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8C_99/2019 (f) du 08.10.2019 – Troubles psychiques – Causalité adéquate – 6 LAA / Casuistique des accidents motocyclistes percutés par une automobile – Catégorie des accidents de gravité moyenne stricto sensu / Capacité de travail exigible dans l’activité habituelle – Pas de nécessité de procéder à une comparaison des revenus

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_99/2019 (f) du 08.10.2019

 

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Accident de la circulation (auto contre scooter) à 60 km/h

Troubles psychiques – Causalité adéquate / 6 LAA

Casuistique des accidents impliquant des motocyclistes percutés par un véhicule automobile – Catégorie des accidents de gravité moyenne stricto sensu

Examen des critères du caractère particulièrement impressionnant [nié], de la durée anormalement longue du traitement médical [nié] et du degré et la durée de l’incapacité de travail due aux lésions physiques [critère laissé indécis]

Capacité de travail exigible dans l’activité habituelle – Pas de nécessité de procéder à une comparaison des revenus – Distinction entre les cas ressortant de l’assurance-chômage de ceux qui relèvent de la LAA

 

Assuré, né en 1972, a été victime d’un accident de la circulation le 02.09.2011 : alors qu’il roulait sur une route limitée à 60 km/h, l’arrière gauche d’une voiture a heurté l’avant droit de son scooter, ce qui a provoqué sa chute sur le côté droit et a engendré une fracture du plateau tibial droit, type Schatzker VI. Il a été emmené aux urgences, où les médecins ont pratiqué une réduction ouverte et ostéosynthèse du plateau tibial droit. A l’époque de l’accident, l’assuré travaillait en qualité de polisseur.

L’assuré a repris son activité à 50% dès le 02.01.2012, avant de subir une incapacité de travail entière du 18.01.2012 au 22.01.2012. Il a pu reprendre son activité à 50% le 23.01.2012, mais a une nouvelle fois été totalement incapable de travailler du 27.01.2012 au 07.05.2012. Il a repris son activité à 100% le 08.05.2012. Le 06.11.2012, le spécialiste en chirurgie orthopédique a attesté une nouvelle incapacité de travail totale du 16.10.2012 au 20.11.2012, au motif que l’assuré ne pouvait pas supporter une journée de travail soutenue. Ce dernier a déposé le 27.11.2012 une demande de prestations auprès de l’office AI compétent. Il a par ailleurs été licencié avec effet au 31.01.2013.

Dans un rapport du 22.01.2013, le spécialiste en chirurgie orthopédique a fait état d’une évolution défavorable avec une tentative de reprise du travail qui avait échoué en raison de la persistance de douleurs à l’effort; il a prolongé l’incapacité de travail de manière successive jusqu’au 04.11.2013. De son côté, se fondant sur l’appréciation de son médecin-conseil, spécialiste en chirurgie orthopédique, l’assurance-accidents a fixé la capacité de travail de l’assuré à 60% dès le 15.10.2013. Ce dernier s’est inscrit à l’office cantonal de l’emploi à 60%.

Le 13.12.2013, l’assuré a glissé sur la neige et a chuté, ce qui a causé une entorse à la cheville gauche. Une nouvelle incapacité de travail de 100% a été attestée. Dans son appréciation, le médecin-conseil a précisé que l’incapacité de travail actuelle était liée à l’accident du 13.12.2013. Il a estimé qu’une reprise à 60% était exigible à compter du 15.02.2014 et à 100% après l’AMO.

Le 17.06.2014, l’assuré a glissé et a chuté en descendant d’un bus, ce qui a engendré une forte contusion du genou et de la cheville droits. Il a subi une nouvelle incapacité totale de travail.

Le 19.12.2014, l’AMO a été réalisée. Une incapacité totale de travail a été attestée jusqu’au 31.01.2015, que le chef de clinique au service de chirurgie de l’hôpital E.__ a prolongée jusqu’au 01.03.2015. Il a ensuite attesté une capacité de travail de 50% du 02.03.2015 au 31.03.2015, puis de 100% à partir du 01.04.2015. Dès le 02.03.2015, les médecins du centre G.__ ont délivré des arrêts de travail à 100%; ils ont évoqué des douleurs quotidiennes au genou droit depuis l’accident du 17.06.2014 qui empêchaient l’assuré de marcher plus de 100 m.

Sur mandat de l’office AI, un spécialiste en psychiatrie et psychothérapie a procédé à une expertise. Dans son rapport du 22.10.2016, il a posé comme diagnostic ayant une incidence sur la capacité de travail un « trouble de la personnalité, sans précision », présent depuis le début de l’âge adulte. Le 31.10.2016, la doctoresse I.__, spécialiste en médecine interne au centre J.__ de l’hôpital E.__, a informé l’assurance-accidents que l’assuré était suivi depuis le 11.05.2016 en raison d’une décompensation anxio-dépressive dans le contexte d’un conflit de couple et d’un sevrage d’opiacés; elle a diagnostiqué un épisode dépressif sévère sans symptômes psychotiques et a précisé que l’assuré avait été hospitalisé à trois reprises à l’hôpital K.__, en 2001, 2012 et 2013.

Le 06.01.2017, le médecin-conseil a procédé à un examen final. Il a retenu que pour les seules suites de l’accident, l’assuré possédait une capacité de travail entière, sans baisse de rendement, dans une activité professionnelle adaptée à ses limitations fonctionnelles. Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a nié le droit de l’assuré à une rente d’invalidité. Elle a considéré, en particulier, que les séquelles de l’accident ne réduisaient pas sa capacité de gain de manière importante et que les troubles non organiques n’engageaient pas la responsabilité de l’assureur-accidents sous l’angle de la causalité adéquate.

L’office AI a octroyé à l’assuré une rente entière à compter du 01.06.2013.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/1153/2018 – consultable ici)

Sans se prononcer sur la question de la causalité naturelle, les juges cantonaux ont nié l’existence d’un lien de causalité adéquate entre les troubles psychiques de l’assuré et l’accident du 02.09.2011. Ils ont classé celui-ci dans la catégorie des accidents de gravité moyenne stricto sensu et ont considéré que seul le critère des douleurs physiques persistantes était rempli. Celui-ci ne revêtait toutefois pas une intensité suffisante pour admettre l’existence d’un lien de causalité adéquate.

En se fondant sur les conclusions du médecin-conseil, les juges cantonaux ont considéré que l’assuré disposait d’une capacité de travail entière dans son activité habituelle et qu’il n’était dès lors pas invalide au sens de l’art. 8 LPGA. Une comparaison des revenus n’apparaissait donc pas nécessaire.

Par jugement du 12.12.2018, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Troubles psychiques – Causalité adéquate

Le droit à des prestations découlant d’un accident assuré suppose d’abord, entre l’événement dommageable de caractère accidentel et l’atteinte à la santé, un lien de causalité naturelle; cette exigence est remplie lorsqu’il y a lieu d’admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout ou ne serait pas survenu de la même manière (ATF 129 V 177 consid. 3.1 p. 181; 402 consid. 4.3.1 p. 406; 119 V 335 consid. 1 p. 337; 118 V 286 consid. 1b p. 289 et les références). Le droit à des prestations de l’assurance-accidents suppose en outre l’existence d’un lien de causalité adéquate entre l’accident et l’atteinte à la santé; la causalité est adéquate si, d’après le cours ordinaire des choses et l’expérience de la vie, le fait considéré était propre à entraîner un effet du genre de celui qui s’est produit, la survenance de ce résultat paraissant de manière générale favorisée par une telle circonstance (ATF 129 V 177 consid. 3.2 p. 181; 402 consid. 2.2 p. 405; 125 V 456 consid. 5a p. 461 et les références).

En présence de troubles psychiques consécutifs à un accident, la jurisprudence a dégagé des critères objectifs qui permettent de juger du caractère adéquat du lien de causalité. Elle a tout d’abord classé les accidents en trois catégories, en fonction de leur déroulement : les accidents insignifiants, ou de peu de gravité ; les accidents de gravité moyenne et les accidents graves. En présence d’un accident de gravité moyenne, il faut prendre en considération un certain nombre de critères, dont les plus importants sont les suivants :

  • les circonstances concomitantes particulièrement dramatiques ou le caractère particulièrement impressionnant de l’accident;
  • la gravité ou la nature particulière des lésions physiques, compte tenu notamment du fait qu’elles sont propres, selon l’expérience, à entraîner des troubles psychiques;
  • la durée anormalement longue du traitement médical;
  • les douleurs physiques persistantes;
  • les erreurs dans le traitement médical entraînant une aggravation notable des séquelles de l’accident;
  • les difficultés apparues au cours de la guérison et des complications importantes;
  • le degré et la durée de l’incapacité de travail due aux lésions physiques.

Tous ces critères ne doivent pas être réunis pour que la causalité adéquate soit admise (ATF 115 V 133 consid. 6c/aa et bb p. 140 s., 403 consid. 5c/aa et bb p. 409; arrêt 8C_890/2012 du 15 novembre 2013consid. 5.2). De manière générale, lorsque l’on se trouve en présence d’un accident de gravité moyenne, il faut un cumul de trois critères sur les sept, ou au moins que l’un des critères retenus se soit manifesté de manière particulièrement marquante pour l’accident (SVR 2010 UV n° 25 p. 100 [8C_897/2009] consid. 4.5; arrêt 8C_196/2016 du 9 février 2017 consid. 4). Par ailleurs, un seul critère peut être suffisant pour admettre l’existence d’une relation de causalité adéquate lorsque l’accident considéré apparaît comme l’un des plus graves de la catégorie intermédiaire, à la limite de la catégorie des accidents graves (ATF 134 V 109 consid. 10.1 p. 126; arrêt 8C_584/2010 du 11 mars 2011 consid. 4.3.1, in SVR 2011 UV n° 10 p. 35 et les références).

 

Casuistique – Accident de gravité moyenne

En l’espèce, si l’on se réfère à la casuistique des accidents impliquant des motocyclistes percutés par un véhicule automobile, les cas classés dans la catégorie des accidents de gravité moyenne stricto sensu ont en commun le choc d’un motocycliste roulant à une vitesse comprise entre 50 km/h et 70 km/h avec un automobiliste en train de bifurquer (cf. arrêts 8C_902/2010 du 6 avril 2011; 8C_726/2007 du 16 mai 2008; U 78/07 du 17 mars 2008; U 115/05 du 14 septembre 2005). Le déroulement des événements et les forces en présence apparaissent en l’occurrence comparables à ceux de l’accident ici en cause, contrairement au cas d’une collision entre une moto qui remontait une file dans un virage à droite et un tracteur avec une remorque, où le Tribunal fédéral avait qualifié l’accident de gravité moyenne à la limite des cas graves (arrêt 8C_484/2007 du 3 septembre 2008). L’accident du 02.09.2011 n’est pas non plus comparable à ceux ayant fait l’objet des arrêts 8C_134/2015 du 14 septembre 2015 et 8C_917/2010 du 28 septembre 2011 cités par l’assuré. Dans le premier cas, le motocycliste avait été projeté à une dizaine de mètres du point d’impact après avoir été percuté par un véhicule automobile, tandis que dans le deuxième, une collision frontale violente s’était produite entre un scooter et une camionnette. Or, en l’espèce, l’assuré n’a pas été projeté après l’impact, ni été victime d’une collision frontale. C’est donc à juste titre que les juges cantonaux ont rangé l’événement du 02.09.2011 parmi les accidents de gravité moyenne stricto sensu.

