Archives par mot-clé : Assurance-accidents

Postulat Feri 20.4449 « Supprimer les inégalités de traitement entre veufs et veuves »

Postulat Feri 20.4449 « Supprimer les inégalités de traitement entre veufs et veuves »

 

Consultable ici

 

Texte déposé

La Confédération est chargée d’établir un rapport examinant comment supprimer les inégalités de traitement entre veufs et veuves dans le cadre de l’AVS et de l’assurance-accidents ; le rapport portera également sur la manière d’assurer aux survivants des moyens d’existence adéquats indépendamment de leur situation familiale et de leur mode de vie.

 

Développement

Les conditions donnant droit à une rente au titre de la LAVS ou de la LAA diffèrent en fonction du sexe de la personne survivante. Cette distinction est fondée sur l’idée que l’homme travaille pour subvenir aux besoins de la famille alors que la femme s’occupe du ménage et des enfants. La Cour européenne des droits de l’homme a estimé le 20.10.2020 qu’une telle vision ne correspondait plus à la réalité et que la discrimination des veufs qui en résulte contrevenait à la Convention européenne des droits de l’homme [1]. La Suisse est maintenant priée d’adapter sa législation aux conditions de vie actuelles et à l’art. 8 al. 3 de la Constitution, de sorte que cette législation ne fasse plus référence au sexe, à l’image des dispositions concernant le deuxième pilier.

Afin de garantir à long terme une couverture adéquate pour tous les survivants, il convient d’évaluer soigneusement le risque social lié au veuvage en prenant en considération l’ensemble des modes de vie et des configurations familiales possibles. Certaines catégories de survivants sont particulièrement tributaires de prestations suffisantes pour assurer leur subsistance, par exemple les parents qui s’occupent d’un enfant handicapé adulte ou ceux qui, ayant travaillé à temps partiel et avec des interruptions, ont un deuxième pilier très réduit. Il faut aussi tenir compte du fait que le retour sur le marché du travail après un veuvage peut être pratiquement impossible suivant l’âge du survivant, son état de santé ou la durée pendant laquelle il n’a pas exercé d’activité professionnelle. Les conjoints doivent pouvoir choisir librement la répartition des rôles qui leur convient, un choix dans lequel de multiples facteurs entrent en ligne de compte : garde des enfants, optimisation des revenus du ménage, considérations de santé, représentations culturelles, etc. En vertu des art. 8 al. 2 et 15 de la Constitution, aucun de ces facteurs ne doit servir de fondement à une discrimination.

A l’avenir, l’AVS et l’assurance-accidents doivent compenser de manière adéquate la perte de revenus consécutive au décès d’un partenaire ou d’un conjoint indépendamment de son sexe, afin d’atténuer les conséquences économiques de ce décès et de protéger les personnes concernées de la pauvreté.

 

Proposition du Conseil fédéral du 03.02.2021

Le Conseil fédéral propose d’accepter le postulat.

 

 

[1] Arrêt de la CrEDH B. c. Suisse – 78630/12 du 20.10.2020 consultable sur notre site ici

 

 

Postulat Feri 20.4449 « Supprimer les inégalités de traitement entre veufs et veuves » consultable ici

 

 

8C_800/2019 (f) du 18.11.2020 – Maladie professionnelle niée – 9 al. 2 LAA / Lien de causalité naturelle que possible

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_800/2019 (f) du 18.11.2020

 

Consultable ici

 

Maladie professionnelle niée / 9 al. 2 LAA

Lien de causalité naturelle que possible

 

Assuré, né en 1975, travaillait depuis le 01.07.2016 en qualité d’ouvrier étancheur. Par courrier du 31.07.2017, son assurance perte de gain maladie a informé l’assurance-accidents d’une incapacité de travail de l’assuré depuis le 01.05.2017 et d’une suspicion de maladie professionnelle en rapport avec l’exposition chronique aux solvants organiques employés sur son lieu de travail. Dans un rapport du 05.07.2017 de l’Institut C.__, le docteur D.__, chef de clinique et spécialiste FMH en médecine du travail, a posé les diagnostics de céphalées chroniques d’origine indéterminée et de possible encéphalopathie chronique toxique liée à une exposition professionnelle aux solvants organiques.

Se fondant sur les avis de son spécialiste en médecine du travail, l’assurance-accidents a rendu une décision, confirmée sur opposition, par laquelle elle a refusé d’allouer les prestations d’assurance sollicitées. Elle a considéré qu’il n’était pas prouvé que les troubles déclarés par l’assuré aient été causés exclusivement ou de manière nettement prépondérante par l’exercice de son activité professionnelle (art. 9 al. 2 LAA).

 

Procédure cantonale

Par jugement du 07.11.2019, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Selon l’art. 9 al. 1 LAA, sont réputées maladies professionnelles les maladies dues exclusivement ou de manière prépondérante, dans l’exercice de l’activité professionnelle, à des substances nocives ou à certains travaux ; le Conseil fédéral établit la liste de ces substances ainsi que celle de ces travaux et des affections qu’ils provoquent. Se fondant sur cette délégation de compétence – à laquelle renvoie l’art. 14 OLAA -, le Conseil fédéral a dressé à l’annexe I de l’OLAA la liste des substances nocives, d’une part, et la liste de certaines affections, ainsi que des travaux qui les provoquent, d’autres part. Ces substances et travaux, ainsi que les affections dues à ceux-ci, sont énumérés de manière exhaustive (arrêt 8C_757/2018 du 28 mars 2019 consid. 4.2 et la référence).

Selon la jurisprudence, l’exigence d’une relation prépondérante requise par l’art. 9 al. 1 LAA est réalisée lorsque la maladie est due pour plus de 50% à l’action d’une substance nocive mentionnée à l’annexe 1 de l’OLAA (ATF 133 V 421 consid. 4.1 p. 425 et les références).

Sont aussi réputées maladies professionnelles les autres maladies dont il est prouvé qu’elles ont été causées exclusivement ou de manière nettement prépondérante par l’exercice de l’activité professionnelle (art. 9 al. 2 LAA). La condition d’un lien exclusif ou nettement prépondérant n’est réalisée que si la maladie a été causée à 75% au moins par l’exercice de l’activité professionnelle (ATF 126 V 183 consid. 2b p. 186; 119 V 200 consid. 2b p. 201 et la référence). Cela signifie, pour certaines affections qui ne sont pas typiques d’une profession déterminée, que les cas d’atteinte pour un groupe professionnel particulier doivent être quatre fois plus nombreux que ceux que compte la population en général (ATF 116 V 136 consid. 5c p. 143; RAMA 2000 n° U 408 p. 407, U 235/99, consid. 1a; arrêt 8C_73/2017 du 6 juillet 2017 consid. 2.2, publié in: SVR 2017 UV n° 46 p. 158).

Pour constater l’existence d’une atteinte à la santé en lien avec l’exercice d’une activité professionnelle, le juge doit se fonder sur des rapports médicaux auxquels on peut attribuer un caractère probant suffisant selon la jurisprudence (cf. ATF 140 V 193 consid. 3.2 p. 195; 125 V 351 consid. 3a p. 352).

L’élément déterminant pour la valeur probante d’un rapport médical n’est ni son origine, ni sa désignation comme rapport ou comme expertise, mais bien son contenu. A cet égard, il importe que les points litigieux aient fait l’objet d’une étude circonstanciée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu’il prenne également en considération les plaintes exprimées par la personne examinée, qu’il ait été établi en pleine connaissance de l’anamnèse, que la description du contexte médical et l’appréciation de la situation médicale soient claires et enfin que les conclusions de l’expert soient dûment motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 p. 232; 125 V 351 précité consid. 3a p. 352).

Selon la jurisprudence, il découle du principe de l’égalité des armes, tiré du droit à un procès équitable garanti par l’art. 6 par. 1 CEDH, que l’assuré a le droit de mettre en doute avec ses propres moyens de preuve la fiabilité et la pertinence des constatations médicales effectuées par un médecin interne à l’assurance. Le fait, tiré de l’expérience de la vie, qu’en raison du lien de confiance (inhérent au mandat thérapeutique) qui l’unit à son patient, le médecin traitant est généralement enclin à prendre parti pour celui-ci (ATF 135 V 465 consid. 4.5 p. 470; 125 V 351 consid. 3a/cc p. 353 et les références) ne libère pas le juge de son devoir d’apprécier correctement les preuves, ce qui suppose de prendre également en considération les rapports versés par l’assuré à la procédure. Le juge doit alors examiner si ceux-ci mettent en doute, même de façon minime, la fiabilité et la pertinence des constatations des médecins internes à l’assurance. Lorsqu’une décision administrative s’appuie exclusivement sur l’appréciation d’un médecin interne à l’assureur social et que l’avis motivé d’un médecin traitant ou d’un expert privé auquel on peut également attribuer un caractère probant laisse subsister des doutes quant à la fiabilité et la pertinence de cette appréciation, la cause ne saurait être tranchée en se fondant sur l’un ou sur l’autre de ces avis. Il y a lieu de mettre en œuvre une expertise par un médecin indépendant selon la procédure de l’art. 44 LPGA ou une expertise judiciaire (ATF 135 V 465 consid. 4.5 p. 470 et consid. 4.6 p. 471).

S’agissant des cinq rapports du docteur E.__, spécialiste en médecine du travail de l’assurance-accidents, dont les deux derniers ont été établis en cours de procédure cantonale, il est douteux qu’ils remplissent les conditions posées par la jurisprudence pour se voir reconnaître pleine valeur probante. En effet, même si ce spécialiste a correctement exposé l’anamnèse professionnelle de l’assuré en relevant qu’une exposition aux solvants et aux résines époxy était mentionnée dans le rapport de l’Institut C.__ du 05.07.2017, il semble néanmoins remettre en doute les déclarations de l’assuré faites lors de son examen à l’Institut C.__ selon lesquelles des moyens de protection (par exemple des masques respiratoires avec cartouches) n’étaient que rarement utilisés. En concluant de manière apodictique à l’impossibilité de retenir une relation de causalité nettement prépondérante au sens de l’art. 9 al. 2 LAA entre l’exposition professionnelle et les troubles présentés par l’assuré, le docteur E.__ omet de considérer qu’en présence d’exposition à des substances nocives énumérées dans la liste à l’annexe I de l’OLAA, telles que résines époxy et xylènes, il convient d’appliquer l’art. 9 al. 1 LAA, nonobstant la question de savoir si des mesures de protection ont été prises. Ce point pourra néanmoins être considéré lorsqu’il s’agit d’examiner concrètement si, et le cas échéant dans quelle mesure, les troubles sont dus, dans l’exercice de l’activité professionnelle, à des substances nocives.

Quant au résultat, le jugement cantonal n’apparaît pas critiquable. En effet, l’appréciation des autres rapports médicaux versés au dossier ne permet pas de considérer que la symptomatologie présentée par l’assuré, en particulier les céphalées chroniques, serait due exclusivement ou de manière prépondérante – soit pour plus de 50% (cf. consid. 3.1.1 supra) – aux substances nocives auxquelles il a été exposé durant ses activités professionnelles:

Dans son rapport du 05.07.2017 le docteur D.__ de l’Institut C.__ a évoqué une « possible encéphalopathie chronique toxique liée à une exposition professionnelle aux solvants organiques ». Ce diagnostic hypothétique n’a pas pu être confirmé, dès lors qu’un des deux tests recommandés dans le dépistage ou le suivi d’encéphalopathie toxique liée à l’exposition chronique aux solvants organiques était normal (test de Farnsworth) et que l’autre (le questionnaire Euroquest de dépistage de symptômes neurotoxiques) retrouvait des scores altérés principalement sur les symptômes centraux. Le spécialiste en médecine du travail a donc proposé de faire un bilan neuropsychologique. Après avoir effectué ces examens à la Clinique romande de réadaptation (CRR), lesquels ont mis en évidence des troubles modérés de la mémoire, des difficultés attentionnelles et exécutives ainsi qu’un ralentissement, le docteur D.__ a revu l’assuré en consultation et a indiqué que les troubles neuropsychologiques « pourraient être compatibles avec une possible encéphalopathie toxique ». Dans un rapport ultérieur, il a encore relativisé cette hypothèse en indiquant qu’il avait « effectivement évoqué la possibilité d’une encéphalopathie chronique liée aux solvants organiques » et qu’ensuite du bilan neuropsychologique, il ne pouvait pas « exclure un lien entre les symptômes présentés par l’assuré et ses expositions professionnelles ».

