8C_264/2018 (f) du 31.10.2018 – Revenu d’invalide après réadaptation puis engagement – 16 LPGA / Absence de rapports de travail suffisamment stables pour évaluer l’invalidité au regard de la situation concrète / Revenu d’invalide fixé selon le tableau TA7 de l’ESS

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_264/2018 (f) du 31.10.2018

 

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Revenu d’invalide après réadaptation (stage pratique de 13 mois) puis engagement / 16 LPGA

Absence de rapports de travail suffisamment stables pour évaluer l’invalidité au regard de la situation concrète

Revenu d’invalide fixé selon le tableau TA7 de l’ESS

 

Assurée, née en 1954, titulaire d’un diplôme de secrétariat et de deux certificats de capacité de cafetier-restaurateur, a travaillé en qualité de barmaid.

Le 14.05.1992, elle a été victime d’une fracture de la rotule gauche et d’une déchirure partielle du tendon achilléen gauche à la suite d’une chute sur les genoux. L’assurance-accidents a alloué à l’assurée, à partir du 01.05.1997, une rente transitoire fondée sur un taux d’incapacité de gain de 70% jusqu’au 30.09.1998, l’intéressée ayant bénéficié d’indemnités journalières de l’assurance-invalidité à compter du 01.10.1998.

Du 01.06.1999 au 30.06.2000, l’assurée a bénéficié d’une mesure professionnelle de reclassement de l’assurance-invalidité sous la forme d’un stage pratique d’aide de bureau, d’intendante de la cafeteria et de réceptionniste. Au terme de ce stage, elle a été engagée par cette Fondation en qualité de préposée à des travaux administratifs et à la réception des clients de la boutique, ainsi que d’employée de la cafeteria. Depuis le 01.07.2000, l’assurée a bénéficié d’une demi-rente de l’assurance-invalidité fondée sur un taux d’incapacité de gain de 54%. A partir du 01.01.2005, la demi-rente de l’assurance-invalidité a été remplacée par une rente entière fondée sur un taux d’incapacité de gain de 100%, en raison de troubles étrangers à l’accident.

Par un courrier du 30.08.2013, l’assurée a sollicité qu’il soit statué sur son droit à prestations de l’assurance-accidents obligatoire. L’assurance-accidents a reconnu le droit de l’intéressée, à compter du 01.07.2000, à une rente d’invalidité fondée sur un taux d’incapacité de gain de 19%. Toutefois, étant donné que la demande de prestations n’avait été déposée que le 30.08.2013, elle a reporté la naissance du droit à la rente au 01.09.2008, conformément aux règles concernant la péremption de prestations arriérées. L’assurée n’a pas recouru contre la décision sur opposition.

S’agissant du revenu d’invalide, l’assurance-accidents a retenu un montant de 46’873 fr. 55. Elle l’a calculé en fonction des activités commerciales et administratives exercées par une femme, selon le tableau TA7, chiffre 23, niveau de qualification 3 (connaissances professionnelles spécialisées), de l’ESS 2000. Elle a ensuite adapté ce montant (4’972 fr.) compte tenu de la durée hebdomadaire de travail dans les entreprises suisses en 2000 (41,9 heures) et d’une capacité de travail de 75%. L’assurance-accidents n’a pas opéré d’abattement sur le salaire statistique au motif que l’assurée était âgée de 46 ans au moment de l’examen de son droit à la rente, qu’elle est de langue maternelle française et qu’elle disposait des connaissances professionnelles requises.

La caisse de pension s’est plainte, par courrier du 07.03.2016 adressé à l’assurance-accidents, du fait que la décision sur opposition ne lui avait pas été communiquée conformément aux exigences légales et elle a requis le réexamen dudit prononcé en ce sens que l’assurée a droit à une rente d’invalidité fondée sur un taux d’incapacité de gain de 54%, à l’instar de la décision de l’assurance-invalidité. L’assurance-accidents a traité la demande de réexamen de la caisse de pension comme une opposition à sa décision, qu’elle a rejetée le 28.04.2016.

 

Procédure cantonale

La cour cantonale a confirmé le point de vue de l’assurance-accidents selon lequel il y avait lieu de se référer aux salaires statistiques publié par l’ESS. Elle a considéré que l’on ne pouvait pas établir le revenu d’invalide sur la base du salaire perçu auprès de la Fondation, motif pris qu’au moment de la naissance du droit à la rente (01.07.2000), on ne pouvait pas conclure à l’existence de rapports de travail stables suffisamment longs au service de cet employeur. Cela étant, les premiers juges se sont toutefois écartés de la décision sur opposition en ce qui concerne le salaire statistique déterminant.

Par jugement du 27.02.2018, admission partielle du recours de la caisse de pension par le tribunal cantonal, évaluant le taux d’incapacité de gain à 24%.

 

TF

Si l’assuré est invalide (art. 8 LPGA) à 10% au moins par suite d’un accident, il a droit à une rente d’invalidité (art. 18 al. 1 LAA). Pour évaluer le taux d’invalidité, le revenu que l’assuré aurait pu obtenir s’il n’était pas invalide est comparé avec celui qu’il pourrait obtenir en exerçant l’activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l’ensemble ou d’une partie des possibilités de gain de l’assuré sur un marché du travail équilibré dans son domaine d’activité, si cette diminution résulte d’une atteinte à sa santé physique, mentale ou psychique et qu’elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1); seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain; de plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2).

Le revenu d’invalide doit être évalué avant tout en fonction de la situation professionnelle concrète de l’assuré. Lorsque l’activité exercée après la survenance de l’atteinte à la santé repose sur des rapports de travail particulièrement stables, qu’elle met pleinement en valeur la capacité de travail résiduelle exigible et que le gain obtenu correspond au travail effectivement fourni et ne contient pas d’éléments de salaire social, c’est le revenu effectivement réalisé qui doit être pris en compte pour fixer le revenu d’invalide. En l’absence d’un revenu effectivement réalisé – soit lorsque la personne assurée, après la survenance de l’atteinte à la santé, n’a pas repris d’activité lucrative ou alors aucune activité normalement exigible -, le revenu d’invalide peut être évalué sur la base de salaires fondés sur les données statistiques résultant de l’ESS ou sur les données salariales résultant des descriptions de postes de travail établies par la CNA (ATF 135 V 297 consid. 5.2 p. 301; 129 V 472 consid. 4.2.1 p. 475).

Selon le Tribunal fédéral, la cour cantonale était fondée à évaluer le revenu d’invalide sur la base des salaires statistiques au lieu de prendre en considération la situation concrète de l’assurée au moment de la naissance du droit à la rente au 01.07.2000. En effet, au cours des treize mois précédents (du 01.06.1999 au 30.06.2000), c’est seulement en tant que participante à une mesure professionnelle de reclassement de l’assurance-invalidité que l’intéressée a effectué un stage pratique auprès de la Fondation. Dans ces conditions il n’est pas possible de conclure à l’existence de rapports de travail particulièrement stables au sens de la jurisprudence.

Cependant, la cour cantonale n’avait pas de motif de s’écarter de la décision sur opposition en ce qui concerne le domaine d’activité déterminant. S’il n’est pas possible de conclure à l’existence de rapports de travail suffisamment stables pour évaluer l’invalidité au regard de la situation concrète, il ne paraît pas non plus justifié de se référer à différents domaines d’activités pour tenir compte de tous les aspects de cette situation concrète. En l’occurrence une activité commerciale et administrative selon le tableau TA7 de l’ESS, ligne 23, était tout à fait compatible avec les limitations fonctionnelles attestées médicalement, compte tenu d’une capacité de travail de 75%, et était donc pleinement exigible. En outre la juridiction cantonale était fondée à retenir le niveau de qualification 3 dans ce domaine d’activité du moment que l’assurée avait bénéficié d’une mesure de reclassement dans une activité d’aide de bureau et qu’elle est titulaire d’un diplôme de secrétariat obtenu en 1984.

