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9C_325/2021 (f) du 21.12.2021 – Méthode extraordinaire de l’évaluation de l’invalidité / 16 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_325/2021 (f) du 21.12.2021

 

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Méthode extraordinaire de l’évaluation de l’invalidité / 28a LAI – 16 LPGA

 

Assuré, né en 1962, exploite en tant qu’indépendant une entreprise de menuiserie-charpenterie depuis 1988. Dépôt de la demande AI le 22.04.2016, en raison d’une incapacité de travail depuis octobre 2015 (opérations aux épaules consécutives à des accidents).

Eléments médicaux : l’assuré présentait une pleine capacité de travail dans son activité habituelle, avec toutefois une diminution de rendement de 75%, ainsi qu’une pleine capacité de travail dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles (port de charges limité à 5 kg, pas d’activités lourdes ni de travaux en élévation des bras).

1e enquête économique : l’enquêteur a fixé le taux d’invalidité à 44%, sur la base de la méthode extraordinaire d’évaluation.

Par projet de décision du 23.07.2018, l’office AI a informé l’assuré qu’il envisageait de lui reconnaître un droit à un quart de rente d’invalidité dès le 01.10.2016. L’intéressé a contesté le calcul de la rente et a conclu à l’octroi de trois quarts de rente, entraînant un nouveau complément du rapport de l’enquêteur économique, lequel a réévalué le taux d’invalidité à 35,46% (rapport du 27.09.2018).

Dans un nouveau projet de décision du 3 octobre 2018, l’office AI a informé l’assuré de son intention de lui dénier tout droit à une rente d’invalidité. Par décision du 28.01.2018, il a rejeté la demande de prestations de l’assuré, motif pris que le degré d’invalidité (35,46%) – déterminé selon la méthode extraordinaire d’évaluation – était insuffisant pour ouvrir le droit à une rente d’invalidité.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 04.05.2021, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Le choix de la méthode d’évaluation de l’invalidité est une question de droit sur laquelle le Tribunal fédéral se prononce librement (arrêt 9C_337/2020 du 25 novembre 2020 consid. 3 et la référence).

 

Dans son écriture adressée à l’office AI le 28.02.2018, l’assuré a indiqué avoir adapté ses tâches professionnelles dans le but de réduire sa perte de gain, ensuite de l’apparition de ses problèmes de santé. Il a relevé avoir diminué ses activités de charpente ainsi que les travaux lourds et accomplir en contrepartie davantage de travaux de menuiserie, ce dont l’enquêteur économique a tenu compte dans son rapport complémentaire du 27.09.2018 pour réévaluer à la baisse la perte de gain. Il résulte en outre des faits constatés par la cour cantonale que l’assuré fait appel à du personnel temporaire en fonction des besoins, de sorte que les résultats d’exploitation de son entreprise dépendent d’au moins un facteur étranger à l’invalidité. Ainsi, les circonstances justifient le choix de l’office AI et de l’autorité précédente d’appliquer la méthode extraordinaire pour déterminer le taux d’invalidité, comme d’ailleurs requis par l’assuré dans son écriture du 28.02.2018.

Le fait que celui-ci invoque dorénavant l’application d’une autre méthode d’évaluation ne saurait suffire à admettre le bien-fondé de son grief. Rien n’interdisait par ailleurs à l’enquêteur économique de compléter son analyse dans son rapport complémentaire du 27.09.2018 pour aboutir à de nouvelles conclusions, ni à l’office AI de se fonder sur cette nouvelle évaluation pour rendre une décision qui s’écartait du premier projet de décision du 23.07.2018. Enfin, on ne voit pas en quoi l’office AI ou la juridiction cantonale auraient, en appliquant la méthode extraordinaire d’évaluation de l’invalidité, confondu la situation personnelle de l’assuré avec celle de son entreprise, comme le soutient l’assuré en se référant à la jurisprudence prohibant une telle confusion (cf. notamment arrêt 9C_236/2010 du 7 octobre 2009 consid. 3.4).

 

Les critiques de l’assuré concernant sa reconversion imposée dans une nouvelle activité salariée tombent à faux, dès lors que tant l’office AI que l’instance cantonale ont évalué le taux d’invalidité en tenant compte de son choix de poursuivre son activité habituelle moyennant certains aménagements. L’assuré ayant clairement exprimé ce choix et librement réorganisé son entreprise pour assurer la viabilité de celle-ci malgré les atteintes à sa santé, on ne voit pas que la cour cantonale aurait violé sa liberté économique.

 

Par ailleurs, les juges cantonaux n’ont pas retenu que son entreprise était tenue de renoncer à tout travail de charpente pour réduire le dommage; le rapport complémentaire de l’enquêteur économique du 27.09.2018, qui fonde le taux d’invalidité retenu de 35,46%, mentionne que l’on peut exiger de l’assuré qu’il accomplisse des travaux de menuiserie, avec une baisse de rendement, et qu’il renonce à accomplir lui-même les travaux de charpente pour les confier, sous sa surveillance et sa direction, à son ouvrier ou à des travailleurs temporaires. Par rapport à la première évaluation du taux d’invalidité ressortant du rapport complémentaire du 17.07.2018, le nouveau calcul présenté dans le rapport subséquent du 27.09.2018 prend mieux en compte les aménagements effectués dans l’entreprise ensuite de l’apparition des problèmes de santé de l’assuré, ainsi que ses limitations fonctionnelles, qui le handicapent plus lourdement dans des travaux de charpente que dans ceux en principe plus légers de menuiserie. La nouvelle évaluation du taux d’invalidité, arrêté à 35,46%, reflète davantage les activités encore exigibles de la part de l’assuré, dont il a fait état dans son courrier du 28.02.2018, que l’évaluation précédente ayant abouti à un taux d’invalidité de 44%. Il convient de s’y tenir. Dès lors, par ailleurs, que l’assuré a voulu maintenir son activité habituelle sans envisager une reconversion professionnelle, il devait s’attendre à devoir aménager certains champs d’activité en fonction des limitations mises en évidence par les médecins. A cet égard, c’est en vain qu’il soutient que les travaux de charpente ne pourraient pas être effectués sans lui, alors qu’il avait l’habitude – déjà avant la survenance de l’atteinte à la santé – de recourir à l’aide d’auxiliaires temporaires en cas de besoin.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_325/2021 consultable ici

 

 

9C_136/2021 (f) du 10.12.2021 – Dysphorie de genre – Interventions chirurgicales cranio-maxillo-faciales et de féminisation du visage pratiquées à l’étranger / Assurance obligatoire des soins – Traitement médical effectué à l’étranger / 34 LAMal – 36 OAMal

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_136/2021 (f) du 10.12.2021

 

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Dysphorie de genre – Interventions chirurgicales cranio-maxillo-faciales et de féminisation du visage pratiquées à l’étranger

Assurance obligatoire des soins – Traitement médical effectué à l’étranger / 34 LAMal – 36 OAMal

 

Assurée, née en 1974, suivie par le Service de psychiatrie de liaison et le Service d’endocrinologie de l’Hôpital B.__ dans le contexte d’une dysphorie de genre (réassignation du genre masculin vers le genre féminin) depuis septembre 2017.

A la demande des médecins de l’assurée, la caisse-maladie a accepté de prendre en charge les frais d’une épilation définitive du visage au laser, d’une mammoplastie et d’une vaginoplastie en Suisse.

La caisse-maladie a en revanche refusé la prise en charge en Suisse des frais d’une septorhinoplastie de féminisation et d’une génioplastie demandées le 03.05.2018 (décision du 27.02.2019). Ensuite de l’opposition qu’elle a formée contre cette décision, l’assurée a annoncé le 08.07.2019 à la caisse-maladie qu’elle s’était soumise à une intervention tendant à la féminisation faciale dans une clinique à Marseille (France) le 10.07.2018 (frontoplastie, rhinoplastie de réduction et génioplastie de recul). Elle a produit l’avis du docteur E.__, spécialiste en chirurgie maxillo-faciale et stomatologie, qui a procédé à l’intervention chirurgicale, puis de la doctoresse F.__, psychiatre traitante. En se fondant sur l’avis de son médecin conseil, spécialiste en médecine physique et réadaptation, la caisse-maladie a réformé la décision du 27.02.2019, en ce sens que le coût de l’intervention du 10.07.2018 d’un montant de 15’905 euros n’est pas à la charge de l’assurance obligatoire des soins (décision sur opposition du 28.11.2019).

 

Procédure cantonale (arrêt AM 2/20-4/2021 – consultable ici)

Par jugement du 19.01.2021, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Le jugement entrepris expose de manière complète les dispositions légales et la jurisprudence en la matière, notamment les conditions auxquelles un traitement médical effectué à l’étranger doit être pris en charge par l’assurance obligatoire des soins (art. 34 LAMal et 36 OAMal). Il suffit d’y renvoyer.

En particulier, reprenant les motifs de l’arrêt publié aux ATF 131 V 271 consid. 3.2, les premiers juges ont rappelé qu’une exception au principe de la territorialité selon l’art. 36 al. 1 OAMal, en corrélation avec l’art. 34 LAMal, n’est admissible que dans deux éventualités. Ou bien il n’existe aucune possibilité de traitement de la maladie en Suisse; ou bien il est établi, dans un cas particulier, qu’une mesure thérapeutique en Suisse, par rapport à une alternative de traitement à l’étranger, comporte pour le patient des risques importants et notablement plus élevés. Il s’agit, en règle ordinaire, de traitements qui requièrent une technique hautement spécialisée ou de traitements complexes de maladies rares pour lesquelles, en raison précisément de cette rareté, on ne dispose pas en Suisse d’une expérience diagnostique ou thérapeutique suffisante. En revanche, quand des traitements appropriés sont couramment pratiqués en Suisse et qu’ils correspondent à des protocoles largement reconnus, l’assuré n’a pas droit à la prise en charge d’un traitement à l’étranger en vertu de l’art. 34 al. 2 LAMal. C’est pourquoi les avantages minimes, difficiles à estimer ou encore contestés d’une prestation fournie à l’étranger, ne constituent pas des raisons médicales au sens de cette disposition; il en va de même du fait qu’une clinique à l’étranger dispose d’une plus grande expérience dans le domaine considéré.

On précisera que l’assurée n’invoque à juste titre pas le droit de coordination de l’Union européenne, dont elle ne pourrait rien tirer en sa faveur, compte tenu des conditions posées par le droit communautaire en cas de soins programmés à l’étranger (cf. art. 20 du Règlement [CE] n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, modifié par le Règlement [CE] n° 988/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 [RS 0.831.109. 268.1]).

 

Selon les faits constatés par la juridiction cantonale, l’un des médecins de l’assurée (spécialiste en chirurgie cervico-faciale et médecin chef du Département des services de chirurgie et d’anesthésiologie de l’Hôpital B.__) a requis la prise en charge par l’assurance obligatoire des soins des frais d’une septorhinoplastie et d’une génioplastie le 03.05.2018. Dans sa requête, le chirurgien n’a énoncé aucune réserve quant à la disponibilité et à l’accessibilité de ces interventions chirurgicales en Suisse. Aucun médecin n’a en outre prétendu qu’une frontoplastie ne pouvait pas être réalisée en Suisse. Au contraire, le médecin-conseil a indiqué que cette intervention chirurgicale était disponible à la Clinique de chirurgie plastique et de chirurgie de la main de l’Hôpital H.__. A l’inverse de ce que prétend l’assurée, il ne résulte en outre pas de cet avis que cette intervention était disponible en Suisse dans ce seul établissement médical universitaire. Il ne revenait en effet pas au médecin-conseil de donner une liste exhaustive des centres médicaux où une frontoplastie était disponible, mais d’examiner au regard de l’ensemble des établissements hospitaliers aptes à dispenser des soins en Suisse si le traitement pouvait être fourni dans ce pays. Le médecin-conseil pouvait donc se limiter à mentionner l’un des centres fournissant cette prestation en Suisse. Dans ces conditions, la juridiction cantonale a retenu sans arbitraire que les prestations médicales dont le remboursement des frais était requis (septorhinoplastie, génioplastie et frontoplastie) pouvaient être fournies en Suisse (au sens de l’art. 36 al. 1 OAMal).

 

En ce qui concerne l’évaluation des raisons médicales au sens de l’art. 36 al. 1 OMal, en corrélation avec l’art. 34 LAMal, pour lesquelles l’assurée demande la prise en charge par l’assurance obligatoire des soins de l’intervention pratiquée à l’étranger, le Tribunal fédéral a rappelé que l’ensemble des circonstances caractérisant chaque cas concret doit être interprété de manière restrictive (ATF 145 V 170 consid. 2.3 et les références). La comparaison entre le risque important et notablement plus élevé d’une intervention médicale pratiquée en Suisse, par rapport à son alternative à l’étranger, doit en particulier être examinée selon des critères objectifs, fondés sur des éléments concrets et actuels, et non pas subjectifs tels que la crainte d’une opération (cf. ATF 145 V 170 consid. 7.5 et les références).

