8C_437/2024 (d) du 21.05.2025 – Négligence grave – Causalité naturelle et adéquate entre la faute et l’accident et ses conséquences

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_437/2024 (d) du 21.05.2025

 

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NB : traduction personnelle, seul l’arrêt fait foi

 

Négligence grave – Causalité naturelle et adéquate entre la faute et l’accident et ses conséquences / 37 al. 2 LAA

Collision camion-vélo électrique – Non-respect du cédez-le-passage par le cycliste et excès de vitesse (+8 km/h) du camion

 

Résumé
Le Tribunal fédéral a admis le recours d’un assureur qui avait réduit de 10% les indemnités journalières versées à un assuré, grièvement blessé lors d’une collision avec un camion, au motif que ce dernier avait, en tant que cycliste, violé les règles de priorité à un passage signalé. Il a considéré que la faute grave de l’assuré, consistant à ne pas avoir cédé le passage au camion prioritaire malgré une signalisation explicite, constituait une cause naturelle et adéquate de l’accident. Il a par ailleurs jugé que les manquements du conducteur du camion, bien que réels, ne revêtaient pas une intensité suffisante pour rompre le lien de causalité adéquate, et que la réduction des prestations au sens de l’art. 37 al. 2 LAA était dès lors justifiée.

 

Faits
Assuré, né en 2004, engagé depuis le 01.08.2020 en tant qu’assistant en soins et santé communautaire en formation (AFP). Le 18.11.2021 matin, en se rendant au travail avec un cyclomoteur léger (vélo électrique), il circulait sur la piste cyclable et piétonne parallèle à la route C.__. Un camion remorque roulait dans la même direction. À hauteur du site de l’entreprise D.__ AG, la piste cyclable et piétonne se terminent devant un passage piéton qui traverse la route C.__. La piste cyclable se poursuit ensuite en direction de la ville de W.__, séparée de la chaussée et située sur le côté gauche de la route dans le sens de la circulation vers W.__. La fin de la piste cyclable au niveau du passage piéton est signalée et marquée par un marquage au sol « Cédez le passage ». Lorsqu’il a traversé la route C.__, une collision s’est produite avec le camion, à la suite de quoi l’assuré a été projeté et a atterri à environ 26 mètres du point d’impact, sur une surface herbeuse. L’assuré a été grièvement blessé, souffrant d’un polytraumatisme. Le vélo électrique a été écrasé par les roues droites du camion avant la fin de la trace de freinage.

L’assurance-accidents a réduit les indemnités journalières de 10% pour faute grave.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 12.06.2024, admission du recours par le tribunal cantonal, annulant la décision sur opposition.

 

TF

Consid. 3.1
Le tribunal cantonal a correctement exposé la disposition de l’art. 37 al. 2 LAA relative à la réduction des prestations en cas de négligence grave et la jurisprudence y relative (cf. ATF 138 V 522 consid. 5.2 ; 118 V 305 consid. 2b ; arrêt 8C_9/2023 du 10 mai 2023 consid. 3.3 et les références).

Consid. 3.2
Une réduction des prestations suppose un lien de causalité naturelle et adéquate entre le comportement gravement fautif et l’événement accidentel ainsi que ses conséquences (cf. ATF 126 V 353 consid. 5c ; 121 V 48 consid. 2c et les références ; cf. également SVR 2013 UV n° 34 p. 120, 8C_263/2013 consid. 4.3 avec d’autres références).

Consid. 3.2.1
Il y a un lien de causalité naturelle lorsque le comportement dommageable constitue une condition nécessaire (condicio sine qua non) à la survenance du dommage, c’est-à-dire que l’on ne peut écarter le comportement en question sans que le résultat survenu ne disparaisse également (ATF 143 II 661 consid. 5.1.1 et les références ; cf. également ATF 142 V 435 consid. 1 avec d’autres références).

Consid. 3.2.2
Il y a un lien de causalité adéquate lorsqu’une circonstance constitue non seulement une condition sine qua non du dommage, mais est également si, d’après le cours ordinaire des choses et l’expérience de la vie, le fait considéré était propre à entraîner un effet du genre de celui qui s’est produit, la survenance de ce résultat paraissant de manière générale favorisée par une telle circonstance (ATF 143 II 661 consid. 5.1.2 ; 139 V 176 consid. 8.4.2 ; 129 V 177 consid. 3.2 ; arrêt 4A_275/2013 du 30 octobre 2013 consid. 5).

Pour admettre le lien de causalité adéquate, il suffit que le comportement gravement fautif de la personne assurée constitue une cause essentielle. Il est en principe sans importance que d’autres circonstances aient également contribué à la réalisation du dommage. Une éventuelle faute d’un tiers n’est donc pas à prendre en compte, sauf si elle revêt une importance causale si intense que le lien de causalité entre la faute de l’assuré et l’accident ou ses conséquences ne paraît plus adéquat (SVR 2003 UV n° 3 p. 7, U 195/01 consid. 4a/bb ; SZS 1986 p. 249, U 91/84 consid. 3c, chacun avec références ; arrêt 8C_9/2023 du 10 mai 2023 consid. 5.5.2 avec références).

Consid. 4 [résumé]
Le tribunal cantonal a retenu qu’il était incontestable tant pour le conducteur du camion, habitué du trajet, que pour l’assuré, qui parcourait quotidiennement depuis près d’un an le même itinéraire à vélo électrique, que tous deux connaissaient parfaitement les conditions locales du lieu de l’accident. L’instance cantonale a constaté que l’assuré, en sa qualité de conducteur de vélo électrique utilisant la piste cyclable, était tenu de céder la priorité avant de s’engager sur la route C.__. Les données du compteur de vélo faisaient état d’une vitesse moyenne de 20 km/h, tandis que l’assuré estimait être à environ 25 km/h au moment des faits.

Selon l’ordonnance pénale du ministère public du 08.11.2022, entrée en force et non contestée, le tachygraphe du camion a enregistré, huit secondes avant l’arrêt du véhicule, un dépassement de la vitesse maximale autorisée de 60 km/h de 8 km/h, après déduction de la marge de sécurité. L’unique témoin, qui suivait le camion, a seulement pu confirmer le déclenchement d’un freinage d’urgence par le camion qui la précédait, sans pouvoir fournir d’indications sur la collision en elle-même. Eu égard aux conséquences de l’accident pour l’assuré, le ministère public avait laissé ouverte, dans sa décision de non-entrée en matière du 18.02.2022, la question de savoir si l’assuré avait commis une infraction au code de la route en omettant de céder la priorité avec son vélo électrique à l’embranchement de la piste cyclable sur une route prioritaire.

Consid. 6.1 [résumé]
En matière d’assurances sociales, s’appliquent le principe d’instruction ainsi que celui de la libre appréciation des preuves (art. 43 al. 1 et art. 61 let. c LPGA ; SVR 2020 UV n° 22 p. 85, 8C_538/2019 consid. 2.3 s. et les références ; arrêt 8C_534/2024 du 13 mars 2025 consid. 2.2 in fine). Le tribunal cantonal était dès lors tenu, avec la collaboration des parties, d’établir les faits pertinents en droit (art. 61 let. c LPGA). Dans les procédures en matière de sécurité sociale, les parties ne supportent en règle générale le fardeau de la preuve que dans la mesure où, en cas d’absence de preuve, la décision est rendue au détriment de la partie qui entendait tirer des droits des faits restés non prouvés. Cette règle en matière de preuve ne s’applique toutefois que s’il s’avère impossible, dans le cadre de la maxime inquisitoire et au terme d’une appréciation des preuves, d’établir un état de fait qui présente au moins une vraisemblance de correspondre à la réalité (ATF 138 V 218 consid. 6 et les références ; SVR 2022 UV n° 41 p. 161, 8C_457/2021 consid. 3.4 et la référence).

Consid. 6.2 [résumé]
Contrairement à l’instance cantonale, la question du lien de causalité naturelle entre le comportement de l’assuré et l’accident ne peut être laissée ouverte en lien avec l’application de l’art. 37 al. 2 LAA. Les faits constatés par l’instance cantonale ne sont pas contestés par l’assurance-accidents sur ce point, de sorte que le Tribunal fédéral peut compléter lui-même la conclusion qui fait défaut (cf. ATF 143 V 177 consid. 4.3 avec références).

L’assuré maintient avoir eu la priorité sur le camion, argument déjà rejeté à juste titre par la juridiction cantonale, et il n’est ni allégué ni prouvé qu’il se serait arrêté à la fin de la piste cyclable pour traverser la route à pied, en poussant son vélo. Au contraire, il ressort du jugement cantonal que le vélo électrique circulait à une vitesse moyenne de 20 km/h. Selon le rapport de police, le conducteur du camion a déclaré, lors de l’appel d’urgence, qu’un cycliste était venu heurter le flanc de son véhicule. Selon l’ordonnance pénale, le conducteur du camion aurait dû envisager la possibilité que le cycliste ne se comporte pas correctement.

Les faits ne permettent aucune autre conclusion que celle selon laquelle l’assuré, au moment de traverser la route C.__ à la fin de la piste cyclable, en dépit de la signalisation de fin de piste cyclable et de la marque au sol supplémentaire « Cédez le passage », n’a pas cédé la priorité au camion sans motif d’exonération et a ainsi causé l’accident par faute grave.

Il est dès lors établi que la violation de la priorité constitue la condition sine qua non de l’accident, si bien que le lien de causalité naturelle doit être admis. Si l’assuré avait cédé la priorité, l’accident ne se serait pas produit. Ce manquement à l’obligation de céder le passage constitue une violation d’une règle élémentaire de la circulation routière, justifiant, selon la jurisprudence, une réduction pour faute grave au sens de l’art. 37 al. 2 LAA (ATF 121 V 40 consid. 3b et les références ; cf. également ATF 138 V 552 consid. 5.2.1 et la référence). Aucun motif d’exonération subjectif ou objectif pertinent n’est identifiable ni invoqué (arrêt 8C_9/2023 du 10 mai 2023 consid. 3.3 in fine et les références).