Dans ces conditions, c’est à juste titre que la cour cantonale a considéré que l’exigence d’une relation prépondérante n’était pas réalisée et que l’administration de preuves supplémentaires sous la forme d’une expertise médicale ne pourrait rien changer à ce constat (cf. ATF 144 V 361 consid. 6.5 p. 368 s. sur l’appréciation anticipée des preuves).

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_800/2019 consultable ici

 

 

Évaluation médicale ciblée après traumatisme de l’épaule – Causes des lésions isolées de la coiffe des rotateurs et leur diagnostic médical d’assécurologie

Évaluation médicale ciblée après traumatisme de l’épaule – Causes des lésions isolées de la coiffe des rotateurs et leur diagnostic médical d’assécurologie

 

Article de Luzi Dubs, Bruno Soltermann, Josef E. Brandenberg, Philippe Luchsinger paru in Infoméd № 2021/1 consultable ici

 

Résumé

L’évaluation médicale ciblée après un traumatisme de l’épaule permet d’établir un diagnostic médical d’assécurologie compréhensible d’une douleur aiguë à l’épaule afin de déterminer si celle-ci provient de lésions traumatiques ou si elle est due à l’usure ou à une maladie. Les éléments déterminants sont tirés de la littérature standard de la médecine des assurances et tiennent également compte de la recherche fondamentale et de l’épidémiologie. Introduit pour la première fois, le tableau à double entrée permet de mieux corriger les erreurs d’interprétation des différentes corrélations.

Par ailleurs, le consensus médical d’assécurologie révisé sur la base de la littérature actuelle part du principe qu’une lésion de la coiffe des rotateurs est en général provoquée par des facteurs intrinsèques et extrinsèques de nature dégénérative ou maladive et qu’elle n’est due de manière déterminante à un traumatisme que dans des cas exceptionnels. L’hypothèse d’une rupture récente et isolée de la coiffe des rotateurs due à une contusion directe à l’épaule ne saurait être étayée.

 

 

« Évaluation médicale ciblée après traumatisme de l’épaule – Causes des lésions isolées de la coiffe des rotateurs et leur diagnostic médical d’assécurologie » paru in Infoméd № 2021/1 consultable ici

 

 

8C_555/2020 (d) du 16.12.2020 – Accident de la circulation – Tentative de suicide niée / 37 al. 1 LPGA – 4 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_555/2020 (d) du 16.12.2020

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt du TF fait foi

 

Accident de la circulation – Tentative de suicide niée / 37 al. 1 LPGA – 4 LPGA

 

Le 21.11.2016, la voiture conduite par l’assuré, directeur commercial né en 1969, a heurté de plein fouet le côté d’un véhicule venant en sens inverse. La voiture de l’assuré a quitté la route, traversé un champ pour finir en heurtant un talus. L’assuré a subi un polytraumatisme (TCC léger, traumatisme au niveau de l’abdomen, de la colonne vertébrale ainsi que des extrémités). Après investigations, l’assurance-accidents a, par décision, confirmée sur opposition, refusé d’intervenir, motif pris que l’assuré avait causé l’événement du 21.11.2016 avec l’intention de s’enlever la vie.

 

Procédure cantonale

Le tribunal cantonal a constaté que le policier, premier à arriver sur les lieux de l’accident, avait déclaré par la suite que l’assuré, lorsqu’on lui avait demandé s’il avait voulu mettre fin à sa vie, avait répondu en substance : « Oui, je ne vois pas d’autre solution » [« Ja, ich sehe keinen anderen Weg mehr »]. Il convient de souligner d’emblée que toutes les indications mentionnées par l’assurance-accidents, laissant supposer une tentative de suicide, se fondent uniquement sur cette déclaration. Rien n’indique dans le dossier médical ou dans le jugement pénal, ni avant, pendant ou après l’accident, que l’assuré ait été suicidaire. En ce qui concerne le déroulement de l’accident, les témoins ont déclaré que l’assuré n’avait pas pu voir si un véhicule venait dans le sens opposé en raison du virage. La seule conclusion qui pouvait être tirée du rapport d’analyse de l’accident obtenu par l’assurance-accidents était que l’assuré ne pouvait pas avoir été inconscient en traversant le champ après avoir quitté la route.

Le médecin-conseil de l’assurance-accidents avait initialement considéré la possibilité que l’assuré ait subi une crise d’épilepsie lors de l’accident comme extrêmement improbable. Même si c’était le cas, cela ne signifiait pas qu’aucune autre raison plausible que l’intention suicidaire ne puisse être considérée comme la cause de l’accident. Dans ce contexte, il convient de souligner en particulier que l’assuré, après avoir consommé de la marijuana, avait des taux sanguins de THC supérieurs à la valeur limite et avait donc conduit la voiture en état d’inaptitude. Cette circonstance constitue une explication plausible de son comportement au volant et de la collision qui en a résulté. En outre, une crise d’épilepsie n’a pas pu être exclue. Par la suite, le médecin-conseil avait indiqué qu’il considérait toujours comme improbable la survenance d’une crise d’épilepsie lors de l’accident du 21.11.2016, mais qu’il ne pouvait pas l’exclure. Sur la base des documents médicaux, l’hypothèse d’une crise d’épilepsie, qui pourrait expliquer le comportement au volant, était en tout cas au moins possible.

Par jugement du 08.07.2020, admission du recours par le tribunal cantonal, niant la thèse de la tentative de suicide.

 

TF

Selon l’art. 37 al. 1 LAA, si l’assuré a provoqué intentionnellement l’atteinte à la santé ou le décès, aucune prestation d’assurance n’est allouée, sauf l’indemnité pour frais funéraires. Il convient également de rappeler qu’est réputée accident toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort (art. 4 LPGA).

Le caractère involontaire de l’atteinte dommageable est un critère essentiel pour évaluer si un événement provoquant des atteintes corporelles doit être considéré comme un accident. Celui qui requière des prestations devant prouver l’existence d’un accident, il doit en principe également prouver le caractère involontaire de l’atteinte. […] Le défaut de preuve va au détriment de la partie qui entendait tirer un droit du fait non prouvé (ATF 117 V 261 consid. 3b p. 264).

Lorsqu’il y a doute sur le point de savoir si la mort est due à un accident ou à un suicide, il faut se fonder sur la force de l’instinct de conservation de l’être humain et poser comme règle générale la présomption naturelle du caractère involontaire de la mort, ce qui conduit à admettre la thèse de l’accident. Le fait que l’assuré s’est volontairement enlevé la vie ne sera considéré comme prouvé que s’il existe des indices sérieux excluant toute autre explication qui soit conforme aux circonstances. Il convient donc d’examiner dans de tels cas si les circonstances sont suffisamment convaincantes pour que soit renversée la présomption du caractère involontaire de la mort (arrêt 8C_550/2010 du 6 septembre 2010 consid. 2.2 et la référence à RAMA 1996 no. U 247 p. 168 consid. 2b, U 21/95).

Selon le Tribunal fédéral : Le tribunal cantonal n’a pas écarté les déclarations de l’agent de police. Sur la base du dossier, la cour cantonale a estimé à juste titre que l’assuré n’avait pas pu voir loin devant lui en raison du virage. Ainsi, il n’avait pas pu prévoir si un autre véhicule viendrait vers lui sur la voie opposée lorsqu’il a coupé le virage. S’il avait voulu provoquer une collision frontale (face à face) avec l’intention de se suicider, il l’aurait fait sur une route droite avec une vue dégagée. Les déclarations des témoins, selon lesquelles l’assuré avait conduit sa voiture comme s’il était perturbé physiquement ou psychiquement, allaient à l’encontre du dessein de se suicider. L’expérience générale de la vie s’oppose également à la thèse de la tentative de suicide. Une personne suicidaire peut se jeter devant un train qui approche ou se jeter d’un pont, mais ne veut pas tuer un étranger dans son suicide.

Il faut ajouter que rien dans le dossier n’indique que l’assuré ait été suicidaire, raison pour laquelle on ne peut supposer qu’il ait provoqué la collision dans le but de s’ôter la vie.

Il est vrai que l’assuré avait pris des substances psychoactives avant l’accident. Cependant, il ne ressort pas du dossier qu’il ait pu être intoxiqué au point de provoquer une collision dans un élan incontrôlable pour se suicider. Il faut plutôt supposer que, compte tenu de sa profession de directeur des ventes, effectuant de nombreuses présentations à des clients potentiels et attendant de pouvoir conclure des contrats, il était soumis à une grande pression et avait donc pris des substances psychoactives pour se soulager.

Dans le rapport médical du 06.02.2019, il était mentionné que l’anamnèse correspondait bien rétrospectivement à une crise d’épilepsie subie lors de l’accident du 21.11.2016. Le médecin-conseil de l’assurance-accidents a souscrit à cette appréciation, dans la mesure où une crise d’épilepsie ne peut être exclue.

 

Le TF rejette le recours de l’assurance-accidents.

 

 

Arrêt 8C_555/2020 consultable ici

Proposition de citation : 8C_555/2020 (d) du 16.12.2020 – Accident de la circulation – Tentative de suicide niée, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2021/02/8c_555-2020)

 

8C_450/2020 (d) du 15.09.2020 – Incapacité de gain pour un assuré seul membre du conseil d’administration et actionnaire unique d’une SA – 16 LPGA / Analyse comptable – Revenu sans invalidité – Revenu d’invalide

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_450/2020 (d) du 15.09.2020

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi.

 

Incapacité de gain pour un assuré seul membre du conseil d’administration et actionnaire unique d’une SA / 16 LPGA

Analyse comptable – Revenu sans invalidité – Revenu d’invalide

 

Assuré, né en 1949, est le seul membre du conseil d’administration et l’unique actionnaire du bureau d’ingénieurs B.__ SA. Il travaille également pour l’entreprise en tant qu’employé. Le 03.11.2012, son index et son majeur droits se sont coincés dans la tondeuse à gazon, sectionnant une partie desdits doigts.

Par courrier du 19.09.2016, l’assurance-accidents a informé l’assuré que, selon un examen médical, aucun autre traitement n’était nécessaire, raison pour laquelle elle a mis fin aux prestations précédentes à compter du 31.10.2016. Par décision du 27.01.2017, confirmée sur opposition le 27.09.2018, l’assurance-accidents a refusé l’octroi d’une rente d’invalidité, motif pris qu’il n’y avait pas d’atteinte significative à la capacité de gain à la suite de l’accident. Toutefois, elle a accordé à l’assuré une IPAI de 7,5%.

 

Procédure cantonale

Le tribunal cantonal a déterminé le revenu sans invalidité sur la base des inscriptions au compte individuel (CI), en prenant la moyenne des cinq dernières années avant l’accident (2007-2011). L’année d’accident 2012 n’a pas été prise en compte, car l’assuré n’avait pas travaillé à 100% cette année-là en raison d’une incapacité totale de travail à partir de la date de l’accident. En outre, lui seul avait pu déterminer quel salaire il réglerait avec la caisse de compensation, de sorte que des considérations ou réflexions de techniques d’assurance ne pouvaient être exclues. En tout état de cause, la raison pour laquelle les documents comptables font apparaître un salaire brut de CHF 106’300 pour 2012, alors qu’un salaire brut de CHF 135’300 avait été enregistré dans le CI, n’est pas claire. Sur la base des inscriptions pour les années 2007 à 2011, la cour cantonale a calculé – en tenant compte de l’évolution nominale des salaires – un revenu de CHF 99’984,32 (valeur 2016). Les juges cantonaux ont également souligné que même si l’on prenait en compte les trois dernières années (CHF 103’984,51) ou même seulement la dernière année avant l’accident (CHF 130’485,75), cela n’entraînerait pas un degré d’invalidité justifiant une rente.