Reprenant l’argumentation qu’elle avait déjà développée devant l’instance cantonale, l’assurée fait valoir que le docteur E.__ disposerait d’une grande expérience dans le domaine de la chirurgie maxillo-faciale et de féminisation du visage, qu’il serait le seul médecin à pratiquer une frontoplastie, une rhinoplastie et une génioplastie lors de la même session opératoire et que la technique employée (la piézochirurgie) serait nettement moins invasive que la méthode traditionnelle pratiquée en Suisse, qui consisterait à casser les os. L’assurée ne fait donc pas valoir devant le Tribunal fédéral que la réalisation (successive) des interventions en cause comporteraient en Suisse des risques de complications élevées en raison de leur faible fréquence opératoire. Elle ne conteste d’ailleurs pas le fait que des septorhinosplasties et des génioplasties sont couramment pratiquées en Suisse. L’assurée ne peut donc rien tirer en sa faveur de l’arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, du 9 décembre 2015 (AM 67/09 – 4/2016, ZE09.036546) auquel elle se réfère et qui concerne l’examen du risque de complications d’interventions de la vagino-clitoroplastie en Suisse au regard de leur faible fréquence opératoire. Aussi, en se fondant sur les avantages d’une unique intervention chirurgicale, notamment en tant qu’elle permet d’éviter de renouveler l’anesthésie et le stress face à des opérations à répétition, l’assurée fait valoir des éléments qui entrent en considération dans les choix personnels en matière de soins médicaux, mais qui n’établissent nullement que l’offre suisse de soins impliquerait en la matière un risque important et notablement plus élevé que les soins existants à l’étranger. Ce serait par ailleurs remettre en cause le financement des soins en Suisse – et la planification hospitalière qui lui est intrinsèquement liée – que de reconnaître aux assurés le droit de se faire soigner aux frais de l’assurance obligatoire des soins dans un établissement très spécialisé à l’étranger afin d’obtenir les meilleures chances de guérison possibles ou de se faire traiter par les dernières innovations en date en matière de chirurgie (ATF 145 V 170 consid. 2.4 et les références). Partant, il n’y a pas lieu de s’écarter de l’appréciation des premiers juges selon laquelle les interventions chirurgicales en cause ne comportaient pas en Suisse des risques importants et notablement plus élevés que ceux de l’intervention du 10.07.2018, même s’ils nécessitaient deux, voire trois temps opératoires.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 9C_136/2021 consultable ici

 

6B_659/2021 (f) du 24.02.2022 – Tardiveté du recours – 100 LTF / Effets secondaires à la deuxième dose du vaccin contre le Covid-19 ayant empêché le mandataire de finaliser son mémoire / Demande de restitution du délai de recours rejetée – 50 LTF

Arrêt du Tribunal fédéral 6B_659/2021 (f) du 24.02.2022

 

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Tardiveté du recours / 100 LTF

Effets secondaires à la deuxième dose du vaccin contre le Covid-19 ayant empêché le mandataire de finaliser son mémoire

Demande de restitution du délai de recours rejetée / 50 LTF

 

Par jugement du 03.06.2020, le tribunal criminel a condamné A.__ pour actes d’ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance (art. 191 CP) et pour contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants (art. 19a ch. 1 LStup) à une peine privative de liberté de 30 mois, dont 12 mois ferme et 18 mois avec sursis pendant 3 ans, ainsi qu’à une amende de 200 francs. Outre une indemnité de 6’314 fr. 50 à titre de l’art. 433 CPP, A.__ a été astreint à verser à C.__ un montant de 5’000 fr. à titre de réparation morale.

Statuant par jugement du 20.04.2021 sur l’appel de A.__ ainsi que sur l’appel joint du ministère public, la Cour pénale du tribunal cantonal les a rejetés et a confirmé le jugement du 03.06.2020.

Le 27.05.2021, l’avocat B.__, en sa qualité de mandataire de A.__, a sollicité du Tribunal fédéral une prolongation du délai pour former un recours en matière pénale contre le jugement d’appel du 20.04.2021. En substance, le mandataire a expliqué avoir fait une « réaction très agressive » à la deuxième dose du vaccin Moderna contre le Covid-19, qu’il s’était vu administrer la veille. Cette circonstance l’empêchait de finaliser son mémoire de recours dans le délai légal de 30 jours (cf. art. 100 al. 1 LTF), qui arrivait à échéance ce même 27.05.2021.

Par avis du 28.05.2021, la Présidente de la Cour de droit pénal a informé le mandataire que sa demande ne serait pas formellement traitée, le renvoyant à cet égard à l’art. 47 al. 1 LTF, aux termes duquel les délais fixés par la loi ne peuvent être prolongés.

Par acte du 02.06.2021, remis à la poste le même jour selon le timbre postal, A.__ forme, par l’intermédiaire de son mandataire, un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre le jugement du 20.04.2021. Le mandataire du recourant présente en outre une demande de restitution de délai (cf. art. 50 LTF), se prévalant d’avoir été dans l’incapacité, pour cause de maladie, d’expédier au Tribunal fédéral son recours dans le délai légal de 30 jours (art. 100 al. 1 LTF).

 

TF

Tardiveté du recours

Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les trente jours qui suivent la notification de l’expédition complète (art. 100 al. 1 LTF). S’agissant d’un délai fixé par la loi, il ne peut pas être prolongé (cf. art. 47 al. 1 LTF; arrêts 2C_140/2022 du 11 février 2022 consid. 2.1; 6B_28/2018 du 7 août 2018 consid. 3.2.1).

Les délais dont le début dépend d’une communication ou de la survenance d’un événement courent dès le lendemain de celles-ci (art. 44 al. 1 LTF). En vertu de l’art. 48 al. 1 LTF, les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l’attention de ce dernier, à La Poste suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse.

En l’espèce, le jugement attaqué a été notifié au mandataire du recourant le 27.04.2021. Ayant ainsi commencé à courir dès le 28.04.2021, le délai de trente jours est arrivé à échéance le 27.05.2021, sans que la demande de prolongation de délai formulée ce même jour soit opérante d’une quelconque manière.

Il s’ensuit que le recours, déposé le 02.06.2021, est tardif.

 

Demande de restitution du délai de recours

Conformément à l’art. 50 al. 1 LTF, si, pour un autre motif qu’une notification irrégulière, la partie ou son mandataire a été empêché d’agir dans le délai fixé sans avoir commis de faute, le délai est restitué pour autant que la partie en fasse la demande, avec indication du motif, dans les 30 jours à compter de celui où l’empêchement a cessé; l’acte omis doit être exécuté dans ce délai.

La restitution du délai est ainsi subordonnée à la condition qu’aucun reproche ne puisse être formulé à l’encontre de la partie ou de son mandataire. La restitution d’un délai au sens de l’art. 50 al. 1 LTF suppose donc l’existence d’un empêchement d’agir dans le délai fixé, lequel doit être non fautif (cf. arrêt 6B_1079/2021 du 22 novembre 2021 consid. 2.1, destiné à la publication, et les références citées). Une maladie subite d’une certaine gravité qui empêche la personne intéressée de se présenter ou de prendre à temps les dispositions nécessaires peut justifier une restitution de délai. Seule la maladie survenant à la fin du délai de recours et l’empêchant de défendre elle-même ses intérêts ou de recourir à temps aux services d’un tiers constitue un tel empêchement (arrêts 1B_627/2021 du 9 février 2022 consid. 2; 5A_280/2020 du 8 juillet 2020 consid. 3.1.1 in SJ 2020 I p. 465; cf. ATF 112 V 255 consid. 2a); une incapacité de travail pour cause de maladie, sans autre précision sur la nature et la gravité de celle-ci, ne suffit pas encore pour admettre que la partie requérante aurait été empêchée d’agir. Aussi, la maladie doit être établie par des attestations médicales pertinentes, la seule allégation d’un état de santé déficient ou d’une incapacité de travail n’étant pas suffisante pour établir un empêchement d’agir au sens de l’art. 50 al. 1 LTF (arrêts 9C_519/2021 du 11 octobre 2021; 6B_1329/2020 du 20 mai 2021 consid. 1.3.3; 6B_28/2017 du 23 janvier 2018 consid. 1.3; 6B_230/2010 du 15 juillet 2010 consid. 2.2).

Pour trancher la question de la restitution du délai de recours au Tribunal fédéral, une partie doit se laisser imputer la faute de son représentant (arrêt 6B_1244/2020 du 15 décembre 2020 consid. 2; cf. ATF 143 I 284 consid. 1.3; arrêt 4A_52/2019 du 20 mars 2019 consid. 3.1 et les arrêts cités). De manière générale, une défaillance dans l’organisation interne de l’avocat (problèmes informatiques, auxiliaire en charge du recours, absence du mandataire principal) ne constitue pas un empêchement non fautif justifiant une restitution du délai (ATF 143 I 284 consid. 1.3 et les arrêts cités; arrêt 6B_1079/2021 précité consid. 2.1 et les références citées).

La sanction du non-respect d’un délai de procédure n’est pas constitutive de formalisme excessif, une stricte application des règles relatives aux délais étant justifiée par des motifs d’égalité de traitement et par un intérêt public lié à une bonne administration de la justice et à la sécurité du droit (cf. ATF 104 Ia 4 consid. 3; arrêts 6B_1079/2021 précité consid. 2.1 et les références citées; 4A_207/2019 du 17 août 2020 consid. 4.3 non publié in ATF 146 III 413; cf. également arrêts CourEDH Üçdag contre Turquie du 31 août 2021, requête n° 23314/19, § 38; Sabri Günes contre Turquie du 29 juin 2012, requête n° 27396/06, §§ 39 ss et 56 s.).

 

A l’appui de sa demande de restitution de délai du 02.06.2021, le mandataire du recourant se prévaut d’avoir subi une réaction allergique grave et inattendue, dès le 26.05.2021, soit à la veille de l’échéance du délai de recours, et jusqu’au 01.06.2021. Il explique avoir été atteint durant cette période « d’une sensation de forte fièvre et de grand froid, de frissonnements et de tremblements, de nausées, de vertiges, de forts maux de tête et d’une extrême fatigue invalidante ayant imposé un alitement constant ».

Si le mandataire ne l’évoque pas expressément dans sa demande de restitution, il ressort toutefois sans équivoque de son précédent courrier, adressé le 27.05.2021 au Tribunal fédéral et auquel il avait joint une attestation de vaccination, que ces affections auraient selon lui constitué des effets secondaires à la deuxième dose du vaccin Moderna contre le Covid-19 qui lui avait été administrée le 26.05.2021.

A la demande de restitution de délai était joint un certificat médical établi le 31.05.2021 par le Dr D.__, faisant état d’un « arrêt de travail » à 100% du 26.05.2021 au 01.06.2021.

Ce document n’évoque toutefois nullement les symptômes précédemment décrits, mais se limite à mentionner le terme « maladie » à titre de motif à l’arrêt de travail. Cela étant relevé, un tel certificat n’est pas apte à prouver que les affections subies par le mandataire du recourant avaient été plus sévères que les effets secondaires, habituels et notoirement connus au moment des faits, susceptibles de survenir dans les heures et jours suivant l’administration d’une dose de vaccin contre le Covid-19. Aussi, à tout le moins, il apparaît qu’en se faisant vacciner à la veille de l’échéance du délai légal de recours et en n’anticipant pas dans son organisation personnelle les possibles effets secondaires du vaccin, le mandataire a pris le risque de ne pas être pleinement en mesure de finaliser le mémoire de recours dans le délai utile.

Par ailleurs, alors qu’il ressort de l’attestation de vaccination produite à l’appui du courrier du 27.05.2021 que le mandataire avait reçu sa première dose de vaccin moins d’un mois auparavant (28.04.2021), ce dernier, né en xxx, ne fait pas état de motifs d’ordre médical ou d’autres circonstances nécessitant que la deuxième dose lui fût inoculée précisément le 26.05.2021, ni qu’il lui aurait été impossible de reporter cet acte de quelques jours compte tenu de l’échéance du délai survenant le lendemain.

L’attitude du mandataire n’étant ainsi pas exempte de reproches, celui-ci ne saurait se prévaloir que son empêchement de procéder dans le délai utile est indépendant de toute faute de sa part.

Par surabondance, il est observé que, le jour de l’échéance du délai (27.05.2021), alors que le mandataire affirmait dans son courrier du même jour au Tribunal fédéral être « dans l’incapacité de [s]e lever et de [s]e concentrer à quoi que ce soit » et rester « dans une sorte d’état léthargique », il a néanmoins été en mesure non seulement de rédiger et d’adresser le courrier précité, lequel détaille de manière précise ses symptômes et les motifs sous-tendant sa demande de prolongation de délai, mais également de contacter par téléphone le greffe de la Cour de droit pénal du Tribunal fédéral pour l’informer de sa situation.

Ces démarches effectuées le 27.05.2021 sont de nature à remettre en cause le caractère effectif et justifié de l’arrêt de travail à 100% tel qu’attesté par certificat médical pour la période du 26.05.2021 au 01.06.2021. Si le mandataire explique certes avoir sollicité « un proche » pour préparer et expédier le courrier en question, il ne mentionne toutefois pas son identité, ni ne prétend a fortiori que son audition comme témoin est susceptible d’attester de l’incapacité alléguée ou de la nécessité de l’aide apportée. En tout état, quand bien même le mandataire avait effectivement bénéficié d’une assistance, son état de santé lui a apparemment permis de donner à la personne évoquée ci-avant des instructions précises pour la rédaction de ce courrier, qui est muni du papier à en-tête de son étude et qu’il a par la suite personnellement signé. Il peut ainsi en être déduit que, moyennant éventuellement l’aide de cette personne, le mandataire aurait pu consacrer son énergie non pas à la rédaction d’une demande de prolongation de délai d’emblée dénuée de toute chance de succès, mais à celle de son mémoire de recours, qui était alors selon lui « en majeure partie fini », quitte à l’adresser sans les développements qu’il souhaitait encore y ajouter, cela au moins afin de préserver le délai légal. Le mandataire ne prétend pas non plus avoir cherché à contacter un confrère susceptible de terminer et d’expédier dans l’urgence l’acte de recours en matière pénale, ni du reste avoir informé le principal intéressé au respect du délai, à savoir le recourant.

Enfin, contrairement à ce que le mandataire sous-entend, il est très improbable que de quelconques garanties, quant au bien-fondé de sa demande de prolongation de délai, lui aient été données à l’occasion de son contact téléphonique du 27.05.2021 avec une collaboratrice du greffe de la Cour de droit pénal. A tout le moins, le mandataire, en tant que professionnel du droit, ne pouvait pas raisonnablement s’en rapporter, l’impossibilité de prolonger les délais légaux étant un principe élémentaire du droit fédéral de procédure, déduit non seulement de l’art. 47 al. 1 LTF, mais notamment également des art. 89 al. 1 CPP, 144 al. 1 CPC et 22 al. 1 PA.