Consid. 6.3.1
Il y a une interruption du rapport de causalité adéquate si une cause en soi adéquate s’ajoute une cause concomitante dont l’effet est d’une telle intensité que la première ne paraît plus juridiquement pertinente. Ce qui est déterminant, c’est l’intensité des deux causes (ATF 130 III 182 consid. 5.4 et les références). Le comportement d’un tiers ne peut interrompre le lien de causalité que si cette cause supplémentaire s’écarte à ce point du cours ordinaire des choses, tellement insensée, qu’on ne pouvait raisonnablement s’y attendre (cf. ATF 143 III 242 consid. 3.7 et les références ; 142 IV 237 consid. 1.5.2 et les références).

Consid. 6.3.2
Tout d’abord, il ne fait aucun doute que le refus de priorité, commis par négligence grave, de l’assuré était, selon le cours ordinaire des choses et l’expérience générale de la vie, susceptible d’entraîner une collision avec le camion prioritaire et les conséquences accidentelles sur la santé qui en ont résulté. Contrairement à l’avis de l’instance cantonale, il n’apparaît pas que ce comportement gravement négligent de l’assuré, qui est en lien de causalité adéquate, ne serait plus juridiquement pertinent par rapport à la faute incontestée du conducteur du camion, telle qu’elle ressort de l’ordonnance pénale du 08.11.2022. Ni le jugement attaqué ni l’ordonnance pénale ne permettent de conclure qu’en cas de respect des règles de circulation par le conducteur du camion, la collision avec le vélo électrique – malgré le refus de priorité de l’assuré – aurait été exclue et que le lien de causalité naturelle aurait donc dû être nié.

La juridiction précédente ne prétend d’ailleurs pas, à juste titre, que le conducteur du camion aurait été tenu, malgré la vitesse maximale autorisée à 60 km/h, de céder en tout état de cause la priorité au cycliste non prioritaire à l’endroit de l’accident et, si nécessaire, de freiner jusqu’à l’arrêt complet afin d’exclure avec certitude toute collision avec ce dernier, qui aurait pu enfreindre le code de la route. Au contraire, la cour cantonale a constaté, à juste titre, que, compte tenu des conséquences de l’infraction, le ministère public avait renoncé à établir les faits quant à une éventuelle faute pénale de l’assuré. Il est toutefois établi (consid. 6.2 supra) que ce dernier n’a pas cédé la priorité au camion par négligence grave, sans motif apparent, ce qui constitue une condition sine qua non de l’accident. Dans ces circonstances, le comportement du conducteur du camion – contrairement à l’avis de la cour cantonale – ne revêt en tout état de cause pas l’importance d’une cause concomitante rompant le lien de causalité adéquate, qui serait à ce point en dehors du cours ordinaire des choses qu’elle n’était pas prévisible (cf. consid. 6.3.1 supra).

Consid. 6.3.3
Dans la mesure où la juridiction cantonale a tenté de fonder sa position sur le raisonnement subsidiaire de l’arrêt 8C_9/2023 du 10 mai 2023 consid. 5.5.2, elle semble avoir perdu de vue que la faute d’un tiers est en principe sans pertinence pour l’appréciation du caractère adéquat du lien de causalité (cf. consid. 3.2.2 supra), sauf si cette cause supplémentaire se situe à ce point en dehors du cours ordinaire des choses qu’on ne pouvait raisonnablement s’y attendre (cf. ATF 143 III 242 consid. 3.7 ; 142 IV 237 consid. 1.5.2, chacun avec références). Une telle exception ne peut toutefois être admise que si la faute d’un tiers revêt une importance causale si intense que le lien de causalité entre la faute de l’assuré et l’accident ou ses conséquences ne paraît plus adéquat (cf. arrêt 8C_9/2023 du 10 mai 2023 consid. 5.5.2).

Dans l’arrêt précité, le Tribunal fédéral avait à se prononcer sur un cas dans lequel un cycliste était entré en collision frontale avec une voiture à une intersection. Avant l’accident, le cycliste avait enfreint plusieurs règles de circulation, en particulier le droit de priorité de l’automobiliste impliquée dans l’accident (cf. arrêt 8C_9/2023 du 10 mai 2023 consid. 4.1). Le Tribunal fédéral est parvenu à la conclusion que même si l’on supposait que la conductrice de la voiture avait la priorité, sa faute ne pouvait être considérée comme suffisamment grave pour rendre le comportement fautif du cycliste insignifiant (arrêt 8C_9/2023 du 10 mai 2023 consid. 5.5.3). Ainsi, même la violation du droit de priorité par l’automobiliste ne revêtait pas une importance causale suffisante pour interrompre le lien de causalité adéquate (cf. consid. 3.2.2 supra).

Les infractions aux règles de la circulation commises par le conducteur du camion (léger dépassement de la vitesse maximale autorisée de 60 km/h de 8 km/h, attention insuffisante et champ de vision depuis la cabine de conduite non conforme aux prescriptions légales) ne sont pas, comparées à la cause naturelle et adéquate de l’accident constituée par le refus de priorité de l’assuré, d’une gravité telle que le refus de priorité du cycliste ne devrait plus être pris en compte juridiquement.

Consid. 6.3.4 [résumé]
En résumé, la juridiction cantonale a violé le droit fédéral en attribuant à la faute d’un tiers – en l’occurrence celle du conducteur du camion – une portée propre à interrompre le lien de causalité adéquate entre le refus de priorité de l’assuré et sa collision avec le camion. Le recours est fondé et doit par conséquent être admis. Le jugement cantonal est annulé, la réduction de 10% de l’indemnité journalière pour faute grave est maintenue.

 

Le TF admet le recours de l’assurance-accidents.

 

Arrêt 8C_437/2024 consultable ici

 

Proposition de citation : 8C_437/2024 (d) du 21.05.2025, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2025/07/8c_437-2024)

 

9C_307/2024 (f) du 25.04.2025 – Moyens auxiliaires AI – Droit à la substitution de la prestation – Obligation de réduire le dommage

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_307/2024 (f) du 25.04.2025

 

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Moyens auxiliaires – Droit à la substitution de la prestation – Obligation de réduire le dommage / 21bis LAI – 14.05 OMAI

Ascenseur à concurrence des frais d’installation d’un monte-rampes d’escalier

 

Résumé
L’arrêt porte sur la question de la prise en charge, par l’assurance-invalidité, des frais d’installation d’un ascenseur à concurrence de ceux d’un monte-rampes d’escalier, à titre de prestation de substitution selon l’art. 21bis LAI. L’assuré, atteint de sclérose en plaques, invoque la nécessité de cette installation pour se rendre à son travail sans risque pour sa santé. Le Tribunal fédéral a confirmé le rejet de la demande, relevant que le moyen auxiliaire requis ne vise pas à permettre à l’assuré de quitter son lieu de vie, au sens du ch. 14.05 de l’annexe à l’OMAI, mais uniquement à circuler à l’intérieur de son domicile. Il a jugé qu’une planification adaptée des pièces au rez-de-chaussée aurait permis de répondre aux besoins fonctionnels de l’assuré, conformément au principe de l’obligation de diminuer le dommage, et que les atteintes invoquées à ses droits fondamentaux n’étaient pas pertinentes au vu des exigences légitimes en matière de gestion économique de l’assurance-invalidité.

 

Faits
L’assuré, né en 1980 et atteint de sclérose en plaques, exerce une activité à temps partiel et perçoit une rente d’invalidité, une allocation pour impotent, une contribution d’assistance ainsi que divers moyens auxiliaires de l’assurance-invalidité. Le 11.02.2020, il a déposé une nouvelle demande de moyens auxiliaires auprès de l’office AI, en lien avec un projet d’achat immobilier. Sur la base des rapports de la Fédération suisse de consultations en moyens auxiliaires pour personnes handicapées (FSCMA), l’office a admis la prise en charge des frais liés à la réalisation d’un accès de plain-pied à la terrasse ainsi qu’à l’automatisation de la porte d’entrée. En revanche, il a refusé la prise en charge des frais relatifs à l’installation d’un ascenseur.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 30.04.2024, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 2.2
L’arrêt attaqué expose les normes et la jurisprudence concernant le droit à des moyens auxiliaires (art. 8 al. 2 LAI en relation avec l’art. 21 LAI) – dont les conditions ont été complétées par les dispositions d’exécution (art. 14 RAI et annexe à l’OMAI) fondées sur la délégation de compétence prévue par la loi (art. 21 al. 1 et 4 LAI en relation avec l’art. 14 al. 1 RAI) -, ainsi que le droit à la substitution de la prestation (art. 21bis LAI; ATF 131 V 107 consid. 3.2.1; en relation avec l’installation d’un ascenseur, cf. notamment arrêts 9F_3/2007 du 20 février 2008 consid. 5.1; I 416/05 du 24 juillet 2006 consid. 4.2). Il rappelle également le principe de l’obligation de diminuer le dommage (ATF 138 I 205 consid. 3.2; arrêt 9C_40/2017 du 2 juin 2017 consid. 2.3), le principe de la proportionnalité appliqué à la remise de moyens auxiliaires (ATF 134 I 105 consid. 3) et le caractère exhaustif de la liste des moyens auxiliaires mentionnés dans l’annexe à l’OMAI (ATF 131 V 9 consid. 3.4.2). Il expose encore les conditions de la remise d’un monte-rampes d’escalier après l’entrée en vigueur, le 1er juillet 2020, de la modification du ch. 14.05 de l’annexe à l’OMAI du 24 avril 2020 (RO 2020 1773).

Consid. 3 [résumé]
Le tribunal cantonal a considéré que, nonobstant le droit à la substitution de la prestation prévu par l’art. 21bis LAI, l’assuré ne pouvait obtenir la prise en charge des frais d’installation d’un ascenseur à concurrence de ceux d’un monte-rampes d’escalier, dès lors que le moyen auxiliaire requis n’avait pas pour but de lui permettre de quitter son lieu de vie, ainsi que l’exige le ch. 14.05 de l’annexe à l’OMAI, mais visait à faciliter ses déplacements à l’intérieur de son domicile. L’instance cantonale a retenu qu’une planification prévoyante de la surface disponible au rez-de-chaussée, conforme au principe de l’obligation de diminuer le dommage, aurait permis l’aménagement d’une chambre et d’une salle d’eau adaptées à ce niveau, sans porter atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l’art. 13 al. 1 Cst.