Pour déterminer le revenu d’invalide, le tribunal cantonal a pris en compte les revenus enregistrés au CI pour les années 2013 à 2016, en ajoutant aux revenus individuels les paiements de dividendes dépassant 10% de la valeur fiscale de l’entreprise – par analogie à la « Nidwaldner Praxis » développée dans la jurisprudence sur les cotisations AVS (cf. ATF 134 V 297) – et en indexant les résultats respectifs à l’évolution nominale des salaires jusqu’en 2016. Le revenu d’invalide moyen (2013-2016) est de CHF 156’856,94.

Par jugement du 02.06.2020, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Le tribunal cantonal a considéré que l’assuré était le seul directeur général, le seul membre du conseil d’administration et le seul employé du bureau d’ingénieurs B.__ SA. Il était habilité à disposer du capital de la société et à prendre seul toutes les décisions concernant la société. Par conséquent, bien qu’il soit officiellement un employé de la société anonyme, il est assimilé à un travailleur indépendant au regard de la législation sur la sécurité sociale. Ceci n’est à juste titre remis en cause par aucune partie (voir SVR 2019 UV n° 3 p. 9, 8C_121/2017 consid. 7.1 et les références ; arrêts 8C_202/2019 du 9 mars 2020 consid. 3.3 ; 9C_453/2014 du 17 février 2015 consid. 4.2).

 

Revenu d’invalide

Le revenu d’invalide doit être évalué avant tout en fonction de la situation professionnelle concrète de la personne assurée. Si l’activité exercée après la survenance de l’atteinte à la santé repose sur des rapports de travail particulièrement stables, qu’elle met pleinement en valeur la capacité de travail résiduelle exigible et encore que le gain obtenu correspond au travail effectivement fourni et ne contient pas d’éléments de salaire social, c’est le revenu effectivement réalisé qui doit être pris en compte pour fixer le revenu d’invalide (ATF 143 V 295 consid. 2.2 p. 296 ; 129 V 472 consid. 4.2.1 p. 475 ; 126 V 75 consid. 3b/aa p. 76).

Dans le cas présent, il n’est pas contesté que le revenu d’invalide doit être déterminé sur la base de la situation professionnelle concrète.

Dans la mesure où l’assuré veut considérer, comme étant décisif pour la détermination du revenu d’invalide, uniquement le revenu gagné en 2016 selon l’inscription au compte individuel (CHF 51’036) en ajoutant les indemnités journalières LAA perçues cette année-là (CHF 16’851,25), il faut lui opposer qu’en tant qu’unique actionnaire et unique membre du conseil d’administration de la société, il a une influence déterminante sur la répartition du salaire/part des bénéfices. Par conséquent, la détermination du degré d’invalidité ne peut pas être basée uniquement sur l’extrait du compte individuel (cf. arrêt 8C_346/2012 du 24 août 2012 consid. 4.6). Outre le risque évident que le degré de l’incapacité de gain lui-même puisse être influencé, une telle approche créerait une nette inégalité de traitement par rapport aux travailleurs indépendants (propriétaires d’une entreprise individuelle) qui n’ont pas la possibilité de thésauriser/capitaliser les bénéfices (« Gewinne zu horten ») via des entités juridiques intermédiaires ou de les distribuer sous forme de dividendes. Il n’est donc pas contestable que le tribunal cantonal ait également pris en compte les bénéfices réalisés par le bureau d’ingénieurs B.__ SA pour déterminer le revenu d’invalide, d’autant plus que ceux-ci sont principalement imputables au travail de l’assuré et – compte tenu des circonstances économiques – doivent lui être attribués en tant qu’indépendant de fait. À cet égard, il n’est pas différent du cas d’un assuré non salarié qui est propriétaire d’une entreprise individuelle (cf. SVR 2019 UV n° 3 p. 9, 8C_121/2017 consid. 7.1 et 7.8 et les références ; arrêts 8C_928/2015 du 19 avril 2016 consid. 2.3.4 ; 9C_453/2014 du 17 février 2015 consid. 4.2 ; I 185/02 du 29 janvier 2003 consid. 3.3). Dans la mesure où le grief est dirigé contre la « Nidwaldner Praxis » appliquée par l’instance cantonale, l’assuré passe donc à côté de l’essentiel.

Les documents comptables de l’entreprise B.__ SA montrent qu’après l’accident de l’assuré en 2012, la société a réalisé des bénéfices au cours des années suivantes, de 2013 à 2016, à hauteur de CHF 148’301,85 (2013), CHF 228’086,64 (2014), CHF 168’215,21 (2015) et CHF 154 508,12 (2016). En 2013 et 2014, des montants de CHF 11’500 (2013) et CHF 5’000 (2014) ont été affectés à la réserve légale (voir dans ce contexte l’arrêt I 5/99 du 18 janvier 2000 consid. 3b/bb). En outre, des salaires bruts d’un montant de CHF 111’200 (2013), CHF 98’400 (2014), CHF 98’400 (2015) et CHF 96’868,80 (2016) ont été enregistrés dans les comptes, étant établi que l’entreprise B.__ SA n’emploie aucun autre employé que l’assuré. Même si la totalité du bénéfice de l’entreprise ne pouvait être prise en compte dans le revenu d’invalide, une perte de revenus pertinente due à l’accident en 2012 n’est pas discernable au vu des chiffres susmentionnés.

Il est vrai que les circonstances au moment de la naissance du droit à la rente sont déterminantes et que les revenus à comparer doivent être déterminés sur une base identique (ATF 129 V 222 consid. 4.3.1 p. 224). Toutefois, cela n’exclut pas, dans un cas particulier, de fonder la détermination du revenu d’invalide – de la même manière que pour le revenu sans invalidité (cf. arrêt 9C_651/2019 du 18 février 2020 consid. 6.2) – sur les revenus moyens réalisés pendant une période plus longue (arrêts 8C_228/2020 du 28 mai 2020 consid. 4.1.3 ; 8C_121/2017 du 5 juillet 2018 consid. 7.8 ; 9C_812/2015 du 7 juillet 2016 consid. 5.2 ; 9C_479/2015 du 22 décembre 2015 consid. 4.1).

 

Revenu sans invalidité

Dans son rapport daté du 17 août 2016, l’expert-comptable mandaté par l’assurance-accidents a déclaré que la société d’ingénierie dépendait des prestations de l’assuré. Par conséquent, la baisse de rendement se répercuterait principalement sur les postes du résultat d’exploitation (revenus), du travail fourni par des tiers et des dépenses de personnel. L’analyse a montré une forte augmentation du résultat d’exploitation au cours de l’exercice 2007. Les années suivantes, les résultats d’exploitation avaient encore diminué jusqu’à l’exercice 2010. Une augmentation marquée et ponctuelle a été à nouveau perceptible au cours de l’exercice 2011. Au cours des deux années suivantes, les résultats d’exploitation ont de nouveau diminué de manière constante avant d’augmenter à nouveau au cours de l’exercice 2014. L’expert-comptable a souligné que le résultat d’exploitation de l’exercice 2014 était le deuxième meilleur résultat de la période considérée. Il a également souligné que la société travaillait avec des indépendants pour gérer les pics de travail. Au cours de l’exercice 2014, les dépenses consacrées aux travaux fournis par des tiers ont augmenté à la fois en termes absolus et en proportion des résultats d’exploitation. Cependant, une comparaison sur plusieurs années a montré que les dépenses se situaient dans la fourchette atteinte avant l’accident. L’expert-comptable a conclu qu’aucune perte liée à un accident ne pouvait être déduite des chiffres de l’entreprise.

Selon le Tribunal fédéral, les documents comptables pour les années 2015 et 2016 montrent que des bénéfices élevés ont également été réalisés au cours de ces années – même en tenant compte de l’augmentation de la part des travaux de tiers. Dans le passé, de meilleurs résultats d’exploitation n’ont été obtenus qu’en 2011 et en 2012, année de l’accident. Contrairement aux allégations de l’assuré, une baisse marquée des commandes n’est pas évidente dans les années 2015 et 2016. Ainsi, au cours de ces années, le montant des honoraires se sont élevés à CHF 604’625,50 (2015) et CHF 506’510,50 (2016), ce qui représente une diminution par rapport à l’année la plus fructueuse à ce jour, à savoir 2011. Toutefois, le montant des honoraires est sensiblement plus élevé que celui de 2004 à 2010 et est comparable à celui de 2012 à 2014, de sorte que l’analyse économique/comptable reste tout à fait pertinente pour les questions dont il est question ici.

Ensuite, contrairement à ce qui est indiqué dans le recours, ce n’est pas le résultat opérationnel 1 [« Betriebsergebnis 1 »] (bénéfice brut 1 moins les charges de personnel et d’exploitation) des années 2004 à 2012 qui s’est élevé en moyenne à CHF 393’729,68, mais le bénéfice brut 1 (résultat d’exploitation [« Betriebsertrag »] moins le travail de tiers).

En comparaison, le bénéfice brut 1 moyen pour les années 2013 à 2017 s’élève à CHF 415’381,00. L’assuré n’est pas non plus en mesure de tirer quelque chose en sa faveur de cette comparaison. En outre, il n’y a pas d’éléments concrets indiquant que les travaux effectués avant l’accident n’auraient pas été comptabilisés dans l’exercice concerné. Enfin, l’assuré ne prouve pas que le développement de l’entreprise aurait été économiquement bien meilleur sans les atteintes à la santé.

A l’aune de ce qui précède, c’est à bon droit que la cour cantonale a (également) nié une incapacité de gain liée à l’accident, sur la base de l’analyse des résultats d’exploitation de l’entreprise B.__ SA et au vu des documents comptables des années 2015 et 2016.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_450/2020 consultable ici

Proposition de citation : 8C_450/2020 (d) du 15.09.2020 – Incapacité de gain pour un assuré seul membre du conseil d’administration et actionnaire unique d’une SA, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2021/01/8c_450-2020)

 

Informations relatives à l’assurance-accidents en lien avec le passage à l’année 2021 – Modification du droit en vigueur au 01.01.2021 (yc révision de l’OLAA pour les associations actives dans les sports populaires)

Informations relatives à l’assurance-accidents en lien avec le passage à l’année 2021 – Modification du droit en vigueur au 01.01.2021 (yc révision de l’OLAA pour les associations actives dans les sports populaires)

 

Lettre-circulaire de l’OFSP disponible ici (le lien de l’OFSP comporte une erreur à la fin, il suffit, après l’enregistrement, de renommer le document pdf en supprimant le « 2021 » se trouvant après « .pdf »)

 

  1. Pas d’adaptation des rentes de l’assurance-accidents au renchérissement en 2021

Conformément à l’article 34 alinéa 2, 2e phrase, de la loi sur l’assurance-accidents (LAA), les rentes sont adaptées au même rythme que celles de l’AVS, soit en principe tous les deux ans. Le 14.10.2020, le Conseil fédéral a décidé d’augmenter les rentes AVS/AI et les montants des prestations complémentaires afin de tenir compte de l’évolution des salaires et des prix (indice mixte). A compter du 01.01.2021, le montant de la rente minimale AVS/AI passera ainsi de 1’185 à 1’195 francs par mois, celui de la rente maximale de 2’370 à 2’390 francs (pour une durée de cotisation complète).

Dans la LAA, il n’est toutefois pas tenu compte de l’évolution des salaires. Les allocations sont fixées sur la base de l’indice des prix à la consommation (IPC) du mois de septembre et tiennent compte du renchérissement. Selon les données de l’Office fédéral de la statistique, l’IPC a reculé de 1.4 point, passant de 104.0 points (base: décembre 2015 = 100) lors de l’année de la dernière adaptation en septembre 2008, à 102.6 points en septembre 2020. Compte tenu de cette baisse de l’indice, les rentes LAA seront maintenues dès le 01.01.2021.

