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9C_363/2023 (f) du 06.12.2023 – Activité indépendante – Taxation fiscale erronée (perte au lieu de bénéfice) et cotisations AVS – 23 al. 4 RAVS / Cotisations AVS et allocations de maternité – 7 RAPG

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_363/2023 (f) du 06.12.2023

 

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Activité indépendante – Taxation fiscale erronée (perte au lieu de bénéfice) et cotisations AVS / 23 al. 4 RAVS

Cotisations AVS et allocations de maternité / 7 RAPG

Restitution des allocations de maternité versées sur la base de la décision provisoire de cotisations / 25 LPGA

 

En parallèle à une activité dépendante pour le compte de B.__, l’assurée exerce la profession de psychologue et psychothérapeute en qualité d’indépendante. A ce titre, elle est affiliée auprès de la caisse de compensation depuis le 01.11.2018. Le 20.12.2019, la caisse a rendu une décision provisoire de cotisations personnelles pour l’année 2019, fondée sur le revenu annoncé pour cette année-là (41’396 fr.), auquel ont été ajoutées les cotisations personnelles à l’AVS (3’140 fr.), soit un revenu déterminant de 44’500 fr.

A la suite de la naissance de son enfant le 14.12.2019, l’assurée a déposé une demande d’allocations de maternité le 05.03.2020, en relation avec ses activités dépendante et indépendante. Par décision du 27.03.2020, la caisse lui a alloué des allocations de maternité d’un montant total de 8’672 fr. 85 pour la période du 14.12.2019 au 20.03.2020, en lien avec son activité indépendante. La caisse s’est fondée sur le revenu annoncé de 44’500 fr.

La taxation définitive de l’administration cantonale vaudoise des impôts a été communiquée à la caisse le 16.04.2021, indiquant une perte de 17’193 fr. pour l’activité indépendante. Par décision du 26.04.2021, à laquelle l’assurée ne s’est pas opposée, la caisse a fixé définitivement les cotisations personnelles dues pour l’année 2019 en se fondant sur un revenu déterminant de 0 fr.

Par décision du 30.11.2021, notifiée le 22.09.2022 à sa destinataire (une première tentative de notification avait été infructueuse), la caisse a requis de l’assurée la restitution des allocations de maternité indûment versées à concurrence de 8’671 fr. 85, car le revenu réalisé pour cette année-là avait été arrêté à 0 fr. sur la base de la taxation fiscale définitive. L’assurée a demandé à la caisse d’annuler la décision du 30.11.2021 et d’ajuster les allocations de maternité calculées sur la base du revenu provisoire de 44’500 fr. ainsi que la facture de cotisations personnelles à l’AVS pour l’année 2019. Elle a exposé que la taxation fiscale était erronée, car le taxateur avait transformé le bénéfice déclaré de 35’326 fr. pour l’année 2019 en une perte de 17’193 fr. Par décision du 08.11.2022, la caisse a rejeté l’opposition formée contre la décision du 30.11.2021.

 

Procédure cantonale (arrêt AF 5/22 – 2/2023 – consultable ici)

Par jugement du 21.04.2023, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3
Le Tribunal cantonal a constaté que la décision du 26.04.2021, par laquelle la caisse de compensation avait fixé les cotisations personnelles de l’assurée pour l’année 2019 sur la base de la taxation fiscale définitive qui lui avait été communiquée, n’avait pas fait l’objet d’une opposition. En outre, la caisse de compensation n’était jamais entrée en matière sur une demande de reconsidération de cette décision, de sorte que les conclusions de l’assurée visant à la reconsidération de la décision du 26.04.2021 étaient irrecevables.

La juridiction cantonale a ensuite rappelé que les caisses de compensation sont liées, en vertu de l’art. 23 al. 4 RAVS, par les données des autorités fiscales cantonales lorsqu’elles établissent le revenu déterminant nécessaire à la fixation des cotisations; la caisse de compensation était dès lors tenue de retenir la perte de 17’193 fr. communiquée par l’autorité fiscale vaudoise pour l’année 2019. A cet égard, la première instance de recours a constaté que les documents produits par l’assurée (déclaration d’impôts et compte de résultat) ne constituaient pas des éléments tangibles permettant à la caisse de compensation de conclure que la taxation fiscale définitive de l’année 2019 comportait une erreur ni de la corriger, le cas échéant. Le Tribunal cantonal a ajouté qu’en définitive, il appartenait en premier lieu à l’assurée de faire valoir ses droits dans une procédure en matière fiscale, si elle était d’avis que sa taxation pour l’année 2019 était entachée d’une erreur, ce qu’elle n’avait toutefois pas fait.

 

Consid. 4.1
S’il est vrai qu’il appartient à l’assuré de contester en premier lieu la taxation fiscale définitive devant les autorités juridictionnelles compétentes en matière fiscale (cf. ATF 110 V 83 consid. 4, et 369 consid. 2a; arrêt 9C_681/2019 du 19 octobre 2020 consid. 3.2), sur la base de laquelle la décision définitive de cotisations personnelles à l’AVS est ensuite rendue, on doit admettre que l’assurée n’avait dans le cas particulier pas d’intérêt à remettre en cause la taxation fiscale relative à l’année 2019 (cf. arrêt 9C_441/2015 du 19 février 2016 consid. 6.5 et les arrêts cités). En effet, ainsi que l’assurée le fait valoir à juste titre, l’avis de taxation fiscale définitive retenait une perte de 17’193 fr. entraînant la prise en compte d’un revenu d’indépendant de 0 fr. pour l’année 2019, de sorte qu’elle n’a pas été lésée par la taxation fiscale afférente à cette année-là puisque son revenu imposable a été finalement diminué (à son avantage).

Consid. 4.2
En pareilles circonstances, il incombait à l’assurée de contester la décision définitive de cotisations personnelles du 26.04.2021 en indiquant à la caisse de compensation, justificatifs à l’appui, que la taxation fiscale définitive de l’année 2019 procédait d’une erreur (qu’elle impute au taxateur) et de demander que ses cotisations personnelles fussent revues et corrigées, cela sur la base d’un examen autonome des facteurs d’imposition (cf. arrêt 9C_441/2015 précité consid. 6.5). C’est en effet à ce stade-là que l’assurée pouvait encore se plaindre d’une erreur claire et susceptible d’être corrigée par la caisse de compensation. Elle n’a toutefois pas formé opposition à la décision du 26.04.2021, alors que la caisse de compensation l’avait précédemment dûment informée, dans la décision d’octroi des allocations de maternité du 27.03.2020, que le revenu de 44’500 fr. était basé sur une estimation provisoire et que l’allocation de maternité serait adaptée (paiement de la différence ou restitution de prestations indûment versées) en fonction de la taxation fiscale définitive qui serait rendue ultérieurement. Dès lors que la décision du 26.04.2021 fixant définitivement les cotisations personnelles en fonction du revenu était entrée en force, la caisse de compensation était en droit de rectifier en conséquence le montant des allocations de maternité, le 30.11.2021. Dans ce cadre, elle était liée par le revenu ayant servi de base à la décision définitive de cotisations (cf. art. 7 RAPG).

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 9C_363/2023 consultable ici

 

9C_458/2022 (f) du 16.08.2023 – Subvention de l’assurance-invalidité pour la construction – Restitution / 73 aLAI – 104bis aRAI – Dispositions transitoires de la modification de la LAI du 6 octobre 2006 – Loi sur les subventions (LSu)

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_458/2022 (f) du 16.08.2023

 

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Subvention de l’assurance-invalidité pour la construction – Restitution / 73 aLAI – 104bis aRAI – Dispositions transitoires de la modification de la LAI du 6 octobre 2006 – Loi sur les subventions (LSu)

Notion de détournement du but du bâtiment

Possibilité d’une réduction du montant à restituer en raison de l’existence d’un cas de rigueur en matière de subvention accordée par l’assurance-invalidité

 

La Fondation A.__ est une fondation de droit privé au sens des art. 80 ss CC, reconnue d’utilité publique. Son but est la prise en charge de personnes adultes souffrant d’un handicap psychique et présentant des comportements à risque. Elle a été créée en 2010 par la reprise des actifs et passifs de l' »Association B.__ », radiée du registre du commerce du Bas-Valais en avril 2011, précédemment, nommée l’association « C.__ », puis « Association D.__ ».

Par décision du 16.05.1994, l’OFAS a octroyé à l’association « C.__ » une subvention de l’assurance-invalidité fixée provisoirement à 1’133’205 fr. pour la réalisation du centre résidentiel « E.__ » à U.__, soit une structure d’habitation pour la réintégration socio-professionnelle de personnes toxicodépendantes. Le montant définitif de ladite subvention a été arrêté à 1’034’145 fr. (décision du 25.03.1999).

Par courrier du 22.01.2018, l’OFAS a interpellé la Fondation A.__, en lui rappelant que les subventions de l’assurance-invalidité à la construction sont liées pendant vingt-cinq ans à une affectation précise et que toute modification doit lui être signalée. Ledit courrier était accompagné notamment d’un questionnaire relatif à l’affectation des subventions pour la construction selon l’ancien art. 73 LAI. Après que la Fondation A.__ a indiqué, le 23.02.2018, que le bâtiment « E.__ » avait été démoli en 2016 et qu’un nouveau bâtiment avait été construit, un échange de correspondances s’en est suivi entre les parties. Par décision du 08.07.2019, l’OFAS a exigé une restitution proportionnelle de la subvention accordée en 1999, à hauteur d’un montant de 327’479 fr., correspondant à un usage non conforme dès avril 2016. En bref, il a considéré que la démolition du bâtiment constituait un détournement du but de la subvention, ce qui justifiait la restitution d’une partie de celle-ci.

 

Procédure cantonale (arrêt C-4577/2019 – consultable ici)

La Fondation A.__ a formé recours contre cette décision devant le TAF qui, par ordonnance du 14.06.2022, l’a informée qu’il envisageait de prononcer un arrêt qui lui serait plus défavorable que la décision attaquée (reformatio in pejus) et lui a imparti un délai au 05.07.2022 pour prendre position ou retirer son recours. Sans réponse de la Fondation A.__ dans ce délai, le TAF a rejeté le recours, le 25.08.2022. Il a réformé la décision du 08.07.2019 en ce sens que la Fondation A.__ doit rembourser le montant de la créance en restitution s’élevant à 330’926 fr. 40, en lieu et place du montant initial de 327’479 fr.

 

TF

Consid. 3.1
A la suite des premiers juges, on rappellera que selon l’art. 73 al. 1 LAI (abrogé au 1er janvier 2008), l’assurance-invalidité alloue des subventions pour la construction, l’agrandissement et la rénovation d’établissements et d’ateliers publics ou reconnus d’utilité publique, qui appliquent des mesures de réadaptation dans une proportion importante. En relation avec cette disposition, l’art. 104bis RAI (également abrogé au 1er janvier 2008) prévoyait que si, avant l’expiration d’un délai de vingt-cinq ans à compter du paiement final, l’établissement est détourné de son but ou transféré à un organisme responsable dont le caractère d’utilité publique n’est pas reconnu, la subvention doit être remboursée. Le montant à rembourser est diminué de 4% pour chaque année d’utilisation conforme à l’affectation prévue (al. 1). Le remboursement sera exigé par l’office fédéral dans un délai de cinq ans à compter du moment où la subvention a été détournée de son but (al. 2).

Dans le cadre de la réforme de la péréquation financière et de la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons entrée en vigueur le 1er janvier 2008 (RO 2007 5779, 5823), les art. 73 LAI et 104bis RAI ont été abrogés et le contenu de cette dernière disposition a été repris par les dispositions transitoires de la modification de la LAI du 6 octobre 2006 (ci-après: les dispositions transitoires de la LAI), dans leur teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021 et applicable en l’occurrence (ATF 129 V 354 consid. 1; cf. ATF 144 V 224 consid. 3.4, ainsi que Message sur la législation d’exécution concernant la réforme de la péréquation financière et de la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons [RPT] du 7 septembre 2005, FF 2005 5641, 5810 s.). Conformément aux al. 1 à 3 desdites dispositions transitoires, si, avant l’expiration d’un délai de vingt-cinq ans à compter du dernier paiement de subventions au sens de l’ancien art. 73 LAI, des établissements sont détournés de leurs buts ou transférés à un organisme responsable dont le caractère d’utilité publique n’est pas reconnu, les subventions doivent être remboursées au Fonds de compensation défini à l’art. 107 LAVS, en faveur du compte de l’assurance-invalidité (al. 1). Le montant à rembourser est diminué de 4% pour chaque année d’utilisation conforme à l’affectation prévue (al. 2) et le remboursement est exigé par l’OFAS dans un délai de cinq ans à compter du moment où la subvention a été détournée de son but (al. 3).