Consid. 5 [résumé]
L’installation d’un ascenseur ou, à titre de prestation de substitution, d’un monte-rampes d’escalier, n’était pas indispensable pour lui permettre de quitter le lieu où il se trouvait, mais visait uniquement à faciliter ses déplacements à l’intérieur de son domicile, comme l’avaient retenu les juges cantonaux. Ceux-ci avaient constaté que l’assuré avait acquis, sur plans, une maison mitoyenne disposant d’un sous-sol (par lequel un accès au parking sous-terrain a été aménagé), d’un rez-de-chaussée (où les espaces de vie ont été aménagés) et d’un étage (où une grande chambre servant également d’espace de travail et une grande salle de bain ont été aménagées). Conformément aux observations de la FSCMA, sur lesquelles se fonde l’arrêt attaqué, une planification différente de la surface disponible aurait sûrement permis à l’assuré de disposer au rez-de-chaussée de toutes les facilités nécessitées par son handicap sans avoir recours au moyen auxiliaire requis. Une telle planification est en principe exigible dans la mesure où elle permet d’éviter des coûts supplémentaires (cf. ATF 146 V 233 consid. 4.2.2).

L’office AI a par ailleurs pris en charge les frais liés à l’automatisation de la porte d’entrée en tant qu’aménagement nécessaire de la demeure selon le ch. 14.04 de l’annexe à l’OMAI, dès lors que celui-ci ne pouvait être planifié sans coût supplémentaire et représentait une mesure simple, adéquate et économique permettant de quitter le domicile. Les informations communiquées par le conducteur des travaux dans ce contexte portent seulement sur l’impossibilité de modifier l’emplacement d’éléments tels que les portes ou les fenêtres mais nullement sur l’impossibilité éventuelle de planifier différemment la surface disponible au rez-de-chaussée. Il convient également de rappeler que, selon les circonstances, le maintien ou le déplacement d’un domicile ou d’un lieu de travail peut apparaître comme une mesure exigible de l’assuré (arrêt 9C_40/2017 du 2 juin 2017 consid. 2.3). Dans ces conditions, le tribunal cantonal n’a pas violé le droit fédéral en refusant la prise en charge des frais d’installation d’un monte-rampes d’escalier.

Quant à l’allégation d’arbitraire dans l’application du principe de l’obligation de diminuer le dommage, l’assuré se contente de reprendre l’argumentation développée en première instance, sans démontrer en quoi l’appréciation contestée serait concrètement arbitraire, ce qui, selon la jurisprudence, n’est pas recevable (cf. ATF 140 III 264 consid. 2.3). Par ailleurs, au vu de la situation médicale décrite par la doctoresse B.________, il n’est pas arbitraire d’exiger que l’assuré accède à son véhicule par l’extérieur, et non par le garage, pour se rendre à son travail, d’autant plus qu’il travaille à temps partiel (30%), ne conduit plus lui-même et que les conditions météorologiques ne sont pas continuellement mauvaises. La médecin évoquait d’ailleurs la possibilité de télétravail lorsque son état de santé ne permet pas de se déplacer, ce qui peut également s’appliquer par mauvais temps. Le temps supplémentaire invoqué pour accéder au véhicule par l’extérieur, évalué sur la base d’un descriptif chiffré déposé uniquement en instance fédérale, n’est pas de nature à remettre en cause ce raisonnement, l’assuré omettant de mentionner la possibilité, évoquée dans la décision de l’office du 8 février 2023, de rapprocher le véhicule de l’entrée du domicile. Il en va de même pour le temps nécessaire à l’habillement par mauvais temps, une cape couvrant l’assuré et son fauteuil représentant une solution simple, ne nécessitant pas de manipulation importante.

Enfin, l’argumentation selon laquelle les exigences de l’office AI en matière de diminution du dommage sont incompatibles avec le droit au respect de la vie privée et familiale n’est pas pertinente. Une pondération de l’intérêt général à une gestion économique et rationnelle de l’assurance-invalidité et des droits fondamentaux de l’assuré montre qu’un aménagement différent du rez-de-chaussée était exigible de ce dernier et lui permettrait de vivre de manière autonome et d’exercer une activité lucrative. Le seul fait que la prise en charge des frais d’installation d’un monte-rampes d’escalier ne constitue pas une prestation permanente et ne représente pas un recours accru aux ressources de l’assurance-invalidité ne change rien à ce qui précède dans la mesure où une telle prise en charge n’entre pas en ligne de compte en l’occurrence (cf. aussi arrêt 8C_315/2008 du 3 juin 2009 consid. 3.4.3).

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 9C_307/2024 consultable ici

 

8C_730/2024 (f) du 28.04.2025 – Revenu d’invalide selon ESS – Niveau de compétence 2 / Revenu sans invalidité d’un directeur d’une Sàrl – Pas de prise en compte des bénéfices de la Sàrl non distribués ou versés comme dividendes

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_730/2024 (f) du 28.04.2025

 

Consultable ici

 

Revenu d’invalide selon ESS – Niveau de compétence 2 / 16 LPGA

Revenu sans invalidité d’un directeur d’une Sàrl – Revenus figurant dans l’extrait du compte individuel / 16 LPGA

Pas de prise en compte des bénéfices de la Sàrl non distribués ou versés comme dividendes

 

Résumé
Le revenu d’invalide a été fixé sur la base des données de l’ESS, niveau de compétence 2, compte tenu du parcours professionnel de l’assuré, de son expérience et des tâches assumées, qui excédaient des activités purement manuelles simples. Le revenu sans invalidité de ce directeur de Sàrl (avec le 19/20e des parts au moment de l’accident) a quant à lui été déterminé à partir de la moyenne des revenus soumis à cotisation AVS figurant dans l’extrait du compte individuel pour les années 2010 à 2014, indexée à 2018, en excluant les années atypiques. A l’instar de la cour cantonale, le Tribunal fédéral a considéré que seuls les montants effectivement versés à l’assuré et soumis à cotisation pouvaient être pris en compte, à l’exclusion des bénéfices non distribués ou versés comme dividendes, en l’absence de preuve concrète d’une perception effective.

 

Faits
Assuré, né en 1971, est directeur et employé de la société B.__ Sàrl, qu’il a fondée en 2007 et détenait 19 parts du capital social sur 20 ; il est devenu l’unique associé gérant en novembre 2023 après avoir acquis la dernière part du capital social.

Le 20.09.2013, il a subi une chute sur un chantier, entraînant une incapacité totale de travail. Le spécialiste en rhumatologie consulté a diagnostiqué une entorse cervico-dorsale ainsi que des douleurs post-traumatiques à l’épaule gauche sur arthrose acromio-claviculaire gauche activée et bursite sous-acromio-deltoïdienne. Il a repris progressivement son activité professionnelle jusqu’à atteindre un plein temps en août 2014, à la suite d’une réorganisation de son entreprise.

Le 15.11.2015, alors qu’il courait sur un tapis roulant, il s’est blessé au genou gauche en tentant de se rattraper après avoir perdu l’équilibre, entraînant une nouvelle incapacité totale de travail. Les examens ont révélé une rupture du ligament croisé antérieur et une lésion traumatique du cartilage rétro-rotulien. L’assurance-accidents a pris en charge cet événement.

Le 24.04.2018, le médecin-conseil a estimé que la situation était stabilisée sur le plan médical. Il a en outre considéré que l’assuré disposait d’une pleine capacité de travail dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles (pas de charges moyennes, de station debout prolongée, de longs trajets, notamment en terrain accidenté, ni de positions sollicitant fortement les genoux) et qu’une indemnité pour atteinte à l’intégrité de 10% pouvait lui être allouée en raison d’une gonarthrose.

Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a octroyé une rente fondée sur un taux d’invalidité de 37% dès le 01.06.2018 ainsi qu’une indemnité pour atteinte à l’intégrité de 10%.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 111/19-116/2024 – consultable ici)

Par jugement du 07.11.2024, admission partielle du recours par le tribunal cantonal, réformant la décision en ce sens que l’assuré avait droit à une rente fondée sur un taux d’invalidité de 49% à compter du 01.06.2018.

 

TF

Consid. 4.3 [résumé]
L’assurance-accidents a initialement fixé le taux d’invalidité à 37% en comparant le chiffre d’affaires de la société B.__ Sàrl entre 2015 et 2018. Dans sa décision sur opposition, elle a relevé que l’assuré ne mettait pas pleinement à profit sa capacité résiduelle de travail dans son activité indépendante, bien qu’il disposât d’une pleine capacité de travail dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles. En se fondant sur les données de l’ESS, elle a estimé que le taux d’invalidité était de 25%, mais a renoncé à corriger à la baisse le taux de 37% précédemment retenu.

En procédure cantonale, l’assuré a soutenu que le revenu d’invalide devait être arrêté à 65’232 francs, se fondant sur un certificat de salaire pour l’année 2018, ce que l’assurance-accidents a accepté. Toutefois, l’instance cantonale s’est écartée de ce montant, au motif que l’activité exercée n’était pas adaptée aux limitations fonctionnelles de l’assuré, et s’est fondée sur l’ESS pour déterminer le revenu d’invalide.

Étant donné que le litige portait uniquement sur le droit à une rente et que l’assuré, représenté par un avocat, avait dû adapter son activité en raison de son état de santé, il pouvait s’attendre à ce que l’instance cantonale recoure aux salaires statistiques de l’ESS, d’autant plus que l’assurance-accidents avait elle-même procédé ainsi dans sa décision sur opposition. Dès lors, les juges cantonaux n’ont pas violé son droit d’être entendu en se fondant sur l’ESS sans l’avoir invité à se prononcer préalablement. Ils n’ont pas davantage porté atteinte à ce droit en lui allouant une rente fondée sur un taux d’invalidité de 49%, alors que l’assurance-accidents avait conclu à un taux de 53% dans sa détermination du 30.11.2023. Le taux de 37% retenu dans la décision sur opposition étant plus bas, le tribunal cantonal n’a pas procédé à une reformatio in pejus. Il n’était par ailleurs pas lié par la conclusion de l’assurance-accidents tendant à une rente fondée sur un taux de 53%. Les griefs soulevés par l’assuré se révèlent infondés.

