CSSS-E : Quatorze semaines de congé pour la prise en charge d’un enfant gravement atteint dans sa santé

CSSS-E : Quatorze semaines de congé pour la prise en charge d’un enfant gravement atteint dans sa santé

 

Communiqué de presse du Parlement du 29.10.2019 consultable ici

 

La Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil des Etats (CSSS-E) a examiné la loi fédérale sur l’amélioration de la conciliation entre activité professionnelle et prise en charge de proches (19.027) et l’a adoptée à l’unanimité au vote sur l’ensemble. La nécessité de légiférer sur cette importante question de politique sociétale n’étant pas contestée, elle avait auparavant déjà décidé, à l’unanimité également, d’entrer en matière sur le projet.

Au cours de la discussion par article, la commission a largement suivi l’avis du Conseil fédéral et du Conseil national. Ainsi, sur la question du congé de courte durée pour la prise en charge de proches, elle soutient la proposition du gouvernement de limiter ce congé à trois jours par cas et à dix jours par an. Elle s’est également ralliée à la proposition du Conseil fédéral d’introduire un congé de prise en charge de 14 semaines au plus destiné aux parents d’enfants gravement atteints dans leur santé.

Le gouvernement a estimé à 75 millions de francs par an les coûts liés à l’indemnisation de ce congé via les allocations pour perte de gain (APG).

La commission propose également, à l’unanimité, d’adapter les montants maximaux pris en compte au titre de loyer, inscrits dans la législation sur les prestations complémentaires depuis mars 2019, et d’y introduire un loyer maximal garanti pour les bénéficiaires de prestations complémentaires vivant en communauté d’habitation. Elle veut ainsi garantir que les personnes atteintes dans leur santé, qui vivent chez leurs parents ou dans une communauté d’habitation, ne soient pas obligées, pour des raisons financières, de changer d’hébergement ou d’entrer dans un home.

 

 

Communiqué de presse du Parlement du 29.10.2019 consultable ici

Message du 22.05.2019 concernant la loi fédérale sur I’ amélioration de la conciliation entre activité professionnelle et prise en charge de proches, paru in FF 2019 3941

 

 

Prestation transitoire pour chômeurs âgés : message adopté

Prestation transitoire pour chômeurs âgés : message adopté

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 30.10.2019 consultable ici

 

Le 30 octobre 2019, le Conseil fédéral a adopté le message et le projet de nouvelle loi fédérale sur les prestations transitoires pour les chômeurs âgés. Il propose de combler ainsi une lacune dans le système de sécurité sociale. Les personnes qui arrivent en fin de droit dans l’assurance-chômage après 60 ans devraient toucher une prestation transitoire jusqu’à l’âge ordinaire de la retraite, à condition qu’elles aient exercé une activité lucrative suffisamment longtemps et qu’elles ne disposent que d’une fortune modeste. Cette proposition a été bien accueillie par une majorité de participants à la procédure de consultation.

Les personnes qui perdent leur emploi peu de temps avant l’âge de la retraite éprouvent plus de difficultés que les plus jeunes à reprendre pied sur le marché du travail. Si elles ne parviennent pas à retrouver un emploi et qu’elles arrivent en fin de droit dans l’assurance-chômage, elles doivent puiser dans leur fortune, anticiper le versement de leur rente AVS, et même souvent entamer leur avoir de vieillesse du 2e et du 3e pilier avant de finalement bénéficier de l’aide sociale. De plus en plus de personnes se sont retrouvées dans cette situation difficile ces dernières années : entre 2011 et 2017, le taux d’aide sociale a augmenté de 47% chez les personnes âgées de 60 à 64 ans, plus que dans toute autre tranche d’âge.

Afin d’améliorer l’employabilité des seniors et d’encourager le potentiel de main-d’œuvre indigène, le Conseil fédéral et les partenaires sociaux se sont mis d’accord sur un train de mesures : bilan de compétences gratuit, analyse de potentiel et services d’orientation professionnelle pour les personnes de plus de 40 ans ; reconnaissance des compétences professionnelles spécifiques dans la formation professionnelle initiale ; mesures de réinsertion supplémentaires telles que coaching, conseil et mentoring ; accès des chômeurs en fin de droit de 50 ans et plus aux mesures de formation ou d’emploi des offices régionaux de placement sans délai d’attente de deux ans. Si ces efforts de réinsertion professionnelle n’aboutissent pas, le versement de la nouvelle prestation transitoire devrait permettre une transition sûre vers la retraite.

 

Conditions d’octroi de la prestation transitoire

Un chômeur devra remplir les conditions suivantes pour bénéficier d’une prestation transitoire :

 

  • Être arrivé en fin de droit dans l’assurance-chômage après avoir atteint l’âge de 60 ans. Cette condition est remplie par les personnes qui perdent leur emploi à l’âge de 58 ans ou plus et qui justifient d’une période de cotisation à l’assurance-chômage de 22 mois au moins.
  • Avoir été assuré à l’AVS pendant au moins 20 ans et avoir réalisé, pendant chacune de ces années, un revenu d’une activité lucrative d’au moins 21’330 francs, ce qui correspond à 75% du montant maximal de la rente de vieillesse de l’AVS ou au seuil d’accès à la prévoyance professionnelle. Les bonifications pour tâches éducatives, les bonifications pour tâches d’assistance ou les revenus scindés entre les conjoints ne seront pas pris en compte dans ce montant.
  • Avoir réalisé ce revenu minimal de 21’330 francs pendant au moins dix ans au cours des quinze années qui précèdent immédiatement l’arrivée en fin de droit dans l’assurance-chômage. Les personnes qui ont souffert d’une maladie ou connu des interruptions de travail avant d’arriver en fin de droit auront ainsi également droit à la prestation transitoire.
  • Avoir une fortune inférieure à 100’000 francs pour une personne seule ou à 200’000 francs pour un couple. Ces montants correspondent aux seuils de la fortune décidés par le Parlement pour les prestations complémentaires. Le bien immobilier servant d’habitation à son propriétaire ne sera pas pris en compte dans la fortune. À l’inverse, le rachat de prestations de prévoyance professionnelle, le remboursement de versements anticipés pour accéder à la propriété d’un logement ou l’amortissement d’hypothèques effectués pendant les trois années précédant l’arrivée en fin de droit seront pris en considération. L’objectif est d’éviter qu’un assuré ne transfère délibérément des parts de fortune de manière à ce que sa fortune tombe sous le seuil fixé.
  • Ne pas percevoir de rente de l’assurance-invalidité et ne pas anticiper la perception de sa rente de vieillesse de l’AVS.