 

Au surplus, le recourant ne présente aucun grief relatif à ses droits à un procès équitable et à une défense efficace (cf. notamment art. 6 par. 1 et 3 let. c CEDH).

Il est néanmoins renvoyé, quant à ces aspects, aux développements contenus dans l’arrêt 6B_1079/2021 déjà évoqué (cf. en particulier consid. 2.4 à 2.6, destinés à la publication). Il doit en être déduit qu’en l’espèce également, en dépit de la portée que revêt le recours s’agissant notamment des peine et mesure prononcées (3 ans de peine privative de liberté, dont 1 an ferme, et 5 ans d’expulsion du territoire suisse), il ne saurait être fait d’exception au bénéfice du recourant, compte tenu des principes de la sécurité du droit, de la légalité et de l’égalité de traitement (cf. art. 5 al. 1 et 8 al. 1 Cst.; arrêt 6B_1079/2021 précité consid. 2.8).

 

Au vu de ce qui précède, la demande de restitution du délai de recours doit être rejetée. Le recours, déposé tardivement, est donc irrecevable.

 

Le recours étant ainsi dénué de chances de succès, la requête d’assistance judiciaire doit être rejetée. Néanmoins, en dérogation à la règle générale posée à l’art. 66 al. 1 LTF, il se justifie de mettre les frais judiciaires à la charge du mandataire du recourant en raison de la grave négligence à l’origine de l’irrecevabilité du recours (cf. arrêts 6B_1079/2021 précité consid. 3; 6B_1244/2020 précité consid. 3; ATF 129 IV 206 consid. 2).

 

 

Arrêt 6B_659/2021 consultable ici

 

8C_445/2021 (f) du 14.01.2022 – Chute sur l’épaule – Lésion de la coiffe des rotateurs – 4 LPGA – 6 al. 1 LAA vs 6 al. 2 LAA / Causalité naturelle – Controverse scientifique

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_445/2021 (f) du 14.01.2022

 

Consultable ici

 

Chute sur l’épaule – Lésion de la coiffe des rotateurs / 4 LPGA – 6 al. 1 LAA vs 6 al. 2 LAA

Causalité naturelle – Controverse scientifique

 

Assurée travaillant à temps partiel (40%) comme aide-vendeuse.

Le 23.02.2018, elle a fait une chute dans les escaliers, se réceptionnant sur le genou gauche et l’épaule droite. Diagnostics retenus aux urgences : plaie profonde du genou de 7 cm de longueur et contusion de l’épaule droite sans fracture, précisant que l’assurée présentait au niveau de cette épaule « une impotence fonctionnelle sur douleur ».

Une IRM de l’épaule droite réalisée le 03.05.2018 a mis en évidence une tendinopathie sévère du sous-épineux s’étendant jusqu’à la jonction musculo-tendineuse, une fissure transfixiante de 3 mm à l’insertion du bord antérieur du sus-épineux, une bursite sous-acromiale, ainsi qu’une probable entorse d’un os acromial. En juin 2018, le spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur consulté a notamment retenu une déchirure transfixiante des tendons des sus-épineux et sous-épineux et posé l’indication d’une intervention chirurgicale. Le 14.08.2018, l’assurée a subi une arthroscopie avec ténotomie du biceps, synovectomie, décompression sous-acromiale sans acromioplastie et reconstruction de la coiffe (2 tendons double rangée; 4 ancres).

Requis de se prononcer sur le lien de causalité entre l’accident et les troubles à l’origine de l’intervention, le médecin-conseil a déclaré que l’assurée présentait très certainement un état préexistant précaire de son épaule droite. Selon lui, en raison de l’action vulnérante de l’événement et de la documentation radiologique et d’imagerie, la symptomatologie avait seulement été révélée – et non pas causée – par la contusion subie le 23.02.2018 et aurait pu débuter n’importe quand, soit spontanément, soit en réponse à d’autres événements ordinaires ou extraordinaires de la vie tels que des efforts ou des contusions bénignes; pour une contusion, le statu quo sine était atteint un mois après l’accident.

Sur cette base, l’assurance-accidents a mis fin au versement de ses prestations avec effet au 23.03.2018, par décision du 02.10.2018.

L’assurée a formé opposition contre cette décision en produisant un rapport du chirurgien traitant. Ce praticien y indiquait que l’IRM de l’épaule droite du 03.05.2018 montrait « un mélange de signes dégénératifs et de signes d’un traumatisme aigu avec rupture traumatique et accidentelle des deux tendons de la coiffe des rotateurs ». Il contestait l’avis du médecin-conseil pour les raisons suivantes: premièrement, l’assurée était jeune (43 ans) et avait subi une chute majeure; deuxièmement, elle n’avait pas de problème à l’épaule avant l’accident, si bien que dans une telle constellation, une déchirure transfixiante de la coiffe des rotateurs était très peu vraisemblable malgré quelques signes dégénératifs coexistants; troisièmement, plusieurs tendons de la coiffe des rotateurs présentaient une trophicité normale et il existait une infiltration graisseuse partielle de moins de 25% du muscle sous-épineux associé à un état oedémateux du tendon du sous-épineux du foot print jusqu’à la jonction musculo-tendineuse, ce qui était un signe spécifique pour des lésions du muscle et du tendon décrits par la littérature et était compatible avec une lésion à la suite d’un accident survenu en février 2018.

L’assurance-accidents a alors soumis le dossier de l’assurée à un deuxième de ses médecins-conseil. Dans une appréciation du 08.04.2019, ce médecin a réfuté les arguments de son confrère: il ne s’agissait pas d’un accident avec une énergie cinétique élevée, l’assurée ayant fait une simple chute de sa hauteur; l’existence de calcifications intra-tendineuses correspondait à des lésions de tendinite chronique et ancienne, soit à une pathologie dégénérative qui, en dépit du jeune âge de l’assurée, préexistait à l’accident; des lésions diffuses des tendons de la coiffe et une infiltration graisseuse du corps musculaire témoignaient de la survenue d’une rupture bien antérieure. L’ensemble de ces lésions constituait un état antérieur que la contusion de l’épaule avait déstabilisé de façon temporaire. Eu égard à cet état dégénératif préexistant, le second médecin-conseil a fixé à trois mois la durée de récupération fonctionnelle de la contusion.

Le 29.04.2019, l’assurance-accidents a partiellement admis l’opposition en ce sens qu’elle a prolongé la prise en charge du cas jusqu’au 23.05.2018.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 69/19 – 53/2021 – consultable ici)

La cour cantonale n’a pas été convaincue par les explications du premier médecin-conseil, selon lequel le mécanisme de l’accident n’était pas approprié pour solliciter les tendons de la coiffe des rotateurs au-delà de leur point de rupture. Ce dernier avait sous-estimé l’importance de l’événement accidentel: l’assurée n’était pas simplement tombée de sa hauteur mais avait fait une chute dans les escaliers qui lui avait occasionné une contusion et une dermabrasion au niveau de l’épaule ainsi qu’une plaie profonde au genou gauche. Une telle chute comportait en soi un risque potentiel de blessures graves, notamment à l’épaule, et ne pouvait pas être qualifiée de bénigne. Par ailleurs, les deux médecins-conseils avaient passé sous silence que l’assurée avait présenté une impotence immédiate de son épaule droite. Or, d’après la littérature médicale la plus récente (Alexandre Lädermann et al., Lésions transfixiantes dégénératives ou traumatiques de la coiffe des rotateurs, in Swiss Medical Forum, 2019, p. 263), une atteinte immédiate de la mobilité active en élévation ou en rotation externe, ou encore le développement d’une épaule pseudoparalytique était classiquement retrouvée après un accident. Il n’était certes pas contestable que l’assurée présentait un certain nombre de lésions dégénératives préexistantes. Toutefois, les deux médecins-conseil avaient fourni une appréciation médicale indifférenciée de la situation de l’assurée, sans procéder à une analyse détaillée de chaque lésion constatée. Leur raisonnement, fondé sur la seule présence d’atteintes dégénératives préexistantes, ne permettait pas d’exclure que certaines lésions aient pu trouver leur origine dans l’événement traumatique subi, d’autant que le chirurgien traitant avait précisé que l’infiltration graisseuse partielle de moins de 25% du muscle, observée en mai 2018, était compatible avec une lésion survenue en février 2018. En conclusion, la cour cantonale a retenu qu’il existait une relation de causalité probable entre l’accident et la déchirure transfixiante des tendons des sus-épineux et sous-épineux. Au vu de l’art. 36 al. 1 LAA, c’était donc à tort que l’assurance-accidents avait refusé de prester au-delà du 23.05.2018.

Par jugement du 10.05.2021, admission du recours par le tribunal cantonal, annulant la décision sur opposition.

 

TF

Consid. 3
Le 1er janvier 2017 est entrée en vigueur la modification du 25 septembre 2015 de la LAA. Dans la mesure où l’accident assuré est survenu après cette date, le nouveau droit s’applique.

Aux termes de l’art. 6 LAA dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2017, les prestations d’assurance sont allouées en cas d’accident professionnel, d’accident non professionnel et de maladie professionnelle (al. 1); l’assurance alloue aussi ses prestations pour les lésions corporelles suivantes, pour autant qu’elles ne soient pas dues de manière prépondérante à l’usure ou à une maladie: [a. à e.]; f. les déchirures de tendons; [g. à h.] (al. 2); l’assurance alloue en outre ses prestations pour les lésions causées à l’assuré victime d’un accident lors du traitement médical (al. 3).

Dans un arrêt publié aux ATF 146 V 51, le Tribunal fédéral a examiné les répercussions de la modification législative relative aux lésions corporelles assimilées à un accident. Il s’est notamment penché sur la question de savoir quelle disposition était désormais applicable lorsque l’assureur-accidents avait admis l’existence d’un accident au sens de l’art. 4 LPGA et que l’assuré souffrait d’une lésion corporelle au sens de l’art. 6 al. 2 LAA. Le Tribunal fédéral a admis que dans cette hypothèse, l’assureur-accidents devait prendre en charge les suites de la lésion en cause sur la base de l’art. 6 al. 1 LAA; en revanche, en l’absence d’un accident au sens juridique, le cas devait être examiné sous l’angle de l’art. 6 al. 2 LAA (ATF 146 V 51 consid. 9.1, résumé dans la RSAS 1/2020 p. 33 ss.; arrêt 8C_169/2019 du 10 mars 2020 consid. 5.2).

En l’espèce, il est admis que la chute de l’assurée dans les escaliers du 23.02.2018 répond à la définition légale de la notion d’accident dans le domaine des assurances sociales. Par ailleurs, les investigations médicales ont mis à jour (entre autres) une déchirure transfixiante de deux tendons de la coiffe des rotateurs. Ces lésions constituent des lésions assimilées à un accident au sens de l’art. 6 al. 2 LAA. Au vu de la jurisprudence susmentionnée, c’est à juste titre que la cour cantonale a examiné la question du droit aux prestations de l’assurée à l’aune de l’art. 6 al. 1 LAA et on peut renvoyer à son arrêt en ce qui concerne le rappel, dans ce contexte, de l’art. 36 al. 1 LAA ainsi que des notions de statu quo ante/statu quo sine applicables lorsque l’atteinte à la santé n’est que partiellement imputable à l’accident en raison d’un état maladif préexistant (cf. ATF 146 V 51 consid. 5.1 in fine).

Consid. 4.2
L’assurance-accidents reproche aux juges cantonaux d’avoir apprécié les avis médicaux et constaté les fait pertinents de manière arbitraire. […] Ce serait à tort que la cour cantonale a fait grand cas de l’existence d’une impotence initiale en s’appuyant sur un article du docteur Lädermann. Au demeurant, l’avis de ce médecin ne ferait pas autorité, dans la mesure où d’autres auteurs retiennent que la présence d’une impotence ne signifie pas que l’on se trouve en présence d’une déchirure accidentelle de la coiffe des rotateurs (Luzi Dubs, Bruno Soltermann, Josef E. Brandenberg, Philippe Luchsinger, Evaluation médicale ciblée après traumatisme de l’épaule – Causes des lésions isolées de la coiffe des rotateurs et leur diagnostic médical d’assécurologie, in Infoméd/Medinfo, n° 2021/1, p. 2 ch. 2).

Consid. 4.3
Contrairement à ce que soutient l’assurance-accidents, il ne ressort pas de la jurisprudence fédérale qu’un traumatisme consistant en un choc direct sur l’épaule ne serait jamais de nature à causer une lésion de la coiffe des rotateurs. Dans l’arrêt le plus récent cité par l’assurance-accidents (8C_59/2020 du 14 avril 2020), le Tribunal fédéral a justement souligné que la question faisait l’objet d’une controverse dans la littérature médicale récente (voir le consid. 5.4 de cet arrêt). Il a considéré qu’il n’y avait pas lieu de donner une trop grande importance au critère du mécanisme accidentel pour l’examen du lien de causalité, eu égard aux difficultés à reconstituer avec précision le déroulement de l’accident sur la base des déclarations de la victime. Il convenait bien plutôt, sous l’angle médical, de mettre en présence et de pondérer entre eux les différents critères pertinents plaidant en faveur ou en défaveur du caractère traumatique de la lésion, de manière à déterminer l’état de fait présentant une vraisemblance prépondérante (voir également l’arrêt 8C_672/2020 du 15 avril 2021 consid. 4.1.3 et 4.5).