Consid. 3.2
La loi fédérale du 5 octobre 1990 sur les aides financières et les indemnités (loi sur les subventions, LSu; RS 616.1), entrée en vigueur le 1er avril 1991, s’applique à toutes les aides financières et indemnités prévues par le droit fédéral (art. 2 al. 1 LSu). Le chapitre 3 de la loi est applicable sauf dispositions contraires d’autres loi ou arrêtés fédéraux de portée générale (art. 2 al. 2 LSu).

Selon l’art. 29 al. 1 LSu, avec le titre marginal « Aides, désaffectation et aliénation », lorsqu’un bien immobilier (immeuble, construction, autre ouvrage) ou mobilier pour lequel une aide a été versée est désaffecté ou aliéné, l’autorité compétente exige la restitution de l’aide. Le montant à restituer est fonction de la relation entre d’une part la durée pendant laquelle l’allocataire a effectivement utilisé le bien conformément à l’affectation prévue et, d’autre part, la durée d’affectation qui avait été fixée. Le montant à restituer peut être réduit en cas de rigueurs excessives. L’al. 2 de la disposition prévoit que dans les cas d’aliénation, l’autorité peut renoncer en tout ou partie à la restitution de l’aide lorsque l’acquéreur remplit les conditions qui y donnent droit et qu’il assume toutes les obligations de l’allocataire. Quant à l’art. 29 al. 3 LSu, il prévoit que l’allocataire informe sans tarder et par écrit l’autorité compétente de toute désaffectation ou aliénation.

Consid. 3.3
Les art. 11 à 40 LSu sont applicables à toutes les aides financières (aides) et indemnités prévues par le droit fédéral, à moins que d’autres lois ou arrêtés fédéraux de portée générale n’en disposent autrement, conformément à l’art. 2 al. 2 LSu. Cette norme prévoit une réserve, parce que les dispositions de la LSu, qui a été conçue comme une loi générale pour l’ensemble des aides financières et indemnités sur le plan fédéral, peuvent, selon les domaines de droit, conduire à des situations qui n’ont pas été voulues. Par son adoption, le législateur a aussi mis en évidence que la LSu est considérée comme une lex generalis et que des dispositions contraires d’autres lois fédérales, en tant que lex specialis, priment. Ainsi, en application des principes de la lex posterior et de la lex specialis les dispositions transitoires de la LAI priment la LSu, en cas de divergences (ATF 144 V 224 consid. 6; cf. aussi Message concernant la modification de la loi fédérale sur l’assurance-invalidité [Développement continu de l’AI] du 15 février 2017, FF 2017 2363, 2450), ce que les parties ne contestent au demeurant pas.

Consid. 4.1
A l’appui de son recours, la Fondation A.__ se prévaut d’une violation des dispositions transitoires de la LAI. Elle reproche en substance à la juridiction précédente d’avoir considéré que les termes « détourné de son but » utilisés à l’al. 1 desdites dispositions transitoires signifient la même chose que le terme « désaffectation » employé à l’art. 29 al. 1 LSu. Selon elle, les termes « détourné de son but » ont une portée plus limitée que celui de « désaffectation », puisqu’ils impliqueraient « un acte volontaire, une action » et ne viseraient ainsi qu’un changement d’affectation et non également une cessation pure et simple de toute affectation. Dans la mesure où il s’agirait d’un cas de fin d’utilisation en raison d’une impossibilité de toute utilisation du bâtiment, et non pas d’un changement d’affectation, la recourante soutient qu’elle ne peut être tenue à restitution.

Consid. 4.2
Interprétant l’al. 1 des dispositions transitoires de la LAI, le Tribunal administratif fédéral a constaté que la loi ne fournissait pas de définition de la condition du « détournement du but de l’établissement ». Il s’est référé sur ce point au ch. 7001 de la circulaire de l’OFAS sur le versement de subventions pour la construction et les agencements, valable dès le 1er avril 2005, qui prévoit que si, moins de vingt-cinq ans à compter du versement final des subventions, les bâtiments changent d’affectation ou sont transférés à un support juridique qui n’est pas d’intérêt public, les subventions doivent être entièrement remboursées. Il en a déduit que les termes « détournement du but de l’établissement » (au sens de l’al. 1 des dispositions transitoires de la LAI) et « changement d’affectation » du bâtiment (au sens de la circulaire précitée) désignent la même chose, à savoir un changement d’utilisation de celui-ci. La juridiction de première instance a ensuite constaté que le terme « désaffectation » se retrouve à l’art. 29 LSu (consid. 3.2 supra) et que, selon la jurisprudence (cf. décision de la Commission de recours du Département fédéral de l’économie [DFE] du 13 novembre 1995, in JAAC 60/1996 n° 66 p. 539, consid. 4.3), cette notion doit être comprise au sens large, dans la mesure où elle englobe toutes les raisons qui font que l’objet ne sert plus à l’usage auquel il était destiné et qui a motivé l’octroi de l’aide financière; le seul élément déterminant est ainsi que l’objectif initial ne soit plus atteint et les raisons qui ont conduit au changement d’affectation ne sont en principe pas décisives pour déterminer si l’objet a subi un tel changement. Les premiers juges ont considéré que même si l’art. 29 LSu ne trouve pas application en l’espèce, cela ne les empêche pas de se fier à l’interprétation faite par la jurisprudence de termes et circonstances similaires.

Consid. 4.3
Les considérations du Tribunal administratif fédéral ne prêtent pas le flanc à la critique. Quoi qu’en dise la recourante, il a expliqué de manière convaincante que selon les versions allemande et italienne de l’art. 29 al. 1 LSu (« [seinem] Zweck entfremdet », « è stato sottratto al suo scopo ») et de l’al. 1 des dispositions transitoires de la LAI (« zweckentfremdet », « sono distolte dallo scopo cui erano destinate »), les deux dispositions visent le même cas de figure et que les termes « détournement du but de l’établissement » (au sens de l’al. 1 des dispositions transitoires de la LAI) et « changement d’affectation » (selon la circulaire de l’OFAS précitée) visent également le même état de fait.

On ajoutera qu’il ressort du titre marginal de l’art. 29 LSu, dans ses versions allemande et française (« Zweckentfremdung und Veräusserung bei Finanzhilfen » et « Aides, désaffectation et aliénation ») que le terme « désaffectation » correspond à la traduction en français du terme « Zweckentfremdung » (« détournement du but »), qui se retrouve à l’al. 1 des dispositions transitoires de la LAI, comme le fait valoir l’OFAS [intimé]. Partant, il n’y a pas lieu de s’écarter des considérations des premiers juges, selon lesquelles la démolition du bâtiment « E.__ » constitue un détournement du but du bâtiment qui entraîne une obligation de restitution à la charge de la recourante au sens de l’al. 1 des dispositions transitoires de la LAI.

 

Consid. 5.1
Dans une argumentation subsidiaire, la recourante allègue que si l’on devait « appliquer par analogie la jurisprudence sur l’art. 29 al. 1 LSu » – c’est-à-dire en définitive admettre son obligation de restituer -, il conviendrait alors d’examiner la question de l’existence d’un cas de rigueur conduisant à la réduction du montant à restituer (au sens de l’art. 29 al. 1, 3e phrase, LSu; consid. 3.2 supra). En conséquence, la Fondation A.__ reproche au Tribunal administratif fédéral de ne pas s’être posé cette question. Elle invoque un établissement manifestement inexact des faits, en ce qu’il a retenu que la subvention avait été allouée en 1999 pour la construction du centre résidentiel « E.__ », alors qu’elle devait en réalité seulement permettre la rénovation d’un ancien bâtiment existant afin d’en prolonger l’utilisation pour quelques années. Elle se prévaut également de « moyens de preuve nouveaux » devant être pris en considération pour établir l’existence d’un cas de rigueur.

Consid. 5.2
Contrairement à ce que soutient l’OFAS, l’argumentation subsidiaire de la recourante et la conclusion qu’elle en tire – à savoir, le renvoi de la cause au Tribunal administratif fédéral, subsidiairement à l’OFAS, pour complément d’instruction et nouvelle décision quant à l’existence d’un cas de rigueurs excessives au sens de l’art. 29 al. 1, 3e phrase, LSu) – ne sont pas irrecevables (art. 99 al. 2 LTF). La requête fondée sur l’art. 29 al. 1, 3e phrase, LSu tendant à la réduction du montant à restituer (pour cause de cas de rigueurs excessives), présentée pour la première fois par la recourante dans le cadre du recours en matière de droit public, est admissible, même si la question de la réduction pour ce motif n’a fait l’objet ni de la décision administrative ni du jugement de l’autorité judiciaire précédente. Comme le fait valoir à juste titre la Fondation A.__, l’existence d’un cas de rigueurs excessives susceptible de justifier la réduction du montant de la subvention à restituer constitue un aspect du rapport juridique qui fait l’objet de la procédure, soit l’obligation de la recourante de restituer à l’assurance-invalidité une partie de la subvention qu’elle lui avait octroyée. La question de la réduction pour le motif invoqué constitue un nouvel argument juridique dans les limites de l’objet du litige (supra consid. 2), qui est dans tous les cas admissible lorsque la requête en réduction se fonde sur des faits résultant du dossier (cf. ATF 136 V 362 consid. 4.1 et les arrêts cités).

Consid. 5.3
En ce qui concerne la possibilité d’une réduction du montant à restituer en raison de l’existence d’un cas de rigueur en matière de subvention accordée par l’assurance-invalidité au sens de l’ancien art. 73 LAI, le Tribunal fédéral a appliqué l’art. 29 al. 1, 3e phrase, LSu dans une situation relevant de l’ancien art. 104bis al. 1 RAI (arrêt I 977/06 du 2 avril 2008), comme le fait valoir la recourante. Or pas plus que cette ancienne disposition réglementaire, les dispositions transitoires de la LAI ne règlent la question d’une éventuelle réduction du montant à restituer en cas de rigueurs excessives. Ces normes ne prévoient donc pas une éventualité qui s’écarterait des dispositions de la LSu, de sorte que les art. 11 à 40 LSu sont applicables en l’occurrence, la subvention dont la restitution en cause faisant partie des aides financières et indemnités prévues par le droit fédéral (cf. art. 2 al. 2 LSu; supra consid. 3). Dans ce contexte, l’art. 29 al. 1, 3e phrase, LSu est donc applicable. Quoi qu’en dise l’OFAS [intimé], il n’y a pas lieu de s’écarter de cette solution, déjà admise sous l’ancien droit. C’est en vain que l’autorité de surveillance invoque à cet égard le principe de la lex specialis et de la lex posterior, puisqu’il ne met pas en évidence que les dispositions transitoires de la LAI seraient contraires à l’art. 29 al. 1 LSu; le seul fait qu’elles ne prévoient pas l’éventualité de la réduction pour cas de rigueur ne relève pas d’une contradiction avec la possibilité prévue sur ce point par l’art. 29 al. 1, 3e phrase, LSu. L’OFAS [intimé] n’allègue pas non plus de motif qui justifierait que le Tribunal fédéral s’écarte de la solution découlant de l’arrêt I 977/06 cité.