 

  1. Normes comptables uniformes pour la pratique de l’assurance-accidents

Une demande commune de tous les assureurs-LAA, à savoir l’Association suisse d’Assurances (ASA), la Caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accidents (CNA) et le collectif d’intérêt des autres assureurs, a été soumise le 12.11.2020 au Département fédéral de l’intérieur (DFI). Elle vise à modifier les normes comptables uniformes pour la pratique de 1’assurance-accidents. L’unique modification consiste en la baisse du taux d’intérêt technique à 1.0% pour toutes les rentes. Conformément à 1’article 108 de l’ordonnance sur l’assurance-accidents (OLAA), ces nouvelles normes comptables doivent être soumises au DFI pour approbation, ce qui sera effectué au début de l’année 2021. Elles pourraient entrer en vigueur le 01.01.2022.

 

  1. Exception à l’obligation légale d’assurance pour les associations actives dans les sports populaires (Révision de I’OLAA)

A ce jour, à partir du moment où une association sportive verse des indemnités – même de moindre importance – à ses dirigeants, ses entraîneurs ou ses joueurs, elle est tenue, en tant qu’employeur, de souscrire une police d’assurance-accidents au sens de la LAA. En raison des risques élevés inhérents à la pratique du sport, les associations sportives, et surtout celles actives dans les sports dits populaires, éprouvent souvent des difficultés à trouver un assureur-accidents et à s’acquitter des primes élevées qui leur sont imposées.

Un groupe de travail composé de représentants de Swiss Olympic, de l’ASA, de la CNA, de la Commission ad hoc sinistres LAA, de la Caisse supplétive LAA et de l’OFSP a examiné cette problématique et soumis cet été une proposition en vue de sa résolution. Celle-ci consiste en une modification de l’art. 2, al. 1 OLAA, avec l’introduction d’une nouvelle exception à l’obligation d’être assuré. Concrètement, il est prévu de créer une limite au-dessous de laquelle prévaut l’exonération de primes. Cette limite correspond aux 2/3 de la rente minimale annuelle de l’AVS (actuellement 9’480 CHF). La personne au bénéfice d’un salaire inférieur à cette somme, versé par une association sportive, ne devrait pas être obligatoirement assurée en matière d’assurance-accidents pour cette activité, pour autant qu’une couverture existe en matière d’assurance-accidents non professionnelle auprès d’un employeur principal. Une procédure de consultation relative à ce projet de révision sera menée en 2021.

 

  1. Prévention des accidents – Ordonnance sur les travaux de construction (OTConst)

En collaboration avec la commission spécialisée 12 « Bâtiments » de la CFST, l’OFSP planche actuellement sur une révision de l’ordonnance sur les travaux de construction (OTConst). Les modifications les plus importantes concernent la hauteur de chute et les échafaudages. La révision de l’ordonnance sur les travaux de construction a pour but d’apporter de la clarté. Certaines dispositions doivent également être mises en conformité avec l’état actuel de la technique et la pratique courante. En outre, les contradictions existantes actuellement dans les différentes règlementations doivent être éliminées. Une procédure de consultation relative à ce projet a été menée jusqu’au 18.09.2020. Après évaluations des quelques 90 prises de position reçues, la nouvelle ordonnance sur les travaux de construction devrait être adoptée par le Conseil fédéral dans le courant de l’année 2021.

 

  1. Swiss National Action Plan for Electronic Exchange of Social Security Information (SNAP-EESSI)

Dans le cadre de 1’Accord sur la libre circulation des personnes entre la Suisse et 1’Union européenne (UE), les règlements 883/2004 et 987/2009 (RS 0.831.109.268.1 et 0.831.109.268.11) de coordination des régimes de sécurité sociale prévoient de remplacer les formulaires papier par un système d’échange électronique (Electronic Exchange of Social Security Information EESSI www.bsv.admin.ch/snap-eessi). Celui-ci doit permettre un traitement plus rapide des documents ainsi qu’une diminution de la fraude et des erreurs. II coordonnera surtout les systèmes d’assurance sociale de 32 pays de 1’UE et de l’AELE dans le respect des lois sur la protection des données.

La CNA et l’ASA se sont entendus pour que tous les assureurs-accidents utilisent un processus dit « hors ligne » pour la branche LAA. Ainsi, l’accès en ligne à EESSI doit exclusivement passer par un organe central de liaison pour la Suisse (CNA). En juin 2020, le coup d’envoi a été donné avec succès dans le domaine de 1’assurance-accidents grâce à l’activation de 21 modèles de flux d’échange métier (Business Use Cases ou BUC). Les modèles restants seront introduits au cours de l’année 2021.

Aux termes du nouvel article 75b LPGA, dont la révision a été acceptée en été 2019 par le Parlement, les services de la Confédération perçoivent auprès des institutions compétentes des émoluments pour le raccordement à l’infrastructure destinée à l’échange électronique des données avec l’étranger et l’utilisation de celle-ci. Le Conseil fédéral a élaboré un tarif dans l’OPGA révisée, qui entrera en vigueur le 01.01.2021. A compter de cette date, l’OFAS facturera aux différentes branches des assurances sociales les coûts d’utilisation d’EESSI. La première facture interviendra en 2022 et se basera sur les chiffres de 2021. Il est à prévoir des coûts de base, divisés par secteur en fonction du nombre d’institutions, et des coûts d’utilisation, répartis quant à eux au regard du nombre de comptes d’utilisateurs. Même s’il n’est évidemment pas encore possible d’articuler de chiffres concrets, on peut présager que les coûts dans l’assurance-accidents resteront limités grâce à la solution « hors ligne » avec la CNA comme point de liaison pour la branche LAA, et ce en raison du faible nombre d’assureurs-LAA et de comptes d’utilisateurs.

 

  1. Collecte électronique pour le rapport LPGA des données relatives aux observations effectuées

Lors du dernier trimestre de 2020, un premier essai de récolte des données relatives aux observations a été effectué grâce à l’outil de recensement en ligne qui avait été présenté l’année dernière. L’OFAS a évalué les informations récoltées dans les différentes branches branches d’assurances sociales. Sur la base des expériences acquises, les instructions seront adaptées et le questionnaire de recensement sera ajusté pour devenir plus précis. Au début de l’année 2021, la première enquête pointue sur les observations effectuées en 2020 sera menée. Les résultats seront publiés dans le rapport LPGA.

 

  1. Modifications dans le registre des assureurs-LAA

Conformément à sa demande déposée devant I’OFSP, la compagnie CSS Assurance SA a été biffée au 30.05.2020 du registre des assureurs autorisés à pratiquer l’assurance-accidents selon la LAA

 

 

Lettre-circulaire de l’OFSP disponible ici (le lien de l’OFSP comporte une erreur à la fin, il suffit, après l’enregistrement, de renommer le document pdf en supprimant le « 2021 » se trouvant après « .pdf » ; l’erreur provient du site de l’OFSP)

 

 

 

8C_1/2020 (f) du 15.10.2020 – Détermination de la méthode d’évaluation applicable pour un associé-gérant de deux Sàrl, dont il est également salarié – 18 LAA – 16 LPGA / Méthode extraordinaire / Frais de traduction de l’expertise économique réalisée sur mandat de l’assurance-accidents (allemand => français) – Principe de la territorialité des langues – 70 al. 1 Cst.

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_1/2020 (f) du 15.10.2020

 

Consultable ici

 

Détermination de la méthode d’évaluation applicable pour un associé-gérant de deux Sàrl, dont il est également salarié / 18 LAA – 16 LPGA

Méthode extraordinaire

Frais de traduction de l’expertise économique réalisée sur mandat de l’assurance-accidents (allemand => français) – Principe de la territorialité des langues / 70 al. 1 Cst.

 

Assuré exerce conjointement avec son épouse la fonction d’associé-gérant des sociétés B.__ Sàrl et C.__ Sàrl, dont il est également salarié et dont le but social est l’exploitation de trois cafés-restaurants à U.__. Le 03.03.2011, il a été victime d’un accident de la circulation qui lui a causé diverses fractures au niveau du poignet droit et de l’épaule gauche. L’assurance-accidents a versé des indemnités journalières jusqu’au 31.08.2017.

Après avoir ordonné la mise en œuvre d’une expertise économique afin d’évaluer les revenus avec et sans invalidité, l’assurance-accidents a rendu une décision par laquelle elle a reconnu le droit de l’assuré à une rente d’invalidité fondée sur un taux d’invalidité de 13% à compter du 01.09.2017. Rejet de l’opposition ainsi que de la demande de l’assuré de faire traduire en français le rapport d’expertise économique rédigé en allemand.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/1052/2019 – consultable ici)

La cour cantonale a considéré que la méthode extraordinaire était la plus appropriée pour déterminer le taux d’invalidité de l’assuré. A son avis, la comparaison des résultats d’exploitation effectuée par l’assurance-accidents ne permettait pas de chiffrer la perte de gain de manière fiable. En effet, l’assuré n’était pas à la tête d’une simple entreprise unipersonnelle mais était associé-gérant (avec son épouse) de deux entreprises exploitant trois restaurants. Il était ainsi nécessaire de distinguer sa situation personnelle de celles des entreprises, ce que l’expert mandaté par l’assurance-accidents n’avait pas fait. En outre, on ne pouvait pas exclure que des facteurs étrangers à l’atteinte dont souffrait l’assuré aient influencé le résultat de ces entreprises, ne serait-ce qu’au regard de la concurrence, de la conjoncture et compte tenu du fait que lesdites entreprises employaient un personnel relativement nombreux, dont plusieurs membres de sa famille. Par ailleurs, les données comptables relatives aux charges salariales variaient fortement d’une année à l’autre et apparaissaient partiellement contradictoires avec les chiffres communiqués à l’AVS. En pareilles circonstances, il n’était pas possible de distinguer la part du résultat d’exploitation qu’il fallait attribuer aux facteurs étrangers à l’invalidité de celle qui revenait à la propre prestation de travail de l’assuré. Enfin, les juges cantonaux ont relevé qu’en chiffrant le revenu d’invalide en fonction du résultat d’exploitation et du salaire déclaré à l’AVS pour l’année 2012, l’expert avait méconnu que pour procéder à une comparaison des revenus, il convenait de se placer au moment de la naissance du droit à la rente, en l’occurrence au 01.09.2017, soit à une période pour laquelle on ne disposait d’aucun renseignement sur le revenu perçu par l’assuré.

La juridiction cantonale a confié la traduction en français du rapport d’expertise économique à un traducteur-juré.

Par jugement du 13.11.2019, admission partielle du recours par le tribunal cantonal, reconnaissant le droit de l’assuré à une rente d’invalidité fondée sur un taux d’invalidité de 35% dès le 01.09.2017. Elle a en outre mis à la charge de l’assurance-accidents les frais de traduction du rapport d’expertise économique, à hauteur de 562 fr. 20.

 

TF

Méthode d’évaluation applicable

Chez les assurés exerçant une activité lucrative, le taux d’invalidité doit être évalué sur la base d’une comparaison des revenus. Pour cela, le revenu que l’assuré aurait pu réaliser s’il n’était pas invalide est comparé avec celui qu’il pourrait obtenir en exerçant l’activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA). La comparaison des revenus s’effectue, en règle générale, en chiffrant aussi exactement que possible les montants de ces deux revenus et en les confrontant l’un avec l’autre, la différence permettant de calculer le taux d’invalidité (méthode ordinaire de la comparaison des revenus ; ATF 137 V 334 consid. 3.3.1 p. 337).