 

Le TF admet le recours de l’assurance-accidents, annule le jugement cantonal et confirme la décision sur opposition.

 

 

Arrêt 8C_264/2018 consultable ici

 

 

9C_414/2018 (f) du 21.11.2018 – Révision d’une rente AI – 17 LPGA / Choix de la méthode d’évaluation de l’invalidité / Modification du statut – Passage d’un statut mixte à un taux d’occupation de 100%

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_414/2018 (f) du 21.11.2018

 

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Révision d’une rente AI / 17 LPGA

Choix de la méthode d’évaluation de l’invalidité

Modification du statut – Passage d’un statut mixte à un taux d’occupation de 100%

 

Assurée, née en 1963, exerçant la profession de secrétaire à 60% depuis le 01.11.2003 et consacrant le reste de son temps à l’entretien de son ménage. Souffrant d’une sclérose en plaques, dépôt d’une demande AI le 14.01.2009. Après instruction, l’office AI a octroyé à l’assurée une demi-rente d’invalidité à compter du 01.09.2009, en application de la méthode mixte d’évaluation de l’invalidité.

Demande de révision déposée par l’assurée le 28.04.2016, invoquant la péjoration de sa situation médicale et le départ de ses deux enfants du domicile familial. Cette dernière circonstance justifiait selon elle l’application de la méthode ordinaire de comparaison des revenus dès lors qu’elle aurait augmenté son taux d’occupation à 100% si elle avait été en meilleure santé. L’administration a seulement admis l’aggravation de la maladie. Elle a confirmé le droit à la demi-rente, toujours en application de la méthode mixte d’évaluation de l’invalidité, considérant notamment que la modification de statut n’avait pas été rendue vraisemblable.

 

Procédure cantonale (arrêt 608 2017 128 – consultable ici)

Le tribunal cantonal a soutenu en substance qu’il n’était ni extraordinaire ni inhabituel que, dans l’hypothèse où elle ne présenterait pas d’atteinte à la santé, une mère âgée de 54 ans décide d’augmenter son taux d’activité au moment où ses enfants quittent définitivement le domicile familial, d’autant plus si elle est au bénéfice d’une formation supérieure. Il a constaté que l’assurée avait travaillé à temps complet jusqu’à la naissance de son premier enfant, cessé toute activité lucrative à cette occasion, recommencé à travailler à 60% lorsque ses enfants étaient âgés de quatorze et douze ans et conservé le même taux d’occupation aussi longtemps que les multiples symptômes limitatifs de sa maladie le permettaient.

Par jugement du 19.04.2018, admission du recours par le tribunal cantonal et renvoi du dossier à l’administration pour qu’elle détermine le taux d’invalidité de l’assurée sur la base de la méthode ordinaire de comparaison des revenus.

 

TF

Le point de savoir à quel taux d’activité la personne assurée travaillerait sans atteinte à la santé est une question de fait et les constatations cantonales y relatives lient le Tribunal fédéral pour autant qu’elles ne soient ni manifestement inexactes ni ne reposent sur une violation du droit au sens de l’art. 95 LTF (ATF 133 V 504 consid. 3.2 p. 507 et les références).

Selon le Tribunal fédéral, l’administration – recourante – n’établit pas en quoi il serait insoutenable, contraire aux faits ou au droit ou choquant d’admettre que, si elle avait été en bonne santé, une femme de 54 ans décide d’augmenter son taux d’occupation le jour où les deux enfants auxquels elle avait consacré une partie seulement de son temps quittent définitivement le domicile familial.

En l’occurrence, il nullement question de l’hypothèse dans laquelle l’assurée reprendrait une carrière professionnelle après près de trente ans d’inactivité totale mais seulement de l’hypothèse dans laquelle cette personne n’avait que provisoirement suspendu son activité professionnelle avant de la reprendre au taux d’occupation conséquent de 60% qu’elle a maintenu aussi longtemps que les symptômes de sa maladie ou d’autres affections (cancer du sein, fractures) le permettaient. L’assurée travaille du reste toujours une dizaine d’heures par semaine.

 

Le TF rejette le recours de l’office AI.

 

 

Arrêt 9C_414/2018 consultable ici

 

 

8C_474/2017 (f) du 22.08.2018 – Droit à l’indemnité chômage – Aptitude au placement – 8 LACI – 15 LACI / Fréquentation d’un cours de langue – Séjour linguistique à Londres

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_474/2017 (f) du 22.08.2018

 

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Droit à l’indemnité chômage – Aptitude au placement / 8 LACI – 15 LACI

Fréquentation d’un cours de langue – Séjour linguistique à Londres

 

Assuré, titulaire d’un CFC d’installateur-électricien, a requis l’allocation chômage après avoir accompli diverses missions pour une agence de placement. Un délai-cadre d’indemnisation a été ouvert en sa faveur du 06.10.2015 au 05.10.2017.

Le 10.11.2015, l’assuré a saisi l’Office régional de placement (ci-après: ORP) d’une demande tendant à la prise en charge d’une mesure de formation sous la forme d’un séjour linguistique à Londres, du 16.11.2015 au 18.12.2015. L’ORP a rejeté cette requête par décision, confirmée sur opposition par l’Office cantonal de l’emploi (ci-après: OCE) puis sur recours par la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève (arrêt ATAS/660/2016). Par contrat de travail de durée indéterminée du 21.12.2015, l’assuré a été engagé dès le 01.01.2016 en qualité d’installateur-électricien.

Par décision du 15.01.2016, confirmée sur opposition, L’OCE a nié le droit de l’assuré à l’indemnité de chômage durant son séjour linguistique du 15.11.2015 au 19.12.2015 motif pris que l’intéressé ne pouvait se prévaloir d’aucun jour sans contrôle au moment de son départ à Londres.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/402/2017 – consultable ici)

La juridiction cantonale est d’avis que l’intéressé n’a pas conclu une assurance-annulation, notamment dans l’éventualité d’une entrée en fonction imprévue pour un stage ou un travail. Quant à la couverture d’assurance du carnet d’entraide de l’association D.__, souscrite par l’assuré, elle ne s’applique qu’en cas de maladie, d’accident et de décès et rien ne dit qu’elle prend en charge le remboursement des frais d’écolage. Aussi les juges cantonaux ont-ils constaté que l’intéressé n’avait pas établi à satisfaction de droit qu’il avait la volonté d’interrompre sa formation.

Par jugement du 23.05.2017, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

L’assuré n’a droit à l’indemnité de chômage que s’il est apte au placement (art. 8 al. 1 let. f LACI). Est réputé apte à être placé le chômeur qui est disposé à accepter un travail convenable et à participer à des mesures d’intégration et qui est en mesure et en droit de le faire (art. 15 al. 1 LACI). L’aptitude au placement comprend ainsi deux éléments: la capacité de travail d’une part, c’est-à-dire la faculté de fournir un travail – plus précisément d’exercer une activité lucrative salariée – sans que l’assuré en soit empêché pour des causes inhérentes à sa personne, et d’autre part la disposition à accepter un travail convenable au sens de l’art. 16 LACI, ce qui implique non seulement la volonté de prendre un tel travail s’il se présente, mais aussi une disponibilité suffisante quant au temps que l’assuré peut consacrer à un emploi et quant au nombre des employeurs potentiels (ATF 125 V 51 consid. 6a p. 58; 123 V 214 consid. 3 p. 216; DTA 2004 n°18 p. 186 [C 101/03] consid. 2.2).