Consid. 5.2 [résumé]
Depuis la dixième édition de l’ESS (2012), les professions sont classées par l’Office fédéral de la statistique selon le type de travail généralement effectué, en tenant compte des niveaux et de la spécialisation des compétences requis. Quatre niveaux de compétence sont définis, allant du niveau 1 (tâches physiques et manuelles simples) au niveau 4 (résolution de problèmes complexes et prise de décisions fondées sur des connaissances étendues dans un domaine spécialisé, incluant les directeurs, cadres de direction, gérants, professions intellectuelles et scientifiques), en passant par les niveaux intermédiaires 3 (tâches pratiques complexes, comme celles des techniciens, superviseurs, courtiers, personnel infirmier) et 2 (tâches pratiques telles que la vente, les soins, le traitement de données, les tâches administratives, la conduite de véhicules, etc.).

L’application du niveau 2 nécessite que l’assuré possède des compétences ou connaissances particulières, l’évaluation se fondant sur le type de tâches susceptibles d’être assumées plutôt que sur les qualifications elles-mêmes. Par ailleurs, l’expérience professionnelle de plusieurs années dont peut se prévaloir un assuré – sans formation commerciale ni autre qualification particulière acquise pendant l’exercice de la profession – ne justifie pas à elle seule un classement supérieur au niveau de compétence 2, dès lors que dans la plupart des secteurs professionnels un diplôme ou du moins des formations et des perfectionnements (formalisés) sont exigés (ATF 150 V 354 consid. 6.1 et les arrêts cités).

Consid. 5.3 [résumé]
Selon son curriculum vitae, l’assuré a obtenu un CFC en 1990, puis exercé comme dessinateur en génie civil durant quatre ans, avant d’occuper des fonctions de chef d’équipe pendant trois ans. Il a ensuite dirigé un bowling de 1997 à 2001, repris son activité précédente de 2001 à 2003, puis tenu un bar durant quatre ans jusqu’à la fondation de B.__ Sàrl en 2007.

Bien qu’il n’ait plus exercé son métier de base depuis près de 25 ans au moment de la naissance du droit à la rente (01.06.2018), il a occupé sans interruption depuis 1994 des postes à responsabilités dans les secteurs secondaire et tertiaire, dépassant le cadre de simples tâches physiques et manuelles. Au travers de ses activités successives, qui révèlent une très bonne capacité d’adaptation, il a pu développer de nombreuses compétences dans des domaines variés. Dans ces conditions, les juges cantonaux ont considéré à juste titre que la formation et l’expérience de l’assuré justifiaient l’application du niveau de compétence 2. Son grief doit être écarté.

Consid. 6.2
Pour déterminer le revenu sans invalidité, il faut établir quel salaire l’assuré aurait, au degré de la vraisemblance prépondérante, réellement pu obtenir au moment déterminant s’il n’était pas devenu invalide. Le revenu sans invalidité doit être évalué de la manière la plus concrète possible. C’est pourquoi il se déduit en principe du salaire réalisé en dernier lieu par l’assuré avant l’atteinte à la santé, en posant la présomption qu’il aurait continué d’exercer son activité sans la survenance de son invalidité (ATF 139 V 28 consid. 3.3.2; arrêts 8C_2/2023 du 7 septembre 2023 consid. 3.2 et 8C_39/2022 précité consid. 3.2). Il est toutefois possible de s’en écarter lorsqu’on ne peut le déterminer sûrement, notamment lorsqu’il est soumis à des fluctuations importantes; il faut alors procéder à une moyenne des gains réalisés sur une période relativement longue (arrêt 8C_121/2024 du 6 août 2024 consid. 2.2 et les arrêts cités).

Pour les personnes de condition indépendante, on peut se référer aux revenus figurant dans l’extrait du compte individuel de l’AVS. En effet, l’art. 25 al. 1 RAI établit un parallèle entre le revenu soumis à cotisation à l’AVS et le revenu à prendre en considération pour l’évaluation de l’invalidité; le parallèle n’a toutefois pas valeur absolue (arrêt 8C_39/2022 précité consid. 3.2 et les arrêts cités). Cette réglementation est applicable par analogie dans le domaine de l’assurance-accidents, dès lors que la notion d’invalidité y est la même que dans l’assurance-invalidité (cf. ATF 133 V 549 consid. 6.1).

Consid. 6.3.1 [résumé]
Pour fixer le revenu sans invalidité, la cour cantonale s’est fondée sur les montants figurant dans l’extrait du CI relatifs à l’activité de l’assuré au sein de B.__ Sàrl. Elle a exclu l’année 2015, marquée par une incapacité de travail en raison de l’accident, ainsi que les années 2008 et 2009, jugées trop proches de la création de la société en 2007. Elle a retenu les années 2010 à 2014, calculé la moyenne des revenus inscrits pour cette période, puis indexé le résultat à l’année 2018. Elle a précisé que le bénéfice net représente le solde du chiffre d’affaires après déduction de toutes les charges, y compris les salaires du directeur. Lorsqu’une société reverse une partie de son bénéfice à un employé, ce montant est soumis à cotisation AVS, ce qui avait vraisemblablement été le cas de l’assuré en 2013 et 2014, comme le laissent supposer les montants complémentaires de 110’957 francs et 94’000 francs inscrits dans l’extrait du CI. En revanche, si la société décidait de verser tout ou partie de son bénéfice à ses associés, il s’agissait d’un dividende sans lien avec l’exercice d’une activité lucrative. Le bénéfice net pouvait aussi être réinvesti dans l’entreprise. Par conséquent, il n’y avait pas lieu en l’espèce d’ajouter aux revenus soumis à cotisation le bénéfice net de la société, que celle-ci l’ait conservé comme réserve ou versé à l’assuré comme dividende.

Consid. 6.3.2
L’assuré ne conteste pas que les montants de 110’957 fr. et 94’000 fr. relatifs aux années 2013 et 2014 correspondent bien à des parts du bénéfice net, lequel lui a donc été en partie ou totalement reversé comme salaire. La juridiction cantonale a pris en compte ces montants au titre de revenus pour déterminer le revenu sans invalidité. En revanche, aucun montant complémentaire pouvant être assimilé à des parts de bénéfice distribué ne figure sur l’extrait du CI pour les années 2010 à 2012. Se référant à une évaluation économique pour les indépendants faite par l’assurance-invalidité en 2020, l’assuré soutient que sa société a réalisé ces années-là des bénéfices nets de 13’244 fr., 10’716 fr. et 20’156 fr., dont il conviendrait de tenir compte dans le calcul du revenu sans invalidité. Il n’expose toutefois pas concrètement à quoi ces bénéfices ont été affectés, se limitant à affirmer qu’en sa qualité d’associé gérant largement majoritaire, il était de manière générale « en mesure de se verser des dividendes dont il profitait ». À défaut de toute précision à ce propos et de moyens de preuve dont il se prévaudrait attestant qu’il a perçu ces montants sous la forme d’un salaire ou de dividendes, il n’y a pas lieu de les ajouter au revenu sans invalidité fixé par l’instance cantonale. On ajoutera que l’arrêt qu’il cite (8C_346/2012 du 24 août 2012) ne lui est d’aucun secours, dès lors qu’il n’en ressort pas que le revenu sans invalidité devrait en toute circonstance comprendre l’intégralité du bénéfice net d’une société dirigée par un assuré, indépendamment de l’usage qui en a été fait. Le dernier grief de l’assuré s’avère donc également infondé.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 8C_730/2024 consultable ici

 

 

9C_607/2024 (f) du 09.05.2025 – Plafonnement des rentes AVS d’un couple dont l’un des conjoints a ajourné sa rente / Rente de vieillesse succédant à une rente d’invalidité

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_607/2024 (f) du 09.05.2025

 

Consultable ici

 

Plafonnement des rentes AVS d’un couple dont l’un des conjoints a ajourné sa rente – Splitting / 29quinquies LAVS – 35 LAVS – 39 LAVS

Rente de vieillesse succédant à une rente d’invalidité

 

Résumé
L’arrêt concerne le plafonnement des rentes AVS d’un couple dont l’un des conjoints a ajourné sa rente. Le Tribunal fédéral a confirmé que, selon l’art. 35 LAVS, le plafonnement s’applique dès que le droit à la rente est ouvert pour les deux conjoints, indépendamment du versement effectif. Il a jugé conforme au droit le refus d’un ajournement sollicité tardivement par l’assuré dont la rente de vieillesse succédait à une rente d’invalidité, conformément à l’ancienne teneur de l’art. 55bis let. b RAVS. Les griefs tirés d’une inégalité de traitement (art. 8 Cst.) et d’une violation de l’interdiction de l’arbitraire (art. 9 Cst.) ont été rejetés faute de motivation suffisante (art. 106 al. 2 LTF).

 

Faits
Assuré, né en novembre 1953, et B.__, née en septembre 1953, étaient mariés depuis 1981. L’assuré a bénéficié d’une allocation pour impotent depuis le 01.10.1991, ainsi que d’une demi-rente de l’assurance-invalidité dès le 01.03.1996.

Par courrier du 11.07.2017, la caisse de compensation l’avait informé que, son épouse atteignant l’âge de 64 ans, sa rente d’invalidité devait être recalculée en tenant compte du splitting. Son épouse devait déposer une demande de rente de vieillesse, ce qu’elle fit le 20.07.2017 en sollicitant l’ajournement du versement de la rente. La caisse de compensation informa ensuite l’assuré qu’il aurait droit à une rente de vieillesse dès le 01.12.2018, en plus de son allocation pour impotent, et l’invita à déposer une demande.