Lorsque l’assuré est une personne de condition indépendante, la comparaison porte sur les résultats d’exploitation réalisés dans son entreprise avant et après la survenance de l’invalidité. Ce n’est que si ces données comptables ne permettent pas de tirer des conclusions valables sur la diminution de la capacité de gain due à l’invalidité – ce qui est le cas lorsque les résultats de l’exploitation ont été influencés par des facteurs étrangers à l’invalidité – que le taux d’invalidité doit être évalué en application de la méthode extraordinaire (consistant à évaluer le taux d’invalidité d’après l’incidence de la capacité de rendement amoindrie sur la situation économique concrète). Les résultats d’exploitation d’une entreprise dépendent en effet souvent de nombreux paramètres difficiles à apprécier, tels que la situation conjoncturelle, la concurrence, l’aide ponctuelle des membres de la famille, des personnes intéressées dans l’entreprise ou des collaborateurs, lesquels constituent des facteurs étrangers à l’invalidité. Ainsi, il convient, dans chaque cas, afin de déterminer la méthode d’évaluation applicable, d’examiner si les documents comptables permettent ou non de distinguer la part du revenu qu’il faut attribuer aux facteurs étrangers à l’invalidité de celle qui revient à la propre prestation de travail de l’assuré (arrêts 9C_826/2017 du 28 mai 2018 consid. 5.2; 9C_106/2011 du 14 octobre 2011 consid. 4.3 et les références). Sinon, il faut, en s’inspirant de la méthode spécifique pour personnes sans activité lucrative dans l’assurance-invalidité (art. 28a al. 2 LAI, en relation avec les art. 27 RAI et 8 al. 3 LPGA), procéder à une comparaison des activités pour déterminer quel est l’empêchement provoqué par l’atteinte à la santé, puis apprécier séparément les effets de cet empêchement sur la capacité de gain (ATF 128 V 29; arrêts 8C_312/2016 du 13 mars 2017 consid. 5.4.2, 9C_236/2009 du 7 octobre 2009 consid. 3.2, in SVR 2010 IV n° 11 p. 35).

 

En l’espèce, les circonstances justifient le choix des juges cantonaux d’appliquer la méthode extraordinaire pour déterminer le taux d’invalidité de l’assuré. En effet, il ressort du rapport d’expertise économique que, postérieurement à la survenance de l’atteinte à la santé en 2011 et jusqu’en 2015 (dernière année prise en compte par l’expert), le chiffre d’affaires et la masse salariale des entreprises de l’assuré ont varié tant à la hausse qu’à la baisse suivant les années, marquant néanmoins une légère progression par rapport à la période précédant l’accident (années 2008 à 2010). L’expert mentionne toutefois que les chiffres relatifs à la charge salariale diffèrent selon que l’on tient compte des données obtenues de la fiduciaire ou des indications de l’Office cantonal des assurances sociales de Genève. Quant au bénéfice, il a varié de manière considérable à la hausse en 2012 puis à la baisse en 2013 et 2014 avant de progresser à nouveau en 2015. Il n’est cependant pas possible d’établir si et dans quelle mesure une telle évolution est due exclusivement à l’invalidité, ou si elle a aussi été influencée par la conjoncture, le développement de l’entreprise ou d’autres facteurs étrangers à l’invalidité. L’assurance-accidents soutient d’ailleurs elle-même dans son mémoire de recours que les variations du bénéfice et du chiffre d’affaires ne découlent pas de l’accident. On ne peut pas non plus parler de constance au regard du chiffre d’affaires, des charges salariales et du bénéfice de l’exploitation au cours des années qui ont précédé l’atteinte à la santé. D’autres circonstances mises en évidences par la cour cantonale (participation dans plusieurs sociétés, le fait que l’assuré n’était pas l’ayant droit économique unique des sociétés, collaboration des membres de sa famille) empêchent également de déterminer de manière fiable les revenus avec et sans invalidité nécessaires à une comparaison des revenus. Enfin, l’évaluation de l’invalidité par les organes de l’assurance-invalidité n’ayant pas de force contraignante pour l’assureur-accidents (ATF 131 V 362 consid. 2.3 p. 368), la méthode appliquée par l’office AI compétent pour statuer sur le droit de l’assuré à une rente d’invalidité n’est pas déterminante en l’espèce, cela d’autant moins qu’il n’apparaît pas que la décision en question aurait fait l’objet d’un examen par le juge.

Dans ces conditions, les juges cantonaux étaient fondés à considérer la méthode extraordinaire comme étant la plus appropriée. Pour le surplus, l’assurance-accidents ne conteste pas la répartition des champs d’activité fixée par la juridiction cantonale, les pondérations avec et sans handicap, ni les taux d’incapacité de travail relatifs à ces champs d’activité.

 

Frais de traduction

L’assurance-accidents se plaint du fait que la cour cantonale a mis à sa charge les frais de traduction du rapport d’expertise économique. Elle fait valoir que ce document consistait surtout en des chiffres et que le conseil de l’assuré l’avait parfaitement comprise. En outre, la traduction n’était pas nécessaire dans la mesure où la cour cantonale a considéré que le rapport n’était pas pertinent en l’espèce.

Les juges cantonaux ont motivé leur décision de mettre à la charge de l’assurance-accidents les frais de traduction en application du principe de la territorialité des langues, de l’art. 70 al. 1 Cst., ainsi que de la jurisprudence et de la doctrine y relatives. Ils ont exposé en particulier qu’à Genève, tout document soumis au juge devait être rédigé dans la langue officielle ou accompagné d’une traduction dans cette langue ; cette règle valait pour tous les écrits émanant directement du juge ou des parties, ainsi que pour les pièces que celles-ci produisaient. Ils ont considéré en outre que l’on ne pouvait pas exiger du mandataire de l’assuré qu’il établisse à l’intention de son client une traduction littérale d’un rapport d’analyse économique et que selon la jurisprudence (ATF 128 V 34 [cité arrêt I 321/01 du 27 février 2002 dans le jugement cantonal]), une partie n’abusait pas de son droit en demandant la traduction de pièces rédigées dans une langue qu’elle connaissait parfaitement. L’assurance-accidents ne prend pas position à cet égard mais se limite à se prévaloir de la prétendue inutilité de la mesure. Or, il est constant que l’assurance-accidents s’est fondée sur le rapport d’expertise économique pour calculer le taux de la rente d’invalidité litigieuse et qu’il s’agissait ainsi d’une pièce essentielle du dossier de nature à sceller le sort de la procédure (cf. ATF 128 V 34 consid. 2b/bb p. 38). Quant au fait que ce rapport consiste essentiellement en des données chiffrées, cela a pour conséquence de réduire le travail du traducteur mais n’en rend pas moins utile la traduction de l’analyse et des explications de ces données. Dans ces conditions, on ne saurait reprocher à la cour cantonale d’avoir fait procéder à la traduction de l’expertise, quand bien même elle a jugé par la suite qu’une évaluation de l’invalidité selon la méthode de la comparaison des résultats d’exploitation n’était pas appropriée.

 

 

Le TF rejette le recours de l’assurance-accidents.

 

 

Arrêt 8C_1/2020 consultable ici

 

 

8C_785/2019 (f) du 17.08.2020 – Gain assuré pour l’indemnité journalière LAA – 15 LAA / Assuré n’exerçant pas d’activité lucrative régulière – Salaire moyen équitable par jour – 23 al. 3 OLAA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_785/2019 (f) du 17.08.2020

 

Consultable ici

 

Gain assuré pour l’indemnité journalière LAA / 15 LAA

Assuré n’exerçant pas d’activité lucrative régulière – Salaire moyen équitable par jour / 23 al. 3 OLAA

 

Assuré, né en 1991, engagé depuis le 04.04.2016 en qualité de ferrailleur auprès de l’entreprise B.__ Sàrl (actuellement en liquidation). Par déclaration de sinistre du 26.05.2016, l’employeur a signalé à l’assurance-accidents que le prénommé était tombé le même jour dans un trou sur un chantier et qu’il s’était fracturé le bras droit; son salaire horaire était fixé à 28 fr. l’heure pour une occupation régulière à 100 % (contrat de durée indéterminée) et un horaire de travail de 45 heures par semaine.

Après avoir pris connaissance du contrat de travail et des décomptes de salaire pour les mois d’avril et mai 2016, l’assurance-accidents a informé l’assuré, par courrier du 15.07.2016, qu’elle allouait les prestations légales d’assurances pour les suites de l’accident du 26.05.2016 et que son droit à l’indemnité journalière était de 155 fr. 55 par jour calendaire.

A la suite d’investigations complémentaires, l’assurance-accidents a rendu une décision par laquelle elle a révisé sa décision du 15.07.2016 et a fixé l’indemnité journalière à 53 fr. par jour. En outre, elle a demandé à l’assuré le remboursement de la différence versée à tort, soit un montant de 36’565 fr. 55. Saisie d’une opposition, l’assurance-accidents l’a partiellement admise en ce sens qu’elle a renoncé à la demande de restitution des prestations versées à tort, les conditions pour une révision ou une reconsidération n’étant pas remplies, l’opposition étant pour le surplus rejetée.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/935/2019 – consultable ici)

Comme l’assurance-accidents, les juges cantonaux ont considéré qu’il n’était possible d’établir de façon fiable ni le dernier salaire reçu avant l’accident du 26.05.2016, ni l’horaire effectué par l’assuré durant cette période, vu les contradictions ressortant des différents documents versés au dossier. Procédant à une instruction complémentaire en vue d’établir le gain déterminant, la cour cantonale a notamment auditionné des témoins et a confronté les déclarations de l’assuré respectivement de son employeur avec celles des autres collaborateurs ainsi que de l’administrateur de l’entreprise. Se fondant sur les informations transmises par l’assurance-accidents, elle a constaté que l’employeur avait déclaré le salaire de l’assuré pour le mois d’avril 2016 après l’accident du 26.05.2016, alors qu’il avait déjà communiqué à l’assurance-accidents les données concernant tous ses autres collaborateurs. Quant au salaire du mois de mai 2016, il avait été annoncé le 04.07.2017 seulement, soit plus d’une année après le sinistre et près de neuf mois après la dernière communication des salaires des autres employés pour ce mois-ci. Sur la base de ces éléments, la cour cantonale a conclu qu’il y avait lieu de douter du bien-fondé des déclarations de l’assuré et de son employeur concernant non seulement le montant du salaire horaire convenu, mais également la régularité et l’ampleur de l’activité déployée par l’assuré durant les mois d’avril et mai 2016. En revanche, elle a considéré comme établi, au degré de la vraisemblance prépondérante requis, que l’assuré avait bien déployé une activité pour B.__ Sàrl en 2016, mais irrégulièrement, tout comme il l’avait fait en 2015 pour le compte du même employeur, en rappelant que son salaire avait alors été soumis à de fortes variations (13’727 fr. de janvier à juin 2015 et 10’480 fr. de septembre à décembre 2015 selon l’extrait de son compte individuel). Dans ces conditions, les juges cantonaux ont estimé que l’assurance-accidents était fondée à s’écarter du revenu déclaré par l’employeur au moment du sinistre et à se référer aux salaires mentionnés dans le compte individuel de l’assuré pour l’année 2015.

Par jugement du 10.10.2019, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Par décision sur opposition du 14.07.2017, l’assurance-accidents a renoncé à réclamer à l’assuré la restitution des indemnités journalières versées à tort. Par conséquent, elle avait le droit de corriger ex nunc et pro futuro le montant de celles-ci, sans devoir se fonder sur un motif de révocation (reconsidération ou révision procédurale; arrêt 8C_22/2019 du 24 septembre 2019 consid. 3, non publié aux ATF 146 V 51 mais in: SVR 2020 UV n° 8 p. 23; ATF 133 V 57 consid. 6.8 p. 65).

 

Gain assuré pour l’indemnité journalière LAA

Selon l’art. 15 LAA, les indemnités journalières et les rentes sont calculées d’après le gain assuré (al. 1). Est réputé gain assuré pour le calcul des indemnités journalières le dernier salaire que l’assuré a reçu avant l’accident (art. 15 al. 2, première phrase, LAA), y compris les éléments de salaire non encore perçus et auxquels il a droit (art. 22 al. 3 OLAA).

Conformément à la délégation de l’art. 15 al. 3 LAA, le Conseil fédéral a promulgué des dispositions sur la prise en considération du gain assuré dans des cas spéciaux, notamment pour l’indemnité journalière (art. 23 OLAA). Selon l’art. 23 al. 3 OLAA, lorsque l’assuré n’exerce pas d’activité lucrative régulière ou lorsqu’il reçoit un salaire soumis à de fortes variations, il y a lieu de se fonder sur un salaire moyen équitable par jour.