En l’occurrence, les médecins-conseils de l’assurance-accidents et le chirurgien traitant ne s’accordent que sur un seul point, à savoir que l’assurée présente des signes dégénératifs à son épaule droite; on peut également noter qu’aucun d’entre eux n’a mentionné l’atteinte fonctionnelle initiale chez l’assurée en tant qu’élément à prendre en compte pour se prononcer sur le lien de causalité. Leurs prises de position respectives quant à l’importance et à la portée à donner, dans leur examen de cette question, à l’état antérieur préexistant associé à d’autres facteurs tels que l’action vulnérante de l’événement, l’âge et l’absence de problèmes à l’épaule avant l’accident, de même que l’interprétation de l’imagerie (en particulier relative au pourcentage d’infiltration graisseuse du muscle sous-épineux), sont tellement divergentes qu’il apparaît difficile de les départager sans connaissances médicales spécialisées. En effet, on ne voit pas, dans les explications avancées de part et d’autre, de motifs reconnaissables pour le juge qui justifieraient d’écarter d’emblée un avis au profit de l’autre en raison d’une valeur probante insuffisante. On ignore également si tous les facteurs médicalement déterminants ont effectivement été pris en compte.

Aussi, dans la mesure où le cas de l’assurée a été réglé sans avoir recours à une expertise et où il existe bien des doutes sur la fiabilité et la validité des constatations des médecins-conseils de l’assurance-accidents, on se trouve dans la situation visée par la jurisprudence qui impose de mettre en œuvre une expertise par un médecin indépendant. Vu qu’il appartient en premier lieu à l’assureur-accidents de procéder à des instructions complémentaires pour établir d’office l’ensemble des faits déterminants et, le cas échéant, d’administrer les preuves nécessaires avant de rendre sa décision (art. 43 al. 1 LPGA; ATF 132 V 368 consid. 5; arrêt 8C_412/2019 du 9 juillet 2020 consid. 5.4 et ses références), la cause ne sera pas renvoyée à l’autorité cantonale, comme le requiert l’assurance-accidents, mais à cette dernière, afin qu’elle mette en œuvre une expertise dans une procédure au sens de l’art. 44 LPGA et rende une nouvelle décision sur le droit aux prestations de l’assurée au-delà du 23.05.2018. En ce sens, le recours se révèle bien fondé.

 

Le TF admet partiellement le recours de l’assurance-accidents, annule le jugement cantonal et la décision sur opposition.

 

 

Arrêt 8C_445/2021 consultable ici

 

8C_355/2021 (d) du 25.11.2021 – Choc direct sur l’épaule – Lésion de la coiffe des rotateurs – 4 LPGA – 6 al. 1 LAA / Causalité naturelle – Controverse entre médecins

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_355/2021 (d) du 25.11.2021

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi

 

Choc direct sur l’épaule – Lésion de la coiffe des rotateurs / 4 LPGA – 6 al. 1 LAA

Causalité naturelle – Controverse entre médecins

Sens à donner aux termes « post » ou « post-traumatique »

 

Assuré, né en 1969, engagé depuis le 01.09.2018 comme collaborateur sécurité. Déclaration d’accident du 26.03.2019 : il a été projeté le 02.03.2019 contre une porte du centre de transition, lors d’une bousculade, ce qui lui a occasionné une blessure à l’épaule droite. IRM du 16.04.2019 : diagnostic de lésion partielle post-traumatique du tendon sus-épineux avec bursite sous-acromiale. Le 28.06.2019, l’assurance-accidents a donné une garantie de prise en charge pour une reconstruction du tendon sus-épineux, intervention réalisée le 05.09.2019. Se fondant sur une évaluation de son médecin-conseil, spécialiste en chirurgie générale et traumatologie, l’assurance-accidents a suspendu ses prestations avec effet rétroactif au 16.04.2019, motif pris que la rupture partielle de la coiffe des rotateurs n’était pas imputable à l’événement du 2 mars 2019.

 

Procédure cantonale (arrêt UV.2020.00068 – consultable ici)

La cour cantonale a constaté que le médecin-conseil était incontestablement parti d’un diagnostic de la liste selon l’art. 6 al. 2 LAA concernant la rupture partielle du tendon sus-épineux. L’assurance-accidents aurait reconnu l’événement du 02.03.2019 comme un accident au sens de l’art. 4 LPGA. Elle est donc tenue de verser des prestations pour les conséquences de l’accident jusqu’à ce que celui-ci n’en soit plus la cause naturelle et adéquate, c’est-à-dire jusqu’à ce que l’atteinte à la santé soit uniquement et exclusivement due à des causes étrangères à l’accident. Par ailleurs, le tribunal cantonal a accordé une pleine valeur probante aux avis du médecin-conseil, par lesquels il concluait que l’événement avait engendré une contusion de l’épaule droite. L’accident du 2 mars 2019 n’a, au degré de la vraisemblance prépondérante, pas entraîné de lésions structurelles décelables dans l’articulation de l’épaule droite sous la forme d’une rupture tendineuse, mais seulement une aggravation temporaire d’un état dégénératif antérieur. Par conséquent, à partir de la date de l’examen IRM du 16.04.2019, soit six bonnes semaines après l’accident, l’assurance-accidents a considéré à juste titre que les causes étaient exclusivement étrangères à l’accident et a pu suspendre ses prestations.

Par jugement du 25.02.2021, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 6.1
Comme l’a constaté l’instance cantonale, il n’est pas contesté que la lésion litigieuse est une lésion de la liste – au sens de l’art. 6 al. 2 LAA – et que l’événement du 02.03.2019 est un accident au sens de l’art. 4 LPGA. La présente affaire doit donc être examiné uniquement sous l’angle de l’art. 6 al. 1 LAA (ATF 146 V 51 consid. 9.1 ; arrêts 8C_649/2019 du 4 novembre 2020 consid. 5.3 et 8C_412/2019 du 9 juillet 2020 consid. 5.2).

Consid. 6.3.1
Dans une première prise de position du 22.08.2019, le médecin-conseil a déclaré qu’en raison des modifications constatées à l’IRM et du pourcentage élevé de ruptures partielles de la coiffe des rotateurs avec l’âge, mentionné dans la littérature, la probabilité d’une origine dégénérative de la lésion tendineuse était supérieure à 50%. Le 05.02.2020, il a ajouté que, selon l’échographie et l’IRM, il ne s’agissait pas d’une rupture transmurale du tendon sus-épineux. Il existe cependant des signes clairs de tendinopathie/tendinose du tendon avec des ruptures partielles des fibres tendineuses. Il s’agit de modifications dégénératives. De plus, il existe un acromion de type III et une accumulation de liquide dans la bourse séreuse sous l’acromion. Ces deux éléments plaident en faveur d’un problème d’impingement étranger à l’accident avec lésion par frottement du tendon sus-épineux. Cela a été confirmé en peropératoire dans le sens de la pathologie de friction sous-acromiale décrite par le chirurgien traitant. Ce dernier aurait également mis en œuvre le traitement adéquat pour cela, en élargissant l’espace sous l’acromion osseux par une ablation de la surface inférieure de l’acromion (« acromioplastie »). Le médecin-conseil ne dit pas que l’assuré n’a pas subi de traumatisme. Toutefois, il estime que la lésion qui a conduit à l’opération n’est pas imputable à l’événement, au degré de la vraisemblance prépondérante.

Consid. 6.3.2
Dans la procédure d’opposition, l’assuré s’est d’abord référé à l’évaluation du chirurgien traitant. Ce dernier a indiqué qu’une tendinopathie du tendon du sus-épineux était très fréquente à partir de 45-50 ans et n’avait absolument aucune valeur de maladie. Cela n’explique pas à lui seul une rupture. En peropératoire, la forme de la rupture était localisée, soulevée et déchirée, de sorte que le résultat peropératoire correspondait à un événement traumatique. En ce sens, le chirurgien ne partage pas l’avis du médecin-conseil selon lequel il s’agit clairement d’une modification dégénérative. Il ne pouvait pas le prouver, car personne ne savait à quoi ressemblait l’épaule avant l’accident. Au niveau intra-articulaire, il n’y avait aucun signe de dégénérescence alors que les structures articulaires étaient très bien conservées.

Consid. 6.3.3
Dans la procédure de recours, le chirurgien traitant a pris à nouveau position et a expliqué qu’on ne pouvait pas plus prouver qu’il s’agissait de modifications dégénératives dans la zone de la rupture qu’on ne pouvait prouver une modification traumatique. Certes, l’assuré présente quelques modifications dégénératives et une configuration d’impingement, mais cela ne signifie pas pour autant qu’il souffrait d’une rupture avant le traumatisme. La rupture partielle côté bursite, très localisée chez l’assuré, est souvent déclenchée par un traumatisme. Il n’est pas possible de dire rétrospectivement ce qui était déjà altéré au niveau de ce tendon et il n’est pas non plus possible de le justifier médicalement. La pathologie de friction sous-acromiale est fréquente et ne signifie pas nécessairement que la rupture est également d’origine dégénérative. Il est donc faux de conclure que les modifications dégénératives sont la cause dégénérative de la rupture.

Consid. 6.4
Dans la mesure où l’instance cantonale a considéré que la valeur probante des rapports du chirurgien traitant était diminuée parce que ce dernier, dans un rapport antérieur du 09.04.2019, était d’abord parti d’un état après distorsion et donc d’un déroulement de l’accident non prouvé, cela n’est pas pertinent. Il faut convenir avec l’assuré que le chirurgien traitant n’a mentionné la distorsion que dans le rapport susmentionné et n’a posé qu’un diagnostic de suspicion. Après l’examen IRM du 16.04.2016, la distorsion ne figure plus dans ses rapports.

Ensuite, s’il est en principe conforme à la jurisprudence qu’il convient d’examiner dans chaque cas d’espèce le sens à donner aux termes « post » ou « post-traumatique » utilisés dans les rapports médicaux (cf. arrêt 8C_555/2018 du 17 octobre 2018 consid. 4.1.1 avec références), il n’en demeure pas moins qu’il n’est pas possible d’établir un lien de causalité entre ces deux termes.

Dans la mesure où le chirurgien traitant a fait référence dans ses deux prises de position à l’état antérieur inconnu de l’épaule, son argumentation – comme l’a également constaté l’instance précédente – se résume en partie à la maxime « post hoc ergo propter hoc », qui ne peut être retenue comme moyen de preuve (ATF 119 V 335 consid. 2b/bb ; SVR 2016 UV n° 18 p. 55, 8C_331/2015 consid. 2.2.3.1 ; arrêt 8C_672/2020 du 15 avril 2021 consid. 4.2). Ses explications ne se limitent toutefois pas à cela, puisqu’il s’est également référé à ses propres observations lors de l’opération du 05.09.2019. Son point de vue à ce sujet, selon lequel la forme de la rupture était locale, soulevée et déchirée, de sorte que le résultat peropératoire correspondrait à un événement traumatique, est en contradiction directe avec l’avis – contraire – du médecin-conseil, selon lequel les résultats peropératoires plaident en faveur d’une problématique d’impingement non accidentelle avec lésion par frottement du tendon sus-épineux.

En cas de doute, même faible, sur la fiabilité et la pertinence de l’appréciation des médecins internes à l’assurance, il convient de procéder à des examens complémentaires. En l’occurrence, de tels doutes existent au vu des évaluations médicales diamétralement opposées. Il n’y a pas seulement des divergences considérables en ce qui concerne les résultats peropératoires, mais également en ce qui concerne l’influence des modifications dégénératives existantes sur les lésions en question.

 

Le TF admet le recours de l’assuré, annule le jugement cantonal et renvoie la cause à l’instance inférieure pour instruction et nouveau jugement.

 

 

Arrêt 8C_355/2021 consultable ici

 

 

Proposition de citation : 8C_355/2021 (d) du 25.11.2021 – Choc direct sur l’épaule – Lésion de la coiffe des rotateurs, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2022/03/8c_355-2021)

8C_673/2020 (f) du 25.06.2021 – Chute sur l’épaule – Lésion de la coiffe des rotateurs – 4 LPGA – 6 al. 1 LAA (teneur avant le 01.01.2017) – 9 al. 2 OLAA / Rechute – Causalité naturelle – Controverse entre médecins

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_673/2020 (f) du 25.06.2021

 

Consultable ici

 

Chute sur l’épaule – Lésion de la coiffe des rotateurs / 4 LPGA – 6 al. 1 LAA (teneur avant le 01.01.2017) – 9 al. 2 OLAA

Rechute – Causalité naturelle – Controverse entre médecins

 

Assuré, né en 1979, comptable, a chuté à vélo le 16.06.2013, se réceptionnant sur l’épaule gauche. Consulté le 18.06.2013, le spécialiste en médecine générale a diagnostiqué une contusion de l’épaule gauche et a prescrit six séances de physiothérapie.

Le 02.06.2014, l’assuré a annoncé une rechute de cet accident. A l’issue d’une arthro-IRM de l’épaule gauche réalisée le 14.07.2014, le spécialiste en radiologie a posé le diagnostic de tendinopathie d’insertion du sus-épineux et de bursite sous-acromiale discrète. Le spécialiste en chirurgie orthopédique consulté par l’assuré a retenu une suspicion de lésion partielle du tendon du sus-épineux de l’épaule gauche. L’assurance-accidents a alloué les prestations d’assurance pour les suites de l’accident du 16.06.2013.

Le 01.09.2016, l’assuré a consulté un spécialiste en chirurgie de l’épaule, en raison de douleurs persistantes à l’épaule gauche. Ce médecin a diagnostiqué une probable lésion de la coiffe des rotateurs de l’épaule gauche et a préconisé une arthro-IRM, laquelle a mis en évidence, le 23.09.2016, un conflit sous-acromial avec fissuration centimétrique intra-tendineuse de l’enthèse du supra-épineux occupant plus de 80% de son épaisseur associée à une bursite sous-acromiale. Une nouvelle arthro-IRM, réalisée le 10.04.2017, a confirmé la déchirure du tendon du supra-épineux. Le spécialiste en chirurgie de l’épaule a alors préconisé une réparation arthroscopique du tendon du sus-épineux. L’assurance-accidents a soumis le cas au médecin-conseil, qui a indiqué que la relation de causalité entre l’accident du 16.06.2013 et les lésions constatées en septembre 2016 et en avril 2017 était tout au plus possible.