Le 14.07.2022, la caisse de compensation a informé B.__ que la durée maximale d’ajournement de sa rente (cinq ans) allait être atteinte et qu’elle devait révoquer l’ajournement, ce qu’elle fit le 26.07.2022. Elle a dès lors perçu une rente de vieillesse dès le 01.10.2022, réduite conformément au plafonnement applicable aux conjoints. L’assuré déposa une demande de rente de vieillesse le 13.10.2023, en demandant l’ajournement du versement. La caisse de compensation l’informa qu’un ajournement n’était possible que si la demande était déposée au plus tard une année après la naissance du droit à la rente et qu’aucun ajournement n’était prévu lorsque la rente de vieillesse succède à une rente d’invalidité. Elle lui octroya une rente de vieillesse à compter du 01.12.2018, réduite conformément au plafonnement.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/761/2024 – consultable ici)

Par jugement du 04.10.2024, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 2.2
L’arrêt attaqué expose de manière complète les dispositions légales (dans leur teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2023, applicable en l’espèce; cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et les références) relatives à l’âge auquel prend naissance le droit à une rente de vieillesse (art. 21 LAVS), au calcul du droit à la rente pour les personnes mariées (principe de la répartition et de l’attribution des revenus réalisés par les époux pendant les années civiles de mariage commun pour moitié à chacun des époux [splitting; art. 29quinquies al. 3 LAVS] et principe du plafonnement de la somme des deux rentes pour un couple à 150 % du montant maximal de la rente de vieillesse [art. 35 LAVS]), ainsi qu’à la possibilité et à l’effet de l’ajournement du début du versement de la rente (art. 39 LAVS, art. 55bis-quater RAVS). Il rappelle également les principes d’interprétation de la loi (cf. ATF 148 II 299 consid. 7.1 et les arrêts cités). Il suffit d’y renvoyer.

Consid. 3.1 [résumé]
La juridiction cantonale a considéré qu’il résultait du texte clair de l’art. 35 LAVS (ainsi que d’une interprétation historique et téléologique de cette norme) que le plafonnement des rentes pour un couple intervenait dès l’ouverture du droit à la rente pour les deux conjoints, indépendamment de son versement effectif. Elle a admis que le ch. 6303 des Directives de l’OFAS concernant les rentes (valables dès le 1er janvier 2023, état au 1er janvier 2023) confirmait ce principe en prévoyant que, si le conjoint de la personne qui ajourne sa rente a lui-même droit à la rente, la rente de ce dernier est déjà soumise au plafonnement pendant la durée de l’ajournement. L’instance cantonale a en conséquence jugé que la caisse de compensation avait plafonné à bon droit la rente mensuelle ordinaire de l’assuré dès le 01.12.2018, en application de l’art. 35 LAVS, ce jour correspondant au premier du mois suivant celui où l’assuré avait atteint l’âge ordinaire de la retraite selon l’art. 21 al. 2 LAVS, le droit à la rente de son épouse ayant pris naissance le 01.10.2017.

La cour cantonale a ensuite rejeté le grief de l’assuré tiré d’une violation du principe de l’égalité de traitement, en retenant que le système de l’art. 35 LAVS ne pénalisait pas les couples de même âge dont un seul conjoint demandait l’ajournement de sa rente. Elle a souligné que le principe du plafonnement prévu par l’art. 35 LAVS s’expliquait par la reconnaissance du couple comme unité économique par le législateur (cf. ATF 130 V 505 consid. 2.7 et les références citées), et que les besoins financiers d’un couple dont un conjoint poursuit une activité lucrative alors que l’autre a atteint l’âge de la retraite différaient de ceux d’un couple dont les deux conjoints ont acquis le droit à la rente.

Consid. 4.1 [résumé]
En soutenant que le conjoint d’une personne ajournant sa rente se trouvait confronté à une « application anticipée et arbitraire des dispositions de l’art. 35 LAVS bien que son conjoint ne perçoive pas de rente », et qu’il conviendrait de se référer à la réalité économique, l’assuré n’a pas démontré en quoi l’interprétation de l’art. 35 LAVS retenue par la juridiction cantonale serait erronée. Cette interprétation est jugée convaincante, le moment déterminant pour le plafonnement étant le début du droit à la rente pour les deux conjoints. En se prévalant ensuite de l’arbitraire, l’assuré n’a pas motivé son grief conformément aux exigences de l’art. 106 al. 2 LTF (cf. ATF 135 III 232 consid. 1.2 et les arrêts cités). Il n’a pas expliqué en quoi l’arrêt attaqué, dans son contenu ou sa motivation, violerait la garantie constitutionnelle invoquée.

Consid. 4.2 [résumé]
L’argumentation de l’assuré relative à une inégalité de traitement et à une discrimination au sens de l’art. 8 Cst. n’est pas davantage fondée. Il fait valoir que, selon lui, la juridiction cantonale a méconnu les principes posés par le Tribunal fédéral dans l’arrêt 9C_705/2023 du 4 juin 2024, publié aux ATF 150 V 257 en niant l’existence d’une inégalité de traitement fondée sur le revenu du conjoint ajournant sa rente par la poursuite d’une activité professionnelle.

À supposer que les exigences de motivation de l’art. 106 al. 2 LTF soient remplies, ce qui était douteux, l’ATF 150 V 257 ne lui serait de toute manière d’aucun secours. Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral a considéré que l’art. 55bis let. b RAVS (dans sa version en vigueur du 1er janvier 1997 à fin 2023) contrevient aux prescriptions légales et constitutionnelles, en ce qu’il prévoit que les rentes de vieillesse qui succèdent à une rente d’invalidité sont exclues de la possibilité d’un ajournement de la rente selon l’art. 39 al. 1 LAVS (ATF 150 V 257 consid. 3.3-3.5). Le Tribunal fédéral n’a dès lors pas jugé que l’ajournement de la rente est indépendant de l’exercice d’une activité lucrative avant, pendant ou après celui-ci par le conjoint de l’assuré, à l’inverse de ce qu’affirme l’assuré.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 9C_607/2024 consultable ici

 

8C_81/2025 (i) du 15.04.2025 – Notion d’accident – Infection d’un doigt – Manucure vs Morsure d’araignée / Vraisemblance prépondérante – Premières déclarations de l’assuré aux urgences

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_81/2025 (i) du 15.04.2025

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle, seul l’arrêt fait foi

 

Notion d’accident – Infection d’un doigt – Manucure vs Morsure d’araignée / 4 LPGA

Vraisemblance prépondérante – Premières déclarations de l’assuré aux urgences

 

Résumé
Le Tribunal fédéral a confirmé le refus de prestations de l’assureur-accidents, retenant que l’infection au doigt survenue chez un assuré ne résultait pas d’un accident au sens de l’art. 6 LAA, ni d’une lésion assimilée. Il a jugé, avec la cour cantonale, que l’hypothèse d’une morsure d’araignée n’était apparue qu’à partir de la troisième consultation médicale, sans être objectivée par les premières constatations cliniques. En l’absence de preuve suffisante quant à une origine accidentelle, l’événement ne peut être qualifié d’accident.

 

Faits
Déclaration d’accident du 04.12.2023 par l’employeur pour l’événement survenu le 04.11.2023 : « Je marchais dans la forêt avec mon chien, je me suis penché pour ramasser des excréments avec la main gauche et j’ai ressenti une piqûre à la main droite. Dans les jours suivants, la main a enflé et était très douloureuse. Je suis allé une première fois aux urgences le 07.11, où ils m’ont incisé le doigt. Les jours suivants, la douleur et le gonflement ont empiré, et je suis retourné aux urgences le 13.11, où ils ont décidé de m’hospitaliser, car je risquais de perdre le doigt en raison d’un risque d’amputation ».

Le rapport des urgences du 07.11.2023 faisait état d’un diagnostic de panaris au troisième doigt de la main droite. Le 15.11.2023, l’assuré a subi une intervention de révision chirurgicale, un débridement et des lavages au troisième doigt de la main droite, en présence d’un phlegmon sur une plaie attribuée à une morsure d’araignée.

Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a nié tout droit aux prestations, motif pris que, d’une part, les troubles à la main droite ne résultaient pas d’un accident au sens de la loi, et, d’autre part, qu’ils ne constituaient pas non plus une lésion assimilée aux séquelles d’un accident.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 30.12.2024, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 4 [résumé]
Il convient de souligner qu’un dommage à la santé causé par une infection constitue en principe une maladie. Toutefois, une infection peut revêtir un caractère accidentel lorsque les germes pathogènes ont pénétré dans l’organisme à travers une blessure ou une plaie d’origine accidentelle. Dans ce cas, il est nécessaire que l’existence d’une blessure d’origine accidentelle ait été dûment établie et que la pénétration des germes ou bactéries par une autre voie puisse être considérée comme improbable. Il ne suffit pas que l’agent pathogène ait pu pénétrer dans le corps humain par de petites abrasions, égratignures ou écorchures banales et insignifiantes comme il en survient quotidiennement. La pénétration dans l’organisme doit s’être produite par une lésion déterminée ou du moins dans des circonstances telles qu’elles représentent un fait typiquement « accidentel » et reconnaissable comme tel (ATF 150 V 229 consid. 4.1.2; 122 V 230 consid. 3).

Consid. 5.1
Le tribunal cantonal a relevé que les rapports des deux premières consultations auprès des urgences (07.11.2023 et 13.11.2023) ne contenaient aucune mention selon laquelle le troisième doigt de la main droite aurait été mordu par un insecte. Cette circonstance est apparue, pour la première fois, dans le rapport relatif à la consultation du 14.11.2023. L’assuré ne peut être suivi lorsqu’il soutient qu’il avait déjà indiqué lors de la première consultation avoir été mordu par un insecte, ce que le médecin aurait omis de rapporter dans son compte-rendu. Aux yeux des juges cantonaux, il était clair que, lors de la phase de l’anamnèse, le médecin des urgences avait demandé à l’assuré s’il se souvenait d’un événement pouvant être mis en relation avec le problème affectant le majeur. Il ne faisait aucun doute que, si l’assuré lui avait effectivement rapporté avoir été mordu par un insecte, cette circonstance aurait été consignée dans le rapport de consultation, compte tenu de ses implications pour la suite du diagnostic et du traitement. Par ailleurs, il paraît peu vraisemblable que deux médecins, chacun indépendamment de l’autre, aient commis l’erreur de ne pas consigner ce que le patient leur aurait rapporté. Enfin, en marge de la consultation du 07.11.2023, le médecin a constaté (et diagnostiqué) la présence d’un panaris de la taille d’un pignon, intéressant la phalange distale péri-unguéale du troisième doigt, constatation compatible en soi avec l’indication anamnésique alors donnée par l’assuré, à savoir l’exécution d’une manucure la semaine précédente. Le médecin n’a rapporté aucun signe objectif qu’il aurait attribué (selon lui) à une morsure d’insecte.