Consid. 5.4
Il n’appartient cependant pas au Tribunal fédéral de se prononcer pour la première fois sur l’application concrète de la disposition en cause à la situation de la recourante. Il convient bien plutôt de renvoyer la cause à l’OFAS afin qu’il examine la question de l’existence d’un cas de rigueur au sens de l’art. 29 al. 1, 3e phrase, LSu, puis rende une nouvelle décision. A cet égard, on précisera que la correction du montant à restituer opérée par les premiers juges (330’926 fr. 40 en lieu et place du montant de 327’479 fr. fixé par l’intimé), qui n’est pas contestée par la recourante, ne prête pas le flanc à la critique (soit 17 [années d’utilisation conforme] x 4% [correspondant à la diminution du montant à rembourser par année d’utilisation conforme selon l’al. 2 des dispositions transitoires de la LAI] = 68%; 1’034’145 fr. x 32% = 330’926 fr. 40). Dans ces circonstances, il est superflu d’examiner les autres griefs soulevés par la recourante, en particulier son argumentation portant sur la production de moyens de preuve nouveaux (art. 99 al. 1 LTF) pour établir l’existence d’un cas de rigueur. La conclusion subsidiaire de la recourante est bien fondée.

 

Le TF admet partiellement le recours de la Fondation.

 

Arrêt 9C_458/2022 consultable ici

 

9C_454/2022 (f) du 15.06.2023 – Modification d’une décision d’octroi de prestations complémentaires / Reconsidération – Examen des rapports juridiques sous tous leurs aspects – 53 al. 2 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_454/2022 (f) du 15.06.2023

 

Consultable ici

 

Obligation de restituer des prestations indûment touchées – Modification d’une décision d’octroi de prestations complémentaires / 25 LPGA

Reconsidération – Examen des rapports juridiques sous tous leurs aspects / 53 al. 2 LPGA

 

Assuré, marié et père de deux enfants (nés en 1999 et 2001), est au bénéfice d’une rente entière de l’assurance-invalidité, assortie de rentes pour enfants, depuis le 01.11.2011. Par décision du 04.07.2014, la caisse de compensation lui a alloué des prestations complémentaires à compter du 01.11.2011. Ce droit a été confirmé à plusieurs reprises par la suite.

Dans le cadre d’une révision périodique du dossier de l’assuré initiée en novembre 2019, la caisse de compensation a constaté que les allocations familiales versées à l’assuré pour ses enfants avaient augmenté et que des allocations familiales complémentaires devaient être prises en compte à partir du mois de mars 2017. Par décision du 06.11.2020, elle a exigé de l’assuré la restitution d’un montant de 6’210 fr., correspondant aux prestations complémentaires indûment perçues du 01.03.2017 au 30.11.2020. Après que l’assuré s’est opposé à cette décision en indiquant qu’il ne contestait pas la correction du montant des allocations familiales et complémentaires, mais la prise en compte d’un revenu hypothétique pour son épouse dans le calcul de son droit à des prestations complémentaires (opposition du 04.12.2020), la caisse de compensation a confirmé sa décision (décision sur opposition du 28.07.2021). En bref, elle a considéré que sa décision du 06.11.2020 portait uniquement sur le montant des allocations familiales et complémentaires, si bien qu’il n’était pas possible de réexaminer, dans ce cadre, la prise en compte d’un revenu hypothétique pour l’épouse, qui n’avait jamais été contesté; elle a également précisé que les éléments invoqués par l’assuré ne permettaient pas d’écarter le revenu hypothétique du calcul.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 29.08.2022, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 2
Considérant que l’assuré ne contestait pas le bien-fondé de la restitution découlant de l’augmentation des allocations familiales et complémentaires, ni le calcul opéré par la caisse de compensation à cet égard, la juridiction cantonale a circonscrit l’objet du litige au point de savoir si, dans le cadre du réexamen de son droit aux prestations complémentaires justifié par ladite augmentation, l’assuré pouvait valablement contester le poste relatif au revenu hypothétique de son épouse, lequel n’avait pas été modifié dans ce cadre et était entré en force. Elle a d’abord nié que l’art. 25 al. 2 let. b de l’Ordonnance sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 15 janvier 1971 (OPC-AVS/AI), en relation avec l’art. 17 LPGA, fût applicable en l’espèce, dès lors que l’assuré n’avait pas fait état d’une modification de ses circonstances personnelles ou économiques nécessitant d’adapter le montant de la prestation au sens de la disposition précitée de l’OPC-AVS/AI. Les juges cantonaux ont considéré à cet égard que l’assuré avait signalé une erreur commise par l’administration dès l’octroi des prestations complémentaires, si bien qu’il sollicitait la reconsidération, respectivement la révision du poste relatif au revenu hypothétique de son épouse.

L’instance précédente a ensuite examiné si la voie de la reconsidération pour ledit poste était ouverte, ce qu’elle a nié. En se fondant sur l’état de fait existant à l’époque tel qu’il ressortait du dossier, elle a considéré que la caisse de compensation n’avait pas procédé à une application erronée du droit, dès lors qu’elle ne disposait, à ce moment-là, d’aucun élément attestant du fait que l’épouse de l’intéressé avait diminué son taux d’activité pour s’occuper de lui. Par ailleurs, l’assuré n’avait à aucun moment fait part à la caisse de compensation du besoin d’aide qu’il nécessitait de la part de son épouse ni transmis les rapports d’enquête établis par l’office AI. La juridiction cantonale a également nié que l’assuré pût se prévaloir d’un motif de révision procédurale fondé sur la production de l’arrêt du Tribunal fédéral 9C_165/2020 du 15 juin 2020 (concernant le droit à l’allocation pour impotent du recourant), dès lors déjà qu’il n’avait pas agi dans le délai relatif de 90 jours à partir du moment où il avait pris connaissance de cet arrêt (art. 67 al. 1 PA par renvoi de l’art. 55 al. 1 LPGA). Elle a au demeurant considéré que les faits ressortant de cet arrêt n’étaient pas nouveaux.

 

Consid. 3.1
A la suite des juges cantonaux, on rappellera que l’obligation de restituer des prestations indûment touchées (art. 25 LPGA) suppose que soient remplies les conditions d’une reconsidération (art. 53 al. 2 LPGA) ou d’une révision procédurale (art. 53 al. 1 LPGA) de la décision – formelle ou non – par laquelle les prestations en cause ont été allouées (ATF 130 V 318 consid. 5.2). Selon l’art. 53 al. 2 LPGA, l’assureur peut revenir sur les décisions ou les décisions sur opposition formellement passées en force lorsqu’elles sont manifestement erronées et que leur rectification revêt une importance notable.

Consid. 3.2
Comme le fait valoir à juste titre l’assuré, lorsque les conditions de la reconsidération – ou de la révision procédurale (éventualité écartée par la juridiction cantonale dont le raisonnement n’est pas remis en cause par les parties) – sont réalisées, le rapport juridique doit être examiné pour le futur sous tous ses aspects, comme il en va en cas de révision au sens de l’art. 17 LPGA, c’est-à-dire en tenant compte de l’ensemble des faits déterminants pour le droit aux prestations et son éventuelle étendue, sur la base d’un état de fait établi de manière correcte et complète au moment de la décision ou de la décision sur opposition (arrêt 9C_321/2013 du 19 septembre 2013 consid. 2.1.2 et les arrêts cités). L’examen du droit à la prestation et, le cas échéant, de son étendue (ex nunc et) pro futuro est la règle en matière d’assurance-invalidité (arrêts 9C_215/2007 du 2 juillet 2007 consid. 6.1 et 9C_960/2008 du 6 mars 2009 consid. 1.2).

En revanche, la modification d’une décision d’octroi de prestations complémentaires peut avoir un effet ex tunc ou un effet ex nunc et pro futuro (cf. sur la seconde éventualité, art. 25 OPC-AVS/AI). La modification a un effet ex tunc – et partant justifie, le cas échéant, la répétition des prestations déjà perçues – lorsque sont réalisées les conditions qui président à la révocation, par son auteur, d’une décision administrative, dont celles de la reconsidération (arrêt P 26/02 du 20 janvier 2003 consid. 2). Dans ce cas, l’obligation de restituer des prestations complémentaires indûment perçues doit simplement permettre de rétablir l’ordre légal, après la découverte du motif justifiant la reconsidération (ou la révision procédurale) de la décision initiale d’octroi de prestations (ATF 122 V 134 consid. 2 d-e; arrêt 9C_398/2021 du 22 février 2022 consid. 5.3). Compte tenu de cet objectif, si l’administration admet que les conditions de la reconsidération de la décision d’octroi des prestations complémentaires sont réalisées et requiert la restitution de celles-ci – la modification correspondante déployant alors un effet ex tunc -, elle est tenue d’examiner le rapport juridique sous tous ses aspects lorsque l’ayant droit fait valoir qu’un autre élément de fait ou de droit que celui justifiant, de l’avis de l’organe d’exécution, la reconsidération conduirait à un résultat différent.

Consid. 3.3
En l’occurrence, la juridiction cantonale a examiné la question de la prise en compte du revenu hypothétique de l’épouse de l’assuré dès mars 2017, soulevée au stade de l’opposition, sous l’angle uniquement de la reconsidération et du caractère « manifestement erroné » de cet élément. Quant à la caisse de compensation, elle a procédé à l’examen du droit du recourant à des prestations complémentaires en tenant compte du poste relatif au revenu hypothétique de son épouse, sous l’angle de la révision, et elle a effectué un examen pro futuro, à compter du mois de décembre 2020, soit au moment où l’intéressé avait indiqué que « [son] épouse […] ne p[ouvait] plus travailler en raison du besoin d’aide dû au handicap de son mari » (opposition du 4 décembre 2020). Dans la décision sur opposition du 28.07.2021, la caisse de compensation a en effet indiqué qu’elle serait en mesure d’adapter le calcul des prestations complémentaires de l’assuré, en application de l’art. 25 al. 1 let. c et al. 2 let. b OPC-AVS/AI, en relation avec l’art. 17 LPGA, à supposer que l’état de santé de l’intéressé se fût aggravé depuis la décision du 04.07.2014, ce qu’elle a toutefois nié.

Dans ces circonstances, et comme les éléments de fait déterminants sous l’angle de l’examen du droit aux prestations complémentaires défini en l’espèce font défaut dans l’arrêt attaqué, il convient de renvoyer la cause à la caisse de compensation afin qu’elle procède à un nouvel examen du droit de l’assuré à des prestations complémentaires qui portera également sur la question du revenu hypothétique de son épouse, pour la période sur laquelle porte la restitution (de mars 2017 à novembre 2020).

 

Le TF admet le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_454/2022 consultable ici

 

8C_699/2022 (f) du 15.06.2023 – Remboursement d’indemnités en cas de réduction de l’horaire de travail (RHT) en lien avec la pandémie de Covid-19 – 31 LACI – 25 al. 1 LPGA / Perte de travail suffisamment contrôlable – 46b OACI

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_699/2022 (f) du 15.06.2023

 

Consultable ici

 

Restitution d’indemnités en cas de réduction de l’horaire de travail (RHT) en lien avec la pandémie de Covid-19 / 31 LACI – 25 al. 1 LPGA

Perte de travail suffisamment contrôlable / 46b OACI

Principe de la proportionnalité / 5 al. 2 Cst.

 

Les 15.12.2020 et 16.12.2020, le Secrétariat d’État à l’économie (SECO) a effectué auprès de A.__ SA un contrôle portant sur les indemnités en cas de réduction de l’horaire de travail (RHT) – en lien avec la pandémie de Covid-19 – perçues par cette entreprise en faveur de ses employés entre mars 2020 et septembre 2020.

Par décision, confirmée sur opposition, le SECO a demandé à A.__ SA de rembourser à la Caisse cantonale de chômage du canton de Vaud (ci-après: la caisse de chômage) un montant de 388’202 fr. 25, correspondant à des indemnités en cas de RHT versées à tort pour la période de mars 2020 à août 2020.