 

Calcul de la prestation transitoire

La prestation transitoire sera calculée de la même façon qu’une prestation complémentaire, c’est-à-dire que son montant correspondra à la part des dépenses reconnues qui excède les revenus déterminants. Deux différences sont néanmoins prévues :

  • Les montants forfaitaires destinés à la couverture des besoins vitaux seront majorés de 25%. Cela représente actuellement 24’310 francs (19’450 x 1,25) pour une personne seule ou 36’470 francs (29’175 x 1,25) pour un couple. Cette majoration doit permettre de couvrir les frais de maladie et d’invalidité, qui sont remboursés séparément dans le système des PC.
  • La prestation transitoire ne pourra pas dépasser trois fois le montant destiné à la couverture des besoins vitaux dans les PC. Cela représente actuellement 58’350 francs (19’450 x 3) pour une personne seule ou 87’525 francs (29’175 x 3) pour un couple. Par ce plafonnement, on souhaite inciter les bénéficiaires à continuer à chercher une activité lucrative.

 

Coût et financement

Ces dernières années, en moyenne quelque 2600 personnes de 60 ans ou plus sont arrivées chaque année en fin de droit dans l’assurance-chômage. Compte tenu des conditions d’octroi mentionnées, on estime qu’après une phase de mise en place, en moyenne quelque 4400 personnes auront droit, chaque année, à une prestation transitoire. Le coût des prestations transitoires s’élèvera à 30 millions de francs en 2021, puis augmentera les années suivantes pour atteindre 230 millions par an à partir de 2030. À l’inverse, le système des PC devrait réaliser des économies de l’ordre de 20 millions de francs par an au début, puis de plus de 30 millions de francs par an. Les prestations transitoires seront financées par la Confédération. Les économies réalisées dans le système des PC profiteront à la Confédération à hauteur de cinq huitièmes et aux cantons à hauteur de trois huitièmes. Les cantons et les communes bénéficieront également d’économies dans le domaine de l’aide sociale.

 

Quasiment pas d’impact négatif sur la participation au marché du travail et l’emploi

L’Office fédéral des assurances sociales (OFAS) a fait réaliser une étude sur les conséquences économiques et sociales de la prestation transitoire ainsi que sur la façon dont elle pourrait modifier les incitations. Selon les auteurs de cette étude, il n’y a aucune raison de craindre que les chômeurs âgés fassent moins d’efforts pour se réinsérer sur le marché du travail ou que les employeurs licencient plus facilement leurs travailleurs âgés en raison de cette prestation. [Rudin, M.; Stutz, H.; Guggisberg, J. (2019); Anreize sowie wirtschaftliche und gesellschaftliche Auswirkungen von Überbrückungsleistungen für ältere Arbeitslose (gemäss Vorentwurf für ein Bundesgesetz). Aspects de la sécurité sociale, Rapport de recherche N° 6/19; Office fédéral des assurances sociales, Berne]

 

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 30.10.2019 consultable ici

Loi fédérale sur les prestations transitoires pour les chômeurs âgés – Résumé des résultats de la consultation (Rapport de consultation) disponible ici

Message du Conseil fédéral concernant la loi fédérale sur les prestations transitoires pour les chômeurs âgés, paru in FF 2019 7797

Loi fédérale sur les prestations transitoires pour les chômeurs âgés (LPtra) – Projet – paru in FF 2019 7861

 

 

8C_193/2019 (f) du 01.10.2019 – Réduction des prestations en espèces – Participation à une rixe ou à une bagarre niée – 49 al. 2 OLAA / Cas de légitime défense – Protection de la possession – Droit de défense – 926 CC

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_193/2019 (f) du 01.10.2019

 

Consultable ici

 

Réduction des prestations en espèces – Participation à une rixe ou à une bagarre niée / 49 al. 2 OLAA

Absence de lien de causalité entre le comportement de la personne assurée et le dommage survenu / Comportement de l’assuré ne constitue pas la cause principale de l’atteinte à la santé qu’il a subie

Cas de légitime défense / Protection de la possession – Droit de défense – 926 CC

 

Assuré, né en 1963, s’occupait, entre autres activités professionnelles, de la conciergerie d’un immeuble. Le 10.11.2013, l’assuré a reçu plusieurs coups de couteau au niveau de la gorge de la part d’un individu qui venait de subtiliser sa veste à l’intérieur de son véhicule garé non loin de l’immeuble susmentionné. L’agression a provoqué de graves lésions à l’assuré nécessitant une hospitalisation jusqu’au 16.07.2015, date de son transfert dans un foyer destiné aux personnes en situation de handicap.

Une enquête pénale a permis d’identifier F.__, un ressortissant étranger sans domicile fixe, comme étant l’auteur de l’agression.

