Initiative parlementaire Grossen 18.455 «Accorder la qualité de personne exerçant une activité lucrative indépendante en tenant compte de la volonté des parties» – Rapport de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national du 14.02.2025
Rapport de la CSSS-N paru in FF 2025 713
- Condensé
La distinction entre salarié et indépendant revêt une importance considérable en droit des assurances sociales, non seulement parce que la détermination du statut a un impact sur l’obligation de payer des cotisations ainsi que sur le montant dû, mais aussi parce que la protection sociale accordée à une personne exerçant une activité lucrative salariée ou indépendante diffère.
La Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national (CSSS‑N) est d’avis que la situation juridique actuelle pour la détermination du statut peut entraver la liberté économique des entrepreneurs. Elle considère que la pratique actuelle en matière d’application a, dans certains cas, un impact négatif sur l’activité économique en Suisse et sur l’accès au marché du travail pour les personnes directement concernées. Selon elle, la situation juridique actuelle ne permet pas toujours d’atteindre le résultat souhaité par les parties concernées, car il n’est pas rare que les organes d’exécution, voire les tribunaux statuent de manière contraire à leur volonté.
Dans le dessein de faciliter le développement économique, d’améliorer la protection sociale des travailleurs indépendants et renforcer la sécurité juridique, la commission propose le présent projet qui vise à inscrire les critères principaux de délimitation du statut dans la loi sur la partie générale des assurances sociales (LPGA). Les critères déterminants doivent être, d’une part, ceux développés par la jurisprudence – le degré de subordination d’un point de vue organisationnel et le risque entrepreneurial – et, d’autre part, les éventuels accords entre les parties. La commission souhaite que le Conseil fédéral définisse lesdits critères dans l’ordonnance.
De plus, elle souhaite prévoir que des tiers, tels que les entreprises de plateforme, puissent soutenir les indépendants afin de faciliter le versement des cotisations.
- Présentation du projet
Nouvelle réglementation proposée
La commission propose de compléter l’art. 12 LPGA par l’ajout d’un alinéa 3, et de fonder ainsi la distinction entre personnes exerçant une activité lucrative indépendante et salariés, d’une part sur le degré de subordination d’un point de vue organisationnel et le risque entrepreneurial et, d’autre part, sur les éventuels accords passés entre les parties.
Actuellement, la jurisprudence constante du Tribunal fédéral définit les critères permettant de déterminer le statut de cotisant. Cette question doit désormais être réglementée dans la LPGA pour toutes les branches de la sécurité sociale. L’objectif est d’améliorer la transparence et de faciliter une mise en œuvre uniforme.
Avec l’adoption de cette modification, lors de l’évaluation du statut par les caisses de compensation, les accords entre parties seront pris en compte en plus de la situation économique réelle.
De plus, la commission souhaite ajouter un alinéa 4 à l’art. 12 LPGA afin que le Conseil fédéral puisse définir dans l’ordonnance les critères de délimitation du statut. Elle estime qu’aujourd’hui, il règne une certaine insécurité juridique liée au fait que les critères ne sont pas définis dans la loi et sont sujets à interprétation par les organes d’exécution. Avec l’adoption du présent projet, les caisses de compensation devront décider au cas par cas de la prise en compte des accords entre les parties et de leur validité, ce qui pourrait s’avérer difficile dans certaines situations. Les trois critères de délimitation doivent donc être formulés plus précisément dans l’ordonnance afin de réduire l’insécurité juridique et d’éviter des procédures judiciaires qui conduisent à des décisions des autorités d’exécution qui ne correspondent pas à la volonté des parties contractantes.
La commission propose en outre que les indépendants puissent être soutenus dans les démarches liées à leur obligation de cotiser. Ainsi, la déclaration auprès des caisses de compensation et le paiement des acomptes de cotisations, par exemple, pourront, sur une base volontaire, être gérés par des intermédiaires. Il pourra notamment être permis aux plateformes numériques de déduire les cotisations du montant facturé et de les transférer aux caisses de compensation pour le compte de leurs prestataires indépendants et sous forme d’acompte. Ces formes de soutien ont pour but de faciliter davantage la perception des cotisations pour les indépendants intéressés et ainsi améliorer la protection sociale de ces personnes en leur évitant des lacunes de cotisations.
Propositions minoritaires
Une minorité Meyer Mattea propose de ne pas entrer en matière sur le projet. Elle ne voit pas la nécessité de légiférer et craint une augmentation de la bureaucratie ainsi qu’un potentiel d’abus élevé pour contourner les réglementations du droit du travail et les obligations en matière d’assurances sociales. Cela se ferait au détriment des employeurs et des employés qui respectent la loi. Elle souligne également le rejet massif du projet par les participants à la consultation publique.