Est notamment réputé inapte au placement l’assuré qui n’a pas l’intention ou qui n’est pas à même d’exercer une activité salariée, parce qu’il a entrepris – ou envisage d’entreprendre – une activité lucrative indépendante, cela pour autant qu’il ne puisse plus être placé comme salarié ou qu’il ne désire pas ou ne puisse pas offrir à un employeur toute la disponibilité normalement exigible. L’aptitude au placement doit par ailleurs être admise avec beaucoup de retenue lorsque, en raison de l’existence d’autres obligations ou de circonstances personnelles particulières, un assuré désire seulement exercer une activité lucrative à des heures déterminées de la journée ou de la semaine. Un chômeur doit être en effet considéré comme inapte au placement lorsqu’une trop grande limitation dans le choix des postes de travail rend très incertaine la possibilité de trouver un emploi (ATF 112 V 326 consid. 1a p. 327 et les références; DTA 2003 n° 14 p. 128 [C 234/01] consid. 2.1).

Selon la jurisprudence, lorsqu’un assuré fréquente un cours durant la période de chômage (sans que les conditions des art. 59 ss LACI soient réalisées), il doit, pour être reconnu apte au placement, être disposé – et être en mesure de le faire – à arrêter le cours pour reprendre un emploi, tout en remplissant pleinement son obligation de recherches d’emploi. Les exigences en matière de disponibilité et de flexibilité sont plus élevées lorsqu’il s’agit d’un assuré suivant un cours de par sa propre volonté et à ses frais. Il est alors tenu de poursuivre ses recherches d’emploi de manière qualitativement et quantitativement satisfaisantes et être disposé à interrompre le cours en tout temps. Cette dernière condition doit toutefois découler de données objectives; de simples allégations de l’assuré ne suffisent pas (cf. ATF 122 V 265 consid. 4 p. 266 s.; DTA 2004 n. 2 p. 46 [C 136/02] consid. 1.3; arrêts 8C_891/2012 du 29 août 2013 consid. 4; 8C_466/2010 du 8 février 2011 consid. 3). Dans un arrêt C 132/04 du 11 octobre 2004, l’ancien Tribunal fédéral des assurances a jugé qu’un assuré qui se rend temporairement à l’étranger pour y suivre des cours ne peut prétendre une indemnité de chômage qu’à la condition d’être atteignable dans le délai d’une journée et de pouvoir être placé dans un délai raisonnable (consid. 3). Dans un autre arrêt (C 122/04 du 17 novembre 2004 consid. 2.1), il a reconnu que cette exigence était réalisée en ce qui concerne un assuré qui suivait aux Etats-Unis un cours qui n’avait pas été approuvé par les organes de l’assurance-chômage. Dans un arrêt 8C_922/2014 du 20 mai 2015, concernant le cas d’un assuré qui suivait une formation en vue de l’obtention d’un MBA auprès d’une haute école sise à Paris, le Tribunal fédéral a considéré que l’éloignement ne représente plus un obstacle important à l’aptitude au placement dès lors que les moyens techniques actuels facilitent la communication et qu’en principe les entretiens d’embauche n’ont pas lieu dans un délai de quelques heures. Comme, dans le cas concret, l’assuré avait la possibilité de repousser d’une année le cours à Paris ou d’accomplir certains modules de cours à Doha ou à Shanghai (sans surcoût considérable), le Tribunal fédéral a admis l’aptitude au placement de l’assuré, en laissant indécis le point de savoir si les conséquences économiques pouvaient dissuader l’intéressé d’interrompre définitivement sa formation en vue de prendre un travail (consid. 4.2).

 

En l’espèce, il est incontestable que le séjour à Londres ne constituait pas en soi un obstacle important au retour du recourant en Suisse dans un délai raisonnable, en vue de participer à un entretien d’embauche ou de prendre une activité salariée. Il ressort en effet des pièces versées au dossier par l’intéressé qu’il existe plus d’une vingtaine de liaisons aériennes quotidiennes entre Londres et Genève, villes qui sont à moins de deux heures de vol. En outre, même si l’intéressé n’a pas souscrit une assurance annulation dans l’éventualité d’un retour en Suisse en vue d’un entretien d’embauche ou de la prise d’un emploi, les conséquences économiques d’une interruption du cours de langue d’une durée de cinq semaines n’étaient pas de nature à dissuader l’intéressé de mettre fin à sa formation en vue de prendre un travail.

Par ailleurs, la cour cantonale a constaté que l’assuré avait effectué cinq recherches d’emploi pour le mois de novembre 2015 et six pour le mois de décembre suivant et que l’une des recherches effectuées au mois de novembre avait d’ailleurs conduit à la conclusion d’un contrat de travail de durée indéterminée à partir du 01.01.2016. Ainsi il y a lieu d’admettre que l’assuré a satisfait pleinement à son obligation de rechercher activement un travail. Au demeurant l’OCE n’a formulé aucune critique quant à la qualité et la quantité des démarches de l’assuré pour retrouver un travail durant son séjour à Londres. Sur la base de ces recherches, il lui a d’ailleurs alloué une indemnité de chômage dès son retour en Suisse jusqu’à la prise de sa nouvelle activité, conformément à la règle selon laquelle les principes jurisprudentiels sur l’aptitude au placement ne doivent pas conduire à pénaliser le chômeur qui trouve et accepte une place appropriée mais non libre immédiatement (ATF 123 V 214 consid. 5a p. 217 s.; 110 V 207 consid. 1 p. 209 et les arrêts cités).

Vu ce qui précède, l’assuré était apte au placement durant la période du 15.11.2015 au 19.12.2015.

 

Le TF admet le recours de l’assuré, annule le jugement cantonal ainsi que la décision sur opposition de l’OCE. L’assuré a droit à une indemnité de chômage pour la période du 15.11.2015 au 19.12.2015.

 

 

Arrêt 8C_474/2017 consultable ici

 

 

Prise de position de la Commission fédérale pour les questions familiales : un congé de paternité de 2 ou 4 semaines : un pas extrêmement modeste dans la bonne direction

Un congé de paternité de 2 ou 4 semaines : un pas extrêmement modeste dans la bonne direction

 

Communiqué de presse de la Commission fédérale pour les questions familiales du 05.02.2019 consultable ici

 

La Commission fédérale pour les questions familiales plaide pour l’introduction d’un congé parental substantiel. Dans la situation politique actuelle, elle adhère toutefois à la proposition actuellement en consultation d’introduire un congé de paternité de 2 semaines, ou mieux de 4 semaines comme le propose le comité d’initiative, afin qu’une première amélioration soit rapidement réalisée. La commission est convaincue qu’à terme c’est d’un congé parental de 38 semaines que la Suisse a besoin.

La Commission fédérale pour les questions familiales (COFF) a publié le 20 août 2018 un argumentaire basé sur des études scientifiques en faveur de l’introduction d’un congé parental de 38 semaines. La COFF est convaincue qu’un congé parental est bénéfique pour les familles, pour la société mais aussi pour l’économie et les entreprises. Elle espère que le débat se poursuive sur cette question de société importante et qu’un modèle de congé globalement bénéfique soit recherché. La commission appelle à tenir compte des avantages économiques (augmentation des recettes fiscales, diminution de l’absentéisme et des coûts de recrutement) mais aussi en termes de santé et bien-être sociétal notamment.