Par décision du 02.10.2017, l’assurance-accidents a refusé d’allouer toutes nouvelles prestations d’assurance pour les suites de l’accident du 16.06.2013.

Dans le cadre de l’opposition, l’assuré a produit un rapport des deux médecins, respectivement spécialiste en médecine interne et spécialiste en chirurgie de l’épaule et du coude. Se fondant sur un nouveau rapport du médecin-conseil, confirmant son appréciation précédente, l’assurance-accidents a rejeté l’opposition.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 39/18 – 143/2020 – consultable ici)

La cour cantonale a considéré que la rupture du tendon du sus-épineux sur près de 80% de son épaisseur objectivée pour la première fois par l’IRM du 23.09.2016 constituait une déchirure tendineuse, de sorte qu’elle devait être assimilée à un accident au sens de l’art. 9 al. 2 let. f OLAA. Elle a retenu que les deux avis du médecin-conseil ne permettaient pas de conclure à une cause exclusivement dégénérative, condition pour écarter la lésion assimilable à l’accident. En effet, il suffisait qu’un facteur extérieur fût une cause possible de la lésion, au moins à titre partiel, pour qu’une lésion assimilée à un accident fût admise. Cette assimilation devait être retenue même si elle avait, pour l’essentiel, une origine vraisemblablement maladive ou dégénérative, pour autant qu’une cause extérieure eût au moins déclenché les symptômes dont souffrait l’assuré. Or selon les juges cantonaux, tel était le cas pour ce dernier, dès lors qu’il avait été asymptomatique avant la chute accidentelle survenue le 16.06.2013 et qu’il ne ressortait d’aucune pièce au dossier que son épaule gauche présentait des lésions dégénératives préexistantes. Par ailleurs, la chute avait au moins partiellement déclenché tant la dégradation de l’état de l’épaule gauche que les douleurs ayant persisté depuis lors de manière fluctuante au fil du temps et des traitements, allant crescendo de 2013 à 2014, avant une nouvelle recrudescence algique rapportée dès le milieu de l’année 2015. La cour cantonale a conclu que dans la mesure où la déchirure du tendon du sus-épineux de l’épaule gauche de l’assuré était réputée imputable à l’accident du 16.06.2013, il incombait à l’assurance-accidents de la prendre en charge, même si cette atteinte avait pu trouver sa genèse dans la présence de troubles dégénératifs.

Par jugement du 24.09.2020, admission du recours par le tribunal cantonal et annulation de la décision sur opposition, l’assurance-accidents devant prendre en charge les suites de l’accident du 16.06.2013.

 

TF

Consid. 3
Le 1er janvier 2017 est entrée en vigueur la modification du 25 septembre 2015 de la LAA. A juste titre, la cour cantonale a retenu que dans la mesure où l’événement litigieux était survenu avant cette date, le droit de l’assuré aux prestations d’assurance pour la rechute de cet événement était soumis à l’ancien droit (cf. dispositions transitoires relatives à la modification du 25 septembre 2015; RO 2016 4375). Les dispositions visées seront donc citées ci-après dans leur teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2016.

Selon l’art. 6 al. 1 LAA, les prestations d’assurance sont allouées en cas d’accident professionnel, d’accident non professionnel et de maladie professionnelle. Le droit à des prestations découlant d’un accident assuré suppose d’abord, entre l’événement dommageable de caractère accidentel et l’atteinte à la santé, un lien de causalité naturelle. Cette exigence est remplie lorsqu’il y a lieu d’admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout, ou qu’il ne serait pas survenu de la même manière (ATF 129 V 177 consid. 3.1; 129 V 402 consid. 4.3.1; 119 V 335 consid. 1; 118 V 286 consid. 1b et les références).

Aux termes de l’art. 6 al. 2 LAA, le Conseil fédéral peut inclure dans l’assurance-accidents des lésions corporelles qui sont semblables aux conséquences d’un accident. En vertu de cette délégation de compétence, il a édicté l’art. 9 al. 2 OLAA, selon lequel certaines lésions corporelles sont assimilées à un accident même si elles ne sont pas causées par un facteur extérieur de caractère extraordinaire, pour autant qu’elles ne soient pas manifestement imputables à une maladie ou à des phénomènes dégénératifs. La liste exhaustive de l’art. 9 al. 2 OLAA mentionne les déchirures de tendons (let. f).

Savoir si l’événement assuré et l’atteinte en question sont liés par un rapport de causalité naturelle est une question de fait que l’administration, ou le cas échéant le juge, examine en se fondant essentiellement sur des renseignements d’ordre médical, et qui doit être tranchée à la lumière de la règle du degré de vraisemblance prépondérante (ATF 142 V 435 consid. 1 et les références).

Lorsqu’un cas d’assurance est réglé sans avoir recours à une expertise externe, l’appréciation des preuves est soumise à des exigences sévères: s’il existe un doute même minime sur la fiabilité et la validité des constatations du médecin de l’assurance, il y a lieu de procéder à des investigations complémentaires (ATF 139 V 225 consid. 5.2; 135 V 465 consid. 4.4). En effet, si la jurisprudence a reconnu la valeur probante des rapports médicaux des médecins-conseils, elle a souligné qu’ils n’avaient pas la même force probante qu’une expertise judiciaire ou une expertise mise en œuvre par un assureur social dans une procédure selon l’art. 44 LPGA (ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références).

Consid. 4.2
L’assurance-accidents ne conteste pas que la déchirure du tendon du sus-épineux constatée pour la première fois à l’IRM du 23.09.2016 constitue une lésion assimilée à un accident au sens de l’art. 9 al. 2 OLAA. Elle fait cependant valoir que, selon la jurisprudence, il y a lieu de conclure à une lésion exclusivement maladive ou dégénérative si la lésion corporelle (assimilée) ne peut pas être rattachée à l’accident en cause (arrêt 8C_61/2016 du 19 décembre 2016 consid. 5.1 et les arrêts cités). Or selon l’assurance-accidents, la déchirure du tendon du sus-épineux de l’épaule gauche de l’assuré ne pouvait pas être rattachée à l’accident du 16.06.2013 car cette lésion visible tant à l’IRM du 10.04.2017 qu’à l’arthro-IRM du 23.09.2016 était récente; en effet, les deux examens précités montraient une bonne trophicité sans infiltration graisseuse des différents corps musculaires de la coiffe des rotateurs, signant une lésion présente depuis moins d’une année.

Consid. 4.3
L’assuré conteste ce point de vue. Il fait valoir que l’appréciation du médecin-conseil, selon laquelle la bonne trophicité sans infiltration graisseuse des différents corps musculaires de la coiffe des rotateurs observée sur les IRM de 2016 et 2017 laissait supposer que la lésion était récente, ne tiendrait pas compte des autres avis médicaux au dossier. En effet, le spécialiste en chirurgie de l’épaule et du coude indiquait que l’IRM réalisée en 2014 montrait déjà une rupture quasi transfixiante du tendon du sus-épineux, ce qui corroborait l’appréciation du premier chirurgien orthopédique consulté, lequel avait déjà posé le diagnostic de suspicion d’une lésion partielle du tendon du sus-épineux de l’épaule gauche dans son rapport du 08.10.2014. En outre, selon la doctrine médicale versée au dossier, la question de l’infiltration graisseuse de la musculature de la coiffe des rotateurs était sujette à interprétation, celle-ci pouvant du reste n’apparaître qu’après trois ou quatre ans, toutes situations – accidentelle et non accidentelle – confondues (cf. A. Lädermann et al., Lésions transfixiantes dégénératives ou traumatiques de la coiffe des rotateurs, Forum médical suisse 2019, p. 264). En tout état de cause, l’assuré fait valoir que même si la lésion devait être considérée comme récente, il ne ferait aucun doute que l’accident du 16.06.2013 avait eu une influence sur cette lésion, le médecin-conseil ayant elle-même admis un lien de causalité possible.

Consid. 4.4
En l’occurrence, d’après le médecin-conseil, l’accident du 16.06.2013 avait tout au plus aggravé passagèrement des lésions préexistantes de nature dégénérative déjà présentes sur les radiographies de l’épaule et sur l’arthro-IRM du 14.07.2014. L’assuré n’avait pas consulté de spécialiste en 2013 ni en 2014 et aucune indication opératoire n’avait été retenue à cette époque. C’est l’arthro-IRM du 23.09.2016 qui avait révélé une rupture du tendon du sus-épineux. La comparaison entre l’IRM du 14.07.2014 et celle du 23.09.2016 montrait que la chute du 16.06.2013 n’avait pas entraîné la rupture de 80% du tendon du sus-épineux constatée à l’IRM du 23.09.2016.

De leur côté, les médecins de l’assuré ont constaté que l’assuré ne présentait pas d’antécédents au niveau de son épaule gauche et que l’IRM du 14.07.2014 montrait déjà une rupture quasi transfixiante du tendon du sus-épineux. Ce n’était toutefois que deux ans plus tard qu’une lésion quasi complète du tendon du sus-épineux avait été confirmée par les IRM du 23.09.2016 et du 10.04.2017. L’absence d’infiltration graisseuse des différents corps musculaires de la coiffe des rotateurs constatée à l’IRM de 2017 permettait de conclure à une étiologie traumatique de la lésion.

Prenant à nouveau position, le médecin-conseil a indiqué que l’IRM du 14.07.2014 avait montré une hétérogénéité avec un amincissement et un hypersignal T1 et T2 de l’extrémité du tendon à son insertion humérale, sans que le radiologue évoque une rupture même partielle de ce tendon. La musculature était décrite de trophicité normale. La bonne trophicité et l’absence d’involution graisseuse des différents corps musculaires de la coiffe des rotateurs constatés lors de l’IRM du 10.04.2017 excluaient totalement la présence d’une lésion du tendon du sus-épineux présente depuis près de quatre ans car l’involution graisseuse apparaissait environ une année après la rupture du tendon.

Consid. 4.5
Vu les avis contradictoires – et impossibles à départager sans connaissances médicales spécialisées – du spécialiste traitant et du médecin-conseil quant à l’existence d’un lien de causalité entre la déchirure du tendon du sus-épineux de l’assuré et l’accident du 16.06.2013, force est de constater que l’instruction de la cause ne permet pas de statuer sur le droit de l’assuré à des prestations d’assurance en lien avec la lésion précitée. Dans ces circonstances, il se justifie de renvoyer la cause à la juridiction cantonale pour qu’elle mette en œuvre une expertise judiciaire (ATF 135 V 465 consid. 4.6) afin de départager les opinions de ces deux médecins et rende un nouvel arrêt.

 

Le TF admet le recours de l’assurance-accidents, annule le jugement cantonal et renvoie la cause à l’instance inférieure pour nouvelle décision.

 

 

Arrêt 8C_673/2020 consultable ici

 

4A_378/2021 (f) du 12.10.2021 – Indemnités journalières LCA – Prétentions frauduleuses / 40 LCA

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_378/2021 (f) du 12.10.2021

 

Consultable ici

 

Indemnités journalières LCA – Prétentions frauduleuses / 40 LCA

 

A.__ (ci-après: l’assurée), dont le mari est actif au sein de la société, a signé un contrat de travail daté du 01.11.2016 avec C.__ SA (ci-après: la société). Aux termes de ce contrat, elle était engagée à plein temps (soit 42 heures par semaine en moyenne) dès le 06.11.2016 comme gestionnaire administrative pour un salaire mensuel de 5’000 fr. payable treize fois par an. Depuis lors, elle a été assurée auprès de l’assurance pour l’indemnité journalière en cas de maladie auprès de B.__ SA (ci-après: l’assurance).

Le 06.04.2017, la société a annoncé à l’assurance que l’assurée était en incapacité de travail à 100% depuis le 16.03.2017 en raison de troubles liés à sa grossesse.

Lors d’un entretien entre les parties le 17.08.2017, l’assurée a indiqué (1) que son activité consistait à effectuer le planning des ouvriers, à vérifier les factures et à répondre au téléphone mais qu’elle ne s’occupait pas des devis, des appels d’offres et des paiements, (2) que son patron écrivait les courriers et qu’il corrigeait les fautes quand elle en écrivait, (3) qu’elle n’avait pas de formation, (4) qu’elle avait travaillé un mois auprès de D.__ SARL et douze mois auprès de la société lui ayant succédé, soit D1.__ Sàrl, sociétés dans lesquelles son mari était associé, puis que, contrairement à ce qu’indiquait son relevé AVS, elle avait continué à travailler au noir pendant dix mois pour cette société-ci, qui a ensuite été mise en faillite, (5) que, lors de ses deux précédentes grossesses, elle n’avait jamais eu le moindre problème et qu’elle avait pu travailler jusqu’à la fin de celles-ci et (6) qu’elle contestait les doutes de l’assurance sur le fait qu’elle avait réellement travaillé à temps plein pour la société.

Le lendemain, E.__, gérante liquidatrice de D1.__ Sàrl, a indiqué à l’assurance que l’assurée n’avait jamais travaillé pour cette société, qu’elle ne l’avait jamais vue au bureau et qu’elle pensait qu’elle avait été engagée quand bien même elle était enceinte afin de toucher de l’argent sans travailler.

Sur demande de l’assurance, la précédente assurance perte de gain maladie de l’assurée a indiqué que celle-ci avait fait valoir des prestations en indemnités journalières suite à une grossesse difficile en 2015.