 

Procédure cantonale (arrêt B-4559/2021 – consultable ici)

Les juges du Tribunal administratif fédéral ont retenu que le plan de la société A.__ SA relatif à la réduction du temps de travail (ci-après: le plan) prévoyait, de manière globale pour chaque semaine, le pourcentage du temps de travail habituel (20% dès le 18.03.2020 puis 10% dès le 01.04.2020) que chacun des collaborateurs était appelé à respecter. La société A.__ SA n’avait toutefois instauré aucun contrôle des heures effectivement effectuées par les employés. Une telle manière de faire ne respectait pas la jurisprudence relative à l’art. 46b al. 1 OACI, qui exigeait en particulier que les heures travaillées soient relevées au moins quotidiennement par l’employé lui-même ou par son supérieur. Un rapport établi pour la société A.__ SA par une fiduciaire indiquait d’ailleurs qu’il était « certain que [la société A.__ SA] ne dispos[ait] pas d’un pointage d’heures et que par conséquent, il [était] difficile de définir avec exactitude le nombre d’heures faites par les employés chaque jour ». En outre, il ressortait du rapport du SECO consécutif au contrôle des 15.12.2020 et 16.12.2020 qu’il n’y avait pas de contrôle du temps de travail fiable et précis au sein de l’entreprise. La brochure « Info-Service » du SECO, qui satisfaisait à l’obligation de renseigner prévue à l’art. 27 al. 1 LPGA, prévoyait le devoir d’instaurer un système de contrôle du temps de travail expressément destiné à « rendre compte quotidiennement des heures de travail fournies ». Par ailleurs, quand bien même la société A.__ SA soutenait que certains collaborateurs auraient travaillé moins que ce qui était prévu par le plan et que cela n’aurait pas porté préjudice à l’État, il n’était pas possible d’être certain que le temps de travail planifié n’avait jamais été dépassé. Le fait que la société A.__ SA avait indiqué que ses employés n’effectuaient pas d’heures supplémentaires n’y changeait rien.

En définitive, la société A.__ SA n’apportait aucun élément propre à établir qu’elle avait effectué un contrôle des heures de travail conformément à ce qu’exigeait la jurisprudence. Ce n’était que dans le cadre d’une éventuelle demande de remise de l’obligation de restituer que la société A.__ SA – qui ne pouvait pas tirer avantage de sa méconnaissance du droit – pouvait se prévaloir de la protection de sa bonne foi. Même s’il était notoire que la pandémie de Covid-19 avait conduit à une baisse importante du nombre d’heures de travail des salariés actifs dans le secteur du voyage, rien ne permettait en l’espèce de déterminer avec précision l’ampleur de cette baisse. Seules des estimations ou des approximations auraient été envisageables, c’est-à-dire des procédés guère compatibles avec les exigences strictes posées par la réglementation en vigueur. La société A.__ SA ne pouvait rien tirer non plus du fait que son chiffre d’affaires avait subi une baisse considérable durant la période litigieuse, dès lors que le chiffre d’affaires n’était pas directement lié au nombre d’heures de travail et qu’il ne permettait pas de déterminer l’ampleur, à l’heure près, de la réduction de l’horaire de travail.

Par jugement du 20.10.2022, rejet du recours par le Tribunal administratif fédéral.

 

TF

Consid. 5.1.1
Les travailleurs dont la durée normale du travail est réduite ou l’activité suspendue ont droit à l’indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail lorsqu’ils remplissent les conditions décrites à l’art. 31 al. 1 let. a à d LACI. Selon l’art. 31 al. 3 let. a LACI, n’ont notamment pas droit à l’indemnité les travailleurs dont la réduction de l’horaire de travail ne peut pas être déterminée ou dont l’horaire de travail n’est pas suffisamment contrôlable. Aux termes de l’art. 46b OACI, la perte de travail n’est suffisamment contrôlable que si le temps de travail est contrôlé par l’entreprise (al. 1); l’employeur conserve les documents relatifs au contrôle du temps de travail pendant cinq ans (al. 2).

Consid. 5.1.2
Selon la jurisprudence, l’obligation de contrôle par l’employeur de la perte de travail résulte de la nature même de l’indemnité en cas de RHT: du moment que le facteur déterminant est la réduction de l’horaire de travail (cf. art. 31 al. 1 LACI) et que celle-ci se mesure nécessairement en proportion des heures normalement effectuées par les travailleurs (cf. art. 32 al. 1 let. b LACI), l’entreprise doit être en mesure d’établir, de manière précise et si possible indiscutable, à l’heure près, l’ampleur de la réduction donnant lieu à l’indemnisation pour chaque assuré bénéficiaire de l’indemnité. La perte de travail pour laquelle l’assuré fait valoir ses droits est ainsi réputée suffisamment contrôlable uniquement si les heures effectives de travail peuvent être contrôlées pour chaque jour: c’est la seule façon de garantir que les heures supplémentaires qui doivent être compensées pendant la période de décompte soient prises en considération dans le calcul de la perte de travail mensuelle. A cet égard, les heures de travail ne doivent pas nécessairement être enregistrées mécaniquement ou électroniquement. Une présentation suffisamment détaillée et un relevé quotidien en temps réel des heures de travail au moment où elles sont effectivement accomplies sont toutefois exigés. De telles données ne peuvent pas être remplacées par des documents élaborés par après. En effet, l’établissement a posteriori d’horaires de travail ou la présentation de documents signés après coup par les salariés contenant les heures de travail effectuées n’ont pas la même valeur qu’un enregistrement simultané du temps de travail et ne satisfont pas au critère d’un horaire suffisamment contrôlable au sens de l’art. 31 al. 3 let. a LACI. Cette disposition vise à garantir que les pertes d’emploi soient effectivement vérifiables à tout moment pour les organes de contrôle de l’assurance chômage. Il s’agit d’une situation similaire à l’obligation de tenir une comptabilité commerciale (cf. art. 957 CO) (arrêts 8C_681/2021 du 23 février 2022 consid. 3.3 et 3.4; 8C_26/2015 du 5 janvier 2016 consid. 2.3 et les références citées).

Consid. 5.1.3
Selon l’art. 25 al. 1, première phrase, LPGA, auquel renvoie l’art. 95 al. 1 LACI, les prestations indûment touchées doivent être restituées. L’obligation de restituer suppose que soient réunies les conditions d’une reconsidération (caractère sans nul doute erroné de la décision et importance notable de la rectification) ou d’une révision procédurale de la décision par laquelle les prestations en cause ont été allouées (ATF 142 V 259 consid. 3.2; 138 V 426 consid. 5.2.1; 130 V 318 consid. 5.2).

 

Consid. 5.2.1
En l’espèce,
la société A.__ SA a exposé devant le Tribunal administratif fédéral que ses employés avaient en temps normal un horaire de travail fixe de 9h00 à 12h00 et de 13h00 à 18h00. Elle tenait à jour un planning des vacances et des absences de chaque collaborateur. A compter du 18.03.2020, elle avait établi un plan précis prévoyant le nombre d’heures à effectuer chaque jour par les employés.

Consid. 5.2.4
Selon les faits constatés par le TAF, la société A.__ SA s’est limitée, à partir du 18.03.2020, à adopter un plan de travail prévoyant le pourcentage de temps de travail (20% puis 10%), de manière globale et pour chaque semaine, attendu de chaque employé. Elle n’a toutefois procédé à aucun contrôle des heures de travail effectivement accomplies. Elle reconnaît du reste ne pas avoir introduit de système de contrôle du temps de travail. Or, quoi qu’elle en dise, un relevé quotidien et en temps réel des heures de travail effectivement effectuées est exigé aux fins de percevoir des indemnités en cas de RHT, pour permettre d’établir à l’heure près l’ampleur de la réduction du temps de travail. La simple estimation du temps de travail à accomplir, de surcroît de manière globale, sans aucun contrôle ni aucune correction a posteriori, s’avère insuffisante au regard de la jurisprudence. S’agissant de la baisse du chiffre d’affaires, c’est à juste titre que le Tribunal administratif fédéral a souligné qu’elle ne permettait pas de déterminer l’ampleur, à l’heure près, de la réduction de l’horaire de travail. Les « nombreux remboursements de voyages » ainsi que les problèmes en lien avec les « prestations payées par avance » évoqués par la société A.__ SA ont d’ailleurs occasionné une certaine charge de travail. On ajoutera, dans le même sens que les juges du TAF, que les indemnités en cas de RHT n’ont pas pour vocation d’assurer la pérennité de l’entreprise ou de couvrir des baisses du chiffre d’affaires ou des pertes d’exploitation (ATF 147 V 359 consid. 4.6.3).

 

 

Consid. 6.1
Consacré à l’art. 5 al. 2 Cst., le principe de la proportionnalité, dont la violation peut être invoquée de manière indépendante dans un recours en matière de droit public (cf. art. 95 al. 1 let. a LTF; ATF 148 II 475 consid. 5; 141 I 1 consid. 5.3.2; 140 I 257 consid. 6.3.1) commande que la mesure étatique soit nécessaire et apte à atteindre le but prévu et qu’elle soit raisonnable pour la personne concernée (ATF 141 I 1 consid. 5.3.2; 140 I 257 consid. 6.3.1; 140 II 194 consid. 5.8.2).

Consid. 6.2
Amené à se prononcer sur le grief tiré d’une violation du principe de la proportionnalité, le Tribunal administratif fédéral a retenu que la jurisprudence n’exigeait pas la mise en place d’un système de contrôle complexe des heures de travail; des relevés manuscrits par les employés eux-mêmes étaient suffisants, pour autant qu’ils soient quotidiens et qu’ils ne puissent pas être modifiés par la suite. Une telle contrainte n’était pas disproportionnée. En outre, dès lors que seules les heures de travail dont la perte était suffisamment contrôlable donnaient droit à des indemnités en cas de RHT, l’absence de tout contrôle avait pour conséquence qu’aucune des heures de travail perdues ne pouvait donner droit à des indemnités. Ainsi, le principe de la proportionnalité ne permettait pas à la société A.__ SA de se fonder uniquement sur des estimations du temps de travail effectif pour justifier un remboursement seulement partiel des prestations perçues. Le principe de la proportionnalité ne permettait pas non plus de tenir compte de circonstances dont la prise en considération n’était pas prévue par la réglementation, telles que l’absence d’avertissement préalable adressé à la société A.__ SA, la reconnaissance par celle-ci d’une partie de son obligation de restituer ou sa bonne foi. Par ailleurs, la société A.__ SA n’avait fourni aucun élément justifiant l’absence d’un système de contrôle adéquat ou établissant qu’un tel système aurait été superflu. Rien n’indiquait que la pandémie de Covid-19 était à l’origine de problèmes particuliers en lien avec le contrôle du temps de travail. C’était ainsi à tort que la société A.__ SA soutenait que la décision attaquée était une mesure excessive, inutile, injuste et donc disproportionnée.

Consid. 6.4
Comme souligné par les juges du TAF, les art. 31 al. 3 let. a LACI et 46b al. 1 OACI ainsi que la jurisprudence y relative ne laissent guère de place au pouvoir d’appréciation de l’autorité d’application du droit, de sorte que la portée du principe de la proportionnalité dans la mise en oeuvre de ces dispositions apparaît d’emblée restreinte. Dès le moment où l’horaire de travail n’est – comme en l’espèce – pas considéré comme suffisamment contrôlable sur une période donnée, l’octroi d’indemnités même partielles n’entre en principe pas en ligne de compte. Les juges du TAF ont par ailleurs relevé à juste titre que rien n’aurait empêché la société A.__ SA de mettre en place un système de contrôle des heures de travail effectivement effectuées. On ne voit pas en quoi la pandémie de Covid-19 aurait constitué un obstacle à l’instauration d’un tel système, qui pouvait se limiter à un simple relevé quotidien des heures de travail par les employés eux-mêmes. La société A.__ SA ne conteste d’ailleurs pas qu’un tel système était possible, puisqu’elle indique qu’un relevé d’heures plus détaillé (que le plan hebdomadaire relatif à la réduction de l’horaire de travail) n’aurait fait que confirmer les horaires effectivement effectués par les employés. L’arrêt entrepris échappe ainsi à la critique et le recours doit être rejeté.

 

Le TF rejette le recours de la société A.__ SA.

 

Arrêt 8C_699/2022 consultable ici

 

9C_24/2023 (f) du 17.04.2023 – Restitution de prestations indûment perçues – Refus d’une remise de l’obligation de restituer en l’absence de bonne foi – 35a LPP / Omission d’annoncer la reprise d’une activité – Demande de restitution alors que l’assuré est désormais retraité

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_24/2023 (f) du 17.04.2023

 

Consultable ici

 

Restitution de prestations indûment perçues – Refus d’une remise de l’obligation de restituer en l’absence de bonne foi / 35a LPP

Omission d’annoncer la reprise d’une activité – Demande de restitution alors que l’assuré est désormais retraité

 

Par décision du 08.12.2015, l’office AI a supprimé la rente d’invalidité dont bénéficiait l’assuré avec effet rétroactif au 01.06.2006. Le principe de la suppression a été confirmé par les instances cantonale et fédérale de recours (cf. arrêt 9C_107/2017 du 8 septembre 2017).