Estimant que toute avancée dans la direction souhaitée mérite d’être soutenue, la COFF est favorable au texte de l’initiative populaire (18.052) et approuve également le contre-projet indirect (18.441) élaboré par la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil des États (CSSS-E). Elle considère toutefois qu’il s’agit là d’un pas extrêmement modeste, et qu’il est nécessaire qu’un congé plus long soit accordé aux pères pour qu’il produise des effets durables sur la relation père-enfant en particulier.

Dans la prise de position remise le 05.02.2019 dans le cadre de la procédure de consultation en cours, la COFF invite les auteurs du projet à accorder aux pères une protection contre toute résiliation de leur contrat de travail durant les mois pendant lesquels ils peuvent prendre le congé de paternité.

 

Rôle de la COFF

La COFF est une commission extraparlementaire consultative qui s’engage pour des conditions-cadres favorables aux familles. En tant que commission spécialisée, elle joue un rôle important dans le traitement politique des questions de société et veille à fournir aux autorités fédérales des connaissances spécifiques sur la politique familiale. Elle est composée de quinze membres issus d’organisations actives dans le domaine de la politique familiale, d’instituts de recherche travaillant sur le thème de la famille, ainsi que de spécialistes dans les domaines du social, du droit et de la santé.

 

 

Communiqué de presse de la Commission fédérale pour les questions familiales du 05.02.2019 consultable ici

Prise de position du 05.02.2019 de la COFF concernant le contre-projet indirect à l’initiative pour un congé de paternité élaboré par la CSSS-E disponible ici

 

 

8C_45/2018 (f) du 17.12.2018 – Lien de causalité naturelle – Statu quo sine vel ante – 6 LAA / Coup de pied à un genou – Décompensation transitoire d’une pathologie préexistante

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_45/2018 (f) du 17.12.2018

 

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Lien de causalité naturelle – Statu quo sine vel ante / 6 LAA

Coup de pied à un genou – Décompensation transitoire d’une pathologie préexistante

Valeur probante des rapports médicaux

 

Assuré, né en 1972, a reçu un coup de pied à son genou gauche en jouant au football le 11.01.2016. Le médecin traitant a prescrit une incapacité de travail de 100% et adressé son patient à un spécialiste en chirurgie orthopédique. L’IRM du genou gauche réalisée le 16.02.2016 a révélé un épaississement du tractus ilio-tibial avec un œdème laissant indiquer un possible syndrome de friction du tractus ilio-tibial, une chondropathie de grade maximal III de la trochlée fémorale et de la facette interne de la rotule, un épanchement intra-articulaire réactionnel, mais pas de lésion méniscale, notamment externe.

Un deuxième avis a été demandé à un autre spécialiste en chirurgie orthopédique, qui a diagnostiqué une déchirure du bord libre du ménisque externe. L’assuré a subi, le 25.04.2016, une résection partielle du ménisque externe gauche, une ablation de la souris intra-articulaire, une régularisation des chondropathies et une section de l’aileron rotulien externe. Cette opération n’a toutefois pas eu le résultat escompté, l’assuré se plaignant de fortes douleurs.

Le médecin de l’assurance-accidents s’est prononcé sur le dossier de l’assuré. Selon ce médecin, l’événement accidentel avait occasionné une irritation du tractus ilio-tibial dont les effets ne perduraient pas au-delà de 12 à 16 semaines. Quant aux modifications de l’articulation du genou gauche décrites sur l’IRM, elles étaient de nature dégénérative, comme l’était également la lésion du ménisque externe réséquée. Toutes ces atteintes ne pouvaient être imputées au coup de pied reçu le 11.01.2016, ni à celui que l’assuré avait déjà subi au même genou gauche lors d’un accident précédent survenu en 2014. Sur cette base, l’assurance-accidents a mis un terme au versement de ses prestations au 16.03.2017 (décision du même jour, confirmée sur opposition).

 

Procédure cantonale

A l’appui de sa réponse, l’assurance-accidents a transmis une appréciation d’une spécialiste en chirurgie générale et traumatologie de son centre de compétences. Elle a retenu que l’accident du 11.01.2016, consistant en une contusion du genou gauche sans lésion osseuse, avait tout au plus décompensé de manière transitoire une pathologie préexistante. En effet, l’IRM du 16.02.2016 ne révélait aucune lésion structurelle, mais la présence d’une chondropathie, soit des altérations du cartilage articulaire dues à des pressions excessives ou mal réparties sur celui-ci. Vu le caractère évolutif de cette pathologie, l’accident n’avait pas pu être à l’origine de celle-ci. En outre, la chondropathie ne pouvait pas non plus être mise en relation avec la méniscectomie partielle subie par l’assuré, dès lors qu’elle était visible avant et après cette intervention sans modification notable. Quant à la déchirure du bord libre du ménisque externe, elle n’était pas de nature traumatique. Il s’agissait d’un remaniement comme le montrait son aspect flou et irrégulier sur la documentation de l’intervention pratiquée. Enfin, le tractus ilio-tibial ne s’était pas rompu mais présentait un épaississement conjointement à une bursite ; en outre, après l’infiltration du tractus effectuée par le médecin, il n’y avait plus de symptomatologie douloureuse à ce niveau-là selon les constatations de ce médecin. En résumé, les douleurs persistantes actuelles étaient à mettre en relation de causalité exclusive avec une pathologie antérieure et manifestement dégénérative.

Par jugement du 27.11.2017, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

On ne saurait reprocher à la juridiction cantonale d’avoir préféré à l’avis non motivé du médecin de l’assuré les conclusions du médecin-conseil de l’assurance-accidents, qui a réfuté de manière étayée et convaincante la prise de position du médecin traitant et expliqué les motifs pour lesquels elle retenait que l’accident du 11.01.2016 avait tout au plus décompensé de manière transitoire une pathologie dégénérative préexistante.

On rappellera que pour faire douter de la fiabilité et de la pertinence d’une appréciation d’un médecin interne à l’assureur social, il ne suffit pas de lui opposer le seul désaccord d’un médecin traitant, dépourvu de toute explication circonstanciée et convaincante. Encore faut-il qu’on puisse également attribuer un caractère probant à l’appréciation du médecin traitant et que celle-ci laisse subsister des doutes suffisants sur la question médicale litigieuse (voir ATF 135 V 465), ce qui n’est pas le cas ici du rapport du médecin traitant faute de contenir une motivation suffisamment développée et concluante.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_45/2018 consultable ici

 

 

9C_381/2018 (f) du 06.12.2018 – Cotisations AVS de chauffeurs de nationalité portugaise d’une entreprise suisse de transports nationaux et internationaux / Applicabilité de la LAVS – Règl. CE 1408/71

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_381/2018 (f) du 06.12.2018

 

Consultable ici

 

Cotisations AVS de chauffeurs de nationalité portugaise d’une entreprise suisse de transports nationaux et internationaux

Applicabilité de la LAVS – Règl. CE 1408/71

 

La société E.__ Sàrl (ci-après: la société), inscrite au Registre du commerce du canton de Vaud en février 2005, avait pour but les transports nationaux et internationaux en tout genre, l’affrètement, l’exploitation d’entrepôts, ainsi que le commerce de tout véhicule utilitaire et toute activité en relation avec le domaine des transports. A des périodes diverses, ses associés gérants étaient les époux C.__ et A.__, ainsi que leurs fils B.__ et D.__. La société a été affiliée en tant qu’employeur à la Caisse cantonale vaudoise de compensation AVS (ci-après: la caisse) avec effet au 01.07.2005.