Entendu par la police la nuit du 10.11.2013, S.__ (ami de l’assuré) a déclaré que l’individu (F.__) s’était emparé d’une veste en quittant le véhicule de l’assuré, après l’avoir fouillée, qu’il avait ensuite enfilée sous sa propre jaquette. S.__ avait alors contacté par téléphone l’assuré qui l’avait rejoint très remonté. Après s’être vu désigner l’individu en cause, l’assuré s’était dirigé vers celui-ci et lui avait demandé en français ce qu’il avait dérobé. Lorsque F.__ lui a fait comprendre qu’il ne parlait que l’anglais, l’assuré avait explosé, l’avait insulté en portugais et lui avait demandé dans un mélange des deux langues de lui rendre sa veste en le touchant au niveau du ventre. F.__ avait alors déboutonné sa jaquette. Voyant que celui-ci portait bien sa veste, l’assuré lui avait demandé de la lui rendre sur un ton agressif. F.__ avait obtempéré et enlevé sa propre jaquette. Tandis qu’il ne lui restait plus qu’à retirer la manche de la veste volée, l’assuré s’était impatienté et l’avait arrachée. F.__ avait alors violemment réagi en frappant l’assuré des deux mains et en faisant des mouvements du haut vers le bas. Plaçant sa main gauche entre les deux protagonistes pour tenter de s’interposer, S.__ avait reçu un coup provoquant une plaie à la main. Pensant immédiatement à un couteau, il avait crié à l’assuré de faire attention en lui signalant la présence de l’arme. Il était ensuite parti chercher de l’aide vers le poste de police. Arrivé à l’angle de la rue, il s’était retourné et avait vu l’assuré sur le trottoir une longue barre de fer à la main. Entendu une seconde fois par la police le 12.11.2013, S.__ a précisé que la bagarre n’avait commencé qu’après que l’assuré eut arraché la veste et qu’avant ce geste, F.__ était calme, comme s’il n’avait rien fait de mal ni rien volé. Ce n’était que lorsque l’assuré avait tiré sur la veste, alors qu’il ne restait au voleur qu’à retirer une manche, que ce dernier était devenu comme fou. Il était devenu très agressif et faisait des gestes d’attaque et non de défense. S.__ a également ajouté qu’au début de l’agression, l’assuré avait saisi un vélo et l’avait lancé sur l’agresseur, en indiquant toutefois que ce dernier avait déjà commencé à gesticuler et qu’il l’avait déjà blessé à la main droite lorsque l’assuré avait saisi le vélo. Enfin, il a expliqué que l’assuré et lui n’avaient pas coincé F.__ ni ne l’avaient acculé, de sorte que celui-ci aurait pu s’enfuir à tout moment.

Entendu la nuit du 10.11.2013, H.__, un habitant de la rue où l’agression s’est produite, a déclaré que vers 21h15, il avait entendu du bruit dans la rue en bas de chez lui, de sorte qu’il avait regardé par la fenêtre et aperçu deux hommes qui criaient. La victime avait déjà reçu le coup de couteau à ce moment-là et hurlait contre l’agresseur. Elle tenait d’une main sa gorge et de l’autre une barre de fer, à savoir un poteau de signalisation ensanglanté (reconnu sur photographie). Quant à l’agresseur, il tenait un panneau de chantier de ses deux mains qu’il a lancé à la hauteur du thorax de l’assuré. Ce dernier avait ensuite couru derrière l’agresseur avant de retourner à son point de départ où il avait pris sa veste et s’était finalement effondré sur le sol. L’agresseur était revenu prendre ses sacs de commission avant de prendre la fuite.

Par décision du 07.03.2014, l’assurance-accidents a réduit de moitié le montant de l’indemnité journalière, avec effet au 13.11.2013, au motif que le risque de bagarre était reconnaissable par l’assuré. Par décision du 30.09.2015, elle lui a reconnu le droit à une allocation pour impotent, dont le montant était réduit de 50% au même motif. Enfin, par décision du 25.11.2016, l’assurance-accidents a mis l’assuré au bénéfice d’une rente d’invalidité et d’une rente complémentaire à compter du 01.11.2016 ainsi que d’une indemnité pour atteinte à l’intégrité, dont les montants ont également été réduits de moitié. Par l’intermédiaire de son curateur, l’assuré s’est opposé successivement à ces trois décisions.

Le 29.05.2017, l’assurance-accidents a rendu une décision par laquelle elle a rejeté les oppositions et a confirmé ses trois précédentes décisions.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 95/14 – 85/2015 – consultable ici)

Par jugement du 08.05.2018, le tribunal correctionnel a déclaré F.__ coupable de tentative de meurtre, l’a condamné à une peine privative de liberté de sept ans et a ordonné qu’il soit soumis à un traitement institutionnel. Cette dernière mesure se justifiait par les résultats d’une expertise psychiatrique, dont il était ressorti qu’au moment des faits F.__ souffrait d’un trouble schizotypique assimilable à un grave trouble mental.

Sur la base du dossier de la procédure pénale, la cour cantonale a retenu en résumé que l’assuré pouvait et devait se rendre compte qu’il existait un risque non négligeable que la discussion dégénère en des violences physiques. En effet, rattraper un voleur et lui enjoindre, de manière agressive et en le bousculant, de rendre l’objet volé constituait un comportement susceptible d’entraîner à tout le moins des voies de fait. En se confrontant à l’inconnu qui venait de lui voler sa veste et en l’insultant, l’assuré s’était bel et bien placé dans une zone de danger exclue par l’assurance. Son comportement ultérieurement au premier coup porté tendait en outre à démontrer qu’il avait choisi de faire front dans la mesure où il avait pris un vélo, l’avait lancé sur l’individu et avait poursuivi ce dernier avec une barre de fer.

Les juges cantonaux ont considéré que le fait d’interpeller un voleur, l’insulter et le bousculer impliquait, selon le cours ordinaire des choses et l’expérience de la vie, le risque d’être frappé. En outre, dans un contexte de rixe, l’usage d’une arme dangereuse par un participant, comme un couteau, était une éventualité qui ne pouvait pas être exclue. S’agissant d’une dispute avec un inconnu, l’assuré n’avait enfin aucun motif de penser que celui-ci n’allait pas en venir aux mains.