Par décision du 22.12.2015, l’office AI a réclamé à l’assuré le remboursement de la somme de 179’524 fr. représentant les prestations versées à tort du 01.12.2010 au 31.10.2015. L’assuré a déféré cette décision au tribunal cantonal, en concluant à son annulation. Parallèlement, il a conclu à la remise de l’obligation de restituer la somme de 179’524 fr., subsidiairement à hauteur de 167’315 fr. Par arrêt du 06.11.2018, confirmé par le Tribunal fédéral (cf. arrêt 9C_16/2019 du 25 avril 2019), la juridiction cantonale a rejeté le recours dirigé contre la restitution et contre la remise de l’obligation de restituer.

Dans le cadre de la prévoyance professionnelle obligatoire des chômeurs, la Fondation institution supplétive a accordé à l’assuré des rentes d’invalidité dès le 01.02.2002. Par lettre du 17.12.2015, l’institution supplétive a supprimé avec effet immédiat le droit à la rente d’invalidité, ajoutant qu’elle lui demanderait le remboursement des rentes perçues à tort depuis le 01.06.2006. Le 13.01.2016, elle a requis de l’assuré le remboursement de 82’940 fr. et 12’163 fr. 07, correspondant à des prestations indument versées à partir du 01.01.2011.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/1009/2022 – consultable ici)

Le 26.04.2021, l’institution supplétive a saisi la Cour cantonale d’une action en justice, en concluant à ce que l’assuré fût condamné à lui verser le montant de 93’107 fr. 07 avec intérêts à 5% l’an dès le 13.02.2016, et à ce que l’opposition qu’il avait formée au commander de payer du 18.12.2020 fût écartée.

Par jugement du 21.11.2022, admission partielle de la demande par le tribunal cantonal, condamnant l’assuré à payer à l’institution supplétive le montant de 93’103 fr. 07 et prononçant la mainlevée définitive de l’opposition au commandement de payer à concurrence de ce montant.

 

TF

Consid. 2.2
Se référant au litige qui avait opposé l’assuré à l’office AI, l’autorité cantonale a rappelé que ledit office avait supprimé la rente d’invalidité avec effet rétroactif au 01.06.2006, car l’assuré disposait d’une capacité de travail entière dès cette date dans toute activité et avait exercé une activité professionnelle depuis décembre 2000 sans l’avoir annoncée, violant ainsi son obligation de renseigner. Comme une rente de la prévoyance professionnelle obligatoire dépend et suit l’allocation d’une rente AI, l’institution supplétive était fondée à supprimer la rente de la prévoyance professionnelle, dès lors que l’évaluation de l’office AI, confirmée par les instances de recours cantonale et fédérale, n’était à l’évidence pas insoutenable. L’assuré était par conséquent tenu de restituer les sommes perçues sans cause juridique valable.

En ce qui concerne la remise de l’obligation de restituer, l’instance cantonale a retenu, en renvoyant à l’arrêt du Tribunal fédéral du 25 avril 2019 (9C_16/2019), que l’assuré avait non seulement omis d’annoncer qu’il avait repris une activité, mais qu’il avait de plus nié exercer une activité accessoire dans les questionnaires de révision de 2006, 2011 et 2014. L’intéressé ne devait pas ignorer que l’exercice d’une activité, quelle qu’elle fût, était susceptible d’entraîner une nouvelle appréciation de ses capacités de travail et de gain, pouvant le cas échéant aboutir à une modification de la rente. L’obligation d’annoncer valait tout particulièrement en raison de ses attributions légales d’associé gérant présidant d’une société. En taisant l’exercice de telles activités, sa négligence avait revêtu un caractère de gravité suffisante pour exclure la bonne foi. Pareille conclusion s’imposait aussi dans la présente procédure concernant les rentes d’invalidité de la prévoyance professionnelle.

Consid. 3.1
L’assuré se prévaut d’une violation du principe de non-rétroactivité de lois. Il fait observer qu’il avait atteint l’âge légal de la retraite le 10.02.2021 et son épouse le 09.02.2022, si bien que leurs revenus de retraités ont diminué sensiblement. Il en déduit qu’en le condamnant à restituer des rentes d’invalidité versées durant plusieurs années avant son départ à la retraite, il serait confronté à une rétroactivité d’autant plus excessive qu’il se trouverait dans l’impossibilité de mettre à disposition les sommes réclamées, compte tenu de ses faibles revenus et de son absence de fortune. A son avis, il aurait fallu qu’il sache, au moment où les rentes d’invalidité lui avaient été versées, que leur remboursement pourrait lui être réclamé bien des années après; ceci l’aurait conduit à chercher une autre source de revenu, ce qu’il n’a pas eu l’opportunité de faire.

Consid. 3.2
Contrairement à ce que soutient l’assuré, on ne se trouve pas dans un litige concernant l’application d’une règle de droit à des faits survenus avant son entrée en vigueur. La présente affaire porte uniquement sur la restitution de prestations indûment perçues, ainsi que sur le refus d’une remise de l’obligation de restituer en l’absence de bonne foi, soit sur un cas d’application de l’art. 35a LPP dans sa teneur en vigueur du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2020, à l’époque des faits.

S’agissant de l’obligation de restituer et quoi qu’en dise l’assuré, il devait savoir, à l’époque où il avait violé son obligation d’annoncer, qu’il pourrait être appelé à restituer les rentes en cause, puisqu’elles avaient été obtenues de façon indue. Dès lors qu’il rétablit l’ordre légal en condamnant l’assuré à rembourser le montant de 93’103 fr. 07, l’arrêt attaqué est conforme au droit.

Quant à la remise de cette obligation de restituer, les juges cantonaux ont également refusé à juste titre de l’accorder, puisque la condition de la bonne foi de l’assuré faisait à l’évidence défaut.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_24/2023 consultable ici

 

8C_310/2022 (f) du 02.11.2022 – Droit à l’indemnité chômage – Gain intermédiaire – Indemnité pour jours fériés – 24 LACI / Restitution des prestations indûment perçues – 25 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_310/2022 (f) du 02.11.2022

 

Consultable ici

 

Droit à l’indemnité chômage – Gain intermédiaire – Indemnité pour jours fériés / 24 LACI

Restitution des prestations indûment perçues / 25 LPGA

 

Assuré, né en 1969, a perçu des indemnités de chômage à compter du 01.04.2018. Durant le délai-cadre d’indemnisation, il a réalisé des gains intermédiaires en travaillant comme chargé de cours durant les mois d’avril 2018 et de mars et avril 2020.

Par décision du 23.08. 2021, confirmée sur opposition le 16.12.2021, la caisse de chômage a demandé à l’assuré la restitution de la somme de CHF 671.80. Elle considérait que celui-ci avait déclaré des gains intermédiaires trop faibles pour les mois de mars et avril 2020; en effet, les gains en cause devaient être considérés comme provenant d’une activité salariée et non indépendante, de sorte que certaines déductions opérées par l’assuré n’avaient pas lieu d’être. Les gains intermédiaires à prendre en considération s’élevaient ainsi à CHF 1’473.70 pour chacun des deux mois en question. Après rectification des indemnités compensatoires, il en résultait que l’assuré avait reçu CHF 671.80 de trop.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/333/2022 – consultable ici)

Par jugement du 11.04.2022, admission partielle du recours par le tribunal cantonal, annulant la décision sur opposition et renvoyant la cause à la caisse de chômage pour nouveau calcul du montant à restituer.

 

TF

Consid. 2.1
Selon l’art. 25 al. 1, première phrase, LPGA, auquel renvoie l’art. 95 al. 1 LACI, les prestations indûment touchées doivent être restituées. L’obligation de restituer suppose que soient réunies les conditions d’une révision procédurale (art. 53 al. 1 LPGA) ou d’une reconsidération (art. 53 al. 2 LPGA) de la décision par laquelle les prestations en cause ont été allouées (ATF 142 V 259 consid. 3.2; 138 V 426 consid. 5.2.1; 130 V 318 consid. 5.2 et les références citées).

Consid. 3.1
Aux termes de l’art. 24 LACI, est réputé intermédiaire tout gain que le chômeur retire d’une activité salariée ou indépendante durant une période de contrôle; l’assuré qui perçoit un gain intermédiaire a droit à la compensation de la perte de gain (al. 1, première et deuxième phrases).

Selon le ch. C125 du Bulletin LACI IC, publié par le SECO – dont les directives ne lient toutefois pas le juge (cf. ATF 145 V 84 consid. 6.1.1; 142 V 442 consid. 5.2) -, le gain intermédiaire est calculé normalement sur le total du revenu réalisé pendant la période de contrôle; y entrent le salaire de base, les indemnités pour jours fériés et autres éléments constitutifs du salaire auxquels l’assuré a droit, tels que 13e salaire, gratifications, commissions, allocations de résidence, allocation de renchérissement, supplément pour travail de nuit, travail du dimanche, travail en équipes, service de piquet, si l’assuré touche normalement ces suppléments en raison de la nature de ses activités ou de son horaire de travail. L’indemnité de vacances versée en plus du salaire de base n’est prise en compte comme gain intermédiaire qu’au moment où l’assuré prend effectivement ses vacances (C149 ss).

Consid. 3.2
Selon la jurisprudence, l’indemnité pour jours fériés versée en plus du salaire de base doit – comme pour la détermination du gain assuré (cf. à ce sujet ATF 125 V 50 consid. 8) – être prise en compte dans le calcul du gain intermédiaire; la prise en compte doit avoir lieu le mois au cours duquel elle est versée (arrêt C 41/99 du 24 décembre 1999 consid. 3b, in SVR 2000 ALV n° 22 p. 63).

Les juges cantonaux ont donc violé le droit en déduisant du salaire perçu par l’assuré l’indemnité pour jours fériés, puisque celle-ci fait partie du revenu à prendre en considération au titre de gain intermédiaire. La référence doctrinale sur laquelle ils se sont fondés pour justifier leur raisonnement (BORIS RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, n° 11 ad art. 23 LACI relatif au gain assuré) est d’ailleurs erronée. Dans son commentaire de l’art. 24 LACI relatif à la question ici topique de la prise en considération du gain intermédiaire, l’auteur mentionne bel et bien que le gain intermédiaire est composé, entre autres éléments, des indemnités pour jours fériés (RUBIN, op. cit., n° 27 ad art. 24 LACI).

Consid. 3.3
Il y a donc lieu de s’en tenir au gain intermédiaire retenu par la caisse de chômage dans sa décision sur opposition. Quant aux autres conditions de la restitution, elles ne sont pas contestées. Il s’ensuit que le recours doit être admis, l’arrêt attaqué annulé et la décision sur opposition confirmée.

 

Le TF admet le recours de la caisse de chômage.

 

Arrêt 8C_310/2022 consultable ici

 

8C_469/2021 (f) du 04.08.2022 – Restitution de prestations cantonales de la rente-pont – 28 al. 1 LPCFam / Subsidiarité de la rente-pont par rapport aux prestations d’assurances sociales octroyées à titre rétroactif – 28 al. 1bis LPCFam

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_469/2021 (f) du 04.08.2022

 

Consultable ici

 

Restitution de prestations cantonales de la rente-pont / 28 al. 1 LPCFam

Subsidiarité de la rente-pont par rapport aux prestations d’assurances sociales octroyées à titre rétroactif / 28 al. 1bis LPCFam

 

Feu A.__, née en 1950, était mariée à C.__, né en 1951. Les deux époux faisaient ménage commun.

Le 23.01.2013, feu A.__ a rempli un formulaire de demande de rente-pont auprès de la Caisse cantonale vaudoise de compensation AVS (ci-après: la CCVD). Le 05.02.2013, C.__ a signé un avis de cession en faveur de la CCVD, pour le cas où une rente AI et des prestations complémentaires AVS/AI lui seraient accordées avec effet rétroactif.