Le 12.03.2008, le Service de l’emploi du canton de Vaud a informé la caisse qu’un contrôle effectué auprès de la société avait mis en évidence qu’elle n’avait pas prélevé de charges sociales en 2007 pour sept ressortissants portugais qu’elle avait employés comme chauffeurs.

 

Procédure cantonale

Les juges cantonaux ont considéré que l’art. 14bis par. 1 du Règlement n° 1408/71 n’était pas applicable en l’espèce, puisque l’activité exercée en Suisse par les chauffeurs portugais concernés remplissait les critères d’une activité salariée. S’ajoutait à cela le fait que les recourants n’avaient pas établi au degré de la vraisemblance prépondérante que lesdits chauffeurs avaient effectivement versé des cotisations sociales à titre d’indépendants ou de salariés au Portugal, ni même qu’ils étaient affiliés à un système de sécurité sociale européen.

Rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

La question de savoir si une personne est un travailleur ou un indépendant au sens des art. 13 ss du Règlement n° 1408/71 doit être résolue en fonction du droit national de l’Etat dans lequel l’activité respective a été exercée (ATF 139 V 297 consid. 2.3 p. 301 s.). Il n’existe pas de définitions conventionnelles autonomes du « travailleur salarié », « travailleur non salarié » ou de l' »activité salariée » et de l' »activité non salariée » dans le sens de notions indépendantes de droit communautaire, mais ce sont les définitions et notions du droit national correspondantes qui sont déterminantes (ATF 138 V 533 consid. 5.2 p. 541 s. avec les références aux arrêts pertinents de la CJCE [aujourd’hui, CJUE]).

Par conséquent, c’est à juste titre que la juridiction cantonale a qualifié les rémunérations perçues par les chauffeurs portugais en Suisse pour l’activité exercée à la demande de E.__ Sàrl à l’aune des dispositions de la LAVS suisse.

 

Aux termes de l’art. 14 par. 2 du Règlement n° 1408/71, « la personne qui exerce normalement une activité salariée sur le territoire de deux ou plusieurs Etats membres est soumise à la législation déterminée comme suit:

  1. a) la personne qui fait partie du personnel roulant ou naviguant d’une entreprise effectuant, pour le compte d’autrui ou pour son propre compte, des transports internationaux de passagers ou de marchandises par voies ferroviaire, routière, aérienne ou batelière et ayant son siège sur le territoire d’un Etat membre est soumise à la législation de ce dernier Etat. Toutefois:
  2. i) (…)
  3. ii) la personne occupée de manière prépondérante sur le territoire de l’Etat membre où elle réside est soumise à la législation de cet Etat, même si l’entreprise qui l’occupe n’a ni siège, ni succursale, ni représentation permanente sur ce territoire; (…) « .

En l’espèce, selon les contrats passés entre la société et les chauffeurs portugais sur lesquels s’est fondée la juridiction cantonale (intitulés « Prestations de service » ou « Contrat de travail »), l’activité exercée consistait « en la conduite de camions poids lourds exclusivement pour des transports internationaux ». Les personnes concernées faisaient dès lors partie du personnel roulant d’une entreprise effectuant des transports internationaux de marchandises qui avait son siège en Suisse, tandis que leur activité effectuée pour le compte de celle-ci relevait d’une activité salariée (selon le droit suisse). En vertu de l’art. 14 par. 2 let. a du Règlement 1408/71, elles étaient dès lors soumises à la législation de l’Etat dans lequel l’entreprise qui les employait avait son siège, soit la Suisse.

L’application de l’exception de l’art. 14 par. 2 let. a sous ii du Règlement n° 1408/71 aurait supposé que les chauffeurs portugais en cause fussent occupés de manière prépondérante sur le territoire portugais (lieu de leur résidence selon les allégations des recourants) par E.__ Sàrl. Ladite exception vise en effet l’occupation prépondérante du personnel roulant sur le territoire de l’Etat de résidence effectuée pour le compte de l’entreprise de transports internationaux employant ledit personnel (cf. HEINZ-DIETRICH STEINMEYER, in Europäisches Sozialrecht, 4e éd. 2005, n° 24 s. ad art. 14 Règlement 1408/71, p. 191), une autre activité exercée pour un employeur différent ou à titre indépendant n’étant pas déterminante. Selon la conception du Règlement n° 1408/71, ce sont les rapports de travail (« Beschäftigungsverhältnis ») qui sont en principe déterminants pour le rattachement à la législation nationale, la résidence ne constituant qu’un point de rattachement exceptionnel (STEINMEYER, op. cit., n° 25 ad art. 14 Règlement 1408/71, p. 191 s.).

Les recourants n’ont jamais prétendu que l’activité exercée pour le compte de E.__ Sàrl par les personnes concernées l’avait été de manière prépondérante au Portugal. Ils ont affirmé que les chauffeurs étaient occupés de manière prépondérante sur le territoire de l’Etat sur lequel ils résidaient en raison d’une activité indépendante exercée sur le sol portugais, sans se prévaloir des rapports de travail liant la société aux personnes concernées. Cette activité indépendante – à supposer qu’elle fût avérée – n’est pas déterminante pour justifier l’exception de l’art. 14 par. 2 let. a sous ii du Règlement n° 1408/71. Il ne suffit pas non plus, à cet égard, d’alléguer « des missions ponctuelles en Suisse pour une durée inférieure à trois mois », alors que le contrôle effectué par la caisse de compensation avait mis en évidence une activité très régulière pour le compte de E.__ Sàrl sur des périodes excédant les prétendus trois mois. Est par conséquent applicable le principe de la soumission à la législation de l’Etat dans lequel se trouve le siège de l’entreprise, soit la législation suisse.

 

Le TF rejette le recours de A._, B._, C._ et D._.

 

 

Arrêt 9C_381/2018 consultable ici

 

 

6B_716/2018 (f) du 23.10.2018 – Motocycle parqué sur un trottoir – 37 al. 2 LCR – 43 al. 2 LCR – 41 OCR / Erreur sur l’illicéité inévitable – 21 CP / Primauté du droit fédéral – 49 al. 1 Cst.

Arrêt du Tribunal fédéral 6B_716/2018 (f) du 23.10.2018

 

Consultable ici

 

Motocycle parqué sur un trottoir / 37 al. 2 LCR – 43 al. 2 LCR – 41 OCR

Erreur sur l’illicéité inévitable / 21 CP

Primauté du droit fédéral / 49 al. 1 Cst.

 

Le 28.01.2016, X.__ a stationné son motocycle sur un trottoir, à Genève, tout en laissant un espace d’au moins 1.50 mètres pour le passage des piétons. Un agent du Service du stationnement de la Fondation des parkings, établissement autonome de droit public chargé notamment du contrôle du stationnement sur le territoire de la Ville de Genève, lui a alors infligé une amende d’ordre de 40 francs.

X.__ s’étant opposé à la procédure d’amende d’ordre (art. 10 al. 1 LAO), puis à l’ordonnance pénale, le dossier a été transmis au Tribunal de police de la République et canton de Genève.

Par jugement du 29.06.2017, le Tribunal de police a reconnu X.__ coupable de violations simples des règles de la circulation routière.

 

Procédure cantonale (arrêt AARP/167/2018 – consultable ici)

Au moment des faits, soit en janvier 2016, la Fondation des parkings renonçait à réprimer le stationnement des motocycles sur les trottoirs, si un passage d’au moins 1.50 mètres était laissé aux piétons. Cette tolérance « avait été décidée » en 2014 par la Direction générale de la mobilité du canton de Genève et qu’elle n’avait pas fait l’objet de contestations d’autres autorités.