 

Critère du caractère particulièrement impressionnant

Eu égard à la casuistique du Tribunal fédéral en cas d’accident de la circulation (cf. arrêts 8C_257/2008 du 4 septembre 2008 consid. 3.3.3; 8C_623/2007 du 22 août 2008 consid. 8.1; U 18/07 du 7 février 2008), il convient de se rallier à l’avis des juges cantonaux selon lequel le critère du caractère particulièrement impressionnant de l’accident n’est pas réalisé. Le fait que l’assuré a expliqué au docteur H.__, lors de l’expertise psychiatrique, qu’il s’est vu mourir à la suite de la collision n’est pas de nature à conduire à une appréciation différente. L’examen se fait en effet sur la base d’une appréciation objective des circonstances de l’espèce et non en fonction du ressenti subjectif de l’assuré, en particulier de son sentiment d’angoisse. Il faut observer qu’à tout accident de gravité moyenne est associé un certain caractère impressionnant, lequel ne suffit pas pour admettre l’existence du critère en question (cf. arrêts 8C_96/2017 du 24 janvier 2018 consid. 5.1 et 8C_1007/2012 du 11 décembre 2013 consid. 5.4.1).

 

Durée anormalement longue du traitement médical

En ce qui concerne le critère de la durée anormalement longue du traitement médical, l’appréciation du Tribunal cantonal selon laquelle celui-ci n’a été en l’espèce ni lourd ni continu – dès lors qu’excepté les deux opérations, il a été purement conservateur (physiothérapie et prise d’antalgie) – n’est pas critiquable. L’argument de l’assuré selon lequel l’AMO a eu lieu près de trois ans et demi après l’accident n’est pas pertinent. En effet, le temps écoulé entre l’ostéosynthèse et l’AMO ne consiste pas en un « traitement médical » et n’a pas à être pris en considération à ce titre. L’assuré ne se prévaut par ailleurs d’aucun traitement médical consécutif à l’accident.

 

Degré et la durée de l’incapacité de travail due aux lésions physiques

Enfin, si plusieurs périodes d’incapacité de travail – oscillant entre 50 et 100% – ont certes été attestées après l’accident du 02.09.2011, l’assuré a toutefois pu reprendre son activité à plein temps du 08.05.2012 au 15.10.2012. Quant aux périodes d’incapacité de travail subséquentes, elles étaient dues, dans une large mesure, aux deux accidents successifs dont il a été victime après le 02.09.2011. En tout état de cause, même si le critère du degré et de la durée de l’incapacité de travail due aux lésions physiques était rempli, seuls deux critères seraient réalisés en l’espèce, ce qui ne suffirait pas pour reconnaître un lien de causalité adéquate entre les troubles psychiques de l’assuré et l’accident du 02.09.2011, d’autant moins que ces deux critères ne se sont pas manifestés d’une manière particulièrement marquante.

 

Il s’ensuit que la juridiction cantonale était fondée à nier le droit de l’assuré à des prestations de l’assurance-accidents en raison des troubles psychiques.

 

Capacité de travail exigible dans l’activité habituelle

Selon l’art. 18 al. 1 LAA, l’assuré a droit à une rente d’invalidité s’il est invalide (art. 8 LPGA) à 10% au moins par suite d’un accident. Est réputée invalidité l’incapacité de gain totale ou partielle qui est présumée permanente ou de longue durée (art. 8 al. 1 LPGA). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l’ensemble ou d’une partie des possibilités de gain de l’assuré sur un marché du travail équilibré dans son domaine d’activité, si cette diminution résulte d’une atteinte à sa santé physique, mentale ou psychique et qu’elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1); seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain; de plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2).

En l’espèce, l’assuré n’a pas contesté disposer d’une capacité de travail entière dans son activité habituelle. Or, s’il a certes très probablement perdu son emploi en raison de son atteinte à la santé et n’a pas retrouvé d’activité professionnelle après son inscription à l’office cantonal de l’emploi, il faut toutefois faire la distinction entre les cas tombant sous le coup de l’assurance-chômage et ceux qui relèvent de l’assurance-accidents. En effet, le caractère irréaliste des possibilités de travail doit découler de l’atteinte à la santé – puisqu’une telle atteinte est indispensable à la reconnaissance de l’invalidité (art. 7 et 8 LPGA) – et non de facteurs étrangers à la définition juridique de l’invalidité (arrêts 8C_303/2018 du 26 novembre 2018 consid. 5.1; 8C_175/2017 du 30 octobre 2017 consid. 4.2; 9C_286/2015 du 12 janvier 2016 consid. 4.2 et les références). En l’occurrence, si l’assuré n’a concrètement pas retrouvé d’activité lucrative, c’est très vraisemblablement pour des motifs conjoncturels, soit parce que le marché du travail ne comprenait pas suffisamment de postes relevant de ce domaine, ce que l’assuré n’a par ailleurs pas remis en cause. Il s’agit donc d’une situation liée au chômage et non à une éventuelle incapacité de gain au sens de l’art. 7 LPGA. Cela étant, la cour cantonale était fondée à retenir que l’assuré n’était pas invalide au sens de l’art. 8 LPGA et à ne pas procéder à une comparaison des revenus.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_99/2019 consultable ici

 

 

8C_277/2019 (f) du 22.01.2020 – Troubles psychiques – Causalité adéquate – 6 LAA / Accident de gravité moyenne à la limite des accidents de peu de gravité / Critères du traitement médical, de l’erreur dans le traitement médical, du degré et de la durée de l’incapacité de travail, de la gravité de la lésion (fracture-tassement de L3)

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_277/2019 (f) du 22.01.2020

 

Consultable ici

 

Troubles psychiques – Causalité adéquate / 6 LAA

Accident de gravité moyenne à la limite des accidents de peu de gravité

Critères du traitement médical, de l’erreur dans le traitement médical, du degré et de la durée de l’incapacité de travail, de la gravité de la lésion (fracture-tassement de L3)

 

Assuré, né en 1969, travaillait en qualité de peintre en bâtiment au service de l’entreprise B.__ SA depuis le 01.09.2015. Le 15.10.2015 suivant, il a été victime d’un accident à son lieu de travail : alors qu’il portait un radiateur, il a trébuché sur des tuyaux en reculant et a fait une chute en arrière. Il a subi une fracture-tassement du plateau supérieur L3 avec inclusion discale, qui a été traitée conservativement. Les examens radiologiques ont également révélé des troubles dégénératifs étagés du rachis. Une incapacité de travail de 100% a été prescrite depuis le jour de l’accident.

Une tentative de reprise de travail à 50% le 14.02.2016 s’est soldée par un échec en raison d’une recrudescence des douleurs. Un des médecins consultés ayant examiné l’assuré a déclaré qu’il était trop tard pour une kyphoplastie – intervention qu’il aurait recommandée immédiatement après l’accident – mais qu’une cémentoplastie était une option envisageable pour solidifier le corps vertébral. L’assuré a aussi été consulté un service hospitalier de chirurgie de la colonne vertébrale, où l’on a constaté que la fracture n’était pas encore guérie et émis des réserves à l’indication d’une cémentoplastie. A l’issue du séjour dans une clinique de réadaptation (05.07.2016-04.08.2016), l’état de l’assuré a été considéré comme encore non stabilisé, tout en observant une évolution favorable ; le scanner lombaire réalisé en cours de séjour montrait un status consolidé de la fracture. En septembre 2016, l’assuré a tenté une nouvelle reprise du travail qui a dû être interrompue après quatre semaines. Des infiltrations facettaires ont alors été pratiquées pour réduire la symptomatologie douloureuse.

Le 13.02.2017, le médecin-conseil a procédé à un examen médical. Il a considéré que l’état de l’assuré était désormais stabilisé et a retenu une capacité de travail entière dans une activité adaptée permettant d’alterner les positions assise et debout, sans port de charges répété de plus de 10 kg et sans mouvements de rotation, de flexion ou de maintien en porte-à-faux du rachis. Le taux d’IPAI a été fixé à 10%.

Du 24.04.2017 au 25.06.2017, l’assuré a bénéficié d’une mesure d’orientation professionnelle de l’AI. La formation prévue à la suite de cette mesure n’a pas été entreprise en raison des douleurs de l’assuré. La médecin-traitant rapporte une évolution défavorable (importantes douleurs lombaires avec, nouvellement, des sciatalgies variables) ainsi que d’une détresse psychologique, nonobstant les traitements prodigués. Le 17.04.2018, l’assuré a été examiné à l’unité de réadaptation psychosomatique, où les médecins ont posé les diagnostics d’épisode dépressif moyen (F32.11) et de douleurs somatoformes chroniques persistantes (F45.4).

L’assurance-accidents a mis fin aux prestations d’assurance avec effet au 31.05.2018, vu la stabilisation de l’état de santé de l’assuré sur le plan organique, et a nié sa responsabilité pour les troubles psychiques annoncés.

 

Procédure cantonale

La cour cantonale a classé l’événement du 15.10.2015 dans la catégorie des accidents de gravité moyenne à la limite des accidents de peu de gravité.

Par jugement du 26.03.2019, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Pour que le caractère adéquat de l’atteinte psychique puisse être retenu dans les cas de gravité moyenne à la limite des accidents de peu de gravité, il faut un cumul de quatre critères au moins parmi les sept consacrés par la jurisprudence ou que l’un des critères se manifeste avec une intensité particulière (arrêt 8C_775/2017 du 13 juin 2018 consid. 5.3 et la référence).

 

Critère du traitement médical

En ce qui concerne le traitement médical, on rappellera que l’aspect temporel n’est pas seul décisif ; sont également à prendre en considération la nature et l’intensité du traitement, et si l’on peut en attendre une amélioration de l’état de santé de l’assuré (arrêt 8C_533/2017 du 17 avril 2018 consid. 3.3 et les références). La prise de médicaments antalgiques et la prescription de traitements par manipulations même pendant une certaine durée ne suffisent pas à fonder ce critère (arrêt 8C_804/2014 du 16 novembre 2015 consid. 5.2.2). La jurisprudence a notamment nié que ce critère fût rempli dans le cas d’un assuré dont le traitement médical du membre supérieur accidenté avait consisté en plusieurs opérations chirurgicales et duré deux ans (arrêt U 37/06 du 22 février 2007 consid. 7.3).

En l’espèce, l’assuré n’a subi aucune intervention chirurgicale et a suivi un traitement conservateur sous la forme de séances de physiothérapie pendant une année. En raison de la persistance d’un syndrome lombaire, dix infiltrations facettaires ont été réalisées entre novembre 2016 et décembre 2017, date à partir de laquelle les médecins ont estimé qu’il convenait de changer d’approche thérapeutique et ont posé l’indication à un traitement stationnaire avec un programme de réadaptation psychosomatique multimodale. Globalement, le traitement médical des seules lésions physiques, qui a duré deux ans, ne peut pas être considéré comme pénible et invasif sur une longue durée (voir a contrario, pour un cas où ce critère a été admis, l’arrêt 8C_818/2015 du 15 novembre 2016 consid. 6.2).