Consid. 5.2 [résumé]
Il en allait de même pour les rapports ultérieurs, dans lesquels les auteurs respectifs n’ont jamais affirmé que les constatations objectives (y compris celles figurant sur les photographies produites par l’assuré) étaient, de par leur nature et leurs caractéristiques, imputables à une morsure d’insecte. Le tribunal cantonal a donc jugé plausible l’appréciation du Dr H.__, selon laquelle « compte tenu de la documentation médicale, de la localisation anatomique [du point] d’entrée de l’infection et de l’évolution clinique, il s’agissait d’un panaris du troisième doigt survenu sans blessure traumatique, avec une extension ultérieure de l’infection et formation de phlegmon chez un patient diabétique. Une piqûre ou morsure d’insecte à l’origine de l’infection du troisième doigt est donc plutôt improbable ». Il n’était ainsi pas établi, du moins pas avec le degré de vraisemblance requis, que le 04.11.2023, l’assuré avait été mordu par un insecte, spécifiquement une araignée, au majeur de la main droite.

Consid. 5.3
Enfin, le caractère accidentel a également été nié même si l’on retenait comme établi que l’infection du majeur droit trouvait son origine dans la manucure pratiquée par l’assuré. En effet, pour qu’une origine traumatique d’une infection soit admise, il faut que la pénétration de l’agent pathogène se soit produite à travers une véritable blessure, ou dans des circonstances constituant un événement typiquement accidentel et reconnaissable comme tel, ce qui n’est manifestement pas le cas en l’espèce s’agissant de lésions cutanées insignifiantes survenues dans le contexte d’une manucure.

Consid. 6.2.1
Il ne peut être reproché aux juges cantonaux d’avoir retenu, au degré de vraisemblance prépondérante, que la notion de morsure d’insecte ou d’araignée n’est apparue qu’à l’occasion de la troisième consultation de l’assuré aux urgences, et non lors des précédentes. Il apparaît en effet improbable que, si elle avait effectivement été mentionnée, la circonstance invoquée par le patient n’aurait pas été consignée dans les rapports de sortie respectifs des urgences, compte tenu en particulier des conséquences que cela aurait entraînées pour les examens et traitements ultérieurs à entreprendre. Cela d’autant plus que, comme l’a justement relevé le tribunal cantonal, les deux médecins — chacun indépendamment de l’autre — qui ont examiné l’assuré et rédigé les rapports de sortie respectifs, n’ont pas mentionné de morsure d’insecte ou d’araignée.

À cet égard, l’existence d’erreurs ou d’omissions dans la transcription, en l’absence d’éléments allant en ce sens, est uniquement alléguée dans le recours. Du reste, bien que la charge de la preuve lui incombe, l’assuré ne prétend pas avoir réagi immédiatement au contenu des rapports de sortie concernés dès qu’ils lui ont été communiqués, ni avoir été dans l’impossibilité de le faire. En réalité, il fonde essentiellement sa contestation sur le rapport opératoire du 15.11.2023. Certes, ce dernier mentionne dans son diagnostic un « phlegmon au 3e doigt de la main droite sur blessure due à une morsure d’araignée », ajoutant dans les indications : « Patient atteint de cardiopathie et diabétique insulinodépendant qui, le 4.11.23, rapporte une blessure par morsure d’araignée à la 2e phalange du 3e doigt de la main droite », tout en décrivant dans l’anamnèse de la lettre de sortie du 16.11.2023 que l’assuré « signale une piqûre suspecte non spécifiée au doigt en date du 4.11.2023 ». Indépendamment du moment exact auquel la prétendue morsure aurait eu lieu (en tout cas incertain : le rapport du 7 novembre 2023 la situerait deux jours avant la consultation, soit le 5 novembre 2023), ces constatations — prises isolément — ne suffisent pas à s’écarter du contexte qui vient d’être résumé, ni de l’absence de documentation au dossier établissant directement l’existence d’une morsure d’insecte ou d’araignée, comme cela a été justement relevé par le Dr H.__. En effet, dans les autres rapports médicaux, cet élément ressort uniquement des déclarations de l’assuré, ou provient du rapport de sortie du 14.11.2023 relatif à la troisième consultation aux urgences.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 8C_81/2025 consultable ici

 

Proposition de citation : 8C_81/2025 (i) du 15.04.2025, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2025/06/8c_81-2025)

 

Le Conseil fédéral pose les bases d’une nouvelle révision de l’AI

Le Conseil fédéral pose les bases d’une nouvelle révision de l’AI

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 20.06.2025 consultable ici

 

Le Conseil fédéral élabore les bases d’une prochaine révision de l’AI. Celle-ci vise deux objectifs principaux. D’une part, l’augmentation des nouvelles rentes qui concerne notamment les jeunes souffrant de troubles psychiques graves, représente un défi important pour l’assurance-invalidité (AI). Lors de sa séance du 20 juin 2025, le Conseil fédéral a mandaté le Département fédéral de l’intérieur (DFI) afin qu’il étudie des mesures permettant de renforcer l’intégration sur le marché du travail. D’autre part, en raison de la détérioration des perspectives financières de l’AI dues à différents facteurs, le DFI est chargé d’étudier la mise en place d’un financement additionnel. Il devra également examiner les possibilités de désendettement de l’AI. Le Conseil fédéral entend adopter les lignes directrices de la révision début 2026.

Lors de sa séance du 20 décembre 2024, le Conseil fédéral avait chargé le DFI de lui soumettre des réflexions en vue d’une prochaine révision de l’AI. Celle-ci aura pour objectifs principaux de freiner la croissance des nouvelles rentes et de favoriser les sorties de l’assurance ainsi que de stabiliser les finances de l’AI. Elle permettra aussi d’offrir une vue d’ensemble de tous les projets en cours et d’assurer leur coordination. Depuis, le DFI a mené plusieurs consultations et ateliers réunissant les acteurs principaux. Ces échanges ont mis en évidence les conséquences, au niveau de l’AI, de la situation dans le domaine de la santé mentale, ainsi que la nécessité d’agir notamment pour améliorer l’accompagnement des personnes souffrant de troubles psychiques graves.

 

Mieux accompagner les jeunes assurés

Le développement d’une prestation d’intégration visant en particulier les jeunes sera examiné. Son objectif est d’éviter un octroi trop précoce d’une rente au moyen d’un accompagnement individuel et renforcé des jeunes assurés. Par ailleurs, la dernière révision «Développement continu de l’AI» a déjà introduit des mesures pour freiner la hausse des rentes chez les jeunes et favoriser leur réadaptation. Le conseil et l’accompagnement des jeunes assurés en transition entre l’école obligatoire et la formation professionnelle initiale ont par exemple été renforcés. Ces mesures doivent encore être améliorées – par exemple en matière de formation, de suivi des cas ou de collaboration entre les différents acteurs –, en tenant compte des résultats de l’évaluation en cours du Développement continu de l’AI.

 

Une situation financière préoccupante

Selon les données disponibles et les prévisions démographiques et économiques, la situation de l’AI se détériore. En 2024, le nombre de nouvelles rentes a continué d’augmenter par rapport à 2023, une tendance confirmée au premier trimestre 2025. Les raisons de cette détérioration sont multiples. Le DFI en a informé le Conseil fédéral le 6 novembre 2024. Au cours des dernières années, les réserves sont tombées à 37,5% des dépenses annuelles, bien en dessous du seuil légal de 50%. Dans ce contexte, le Conseil fédéral a chargé le DFI d’examiner un financement additionnel pour consolider les finances de l’AI. Il devra aussi étudier les possibilités de désendettement de l’AI. Celle-ci présente en effet une dette d’environ 10 milliards de francs envers l’AVS. Les discussions sur un financement supplémentaire de l’AI devront être coordonnées avec celles relatives à l’AVS.

 

Prochaines étapes

Le DFI présentera au Conseil fédéral, d’ici au premier trimestre 2026, des propositions détaillées. Le Conseil fédéral mettra la révision en consultation d’ici fin 2026.

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 20.06.2025 consultable ici

Communiqué de presse de l’OFAS du 06.11.2024, Perspectives financières actualisées de l’AI, consultable ici

 

Les assurances sociales relèvent les défis du COVID long

Les assurances sociales relèvent les défis du COVID long

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 20.06.2025 consultable ici

 

Les défis liés à l’affection post-COVID-19, communément appelée COVID long, ne posent pas de problèmes majeurs aux assurances sociales et à l’assurance d’indemnités journalières en cas de maladie. C’est la conclusion à laquelle parvient le Conseil fédéral dans son rapport publié le 20 juin 2025 en réponse au postulat « Conséquences du Covid long ». Du point de vue de l’aide sociale, un certain risque de pauvreté peut être associé à l’affection post-COVID-19, mais il n’est pas plus important que pour d’autres maladies chroniques. Les améliorations recommandées concernant la procédure d’instruction et les possibilités de réadaptation peuvent être mises en œuvre dans le cadre des dispositions légales existantes.

Transmis le 16 juin 2021 par le Conseil national, le postulat 21.3454 « Conséquences du Covid long » demandait l’élaboration d’un rapport sur les conséquences de l’affection post-COVID-19 pour les diverses assurances sociales. Ce rapport devait mettre l’accent sur l’assurance-invalidité (AI) et le risque de pauvreté des personnes concernées, ainsi que sur la nécessité d’améliorer les interactions entre les assurances sociales.

 

Analyse de la situation du point de vue des assurances et de l’aide sociale

Le rapport du Conseil fédéral constate que l’assurance obligatoire des soins prend généralement en charge les prestations médicales nécessaires au traitement de l’affection post-COVID-19. Un précédent rapport avait déjà montré que le système suisse de santé a réagi rapidement et efficacement à cette nouvelle problématique. Pour l’assurance d’indemnités journalières en cas de maladie, le présent rapport conclut qu’en cas d’incapacité de travail durable, le dépôt rapide d’une demande à l’AI est essentiel pour éviter ou réduire autant que possible toute lacune entre les prestations des deux assurances.