La cour cantonale a estimé que X.__ avait agi sous l’emprise d’une erreur sur l’illicéité inévitable (cf. art. 21 CP). X.__ pouvait croire de bonne foi qu’un tel comportement était autorisé. L’existence de directives officielles d’une autorité compétente en la matière pouvait au demeurant induire en erreur toute personne consciencieuse.

Par arrêt du 04.06.2018, la Chambre pénale d’appel et de révision de la Cour de justice de la République et canton de Genève a acquitté X.__ des faits commis le 28.01.2016.

 

TF

Selon l’art. 21 CP, quiconque ne sait ni ne peut savoir au moment d’agir que son comportement est illicite n’agit pas de manière coupable. Le juge atténue la peine si l’erreur était évitable.

L’erreur sur l’illicéité vise le cas où l’auteur agit en ayant connaissance de tous les éléments constitutifs de l’infraction, et donc avec intention, mais en croyant par erreur agir de façon licite (ATF 129 IV 238 consid. 3.1 p. 241; cf. ATF 141 IV 336 consid. 2.4.3 p. 343 et les références citées). La réglementation relative à l’erreur sur l’illicéité repose sur l’idée que le justiciable doit faire tout son possible pour connaître la loi et que son ignorance ne le protège que dans des cas exceptionnels (ATF 129 IV 238 consid. 3.1 p. 241; arrêts 6B_524/2016 du 13 février 2017 consid. 1.3.2; 6B_1102/2015 du 20 juillet 2016 consid. 4.1). Pour exclure l’erreur de droit, il suffit que l’auteur ait eu le sentiment de faire quelque chose de contraire à ce qui se doit ou qu’il eût dû avoir ce sentiment (ATF 104 IV 217 consid. 2 p. 218; arrêt 6B_524/2016 du 13 février 2017 consid. 1.3.2). Toutefois, la possibilité théorique d’apprécier correctement la situation ne suffit pas à exclure l’application de l’art. 21, 1ère phrase, CP. Ce qui est déterminant c’est de savoir si l’erreur de l’auteur peut lui être reprochée (ATF 116 IV 56 consid. II.3a p. 68; arrêt 6B_784/2018 du 4 octobre 2018 consid. 1.1.2).

Le Tribunal fédéral a ainsi considéré que seul celui qui avait des « raisons suffisantes de se croire en droit d’agir » pouvait être mis au bénéfice de l’erreur sur l’illicéité. Une raison de se croire en droit d’agir est « suffisante » lorsqu’aucun reproche ne peut être adressé à l’auteur du fait de son erreur, parce qu’elle provient de circonstances qui auraient pu induire en erreur toute personne consciencieuse (ATF 128 IV 201 consid. 2 p. 210; ATF 98 IV 293 consid. 4a p. 303; arrêt 6B_403/2013 du 27 juin 2013 consid. 1.1). La tolérance constante de l’autorité – administrative ou pénale – à l’égard d’un comportement illicite déterminé peut, dans certains cas, constituer une raison suffisante de se croire en droit d’agir (ATF 91 IV 201 consid. 4 p. 204). Ainsi, il existe des raisons suffisantes excluant la nécessité de réflexions supplémentaires lorsque la police a toléré des comportements semblables depuis longtemps. Il en va de même en présence d’une pratique constante et non contestée. En revanche, le simple fait que l’autorité n’intervienne pas ne suffit pas pour admettre l’existence d’une erreur de droit (ATF 128 IV 201 consid. 2 p. 210; arrêt 6S.46/2002 du 24 mai 2002 consid. 4b, publié in SJ 2002 I 441; TRECHSEL/JEAN-RICHARD, Schweizerisches Strafgesetzbuch, Praxiskommentar, 3 e éd., 2018, n° 9 ad art. 21 CP).

 

Selon l’art. 37 al. 2 LCR, les véhicules ne seront arrêtés ni parqués aux endroits où ils pourraient gêner ou mettre en danger la circulation. Autant que possible, ils seront parqués aux emplacements réservés à cet effet. L’art. 43 al. 2 LCR dispose pour sa part que le trottoir est réservé aux piétons et la piste cyclable aux cyclistes, le Conseil fédéral pouvant prévoir des exceptions. L’art. 41 OCR prévoit ainsi que les cycles peuvent être parqués sur le trottoir, pour autant qu’il reste un espace libre d’au moins 1.50 mètres pour les piétons (al. 1). Le parcage des autres véhicules sur le trottoir est interdit, à moins que des signaux ou des marques ne l’autorisent expressément. A défaut d’une telle signalisation, ils ne peuvent s’arrêter sur le trottoir que pour charger ou décharger des marchandises ou pour laisser monter ou descendre des passagers; un espace d’au moins 1.50 mètres doit toujours rester libre pour les piétons et les opérations doivent s’effectuer sans délai (al. 1 bis). Par cycle selon l’art. 41 OCR, il faut entendre des véhicules sans moteur à deux roues au moins (cf. art. 18 LCR; 24 al. 1 OETV).

Un comportement contraire à l’art. 41 al. 1 bis OCR est constitutif d’une contravention qui peut faire l’objet d’une procédure simplifiée prévue par la loi fédérale sur les amendes d’ordre (LAO). Pour autant que la durée du stationnement ne dépasse pas deux heures et s’il subsiste un passage d’au moins 1.50 mètres pour les piétons, le montant de l’amende d’ordre est fixé à 40 fr. (cf. ch. 249 de l’annexe 1 à l’ordonnance sur les amendes d’ordre [OAO]).

En vertu du principe de la primauté du droit fédéral ancré à l’art. 49 al. 1 Cst., les cantons ne sont pas autorisés à légiférer dans les matières exhaustivement réglementées par le droit fédéral. Dans les autres domaines, ils peuvent édicter des règles de droit pour autant qu’elles ne violent ni le sens ni l’esprit du droit fédéral, et qu’elles n’en compromettent pas la réalisation. Cependant, même si la législation fédérale est considérée comme exhaustive dans un domaine donné, une loi cantonale peut subsister dans le même domaine en particulier si elle poursuit un autre but que celui recherché par le droit fédéral. Ce n’est que lorsque la législation fédérale exclut toute réglementation dans un domaine particulier que le canton perd toute compétence pour adopter des dispositions complétives, quand bien même celles-ci ne contrediraient pas le droit fédéral ou seraient même en accord avec celui-ci (ATF 143 I 403 consid. 7.1 p. 419; 143 I 109 consid. 4.2.2 p. 113 s.; 140 I 218 consid. 5.1 p. 221; 138 I 435 consid. 3.1 p. 446).

 

L’approche adoptée par la Direction générale de la mobilité, qui est susceptible de s’expliquer tant par une volonté de favoriser l’usage de véhicules à deux roues motorisés – pour lesquels les places de stationnement peuvent faire défaut – que par la priorité accordée à d’autres tâches policières, n’est en soi pas critiquable si l’on considère que c’est aux autorités cantonales et communales qu’il appartient de déterminer les ressources qu’elles entendent consacrer au constat et à la répression des infractions à la législation fédérale sur la circulation routière, en particulier s’agissant des contraventions réprimées par amendes d’ordre, dont la perception échoit aux organes de police désignés par les cantons et les communes (cf. art. 4 al. 1 LAO).