Par jugement du 18.02.2019, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Participation à une rixe ou à une bagarre

L’art. 49 al. 2 OLAA dispose que les prestations en espèces sont réduites au moins de moitié en cas d’accident non professionnel survenu notamment en cas de participation à une rixe ou à une bagarre, à moins que l’assuré ait été blessé par les protagonistes alors qu’il ne prenait aucune part à la rixe ou à la bagarre ou qu’il venait en aide à une personne sans défense (let. a). La notion de participation à une rixe ou à une bagarre est plus large que celle de l’art. 133 CP. Selon la jurisprudence, pour admettre l’existence d’une telle participation, il suffit que l’assuré entre dans la zone de danger, notamment en participant à une dispute. Peu importe qu’il ait effectivement pris part activement aux faits ou qu’il ait ou non commis une faute: il faut au moins qu’il se soit rendu compte ou ait pu se rendre compte du danger. En revanche, il n’y a pas matière à réduction en cas de légitime défense ou plus généralement lorsque l’assuré se fait agresser physiquement, sans qu’il y ait eu au préalable une dispute, et qu’il frappe à son tour l’agresseur dans un mouvement réflexe de défense (arrêt 8C_702/2017 du 17 septembre 2018 consid. 3.1 et les arrêts cités, in SVR 2019 UV n° 16 p. 58).

Par ailleurs, il doit exister un lien de causalité entre le comportement de la personne assurée et le dommage survenu. Si l’attitude de l’assuré – qui doit être qualifiée de participation à une rixe ou à une bagarre – n’apparaît pas comme une cause essentielle de l’accident ou si la provocation n’est pas de nature, selon le cours ordinaire des choses et l’expérience de la vie, à entraîner la réaction de violence, l’assureur-accidents n’est pas autorisé à réduire ses prestations d’assurance. Il convient de déterminer rétrospectivement, en partant du résultat qui s’est produit, si et dans quelle mesure l’attitude de l’assuré apparaît comme une cause essentielle de l’accident (ATF 134 V 315 consid. 4.5.1.2 p. 320). Il y a une interruption du rapport de causalité adéquate si une autre cause, qu’il s’agisse d’une force naturelle ou du comportement d’une autre personne, constitue une circonstance tout à fait exceptionnelle ou apparaît si extraordinaire que l’on ne pouvait pas s’y attendre; l’imprévisibilité d’un acte concurrent ne suffit pas en soi à interrompre le rapport de causalité adéquate; il faut encore que cet acte ait une importance telle qu’il s’impose comme la cause la plus probable et la plus immédiate de l’événement considéré, reléguant à l’arrière-plan tous les autres facteurs qui ont contribué à l’amener et notamment le comportement en discussion (ATF 134 V 340 consid. 6.2 p. 349; 133 V 14 consid. 10.2 p. 23 s.). Par exemple, le Tribunal fédéral a jugé que lorsqu’un membre d’une famille (en l’espèce, la fille) entre dans la chambre d’un autre (en l’occurrence, le père) en insistant pour avoir une discussion orageuse, on ne pouvait s’attendre, selon le cours ordinaire des choses et l’expérience générale de la vie, à ce que l’autre réagisse en tirant sur lui avec un revolver. Dans un tel cas, le lien de causalité adéquate entre le comportement reproché à la victime et le résultat survenu a été nié (arrêt 8C_363/2010 du 29 mars 2011 et, concernant la même affaire, au plan civil, arrêt 4A_66/2010 du 27 mai 2010).

 

A l’instar des juges cantonaux, il convient de se fonder sur le dossier de la procédure pénale pour apprécier les circonstances de l’événement du 10.11.2013. Cela dit, en raison de son état de santé, en particulier de son aphasie, l’assuré n’a jamais pu être entendu sur le déroulement de l’altercation. Quant à F.__, il a d’abord contesté les actes reprochés avant d’admettre son implication mais sans jamais livrer une version personnelle, claire et complète des faits. Ses déclarations confuses et parfois contradictoires ne sont pas susceptibles de fournir des indications utiles dans le contexte de la présente procédure. Il n’en va pas de même des déclarations de S.__, ami de l’assuré, lequel a assisté à la majeure partie de l’altercation, et de H.__, un habitant de la rue où celle-ci s’est produite. On se fondera en particulier sur leurs auditions par la police, dans la mesure où elles sont intervenues peu de temps après la survenance de l’événement.

De ces témoignages, ce n’est qu’après avoir été blessé à l’arme blanche, à plusieurs reprises, que l’assuré a saisi divers objets (un vélo puis un poteau de signalisation) pour tenter de s’en prendre à F.__. Une telle réaction relève sans conteste de la légitime défense, pour laquelle il n’y a pas matière à réduction. On ne saurait donc reprocher à l’assuré d’avoir choisi de faire front. Pour ce qui est des circonstances qui ont précédé les coups de couteau, le fait d’avoir arraché la veste à F.__ ne peut être qualifié d’acte de participation à une bagarre. En effet, même si la participation à une bagarre ou à une rixe au sens de l’art. 49 al. 2 let. a OLAA est une notion autonome, elle ne doit pas empêcher les assurés d’exercer les prérogatives légales qui pourraient leur être reconnues sur la base du droit pénal – comme la légitime défense – ou du droit civil. A cet égard, l’art. 926 al. 1 et 2 CC autorise le possesseur à repousser par la force tout acte d’usurpation ou de troubles; il peut, lorsqu’une chose mobilière lui a été enlevée clandestinement, la reprendre aussitôt en l’arrachant au spoliateur surpris en flagrant délit ou arrêté dans sa fuite. En l’espèce, considérer que l’assuré est entré dans la zone de danger exclue de l’assurance-accidents du fait qu’il a tenté de récupérer son bien en tirant sur la manche de la veste revient à le priver d’exercer son droit de reprise, ce qui n’est pas admissible.

Quant à savoir si l’on peut lui reprocher d’avoir adopté un ton agressif et de s’être montré insultant en réaction au vol dont il a été victime, il s’agit d’un point qui peut rester indécis pour les raisons qui suivent.