Une minorité, représentée par Rechsteiner Thomas, se prononce en faveur de la variante majoritaire de la procédure de consultation publique, selon laquelle les accords entre les parties ne doivent être pris en compte que dans les cas limites. Cela permettrait de créer une plus grande sécurité juridique.
Une minorité Weichelt propose de supprimer l’art. 12 al. 4 LPGA. Elle estime qu’une définition complète des nouveaux critères de l’al. 3 par le Conseil fédéral est difficile à mettre en œuvre et que le Conseil fédéral peut préciser les nouvelles dispositions si nécessaire sans cet alinéa.
Une autre minorité Meyer Mattea rejette en outre le nouvel art. 14 al. 4bis LAVS. Elle considère que la réglementation actuelle est suffisante et craint une charge de travail supplémentaire pour les autorités compétentes.
- Commentaire des dispositions
Art. 12 al. 3 et 4 LPGA
Désormais, les éventuels accords entre les parties seront pris en compte au même titre que les critères de délimitation du statut correspondant à la pratique actuelle, développés par la jurisprudence.
La disposition légale proposée utilise les termes «distinction entre salariés et personnes exerçant une activité lucrative». Cela pourrait laisser supposer que la distinction serait désormais liée à la personne et non pas au revenu de l’activité lucrative réalisé. Toutefois, comme la modification s’inscrit à l’al. 3 de l’art. 12 LPGA, elle doit donc être lue à la lumière des autres alinéas dudit article qui se réfèrent au «revenu de l’activité lucrative».
Le projet utilise la terminologie «subordination du point de vue organisationnel». Le Tribunal fédéral, dans sa pratique de longue date, utilise le terme «dépendance en matière de gestion d’entreprise ou d’organisation du travail». La doctrine parle également de «rapport de subordination». Etant donné qu’il n’existe pas de terminologie uniforme concernant ce critère, aucune reformulation de la disposition proposée ne s’impose.
Dans un nouvel alinéa 4, il sera précisé que les critères régissant la subordination d’un point de vue organisationnel, le risque entrepreneurial et les accords passés entre les parties doivent être réglés dans l’ordonnance par le Conseil fédéral.
Art. 14 al. 4bis LAVS
Le Conseil fédéral doit avoir la possibilité de permettre à des tiers de soutenir les indépendants dans le versement des cotisations aux assurances sociales. Par exemple, il pourrait être prévu que les plateformes numériques ou d’autres intermédiaires se chargent d’annoncer leurs prestataires indépendants aux assurances sociales ou de verser aux caisses de compensation les cotisations sociales pour le compte de ces indépendants.
Cet article est formulé de manière à ce que cette possibilité soit facultative.
Afin de permettre une flexibilité pour la mise en œuvre, cet article doit être formulé de manière ouverte, de sorte à ce que les conceptions proches de la pratique puissent être définies au niveau de l’ordonnance. L’annonce des indépendants à la caisse de compensation ou la fonction d’agent payeur sont citées comme exemples afin que le Conseil fédéral puisse définir d’autres mesures si nécessaire.
- Conséquences sur les assurances sociales
Le présent projet touche le cœur du système des assurances sociales, car la délimitation du statut d’une personne salariée ou indépendante revêt une importance déterminante.
La volonté des parties est un élément subjectif. Pour que l’on puisse se baser sur des accords entre les parties pour décider du statut des cotisations, ceux-ci doivent être valables et notamment reposer sur une libre expression de la volonté des parties. Les caisses de compensation ne peuvent pas systématiquement vérifier la validité de telles conventions de droit privé. Il existe donc un risque que la validité des accords soit remise en question lors de la survenance d’un cas d’assurance. Il en résulterait des litiges coûteux. Il convient de préciser que de nombreux litiges surviennent déjà aujourd’hui en raison de la situation juridique actuelle. En somme, les adaptations proposées devraient permettre de réduire le nombre de litiges.
La simplification de la perception des cotisations est avantageuse pour les caisses de compensation. Elles peuvent bénéficier du soutien de tiers professionnels pour l’affiliation des indépendants. La perception des cotisations peut ainsi être améliorée.
Ce mécanisme doit toutefois s’inscrire dans le système actuel d’encaissement des cotisations des indépendants. La coordination nécessaire entre les deux systèmes entrainera des coûts administratifs supplémentaires pour les organes d’exécution.
Rapport de la CSSS-CN du 14.02.2025 paru in FF 2025 713
Projet de loi fédérale sur la modification de règles du droit des assurances sociales applicables aux personnes exerçant une activité lucrative indépendante paru in FF 2025 714