Cela étant, on ne saurait pour autant considérer que la directive de la Direction générale de la mobilité soit indicative d’une pratique constante, qui aurait été adoptée et partagée par l’ensemble des autorités cantonales et communales concernées par la répression des contraventions en matière de circulation routière, que ce soit par le Ministère public ou par d’autres organes de police chargés de percevoir des amendes d’ordre. Il n’est ainsi pas établi qu’aucune autre amende d’ordre n’avait été perçue en ville de Genève pour le comportement en cause durant la période considérée. Il ne ressort du reste pas de l’arrêt entrepris qu’avant la commission des faits, une quelconque autorité avait publiquement laissé entendre qu’en aucun cas, le stationnement de motocycles sur les trottoirs n’était susceptible de faire l’objet d’une amende d’ordre.

L’existence d’une pratique constante et non contestée n’est pas non plus attestée par le « Guide pratique pour les conducteurs de deux-roues motorisés à Genève », diffusé en août 2017 par le Département de l’environnement, des transports et de l’agriculture du canton de Genève. Si cette brochure exposait certes que le stationnement d’un scooter était « toléré » s’il laissait un passage d’au moins 1.50 mètres pour les piétons, elle avait toutefois fait dès sa publication l’objet de vives critiques. Ces critiques, relayées par la presse, avaient conduit le Conseil d’Etat à ordonner le retrait des passages litigieux de la brochure.

On relève en outre que l’interdiction du comportement consistant à stationner son motocycle sur le trottoir, même s’il subsiste un passage d’au moins 1.5 mètres pour les piétons, peut être déduite de manière claire et non équivoque de la législation fédérale en matière de circulation routière. Il a ainsi été admis que l’interdiction de stationner sur les trottoirs revêtait un caractère absolu, de sorte qu’elle s’imposait en toute circonstance (cf. arrêts 6B_395/2017 du 16 novembre 2017 consid. 2.3; 6B_507/2012 du 1 er novembre 2012 consid. 2.4). En vertu de la force dérogatoire du droit fédéral (cf. art. 49 al. 1 Cst.), il n’y a pas la place dans ce contexte pour d’éventuelles dispositions cantonales contraires.

Ainsi, même si la directive de la Direction générale de la mobilité pouvait suggérer une diminution du risque de se faire sanctionner, X.__, avocat de profession, ne pouvait pas partir du principe que celle-là, destinée uniquement à l’attention de la Fondation des parkings et en ce sens dépourvue de portée générale, avait pour autant l’effet de rendre licite un comportement clairement réprimé par le droit fédéral. Dès lors, contrairement à ce que retient la cour cantonale, X.__ ne peut pas se prévaloir d’avoir été induit en erreur sur l’illicéité de son comportement par l’existence de la directive.

En définitive, on ne saurait considérer qu’au moment des faits, l’absence de répression exercée par la Fondation des parkings depuis 2014 traduisait pour autant une tolérance constante et non contestée, qui permettait à X.__, disposant d’une formation juridique, d’avoir des raisons suffisantes de croire que, contrairement à ce que prévoit le droit fédéral, le stationnement des motocycles sur les voies réservées aux piétons était licite en ville de Genève. Il en résulte que ce dernier ne peut pas se prévaloir d’avoir agi sous l’emprise d’une erreur sur l’illicéité au sens de l’art. 21 CP.

 

Le TF admet le recours du Ministère public et annule le jugement cantonal.

 

 

Arrêt 6B_716/2018 consultable ici

 

 

8C_191/2018 (f) du 21.12.2018 – Notion d’accident – Dommage dentaire – 4 LPGA / Olive non dénoyautée dans une salade méditerranéenne prête à la consommation / Caractère extraordinaire de la cause extérieure nié

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_191/2018 (f) du 21.12.2018

 

Consultable ici

 

Notion d’accident – Dommage dentaire / 4 LPGA

Olive non dénoyautée dans une salade méditerranéenne prête à la consommation

Caractère extraordinaire de la cause extérieure nié

 

Assuré, né en 1964, s’est cassé une dent, le 29.11.2016, en croquant dans une olive non dénoyautée se trouvant dans une salade méditerranéenne prête à la consommation, préalablement achetée auprès d’un grand distributeur.

Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a refusé de prendre en charge le traitement dentaire qui en est résulté, au motif que l’événement ne constituait pas un accident en l’absence d’un facteur extérieur extraordinaire.

 

Procédure cantonale (arrêt 605 2017 137 – consultable ici)

Les juges cantonaux ont constaté que les olives – dénoyautées ou non – photographiées sur le paquet d’emballage de la salade achetée par l’assuré n’étaient que très peu visibles, de sorte qu’un consommateur moyen était bien en peine d’en déduire que ce produit contenait des olives dénoyautées. Ils ont considéré que la présence d’une olive non dénoyautée dans une salade – même déjà lavée et prête à la consommation – n’avait rien d’exceptionnel, d’autant que la description de l’article ne faisait nullement référence, dans sa composition, à des olives dénoyautées mais uniquement à des « olives vertes et noires ». En l’absence de précisions claires quant à la présence d’olives non dénoyautées, la présence d’une ou de plusieurs d’entre elles dans une salade n’avait rien de singulier.

Par jugement du 23.01.2018, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Est réputée accident toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort (art. 4 LPGA). Il résulte de la définition même de l’accident que le caractère extraordinaire de l’atteinte ne concerne pas les effets du facteur extérieur, mais seulement ce facteur lui-même. Dès lors, il importe peu que le facteur extérieur ait entraîné, le cas échéant, des conséquences graves ou inattendues. Le facteur extérieur est considéré comme extraordinaire lorsqu’il excède, dans le cas particulier, le cadre des événements et des situations que l’on peut, objectivement, qualifier de quotidiens ou d’habituels (ATF 142 V 219 consid. 4.3.1 p. 221; 129 V 402 consid. 2.1 p. 404; 121 V 35 consid. 1a p. 38).

Les lésions dentaires survenant lors de la mastication d’aliments revêtent le caractère d’accident lorsque les aliments contiennent un corps étranger dont la présence est extraordinaire. La dent ne doit pas nécessairement être parfaitement saine mais il suffit qu’elle remplisse normalement sa fonction de mastication (ATF 114 V 169 consid. 3b p. 170). Dans ce contexte, la jurisprudence a admis par exemple que la présence d’un fragment de coquille de noix ou de noisette dans un pain aux noix, un gâteau aux noix, un croissant fourré ou un chocolat aux noisettes est extraordinaire en dépit du fait qu’on ne peut jamais exclure totalement la présence d’un fragment de coquille dans ces aliments (arrêt 8C_53/2016 du 9 novembre 2016 consid. 3.2, in SVR 2017 UV n°18 p. 61 et les références citées). L’existence d’un facteur extérieur extraordinaire a également été admise lorsqu’une personne se brise une dent sur un caillou en consommant une préparation de riz, même lorsque l’incident se produit à l’étranger dans un pays en voie de développement (arrêt U 165/98 du 21 avril 1999 consid. 3a, in RAMA 1999 n° U 349 p. 478) ou dans le cas d’une assurée qui s’est cassée une dent sur un noyau d’olive en mangeant un pain aux olives qu’elle avait confectionné avec des olives provenant d’un sachet indiquant pour contenu des « olives dénoyautées » dès lors qu’elle ne pouvait s’attendre à y trouver un noyau (arrêt 9C_985/2010 du 20 avril 2011 consid. 6.2). Il en va différemment lorsqu’une personne achète dans un magasin une pizza garnie d’olives sans qu’aucune précision ne soit fournie quant à celles-ci (arrêt U 454/04 du 14 février 2006 consid. 3.6). N’est pas non plus un accident le fait de se casser une dent en mangeant une tarte aux cerises non dénoyautées de sa propre confection (ATF 112 V 201 consid. 3c p. 205 s.). Dans ce cas, l’assuré pouvait s’attendre à trouver un noyau dans sa préparation. De même, la seule présence d’une noix ou d’une olive non dénoyautée dans une salade ne peut être considérée comme extraordinaire (arrêts 8C_750/2015 du 18 janvier 2016 consid. 5 et 8C_ 893/2014 du 27 janvier 2015 consid. 3.5), tout comme le fait de trouver un reste de projectile en mangeant au restaurant de la viande de chasse (arrêt U 367/04 du 18 octobre 2005 consid. 4.3).