L’administrateur de la société a expliqué à l’assurance que l’assurée avait été engagée pour s’occuper de l’administratif de la société, qu’elle gérait l’aspect comptable, que son salaire était très élevé pour la tâche qu’elle effectuait et ne se justifiait pas vraiment, et que l’assurée était limitée par la langue et par son absence de qualification dans le domaine. Il a ajouté que son engagement avait été effectué suite à la demande du mari de l’assurée, qu’il ne savait pas si l’assurée avait du travail pour s’occuper 42 heures par semaine, qu’il avait le sentiment qu’elle travaillait bien, qu’il avait confiance en elle et qu’il n’était pas choqué par le fait que l’on puisse engager son épouse pour un salaire élevé, cette pratique étant selon lui répandue dans les entreprises de la place et normale à son sens. Il connaissait par ailleurs l’assurée, qui venait du même village que lui au Kosovo. Il a précisé que la situation économique de la société était précaire, qu’il s’agissait d’une société trop petite pour entreprendre la construction d’échafaudages et que tout le travail était sous-traité.

À teneur d’attestations signées par la société et l’assurée, celle-ci recevait son salaire en mains propres de la part de celle-là.

Le 19.04.2018, l’assurance a informé l’assurée qu’elle était déchue de son droit aux prestations, dès lors qu’elle n’était toujours pas, sept mois après la première demande et malgré une mise en demeure le 16 mars 2018, en possession des documents sollicités, soit la comptabilité de la société depuis sa création et les déclarations fiscales de l’assurée depuis 2015.

Le 21.12.2018, la société a annoncé à l’assurance que l’assurée était à nouveau en incapacité de travail à 100% depuis le 29.11.2018, avec une reprise de travail prévue pour le 03.01.2019.

Le 10.04.2019, l’assurance a informé l’assurée qu’une capacité de travail de 50% serait exigible d’elle dès le 15.04.2019 et de 100% au 01.05.2019 dans son emploi actuel et qu’elle cesserait de lui verser des indemnités journalières à compter du 30.04.2019.

Le 17.06.2019, la médecin de l’assurée a informé l’assurance que sa patiente n’avait pas été en mesure de reprendre le travail aux dates proposées et lui a demandé de reconsidérer sa décision.

Entre le 25.01.2019 et le 20.05.2019, l’assurance a versé 22’116 fr. 85 à l’assurée, ce qui correspond aux indemnités journalières du 19.12.2018 au 30.04.2019.

 

Procédure cantonale

L’assurée a ouvert action contre l’assurance. Quant à elle, l’assurance a conclu à l’irrecevabilité et, subsidiairement, au rejet de l’action et, à titre reconventionnel, à ce que l’assurée soit condamnée à lui payer 22’116 fr. 80, avec intérêts à 5% l’an dès le 31 mars 2019.

Par arrêt du 9 juin 2021 (arrêt ATAS/590/2021) notifié à l’assurée le 14 juin 2021, la Cour de justice a rejeté la demande de l’assurée et pleinement admis la demande reconventionnelle de l’assurance.

 

TF

La cour cantonale a retenu qu’il n’apparaissait pas crédible que l’assurée ait réellement eu une activité à plein temps pour la société. Elle juge par ailleurs que les déclarations de l’assurée ne sont pas convaincantes. Une activité de l’assurée à plein temps pour la société n’est pas crédible, au vu notamment (1) des compétences limitées de l’assurée, (2) des déclarations du premier témoin, (3) du fait que son mari n’a travaillé pour la société qu’à 20% entre 2017 et 2018 en raison d’un accident, que l’activité de la société reposait essentiellement sur lui et qu’on voit mal dans ces circonstances que la société ait pu générer du travail administratif à 100% pour l’assurée, qui n’était pas capable d’écrire un courrier, ne s’occupait pas de la comptabilité et ne se rendait manifestement pas sur les chantiers, (4) du fait que la société n’avait sans doute pas une grande activité depuis novembre 2016, au vu notamment de sa situation économique précaire, (5) du paiement du salaire de l’assurée de la main à la main, (6) de son annonce très tardive à l’Office cantonal des assurances sociales du canton de Genève pour les années 2016 et 2017 et (7) de la difficulté de l’assurance à obtenir la comptabilité de la société et les déclarations fiscales de l’assurée.

L’assurée fait valoir que son rôle de gestionnaire administrative est nécessaire et indispensable pour la gestion de la société, qu’il n’est pas fictif, qu’elle était la seule employée à s’occuper des aspects administratifs de la société, qu’elle possède les capacités informatiques et intellectuelles pour exercer sa fonction, qu’il n’est pas nécessaire de disposer d’une formation pour son poste et qu’elle comprend et parle couramment le français. Enfin, elle avance que le fait d’être payée en liquide ne remet pas en cause son taux d’activité, qu’elle recevait une attestation signée selon laquelle elle recevait l’argent correspondant à son salaire, et qu’elle n’était pas en mesure d’obtenir immédiatement les documents demandés par l’assurance car elle n’était pas en charge de la comptabilité de la société. Dès lors, c’est selon elle à tort que la cour cantonale a retenu qu’elle ne travaillait pas à temps plein pour la société.

Contrairement à ce que l’assurée soutient, la cour cantonale a tenu compte du premier témoignage avec les réserves que les circonstances imposaient et uniquement dans la mesure où il était corroboré par d’autres éléments. En faisant valoir son rôle au sein de la société, ses compétences, le fait qu’elle n’était pas en mesure d’obtenir immédiatement les documents demandés par l’assurance car elle n’était pas en charge de la comptabilité de la société et l’existence prétendument incontestable de son contrat de travail, l’assurée ne fait que substituer sa propre version des faits à celle retenue par l’autorité précédente. Appellatoire, cette critique est irrecevable. Quant au paiement de l’assurée en liquide, il ne constitue que l’un des nombreux éléments retenus par la cour cantonale pour conclure au fait que l’assurée n’a pas travaillé à temps plein pour la société. Dans la mesure où l’assurée ne conteste pas les autres points relevés par l’autorité précédente, cette critique n’est pas à même de renverser l’appréciation de celle-ci.

Le grief doit dès lors être rejeté, dans la mesure où il est recevable.

 

Sous le titre marginal « prétention frauduleuse », l’art. 40 LCA prévoit que si l’ayant droit ou son représentant, dans le but d’induire l’assureur en erreur, dissimule ou déclare inexactement des faits qui auraient exclu ou restreint l’obligation de l’assureur, ou si, dans le but d’induire l’assureur en erreur, il ne fait pas ou fait tardivement les communications que lui impose l’art. 39 LCA, l’assureur n’est pas lié par le contrat envers l’ayant droit. Selon l’art. 39 LCA, l’ayant droit doit fournir à l’assureur qui le demande tout renseignement sur les faits à sa connaissance qui peuvent servir à déterminer les circonstances dans lesquelles le sinistre s’est produit ou à fixer les conséquences du sinistre.

D’un point de vue objectif, la dissimulation ou la déclaration inexacte doit porter sur des faits qui sont propres à remettre en cause l’obligation même de l’assureur ou à influer sur son étendue; en d’autres termes, une communication correcte des faits conduirait l’assureur à verser une prestation moins importante, voire aucune. De plus, l’ayant droit doit, sur le plan subjectif, avoir l’intention de tromper. Il faut qu’il ait agi avec la conscience et la volonté d’induire l’assureur en erreur, afin d’obtenir une indemnisation plus élevée que celle à laquelle il a droit; peu importe à cet égard qu’il soit parvenu à ses fins. L’assureur peut alors refuser toute prestation, même si la fraude se rapporte à une partie seulement du dommage (arrêt 4A_536/2020 du 19 janvier 2021 consid. 5.1 et les références citées).

S’agissant d’un moyen libératoire, il incombe à l’assureur de prouver, au degré de la vraisemblance prépondérante, les faits permettant l’application de l’art. 40 LCA (arrêts 4A_20/2018 du 29 mai 2018 consid. 3.1; 4A_194/2016 du 8 août 2016 consid. 3.1).

Lorsqu’il est saisi du grief de violation de l’art. 8 CC, le Tribunal fédéral peut contrôler si l’autorité précédente est partie d’une juste conception du degré de la preuve. En revanche, le point de savoir si le degré requis – dont le juge a une juste conception – est atteint dans un cas concret relève de l’appréciation des preuves, que le Tribunal fédéral revoit uniquement sous l’angle de l’arbitraire (art. 97 al. 1 LTF; ATF 130 III 321 consid. 5; arrêt 4A_587/2020 du 28 mai 2021 consid. 3.1.3; cf. FABIENNE HOHL, Procédure civile, t. II, 2e éd. 2010, p. 528 n. 2986 s.).

En l’espèce, la cour cantonale a retenu qu’en signant un contrat de travail qui indiquait une activité à 100% et un salaire mensuel de 5’000 fr. qui ne correspondait pas à son activité réelle, l’assurée a fait une fausse déclaration ayant un effet sur l’obligation de prester de l’assurance, dès lors que les indemnités journalières sont fixées sur la base du salaire de l’assuré. La condition objective de la prétention frauduleuse est donc réalisée.

La condition subjective est également remplie, dans la mesure où l’assurée a déclaré faussement et à plusieurs reprises travailler à temps plein pour la société dans l’intention d’obtenir des prestations indues de l’assurance.

La cour cantonale a ainsi retenu qu’en application de l’art. 40 LCA, l’assurée n’avait pas droit aux prestations auxquelles elle avait conclu dans sa demande.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée, dans la mesure où il est recevable.

 

 

Arrêt 4A_378/2021 consultable ici

 

9C_365/2021 (d) du 19.01.2022 – Moyens auxiliaires à l’âge AVS – Chaussures orthopédiques / Capacité à se tenir debout de façon autonome – Notion de déplacement

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_365/2021 (d) du 19.01.2022

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi

 

Moyens auxiliaires à l’âge AVS – Chaussures orthopédiques / 43quater LAVS – 66ter RAVS – OMAV

Capacité à se tenir debout de façon autonome – Notion de déplacement

 

Assurée, née le 07.12.1954, perçoit une rente vieillesse depuis janvier 2019. Le 31.07.2019, elle a demandé à l’office AI de prolonger la garantie de prise en charge des frais pour des chaussures orthopédiques sur mesure, en joignant un devis du 30.07.2019 d’un montant de CHF 5’513.15. Décision de refus de la caisse cantonale de compensation.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 28.04.2021, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3.1
Selon l’art. 43quater LAVS, le Conseil fédéral fixe les conditions auxquelles les bénéficiaires de rentes de vieillesse ou de prestations complémentaires qui ont leur domicile et leur résidence habituelle (art. 13 LPGA) en Suisse et qui ont besoin d’appareils coûteux pour se déplacer, établir des contacts avec leur entourage ou assurer leur indépendance ont droit à des moyens auxiliaires (al. 1). Il désigne les moyens auxiliaires que l’assurance remet et ceux pour lesquels elle alloue des contributions à titre de participation aux frais; il règle la remise de ces moyens auxiliaires ainsi que la procédure et détermine quelles dispositions de la LAI sont applicables (al. 3).

Consid. 3.2
Le Département fédéral de l’intérieur fixe les conditions du droit à la remise de moyens auxiliaires aux bénéficiaires d’une rente de vieillesse, prescrit le genre des moyens auxiliaires à re­mettre et règle la procédure de remise (art. 66ter al. 1 RAVS). Les art. 14bis et 14ter RAI sont applicables par analogie (al. 2).

Consid. 3.3
L’art. 2 al. 1 OMAV (concernant la remise de moyens auxiliaires par l’assurance‑vieillesse; RS 831.135.1) prévoit que les bénéficiaires d’une rente de vieillesse qui sont domiciliés en Suisse et ont besoin de moyens auxiliaires pour accomplir leurs travaux habituels, se déplacer, établir des contacts avec leur entourage ou développer leur autonomie personnelle, ont droit à des prestations de l’assurance, selon la liste annexée. Cette liste définit exhaustivement le genre et l’ampleur des prestations afférentes à chaque moyen auxiliaire.

Le ch. 4.51 de la liste des moyens auxiliaires annexée à l’OMAV, relatif aux chaussures orthopédiques sur mesure et chaussures orthopédiques de série, frais de fabrication inclus, mentionne la prise en charge pour autant qu’elles soient adaptées individuellement à une forme ou à une fonction pathologique du pied ou qu’elles remplacent un appareil orthopédique. La prestation de l’assurance peut être revendiquée au maximum tous les deux ans, à moins que des raisons médicales ne justifient un nouvel achat de chaussures orthopédiques sur mesure avant l’expiration de ce délai.

Consid. 3.4
Conformément à l’art. 4 OMAV, les bénéficiaires d’une rente de vieillesse domiciliés en Suisse qui bénéficient de moyens auxiliaires ou de contributions aux frais au sens des art. 21 et 21bis LAI au moment où ils peuvent prétendre une rente AVS, continuent d’avoir droit à ces prestations dans la même mesure, tant que les conditions qui présidaient à leur octroi sont remplies et autant que la présente ordonnance n’en dispose pas autrement. Pour le reste, les dispositions de l’assurance-invalidité relatives aux moyens auxiliaires sont applicables par analogie.

Consid. 4
Le tribunal cantonal a rejeté le recours de l’assurée au motif que les chaussures orthopédiques sur mesure ne servaient pas se déplacer, pas plus qu’à établir des contacts avec son entourage ou développer son autonomie personnelle. L’assurée ne serait plus capable de marcher et ne pourrait pas non plus marcher avec les chaussures orthopédiques sur mesure demandées. En outre, elle ne serait plus en mesure de se tenir debout toute seule. Elle ne peut pas effectuer elle-même les transferts depuis ou vers le fauteuil roulant électrique. Pour cela, elle a besoin de l’aide de deux soignants; l’un stabilise le « Eulenburg » et l’autre positionne les pieds. Un transfert effectué de cette manière par des tiers ne constitue pas un déplacement au sens de l’art. 43quater al. 1 LAVS ou de l’art. 21 al. 2 LAI.