 

Critère de l’erreur dans le traitement médical entraînant une aggravation notable des séquelles de l’accident

On ne saurait admettre le critère de l’erreur dans le traitement médical entraînant une aggravation notable des séquelles de l’accident.

Le seul fait qu’un des médecins consultés a déclaré, dans une lettre adressée au médecin traitant de l’assuré, qu’il était « dommage que la décision d’une intervention chirurgicale [kyphoplastie] n’ait pas été prise rapidement après le traumatisme » ne permet pas encore de conclure que le choix thérapeutique d’un traitement conservateur relèverait d’une erreur médicale. Cela ne ressort en tout cas pas des avis des médecins de l’hôpital. S’y référant, un autre médecin a exprimé les mêmes réserves à l’égard d’un geste chirurgical, précisant que l’indication à une telle mesure en cas de fracture L3 de type A2 selon Magerl (comme chez l’assuré) devait être posée avec prudence et en considération non seulement des éléments anatomiques, mais également du contexte socioprofessionnel et psychologique. Au surplus, l’assuré a déclaré qu’il ne voulait pas se faire opérer et il n’est pas non plus établi que l’absence d’une intervention chirurgicale a conduit à une aggravation de son état.

 

Critère du degré et de la durée de l’incapacité de travail

Quant au critère du degré et de la durée de l’incapacité de travail, il doit se rapporter aux seules lésions physiques et ne se mesure pas uniquement au regard de la profession antérieurement exercée par l’assuré. Ainsi, il n’est pas rempli lorsque l’assuré est apte, même après un certain laps de temps, à exercer à plein temps une activité adaptée aux séquelles accidentelles qu’il présente (p. ex. arrêt 8C_208/2016 du 9 mars 2017 consid. 4.1.2).

En l’espèce, l’appréciation du médecin-conseil selon laquelle l’assuré est objectivement en mesure d’exercer une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles depuis l’examen du 13.02.2017 n’est contredit par aucun autre avis médical. Il correspond par ailleurs au pronostic favorable émis par les médecins de la clinique de réadaptation et de l’hôpital E.__ (rapport du 08.09.2016) avant l’évolution défavorable de l’état de santé psychique de l’assuré. Ce critère ne peut donc pas être retenu.

 

Critère de la gravité de la lésion

S’agissant du degré de gravité de la lésion subie par l’assuré, l’appréciation de la cour cantonale apparaît discutable. Ce n’est en effet que dans certaines circonstances particulières que le Tribunal fédéral a reconnu qu’une atteinte à la colonne vertébrale constitue une lésion grave propre à entraîner des répercussions sur l’état de santé psychique de la personne qui en a été victime (cf. ATF 140 V 356 consid. 5.5.1 p. 261 et les arrêts cités). Dans un cas, l’atteinte en cause avait nécessité trois opérations chirurgicales ; dans l’autre, il s’agissait d’une fracture instable de la colonne vertébrale. Or, selon les constatations médicales au dossier, on ne voit pas que la fracture L3 subie par l’assuré ait présenté des particularités telles qu’il se justifierait de la qualifier de lésion grave au sens de la jurisprudence. Quoi qu’il en soit, ce critère ne s’est pas manifesté d’une manière particulièrement marquante.

 

Critère de la persistance des douleurs physiques

Finalement, le critère de la persistance des douleurs physiques a été à juste titre admis par l’instance précédente. Il n’a toutefois pas non plus revêtu une intensité particulière. En effet, des périodes d’amélioration sont documentées dans le dossier et il ne ressort pas des déclarations de l’assuré au médecin-conseil qu’il aurait été constamment et de manière significative entravé dans sa vie quotidienne en raison de ses douleurs (voir, pour un cas où ce critère a été admis, l’arrêt 8C_493/2017 du 10 juillet 2018 consid. 5.3).

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_277/2019 consultable ici

 

 

8C_540/2018 (f) du 22.07.2019 – Causalité naturelle – Affection psychique additionnelle à une atteinte à la santé physique – 6 LAA / Vraisemblance prépondérante d’un état de stress post-traumatique / Expertise médicale de l’assurance-accidents vs expertise médicale privée

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_540/2018 (f) du 22.07.2019

 

Consultable ici

 

Décision de renvoi causant un préjudice irréparable

Causalité naturelle – Affection psychique additionnelle à une atteinte à la santé physique / 6 LAA

Vraisemblance prépondérante d’un état de stress post-traumatique

Expertise médicale de l’assurance-accidents vs expertise médicale privée

 

Assurée, née en 1976, d’enseignante, a été victime d’un accident de la circulation routière. Selon le rapport de police, un conducteur a causé plusieurs accidents de la circulation routière lors d’une course-poursuite sur l’autoroute A1 le 18.06.2014, au volant d’un véhicule volé (Audi RS5) :

« Remarquant que l’espace était insuffisant, [le conducteur en fuite] a effectué un freinage, en vain. En effet, sa vitesse étant trop élevée, comprise entre 100 et 180 km/h, il a perdu la maîtrise de son véhicule lequel est venu percuter, de son avant gauche, le côté droit de la Suzuki Swift de Mme E.__, qui se trouvait en dernière position, sur la voie de présélection gauche […]. Dans un deuxième temps, l’Audi RS5 a heurté violemment, de son avant droit, l’arrière de la Citroën C3 de [l’assurée], qui se trouvait en dernière position sur la voie de présélection droite. Suite à ce choc, l’auto de [l’assurée] a été propulsée contre la voiture de livraison de M. F.__, laquelle a été propulsée, à son tour, contre l’arrière de la voiture de livraison de M. G.__. Relevons que lors de ce carambolage, l’auto de [l’assurée] s’est soulevée et a fait un demi-tour, pour se retrouver à contresens, sur sa voie de circulation initiale. [L’assurée], prisonnière de son véhicule, a dû être désincarcérée ».

L’assureur-accidents a soumis l’assurée à une expertise bidisciplinaire. La spécialiste en neurologie et la spécialiste en psychiatrie et psychothérapie ont diagnostiqué une distorsion cervicale (ou « whiplash ») sans constat organique de perte de fonction (de degré 1 à 2, selon la classification de la Québec Task Force [QTFC]) s’inscrivant dans le contexte d’un trouble somatoforme (autre trouble somatoforme, d’origine psychogène), un traumatisme crânien simple, ainsi qu’un trouble de l’adaptation (jusqu’au 31.12.2014). Pour ce qui était des seules suites de l’accident du 18.06.2014, les médecins ont indiqué que l’assurée avait retrouvé une capacité de travail entière depuis le 01.01.2015 et que le traitement médical était à charge de l’assureur-accidents jusqu’au 30.06.2015.

Par décision, l’assureur-accidents a pris en charge les suites de l’accident de l’assurée jusqu’au 30.06.2015 et a retenu que l’assurée présentait une capacité de travail complète depuis le 01.01.2015. L’assurée s’est opposée à cette décision, produisant notamment les rapports d’un psychologue spécialiste en psychothérapie et d’un spécialiste en psychiatrie et psychothérapie (expert privé). Le psychiatre a diagnostiqué en particulier un trouble de stress post-traumatique chronique, de degré modéré, et un autre trouble somatoforme; il a indiqué une incapacité de travail de longue durée de 75% en raison de l’état de stress post-traumatique. Les médecins-experts ont pris position sur les avis médicaux produits par l’assurée. Par décision sur opposition, l’assurance-accidents a maintenu la décision.

Parallèlement, l’office AI a octroyé à l’assurée une rente entière d’invalidité du 01.06.2015 au 30.09.2015, trois quarts de rente du 01.10.2015 au 31.03.2016, puis une rente entière dès le 01.04.2016.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 29/17 – 69/2018 – consultable ici)

En se fondant sur les conclusions du spécialiste en psychiatrie et psychothérapie (expert privé) transmises par l’assurée lors de l’opposition, la juridiction cantonale a admis l’existence d’un lien de causalité naturelle entre les troubles psychiques de l’assurée et l’accident du 18.06.2014. La juridiction cantonale a constaté que les médecins-experts avaient, pour nier un diagnostic d’état de stress post-traumatique, accordé un poids considérable au fait que l’assurée n’avait ni vu ni entendu les collisions préalables au choc impliquant son véhicule, à l’absence de blessures importantes et à son amnésie circonstancielle. Ce faisant, elles avaient négligé clairement le fait que l’assurée avait présenté une amnésie de très courte durée et qu’elle se souvenait des suites immédiates de l’accident, de l’arrivée des secours, de l’agitation des sauveteurs, de l’arrestation du conducteur fautif par la police et du processus de désincarcération.

En revanche, les juges cantonaux se sont déclarés convaincus par les conclusions de l’expert privé selon lesquelles les manifestations et symptômes physiques constatés chez l’assurée remplissaient tous les critères pour diagnostiquer un état de stress post-traumatique. Même si le décès de l’époux de l’assurée survenu en janvier 2015 avait eu un impact aggravant, puisqu’il semblait avoir réactivé les symptômes de l’état de stress post-traumatique, l’accident du 18.06.2014 restait selon l’expert privé l’une des causes, certes partielle, des symptômes présentés par l’assurée au-delà de juin 2015.

La juridiction cantonale a retenu que l’événement du 18.06.2014 devait être qualifié d’accident grave. Même si l’on devait considérer que l’accident était de gravité moyenne à la limite d’un accident grave, la cour cantonale a indiqué que le rapport de causalité adéquate devait également être admis. L’accident s’était en effet déroulé dans des circonstances particulièrement impressionnantes.

Par jugement du 14.06.2018, admission du recours par le tribunal cantonal, annulation de la décision sur opposition et renvoi de la cause à l’assureur-accidents pour instruction complémentaire et nouvelle décision au sens des considérants.

 

TF

En règle générale, une décision de renvoi ne met pas fin à la procédure (ATF 142 V 551 consid. 3.2 p. 555) et n’est pas non plus de nature à causer un préjudice irréparable aux parties, le seul allongement de la durée de la procédure ou le seul fait que son coût s’en trouve augmenté n’étant pas considéré comme un élément constitutif d’un tel dommage (ATF 140 V 282 consid. 4.2.2 p. 287 et les références). Dans le cas particulier, la cour cantonale a admis l’existence d’un rapport de causalité naturelle et adéquate entre l’accident du 18.06.2014 et les troubles psychiques de l’assurée persistants au-delà du 30.06.2015. Sur ces points, le jugement attaqué contient une instruction contraignante à destination de l’assureur-accidents et ne lui laisse plus aucune latitude de jugement pour la suite de la procédure. En cela, la recourante subit un préjudice irréparable au sens de l’art. 93 al. 1 let. a LTF (arrêt 8C_488/2011 du 19 décembre 2011 consid. 1; cf. ATF 144 V 280 consid. 1.2 p. 283; 133 V 477 consid. 5.2.4 p. 484). Il y a dès lors lieu d’entrer en matière sur le recours.