Dans le cas d’espèce, si l’on peut distinguer, sur la photo de l’emballage de la salade figurant au dossier, deux olives vertes dénoyautées, on y voit également des olives noires, sans toutefois pouvoir déterminer si ces dernières sont dénoyautées ou non. On ne peut donc retenir que l’image des olives bicolores sur l’emballage reflète l’exact contenu de celui-ci. Aussi doit-on admettre avec la cour cantonale qu’un consommateur, même attentif, ne pouvait présumer à la simple vue de l’emballage que le produit ne contenait que des olives dénoyautées. Il n’est pas déterminant de savoir si celles-ci étaient ou non suffisamment visibles. De plus, il est établi que le produit ne mentionne pas expressément que les olives contenues dans la salade sont dénoyautées. Conformément à la jurisprudence précitée, l’incident du 29.11.2016 ne saurait dès lors être qualifié d’accident, faute de cause extérieure de caractère extraordinaire.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_191/2018 consultable ici

 

 

Modification de la LTF – Non à la mention d’opinions dissidentes au Tribunal fédéral

Modification de la LTF – Non à la mention d’opinions dissidentes au Tribunal fédéral

 

Communiqué de presse du Parlement du 25.01.2019 consultable ici

 

La Commission des affaires juridiques du Conseil national a décidé d’entrer en matière sur la modification de la loi sur le Tribunal fédéral (18.051) et s’est notamment prononcée contre la prise en compte d’avis minoritaires dans les arrêts écrits.

A une courte majorité (13 voix contre 11), la commission est entrée en matière sur le projet de modification de la loi sur le Tribunal fédéral, qui vise en premier lieu à décharger le Tribunal fédéral des cas simples. Une minorité propose de ne pas entrer en matière sur le projet, car elle estime qu’il n’apporte pas de réponse adéquate au problème d’encombrement du Tribunal fédéral et risque de nuire à la protection juridictionnelle de certaines catégories de personnes.

Par 19 voix contre 4 et une abstention, la commission propose de biffer du projet la possibilité pour le Tribunal fédéral de mentionner les opinions dissidentes dans ses arrêts. Elle considère que l’organisation d’audience publique en cas de désaccords remplit déjà cette fonction. À l’issue d’une discussion nourrie, la commission a rejeté, par 18 voix contre 5 et 1 abstention, deux propositions visant à abroger le recours constitutionnel subsidiaire. À l’instar du Conseil fédéral, la majorité considère ce recours comme un pilier du système suisse des voies de droit et un vecteur exemplaire de la confiance des citoyens dans l’Etat de droit. Une minorité plaide pour l’abrogration de ce recours. La commission poursuivra ses travaux à une prochaine séance et devra encore confirmer sa position lors du vote sur l’ensemble du projet.

La commission a siégé les 24 et 25 janvier 2019 à Berne, sous la présidence du conseiller national Pirmin Schwander (UDC/SZ).

 

 

Communiqué de presse du Parlement du 25.01.2019 consultable ici

Objet du Conseil fédéral 18.051 « Loi sur le Tribunal fédéral. Modification » consultable ici

Message du 15.06.2018 du Conseil fédéral relatif à la modification de la loi sur le Tribunal fédéral (LTF) disponible ici (FF 2018 4713)

 

 

8C_228/2018 (d) du 22.01.2019, destiné à la publication – Réduction des primes d’assurance-maladie : la limite de revenu dans le canton de Lucerne pour 2017 est trop basse

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_228/2018 (d) du 22.01.2019, destiné à la publication

 

Communiqué de presse du TF consultable ici

Arrêt 8C_228/2018 consultable ici

 

Dans le canton de Lucerne, la limite de revenu pour la réduction des primes d’assurance-maladie des enfants et des jeunes adultes a été fixée à 54’000 francs pour 2017, ce qui est trop bas. Le fait que seule la couche inférieure des « moyens revenus » bénéficie d’une réduction des primes n’est pas compatible avec le sens et le but de la législation de droit fédéral. Le Tribunal fédéral admet le recours de plusieurs personnes privées.

Selon la loi sur l’assurance-maladie (LAMal), les cantons accordent une réduction de primes aux assurés de condition économique modeste. Pour les bas et moyens revenus, les cantons réduisent de 50 % au moins les primes des enfants et des jeunes adultes en formation (article 65 alinéa 1bis LAMal dans sa version en vigueur jusqu’à fin 2018). Pour 2017, le Conseil d’Etat du canton de Lucerne a fixé rétroactivement à 54’000 francs la limite de revenu déterminante pour la réduction de moitié des primes d’assurance-maladie des enfants et des jeunes adultes en 2017 (revenu net selon la déclaration d’impôt, avec les compensations et les déductions). Le Tribunal cantonal du canton de Lucerne a rejeté le recours déposé par plusieurs personnes privées contre la réglementation litigieuse.

Le Tribunal fédéral admet le recours de ces personnes et annule les dispositions correspondantes de l’ordonnance lucernoise sur la réduction des primes pour l’année 2017. Il arrive à la conclusion que la limite de revenu de 54’000 francs pour la réduction des primes des enfants et des jeunes adultes est trop basse et qu’elle est contraire au droit fédéral. Les cantons disposent certes d’une très grande liberté de décision pour définir les termes « bas et moyens revenus » pour lesquels une réduction des primes est accordée selon la LAMal. Leur autonomie est toutefois limitée par le fait que leurs dispositions d’application en matière de réduction des primes ne sauraient violer le sens et l’esprit de la législation fédérale, ni porter atteinte à son but. Se basant sur des valeurs statistiques, le Tribunal cantonal a conclu que le revenu net moyen des couples mariés avec enfants dans le canton de Lucerne était de l’ordre de 86’800 francs en 2015. La limite supérieure pour les revenus moyens était d’environ 130’300 francs, la limite inférieure de 60’800 francs. Etant donné que pour calculer le revenu ouvrant droit à la réduction des primes dans le canton de Lucerne, il fallait déduire du revenu net un montant forfaitaire de 9’000 francs, les parents ayant un enfant avaient droit à une réduction des primes pour autant que leur revenu ne dépassât pas 63’000 francs. La limite de revenu ouvrant droit à une réduction des primes dans le canton de Lucerne pour 2017 tenait ainsi seulement compte des revenus se situant dans la fourchette inférieure du revenu moyen. Dans la réglementation fédérale cependant, le terme « moyens revenus » ne se réfère pas seulement à cette fourchette inférieure. Lors des débats des Chambres fédérales, il a été souligné que la décharge par une réduction des primes visait nouvellement les familles à revenus moyens, respectivement quelques familles de la classe moyenne. Même en respectant l’autonomie des cantons, une limite fixée à 54’000 francs est contraire au sens et à l’esprit du droit fédéral, dès lors que seule une toute petite frange des ménages à revenus moyens bénéficie de la réduction de primes des enfants et des jeunes adultes. La limite de revenu fixée contourne le but visé et doit dès lors être annulée, car elle est contraire au droit fédéral.

 

 

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