Consid. 5
Il n’est pas contesté que l’assurée ne peut plus marcher seule, ni même faire quelques pas. Le tribunal cantonal a toutefois constaté de manière manifestement erronée qu’elle ne pouvait même plus se tenir debout seule. Les médecins de la clinique universitaire E.__ ont rapporté que des chaussures orthopédiques sur mesure permettraient de rétablir la capacité de se tenir debout pour le transfert entre le lit et le fauteuil roulant, capacité qui n’est plus donnée en raison de la déformation du pied, de l’instabilité qui en résulte et des douleurs.

La constatation de fait de l’instance cantonale, critiquée dans le recours, doit donc être corrigée en ce sens que l’assurée est en mesure de se tenir debout de manière autonome grâce aux chaussures orthopédiques sur mesure, même si ce n’est que pour une courte durée.

Consid. 6.1
Dans le cadre des listes annexées à l’OMAI et l’OMAV, il existe un droit à des moyens auxiliaires dans la mesure où ils sont nécessaires pour se déplacer, établir des contacts avec l’entourage ou développer l’autonomie personnelle. Cette condition est remplie si l’on ne peut exiger de la personne assurée qu’elle se déplace, reste en contact avec l’entourage ou prenne soin d’elle-même sans l’objet revendiqué et si la personne assurée a la volonté et la capacité d’atteindre l’un de ces buts à l’aide de l’objet revendiqué (arrêts 9C_70/2013 du 30 décembre 2013 consid. 3.2 et 8C_531/2009 du 23 octobre 2009 consid. 4.2, chacun avec référence au ATFA 1968 p. 2018 consid. 3d).

Consid. 6.3
L’arrêt du Tribunal fédéral des assurances du 26 septembre 1984, publié dans RCC 1985 p. 168 ss, cité par l’assurée, se basait sur le cas d’un assuré qui avait demandé des attelles en matière synthétique (pour ménager son appareil de marche en métal et en cuir utilisé au quotidien). Celles-ci lui permettaient de se rendre de la douche à la piscine de manière autonome et lui permettaient ainsi de se déplacer, ce qui correspondait à l’objectif de l’art. 21 al. 2 LAI. Toutefois, étant donné que l’assurée ne peut plus marcher même avec les chaussures orthopédiques sur mesure et qu’elle n’est notamment pas en mesure de parcourir sans aide extérieure le court trajet entre le lit et le fauteuil roulant, il ne résulte rien en sa faveur de ce jugement.

Consid. 6.4
Le Tribunal fédéral a déjà eu à juger deux cas similaires à celui dont il s’agit ici (la similitude des faits n’apparaissant que si l’on se réfère aux décisions des instances inférieures sur lesquelles se fondent les arrêts du Tribunal fédéral correspondants). Ceux-ci ne concernaient certes pas des chaussures orthopédiques, mais des orthèses de jambe, mais les principes énoncés à l’époque sont valables pour les deux catégories de moyens auxiliaires.

Dans l’arrêt 8C_531/2009 du 23 octobre 2009, il s’agissait d’une assurée qui ne pouvait pas marcher elle-même avec les orthèses de la cuisse et de la jambe demandées comme moyens auxiliaires, mais qui pouvait se tenir debout. La capacité de se tenir debout, rétablie au moyen d’orthèses, a eu un effet positif sur la locomotion (selon les constatations de la décision cantonale à l’origine de l’affaire), notamment dans la mesure où l’assurée ne devait plus être soulevée pour passer du lit au fauteuil roulant. L’arrêt 9C_70/2013 du 30 décembre 2013 s’est penché sur le cas d’un assuré pour lequel les orthèses de la jambe inférieure sollicitées n’entraînaient certes ni la capacité de marcher ni celle de se tenir debout, mais permettaient un positionnement stable des pieds déformés dans le fauteuil roulant (selon les constatations de la décision cantonale à l’origine de l’arrêt) et ne permettaient donc que la locomotion en fauteuil roulant ou la facilitaient considérablement.

Dans les deux cas, le Tribunal fédéral a nié le droit aux prestations. Il a motivé sa décision par le fait que les moyens auxiliaires demandés ne permettaient pas aux personnes assurées d’atteindre l’un des objectifs légaux. Il a ainsi rejeté la position défendue dans les décisions attaquées (fondée sur un passage non pertinent du message du 27 février 1967 relatif à la 1re révision de l’AI [FF 1967 I 653, 676 s.]). ), selon lequel il aurait suffi que le moyen auxiliaire apporte une certaine autonomie dans le cadre du transfert entre le lit et le fauteuil roulant (arrêt 8C_531/2009 du 23 octobre 2009 consid. 4) ou qu’il permette ou facilite le déplacement en fauteuil roulant (arrêt 9C_70/2013 du 30 décembre 2013 consid. 3).

Consid. 6.5
Les chaussures orthopédiques sur mesure demandées à titre de moyens auxiliaires permettent uniquement à l’assurée de se tenir debout sur une courte période, notamment pour le transfert entre le lit et le fauteuil roulant, qui doit être effectué par deux personnes auxiliaires. Ils confèrent certes à l’assurée une certaine autonomie ou lui permettent voire facilitent ses déplacements en fauteuil roulant ; en revanche elles ne lui permettent pas d’atteindre l’un des buts prévus par la loi. La situation n’est donc pas différente des deux arrêts cités.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 9C_365/2021 consultable ici

 

 

Proposition de citation : 9C_365/2021 (d) du 19.01.2022, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2022/03/9c_365-2021)

8C_247/2021 (d) du 21.12.2021 – Détermination du statut (mixte vs sans activité lucrative) d’une assurée avec un QI 61 – Propos de l’assurée à relativiser / 28a LAI

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_247/2021 (d) du 21.12.2021

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi

 

Détermination du statut (mixte vs sans activité lucrative) d’une assurée avec un QI 61 – Propos de l’assurée à relativiser / 28a LAI

 

Assurée, née en 1991, a déposé une première demande AI en 2009. L’office AI lui a octroyé une orientation professionnelle. Afin d’examiner les conditions d’une formation professionnelle initiale, une expertise a été mise en œuvre, confiée à un spécialiste en psychiatrie/psychothérapie pour enfants et adolescents. Ce dernier a diagnostiqué un quotient intellectuel (QI) de 61 selon le « WIE » (Wechsler-Intelligenztest für Erwachsene [échelle d’intelligence pour adultes selon Wechsler ; WAIS]), une légère diminution de l’intelligence avec des troubles du comportement évidents (CIM-10 F70.29) ; l’expert a considéré que seule une formation dans un cadre protégé était actuellement envisageable.  L’assurée ne souhaitant plus bénéficier du soutien de l’office AI, celui-ci a clôturé l’orientation professionnelle et a nié tout droit à une rente (communication du 20.08.2020).

L’assurée, entre-temps mariée et mère de trois enfants (nés en 2011, 2012, 2014), a déposé une nouvelle demande AI en juin 2017 en raison d’une incapacité de travail depuis 2010. Après les investigations usuelles, dont une enquête ménagère, l’office AI a rejeté la demande, considérant l’assurée entièrement apte aux travaux habituels.

 

Procédure cantonale

Le tribunal cantonal a retenu que l’assurée devait être qualifiée de personne exerçant une activité lucrative à 50% (statut mixte). En raison d’une incapacité de travail de 100% sur le premier marché du travail et de l’absence de limitations dans les travaux habituels, il en résulte un taux d’invalidité de 50% et donc un droit à une demi-rente d’invalidité.

Par jugement du 25.02.2021, admission du recours par le tribunal cantonal, reconnaissant le droit de l’assurée à une demi-rente AI dès le 01.12.2017.

 

TF

Détermination du statut

Consid. 5.1
Il n’est pas contesté que l’assurée a indiqué à plusieurs reprises qu’elle ne travaillerait pas (même) sans atteinte à la santé. Dans le questionnaire relatif à l’examen de la rente concernant l’activité lucrative/le ménage, l’assurée a coché en octobre 2017 qu’elle n’exercerait pas d’activité lucrative même sans handicap. Selon le rapport de l’enquête ménagère, elle a en outre expliqué qu’en tant que mère élevant seule ses trois enfants, elle ne pouvait pas s’imaginer exercer une activité lucrative, qui plus est sans soutien familial.

Consid. 5.2
De l’avis de l’instance cantonale, les déclarations de l’assurée doivent être relativisées : la prénommée ne peut pas se représenter suffisamment la situation en bonne santé, d’autant plus qu’elle était déjà fortement handicapée par sa perte d’intelligence bien avant une éventuelle entrée dans la vie active. Elle n’aurait donc pas pu faire de déclarations fiables sur la situation sans l’atteinte à la santé, raison pour laquelle la question du statut devrait être clarifiée d’une autre manière.

Consid. 5.3
En raison de son intelligence réduite, l’assurée n’a pas pu achever de formation et n’a jamais pu exercer une activité lucrative sur le marché primaire du travail. Dans ce contexte, il faut partir du principe, avec la cour cantonale, qu’il lui serait difficile d’envisager une vie sans aucun handicap. Il n’est donc pas contestable que la cour cantonale n’ait pas accordé un poids décisif aux déclarations de l’intimée concernant le situation hypothétique sans atteinte à la santé (cf. arrêts 9C_779/2015 du 4 mai 2016 consid. 5.1 ; 9C_444/2013 du 10 décembre 2013 consid. 4.2 ; 9C_286/2013 du 28 août 2013 consid. 4.3 ; 8C_35/2011 du 24 mai 2011 consid. 5.4 concernant une assurée chez laquelle une intelligence déficiente a été constatée dès l’enfance). L’assurée a certes confirmé à plusieurs reprises que, même sans handicap, elle n’exerçait actuellement aucune activité lucrative. Elle a en outre justifié cette situation par ses obligations de garde envers ses trois enfants, ce qui constitue un raisonnement compréhensible. Cela ne suffit toutefois pas à faire apparaître comme manifestement erronée la constatation de l’instance cantonale selon laquelle l’assurée ne pouvait pas se représenter suffisamment la situation [hypothétique] sans handicap.

Consid. 6.1
Comme les déclarations de l’assurée ne sont pas d’une importance décisive, le tribunal cantonal a examiné à juste titre les conditions de vie concrètes. Il a constaté à cet égard que l’assurée était une femme mariée de 27 ans au moment de la décision, mais qu’elle élevait seule ses trois enfants mineurs (nés en 2011, 2012, 2014 ; un quatrième enfant est né en 2019) depuis le renvoi de son mari de Suisse en décembre 2017. Elle ne recevait aucune prestation de soutien de son mari et était soutenue financièrement par les services sociaux. Malgré son état de santé, elle a postulé – sous la pression de l’office social – pour divers emplois. Le manque de formation et de qualification professionnelle ne devrait pas être interprété à la charge de l’assurée, puisqu’elle n’a pas pu acquérir les compétences correspondantes, précisément en raison de son « intelligence amoindrie ». Les juges cantonaux sont arrivés à la conclusion qu’en raison de sa situation financière et du contexte social l’assurée travaillerait à 50% malgré des enfants en âge préscolaire. En bonne santé, un tel taux d’occupation serait également possible et raisonnable pour des enfants en âge préscolaire, notamment avec l’aide de proches, ce qui ne renverse pas « la présomption d’une hypothétique activité professionnelle partielle ».

Consid. 6.2
Après avoir évalué l’ensemble des circonstances, en particulier la situation financière précaire de l’assurée et de l’aide apportée par des proches, le tribunal cantonal a toutefois considéré qu’une activité lucrative à 50% était vraisemblable sans atteinte à la santé, de sorte qu’il n’y a aucune raison de supposer que l’instance cantonale s’est basée sur un faux degré de preuve ou (à tort) sur une présomption légale en faveur d’une activité lucrative.

Consid. 6.4
On peut se demander si, dans le cas d’une mère élevant seule ses trois enfants (enceinte du 4e au moment de la décision), on peut parler d’une « pression sociale » [gesellschaftlichen Druck] pour exercer une activité lucrative. La question peut toutefois rester ouverte, car il n’est pas contestable qu’il existe au moins une pression financière pour exercer une activité lucrative. L’assurée a d’ailleurs postulé pour des postes à la demande de l’aide sociale. Le fait qu’elle ait toujours essuyé des refus en raison de l’incompatibilité de son activité professionnelle avec ses obligations d’assistance ne ressort pas du rapport d’enquête ménagère.

 

Le TF rejette le recours de l’office AI.

 

 

Arrêt 8C_247/2021 consultable ici

 

 

Proposition de citation : 8C_247/2021 (d) du 21.12.2021 – Détermination du statut (mixte vs sans activité lucrative) d’une assurée avec un QI 61, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2022/03/8c_247-2021)

8C_504/2021 (f) du 10.12.2021 – Aide sociale – Revenu d’insertion (RI) / Loi cantonale sur l’action sociale vaudoise (LASV)

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_504/2021 (f) du 10.12.2021

 

Consultable ici

 

Aide sociale – Revenu d’insertion (RI) / Loi cantonale sur l’action sociale vaudoise (LASV)

Communauté économique de type familial

 

A.__, née en 1962, est la mère de B.__ (ci-après aussi : la fille), née en octobre 1997. Elle est mariée à C.__ (ci-après aussi : l’époux ou le mari), né en 1982, depuis juillet 2012. Depuis le 31.01.2019, les époux vivent avec B.__ dans une villa de six pièces, dont le loyer est de 2000 fr. par mois. La fille, qui y occupe un studio comprenant une cuisinette et une douche/WC, bénéficie d’une contribution d’entretien à charge de son père de 1300 fr. par mois ainsi que d’une bourse dont le montant pour l’année 2019-2020 a été fixé à 990 fr. par l’Office cantonal des bourses d’études et d’apprentissage (OCBE).

C.__ a été incarcéré le 25.07.2019 en exécution d’une peine privative de liberté de 13 mois et 30 jours. Avant son incarcération, il était employé par une entreprise de peinture et a perçu un salaire net de 474 fr. 38 pour le mois de juillet 2019.

