifs sérieux et objectifs qui, dans l’intérêt de la sécurité du droit, doivent être d’autant plus importants que la pratique considérée comme erronée, ou désormais inadaptée aux circonstances, est ancienne (ATF 144 V 72 consid. 5.3.2; 142 V 112 consid. 4.4 et les références). Ces conditions ne sont pas remplies en l’espèce. Les critiques développées par l’assurée ne tiennent en effet pas compte du fait que selon l’art. 32 al. 1 LAMal, les prestations remboursées par l’assurance-maladie sociale doivent être efficaces, appropriées et économiques et que l’efficacité doit être démontrée selon des méthodes scientifiques. Or en l’espèce, l’efficacité de l’huile de cannabis n’est pas établie d’un point de vue général, que ce soit sous l’angle de l’art. 32 LAMal ou de l’art. 71a OAMal, en relation avec l’art. 71b OAMal. En conséquence les coûts du traitement litigieux ne doivent pas être pris en charge par l’assurance obligatoire des soins.

En l’absence d’études cliniques publiées ou d’autres résultats scientifiques publiés établissant que l’huile de cannabis présente un bénéfice thérapeutique élevé, c’est à bon droit que les premiers juges ont laissé ouverte la question de savoir s’il existait, en l’espèce, une alternative thérapeutique, quoi qu’en dise l’assurée à cet égard. Pour cette même raison, c’est en vain que l’assurée rappelle les motifs pour lesquels le traitement à base d’huile de cannabis lui a été prescrit (diagnostics de maladies graves engageant son pronostic vital et nécessité d’assouvir le besoin vital de se nourrir, notamment). L’existence d’un bénéfice thérapeutique élevé contre une maladie susceptible d’être mortelle pour l’assuré ou de lui causer des problèmes de santé graves et chroniques, ainsi que l’absence d’alternative thérapeutique au sens de l’art. 71a al. 1 lit. b OAMal, en relation avec l’art. 71b al. 1 OAMal, sont en effet des conditions qui doivent être remplies de manière cumulative pour fonder l’obligation de l’assurance obligatoire des soins de prendre en charge les coûts d’un médicament prêt à l’emploi autorisé par l’institut qui ne figure pas dans la liste des spécialités.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_338/2021 consultable ici

 

 

Mise en consultation de l’ordonnance d’application pour faciliter l’accès au traitement à base de cannabis médical

Mise en consultation de l’ordonnance d’application pour faciliter l’accès au traitement à base de cannabis médical

 

Communiqué de presse de l’OFSP du 25.08.2021 consultable ici

 

Lors de sa séance du 25.08.2021, le Conseil fédéral a ouvert la procédure de consultation portant sur la mise en œuvre de la modification de la Loi sur les stupéfiants (LStup) adoptée par le Parlement. La modification vise à faciliter l’accès aux traitements à base de cannabis thérapeutique. La prescription ne sera, à l’avenir, plus subordonnée à l’octroi d’une autorisation exceptionnelle de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP). Le cannabis récréatif continue, pour sa part, d’être interdit.

La modification de loi adoptée par le Parlement le 19.03.2021 facilitera l’accès de milliers de patients au cannabis médical dans le cadre de leur traitement. Cela concerne notamment les cas de cancer ou de sclérose en plaques pour lesquels il permet de soulager les douleurs chroniques.

L’ordonnance d’application, mise en consultation par le Conseil fédéral, précise les conditions de la levée de l’interdiction de commerce du cannabis thérapeutique et transfère la responsabilité de la surveillance de l’OFSP à Swissmedic. Le cannabis utilisé à des fins médicales quitte ainsi la liste des stupéfiants interdits pour rejoindre celle des stupéfiants contrôlés. Le cannabis récréatif continue, pour sa part, d’être interdit.

 

Collecte de données

Afin de suivre l’évolution de l’utilisation du cannabis à usage médical et d’accroître les connaissances sur son efficacité, une collecte systématique de données, respectant la protection des données et d’une durée limitée sera mise en place. Les médecins traitants auront ainsi l’obligation de transmettre à l’OFSP les données relatives au traitement incluant l’usage de médicaments à base de cannabis. Ces données serviront, d’une part, de base à l’évaluation scientifique des mesures découlant de cette révision et, d’autre part, de référence aux services des médecins et pharmaciens cantonaux, à la recherche clinique et aux médecins prescripteurs.

La collecte des données étant effectuée en ligne et de manière standardisée au moyen d’un système de collecte de données mis à disposition par l’OFSP, la charge administrative des médecins concernés devrait être globalement réduite. Les médecins traitants pourront, par ailleurs, consulter des informations susceptibles de les aider dans le traitement de leur patient via le système d’information mis à disposition.

 

Culture autorisée

La culture, la fabrication et la mise sur le marché du cannabis à usage médical seront possibles dans le cadre du système d’autorisation et de contrôle assuré par Swissmedic. S’agissant de la culture, un système d’autorisation en deux étapes, consistant en une licence d’exploitation et des licences de culture individuelles, est prévu.

Le remboursement des traitements à base de cannabis par l’assurance obligatoire des soins fait l’objet d’une évaluation distincte.

 

 

Communiqué de presse de l’OFSP du 25.08.2021 consultable ici

« Médicaments à base de cannabis: modification de la loi » consultable ici

Rapport explicatif « Modification de l’ordonnance sur le contrôle des stupéfiants (OCStup) dans le cadre de la révision de la loi sur les stupéfiants (Médicaments à base de cannabis) », disponible ici

Rapport explicatif relatif à l’adaptation de l’ordonnance du DFI sur les tableaux des stupéfiants, des substances psychotropes, des précurseurs et des adjuvants chimiques disponible ici