 

D’après une jurisprudence constante, l’assureur-accidents est tenu, au stade de la procédure administrative, de confier une expertise à un médecin indépendant, si une telle mesure se révèle nécessaire (arrêt 8C_36/2017 du 5 septembre 2017 consid. 5.2.3). Lorsque de telles expertises sont établies par des spécialistes reconnus, sur la base d’observations approfondies et d’investigations complètes, ainsi qu’en pleine connaissance du dossier, et que les experts aboutissent à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu’aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4 p. 469; 125 V 351 consid. 3b/bb p. 353). Quant à la valeur probante du rapport établi par le médecin traitant, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l’expérience, celui-ci est généralement enclin, en cas de doute, à prendre partie pour son patient en raison de la relation de confiance qui l’unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc p. 353; VSI 2001 p. 106, I 128/98 consid. 3b/cc). Cependant, le simple fait qu’un certificat médical est établi à la demande d’une partie et produit pendant la procédure ne justifie pas, en soi, des doutes quant à sa valeur probante. Ainsi, une expertise présentée par une partie peut également valoir comme moyen de preuve. Le juge est donc tenu d’examiner si elle est propre à mettre en doute, sur les points litigieux importants, l’opinion et les conclusions de l’expert (ATF 125 V 351 consid. 3c p. 354).

Les juges cantonaux ont constaté en l’occurrence de manière convaincante que l’assurée n’avait ni vu ni entendu les chocs préalables au sien et avait présenté une amnésie circonstancielle lors de l’événement du 18.06.2014. Après avoir souffert de cette amnésie de moins d’une minute, l’assurée s’est retrouvée prisonnière de l’habitacle de son véhicule (avec tous les airbags déployés), à contre-sens sur la voie de sortie de l’autoroute, avec du sang sur le visage, des hématomes, des contusions et des douleurs multiples à la nuque, au dos et à la jambe droite. Des officiers de police procédaient de plus à l’arrestation du fuyard, qui opposait une vive résistance, et plusieurs autres personnes impliquées dans la collision en chaîne nécessitaient des premiers soins.

On doit dès lors admettre que les médecins-experts mandatés par l’assurance-accidents ont négligé dans leurs conclusions le fait que l’assurée n’a subi qu’une amnésie circonstancielle de courte durée. En ce sens, l’expert privé apporte des éléments utiles à l’examen du lien de causalité naturelle en exposant que l’assurée souffre notamment de reviviscences répétées du processus de désincarcération (avec cauchemars et flashbacks), d’un évitement comportemental, d’une hypervigilance et d’une détresse significative.

L’expert privé a indiqué ensuite qu’il était « tout à fait vraisemblable [que l’assurée] ait eu le temps de percevoir, juste avant le choc, d’entendre (bruits des chocs précédents) ou de voir (dans le rétroviseur) ce qui était en train de se produire sur la chaussée, et donc qu’elle ait pu, même en une fraction de seconde, ressentir le danger imminent et un sentiment de peur très aigu ». Ces suppositions, qui ne reposent sur aucun élément objectif au dossier, ne sauraient être suivies. Elles paraissent cependant avoir joué un rôle considérable dans les conclusions du psychiatre, celui-ci retenant l’hypothèse d’un accident de la « circulation extrêmement violent et menaçant » et donc l’existence d’une peur intégrée au moment de celui-ci. Dans ces conditions, à la lumière de la règle du degré de la vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à l’appréciation des preuves dans l’assurance sociale (ATF 142 V 435 consid. 1 p. 438 et les références), la juridiction cantonale n’était pas en droit, sur le seul fondement des conclusions de l’expert privé, d’admettre l’existence d’un rapport de causalité naturelle entre l’accident et le trouble de stress post-traumatique chronique, de degré modéré, diagnostiqué par ce médecin. Les indices mis en avant par le psychiatre en faveur d’un tel diagnostic devaient encore être corroborés ou infirmés par une instruction complémentaire sous la forme d’une nouvelle expertise psychiatrique indépendante conforme aux règles de l’art.

 

Le TF admet partiellement le recours de l’assurance-accidents. La décision sur opposition et le jugement cantonal sont annulés, la cause étant renvoyée à l’assureur-accidents pour complément d’instruction, qui prendra la forme d’une expertise psychiatrique indépendante.

 

 

Arrêt 8C_540/2018 consultable ici

 

 

Capacité de travail des personnes atteintes de problèmes psychiques : une formation réduit les écarts entre les expertises

Capacité de travail : une formation réduit les écarts entre les expertises

 

Communiqué de presse du Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS) du 03.07.2019 consultable ici

 

Les assurances sociales font appel à des psychiatres afin d’évaluer la capacité de travail des personnes atteintes de problèmes psychiques. Or, ces expertises divergent trop. Une nouvelle formation proposée dans le cadre d’une étude financée par le FNS vise à réduire ces écarts.

Toute personne ne pouvant pas travailler à plein temps du fait de troubles psychiques a droit à une rente. Or, le montant de celle-ci dépend de la capacité de travail évaluée par les psychiatres. Dans l’idéal, les expertises devraient recommander des taux d’occupation similaires pour des situations comparables, mais c’est loin d’être le cas. Parfois, les évaluations sont même radicalement opposées. Aux yeux des avocats, des juges, des assurances et des expert-e-s, cette situation est tout à fait insatisfaisante.

Grâce à une nouvelle forme d’évaluation orientée sur les capacités fonctionnelles et à des formations spécifiques destinées aux psychiatres, les chercheuses et chercheurs sont parvenus à obtenir des appréciations plus cohérentes de la capacité de travail.

Dans l’étude financée par le Fonds national suisse (FNS), l’Office fédéral des assurances sociales et la Suva, la variation statistique des évaluations a baissé de plus d’un cinquième. Les spécialistes exerçant dans ce domaine souhaitent toutefois voir une réduction nettement plus importante des divergences. A l’inverse, les requérant-e-s et expert-e-s estiment que le nouveau processus est juste et transparent. « C’est important car les expertises ont un impact déterminant sur la vie des individus concernés », explique la directrice de l’étude, Regina Kunz, de l’Hôpital universitaire de Bâle. L’étude a été publiée dans la revue BMC Psychiatry (*).

 

Evoquer concrètement le travail

Dans le nouveau processus d’expertise, orienté sur les capacités fonctionnelles, les psychiatres placent le travail plutôt que la maladie au centre de la discussion, et ce dès le début de l’entretien. Ils interrogent notamment la personne sur les activités qu’impliquait son dernier emploi, sur celles qui sont encore possibles et sur ce qui pourrait débloquer la situation – une approche centrée sur la solution. Enfin, les spécialistes doivent encore classer 13 capacités liées au travail qui sont fréquemment limitées chez les personnes atteintes de troubles psychiques. Sur cette base, ils évaluent ainsi le taux d’occupation envisageable.

Pour l’étude, les chercheuses et chercheurs ont comparé les expertises de 35 psychiatres, portant sur la capacité de travail de 40 individus. Les entretiens ont été filmés et évalués à chaque fois par trois autres spécialistes indépendant-e-s. A la fin, on a obtenu ainsi quatre évaluations différentes par requérant-e. Les divergences entre ces expertises ont alors été comparées avec celles d’une série antérieure d’évaluations, pour lesquelles les psychiatres avaient bénéficié d’une formation nettement plus courte, remontant d’ailleurs à plus d’une année au moment de l’expertise. Dans ce cadre, 19 spécialistes avaient évalué la capacité de travail de 30 requérant-e-s.

 

Des attentes trop élevées ?

On a calculé à quelle fréquence deux expertises divergeaient de 25 points de pourcentage maximum en matière d’évaluation de la capacité de travail : dans le groupe témoin, 39% des comparaisons entre deux expertises dépassaient ce seuil. La formation a permis de réduire cette part à 26% – un effet statistiquement significatif.

Afin de déterminer la divergence maximale acceptable dans la pratique entre deux expertises concernant une même personne, les scientifiques ont préalablement effectué une enquête auprès de 700 expert-e-s en Suisse : évaluateurs, représentant-e-s des assurances sociales, avocats et juges estiment ainsi qu’un écart maximum de 25 points de pourcentage est tolérable pour que le processus reste juste (**). « Nous n’avons bien sûr jamais pensé que notre approche résoudrait tous les problèmes », remarque Regina Kunz, directrice de l’étude. « Mais nous sommes quand même déçus que les évaluations ne soient pas un peu plus unanimes. »

Elle tire toutefois un bilan positif de l’étude : « Les requérant-e-s et les spécialistes étaient satisfaits du nouveau processus car il pourrait clairement améliorer la transparence et la clarté des expertises pour les assurances et la justice. » Dans une autre étude, Regina Kunz et ses collègues cherchent à savoir si une formation plus approfondie des psychiatres pourrait encore améliorer la situation.

Ce n’est toutefois guère suffisant pour répondre aux attentes des parties prenantes. Le problème des fortes variations touche tout le monde occidental, comme le révèle une étude globale systématique publiée précédemment (***). « Les médecins ne sont pas des experts du travail, comme ils le soulignent eux-mêmes », explique Regina Kunz. « La formation à elle seule ne suffira pas. » Il faudrait donc réfléchir autrement, et elle suggère à titre d’exemple d’envisager de tous nouveaux systèmes d’évaluation : « Aux Pays-Bas, les psychiatres se concentrent sur la thérapie, et les évaluations sont faites par des personnes spécialement formées à cet effet. »

 

 

(*) R. Kunz et al.: The reproducibility of psychiatric evaluations of work disability: Two reliability and agreement studies. BMC Psychiatry (2019). DOI: 10.1186/s12888-019-2171-y

(**) S. Schandelmaier et al.: Attitudes towards evaluation of psychiatric disability claims: a survey of Swiss stakeholders. Swiss Medical Weekly (2015). DOI:10.4414/smw.2015.14160

(***) J. Barth et al.: Inter-rater agreement in evaluation of disability: systematic review of reproducibility studies. BMJ (2017). DOI: 10.1136/bmj.j14

 

 

Communiqué de presse du Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS) du 03.07.2019 consultable ici

Lien du projet financé par le Fonds national suisse (FNS)

 

 

8C_291/2018 (f) du 28.02.2019 – Troubles psychiques – Causalité adéquate – 6 LAA / Faible degré de gravité de l’accident – Chute de sa hauteur

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_291/2018 (f) du 28.02.2019

 

Consultable ici

 

Troubles psychiques – Causalité adéquate / 6 LAA

Faible degré de gravité de l’accident – Chute de sa hauteur

 

Le 18.11.2015, l’assuré, né en 1965, a glissé dans le parking de l’entreprise qui l’avait engagé en tant que chauffeur-livreur du 12.10.2015 au 05.12.2015. Il est tombé en arrière et, en voulant se rattraper, s’est blessé à la main droite.

Les premiers soins lui ont été prodigués le 23.11.2015 un médecin spécialiste en médecine interne générale, qui a posé le diagnostic de fracture du radius droit. Ce médecin a également constaté des douleurs cervicales, thoraciques et lombaires, et attesté une incapacité de travail de 100% à partir de cette date, laquelle a été régulièrement renouvelée.