En l’occurrence, F.__ n’a pas agressé l’assuré à l’arme blanche en réaction à l’attitude ou aux propos de celui-ci, dont on ignore la teneur et que le prénommé n’a du reste pas compris, ne parlant ni français ni portugais. En effet, alors que l’assuré, qui réclamait sa veste, se montrait très énervé, F.__ a gardé tout son calme et a obtempéré à l’injonction qui lui était faite, alors qu’il aurait pu fuir à tout moment. Comme l’a clairement indiqué S.__, c’est lorsque, dans un geste d’impatience, l’assuré a tiré sur la manche de la veste volée que F.__ est devenu comme fou et s’est mis à gesticuler en frappant l’assuré – à l’aide de son couteau – par des mouvements du haut vers le bas. Le geste de l’assuré n’était toutefois pas de nature, selon le cours ordinaire des choses et l’expérience de la vie, à entraîner une telle réaction de violence, même dans le contexte global de l’altercation.

Dans le même sens, les experts psychiatres mandatés dans la procédure pénale ont expliqué que « ce n’était pas en raison des échanges verbaux entre les trois protagonistes mais bien lorsque la première victime s’est rapprochée de l’expertisé et a touché la veste volée, que l’expertisé l’a agressé violemment au cou avec son couteau. L’intrusion de cet homme au plus près de F.__, perçue par ce dernier comme une menace imminente justifiant l’usage d’une arme blanche pour se défendre, reflétait un état psychique perturbé par un sentiment d’insécurité, voire une probable persécution d’ordre psychotique : c’est-à-dire un rapport à la réalité altéré. Enfin, le départ « comme si de rien n’était » de l’expertisé après avoir égorgé un homme et agressé un second marquait bien cette altération du rapport à la réalité ». Sur la base de ces considérations, la réaction de F.__ s’apprécie essentiellement comme une manifestation du trouble mental diagnostiqué par les experts. Aussi faut-il admettre qu’elle relègue à l’arrière-plan le rôle causal joué par l’assuré dans le contexte de l’altercation. Autrement dit, le comportement de l’assuré ne constitue pas la cause principale de l’atteinte à la santé qu’il a subie. Partant, il n’y a pas lieu à réduction des prestations.

 

Le TF admet le recours de l’assuré, annule le jugement du tribunal cantonal et modifie la décision sur opposition dans le sens que l’assuré a droit à des prestations non réduites.

 

 

Arrêt 8C_193/2019 consultable ici

 

 

Prévoyance professionnelle : adaptation des rentes de survivants et d’invalidité à l’évolution des prix au 01.01.2020

Prévoyance professionnelle : adaptation des rentes de survivants et d’invalidité à l’évolution des prix au 01.01.2020

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 22.10.219 consultable ici

 

Au 01.01.2020, certaines rentes de survivants et d’invalidité de la prévoyance professionnelle obligatoire seront adaptées pour la première fois à l’évolution des prix. Le taux d’adaptation est de 1,8% pour celles ayant pris naissance en 2016. Il est de 0,1% pour celles nées en 2010, 2013 et 2014.

Les rentes de survivants et d’invalidité du régime obligatoire de la prévoyance professionnelle doivent, conformément à l’art. 36, al. 1 de la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (LPP), être adaptées périodiquement jusqu’à l’âge ordinaire de la retraite en cas d’augmentation de l’indice des prix à la consommation. Ces rentes de la LPP doivent être adaptées pour la première fois après trois ans, puis en même temps que les rentes de l’AVS, soit, en règle générale, tous les deux ans.

Le taux d’adaptation de 1,8% est calculé sur la base des indices des prix à la consommation de septembre 2016 (97,52 selon base décembre 2010 = 100) et de septembre 2019 (99,27 selon base décembre 2010 = 100).

En 2020, il y a également lieu d’examiner si certaines rentes de survivants et d’invalidité qui n’ont encore jamais été adaptées (celles nées en 2008 et de 2010 à 2014) doivent être adaptées car l’indice des prix de septembre 2019 est plus élevé que ceux des années de naissance de la rente. C’est le cas pour les rentes de survivants et d’invalidité nées en 2010, 2013 et 2014 qui doivent être adaptées pour la première fois à l’évolution des prix. Le taux d’adaptation est de 0,1%.

Comme il n’y a pas d’adaptation des rentes de l’AVS en 2020, il n’y a pas d’adaptation subséquente des rentes de survivants et d’invalidité. Ces divers cas seront examinés lors de la prochaine adaptation des rentes de l’AVS, soit au plus tôt au 01.01.2021.

Les rentes pour lesquelles la LPP ne prévoit pas une compensation périodique du renchérissement sont adaptées par les institutions de prévoyance dans les limites de leurs possibilités financières. L’organe suprême de l’institution de prévoyance décide chaque année si et dans quelle mesure les rentes doivent être adaptées (cf. art. 36 al. 2 LPP). Les décisions sont commentées dans les comptes annuels ou dans le rapport annuel de l’institution de prévoyance.

 

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 22.10.219 consultable ici

 

 

La baisse du prix des médicaments entraîne des économies de 100 millions de francs en 2019

La baisse du prix des médicaments entraîne des économies de 100 millions de francs en 2019

 

Communiqué de presse de l’OFSP du 25.10.2019 consultable ici

 

Dans le cadre du réexamen triennal 2019, l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) a baissé de 16,3% en moyenne le prix de 257 préparations originales. Des économies de 100 millions de francs sont escomptées à partir du 1er décembre 2019. Pour la période de réexamen de 2017 à 2019, les économies réalisées s’élèvent à près de 450 millions de francs.

Depuis 2017, l’OFSP analyse chaque année pour un tiers des médicaments de la liste des spécialités (LS) s’ils satisfont aux critères d’efficacité, d’adéquation et d’économicité. En 2019, l’OFSP a contrôlé le dernier tiers ; il s’agit notamment de médicaments utilisés en infectiologie, en ophtalmologie et pour les affections cardio-vasculaires. À la suite de cet examen, l’OFSP a ordonné des diminutions de prix pour 257 préparations originales sur les 478 examinées (54%). Aucune baisse n’est nécessaire pour les préparations restantes, car elles restent économiques en comparaison avec les prix pratiqués dans les pays de référence et d’autres médicaments. Les réductions prévues pour 10 préparations originales demeurent en suspens, étant donné que des recours sont annoncés.