Par décision du 30.05.2013, la CCVD a reconnu à feu A.__ le droit à une rente-pont cantonale de 3039 fr. par mois à compter du 01.01.2013; cette rente, dont le montant a ensuite varié entre 2739 fr. et 3977 fr. par mois, a pris fin au 31.12.2014, l’intéressée ayant atteint l’âge de 64 ans révolus.

Le 21.05.2015, l’office de l’assurance-invalidité a rendu une décision d’octroi de rente AI en faveur de C.__ pour la période allant du 01.01.2013 au 31.12.2014; il en est résulté que ce dernier était créancier d’un montant rétroactif de 58’213 fr.

Par décision du 06.08.2015, la CCVD a réclamé à feu A.__, ensuite de la décision d’octroi de la rente AI en faveur de C.__, la restitution de la rente-pont qu’elle avait perçue entre le 01.01.2013 et le 31.12.2014 pour un montant total de 81’540 fr. Après diverses péripéties procédurales, la CCVD a rejeté, par décision du 08.01.2019, la réclamation que feu A.__ avait formée contre la décision du 06.08.2015. Dite décision a été annulée par arrêt de la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du 11.12.2019.

Après que la CCVD a constaté que les époux A.__ et C.__ avaient bénéficié de prestations complémentaires AVS/AI dès le mois de janvier 2013, le Centre régional de décision rente-pont, Agence d’Assurances Sociales (qui dans l’intervalle a repris la gestion des prestations cantonales de la rente-pont), a rejeté la réclamation de feu A.__ contre la demande de restitution du 06.08.2015 (décision du 25.11.2020).

 

Procédure cantonale (arrêt PS.2021.0003 – consultable ici)

Par jugement du 25.11.2021, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3.1
L’arrêt entrepris repose sur la loi cantonale vaudoise du 23 novembre 2010 sur les prestations complémentaires cantonales pour familles et les prestations cantonales de la rente-pont (LPCFam; BLV 850.053), dont il sied de rappeler les dispositions appliquées par les premiers juges.

Selon l’art. 16 al. 1 de cette loi, ont droit aux prestations cantonales de la rente-pont jusqu’à l’âge d’ouverture ordinaire du droit à la rente de vieillesse prévu par la loi fédérale du 20 LAVS, sous réserve de l’al. 2, les personnes qui remplissent les conditions cumulatives suivantes: elles ont leur domicile dans le canton de Vaud depuis trois ans au moins au moment où elles déposent la demande de rente-pont (let. a); elles ont atteint l’âge ouvrant le droit à la rente anticipée au sens de la LAVS, ou elles relèvent du revenu d’insertion (RI) ou en remplissent les conditions d’accès et sont au plus à deux ans d’atteindre l’âge ouvrant le droit à la rente anticipée au sens de la LAVS (let. b); elles n’ont pas droit à des indemnités de chômage ou ont épuisé leur droit à de telles indemnités (let. c); leurs dépenses reconnues et revenus déterminants, y compris les normes de fortunes, sont inférieurs aux limites imposées par la LPC pour ouvrir le droit à des prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI (let. e); elles n’ont pas fait valoir leur droit à une rente de vieillesse anticipée au sens de la LAVS ou elles ont déposé une demande de rente anticipée et sont dans l’attente de la décision d’octroi, respectivement du versement de la rente anticipée; les prestations de la rente-pont accordées à ce titre sont considérées comme avance et doivent être restituées par le bénéficiaire conformément à l’article 28 al. 1bis (let. f). L’art. 16 al. 2 LPCFam précise que le droit aux prestations cantonales de la rente-pont n’est en revanche pas ouvert aux personnes qui atteignent l’âge de la retraite anticipée au sens de la LAVS, et dont la situation financière est telle que l’autorité peut anticiper qu’elles pourront prétendre à des prestations complémentaires au sens de la LPC si elles exercent leur droit à une rente de vieillesse à l’âge ordinaire prévu par la LAVS.

Les prestations cantonales de la rente-pont sont calculées conformément aux critères de la prestation complémentaire annuelle au sens de la LPC (art. 18 al. 1, 1e phrase, LPCFam). Le règlement cantonal du 17 août 2011 d’application de la LPCFam (RLPCFam; BLV 850.053.1) prévoit que les dispositions du chapitre I, lettre A, section II de l’OPC-AVS/AI (RS 831.301) sont, sauf dispositions contraires de la LPCFam ou du règlement, applicables par analogie à la fixation des dépenses reconnues et du revenu déterminant (art. 34 al. 1 RLPCFam [dans sa teneur en vigueur avant le 1er juillet 2021]). L’art. 11 LPC est par ailleurs également applicable par analogie à la détermination du revenu déterminant (art. 35a al. 2 RLPCFam); le revenu déterminant comprend notamment les rentes, pensions et autres prestations périodiques, y compris les rentes de l’AVS et de l’AI (art. 11 al. 1 let. d LPC).

L’art. 28 al. 1 LPCFam prévoit que les prestations complémentaires cantonales pour familles et les prestations cantonales de la rente-pont perçues indûment doivent être restituées. En outre, lorsqu’une prestation d’assurance sociale est octroyée rétroactivement, les prestations complémentaires cantonales pour familles et les prestations cantonales de la rente-pont versées précédemment à titre d’avance doivent être restituées, à concurrence de l’avance perçue (art. 28 al. 1bis LPCFam). La restitution ne peut toutefois être exigée lorsque le bénéficiaire était de bonne foi et qu’elle le mettrait dans une situation difficile (art. 28 al. 2 LPCFam).

Consid. 3.2
En l’espèce,
l’autorité cantonale a constaté que des prestations complémentaires AVS/AI avaient été versées aux époux A.__ et C.__ à compter de janvier 2013 pour un montant total, jusqu’en décembre 2014, de 20’816 fr. Avec le rétroactif des montants dus au titre de la rente AI en faveur de C.__ et des prestations AI pour enfant, des prestations d’assurance sociale et des prestations complémentaires pour un montant total de 92’680 fr. avaient été versées aux époux A.__ et C.__ durant la période précitée. Comme feu A.__ se trouvait dans un cas de figure visé par l’art. 28 al. 1bis LPCFam, la restitution de la rente-pont perçue entre janvier 2013 et décembre 2014 devait être confirmée. Les juges cantonaux ont par ailleurs rejeté l’argument de feu A.__, selon lequel les prestations de nature et de but identiques qui sont accordées à l’assuré en raison d’un événement dommageable sont prises en considération pour déterminer si l’ayant-droit est surindemnisé au sens de l’art. 69 al. 1 LPGA. Ils ont jugé que les prestations complémentaires fédérales et la rente-pont poursuivaient un but analogue et que les secondes revêtaient un caractère subsidiaire par rapport aux premières. L’octroi d’une rente-pont était d’ailleurs exclu lorsqu’un droit à une prestation complémentaire AVS/AI était reconnu (art. 16 al. 2 LPCFam). Les premiers juges ont également rappelé que les revenus déterminants des époux faisant ménage commun devaient être additionnés dans le calcul de la rente-pont (art. 4 OPC-AVS/AI; cf. en outre art. 9 al. 2 LPC) et que feu A.__ avait elle-même perçu des prestations complémentaires AVS/AI, au vu des art. 4 al. 1 let. a LPC et 37 al. 1bis LAI, ensuite de l’ouverture du droit en faveur de son époux.

 

Consid. 4.1
Dans son acte de recours, feu A.__ se plaignait d’une application arbitraire de l’art. 28 al. 1bis LPCFam. Elle faisait valoir, en se référant au principe de la concordance des droits concrétisé à l’art. 69 al. 1 LPGA, qu’elle seule était bénéficiaire de la rente-pont et que seul son époux était bénéficiaire de la rente AI. L’art. 16 al. 2 LPCFam serait ainsi « inopérant » en l’espèce parce qu’il ne réglerait que les situations dans lesquelles une seule et même personne peut prétendre, pour la même période, à une rente d’invalidité et à une rente-pont. Feu A.__ faisait valoir à cet égard que la personne dont le revenu et la fortune sont pris en compte dans le calcul d’une prestation n’est pas pour autant bénéficiaire de cette dernière. La décision entreprise reviendrait à exiger d’elle qu’elle rembourse sa rente-pont motif pris du versement d’une rente AI et de prestations complémentaires AVS/AI à son époux, alors qu’elle n’aurait pas touché ces dernières. Feu A.__ reprochait d’ailleurs à l’autorité cantonale d’avoir arbitrairement retenu qu’elle avait touché des prestations complémentaires AVS/AI, alors que seul son mari en avait perçues.

Consid. 4.2
L’argumentation est mal fondée. En effet, la rente AI versée rétroactivement à C.__ devait être pris en compte dans l’examen du droit de feu A.__ à la rente-pont, respectivement dans la fixation de cette prestation cantonale. Comme on l’a vu, la rente-pont est calculée conformément aux critères des prestations complémentaires au sens de la LPC (art. 18 al. 1 LPCFam). Or l’art. 9 al. 2 LPC prévoit le principe selon lequel les dépenses reconnues et les revenus déterminants des conjoints sont additionnés pour déterminer le montant des prestations complémentaires AVS/AI. Les revenus déterminants comprennent notamment les rentes, pensions et autres prestations périodiques, y compris les rentes de l’AVS et de l’AI (art. 11 al. 1 let. d LPC). Partant, peu importe que l’un ou l’autre des époux A.__ et C.__ fût bénéficiaire de la rente AI versée rétroactivement dans la mesure où, selon le droit cantonal pertinent, c’est l’ensemble des revenus du couple qui est déterminant. En tant que de besoin, on soulignera encore que la jurisprudence citée dans l’acte de recours (arrêt 9C_211/2009 du 26 février 2010; arrêt de la CDAP PS.2017.0101 du 16 avril 2018) n’est d’aucun secours au recourant, les situations qui y étaient traitées n’étant pas comparables à celle de feu A.__. En outre, l’allégation selon laquelle cette dernière n’aurait elle-même pas perçu de prestations complémentaires AVS/AI est dénuée de fondement. Indépendamment de la pertinence des dispositions citées par les premiers juges (art. 4 al. 1 let. a LPC et art. 37 al. 1bis LAI; consid. 3.2 supra), il ressort des décisions d’allocation de prestations complémentaires du 27.10.2015 que feu A.__ était également l’ayant droit des prestations accordées rétroactivement.