L’assuré s’est plaint de fourmillements, d’un manque de sensibilité et de force au niveau de son poignet droit, ainsi que de douleurs remontant jusqu’à l’épaule. L’assuré a accompli un séjour à la Clinique romande de réadaptation (CRR) du 24.05.2016 au 14.06.2016 pour un bilan global de la situation. Les médecins de la CRR ont constaté un cubitus un peu long du fait de la fracture et la présence d’une synovite, en soulignant que des facteurs contextuels influençaient négativement le pronostic. Lors de l’examen final du 24.11.2016, le médecin-conseil a constaté un état stabilisé, fixé l’atteinte à l’intégrité à 5%, et retenu une capacité entière dans une activité adaptée aux limitations décrites par les médecins de la CRR.

Par décision, confirmée sur opposition, l’assureur-accidents a nié le droit de l’assuré à une rente invalidité, motif pris de l’absence d’une diminution notable de la capacité de gain, mais lui a alloué une indemnité pour atteinte à l’intégrité d’un taux de 5%.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 39/17 – 23/2018 – consultable ici)

Par jugement du 15.03.2018, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

L’assuré indique, entres autres, souffrir de douleurs au poignet qui l’empêchent d’utiliser correctement son membre supérieur droit, ainsi que dans les régions cervicales, dorsales, lombaires et brachiales, et nécessiter un suivi psychiatrique.

S’agissant des troubles psychiatriques :

D’après la jurisprudence, l’existence d’un lien de causalité adéquate entre un accident insignifiant ou de peu de gravité et des troubles psychiques consécutifs à l’accident doit, en règle générale, être niée d’emblée. En l’espèce, eu égard au faible degré de gravité de l’accident subi par l’assuré, qui a consisté en une chute de sa hauteur, la responsabilité de l’assurance-accidents n’est de toute manière pas engagée pour le trouble dépressif diagnostiqué par la psychiatre du Centre de psychiatrie et psychothérapie.

Au demeurant, la psychiatre ne met pas tant ce trouble en lien avec le déroulement de l’accident du 18 novembre 2015 qu’avec la situation précaire de l’assuré sans permis et sans domicile fixe en Suisse (voir son rapport du 11 juillet 2017).

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_291/2018 consultable ici

 

 

8C_56/2018 (f) du 26.03.2018 – Causalité naturelle et adéquate – 6 LAA / TCC simple nié – Absence de lésions organiques objectivables / Trouble psychique (état de stress post-traumatique) – Lien de causalité adéquate

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_56/2018 (f) du 26.03.2018

 

Consultable ici

 

Causalité naturelle et adéquate / 6 LAA

TCC simple nié – Absence de lésions organiques objectivables

Trouble psychique (état de stress post-traumatique) – Lien de causalité adéquate – Facteur psychogène ayant joué un rôle prépondérant dans la persistance des douleurs et de l’incapacité de travail

 

Assuré, aide-menuisier, a été victime d’un accident de la circulation le 31.07.2015, alors qu’il se trouvait en vacances à l’étranger. A la suite de cet accident, l’assuré a présenté un état de stress post-traumatique et s’est plaint notamment de céphalées, d’une grande fatigue, de vertiges, de pertes de mémoire, de douleurs irradiant la partie gauche du front et de bruits permanents dans sa tête. Il a subi plusieurs examens neurologiques et psychiatriques et a été soumis à deux IRM cérébrales, entre l’automne 2015 et l’automne 2016.

L’assurance-accidents a rendu une décision, confirmée sur opposition, par laquelle elle a considéré que l’assuré était apte à travailler à 60% dès le 11.07.2016, à 70% dès le 25.07.2016, à 80% dès le 08.08.2016, à 90% dès le 22.08.2016 et à 100% dès le 01.09.2016. Elle a nié l’existence d’une lésion organique à l’origine des plaintes de l’assuré et a considéré que les troubles de nature psychique n’étaient pas en rapport de causalité adéquate avec l’accident du 31.07.2015.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 141/16 – 128/2017 – consultable ici)

Les juges cantonaux ont privilégié l’appréciation du spécialiste en neurologie et médecin conseil de l’assurance-accidents, lequel a écarté le diagnostic de traumatisme crânio-cérébral simple. Or, c’est l’ensemble des éléments médicaux recueillis au dossier, en particulier les constatations médicales initiales (faites à l’étranger) et les résultats des examens neuroradiologiques qui ont amené ce spécialiste à cette conclusion. Ce médecin a expliqué que si l’assuré avait certes indiqué, en novembre 2015, avoir perdu connaissance à la suite de l’accident – ce qui plaiderait en faveur d’un traumatisme crânio-cérébral simple – aucun document médical du jour de l’accident ne corroborait cette information. En outre, les médecins l’ayant examiné ce jour-là avaient diagnostiqué des lésions traumatiques superficielles de la tête, ce qui démontrait qu’ils n’avaient disposé d’aucun indice évocateur d’une perte de connaissance ou d’une lacune mnésique de l’intéressé, auquel cas ils auraient diagnostiqué un traumatisme cranio-cérébral significatif. Il n’y avait dès lors pas de raison d’admettre, d’un point de vue neurologique, que l’assuré avait souffert d’un traumatisme crânio-cérébral simple, ce d’autant plus que les IRM cérébrales réalisées les 21.10.2015 et 20.09.2016 n’avaient mis en évidence aucune contusion cérébrale.

Par jugement du 22.11.2017, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Selon l’art. 6 al. 1 LAA, les prestations d’assurance sont allouées en cas d’accident professionnel, d’accident non professionnel et de maladie professionnelle.

Le droit à des prestations découlant d’un accident assuré suppose d’abord, entre l’événement dommageable de caractère accidentel et l’atteinte à la santé, un lien de causalité naturelle. Cette exigence est remplie lorsqu’il y a lieu d’admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout, ou qu’il ne serait pas survenu de la même manière (ATF 129 V 177 consid. 3.1 p. 181; 402 consid. 4.3.1 p. 406; 119 V 335 consid. 1 p. 337; 118 V 286 consid. 1b p. 289 et les références). Le droit à des prestations de l’assurance-accidents suppose en outre l’existence d’un lien de causalité adéquate entre l’accident et l’atteinte à la santé. La causalité est adéquate si, d’après le cours ordinaire des choses et l’expérience de la vie, le fait considéré était propre à entraîner un effet du genre de celui qui s’est produit, la survenance de ce résultat paraissant de façon générale favorisée par une telle circonstance (ATF 129 V 177 consid. 3.2 p. 181; 402 consid. 2.2 p. 405; 125 V 456 consid. 5a p. 461 s. et les références).

 

Séquelles organiques objectivables

Selon le Tribunal fédéral, la cour cantonale était fondée à nier l’existence de séquelles organiques objectivables en lien de causalité naturelle avec l’accident du 31.07.2015.

 

Troubles psychiques et causalité adéquate

L’assuré ne remet pas en cause le point de vue de la juridiction cantonale selon lequel l’événement du 31.07.2015 doit être classé dans la catégorie des accidents de gravité moyenne stricto sensu.

Aussi, pour qu’un lien de causalité adéquate entre les troubles psychiques et un accident de gravité moyenne soit admis, il faut un cumul de trois critères sur sept, ou au moins que l’un des critères se soit manifesté de manière particulièrement marquante pour l’accident (SVR 2010 UV n° 25 p. 100 [8C_897/2009] consid. 4.5; arrêt 8C_196/2016 du 9 février 2017 consid. 4).

L’assuré se prévaut du critère du degré et de la durée de l’incapacité de travail et fait valoir que l’accident a occasionné des douleurs physiques persistantes. Il apparaît en l’occurrence que dès le mois de février 2016, la capacité de travail de l’assuré a été influencée par ses troubles psychiques, lesquels ont également eu assez tôt un rôle prédominant sur ses plaintes, comme l’attestent les différents rapports médicaux. Dès lors que le facteur psychogène a joué un rôle prépondérant dans la persistance des douleurs et de l’incapacité de travail de l’assuré, il n’est pas possible de retenir que ces deux critères sont remplis (cf. ATF 134 V 109 consid. 9.5 p. 125 s.; 127 V 102 consid. 5b/bb p. 103 et les références; 115 V 133 consid. 6c/aa p. 140 et 403 consid. 5c/aa p. 409). Au demeurant, l’assuré ne prétend pas que les autres critères seraient réalisés. Dès lors, même si les deux critères en question devaient être admis, aucun d’entre eux ne s’est en tout cas manifesté de manière particulièrement marquante, cela ne suffirait donc pas pour établir une relation de causalité adéquate.

Les premiers juges pouvaient nier l’existence d’un lien de causalité adéquate entre le trouble psychique (état de stress post-traumatique) et l’accident du 31.07.2015.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_56/2018 consultable ici

 

 

8C_766/2017+8C_773/2017 (f) du 30.07.2018 – Troubles psychiques et causalité adéquate – Chute d’environ 4 mètres – 6 LAA / Revenu d’invalide fixé selon l’ESS – 18 LAA – 16 LPGA / Abattement – Critère de l’âge – Mono-manuel

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_766/2017+8C_773/2017 (f) du 30.07.2018

 

Consultable ici

 

Troubles psychiques et causalité adéquate – Chute d’environ 4 mètres / 6 LAA

Critère des circonstances concomitantes particulièrement dramatiques ou du caractère particulièrement impressionnant de l’accident – Réception latérale n’est pas forcément plus traumatisante qu’une chute verticale

Revenu d’invalide fixé selon l’ESS / 18 LAA – 16 LPGA

Abattement – Critère de l’âge / Pas mono-manuel la main non dominante conservant une fonction de stabilisation et port de charge de 1 kg maximum

 

Assuré, né en 1965, arrivé en Suisse en 2007, où il a travaillé comme ouvrier dans le bâtiment. Le 15.12.2011, l’assuré a été victime d’un accident professionnelle, glissant et tombant d’environ 4 mètres (du premier étage au rez-de-chaussée). La chute a provoqué une fracture-luxation du coude gauche et une instabilité postéro-externe du coude gauche sur rupture du ligament huméro-ulnaire externe et fracture de la coronoïde.

Par décision du 17.11.2016, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a reconnu le droit de l’assuré à une rente d’invalidité fondée sur un taux d’incapacité de gain de 22% à partir du 01.11.2016, ainsi qu’à une indemnité pour atteinte à l’intégrité (IPAI) fondée sur un taux de 12%. Le revenu d’invalide a été fixé sur la base des DPT.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/848/2017 – consultable ici)

En relation avec les troubles psychiques allégués par l’assuré, la juridiction cantonale a refusé la mise en œuvre d’une expertise psychiatrique, permettant éventuellement d’établir un rapport de causalité naturelle avec l’accident, au motif qu’un lien de causalité adéquate ferait de toute façon défaut (cf. ATF 115 V 133 consid. 6c/aa p. 140 et 403 consid. 5c/aa p. 409). L’accident a été classé dans la catégorie des accidents de gravité moyenne, stricto sensu ; les juges cantonaux ont qu’un seul des critères, celui de la durée de l’incapacité de travail, entrait en ligne de compte (sans toutefois revêtir une intensité particulière).

Selon l’appréciation de l’instance cantonale, les DPT choisies n’étaient pas toutes compatibles avec les limitations fonctionnelles de l’assuré. Les juges cantonaux ont retenu un taux d’abattement de 20% motif pris qu’en 2016, année d’ouverture du droit à la rente, l’assuré était âgé de 51 ans, qu’outre ses limitations fonctionnelles, sa main gauche ne conservait qu’une fonction accessoire de stabilisation et, enfin, qu’il était détenteur d’un permis B.