Parallèlement, les génériques et les médicaments en co-marketing correspondants ont également été réexaminés. Dans 178 cas sur 313 (57%), les prix seront également réduits. Aucun biosimilaire n’a été évalué cette année.

L’examen de cette année est terminé pour près de 90% des médicaments et les baisses de prix seront mises en œuvre au 01.12.2019 comme communiqué. Quant aux médicaments restants, leur réexamen pourra, pour la majorité, être clôturé au 01.02.2020.

L’année prochaine, le cycle de réexamen triennal recommencera. Comme pour l’année 2017, les contrôles porteront notamment sur les prix des médicaments utilisés en gastroentérologie et en oncologie.

 

Répartition en groupes thérapeutiques

Tous les trois ans, l’OFSP réexamine les conditions d’admission et notamment les prix des médicaments figurant sur la LS, qui sont remboursés par l’assurance obligatoire des soins. L’OFSP a répartis ces médicaments en trois blocs de taille équivalente. Un bloc contient différents groupes thérapeutiques et près de 1’000 médicaments au total. Pour des raisons d’égalité de traitement, l’analyse s’effectue simultanément sur tous les médicaments d’un groupe thérapeutique.

 

 

Communiqué de presse de l’OFSP du 25.10.2019 consultable ici

Rapport « Fin du premier cycle de réexamen » disponible ici

 

 

9C_383/2019 (f) du 25.09.2019 – Péremption des cotisations AVS – Rappel de la notion de péremption – 16 al. 1 LAVS / Protection de la bonne foi – Célérité de la procédure

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_383/2019 (f) du 25.09.2019

 

Consultable ici

 

Péremption des cotisations AVS – Rappel de la notion de péremption de l’art. 16 al. 1 LAVS

Protection de la bonne foi – Célérité de la procédure

 

Assuré, né en 1984, a été inscrit comme étudiant régulier à l’université d’octobre 2005 à juillet 2012.

Le 28.12.2017, l’assuré a informé la caisse de compensation qu’il n’avait pas réalisé de revenu durant l’année 2017 et lui a demandé, notamment, de lui confirmer qu’il n’existait pas de lacune de cotisations pour les années durant lesquelles il avait été soumis à l’obligation de cotiser. Un échange de correspondances s’en est suivi entre les parties, à l’issue duquel la caisse de compensation a fixé par décisions provisoires du 05.03.2018 les cotisations personnelles de l’assuré pour les années 2017 et 2018. Le 12.03.2018, la caisse de compensation a transmis à l’assuré un extrait de son compte individuel, dont il ressortait que l’intéressé avait cotisé en qualité de personne sans activité lucrative de 2005 à 2011, puis de 2014 à 2016, ainsi que sur la base d’indemnités de chômage et d’une activité salariée en 2013. Elle lui a précisé qu’il existait une lacune de cotisations pour l’année 2012, mais qu’elle n’était pas en mesure de procéder à son affiliation pour ladite année, au vu de la « prescription quinquennale ».

Par décision du 19.07.2018, confirmée sur opposition le 05.09.2018, la caisse de compensation a refusé d’affilier l’assuré pour l’année 2012 et de fixer les cotisations afférentes à cette année. En bref, elle a considéré que le délai de cinq ans prévu par l’art. 16 al. 1 LAVS est un délai intangible de péremption, à l’issue duquel la créance de cotisation pour l’année 2012 s’était éteinte le 31.12.2017.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 30.04.2019, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Cotisations AVS – Délai de péremption

Les personnes sans activité lucrative sont tenues de payer des cotisations à compter du 1er janvier de l’année qui suit la date à laquelle elles ont eu 20 ans (art. 3 al. 1, 2e phrase, LAVS) et que les cotisations dont le montant n’a pas été fixé par voie de décision dans un délai de cinq ans à compter de la fin de l’année civile pour laquelle elles sont dues ne peuvent plus être exigées ni versées (art. 16 al. 1, 1e phrase, LAVS).

Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral l’art. 16 al. 1 LAVS prévoit un délai de péremption, qui ne peut être ni suspendu ni interrompu. Ainsi, soit le délai est sauvegardé par une décision fixant le montant des cotisations dues notifiée dans un délai de cinq ans à compter de la fin de l’année civile concernée, soit il n’est pas sauvegardé, avec pour conséquence que les cotisations ne peuvent plus être ni exigées ni versées (ATF 121 V 5 consid. 4c p. 7; 117 V 208). Dans cette seconde hypothèse, il ne subsiste aucune obligation naturelle susceptible d’être exécutée volontairement ou par compensation (arrêt 9C_741/2009 du 12 mars 2010 consid. 1.2 et les références).

En ce qui concerne tout d’abord l’argumentation de l’assuré selon laquelle il aurait valablement interrompu le délai quinquennal de l’art. 16 al. 1 LAVS par sa correspondance du 28.12.2017, elle n’est pas pertinente compte tenu des caractéristiques du délai de péremption prévu par cette disposition. Il en va de même de la référence qu’il fait à la jurisprudence relative aux art. 24 et 29 LPGA s’agissant des effets d’une annonce par la personne assurée à l’assurance sociale puisque l’art. 16 al. 1 LAVS prévoit clairement la sauvegarde du délai au moyen de la décision fixant les cotisations; il n’y a pas de place pour une interruption du délai en cause par une annonce émanant de l’assuré. Par ailleurs, l’assuré ne met en évidence aucun élément parlant en faveur d’une modification de la jurisprudence; à l’inverse de ce qu’il prétend, lors de la modification de l’art. 16 LAVS entrée en vigueur au 01.01.2012, le législateur a maintenu un délai de péremption à l’al. 1 (Message relatif à la modification de la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants [LAVS] du 3 décembre 2010, FF 2011 519, ch. 2.1 p. 532).