A l’ATF 139 V 464, le Tribunal fédéral a considéré que le point de savoir si les conditions de l’art. 23 al. 3 OLAA – à savoir les critères de l’activité irrégulière et les fortes variations de salaire – sont réalisées doit être examiné au regard de l’activité effectivement exercée au moment de l’accident, le parcours professionnel antérieur de l’assuré n’étant pas déterminant. Le fait que l’accident soit survenu peu après la prise du travail ne change rien à cet égard (ATF 139 V 464 consid. 4.2 et 4.3 p. 470 s.; 128 V 298 consid. 2b/bb p. 301). En d’autres termes, si l’assuré n’a pas travaillé ou seulement sporadiquement dans le passé, il n’y a pas lieu de conclure à une activité irrégulière au sens de l’art. 23 al. 3 OLAA; c’est l’activité effective au moment de la survenance de l’accident qui doit être irrégulière pour entraîner l’application de l’art. 23 al. 3 OLAA; par ailleurs, la durée effective de l’engagement n’a pas une importance particulière pour calculer le gain assuré déterminant pour les indemnités journalières (ATF 139 V 464 consid. 4.4 p. 471 s.). Si les conditions de l’art. 23 al. 3 OLAA ne sont pas réalisées, le dernier salaire perçu avant l’accident dans les rapports de travail actuels est déterminant pour calculer l’indemnité journalière en vertu de l’art. 15 al. 2 LAA en liaison avec l’art. 22 al. 3 OLAA (ATF 139 V 464 consid. 4.6 p. 472; arrêt 8C_296/2013 du 14 janvier 2014 consid. 5.1).

Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible; la vraisemblance prépondérante suppose que, d’un point de vue objectif, des motifs importants plaident pour l’exactitude d’une allégation, sans que d’autres possibilités revêtent une importance significative ou n’entrent raisonnablement en considération (ATF 144 V 427 consid. 3.2 p. 429; 139 V 176 consid. 5.3 p. 186; 138 V 218 consid. 6 p. 221 s.).

 

Activité lucrative irrégulière – 23 al. 3 OLAA

D’après la déclaration de sinistre, le salaire convenu entre l’assuré et son employeur était de 28 fr. l’heure pour une occupation régulière de 45 heures par semaine. Contrairement aux constatations des juges cantonaux, il n’y a pas lieu de remettre en question ces éléments. Ainsi, même si dans le contrat de travail il est fait mention d’un salaire horaire de 26 fr., il sied de constater que l’employeur a précisé lors de son audition par-devant la cour cantonale qu’il s’agissait « sans doute d’une erreur », le salaire convenu étant de 28 fr. l’heure. En outre, ce salaire horaire se trouve confirmé aussi bien dans les décomptes de salaire pour les mois d’avril et mai 2016 que dans la liste des salariés de l’entreprise B.__ Sàrl. C’est aussi en vain que la cour cantonale, pour remettre en cause le salaire horaire déclaré par l’assuré, s’est référée à la Convention nationale du secteur principal de la construction en Suisse (CN 2016 – 2018, état au 01.06.2017), dans la mesure où n’y figurent que les salaires minimaux (arrêts 8C_141/2016 et 8C_142/2016 du 17 mai 2016 consid. 5.2.2.3). Il en va de même de la comparaison du salaire de l’assuré avec celui des autres ouvriers salariés actifs entre janvier et juillet 2016, dont les conditions d’engagement ne sont pas connues et dont les salaires ne sont donc pas comparables.

S’agissant du point de savoir à quel taux d’activité l’assuré avait travaillé avant la survenance de son accident, la cour cantonale a retenu qu’il aurait déployé une activité irrégulière en 2016, tout comme il l’avait fait en 2015 pour le compte du même employeur, en rappelant que son salaire avait alors été soumis à de fortes variations (13’727 fr. de janvier à juin 2015 et 10’480 fr. de septembre à décembre 2015 selon l’extrait du compte individuel). Or selon la jurisprudence, la question de savoir si les critères de l’activité irrégulière et les fortes variations de salaire au sens de l’art. 23 al. 3 OLAA sont réalisées doit être examinée au regard de l’activité effectivement exercée au moment de l’accident, le parcours professionnel antérieur de l’assuré n’étant pas déterminant. En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que depuis son nouvel engagement auprès de B.__ Sàrl le 04.04.2016, l’assuré a travaillé à un taux d’activité de 100 %. Le fait que son salaire ait été versé en main propre par l’employeur n’y change rien, tout comme le fait que les salaires du mois d’avril et mai 2016 aient été déclarés à la caisse de compensation plus tard que ceux des autres ouvriers. Enfin, quant à la constatation des juges cantonaux selon laquelle les revenus bruts et nets dans les décomptes de salaire relatifs aux mois d’avril et de mai 2016 seraient bien supérieurs à ceux annoncés à la caisse de compensation, il s’avère en effet que seul le salaire de base (28 fr. x 180 heures, soit 5040 fr.) a été déclaré à celle-ci, sans tenir compte des autres indemnités auxquelles l’assuré prétend (vacances payées par l’employeur, 13e salaire, indemnité professionnelle journalière, pause). La question de savoir s’il s’agit d’une erreur de comptabilité, comme le soutient l’assuré, peut rester indécise, dans la mesure où ce point n’est pas déterminant pour trancher la question de savoir si l’assuré exerçait une activité irrégulière ou percevait un salaire soumis à de fortes variations (art. 23 al. 3 OLAA).

Au vu de ce qui précède, il y a lieu de constater que l’activité exercée par l’assuré auprès de B.__ Sàrl ne constituait pas une activité irrégulière au sens de l’art. 23 al. 3 OLAA. C’est par conséquent à tort que l’assurance-accidents et les juges cantonaux ont calculé l’indemnité journalière sur la base d’un salaire moyen équitable par jour, respectivement en se fondant sur le gain réalisé en 2015. L’indemnité journalière doit bien plutôt être fixée conformément à l’art. 15 al. 2 LAA en lien avec l’art. 22 al. 3 OLAA. Cela étant, il appert que seul le salaire de base, soit le montant de 5040 fr., est établi. C’est donc sur cette base que l’indemnité journalière doit être calculée et par conséquent fixée à 132 fr. 55 (5040 fr. x 12 ÷ 365 x 80 %) conformément aux art. 17 al. 1 LAA et 25 al. 1 OLAA.

 

Le TF admet le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_785/2019 consultable ici

 

 

8C_810/2019 (f) du 07.09.2020 – 3 accidents de la circulation – Séquelles physiques en lien de causalité avec chacun des accidents – 6 LAA / Absence de séquelles physiques en lien de causalité avec le 2e accident / Lien de causalité adéquate entre le 3e accident et les troubles (lésions du rachis cervical par accident de type « coup du lapin » examiné selon le 115 V 133) / Examen de la causalité adéquate en cas d’accidents successifs

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_810/2019 (f) du 07.09.2020

 

Consultable ici

 

3 accidents de la circulation – Séquelles physiques en lien de causalité avec chacun des accidents / 6 LAA

Absence de séquelles physiques en lien de causalité avec le 2e accident

Lien de causalité adéquate entre le 3e accident et les troubles (lésions du rachis cervical par accident de type « coup du lapin » examiné selon le 115 V 133)

Examen de la causalité adéquate en cas d’accidents successifs

 

Assurée, née en 1982, travaillant en qualité d’ensemblière, est victime de trois accidents successifs de la circulation :

  • Le 19.01.2009, elle a subi une distorsion cervicale simple en percutant une voiture à l’arrêt. Le cas avait alors été pris en charge par l’assurance-accidents, qui a versé des prestations jusqu’en décembre en 2010.
  • Le 02.12.2012, la voiture dont elle était passagère à l’arrière au milieu a glissé sur une plaque de glace et s’est brusquement arrêtée contre une butte, projetant les passagers vers leur gauche. Selon la description de l’accident figurant dans la déclaration de sinistre, l’arrêt soudain du véhicule a projeté l’assurée contre le passager arrière assis à côté d’elle ; afin d’éviter le choc entre eux, l’assurée « a effectué une torsion au niveau du bassin et du bras » pour se retenir contre la fenêtre ; elle a ressenti par la suite des douleurs au niveau de la fesse et de la jambe. Il est en outre mentionné « hanche droite » sous la rubrique « partie du corps atteinte ». Entendue à son domicile le 13.06.2013, l’assurée a précisé que l’accident s’était produit à vitesse réduite et que le voyage avait pu se poursuivre après l’arrêt du véhicule contre le talus. A la suite de l’accident du 02.12.2012, l’assurée a poursuivi son activité professionnelle, jusqu’à ce qu’elle consulte le 28.12.2012 son médecin traitant (médecin-chef du Service de chirurgie orthopédique et de réadaptation physique du Centre médical D.__), lequel a attesté une incapacité de travail dès cette date.
  • Le 19.07.2013, alors qu’elle était à l’arrêt devant un signal « cédez le passage » au volant de son véhicule, celui-ci a été percuté par le véhicule qui la suivait. En raison de douleurs cervicales, de vertiges et de nausées, elle s’est rendue aux urgences de l’Hôpital E.__ trois jours plus tard, où les médecins ont diagnostiqué une contusion cervicale et des céphalées post-traumatiques. Un CT-scan cérébral et un angio-CT des troncs supra-aortiques pratiqués le 22.07.2017 n’ont pas mis en évidence de lésion traumatique cranio-cervicale visible.

L’assurance-accidents a confié la mise en œuvre d’une expertise neurologique à un spécialiste en neurologie, qui a constaté un examen neurologique parfaitement normal, relevant néanmoins un tableau de contractures musculaires douloureuses, une labilité émotionnelle, des phénomènes d’ordre neurovégétatif et des troubles du sommeil d’ordre psychophysiologique entrant dans le cadre d’un état de stress chronique. Sur le plan psychiatrique, l’assurée est suivie par un spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, depuis le 08.02.2013, en raison notamment d’un état de stress post-traumatique.

L’assurance-accidents a nié le droit de l’assurée à des prestations d’assurance pour les suites de l’accident du 02.12.2012, au motif qu’il n’existait pas de lien de causalité au moins probable entre cet événement et les troubles présentés par l’assurée. En revanche, elle prenait en charge les suites de l’accident du 19.07.2013 jusqu’au 31.03.2016, considérant que les troubles subsistant au-delà de cette date étaient exclusivement de nature maladive.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 04.11.2019, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Séquelles physiques en lien de causalité avec l’accident du 02.12.2012

Sur le plan médical, il est établi que l’assurée a attendu le 28.12.2012 avant de consulter son médecin traitant, lequel a attesté une incapacité de travail en raison d’un burn-out. Cela étant, on ne peut pas retenir que l’accident du 02.12.2012 aurait justifié l’incapacité de travail attestée à compter du 28.12.2012, bien que le praticien ait mentionné une accentuation des crampes et des douleurs en raison de celui-ci dans son rapport du 14.01.2013. Par ailleurs, il ressort des rapports médicaux du médecin-traitant que l’assurée souffrait déjà de nombreuses affections avant l’événement litigieux (vertiges rotatoires, cervicoscapulalgies bilatérales, discopathies cervicales, troubles statiques, déconditionnement musculaire).

Quant à la hernie discale décelée par une IRM lombaire du 08.03.2013 et opérée le 09.04.2013, aucun médecin ne l’a expressément attribuée à l’accident du 02.12.2012. Certes, le spécialiste en médecine physique et réadaptation consulté a considéré qu’elle était très probablement due à l’événement en cause. Il n’en reste pas moins qu’il motive cette appréciation uniquement par l’absence de problèmes rachidiens antérieurs à l’accident du 02.12.2012 « hormis un bref épisode de lombalgies aigües et modérées en 2004 » et par l’apparition immédiate de la symptomatologie douloureuse, ce qui est insuffisant pour établir un lien de causalité naturelle avec l’accident du 02.12.2012 (raisonnement « post hoc, ergo propter hoc »; ATF 119 V 335 consid. 2b/bb p. 341 s.; arrêt 8C_331/2015 du 21 août 2015 consid. 2.2.3.1, in SVR 2016 UV n° 18 p. 55). On rappellera en outre que selon l’expérience médicale, pratiquement toutes les hernies discales s’insèrent dans un contexte d’altération des disques intervertébraux d’origine dégénérative, un événement accidentel n’apparaissant qu’exceptionnellement, et pour autant que certaines conditions particulières soient réalisées, comme la cause proprement dite d’une telle atteinte; une hernie discale peut être considérée comme étant due principalement à un accident lorsque celui-ci revêt une importance particulière, qu’il est de nature à entraîner une lésion du disque intervertébral et que les symptômes de la hernie discale (syndrome vertébral ou radiculaire) apparaissent immédiatement, entraînant aussitôt une incapacité de travail (arrêt 8C_746/2018 du 1er avril 2019 consid. 3.3 et les arrêts cités). Or en l’espèce, ces conditions ne sont manifestement pas remplies.