En ce qui concerne précisément les prestations complémentaires AVS/AI perçus par le couple, c’est sans arbitraire que les juges cantonaux ont considéré que la rente-pont leur était subsidiaire. L’octroi d’une prestation complémentaire AVS/AI vise à assurer la couverture des besoins vitaux non seulement de l’ayant droit mais également des membres de sa famille (MICHEL VALTERIO, Commentaire de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI, 2015, n° 10 ad art. 9 LPC). Il en va de même s’agissant de la rente-pont puisque les prestations sont calculées conformément aux critères régissant les prestations complémentaires AVS/AI. Les prestations complémentaires AVS/AI et la rente-pont ont dès lors bien un but analogue (cf. Exposé de motifs sur la stratégie cantonale de lutte contre la pauvreté, in Bulletin du Grand Conseil du canton de Vaud 2007-2012, tome 17, p. 476 ss [ci-après: exposé de motifs], p. 504). Dans ce contexte, l’art. 28 al. 1bis LPCFam consacre le principe de la subsidiarité de la rente-pont par rapport aux prestations d’assurances sociales octroyées à titre rétroactif. Ce principe se retrouve également dans la LPC puisqu’il y est rappelé en particulier à l’art. 11 al. 3 LPC que les prestations d’aide sociale (let. b) ainsi que les prestations provenant de personnes et d’institutions publiques ou privées ayant un caractère d’assistance manifeste (let. c) ne sont pas prises en compte dans le calcul des revenus déterminants. En lien avec l’art. 11 al. 3 let. c LPC, les Directives concernant les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI (DPC) de l’OFAS précisent que « sont également considérées comme prestations ayant manifestement un caractère d’assistance les prestations cantonales et communales d’aide aux personnes âgées, aux survivants, aux invalides, aux chômeurs et autres, ainsi que les prestations d’assurance-vieillesse, survivants et invalidité cantonales ayant le caractère d’assistance » (ch. 3412.06). Sans qu’il soit ici nécessaire de trancher la question de la nature de la rente-pont, on observera que cette dernière a été mise en place pour éviter aux personnes proches de l’âge de la retraite n’ayant pas ou plus droit aux indemnités de chômage de devoir recourir au revenu d’insertion, que le droit à cette prestation ne dépend pas du versement de cotisations et qu’elle fait l’objet d’une révision périodique (cf., en lien avec l’art. 11 al. 3 let. b LPC, arrêt 2C_95/2019 du 13 mai 2019 consid. 3.4.4 où la rente-pont est qualifiée d’alternative à l’aide sociale). La rente-pont relève dès lors à tout le moins de l’art. 11 al. 3 let. c LPC et ne doit donc pas être prise en considération dans le calcul des revenus déterminants au sens de la LPC (sur la coordination « extrasystémique » entre les prestations complémentaires AVS/AI, d’une part, et l’aide sociale et les prestations d’assistance, d’autre part, cf. JÖHL/USINGER-EGGER, Ergänzungsleistungen zur AHV/IV, in Soziale Sicherheit, SBVR vol. XIV, 3e éd. 2016, p. 1916, n. 217-218). Feu A.__ ne prétendait d’ailleurs pas que la rente-pont aurait été prise en compte dans le calcul des prestations complémentaires AVS/AI versées rétroactivement aux époux à compter de janvier 2013. La rente-pont apparaît dès lors clairement comme étant subsidiaire aux prestations complémentaires AVS/AI. En outre, dans le cadre de la demande de ladite prestation, la CCVD a pris soin de faire signer à C.__ un avis de cession des prestations de rente AI et des prestations complémentaires AVS/AI accordées à titre rétroactif. Ainsi, feu A.__ ne saurait se prévaloir du principe de la concordance des droits ancré à l’art. 69 LPGA, lequel présuppose que les prestations soient cumulables (FRÉSARD-FELLAY/FRÉSARD, in Commentaire romand, LPGA, 2018, n° 6 ad art. 69 LPGA).

Il résulte de ce qui précède que les juges cantonaux n’ont pas fait preuve d’arbitraire en confirmant la demande de restitution des prestations de la rente-pont versées à feu A.__ entre le 01.01.2013 et le 31.12.2014.

 

Le TF rejette le recours de feu A.__.

 

Arrêt 8C_469/2021 consultable ici

 

9C_522/2021 (f) du 29.06.2022 – Révision de prestations complémentaires – 17 LPGA / Obligation de restituer des prestations (complémentaires) perçues indûment – Dies a quo du délai de péremption – 25 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_522/2021 (f) du 29.06.2022

 

Consultable ici

 

Révision de prestations complémentaires / 17 LPGA

Obligation de restituer des prestations (complémentaires) perçues indûment – Dies a quo du délai de péremption / 25 LPGA

 

Assurée, née en 1976, s’est vu octroyer un quart de rente AI depuis le 01.12.2002, puis une demi-rente depuis le 01.03.2003. Par décisions de la caisse de compensation des 13.03.2009 et 04.12.2009, confirmées sur opposition, elle a été de plus mise au bénéfice de prestations complémentaires AVS/AI depuis le 01.05.2003. La caisse de compensation a régulièrement procédé à l’adaptation des prestations. Par décision du 06.07.2018, elle a mis un terme au droit de l’assurée à des prestations complémentaires avec effet au 01.08.2018.

Lors d’un entretien téléphonique du 11.07.2018, l’assurée a mentionné à une collaboratrice de la caisse de compensation qu’elle possédait un bien immobilier à l’étranger. Par une première décision du 06.05.2019, la caisse de compensation a mis fin aux prestations complémentaires versées en faveur de l’assurée avec effet rétroactif au 01.06.2012. Le même jour, elle a réclamé à l’assurée un montant de 101’119 fr. 05, correspondant aux prestations complémentaires versées entre le 01.06.2012 et le 30.05.2019. Saisie d’une opposition, la caisse de compensation a repris l’instruction de la cause et rendu de nouvelles décisions le 18.10.2019, par lesquelles elle a confirmé la fin du droit aux prestations complémentaires avec effet rétroactif dès le 01.06.2012. Par décisions du 29.01.2020, la caisse de compensation a partiellement admis la nouvelle opposition formée par l’assurée et réduit le montant soumis à restitution à 77’096 fr. 85, correspondant aux prestations versées entre le 01.06.2012 et le 31.12.2019.

 

Procédure cantonale (arrêt PC 8/20 – 21/2021 – consultable ici)

Par jugement du 26.08.2021, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 2.2
Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral dans le domaine du droit privé, il incombe à celui qui fait valoir un droit soumis à un délai de péremption de prouver qu’il a observé celui-ci, l’observation du délai ayant un caractère constitutif de droit et étant une condition de l’exercice de l’action. Lorsque le délai de péremption commence à courir au moment où celui qui intente l’action a connaissance de certains faits, il appartient au demandeur d’établir quand et comment il a eu connaissance de ces faits. Le défendeur, de son côté, peut apporter la contre-preuve que le demandeur a connu les faits pertinents déjà à une date antérieure à celle qu’il invoque et qu’il s’est écoulé, entre cette date antérieure et l’introduction de l’action, un laps de temps dépassant le délai de péremption, de sorte que l’action serait périmée. Ainsi, lorsque le début du délai de péremption dépend de la connaissance de certains faits, il incombe au défendeur d’établir que le délai de péremption n’est pas respecté (arrêt 9C_632/2012 du 10 janvier 2013 consid. 6.2.3 et la référence).

Consid. 3.1
La juridiction cantonale a, en se fondant sur la procédure de révision quadriennale de l’année 2018, retenu que la décision de restitution de la caisse de compensation du 06.05.2019 se fondait sur la découverte d’éléments de fortune mobilière et immobilière nouveaux. L’assurée avait en effet sciemment dissimulé qu’elle possédait un bien immobilier à l’étranger jusqu’en 2018. Elle avait de plus omis de signaler l’existence de comptes bancaires à l’étranger et l’activité accessoire de son époux. En présence de tels faits nouveaux importants, découverts en 2018, la caisse avait à juste titre recalculé à nouveau le droit de l’assurée à des prestations complémentaires. Dès lors que l’assurée avait violé son obligation de renseigner, la caisse de compensation avait par ailleurs étendu correctement la restitution des prestations indues aux sept années antérieures à la décision du 06.05.2019 (art. 25 al. 2 LPGA).

Consid. 4.1
Les prestations complémentaires accordées en vertu de décisions qui ont formellement passé en force doivent être restituées si les conditions d’une reconsidération (art. 53 al. 2 LPGA) ou d’une révision (art. 53 al. 1 LPGA) sont remplies (ATF 130 V 318 consid. 5.2 et les références). S’agissant plus particulièrement de cette dernière, l’administration procède à la révision d’une décision entrée en force formelle lorsque sont découverts des faits nouveaux ou de nouveaux moyens de preuve, susceptibles de conduire à une appréciation juridique différente (ATF 122 V 134 consid. 2b et la référence). L’obligation de restituer les prestations complémentaires indûment perçues vise à rétablir l’ordre légal, après la découverte d’un fait nouveau (arrêt 8C_120/2008 du 4 septembre 2008 consid. 3.1).

Consid. 4.2
A l’inverse de ce que soutient l’assurée, le délai (relatif) d’un an de l’art. 25 al. 2 LPGA ne peut commencer à courir qu’à partir du moment où la caisse de compensation aurait dû connaître les faits fondant l’obligation de restituer, en faisant preuve de l’attention que l’on pouvait raisonnablement exiger d’elle. Admettre que les prétentions de la caisse de compensation puissent commencer à se prescrire avant la découverte des faits nouveaux à l’origine de la reconsidération ou de la révision reviendrait à considérer que des prétentions non encore nées, puisque fondées sur des faits que l’administration n’était pas en mesure de connaître, pourraient se périmer.

La caisse de compensation a demandé la restitution des prestations en raison de l’existence de biens à l’étranger. A cet égard, l’assurée ne prétend pas que la caisse de compensation disposait avant l’entretien téléphonique du 11.07.2018, à tout le moins, d’un faisceau d’indices laissant supposer l’existence de son bien immobilier à l’étranger, de ses avoirs bancaires à l’étranger et de l’activité accessoire de son époux. En procédant à la révision du droit de l’assurée à des prestations complémentaires AVS/AI le 06.05.2019 et en demandant la restitution des prestions perçues indûment le même jour, la caisse de compensation a par conséquent agi dans le délai (relatif) d’une année de l’art. 25 al. 2 LPGA, dans sa version en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020. Dans ce contexte, la référence, dont se prévaut l’assurée, au salaire erroné de l’époux, qui aurait pu justifier également la restitution des prestations, n’a pas d’influence sur l’issue de la cause. La juridiction cantonale a par conséquent retenu à juste titre que l’assurée est tenue de restituer le montant intégral de toutes les prestations de l’assurance touchées indûment du 01.06.2012 au 31.07.2018.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

Arrêt 9C_522/2021 consultable ici

 

8C_535/2020 (f) du 03.05.2021 – Restitution de prestations indûment touchées / 95 LACI – 25 LPGA / Péremption du droit de demander la restitution – Dies a quo du délai d’un an – 25 al. 2 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_535/2020 (f) du 03.05.2021

 

Consultable ici

 

Restitution de prestations indûment touchées / 95 LACI – 25 LPGA

Péremption du droit de demander la restitution – Dies a quo du délai d’un an – 25 al. 2 LPGA

 

Assurée, née en 1978, a travaillé dès juin 2011 en qualité d’employée de commerce à 90% auprès d’une entreprise horlogère. Fin décembre 2017, elle a sollicité l’octroi de prestations de l’AI au motif d’une dégradation de son état de santé, qui était à l’origine d’un arrêt de travail complet à compter du 30.08.2017. Elle a été licenciée en avril 2018 avec effet au 31.05.2018. Après s’être annoncée en avril 2018 à l’ORP, elle a requis l’octroi d’une indemnité de chômage dès le 01.06.2018. Elle a indiqué être disposée à travailler à 50% et toucher des indemnités journalières de la part d’une assurance perte de gain maladie (ci-après: l’assurance PGM) depuis le 30.08.2017, précisant que ce cas d’assurance était « en cours » et produisant à ce titre une décision de cet assureur du 28.02.2018, qui confirmait la cessation, à compter du 01.06.2018, du versement des indemnités journalières allouées au titre de la maladie. Les 28.06.2018 et 28.07.2018, elle a déposé auprès de la caisse de chômage des formulaires « Indications de la personne assurée » (ci-après: formulaires IPA) faisant état d’une incapacité de travail de 50%.

Pour les mois de juin et juillet 2018, l’assurée a perçu de la caisse de chômage une indemnité calculée sur la base d’un gain assuré de 2738 fr., qui tenait compte d’une aptitude au placement de 50% dans la dernière activité lucrative. Fin juillet 2018, la caisse de chômage a reçu un décompte de l’assurance PGM, qui faisait état du versement à l’assurée d’indemnités pour maladie pour les mois de juin et juillet 2018, à raison d’une incapacité de travail de 50%. Informée du dépôt fin 2017 d’une demande de prestations AI par l’assurée, la caisse de chômage a réévalué le 29.08.2018 son gain assuré à un montant de 4929 fr. à partir du 01.06.2018, en se fondant sur un taux d’occupation de 90% dans le dernier emploi exercé. Des paiements complémentaires d’indemnités de chômage ont conséquemment eu lieu pour juin et juillet 2018.

En septembre 2019, la caisse de chômage a été informée par l’ORP que l’assurée avait perçu des indemnités journalières pour maladie de la part de l’assurance PGM, à raison d’une incapacité de travail de 50%, durant la période de juin 2018 à août 2019. L’ORP a par ailleurs transmis à la caisse de chômage une copie d’un écrit de l’assurance PGM du 17.07.2018, dont il ressortait que sa décision du 28.02.2018 était annulée et que des indemnités étaient allouées à l’assurée dès juin 2018 sur la base d’une incapacité de travail de 50%.