 

Protection de la bonne foi – Célérité de la procédure

L’assuré fait valoir qu’au moment où la caisse de compensation a réceptionné le courrier qu’il lui avait adressé le 28.12.2017, elle « aurait, si elle l’avait voulu, parfaitement pu rendre une décision [fixant le montant des cotisations dues pour l’année 2012] avant l’échéance du délai de 5 ans ».

En l’espèce, la correspondance du 28.12.2017 est parvenue à la caisse de compensation le lendemain, soit le vendredi 29.12.2017. Or dans la mesure où, en 2017, le 31 décembre a coïncidé avec un dimanche, la sauvegarde du délai quinquennal de péremption (de l’art. 16 al. 1 LAVS) impliquait donc que la caisse de compensation rendît une décision le vendredi 29.12.2017 au plus tard, soit le jour où elle a réceptionné la correspondance de l’assuré. Sous l’angle du principe de la bonne foi, on ne voit pas qu’il existe une exigence de l’administration de rendre une décision le jour même où elle est sollicitée. Sous l’angle du principe de la célérité prévu par l’art. 29 al. 1 Cst., on exige de l’autorité qu’elle rende les décisions qu’il lui incombe de prendre dans le délai prescrit par la loi ou dans un délai que la nature de l’affaire ainsi que toutes les autres circonstances font apparaître comme raisonnable (ATF 131 V 407 consid. 1.1 p. 409; 130 I 312 consid. 5.1 p. 331; 129 V 411 consid. 1.2 p. 416 et les arrêts cités). Indépendamment de savoir ce qu’est un délai raisonnable dans le présent cas, il est évident qu’un délai d’un jour ouvrable ne l’est pas. Au demeurant, comme l’a constaté la juridiction cantonale, le courrier du 28.12.2017 de l’assuré ne comportait pas la demande qu’une décision fût rendue sur d’éventuelles lacunes de cotisations.

On ne saurait pas non plus voir une « insécurité juridique » ou une « inégalité de traitement » dans le fait que certaines caisses de compensation répondent plus vite que d’autres aux demandes des assurés. L’assuré n’invoque aucune disposition légale qui fixerait un délai uniforme qui imposerait aux caisses d’agir toutes dans le même délai.

Quant à l’argumentation de l’assuré selon laquelle la caisse de compensation l’aurait induit en erreur en utilisant le terme de « prescription » dans sa correspondance du 12.03.2018, elle se révèle également vaine sous l’angle d’une violation des règles de la bonne foi, dès lors déjà qu’au moment où la caisse de compensation a utilisé ce terme pour la première fois, le délai de péremption de l’art. 16 al. 1 LPGA était déjà échu.

 

Finalement, l’assuré se fonde sur l’« inactivité » de la caisse de compensation – elle ne lui a pas notifié de décision de cotisations pour l’année 2012 à l’époque des faits, alors qu’elle avait réclamé des cotisations pour les années précédentes – pour en déduire un droit à combler la lacune de cotisations de 2012. A cet égard, selon la jurisprudence, une lacune de cotisation ne peut plus être réparée, quand bien même elle serait imputable à une faute ou une erreur de l’administration, sous réserve du droit à la protection de la bonne foi (ATF 100 V 154 consid. 2a p. 155 et 3c p. 157; arrêt 9C_462/2015 du 5 août 2015 consid. 2 et les références). Or, même à supposer que la caisse de compensation aurait dû rendre une décision en 2012, on ne voit pas que les conditions auxquelles un assuré peut se prévaloir du principe de la protection de la bonne foi soient réalisées (cf., p. ex., ATF 137 II 182 consid. 3.6.2 p. 193). La seule affirmation d’une violation de ce principe ne suffit pas.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_383/2019 consultable ici

 

 

6B_556/2019 (f) du 17.07.2019 – Incapacité de conduire pour cause d’alcool – Rapport du contrôle non établi – 13 al. 3 OCCR – 26 al. 1 OOCCR-OFROU / Violation d’une prescription de forme – (in)exploitabilité du moyen de preuve – 141 al. 3 CPP

Arrêt du Tribunal fédéral 6B_556/2019 (f) du 17.07.2019

 

Consultable ici

 

Incapacité de conduire pour cause d’alcool – Rapport du contrôle non établi / 13 al. 3 OCCR – 26 al. 1 OOCCR-OFROU

Violation d’une prescription de forme – (in)exploitabilité du moyen de preuve / 141 al. 3 CPP

 

Le 16.12.2017, X.__ a été arrêté au volant de son véhicule à 05h30, dans le cadre d’un contrôle de routine. Les agents qui ont procédé à son interpellation lui ont demandé s’il avait consommé des boissons alcoolisées dans les vingt dernières minutes, ce à quoi il a répondu par la négative. Un premier test à l’éthylotest a été effectué sur place. Les agents ont relevé un taux de 0.53 mg/l. Face à ce résultat, X.__ se serait ravisé et aurait déclaré avoir bu dans les vingt dernières minutes. Les agents l’ont donc fait patienter sur place et l’ont soumis une seconde fois à un test au moyen de leur appareil portatif, lequel s’est à nouveau révélé positif. Conduit au centre de la Blécherette, X.__ a passé un test à l’éthylomètre qui a indiqué un taux de 0.53 mg/l. Le policier a alors indiqué qu’il devait lui poser des questions pour établir un rapport, ce à quoi X.__ s’est opposé. Il a également refusé de signer tout document qui lui serait présenté, notamment le formulaire « protocole d’incapacité de conduire et une saisie provisoire du permis de conduire », et renoncé à demander une prise de sang.

Par jugement du 29.112018, le Tribunal de police a constaté que X.__ s’était rendu coupable de conduite en état d’ébriété qualifiée, l’a condamné à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à 30 fr. le jour. Il a également condamné à une amende de 1000 fr. La Cour d’appel pénale du Tribunal cantonal a rejeté l’appel par jugement du 11.03.2019.