Pour le reste, on ne voit pas que les « tensions rachidiennes » soient constitutives de séquelles physiques organiques; quant aux brèves réponses du médecin traitant à un questionnaire soumis par la protection juridique de l’assurée – dans lesquelles il soutient que les troubles actuels, soit au 27.05.2016, seraient en lien de causalité certain avec l’accident du 02.12.2012 « en raison de l’accentuation des douleurs et des crampes dans un contexte de myogélose global » -, elles ne répondent pas aux critères jurisprudentiels en matière de valeur probante des rapports médicaux (cf. ATF 134 V 231 consid. 5.1 p. 232 et l’arrêt cité) et ne sont pas suffisamment étayées.

En conclusion, il n’est pas possible de déduire des rapports susmentionnés un lien de causalité entre l’accident du 02.12.2012 et les atteintes dont l’assurée a souffert ultérieurement sur le plan somatique.

 

Lien de causalité adéquate entre l’accident du 19.07.2013 et ses troubles persistant au-delà du 31.03.2016

En matière de lésions du rachis cervical par accident de type « coup du lapin », de traumatisme analogue ou de traumatisme cranio-cérébral sans preuve d’un déficit fonctionnel organique, l’existence d’un lien de causalité naturelle entre l’accident et l’incapacité de travail ou de gain doit en principe être reconnue en présence d’un tableau clinique typique présentant de multiples plaintes (maux de têtes diffus, vertiges, troubles de la concentration et de la mémoire, nausées, fatigabilité, troubles de la vue, irritabilité, dépression, modification du caractère, etc.; ATF 134 V 109 consid. 9 p. 122 ss).

Pour l’examen de la causalité adéquate, selon la jurisprudence, la situation dans laquelle les symptômes, qui peuvent être attribués de manière crédible au tableau clinique typique, se trouvent toujours au premier plan doit être distinguée de celle dans laquelle l’assuré présente des troubles psychiques qui constituent une atteinte à la santé distincte et indépendante du tableau clinique caractéristique habituellement associé aux traumatismes en cause :

  • Dans le premier cas, cet examen se fait sur la base des critères particuliers développés pour les cas de traumatisme de type « coup du lapin » à la colonne cervicale, de traumatisme analogue à la colonne cervicale ou de traumatisme cranio-cérébral, lesquels n’opèrent pas de distinction entre les éléments physiques et psychiques des atteintes (cf. ATF 134 V 109 consid. 10.3 p. 130; 117 V 359 consid. 6a p. 367).
  • Dans le second cas, il y a lieu de se fonder sur les critères applicables en cas de troubles psychiques consécutifs à un accident, c’est-à-dire en excluant les aspects psychiques (cf. ATF 134 V 109 précité consid. 9.5 p. 125 s.; 127 V 102 consid. 5b/bb p. 103 et les références; 115 V 133 consid. 6c/aa p. 140 et 403 consid. 5c/aa p. 409).

En l’occurrence, les juges cantonaux confirmé la présence d’un tableau clinique caractéristique habituellement associé aux traumatismes de type « coup du lapin ». Pour l’examen de la causalité adéquate, ils se sont fondés sur les critères applicables en cas de troubles psychiques consécutifs à un accident, c’est-à-dire en excluant les aspects psychiques, considérant (implicitement) que l’assurée présentait des troubles psychiques constituant une atteinte à la santé distincte et indépendante du tableau clinique. Dans le cadre de cet examen, ils ont qualifié l’événement du 19.07.2013 d’accident de gravité moyenne, à la limite inférieure de cette catégorie, et ont considéré qu’aucun critère n’était réalisé.

L’application des critères en cas de troubles psychiques consécutifs à un accident et la qualification en tant qu’accident de gravité moyenne à la limite inférieure de la catégorie ne sont pas contestées par l’assurée et n’apparaissent pas critiquables au vu des rapports du psychiatre traitant, d’une part, et des déclarations de l’assurée et du rapport biomécanique, d’autre part. En cas d’accidents de gravité moyenne à la limite des accidents de peu de gravité, il faut un cumul de quatre critères au moins parmi les sept consacrés par la jurisprudence ou que l’un des critères se manifeste avec une intensité particulière (arrêt 8C_249/2018 du 12 mars 2019 consid. 5.1, in SVR 2019 UV n° 27 p. 99). Il y a dès lors lieu d’examiner ci-après si et dans quelle mesure les différents critères sont réalisés.

En ce qui concerne le critère de la durée anormalement longue du traitement médical, les juges cantonaux ont constaté que l’assurée avait été astreinte à porter une collerette en mousse durant trois jours et à suivre un traitement antalgique; elle avait régulièrement consulté le médecin traitant, qui lui avait prescrit du repos, des séances de physiothérapie et la prise d’un relaxant musculaire. L’assurée se prévaut du suivi chiropratique, du suivi psychiatrique et d’autres traitements (acupuncture, cures thermales, réflexothérapies, massages, etc.). L’aspect temporel n’est pas seul décisif dans l’examen du critère en cause. Sont également à prendre en considération la nature et l’intensité du traitement; à cet égard, la prise de médicaments antalgiques et la prescription de traitements par manipulations même pendant une certaine durée ne suffisent pas à fonder ce critère (arrêt 8C_1007/2012 du 11 décembre 2013 consid. 5.4.3 et les arrêts cités). En l’espèce, la nature des traitements invoqués par l’assurée n’implique pas une intensité suffisante pour admettre la réalisation du critère. Quant au suivi psychiatrique, il n’est pas déterminant, dès lors que l’examen des critères applicables lorsque des troubles psychiques constituent une atteinte à la santé distincte et indépendante du tableau clinique se fait précisément en excluant les aspects psychiques.

L’assurée invoque de nombreuses difficultés et des complications importantes au regard des troubles apparus à la suite de ses trois accidents de la circulation. On ne voit toutefois pas en quoi les atteintes dont elle se prévaut (exacerbation des syndromes cervico-vertébral et post-commotionnel, réactivation des symptômes liés à l’état de stress post-traumatique, douleurs au niveau de l’oreille droite, etc.) constitueraient des difficultés apparues dans le processus de guérison et des complications importantes. On rappellera en outre qu’il convient de faire abstraction des troubles non objectivables et en particulier des troubles psychiques (cf. arrêt 8C_612/2019 du 30 juin 2020 consid. 3.3.5 et les arrêt cités).

Le critère du degré et de la durée de l’incapacité de travail due aux lésions physiques ne peut pas non plus être retenu en l’espèce, dans la mesure où l’assurée était déjà en incapacité totale de travail avant l’accident du 19.07.2013. On notera en outre que le psychiatre traitant de l’assurée a attesté une incapacité de travail totale pour raison psychique depuis début 2013.

Enfin, les douleurs physiques persistantes doivent être relativisées étant donné que les troubles psychiques exerçaient déjà une influence prépondérante sur l’état de l’assurée. Même en admettant la réalisation de ce critère, il ne revêt pas à lui seul une intensité suffisante pour admettre l’existence d’un lien de causalité adéquate.

Quant aux autres critères (les circonstances concomitantes particulièrement dramatiques ou le caractère particulièrement impressionnant de l’accident, la gravité ou la nature particulière des lésions physiques, les erreurs dans le traitement médical), ils n’entrent pas en considération et ne sont d’ailleurs pas invoqués par l’assurée.

 

Examen de la causalité adéquate en cas d’accidents successifs

L’assurée soutient ensuite que la question de la causalité adéquate – telle qu’elle vient d’être traitée – devrait être examinée globalement, à savoir en tenant compte également des suites des accidents de 2009 et de 2012. En effet, les trois accidents auraient touché la même partie du corps, à savoir le rachis, et ne pourraient plus être distingués les uns des autres sur le plan de la symptomatologie douloureuse et de l’incapacité de travail.

Selon la jurisprudence, lorsqu’à la suite de deux ou plusieurs accidents apparaissent des troubles psychiques, l’existence d’un lien de causalité adéquate doit en principe être examinée en regard de chaque accident considéré séparément. Cette règle s’applique en particulier dans les cas où les accidents ont porté sur différentes parties du corps et ont occasionné des atteintes diverses. Le Tribunal fédéral a jugé que le principe d’un examen séparé de la causalité adéquate vaut également dans les cas où la personne assurée a subi plus d’un accident ayant entraîné un traumatisme du type « coup du lapin » ou un traumatisme analogue. Il n’a cependant pas écarté qu’il soit tenu compte de la survenance d’atteintes successives à une même partie du corps dans l’examen des critères jurisprudentiels lorsque les conséquences des différents événements ne peuvent pas être distinguées les unes des autres sur le plan des symptômes douloureux et/ou de l’incapacité de travail. Cette circonstance est à considérer dans le cadre de l’appréciation des critères de la gravité et la nature des lésions, du degré et de la durée de l’incapacité de travail, respectivement du traitement médical (arrêt 8C_1007/2012 du 11 décembre 2013 consid. 5.1 et les références citées). En effet, il ne s’agit pas d’additionner les faits mais de procéder à une appréciation globale des circonstances seulement si la nature du critère à considérer le permet. Aussi le critère des circonstances particulièrement dramatiques ou impressionnantes entourant l’événement accidentel doit-il, comme ce critère l’indique, être examiné séparément pour chaque accident et ne saurait être admis du seul fait que le recourant a été victime de deux accidents successifs dans un intervalle de temps rapproché (arrêt 8C_1007/2012 précité consid. 5.2).

En l’espèce, l’accident du 02.12.2012 n’a pas provoqué de traumatisme de type « coup du lapin » ou un traumatisme analogue. Même si l’on effectuait un examen du caractère adéquat du lien de causalité entre l’accident de 2013 et les troubles de l’assurée persistant au-delà du 31.03.2016, en prenant en considération l’accident de 2009, on ne pourrait pas non plus admettre l’existence d’un tel lien. En effet, l’assurée se prévaut des traitements antalgique et de physiothérapie mis en œuvre à la suite de l’accident de 2009, soit des traitements qui ne sont pas particulièrement pénibles, ni invasifs, de sorte que le critère de la durée anormalement longue du traitement médical demeure exclu. Il en va de mêmes du critère relatif au degré et à la durée de l’incapacité de travail, au vu des diverses périodes d’incapacité de travail consécutives à l’accident de 2009 invoquées par l’assurée (100 % du 19.01.2009 au 01.02.2009, 50 % du 02.02.2018 au 08.02.2009, 100 % du 02.11.2009 au 30.11.2009 et 20 % du 07.06.2010 au 31.08.2011; pour des exemples où le critère a été admis, voir arrêt 8C_249/2018 du 12 mars 2019 consid. 5.2.7 et les arrêts cités). Par ailleurs, contrairement à ce que soutient l’assurée, la gravité particulière des lésions n’est pas donnée du seul fait d’avoir subi plusieurs accidents de type « coup du lapin ». Encore faut-il qu’un nouveau traumatisme affecte une colonne vertébrale déjà très endommagée (arrêt 8C_508/2008 du 22 octobre 2008 consid. 5.4), ce qui n’est pas établi en l’espèce. S’agissant des autres critères jurisprudentiels invoqués par l’assurée (caractère particulièrement impressionnant de l’accident de 2009 et douleurs physiques persistantes), il apparaît d’emblée exclu qu’ils puissent revêtir une intensité particulière permettant d’admettre le lien de causalité adéquate litigieux. En effet, par rapport à l’accident de la circulation survenu en 2009, l’assurée se prévaut essentiellement d’une peur intense pour sa propre vie et celle d’autrui. Or l’examen du caractère particulièrement impressionnant d’un accident se fait sur la base d’une appréciation objective des circonstances de l’espèce et non en fonction du ressenti subjectif de l’assuré, en particulier de son sentiment d’angoisse (cf. arrêts 8C_96/2017 du 24 janvier 2018 consid. 5.1, in SVR 2018 UV n° 21 p. 74). Quant aux douleurs physiques persistantes, l’assurée se contente de se référer aux éléments développés dans son précédent grief, sans exposer en quoi un examen global aboutirait à un résultat différent.