Afin d’évaluer les conséquences de l’affection post-COVID-19 pour l’assurance-invalidité, la situation des personnes ayant déposé une demande à l’AI à la suite d’une infection au COVID-19 a fait l’objet d’une analyse approfondie. Les résultats de cette étude ont déjà été publiés fin janvier 2025. Ils montrent que l’AI parvient bien à relever ce défi avec les moyens et processus dont elle dispose, et que le nombre de rentes supplémentaires dues à l’affection post-COVID-19 n’est pas significatif. Néanmoins, les personnes qui déposent une demande à l’AI en raison de cette maladie présentent généralement des symptômes particulièrement graves et se voient plus souvent octroyer une rente que les assurés qui n’en sont pas atteints. L’assurance-accidents, quant à elle, est en particulier confrontée à la question de savoir si, dans des cas particuliers, l’affection post-COVID-19 peut être considérée comme une maladie professionnelle. Le nombre de ces cas est toutefois très faible. En ce qui concerne l’impact sur l’aide sociale, le rapport conclut que les personnes atteintes d’une affection post-COVID-19 peuvent être exposées à un risque de pauvreté ; ce risque n’est cependant pas plus élevé que pour d’autres maladies chroniques.

 

Améliorations recommandées

Le Conseil fédéral recommande différentes mesures pour améliorer l’efficacité des prestations octroyées par les assurances sociales aux personnes atteintes d’une affection post-COVID-19. Par exemple, il suggère d’indiquer aux médecins traitants de manière ciblée les données dont les offices AI ont besoin pour procéder à une instruction rapide et fondée. Par ailleurs, le Conseil fédéral recommande de définir des bonnes pratiques pour l’instruction des cas et la réadaptation des individus concernés, ainsi que de mener une enquête approfondie auprès des personnes atteintes de problèmes de santé chroniques et difficilement objectivables (pas seulement l’affection post-COVID-19) afin que les assurances puissent réagir plus rapidement aux nouvelles évolutions. Ces recommandations peuvent être mises en œuvre dans le cadre des dispositions légales existantes.

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 20.06.2025 consultable ici

Rapport du Conseil fédéral du 20.06.2025, Conséquences du « Covid long », disponible ici

Rapport de recherche 2/25, Auswirkungen von Long-Covid auf die Invalidenversicherung, disponible ici

Une étude fournit pour la première fois des données scientifiques sur le COVID long dans l’AI, article consultable ici

Postulat CSSS-N 21.3454 «Conséquences du « Covid long »» consultable ici

 

Un courrier « A+ » arrivé samedi sera considéré reçu le lundi suivant

Un courrier « A+ » arrivé samedi sera considéré reçu le lundi suivant

 

Communiqué de presse du Parlement du 19.06.2025 consultable ici

 

Un courrier « A+ » arrivé un samedi sera considéré reçu le lundi suivant. Le Conseil national a soutenu jeudi sans opposition un projet en ce sens visant une harmonisation du calcul des délais postaux.

Actuellement, un courrier « A+ » arrivé dans la boîte aux lettres un samedi est considéré reçu le même jour, par exemple pour des résiliations de contrat, une décision des autorités ou des jugements. Le délai qui lui est attaché débute ainsi le lendemain, soit le dimanche, même si la lettre a été récupérée le surlendemain, le lundi.

Des confusions et des inconvénients juridiques peuvent survenir. Le destinataire n’a pas à accuser réception de l’envoi et, s’il le récupère le lundi, il ne sait pas si la communication a été remise le samedi ou le lundi puisque cette information ne figure pas sur l’envoi. Il risque de manquer le délai s’il se trompe sur la date de fin et de perdre ses droits.

Le projet met en œuvre une motion du Parlement. A l’avenir, en cas de notification d’un envoi par courrier « A+ » le week-end ou un jour férié, le délai commencera à courir le jour ouvrable suivant, a indiqué Jacques Nicolet (UDC/VD). Les destinataires auront plus de temps pour exercer leurs droits.

Les administrés et les justiciables ne perdront ainsi pas leurs droits en raison de pures questions de procédure. Le code de procédure civile connaît déjà cette pratique. Celle-ci sera étendue à l’ensemble du droit fédéral. Plusieurs lois doivent être modifiées.

 

Communiqué de presse du Parlement du 19.06.2025 consultable ici

Motion CAJ-N 22.3381 « De l’harmonisation de la computation des délais » consultable ici

 

8C_664/2024 (d) du 07.05.2025 – TCC léger (mTBI) – Causalité naturelle – Vraisemblance d’une lésion cérébrale organique objectivable / Vraisemblance admise en l’absence de lésions constatées à l’IRM cérébrale mais en présence d’un nystagmus

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_664/2024 (d) du 07.05.2025

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle, seul l’arrêt fait foi

 

TCC léger (mTBI) – Causalité naturelle – Vraisemblance d’une lésion cérébrale organique objectivable / 6 LAA

Vraisemblance admise en l’absence de lésions constatées à l’IRM cérébrale mais en présence d’un nystagmus

Expertise pluridisciplinaire – Avis de l’expert neuropsychologue confirmé par l’expert neurologue

 

Résumé
Le tribunal cantonal a refusé d’admettre un lien de causalité naturelle entre les troubles neuropsychologiques de l’assurée et l’accident de vélo survenu deux ans plus tôt, se fondant sur sa propre interprétation de l’expertise pluridisciplinaire et de son complément. L’avis de l’instance cantonale n’a pas été suivi par le Tribunal fédéral, qui a rappelé que l’expert neurologue avait confirmé les conclusions de l’expert neuropsychologue, notamment quant à l’existence d’un trouble fonctionnel en lien avec l’accident, au degré de la vraisemblance prépondérante. En l’absence de lésions visibles à la neuroimagerie, la présence d’un nystagmus ascendant objectivé et de troubles cognitifs persistants permettait néanmoins de conclure à une lésion cérébrale structurelle objectivable, imputable à l’accident.

 

Faits
Assurée, née en 1984, exerçait dès le 01.03.2017 à 100% comme avocate.

Le 12.07.2020, elle a chuté à vélo. Dans le rapport du 13.07.2020 de l’hôpital, les diagnostics de traumatisme cranio-cérébral léger et de multiples contusions et excoriations ont été retenus. Une expertise pluridisciplinaire (orthopédique, ORL, neurologique, neuropsychologique et psychiatrique) a été mise en œuvre. Par décision, l’assurance-accidents a mis un terme aux prestations avec effet au 30.09.2022, les troubles de l’assurée n’étant plus, selon elle, en lien de causalité naturelle et adéquate avec l’accident. Elle renonça à réclamer le remboursement des prestations versées en trop du 01.06.2022 au 30.09.2022. Après avoir soumis des questions complémentaires au centre d’expertise, l’assurance-accidents a rejeté l’opposition.

 

Procédure cantonale

Les recours formés par l’assurée et sa caisse-maladie contre la décision sur opposition ont été rejetés par le tribunal cantonal par jugement du 25.09.2024.

 

TF

Consid. 3.2 [résumé]
Le tribunal cantonal a constaté que l’expertise pluridisciplinaire du 25.07.2022 avait établi deux diagnostics principaux : un trouble léger des fonctions neuropsychologiques avec incidence sur la capacité de travail (évalué selon les critères de l’Association suisse des neuropsychologues) ; un traumatisme crânien léger (mTBI catégorie I ; lignes directrices de la Fédération européenne des sociétés de neurologie), consécutif à la chute à vélo de juillet 2020. Les examens (IRM cérébrale T2 du 18.08.2020, IRM cervicale du 27.04.2021 et vidéonystagmographie du 19.07.2021) n’ont révélé aucune séquelle traumatique, micro-saignement (« Microbleeds ») ou déficit neurologique focal, hormis un nystagmus ascendant discret.

Les médecins-experts ont retenu une capacité de travail à 100%, du point de vue neurologique, dans son métier d’avocate sans diminution de rendement ; une capacité de 60%, du point de vue neuropsychologique, en raison de troubles exécutifs et d’une fatigabilité entraînant des difficultés à traiter des dossiers complexes. Dans une activité adaptée à son état de santé, la capacité de travail est de 100% (neurologique) et de 90% (neuropsychologique).

Consid. 4.1
Selon l’instance cantonale, le complément d’expertise a été rédigé par l’expert neurologue et l’expert neuropsychologue. Le neurologue a notamment constaté que les lésions organiques du système nerveux central mentionnées dans l’expertise neuropsychologique étaient très probablement causées par l’accident.

La mise en évidence de modifications à l’IRM cérébrale pondérée (microhémorragies) [ndt : au consid. 3.2, il est bien noté absence de micro-saignements (im zerebralen MRI keine Microbleeds)] rendait plus probable l’existence de troubles cognitifs persistants liés au traumatisme, mais n’était ni probante ni exclusive de l’existence d’un trouble cérébral d’origine traumatique. Dans le cas de l’assurée, la détection par appareil du trouble des mouvements oculaires (nystagmus vers le haut) constituait un indice d’une lésion cérébrale structurelle. L’expert neuropsychologue a notamment constaté que les réseaux fonctionnels exécutifs étaient particulièrement sensibles aux modifications ou aux perturbations.

De tels dysfonctionnements sont fréquemment observés après un traumatisme crânio-cérébral. Selon une publication de SCHEID et VON CRAMON (Klinische Befunde im chronischen Stadium nach Schädel-Hirn-Trauma, Deutsches Ärzteblatt Jahrgang 107 [12] 2010, 199-205 [consultable ici], des troubles chroniques de nature affective et cognitive (notamment la fatigue et d’autres troubles du comportement) au sens d’un syndrome post-commotionnel peuvent également être constatés après un traumatisme crânien léger. Ces troubles font l’objet de controverses. Les instruments de diagnostic neuroradiologique sont souvent peu utiles. Les auteurs ont souligné l’absence de corrélation linéaire entre les observations cliniques et les résultats d’imagerie (tels que GCS, localisation des lésions cérébrales, contusions, microhémorragies).

Au vu de l’ensemble des résultats et compte tenu de la parfaite coopération ainsi que de l’absence de facteurs de causalité alternatifs, les troubles décrits ont été retenu sur le plan neuropsychologique comme étant en lien de causalité naturelle avec l’accident.