Le 24.07.2019, A.__ et son époux ont déposé une demande de revenu d’insertion (RI) – qu’ils ont tous deux signée – auprès du Centre social régional (CSR), en indiquant que B.__ appartenait au ménage.

A compter du 21.08.2019, A.__ a eu droit à une indemnité de chômage. Après la fin de son droit à l’indemnité, elle a repris une activité salariée à 50% dès le 01.01.2020, puis une activité indépendante dès le 01.02.2020.

Par décision du 28.11.2019, le CSR a mis A.__ au bénéfice du RI, arrêtant son droit dès le mois de juillet 2019 (pour vivre en août) à 1987 fr. 85 par mois. Une somme de 127 fr. 50 devait être déduite de ce montant forfaitaire, en exécution d’une décision de restitution rendue en 2011. En outre, un montant de 474 fr. 40, correspondant au salaire de C.__, était retenu sur le forfait de juillet 2019.

Le CSR a également rendu le 29.01.2020 une décision relative à la fermeture du dossier RI de A.__, ainsi que, le 13.02.2020, une décision portant sur la restitution de prestations RI indûment perçues.

A.__ a formé recours contre l’ensemble de ces décisions devant la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS). Par décision du 04.09.2020, la DGCS a réformé la décision du CSR du 28.11.2019, en ce sens qu’un montant de 1860 fr. 35 a été octroyé à l’intéressée au titre du RI dans le cadre du budget de juillet 2019, et l’a maintenue pour le surplus.

 

Procédure cantonale (arrêt PS.2020.0066 – consultable ici)

Sur le fond, l’instance cantonale a retenu que le mari ne pouvait pas être intégré dans la composition du ménage de A.__. Celle-ci bénéficiait d’un droit à une prestation financière devant lui servir à vivre à compter d’août 2019; or son mari, incarcéré depuis le 25.07.2019, ne résidait plus dans le logement familial en août 2019. Le fait qu’il avait signé la demande de RI, un jour avant son entrée en prison, ne modifiait pas la composition du ménage. S’agissant de la fille, majeure, la conclusion tendant à l’octroi d’une prestation financière pour elle-même était manifestement irrecevable, dès lors que la procédure litigieuse faisait suite à une demande de RI de A.__ ainsi que de son époux et que selon la jurisprudence cantonale (arrêt CDAP PS.2011.0063 du 18 avril 2012), les parents n’étaient pas habilités à requérir le RI pour leurs enfants majeurs, qui disposaient d’un droit propre au RI. La fille ne pouvait pas non plus être intégrée dans le calcul du forfait RI du ménage de A.__; le fait que les frais de l’enfant majeur soient pris en charge par l’un ou les deux parent(s) n’était pas déterminant pour déterminer la composition du ménage et, selon la même jurisprudence cantonale précitée, les enfants majeurs ne devaient pas être intégrés dans le ménage formé par leurs parents.

Les juges cantonaux ont ensuite exclu que la part de loyer de l’époux soit prise en charge par le CSR pendant six mois en application du ch. 4.4.1 des Normes RI. Le fait que le prénommé avait signé la demande de RI n’impliquait pas qu’il était suivi par une autorité d’application de la LASV dès ce moment ou précédemment. Il ne faisait pas l’objet d’un suivi par le CSR ou par un autre organisme d’aide sociale avant le dépôt de la demande de RI le 24.07.2019 et son incarcération avait eu lieu le 25.07.2019.

Revenant à la fille, le tribunal cantonal a retenu que celle-ci et A.__ vivaient ensemble, même si la villa comprenait deux logements, et que leur situation correspondait à celle d’une communauté économique de type familial au sens de l’art. 28 al. 2 RLASV. Il ressortait en effet des explications de A.__ qu’elle s’occupait elle-même des encaissements et des versements pour sa fille et que toutes deux formaient une unité familiale. Par conséquent, le loyer de 2000 fr. devait être partagé proportionnellement, à raison d’une moitié pour chacune. Il convenait également de tenir compte d’une contribution de la fille pour évaluer les charges de A.__. Le forfait devait être calculé sur la base d’un ménage comprenant deux personnes (soit 1700 fr.), dont la moitié devait être imputée à la fille de A.__ (soit 850 fr.), de sorte qu’un forfait de 850 fr. devait être alloué à celle-ci. A.__ ne pouvait pas prétendre à l’octroi d’une aide casuelle au sens du ch. 2.1.5 des Normes RI, dès lors qu’elle était bénéficiaire du RI. Une telle aide ne pouvait pas non plus être accordée à son époux, lequel était incarcéré et n’avait donc plus de loyer à charge dès le mois d’août 2019.

Par jugement du 09.06.2021, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Préalablement à l’examen du recours, il sied de rappeler ci-après les dispositions de droit cantonal vaudois appliquées par les juges cantonaux.

L’arrêt entrepris repose sur la loi cantonale sur l’action sociale vaudoise du 2 décembre 2003 (LASV; BLV 850.051) et son règlement d’application du 26 octobre 2005 (RLASV; BLV 850.051.1), lesquels sont complétés par les Normes RI édictées par le Département de la santé et de l’action sociale (version 13, en vigueur depuis le 1er octobre 2018; ci-après: Normes RI). Selon l’art. 27 LASV, le RI comprend une prestation financière et peut, cas échéant, également comprendre des prestations sous forme de mesures d’insertion sociale ou professionnelle. A teneur de l’art. 31 LASV, la prestation financière est composée d’un montant forfaitaire pour l’entretien, d’un montant forfaitaire destiné à couvrir les frais particuliers pour les adultes et d’un supplément correspondant au loyer effectif dans les limites fixées par le règlement (al. 1); elle est accordée dans les limites d’un barème établi par le règlement, après déduction des ressources du requérant, de son conjoint ou partenaire enregistré ou de la personne qui mène de fait une vie de couple avec lui et de ses enfants mineurs à charge (al. 2). L’art. 34 LASV dispose que la prestation financière est accordée à toute personne qui se trouve dépourvue des moyens nécessaires pour satisfaire les besoins vitaux et d’autres besoins personnels spécifiques importants.

Selon l’art. 28 RLASV, lorsqu’un ménage bénéficiant du RI vit avec une ou plusieurs personnes non à charge, la prestation financière du RI est réduite en tenant compte d’une contribution de cette ou de ces personnes aux frais (al. 1); si le ménage élargi forme une communauté économique de type familial finançant les fonctions ménagères conventionnelles (gîte, couvert, lessive, entretien, télécommunications, etc.), la contribution consiste en un partage proportionnel des frais de logement et en une fraction du forfait entretien selon le nombre total de personnes majeures et mineures dans le ménage […] (al. 2); si le ménage élargi ne forme pas une communauté de type familial, la contribution se limite au partage proportionnel des frais de logement et charges selon le nombre total de personnes (al. 3).

Selon le ch. 2.1.1.1 des Normes RI, l’autorité d’application de la LASV compétente détermine le nombre de personnes à charge du RI dans le ménage pour fixer le montant du forfait d’entretien et d’intégration sociale à allouer selon les barèmes du RLASV. Ce forfait doit permettre aux personnes vivant à domicile d’assumer toutes les dépenses indispensables au maintien d’une existence respectant la dignité humaine (cf. ch. 2.1.2.1 des Normes RI).

Aux termes du ch. 2.1.5 des Normes RI, une aide casuelle est une prestation financière ponctuelle, octroyée à des personnes ne bénéficiant pas du RI, pouvant être renouvelée selon le principe de la couverture des besoins (première phrase); il peut s’agir d’une aide à des requérants autonomes financièrement en temps normal mais devant assumer une dépense particulière, prévue par les présentes normes, un mois donné (seconde phrase). Le ch. 4.4.1 des Normes RI prévoit que pour les personnes déjà suivies par une autorité d’application de la LASV et incarcérées, il est possible de prendre en charge le loyer et les frais liés pour une période maximale de six mois.

 

A.__ reproche tout d’abord à la juridiction cantonale de ne pas avoir considéré que sa fille était à sa charge et de ne pas avoir intégré les charges de cette dernière dans le calcul du RI. Le raisonnement du tribunal cantonal serait insoutenable, dès lors que l’arrêt entrepris retiendrait dans le même temps que la fille vit dans la maison familiale et que A.__ s’occupe des versements et des encaissements pour sa fille, formant avec elle une unité familiale. En outre, l’OCBE aurait retenu que la fille était à charge de la mère.

Selon la jurisprudence cantonale citée dans l’arrêt attaqué, les parents ne sont pas habilités à requérir le RI pour leurs enfants majeurs, qui disposent d’un droit propre au RI si leurs revenus sont insuffisants à assurer leur entretien. Cette jurisprudence, qui n’est pas critiquée par A.__, précise que le versement du RI dépend de multiples facteurs personnels, sur lesquels les autorités doivent être régulièrement renseignées; or les enfants majeurs n’ayant pas demandé le RI n’ont aucune obligation légale de fournir des renseignements sur leur situation. A cela s’ajoute que les prestations de la LASV ne se limitent pas à une aide financière, mais comprennent des mesures d’insertion sociale ou professionnelle, exigeant le respect de certaines obligations par les bénéficiaires; octroyer une prestation financière à des parents pour leurs enfants majeurs négligeant ou refusant de faire une demande de RI reviendrait ainsi à supprimer les moyens mis en place pour réinsérer les bénéficiaires RI sur le marché de l’emploi (cf. arrêt CDAP PS.2011.0063 du 18 avril 2012 consid. 2c). Au vu de cette jurisprudence, les juges cantonaux n’ont pas versé dans l’arbitraire en considérant que la fille, en tant qu’enfant majeure de A.__, ne pouvait pas être intégrée au ménage de sa mère en vue de la prise en charge de ses frais, quand bien même mère et fille formaient une communauté familiale et que la fille aurait été financièrement à la charge de la mère. Dès lors qu’il ne ressort pas des faits constatés par l’instance cantonale qu’aucune suite n’aurait été donnée à une éventuelle demande de RI de la fille, on ne voit pas non plus en quoi les art. 7 et 12 Cst. auraient été violés.

 

A.__ reproche ensuite aux juges cantonaux d’avoir arbitrairement diminué de moitié le montant du loyer dans le calcul de ses charges, en partageant proportionnellement ledit loyer entre elle et sa fille bien que celle-ci n’occupât qu’un studio dans la maison familiale. Ce serait également à tort qu’une contribution de sa fille a été prise en compte pour évaluer ses charges, réduisant à nouveau de moitié le montant forfaitaire qui lui était dû pour ce poste.

Dès lors que la fille ne peut pas être intégrée au ménage de A.__, au sens du droit cantonal sur le revenu d’insertion, et qu’elle vit avec celle-ci, c’est à bon droit – ou à tout le moins sans arbitraire – que la cour cantonale a fait application de l’art. 28 RLASV pour réduire la prestation financière du RI de A.__. L’instance cantonale a considéré que la mère et la fille formaient une communauté économique de type familial au sens de l’art. 28 al. 2 RLASV, ce que A.__ ne conteste pas. En application de cette disposition légale, la contribution de la fille doit consister « en un partage proportionnel des frais de logement et en une fraction du forfait entretien selon le nombre total de personnes majeures et mineures dans le ménage ». La fille étant adulte, l’arrêt entrepris retient, d’une manière qui échappe à la critique, que seule la moitié du loyer doit être prise en compte dans le calcul du RI de A.__ et que le forfait entretien prévu pour un ménage de deux personnes doit être réduit de moitié. On ne voit pas non plus que les art. 7 et 12 Cst. auraient été violés, A.__ n’exposant d’ailleurs pas que le forfait RI perçu ne lui permettrait pas de subvenir à ses propres besoins.

 

Se référant au ch. 4.4.1 des Normes RI, A.__ soutient que la juridiction cantonale serait tombée dans l’arbitraire en n’incluant pas dans le forfait RI la part du loyer de son époux pour une durée de six mois, au motif qu’il était incarcéré. Le prénommé ayant signé et déposé une demande de RI le jour précédant son entrée en prison, les juges cantonaux auraient dû considérer qu’il était déjà suivi par un organisme d’aide sociale au moment de son incarcération.

A.__ ne critique pas la non-intégration de son mari dans la composition du ménage au motif de l’incarcération de celui-ci. En conséquence de cette exclusion du ménage, l’intégralité du loyer a été prise en compte pour fixer la charge de loyer de A.__, avant déduction de la part mise à la charge de sa fille. Dans ces conditions, le fait qu’aucune part du loyer n’a été mise à la charge du mari ne prête pas le flanc à la critique. Pour le reste, on ne saurait faire grief à la cour cantonale d’avoir sombré dans l’arbitraire en considérant que le simple dépôt d’une demande de RI par le prénommé n’était pas suffisant pour retenir qu’il faisait l’objet d’un suivi par le CSR ou par un autre organisme d’aide sociale.

 

A.__ reproche enfin aux juges cantonaux de ne pas l’avoir mise au bénéfice de l’aide casuelle prévue au ch. 2.1.5 des Normes RI. Il serait insoutenable de refuser l’octroi d’une telle aide au motif que A.__ est bénéficiaire du RI et que son époux – qui doit subvenir aux besoins de son épouse et payer le loyer – n’aurait pas de loyer à charge.

Ce dernier grief tombe également à faux. Selon le ch. 2.1.5 des Normes RI, une aide casuelle peut être octroyée à des personnes ne bénéficiant pas du RI. Dès lors que A.__ est bénéficiaire du RI, on ne voit pas en quoi la juridiction cantonale aurait versé dans l’arbitraire en lui refusant une aide casuelle. En ce qui concerne son époux, A.__ n’explique pas en quoi il aurait dû assumer une dépense particulière au sens du même ch. 2.1.5 des Normes RI, alors qu’il était incarcéré et n’avait donc pas de frais particuliers à couvrir.

 

Le TF rejette le recours de A.__.

 

 

Arrêt 8C_504/2021 consultable ici