 

Frais d’établissement d’un rapport médical

La juridiction cantonale a rejeté la demande de l’assurée au motif que les pièces au dossier étaient probantes et permettaient de trancher le litige et que la causalité adéquate était une question de droit et échappait ainsi à l’appréciation des médecins.

Aux termes de l’art. 45 al. 1 LPGA, les frais de l’instruction sont pris en charge par l’assureur qui a ordonné les mesures ; à défaut, l’assureur rembourse les frais occasionnés par les mesures indispensables à l’appréciation du cas ou comprises dans les prestations accordées ultérieurement. Selon la jurisprudence, les frais d’une expertise privée peuvent être inclus dans les dépens mis à la charge de l’assureur social lorsque cette expertise était nécessaire à la résolution du litige (ATF 115 V 62 consid. 5c p. 63; arrêts 8C_61/2016 du 19 décembre 2016 consid. 6.1 in fine, in SVR 2017 UV n° 19 p. 63).

En l’espèce, même si le médecin s’est prononcé sur l’intrication des trois accidents et leur impact sur la survenance des troubles et a établi le diagnostic de syndrome post-commotionnel en lien avec l’accident de 2009, il n’en reste pas moins que son rapport médical, établi à la demande à l’assurée, n’a pas joué un rôle déterminant dans la résolution du litige. Dans ces conditions, la juridiction cantonale était fondée à refuser de mettre les frais d’établissement du rapport en cause à la charge de l’assurance-accidents.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 8C_810/2019 consultable ici

 

 

8C_732/2019 (f) du 19.10.2020 – Revenu sans invalidité d’un assuré au chômage au moment de l’accident – 16 LPGA / Revenu d’invalide selon ESS, niveau de compétences 3 – Pas d’abattement au vu des limitations fonctionnelles (alternance des positions assise et debout, port de charge limité à 10 kg ponctuellement, pas de position agenouillée)

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_732/2019 (f) du 19.10.2020

 

Consultable ici

 

Revenu sans invalidité d’un assuré au chômage au moment de l’accident / 16 LPGA

Revenu d’invalide selon ESS, niveau de compétences 3 – Pas d’abattement au vu des limitations fonctionnelles (alternance des positions assise et debout, port de charge limité à 10 kg ponctuellement, pas de position agenouillée) / 16 LPGA

 

Assuré, né en 1959, mécanicien électronicien de formation, a travaillé des nombreuses années en qualité d’informaticien, en dernier lieu pour la société B.__ SA où il occupait depuis le 01.09.2014 le poste de sous-directeur. En raison d’une restructuration pour des motifs économiques, son contrat de travail a été résilié au 31.12.2015.

Le 14.07.2016, alors qu’il était en train de promener son chien, il a glissé sur un caillou et s’est réceptionné sur le coccyx. A l’époque de l’accident, il percevait des indemnités de l’assurance-chômage.

L’assurance-accidents a, par décision confirmée sur opposition, mis un terme au versement de l’indemnité journalière à partir du 01.09.2018, au motif qu’à partir de cette date, l’assuré était pleinement apte à reprendre son ancienne activité de responsable informatique.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/887/2019 – consultable ici)

Constatant qu’en raison de l’instabilité persistante du coccyx, l’assuré ne pouvait plus s’occuper d’installations d’ordinateurs et porter des charges, la cour cantonale a conclu que ce travail n’était plus adapté à son état de santé. S’agissant du revenu sans invalidité, la juridiction cantonale l’a fixé à 97’500 fr. sur la base du dernier salaire de l’assuré (13 x 7500 fr.).

Par jugement du 27.09.2019, admission partielle du recours par le tribunal cantonal, reconnaissant le droit à une rente d’invalidité fondée sur un taux de 14% et renvoyant la cause à l’assurance-accidents pour instruction complémentaire sur le droit éventuel de l’assuré à une IPAI.

 

TF

Selon l’art. 6 al. 1 LAA, les prestations d’assurance sont allouées en cas d’accident professionnel, d’accident non professionnel et de maladie professionnelle. Si l’assuré est invalide (art. 8 LPGA) à 10% au moins ensuite d’un accident, il a droit à une rente d’invalidité (art. 18 al. 1 LAA). Pour évaluer le taux d’invalidité, le revenu que l’assuré aurait pu obtenir s’il n’était pas invalide est comparé avec celui qu’il pourrait obtenir en exerçant l’activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA).

 

Revenu sans invalidité

Le revenu hypothétique de la personne valide se détermine en établissant, au degré de la vraisemblance prépondérante, ce qu’elle aurait effectivement pu réaliser au moment déterminant si elle était en bonne santé. Il doit être évalué de la manière la plus concrète possible; c’est pourquoi il se déduit en principe du salaire réalisé en dernier lieu par la personne assurée avant l’atteinte à la santé, en tenant compte de l’évolution des salaires jusqu’au moment de la naissance du droit à la rente (ATF 134 V 322 consid. 4.1 p. 325; 129 V 222 consid. 4.3.1 p. 224 et les références). Toutefois, lorsque la perte de l’emploi est due à des motifs étrangers à l’invalidité, le salaire doit être établi sur la base de valeurs moyennes (arrêt 8C_299/2020 du 10 août 2020 consid. 3 et ses références). Autrement dit, n’est pas déterminant pour la fixation du revenu hypothétique de la personne valide le salaire que la personne assurée réaliserait actuellement auprès de son ancien employeur, mais bien plutôt celui qu’elle réaliserait si elle n’était pas devenue invalide (arrêt 8C_709/2018 du 18 juin 2019 consid. 3 et la référence; ULRICH MEYER/MARCO REICHMUTH, Bundesgesetz über die Invalidenversicherung [IVG], 3e éd. 2014, n° 50 ad art. 28a; MICHEL VALTERIO, Droit de l’assurance-vieillesse et survivants [AVS] et de l’assurance-invalidité [AI], 2011, p. 552 n. 2082).

Dans le cas d’espèce, il est établi que l’assuré a perdu son emploi pour des motifs étrangers à l’invalidité, de sorte que le revenu qu’il percevait auprès de son dernier employeur n’est pas déterminant. Compte tenu de sa grande expérience en matière informatique, il convient de se fonder sur les salaires moyens des données statistiques de l’ESS. Sur la base de la TA1 2016, branche 62-63 « Activ. informatiques et services d’information », niveau de compétence 3, homme, il convient de retenir un revenu mensuel de 7419 fr. pour 2016. Ce montant doit être adapté à la durée normale du travail dans la branche susmentionnée, qui est de 41,3 heures par semaine (Tableau T03.02.03.01.04.01 sur la durée normale du travail dans les entreprises selon la division économique, publié par l’OFS), multiplié par 12, puis indexé sur l’évolution des salaires nominaux (+ 0,9% pour 2017 et + 1,4% pour 2018), de sorte que le revenu d’invalide doit être fixé à 94’047 fr. 18.

 

Revenu d’invalide

Le revenu d’invalide doit être évalué avant tout en fonction de la situation professionnelle concrète de l’assuré. En l’absence d’un revenu effectivement réalisé – soit lorsque la personne assurée, après la survenance de l’atteinte à la santé, n’a pas repris d’activité lucrative ou alors aucune activité normalement exigible -, le revenu d’invalide peut notamment être évalué sur la base de salaires fondés sur les données statistiques résultant de l’Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS). Dans ce cas, il y a lieu d’utiliser les données statistiques les plus récentes (ATF 143 V 295 consid. 2.3 p. 297 et les arrêts cités), en les indexant le cas échéant sur l’évolution des salaires selon l’indice des salaires nominaux jusqu’à la naissance du droit à la rente (ATF 129 V 222 consid. 4.4 p. 225; arrêt 8C_266/2016 du 15 mars 2017 consid. 5.2.3).

Aux fins de déterminer le revenu d’invalide, les salaires fixés sur la base des données statistiques de l’ESS peuvent à certaines conditions faire l’objet d’un abattement de 25% au plus. Selon la jurisprudence, la mesure dans laquelle les salaires ressortant des statistiques doivent être réduits dépend de l’ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité/catégorie d’autorisation de séjour et taux d’occupation). Une déduction globale maximale de 25% sur le salaire statistique permet de tenir compte des différents éléments qui peuvent influencer le revenu d’une activité lucrative (ATF 135 V 297 consid. 5.2 p. 301; 134 V 322 consid. 5.2 p. 327 s.; 126 V 75 consid. 5b/aa-cc p. 79 s.). Il n’y a pas lieu de procéder à des déductions distinctes pour chacun des facteurs entrant en considération; il faut bien plutôt procéder à une évaluation globale, dans les limites du pouvoir d’appréciation, des effets de ces facteurs sur le revenu d’invalide, compte tenu de l’ensemble des circonstances du cas concret (ATF 126 V 75 précité consid. 5b/bb p. 80; arrêt 8C_175/2020 du 22 septembre 2020 consid. 3.2 s.).

Savoir s’il convient de procéder à un abattement sur le salaire statistique en raison des circonstances du cas particulier constitue une question de droit que le Tribunal fédéral peut revoir librement (ATF 137 V 71 consid. 5.1 p. 72).

In casu, il n’est pas contesté que celui-ci doit être déterminé sur la base des salaires statistiques ESS 2016, TA1, Total Hommes, niveau de compétence 3, soit un montant mensuel de 7183 fr. Il est également constant qu’après adaptation de ce montant à la durée normale du travail en Suisse (Total: 41,7 heures), il résulte un revenu annuel de 89’859 fr. 33. A juste titre, l’assurance-accidents fait grief à la cour cantonale d’avoir omis d’indexer ce montant à l’année 2018, soit au moment de la naissance du droit éventuel à une rente d’invalidité (01.09.2018). En effet, dans la mesure où les données statistiques pour 2018 n’étaient pas encore connues, il aurait fallu adapter le revenu à l’évolution des salaires selon l’indice des salaires nominaux (Total: + 0,4% pour 2017 et + 0,5% pour 2018; T.1.1.15 Indice des salaires nominaux, hommes, 2016 – 2018, publié par l’OFS), ce qui aboutit à un revenu d’invalide de 90’669 fr. 86.

 

Abattement sur le salaire statistique

Le point de savoir s’il se justifie de procéder à un abattement sur le salaire statistique en raison des limitations fonctionnelles dépend de la nature de celles-ci; une réduction à ce titre n’entre en considération que si, dans un marché du travail équilibré, il n’y a plus un éventail suffisamment large d’activités accessibles à l’assuré (arrêts 8C_549/2019 du 26 novembre 2019 consid. 7.7; 8C_661/2018 du 28 octobre 2019 consid. 3.3.4.3).

En l’espèce, il ressort du rapport de l’examen final par le médecin d’arrondissement du 26.06.2018 que l’assuré est en mesure de reprendre progressivement une activité professionnelle dans une activité alternant les positions assise et debout, comportant l’utilisation de la bureautique, le port de charge étant limité à 10 kg ponctuellement et la position agenouillée n’étant pas possible. Or on ne voit pas en quoi ces limitations seraient de nature à entraver la capacité de gain de l’assuré sur un marché du travail équilibré dans le niveau de compétence qui requiert des tâches pratiques complexes nécessitant un vaste ensemble de connaissances dans le domaine de l’informatique (niveau de compétence 3). Un abattement sur le revenu d’invalide n’est dès lors pas justifié.

 

En conclusion, la comparaison des revenus de valide (94’047 fr. 18) et d’invalide (90’669 fr. 86) ne fait apparaître qu’un degré d’invalidité de 3,59%, qui est insuffisant pour ouvrir le droit à une rente d’invalidité (art. 18 al. 1 LAA).

 

Le TF admet le recours de l’assurance-accidents, annulant le jugement cantonal et confirmant la décision sur opposition.

 

 

Arrêt 8C_732/2019 consultable ici