Consid. 4.2.1
Il s’agit plutôt de déterminer si le léger nystagmus vers le haut (trouble des mouvements oculaires) constaté permet de conclure au degré de la vraisemblance prépondérante qu’il a été causé par une lésion cérébrale traumatique, mais non détectable par imagerie, et qu’il a entraîné la limitation de la capacité de travail formulée d’un point de vue neuropsychologique. Les experts n’ont pu que démontrer la vraisemblance d’un tel lien. Le fait que la participation de l’assurée aux examens neuropsychologiques n’ait donné lieu à aucune critique n’y change rien.

Consid. 4.2.2
L’avis de l’instance cantonale ne peut être suivi. En effet, dans le complément à son rapport d’expertise, l’expert neurologue a constaté que la détection par appareil du trouble des mouvements oculaires constituait un marqueur de substitution d’une lésion cérébrale structurelle chez l’assurée. Il existe un léger trouble neuropsychologique qui est très probablement en lien avec l’accident du 12.07.2020. Il y a une réduction de 40% des performances dans l’activité habituelle et une réduction de 10% des performances dans une activité adaptée. Cela ressortait déjà de manière concluante du rapport de l’expertise pluridisciplinaire. Contrairement à l’instance cantonale, on ne peut donc pas parler d’une simple possibilité de lésion cérébrale structurelle causée par l’accident chez l’assurée.

Consid. 4.2.3
Le renvoi du tribunal cantonal à la jurisprudence selon laquelle, en l’état actuel des connaissances, un-e neuropsychologue ne peut se prononcer de manière autonome et définitive sur la genèse d’un trouble de santé prétendument lié à un accident (BGE 119 V 335 E. 2b/bb) n’est pas pertinent. En effet, un spécialiste en neurologie a participé – comme déjà mentionné – à l’expertise pluridisciplinaire ainsi qu’à son complément (cf. également arrêt 8C_526/2021 du 10 novembre 2021 consid. 4.2.1).

Consid. 4.3
En résumé, sur la base de l’expertise pluridisciplinaire et du complément d’expertise, il est établi qu’au moment de la clôture du dossier, le 30.09.2022, l’assurée présentait une lésion cérébrale organique objectivable, en lien de causalité naturelle avec l’accident du 12 juillet 2020, laquelle entraînait un trouble des fonctions neuropsychologiques et une incapacité de travail qui en découle. En le niant, la cour cantonale n’a pas procédé à une libre appréciation des preuves, mais a elle-même interprété l’expertise, respectivement son complément, sur des questions médicales spécifiques, ce qui est contraire au droit fédéral (cf. également arrêts 8C_516/2024 du 25 février 2025, consid. 4.2.2, et 8C_6/2024 du 8 mai 2024, consid. 6.3 et les références). L’affaire doit dès lors être renvoyée à l’instance cantonale afin qu’elle rende une nouvelle décision sur le droit aux prestations de l’assurée.

 

Le TF admet le recours de l’assurée.

 

Arrêt 8C_664/2024 consultable ici

 

Proposition de citation : 8C_664/2024 (d) du 07.05.2025, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2025/06/8c_664-2024)

 

 

8C_398/2024 (d) du 26.03.2025 – Diagnostics à retenir – Capacité de travail exigible – Valeur probante d’un avis du SMR

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_398/2024 (d) du 26.03.2025

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi

 

Diagnostics à retenir – Capacité de travail exigible – Valeur probante d’un avis du SMR / 43 LPGA

 

Résumé
Dans l’arrêt 8C_398/2024, le Tribunal fédéral a admis le recours d’un assuré contre le jugement de l’instance cantonale qui avait confirmé le refus de lui octroyer une rente d’invalidité. Le TF a relevé d’importantes contradictions entre les différentes évaluations médicales relatives à sa capacité de travail, notamment entre le rapport des experts psychiatre et neurologue (expertise mise en œuvre par l’assurance PGM) et les avis du Service médical régional, sans qu’une discussion suffisante de ces divergences ait été menée. Estimant que les conditions légales relatives à la valeur probante des avis médicaux internes n’avaient pas été respectées, le TF a considéré que la fiabilité des fondements médicaux retenus était insuffisante. La cause a dès lors été renvoyée à l’office AI pour complément d’instruction.

 

Faits
Assuré, né en 1991, avait été employé en qualité de conseiller financier en formation auprès de B. SA depuis mars 2020. L’employeur mit fin au contrat de travail pour cause de surmenage à fin novembre 2021.

Demande AI en août 2021, invoquant notamment des douleurs croissantes de l’appareil locomoteur depuis plusieurs années.

L’office AI se procura le dossier de l’assureur perte de gain maladie. Diagnostic de fibromyalgie établi en février 2020 lors d’une consultation à la clinique de rhumatologie de l’hôpital E. Selon le rapport du psychiatre traitant, qui suivait l’assuré depuis novembre 2013, un nouvel épisode dépressif survint en février 2021. Il attesta une incapacité totale de travail à compter du 01.03.2021. En janvier 2022, l’assuré fut hospitalisé au centre pulmonaire en raison d’embolies pulmonaires bilatérales, et fut par la suite suivi par un spécialiste en médecine interne et hématologie. Par ailleurs, une évaluation gastroentérologique fut réalisée en février 2022 au centre de gastroentérologie. L’assureur perte de gain maladie ordonna une évaluation de la capacité fonctionnelle, complétée par un examen neuropsychiatrique et de performance psychologique (expertise par un psychiatre et une neurologue).

Sur la base des avis du SMR, l’office AI refusa le droit à une rente d’invalidité.

 

Procédure cantonale (arrêt IV.2023.00649 – consultable ici)

Par jugement du 15.05.2024, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 4
Le tribunal cantonal a exposé de manière correcte les dispositions et principes relatifs à l’incapacité de gain (art. 7 LPGA) et à l’invalidité (art. 8 LPGA), au droit à une rente d’invalidité (art. 28 et 28b LAI), ainsi qu’à la valeur probante des rapports et expertises médicaux en général (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 125 V 351 consid. 3a avec renvoi) et des avis médicaux internes à l’assurance en particulier (ATF 139 V 225 consid. 5.2 ; 135 V 465 consid. 4.4 ; 125 V 351 consid. 3b/ee ; 122 V 157 consid. 1d). Il convient de souligner qu’une expertise obtenue par l’assureur en cas d’indemnités journalières de maladie en dehors de la procédure prévue à l’art. 44 LPGA n’a, selon la pratique, que la valeur probante d’un avis médical interne à l’assurance (arrêts 8C_247/2024 du 12 décembre 2024 consid. 2.3 ; 9C_634/2019 du 12 novembre 2019 consid. 4.3 ; 8C_71/2016 du 1er juillet 2016 consid. 5.2).

Consid. 5.1
Selon l’autorité cantonale, l’assuré est, sur la base des avis du SMR, capable de travailler à 80% dans son activité habituelle, en raison d’un syndrome douloureux et avec un besoin accru de pauses (en lien avec les troubles gastro-intestinaux [iléite/maladie de Crohn]), et à 100% dans une activité adaptée à ses limitations. D’un point de vue psychiatrique, il n’existerait pas d’atteinte durable à la santé, le diagnostic de trouble de stress post-traumatique posée par le psychiatre traitant n’ayant pas pu être confirmée.

Consid. 6.1
Il convient tout d’abord de rappeler que tous les rapports médicaux que l’autorité cantonale a considérés comme déterminants pour l’évaluation de la capacité de travail sont soumis aux règles applicables aux avis médicaux internes à l’assurance. Si ne serait-ce que de légers doutes existent quant à leur fiabilité, il n’est pas possible de s’y fier (cf. consid. 4 supra).

Consid. 6.3
Tandis que les spécialistes en médecine physique et réadaptation ainsi qu’en rhumatologie ont attesté une capacité de travail de 100% dans une activité adaptée aux limitations (ce sur quoi le rhumatologue du SMR s’est également fondé), l’évaluation neuropsychiatrique et des performances psychologiques effectuée également au printemps 2022 a conclu à une limitation totale (100%) du potentiel fonctionnel en lien avec l’activité professionnelle. Cette atteinte a été attribuée principalement à un trouble complexe consécutif à un traumatisme, bien qu’un diagnostic psychiatrique fasse défaut dans le rapport. Après sa réévaluation neurologique en septembre 2022, l’experte neurologue a continué de considérer l’atteinte comme uniquement temporaire. Toutefois, elle n’a constaté qu’une légère amélioration des constatations cliniques, a maintenu une limitation de 50 à 60% et a recommandé une nouvelle évaluation dans un délai d’environ deux mois. L’avis de la spécialiste en psychiatrie et psychothérapie du SMR s’écarte quant à lui de manière notable de celui de l’experte neurologue. Selon la médecin du SMR, un trouble de stress post-traumatique (CIM-10 F43.1) ne peut être déduit malgré les traumatismes subis, car la symptomatologie requise ferait défaut. Il en irait de même, selon elle, en ce qui concerne l’épisode dépressif allégué. Ce faisant, elle ne fait aucunement référence aux observations des experts psychiatre et neurologue ni aux prises de position du psychiatre traitant, et ne motive pas davantage son avis.

Consid. 6.4
Il existe ainsi d’importantes contradictions entre les différentes évaluations de la capacité de travail, sans que les divergences entre les avis aient été examinées dans chaque cas. Cela suffit à susciter des doutes quant à la fiabilité de l’ensemble des appréciations internes à l’assurance. En considérant de manière sélective le rapport des experts psychiatre et neurologue et l’avis de la spécialiste en psychiatrie et psychothérapie du SMR comme pleinement probants, le tribunal cantonal a enfreint les règles applicables en matière de valeur probante de tels avis. Faute de bases médicales fiables pour évaluer la capacité de travail, l’affaire doit être renvoyée à l’office AI pour les investigations complémentaires nécessaires.

 

Le TF admet le recours de l’assuré.

 

Arrêt 8C_398/2024 consultable ici

 

Proposition de citation : 8C_398/2024 (d) du 26.03.2025, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2025/06/8c_398-2024)