Par décision du 01.11.2018, confirmée sur opposition, la caisse de chômage a réclamé à l’assurée la restitution d’un montant de 17’602 fr. 35, correspondant à des indemnités versées à tort pour la période comprise entre le 01.06.2018 et le 31.08.2019.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 06.07.2020, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

En ce qui concerne plus précisément la question de la péremption du droit de demander la restitution, l’art. 25 al. 2 LPGA prévoit que ledit droit s’éteint un an après le moment où l’institution d’assurance a eu connaissance du fait, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation. Il s’agit de délais (relatif et absolu) de péremption, qui doivent être examinés d’office (ATF 146 V 217 consid. 2.1 p. 219; 140 V 521 consid. 2.1 p. 525).

Selon la jurisprudence, le délai de péremption relatif d’une année commence à courir dès le moment où l’administration aurait dû connaître les faits fondant l’obligation de restituer, en faisant preuve de l’attention que l’on pouvait raisonnablement exiger d’elle. L’administration doit disposer de tous les éléments qui sont décisifs dans le cas concret et dont la connaissance fonde – quant à son principe et à son étendue – la créance en restitution à l’encontre de la personne tenue à restitution (ATF 146 V 217 consid. 2.1 précité p. 219 s.; 140 V 521 consid. 2.1 précité). Si l’administration dispose d’indices laissant supposer l’existence d’une créance en restitution, mais que les éléments disponibles ne suffisent pas encore à en établir le bien-fondé, elle doit procéder, dans un délai raisonnable, aux investigations nécessaires. Si elle omet de le faire, le début du délai de péremption doit être fixé au moment où elle aurait été en mesure de rendre une décision de restitution si elle avait fait preuve de l’attention que l’on pouvait raisonnablement exiger d’elle. En revanche, lorsqu’il résulte d’ores et déjà des éléments au dossier que les prestations en question ont été versées indûment, le délai de péremption commence à courir sans qu’il y ait lieu d’accorder à l’administration du temps pour procéder à des investigations supplémentaires (arrêts 8C_799/2017 du 11 mars 2019 consid. 5.4; 9C_454/2012 du 18 mars 2013 consid. 4 non publié in ATF 139 V 106 et les références).

Lorsque le versement de prestations indues repose sur une erreur de l’administration, le délai de péremption relatif d’un an n’est pas déclenché par le premier acte incorrect de l’office en exécution duquel le versement est intervenu. Au contraire, selon la jurisprudence constante, il commence à courir le jour à partir duquel l’organe d’exécution aurait dû, dans un deuxième temps – par exemple à l’occasion d’un contrôle des comptes ou sur la base d’un indice supplémentaire – reconnaître son erreur en faisant preuve de l’attention que l’on pouvait raisonnablement exiger de lui (ATF 146 V 217 précité consid. 2.2 p. 220 et les références; arrêt 8C_405/2020 du 3 février 2021 consid. 3.2.2). En effet, si l’on plaçait le moment de la connaissance du dommage à la date du versement indu, cela rendrait souvent illusoire la possibilité pour l’administration de réclamer le remboursement de prestations allouées à tort en cas de faute de sa part (ATF 124 V 380 consid. 1 p. 383; arrêt 8C_799/2017 précité consid. 5.4).

 

Se plaignant d’une violation de l’art. 25 al. 2 LPGA, l’assurée soutient que plusieurs éléments au dossier auraient dû permettre à la caisse de chômage de se rendre compte de la poursuite du versement d’indemnités de la part de l’assurance PGM à hauteur de 50%. Dans sa demande d’indemnités de chômage, elle aurait indiqué être disposée à travailler à 50%, précisant qu’elle recevait une indemnité pour maladie depuis le 30.08.2017 et que ce cas était « en cours ». Par ailleurs, la caisse de chômage aurait reçu fin juillet 2018 le décompte de l’assurance PGM pour juin et juillet 2018, qui attestait de la continuation du versement des indemnités pour maladie à l’assurée, et elle aurait reconnu son erreur à ne pas avoir pris la mesure de son contenu. Enfin, l’assurée aurait toujours mentionné dans les formulaires IPA remplis mensuellement être au bénéfice d’une assurance perte de gain en cas de maladie et rechercher un emploi à un taux d’activité de 50% depuis le 01.06.2018. Dans ces conditions, la caisse de chômage aurait été informée au plus tard en juillet ou août 2018 que l’assurée continuait à percevoir des indemnités pour maladie de la part de l’assurance PGM, et elle aurait dû réagir sans tarder et recalculer immédiatement et correctement les indemnités de chômage. La réception en septembre 2019 d’informations qu’elle connaissait déjà n’aurait pas eu pour effet de reporter le dies a quo du délai de péremption relatif d’une année de l’art. 25 al. 2 LPGA, faute de quoi chaque communication d’une nouvelle confirmation ou d’un nouveau document, attestant d’une situation connue ou qui aurait dû être connue, aurait pour effet de reporter sans cesse le dies a quo du délai en question, en violation du droit.

Il n’est pas contesté que des indemnités d’un montant de 17’602 fr. 35 ont été indûment perçues par l’assurée en raison d’une erreur de la caisse de chômage. C’est à juste titre que la cour cantonale a retenu que cette erreur avait été commise en août 2018 – plus précisément le 29.08.2018 -, au moment où la caisse de chômage a décidé d’allouer à l’assurée, à compter du 01.06.2018, des indemnités de chômage correspondant à un taux d’occupation de 90% dans le dernier emploi exercé, malgré la réception fin juillet 2018 d’un décompte de l’assurance PGM faisant état du versement en juin et juillet 2018 d’indemnités pour maladie fondées sur une incapacité de travail de 50%. Avant le 29.08.2018, la caisse de chômage avait correctement versé à l’assurée des indemnités de chômage en tenant compte d’une aptitude au placement de 50%, ce qui n’est pas contesté par l’assurée. Au vu de la jurisprudence, le délai de péremption d’un an ne saurait commencer à courir au moment où la caisse de chômage a commis son erreur le 29.08.2018, et encore moins antérieurement à cette date comme le soutient l’assurée, malgré les informations fournies par celle-ci et la réception par la caisse de chômage du décompte de l’assurance PGM fin juillet 2018. Ensuite de ladite erreur, il ne ressort pas des faits constatés par la juridiction cantonale qu’avant septembre 2019, la caisse de chômage aurait procédé à un contrôle des versements au bénéfice de l’assurée ou qu’elle aurait été en possession d’un indice supplémentaire qui lui aurait permis de se rendre compte de son erreur. Ce n’est qu’en septembre 2019 qu’elle a constaté son erreur, après avoir reçu de l’ORP des informations et des documents attestant du versement d’indemnités pour maladie de la part de l’assurance PGM durant la période de juin 2018 à août 2019. Ce sont bien ces nouveaux éléments d’information qui ont déclenché le délai de péremption d’une année. En rendant sa décision de restitution le 01.11.2019, la caisse de chômage a par conséquent agi dans le respect dudit délai, dont le dies a quo n’a pas été reporté ensuite d’une nouvelle communication à la caisse de chômage.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 8C_535/2020 consultable ici

 

9C_455/2021 (f) du 01.12.2021 – Remise de l’obligation de l’assuré de restituer des prestations complémentaires – Négligence grave dans le devoir d’annoncer – Bonne foi niée

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_455/2021 (f) du 01.12.2021

 

Consultable ici

 

Remise de l’obligation de l’assuré de restituer des prestations complémentaires / 25 LPGA – 4 OPGA – 5 OPGA

Négligence grave dans le devoir d’annoncer / 31 al. 1 LPGA – 24 OPC-AVS/AI

Bonne foi niée

 

Assuré, titulaire d’une rente AVS, au bénéfice de prestations complémentaires allouées par la Caisse cantonale de compensation (ci-après: la caisse) depuis le 01.02.2008. En raison de la naissance du droit à la rente AVS de l’épouse de l’ayant droit au 01.05.2018, la caisse a procédé à une révision dès avril 2018. Dans ce cadre, elle a appris que les époux avaient emménagé dans un appartement dont leur fils était propriétaire, depuis le 15.05.2014 et avaient mis en location leur propre bien immobilier dès le 01.06.2014. La caisse a dès lors réexaminé le droit de l’assuré aux prestations complémentaires à partir du 01.06.2014 et fixé à nouveau les prestations dès cette date; elle lui a demandé de restituer le montant de 43’878 francs perçu en trop pour la période du 01.06.2014 au 30.04.2018, par décision du 12.10.2018, confirmée sur opposition, laquelle est entrée en force. Le 04.06.2019, l’assuré a requis la remise de l’obligation de restitution. La caisse a rejeté cette demande.

 

Procédure cantonale

Le Tribunal cantonal a constaté pour l’essentiel que depuis 2014, l’assuré n’avait nullement jugé utile de signaler à la caisse qu’il avait déménagé chez son fils dès le 15.05.2014, qu’il percevait des loyers pour la location de son propre logement depuis juin 2014 et que sa belle-fille était ensuite venue vivre dans le logement commun, alors qu’il s’agissait de faits influençant la pondération de la participation au logement et donc les dépenses de l’assuré et de son épouse. Or vu ces importants changements, dont l’importance ne pouvait pas être ignorée de l’assuré, les calculs de prestations complémentaires qui lui avaient été notifiés étaient manifestement erronés. L’assuré avait donc fait preuve de négligence grave en omettant de les communiquer.

Par jugement du 07.07.2021, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Dans le contexte de calculs erronés de prestations complémentaires, la personne assurée ne peut pas se prévaloir de sa bonne foi si elle a omis de contrôler ou a contrôlé de manière peu soigneuse la feuille de calcul et ne constate pas, de ce fait, une erreur facilement décelable (cf. par exemple arrêt 9C_318/2021 du 21 septembre 2021 consid. 3.2 et les arrêts cités). Constitue une question de fait celle de savoir si la personne assurée avait effectivement connaissance de l’erreur. En revanche, l’examen de l’attention exigible d’un ayant droit qui invoque sa bonne foi relève du droit et le Tribunal fédéral revoit librement ce point (art. 3 al. 2 CC; ATF 122 V 221 consid. 3; arrêt 9C_318/2021 précité consid. 3.3 et les références).

En l’espèce, l’assuré ne pouvait pas ignorer l’influence de sa situation locative sur le calcul des prestations complémentaires, en faisant preuve de l’attention requise de sa part, examinée à l’aune de ce qui peut raisonnablement être exigé d’une personne capable de discernement dans une situation identique et dans les mêmes circonstances (ATF 110 V 176 consid. 3d; SYLVIE PÉTREMAND, Commentaire romand, Loi sur la partie générale des assurances sociales, 2018, ch. 63 ss ad art. 25). En effet, tant la demande initiale qu’il avait remplie que le formulaire qui lui avait été adressé dans le cadre d’une révision périodique en début de l’année 2014 comprenaient une rubrique relative au logement.

Par ailleurs, l’assuré n’a pas non plus réagi pendant plusieurs années consécutives à réception des feuilles de calcul respectives, alors que celles-ci étaient manifestement et de façon reconnaissable fondées sur un état de fait qui ne correspondait plus à la réalité depuis le mois de juin 2014. En particulier, l’assuré aurait, même s’il n’avait qu’une faible connaissance du français et un niveau de formation peu élevé, dû s’apercevoir du fait que les loyers perçus depuis le mois de juin 2014 pour la location de son propre appartement n’y figuraient pas sous la rubrique des revenus. La négligence dont il a fait preuve dans le contrôle des feuilles de calcul ne saurait dès lors être qualifiée de légère. A cet égard, il ne saurait invoquer avec succès « la mauvaise administration de la caisse » parce que celle-ci aurait dû réagir notamment lorsqu’un courrier adressé à l’ancienne adresse le 27.07.2015 lui était revenu avec la mention d’un déménagement. Nonobstant le moment à partir duquel la caisse a eu connaissance du changement d’adresse, cet élément ne libérait pas l’assuré de son obligation d’annoncer les nouveaux revenus résultant de la location de son appartement – soit un changement de sa situation économique – voire de vérifier les feuilles de calcul régulièrement reçues.

En conséquence, la juridiction cantonale n’a pas violé l’art. 25 LPGA en retenant une négligence grave de l’assuré et en confirmant que les conditions d’une remise n’étaient pas réalisées.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_455/2021 consultable ici