Par jugement du 03.10.2017, admission partielle du recours par le tribunal cantonal, reconnaissant le droit de l’assuré à une rente d’invalidité fondée sur un taux d’incapacité de gain de 25% et à une IPAI d’un taux de 25% également.

 

TF

Troubles psychiques et causalité adéquate

L’examen du critère des circonstances concomitantes particulièrement dramatiques ou du caractère particulièrement impressionnant de l’accident se fait sur la base d’une appréciation objective des circonstances de l’espèce. La survenance d’un accident de gravité moyenne présente toujours un certain caractère impressionnant pour la personne qui en est victime, ce qui ne suffit pas en soi à conduire à l’admission de ce critère (arrêts 8C_96/2017 du 24 janvier 2018 consid. 5.1; 8C_1007/2012 du 11 décembre 2013 consid. 5.4.1).

En l’occurrence, la position dans laquelle un assuré chute ou se reçoit au sol pourrait, selon les circonstances, entraîner l’admission du critère invoqué.

En l’espèce, le fait d’être tombé sur le côté (d’environ 4 mètres) ne saurait, objectivement, conférer à l’accident un caractère particulièrement impressionnant ou dramatique. Lorsqu’un assuré glisse et chute, comme c’est le cas en l’espèce, une réception latérale n’est pas forcément plus traumatisante qu’une chute verticale. Pour le surplus, l’assuré n’invoque pas d’autres circonstances qui permettraient de remplir le critère en cause et la solution des premiers juges n’apparaît pas critiquable eu égard à la casuistique développée par le Tribunal fédéral en cas de chute (cf. arrêt 8C_657/2013 du 3 juillet 2014 consid. 5.4 et les arrêts cités).

En ce qui concerne le traitement médical, l’assuré a été hospitalisé du 15.12.2011 au 05.01.2012, a subi trois interventions chirurgicales du coude gauche les 16.12.2011, 23.12.2011 et 31.12.2011, puis une ablation du fixateur externe le 07.02.2012. Le traitement s’est poursuivi principalement sous la forme de séances de physiothérapie et de médication antalgique. En raison d’une raideur post-traumatique et gêne sur matériel d’ostéosynthèse, l’assuré a subi une nouvelle intervention chirurgicale le 19.11.2013 (AMO et arthrolyse du coude), nécessitant une hospitalisation jusqu’au 19.12.2013 en raison d’un épanchement intra-articulaire du coude très important et d’un œdème. Enfin, il a été soumis à une opération de neurolyses des nerfs ulnaire et médian au coude et poignet gauches le 10.02.2015. Par ailleurs, l’assuré a séjourné à la Clinique romande de réadaptation du 22.07.2014 au 28.08.2014 pour une évaluation multidisciplinaire et professionnelle. Les médecins de la clinique ont retenu comme diagnostic principal des thérapies physiques et fonctionnelles pour douleurs et raideur du coude gauche et précisé, en particulier, que les plaintes et limitations fonctionnelles étaient objectivables. Dans ces circonstances, les critères afférents à la durée et l’intensité du traitement médical et aux douleurs physiques persistantes paraissent dès l’abord réalisés.

En revanche, le critère du degré et de la durée de l’incapacité de travail due aux lésions physiques n’est pas donné. En effet, ce critère ne se mesure pas uniquement au regard de la profession antérieurement exercée par l’assuré. Ainsi, il n’est pas rempli lorsque l’assuré est apte, même après un certain laps de temps, à exercer à plein temps une activité adaptée aux séquelles accidentelles qu’il présente (p. ex. arrêt 8C_208/2016 du 9 mars 2017 consid. 4.1.2).

En fin de compte, seuls deux critères (à savoir la durée anormalement longue du traitement médical et les douleurs physiques persistantes) entrent en considération. Cependant, aucun d’entre eux ne revêt une intensité particulière. Par conséquent, la condition du cumul de trois critères au moins – pour qu’un lien de causalité adéquate entre les troubles psychiques et un accident de gravité moyenne soit admis (arrêt 8C_96/2017 du 24 janvier 2018 consid. 4.3 in fine et les arrêts cités) – fait défaut.

 

Revenu d’invalide fixé selon l’ESS – Abattement

Selon la jurisprudence, la mesure dans laquelle les salaires ressortant des statistiques doivent être réduits dépend de l’ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité/catégorie d’autorisation de séjour et taux d’occupation). Une déduction globale maximale de 25% sur le salaire statistique permet de tenir compte des différents éléments qui peuvent influencer le revenu d’une activité lucrative (cf. ATF 126 V 75 consid. 5b/aa-cc p. 79 s.). Il n’y a pas lieu de procéder à des déductions distinctes pour chacun des facteurs entrant en considération. Il faut bien plutôt procéder à une évaluation globale, dans les limites du pouvoir d’appréciation, des effets de ces facteurs sur le revenu d’invalide, compte tenu de l’ensemble des circonstances du cas concret (ATF 126 V 75 précité consid. 5b/bb p. 80; arrêts 8C_227/2017 du 17 mai 2018 consid. 3.1; 8C_883/2015 du 21 octobre 2016 consid. 6.2.1).

L’étendue de l’abattement (justifié dans un cas concret) constitue une question typique relevant du pouvoir d’appréciation, qui est soumise à l’examen du juge de dernière instance uniquement si la juridiction cantonale a exercé son pouvoir d’appréciation de manière contraire au droit, soit si elle a commis un excès positif (« Ermessensüberschreitung ») ou négatif (« Ermessensunterschreitung ») de son pouvoir d’appréciation ou a abusé (« Ermessensmissbrauch ») de celui-ci (ATF 137 V 71 consid. 5.1 p. 72 s. et l’arrêt cité), notamment en retenant des critères inappropriés, en ne tenant pas compte de circonstances pertinentes, en ne procédant pas à un examen complet des circonstances pertinentes ou en n’usant pas de critères objectifs (cf. ATF 135 III 179 consid. 2.1 p. 181; 130 III 176 consid. 1.2 p. 180).

Contrairement au pouvoir d’examen du Tribunal fédéral, celui de l’autorité judiciaire de première instance n’est en revanche pas limité dans ce contexte à la violation du droit (y compris l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation), mais s’étend également à l’opportunité de la décision administrative (« Angemessenheitskontrolle »). En ce qui concerne l’opportunité de la décision en cause, l’examen porte sur le point de savoir si une autre solution que celle que l’autorité, dans un cas concret, a adoptée dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation et en respectant les principes généraux du droit, n’aurait pas été plus judicieuse quant à son résultat. A cet égard, le juge des assurances sociales ne peut, sans motif pertinent, substituer sa propre appréciation à celle de l’administration; il doit s’appuyer sur des circonstances de nature à faire apparaître sa propre appréciation comme la mieux appropriée (ATF 137 V 71 précité consid. 5.2 p. 73 et l’arrêt cité).

C’est en vain que l’assurance-accidents reproche à la cour cantonale de s’être écartée du taux reconnu par elle dans sa détermination en procédure cantonale. En effet, c’est sous l’angle de l’opportunité de la décision administrative que le juge des assurances sociales ne peut substituer sa propre appréciation à celle de l’administration sans motif pertinent. Or, l’assurance-accidents ne s’est pas prononcée sur l’étendue de l’abattement dans sa décision sur opposition dès lors qu’elle avait fixé le revenu d’invalide sur la base de descriptions de postes de travail (DPT). Pour le surplus, la CNA ne conteste pas l’appréciation des premiers juges, selon laquelle les DPT choisies n’étaient pas toutes compatibles avec les limitations fonctionnelles de l’assuré, et sur le principe en tout cas, le changement de méthode d’évaluation n’est pas critiquable (cf. arrêt 8C_199/2017 du 6 février 2018 consid. 5.2). En conclusion, l’étendue de l’abattement a été déterminée pour la première fois dans le jugement entrepris, de sorte que la cour cantonale pouvait s’écarter librement du taux admis par la CNA dans sa réponse au recours.

Bien que l’âge soit inclus dans le cercle des critères déductibles depuis la jurisprudence de l’ATF 126 V 75 – laquelle continue de s’appliquer (cf. arrêt 9C_470/2017 du 29 juin 2018 consid. 4.2) – il ne suffit pas de constater qu’un assuré a dépassé la cinquantaine au moment déterminant du droit à la rente pour que cette circonstance justifie de procéder à un abattement. Encore récemment, le Tribunal fédéral a rappelé que l’effet de l’âge combiné avec un handicap doit faire l’objet d’un examen dans le cas concret, les possibles effets pénalisants au niveau salarial induits par cette constellation aux yeux d’un potentiel employeur pouvant être compensés par d’autres éléments personnels ou professionnels tels que la formation et l’expérience professionnelle de l’assuré concerné (arrêt 8C_227/2017 précité consid. 5).

En l’espèce, la cour cantonale n’a pas examiné en quoi les perspectives salariales de l’assuré seraient concrètement réduites sur le marché du travail équilibré à raison de son âge, compte tenu des circonstances du cas particulier. Une telle façon de faire, en particulier lorsque l’âge en cause (51 ans) est relativement éloigné de celui de la retraite, n’est pas conforme à la jurisprudence du Tribunal fédéral. En outre, pour fixer le revenu d’invalide, la juridiction cantonale s’est fondée sur le revenu auquel peuvent prétendre les hommes effectuant des activités simples et répétitives dans le secteur privé pour un niveau de qualification 1 selon l’ESS 2014. Cette valeur statistique s’applique à tous les assurés qui ne peuvent plus accomplir leur ancienne activité parce qu’elle est physiquement trop astreignante pour leur état de santé, mais qui conservent néanmoins une capacité de travail importante dans des travaux légers (voir parmi d’autres, arrêt 9C_633/2017 du 29 décembre 2017 consid. 4.3 et les arrêts cités). Pour ces assurés, ce salaire statistique est suffisamment représentatif de ce qu’ils seraient en mesure de réaliser en tant qu’invalides dès lors qu’il recouvre un large éventail d’activités variées et non qualifiées, ne requérant pas d’expérience professionnelle spécifique, ni de formation particulière, si ce n’est une phase initiale d’adaptation et d’apprentissage (p. ex. arrêt 8C_227/2018 du 14 juin 2018 consid. 4.2.3.3). Partant, il n’apparaît pas d’emblée que l’âge de l’assuré, son permis B ou encore son manque d’expérience dans une nouvelle profession, soient susceptibles, au regard de la nature des activités encore exigibles, de réduire ses perspectives salariales.

Enfin, contrairement à ce que soutient l’assuré, il n’est pas dans la situation d’un mono-manuel, dès lors que sa main gauche (non dominante) conserve une fonction de stabilisation et permet occasionnellement un port de charge de 1 kg maximum.

Compte tenu de ce qui précède, il convient de réduire l’abattement admis par la cour cantonale. En l’occurrence, une déduction globale de 15% tient suffisamment compte des circonstances pertinentes du cas d’espèce. Cela étant, en procédant à un abattement de 15% sur le revenu d’invalide constaté par les premiers juges (67’021 fr.), on obtient un revenu de 56’967 fr. 75. Comparé au revenu sans invalidité de 71’155 fr., le taux d’invalidité de l’assuré s’élève à 20% (19,93%). Même si ce taux est inférieur au degré d’invalidité de 22% reconnu par l’assurance-accidents, ce dernier doit être confirmé (art. 107 al. 1 LTF).

 

Le TF rejette le recours de l’assuré, admet le recours de l’assurance-accidents et reconnaît le droit de l’assuré à une rente d’invalidité de 22%.

 

 

Arrêt 8C_766/2017+8C_773/2017 consultable ici

 

 

8C_775/2017 (f) du 13.06.2018 – Troubles psychiques – Lien de causalité adéquate avec un accident de peu de gravité – 115 V 133 – 6 LAA / Catégorie des accidents de gravité moyenne à la limite inférieure – Cumul de quatre critères au moins

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_775/2017 (f) du 13.06.2018

 

Consultable ici

 

Troubles psychiques – Lien de causalité adéquate avec un accident de peu de gravité – 115 V 133 / 6 LAA

Catégorie des accidents de gravité moyenne à la limite inférieure – Cumul de quatre critères au moins

 

Assuré, travaillant depuis le 06.06.2011 comme ouvrier en bâtiment, a été victime d’un accident : Le 07.07.2011, il a glissé sur une pente herbeuse et humide et s’est réceptionné sur son thorax, se fracturant les 8ème et 9ème côtes droites.

En raison de la persistance des douleurs, l’assuré a séjourné une première fois dans une clinique de réhabilitation du 29.08.2012 au 26.09.2012. A l’issue de son séjour, les médecins ont conclu à une capacité de travail entière dans une activité sans travaux lourds, ni rotations du tronc répétitives. Le 26.04.2013, une intervention chirurgicale a été pratiquée pour enlever un cal au niveau des 7ème et 8ème côtes, enlever les adhérences de la 9ème côte et mettre en place une ostéosynthèse au niveau de la 8ème côte. Les suites de l’intervention ont été défavorables, l’assuré ayant présenté une hernie abdominale au niveau de la cicatrice, en raison de laquelle il a été réopéré le 04.12.2013. Il a ensuite séjourné à la clinique de réhabilitation du 23.02.2015 au 30.03.2015. Au terme du séjour, les médecins ont considéré qu’il n’y avait plus lieu d’attendre de la continuation du traitement médical une amélioration sensible de l’état de l’assuré et la capacité de travail a été jugée entière dans une activité légère à moyenne, sans activités répétitives à la hauteur des épaules.

A l’issue d’un examen médical final du 30.06.2015, le médecin d’arrondissement, spécialiste en chirurgie, a constaté l’absence d’amélioration sur le plan douloureux. Il a préconisé un traitement de physiothérapie intensive sur six mois. Selon ce médecin, les activités avec port de charges de plus de 10 kg, s’exerçant au-dessus du buste, nécessitant des mouvements rapides de l’épaule droite ou s’accompagnant de forts coups ou vibrations au niveau du bras droit n’étaient plus exigibles.

Dans un nouvel examen final du 30.06.2016, le médecin d’arrondissement a confirmé que le traitement somatique n’avait pas permis d’amélioration et qu’une atteinte psychosomatique pouvait être la cause des douleurs.

Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a mis un terme à ses prestations (traitement médical et indemnités journalières) avec effet au 31.12.2016. Elle a refusé d’allouer une rente d’invalidité, au motif que le taux d’invalidité présenté par l’assuré était inférieur à 10%. Elle a également nié sa responsabilité pour les troubles psychiques en l’absence de lien de causalité adéquate.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 05.10.2017, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Lien de causalité adéquate selon 115 V 133

En vue de juger du caractère adéquat du lien de causalité entre un accident et une affection psychique additionnelle à une atteinte à la santé physique, il faut d’abord classer les accidents en trois catégories, en fonction de leur déroulement : les accidents insignifiants, ou de peu de gravité; les accidents de gravité moyenne et les accidents graves. Pour procéder à cette classification, il convient non pas de s’attacher à la manière dont l’assuré a ressenti et assumé le choc traumatique, mais bien plutôt de se fonder, d’un point de vue objectif, sur l’événement accidentel lui-même. En présence d’un accident de gravité moyenne, il faut prendre en considération un certain nombre de critères, dont les plus importants sont les suivants (ATF 115 V 133 consid. 6c/aa p. 140; 403 consid. 5c/aa p. 409) :

  • les circonstances concomitantes particulièrement dramatiques ou le caractère particulièrement impressionnant de l’accident;
  • la gravité ou la nature particulière des lésions physiques, compte tenu notamment du fait qu’elles sont propres, selon l’expérience, à entraîner des troubles psychiques;
  • la durée anormalement longue du traitement médical;
  • les douleurs physiques persistantes;
  • les erreurs dans le traitement médical entraînant une aggravation notable des séquelles de l’accident;
  • les difficultés apparues au cours de la guérison et des complications importantes;
  • le degré et la durée de l’incapacité de travail due aux lésions physiques.

Il n’est pas nécessaire que soient réunis dans chaque cas tous ces critères. Suivant les circonstances, un seul d’entre eux peut être suffisant pour faire admettre l’existence d’une relation de causalité adéquate. Il en est ainsi lorsque l’accident considéré apparaît comme l’un des plus graves de la catégorie intermédiaire, à la limite de la catégorie des accidents graves, ou encore lorsque le critère pris en considération s’est manifesté de manière particulièrement importante (ATF 115 V 133 consid. 6 c/bb p. 140; 403 consid. 5 c/bb p. 409).

 

Accident de peu de gravité

En l’espèce, apprécié objectivement, l’accident du 07.07.2011, relativement banal, doit être considéré comme de peu de gravité, de sorte qu’il y aurait lieu de nier d’emblée l’existence d’un lien de causalité entre cet événement et les troubles psychiques présentés par l’assuré.

 

Catégorie des accidents de gravité moyenne (à la limite inférieure)

Dans l’hypothèse où l’on ferait entrer l’événement assuré dans la catégorie des accidents de gravité moyenne (à la limite inférieure), il faudrait, pour qu’on puisse admettre le caractère adéquat de l’atteinte psychique, un cumul de quatre critères au moins parmi les sept consacrés par la jurisprudence ou que l’un des critères se manifeste avec une intensité particulière (voir arrêt 8C_622/2010 du 3 décembre 2010 consid. 4.1 et les références).

En l’occurrence, l’assuré a subi des fractures de côtes après avoir glissé sur une pente herbeuse. On ne saurait, d’un point de vue objectif, conférer un caractère particulièrement dramatique ou impressionnant à cet accident. Les critères de la gravité des lésions physiques, d’une erreur dans le traitement médical et celui des difficultés apparues au cours de la guérison et des complications importantes ne sont d’emblée pas réalisés. Le critère du degré et de la durée de l’incapacité de travail due aux lésions physiques n’est pas non plus donné puisqu’à l’issue de son premier séjour à la clinique de réhabilitation, en septembre 2012, les médecins attestaient déjà une capacité de travail entière dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles. En fin de compte, seuls deux critères (à savoir la durée anormalement longue du traitement médical et les douleurs physiques persistantes) pourraient entrer en considération. Cependant, dans la mesure où aucun d’entre eux ne revêt une intensité particulière, la condition du cumul de quatre critères au moins fait défaut et l’existence d’un lien de causalité adéquate doit être niée.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_775/2017 consultable ici

 

 

8C_459/2017 (f) du 16.04.2018 –Troubles psychiques post-bagarre – Lien de causalité adéquate – 6 LAA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_459/2017 (f) du 16.04.2018

 

Consultable ici : https://bit.ly/2L8Klv0

 

Troubles psychiques post-bagarre – Lien de causalité adéquate – 6 LAA

 

Assuré, machiniste grutier, annonce le 17.04.2015 via son employeur l’accident survenu le 14.04.2015 vers 23h45. Interrogé par un inspecteur de l’assurance-accidents sur les événements survenus le 14.04.2015, l’assuré a fourni les précisions suivantes. Il venait de s’attabler avec une fille du bar quand un individu qu’il ne connaissait pas l’a apostrophé en disant « Pourquoi tu me regardes connard ? ». Il n’a pas répondu et l’inconnu s’est dirigé vers lui. Il s’est levé et ensuite l’homme l’a saisi par le maillot et lui a donné un coup de coude au visage du côté gauche. Ceci fait, ce dernier l’a encore insulté en disant à plusieurs reprises qu’il allait le tuer. Comme il ne comprenait pas les motifs de cette agression, l’assuré a proposé à l’homme de sortir du bar pour que celui-ci lui explique calmement pourquoi il l’avait frappé. Après qu’ils furent sortis du bar, l’individu lui a directement asséné trois coups de boule, ce qui l’a fait tomber. L’agresseur a continué à le rouer de coups avec ses poings et ses pieds, puis a cherché une pierre pour la lui lancer dessus. L’assuré a alors réussi à se relever et à s’enfuir. Comme l’agresseur était retourné dans le bar, il a appelé la police et pris des photos des voitures qui étaient parquées dans les alentours avec son natel. Prévenu par un comparse, l’agresseur est ressorti de l’établissement, l’a frappé à nouveau tout en essayant de lui prendre son natel. Puis les deux hommes sont montés dans une voiture et ont foncé sur lui avant de s’éloigner. Lui-même s’est caché derrière un véhicule puis a récupéré sa veste dans le bar, qui avait déjà fermé ses portes, grâce à l’une des employées. Peu après, la police est arrivée.

Selon le rapport de constat de coups, l’assuré présentait des fractures des côtes 5-6-7 à droite et 6 à gauche, une fracture non déplacée des os propres du nez, une plaie au nez, des contusions lombaires et cervicales, de multiples ecchymoses et contusions des membres, une entorse stade 1 de la cheville droite ainsi qu’une douleur aux dents 21-22-23. La suite du traitement a été assumée par le médecin traitant de l’intéressé. Dans un rapport médical intermédiaire, le médecin traitant a mentionné une amélioration des douleurs mais la persistance d’un choc psychique avec un état anxieux.

Après examen du 18.01.2016, le médecin d’arrondissement de l’assureur-accidents a retenu que l’état de santé de l’assuré n’était pas encore stabilisé compte tenu du développement d’un état de stress post-traumatique ; sur le plan physique, à l’instar de ce qu’avait attesté le médecin traitant, une capacité de travail de 50% pouvait être reconnue dès le 04.01.2016 et il devait être possible d’obtenir une reprise du travail complète à la mi-février 2016.

Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a mis un terme à ses prestations. Elle a considéré qu’au-delà du 31.05.2016, l’incapacité de travail attestée (100%) trouvait son origine dans les seuls troubles psychiques de l’assuré et n’engageait plus sa responsabilité, faute d’un lien de causalité adéquate avec l’accident.

 

Procédure cantonale

L’instance cantonale a qualifié l’événement d’accident de gravité moyenne stricto sensu. Un nombre de critères suffisant pour que l’accident apparaisse comme la cause adéquate de ses troubles psychiques n’étant pas rempli, le tribunal cantonal a rejeté le recours, par jugement du 19.05.2017.

 

TF

Causalité adéquate selon ATF 115 V 133

L’assurance-accidents et l’instance cantonale ont admis à juste titre que le critère du caractère particulièrement impressionnant de l’événement du 14.04.2015 est rempli. Cela étant, aucun autre critère n’est réalisé.

Les atteintes physiques qu’il a subies ne peuvent être qualifiées de graves au regard de la casuistique tirée de la jurisprudence (pour des exemples voir RUMO-JUNGO/HOLZER, Bundesgesetz über die Unfallversicherung, 4e éd. 2012, ad art. 6 LAA, p. 71).

Hormis la lésion au nez qui a nécessité une opération une année après l’agression en raison d’une obstruction nasale gauche avec une ronchopathie persistante, toutes les autres suites physiques de l’accident se sont assez rapidement résorbées dans les mois qui ont suivi sans laisser de séquelles. L’assuré a dû suivre des séances de physiothérapie à raison de deux fois par semaine pendant un certain temps, ce qui ne saurait être considéré comme un traitement lourd et pénible sur une longue durée (voir, pour un cas où ce critère a été admis, l’arrêt 8C_818/2015 du 15 novembre 2016 consid. 6.2).

Quant au critère des douleurs persistantes, on précisera qu’il faut que des douleurs importantes aient existé sans interruption notable durant tout le temps écoulé entre l’accident et la clôture du cas (art. 19 al. 1 LAA). L’intensité des douleurs est examinée au regard de leur crédibilité, ainsi que de l’empêchement qu’elles entraînent dans la vie quotidienne (ATF 134 V 109 consid. 10.2.4 p. 128). Or, deux mois après les événements, le médecin-traitant signalait déjà une « nette amélioration » des douleurs, de sorte que ce critère ne peut pas non plus être retenu (voir son rapport médical intermédiaire du 12.06.2015).

Enfin, en ce qui concerne l’incapacité de travail découlant des seules lésions physiques, elle n’a pas été particulièrement longue.

Il s’ensuit que les troubles psychiques développés par le recourant ne se trouvent pas en relation de causalité adéquate avec l’accident assuré et n’engagent pas la responsabilité de l’assurance-accidents.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_459/2017 consultable ici : https://bit.ly/2L8Klv0

 

 

8C_601/2017 (f) du 27.03.2018 – Lien de causalité naturelle entre lésions physiques (épaule) et l’accident /Lien de causalité adéquate entre troubles psychiques et l’accident – Dispute entre ex-époux – 6 LAA / Examen des critères du caractère particulièrement dramatique ou impressionnant, des douleurs persistantes et de l’incapacité de travail

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_601/2017 (f) du 27.03.2018

 

Consultable ici : https://bit.ly/2HHPiw0

 

Lien de causalité naturelle entre lésions physiques (épaule) et l’accident / 6 LAA

Lien de causalité adéquate entre troubles psychiques et l’accident – Dispute entre ex-époux / 6 LAA

Examen des critères du caractère particulièrement dramatique ou impressionnant, des douleurs persistantes et de l’incapacité de travail

 

Assurée, travaillant à mi-temps comme conseillère et représentante, a été victime d’un accident le 13.03.2014 : son ex-époux s’est rendu au domicile de l’assurée, pour prendre en charge leur fille. Alors qu’il était au volant de sa voiture à l’arrêt et que l’assurée se trouvait debout dans l’encadrement de la portière avant côté passager qui était ouverte, une dispute a éclaté entre les ex-époux. Fâché, l’ex-mari a démarré son véhicule et entrepris une marche arrière. A la suite de cette manœuvre, l’assurée, qui n’a pas eu le temps de s’écarter, a été percutée par la portière de la voiture, et a chuté en arrière sur le sol. L’ex-mari a quitté les lieux sans lui porter secours.

Diagnostics posés le jour même par le médecin traitant : commotion cérébrale légère, contusion de la sphère maxillo-faciale et du poignet gauche, entorse de l’articulation acromio-claviculaire gauche. Incapacité de travail de 100% dès l’accident. Evolution des maux de tête et du poignet rapidement favorable. En revanche, l’assurée s’est plainte de problèmes de concentration et de douleurs persistantes à l’épaule gauche. Elle a également entamé un suivi psychologique pour un état anxio-dépressif réactionnel.

IRM de l’épaule le 26.05.2014 : signes évocateurs d’une luxation acromio-claviculaire Tossy II-III, mais pas de lésion de la coiffe. Après examen de l’assurée le 23.01.2015, le médecin-conseil a maintenu l’incapacité de travail. Arthro-IRM de l’épaule le 08.04.2015 : séquelle d’hémarthrose avec persistance d’un épanchement et de discrets remaniements dégénératifs, pas de déchirure des tendons de la coiffe, ni de déchirure des ligaments coraco-claviculaires. Lors de l’examen du 30.11.2015, le médecin-conseil a conclu que le syndrome douloureux à l’épaule gauche ne pouvait pas être mis en relation avec une lésion structurelle imputable à l’accident assuré; par ailleurs, aucun élément médical ne montrait que la capacité de travail dans l’ancienne activité serait limitée.

Par décision du 01.12.2015, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a mis fin aux prestations d’assurance avec effet au 03.12.2015 en l’absence d’un lien de causalité entre les troubles à l’épaule gauche et l’accident assuré. L’assurance-accident a également nié sa responsabilité pour les troubles psychiques.

 

Dans l’intervalle, l’ex-époux a été reconnu coupable, par ordonnance pénale, de lésions corporelles simples, de lésions corporelles graves par négligence, d’injure et d’insoumission à une décision de l’autorité. Il a été condamné à un travail d’intérêt général de 360 heures avec sursis pendant 5 ans, ainsi qu’à une amende de 1’300 fr.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 06.07.2017, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Causalité naturelle entre les troubles à l’épaule et l’accident

Dans le contexte de la suppression du droit à des prestations, la règle selon laquelle le fardeau de la preuve appartient à la partie qui invoque la suppression du droit (RAMA 2000 n° U 363 p. 46 consid. 2 et la référence), entre seulement en considération s’il n’est pas possible, dans le cadre du principe inquisitoire, d’établir sur la base d’une appréciation des preuves un état de fait qui au degré de vraisemblance prépondérante corresponde à la réalité (ATF 117 V 261 consid. 3b p. 264 et les références). La preuve de la disparition du lien de causalité naturelle ne doit pas être apportée par la preuve de facteurs étrangers à l’accident. Il est encore moins question d’exiger de l’assureur-accidents la preuve négative, qu’aucune atteinte à la santé ne subsiste plus ou que la personne assurée est dorénavant en parfaite santé. Est seul décisif le point de savoir si les causes accidentelles d’une atteinte à la santé ne jouent plus de rôle et doivent ainsi être considérées comme ayant disparu (voir les arrêts 8C_464/2014 du 17 juillet 2015 consid. 3.3 et 8C_86/2009 du 17 juin 2009 consid. 4).

Il ressort des examens d’imagerie que l’assurée n’a pas subi de lésion structurelle à l’épaule gauche à la suite de l’accident assuré. La suspicion d’une lésion du tendon du sous-scapulaire susceptible d’expliquer les plaintes douloureuses a pu être écartée par l’arthro-IRM. Le médecin-conseil a en outre constaté une amplitude de rotation et une abduction gléno-humérale conservées malgré les plaintes de l’assurée, ainsi qu’une absence d’atrophie musculaire et de signes objectifs indicateurs d’une lésion, ajoutant qu’il était significatif qu’une infiltration pratiquée par le médecin traitant n’a eu aucun effet sur les douleurs. Dans ces conditions, on ne voit pas de raison de douter de la fiabilité des conclusions du médecin-conseil qui reposent sur un examen clinique effectué sur la base d’épreuves diagnostiques reconnues ainsi que sur l’ensemble de la documentation radiologique et d’imagerie. A lui seul, le fait que des symptômes douloureux ne se sont manifestés qu’après la survenance d’un accident ne suffit pas à établir un rapport de causalité naturelle avec l’accident (raisonnement « post hoc, ergo propter hoc »; cf. ATF 119 V 335 consid. 2b/bb p. 341 s.; RAMA 1999 n° U 341 p. 408 s., consid. 3b). La juridiction cantonale pouvait donc s’en tenir à l’avis du médecin-conseil et, sur cette base, nier l’existence d’un lien de causalité naturelle entre l’accident du 13.03.2014 et les troubles à l’épaule gauche persistant au-delà du 03.12.2015.

 

Causalité adéquate entre les troubles psychiques et l’accident

Classification de l’accident

La cour cantonale a qualifié l’événement comme un accident moyen à la limite des cas de peu de gravité.

Pour procéder à la classification de l’accident dans l’une des trois catégories prévues par la jurisprudence, il faut uniquement se fonder, d’un point de vue objectif, sur l’événement accidentel lui-même. Sont déterminantes les forces générées par l’accident et non pas les conséquences qui en résultent. Aussi faut-il faire abstraction des circonstances dénuées d’impact sur les forces biomécaniques qui sont de nature à exercer exclusivement une influence sur le ressenti de la victime (cf. arrêt 8C_560/2015 du 29 avril 2016 consid. 4.3.2), comme le fait en l’occurrence que l’ex-mari de l’assurée a volontairement enclenché la marche arrière de son véhicule sans considération pour son ex-épouse.

En l’espèce, l’assurée, heurtée par la portière ouverte, est tombée en arrière de sa hauteur sur le sol, ce qui lui a causé les lésions concernées. La voiture conduite par son ex-mari ne lui a pas « roulé dessus » comme elle l’affirme dans son recours. Il en serait résulté des blessures par écrasement, ce qui n’a pas été le cas. Dans cette mesure, on peut se rallier à la qualification retenue par la juridiction cantonale.

 

Caractère particulièrement dramatique ou impressionnant

L’accident n’a pas présenté d’un point de vue objectif un caractère particulièrement dramatique ou impressionnant, quand bien même l’ex-mari a fait preuve d’un comportement indigne envers son ex-épouse pour lequel il a d’ailleurs été condamné pénalement.

En effet, ce critère aussi s’examine sur la base d’une appréciation objective des circonstances d’espèce et non pas en fonction du ressenti subjectif de l’assurée.

 

Critère des douleurs persistantes

Quant au critère des douleurs persistantes, on précisera qu’il faut que des douleurs importantes aient existé sans interruption notable durant tout le temps écoulé entre l’accident et la clôture du cas (art. 19 al. 1 LAA). L’intensité des douleurs est examiné au regard de leur crédibilité, ainsi que de l’empêchement qu’elles entraînent dans la vie quotidienne (ATF 134 V 109 consid. 10.2.4 p. 128). Or, à l’issue de son examen, le médecin-conseil n’a observé aucune atrophie musculaire du côté gauche nonobstant le fait que l’assurée se plaignait d’une mobilité fortement diminuée. Il n’est donc pas établi que l’assurée aurait été constamment et de manière significative entravée dans sa vie quotidienne en raison de ses douleurs.

 

Critère du degré et de la durée particulièrement longue de l’incapacité de travail

Le critère du degré et de la durée particulièrement longue de l’incapacité de travail, qui doit se rapporter aux seules lésions physiques, ne peut manifestement pas être retenu au vu de l’appréciation à ce sujet du médecin-conseil.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 8C_601/2017 consultable ici : https://bit.ly/2HHPiw0