 

TF

L’art. 55 al. 1 LCR prescrit que les conducteurs de véhicules, de même que les autres usagers de la route impliqués dans un accident, peuvent être soumis à un alcootest. Aux termes de l’art. 10a al. 1 OCCR, le contrôle de l’alcool dans l’air expiré peut être effectué au moyen (a) d’un éthylotest au sens de l’art. 11 ou (b) d’un éthylomètre au sens de l’art. 11a OCCR. Conformément à l’art. 11a OCCR, le contrôle effectué au moyen d’un éthylomètre peut avoir lieu au plus tôt après un délai d’attente de dix minutes (al. 1). Si l’éthylomètre décèle la présence d’alcool dans la bouche, il faut attendre au moins cinq minutes supplémentaires pour effectuer le contrôle (al. 2).

L’art. 13 al. 1 OCCR, intitulé « Obligations de la police », prévoit que la police est notamment tenue d’informer la personne concernée (a) qu’une prise de sang sera ordonnée en cas de refus de coopérer à un test préliminaire ou au contrôle au moyen de l’éthylomètre (art. 55, al. 3, LCR), (b) que la reconnaissance du résultat du contrôle de l’alcool dans l’air expiré selon l’art. 11 entraînera l’introduction d’une procédure administrative et d’une procédure pénale (c) qu’elle peut exiger une prise de sang. Selon l’art. 13 al. 2 OCCR, si la personne concernée refuse de se soumettre à un examen préliminaire, à un contrôle au moyen de l’éthylomètre, à une prise de sang, à une récolte des urines ou à un examen médical, elle sera informée des conséquences de son refus (art. 16c, al. 1, let. d, en relation avec l’al. 2 et l’art. 91a, al. 1, LCR). L’art. 13 al. 3 OCCR précise que le déroulement du contrôle au moyen de l’éthylomètre, la récolte des urines, les constatations de la police, la reconnaissance du résultat dudit contrôle ainsi que le mandat de procéder à un prélèvement de sang et à la récolte des urines, ou la confirmation du mandat, doivent être consignés dans un rapport. L’OFROU fixe les exigences minimales relatives au contenu et à la forme de ce rapport.

Fondé sur cette délégation de compétence, l’OFROU a prévu, à l’art. 26 al. 1 de son Ordonnance du 22 mai 2008 concernant l’ordonnance sur le contrôle de la circulation routière (OOCCR-OFROU; RS 741.013.1), que le déroulement du contrôle au moyen de l’éthylotest, la récolte des urines, les constatations de l’autorité de contrôle, la reconnaissance du résultat dudit contrôle ainsi que le mandat de procéder à un prélèvement de sang et à la récolte des urines, ou la confirmation du mandat (art. 13, al. 3, OCCR) doivent être consignés dans le rapport visé à l’annexe 2. L’art. 26 al. 1 OOCCR-OFROU s’applique également au contrôle à l’éthylomètre (cf. art. 13 al. 3 OCCR; « Instructions concernant la constatation de l’incapacité de conduire dans la circulation routière » émises par l’OFROU le 2 août 2016, ch. 1.3.3).

Il ressort des dispositions légales précitées que lors d’un contrôle à l’éthylomètre au sens de l’art. 11a OCCR, la police doit établir un rapport conformément aux art. 13 al. 3 OCCR et 26 al. 1 OOCCR-OFROU. Contrairement à ce que retient la cour cantonale, l’annexe 2 OOCCR-OFROU se réfère expressément à l’al. 1 de l’art. 26 OOCCR-OFROU (« Rapport lorsqu’une personne est suspectée d’incapacité de conduire »), et non à l’al. 2 de cette même disposition qui traite de la problématique d’une consommation d’alcool après l’événement critique. Aussi, l’exigence d’un rapport selon les art. 13 al. 3 OCCR et 26 al. 1 OOCCR-OFROU s’appliquait-elle bien au cas d’espèce. Or, la police n’a pas établi ce rapport lors du contrôle de X.__. Il convient dès lors d’examiner quelles sont les conséquences de ce manquement.

 

Aux termes de l’art. 141 al. 2 CPP, les preuves qui ont été administrées d’une manière illicite ou en violation de règles de validité par les autorités pénales ne sont pas exploitables, à moins que leur exploitation soit indispensable pour élucider des infractions graves. L’art. 141 al. 3 CPP prévoit en revanche que les preuves administrées en violation de prescriptions d’ordre sont exploitables.

Lorsque la loi ne qualifie pas elle-même une disposition de règle de validité, la distinction entre une telle règle et une prescription d’ordre s’opère en prenant principalement pour critère l’objectif de protection auquel est censée ou non répondre la norme. Si la disposition de procédure en cause revêt une importance telle pour la sauvegarde des intérêts légitimes de la personne concernée qu’elle ne peut atteindre son but que moyennant l’invalidation de l’acte de procédure accompli en violation de cette disposition, on a affaire à une règle de validité (ATF 144 IV 302 consid. 3.4.3 p. 310; 139 IV 128 consid. 1.6 p. 134; Message relatif à l’unification du droit de la procédure pénale du 21 décembre 2005, FF 2006 1057, p. 1163).

Il s’agit de déterminer si, dans les circonstances concrètes, la sauvegarde des intérêts légitimes de X.__ impose que l’absence de rapport dressé conformément à l’art. 13 al. 3 OCCR entraîne l’inexploitabilité des preuves recueillies grâce au test à l’éthylomètre en vertu de l’art. 141 al. 2 CPP, ou s’il ne s’agit ici que de la violation d’une prescription de forme au sens de l’art. 141 al. 3 CPP, sans conséquence sur la validité du moyen de preuve. Dans cette optique, on commencera par examiner si les éléments que le rapport aurait dû contenir font entièrement défaut, ou s’ils ont néanmoins été constatés par les policiers et figurent au dossier.

La cour cantonale a constaté que les rubriques relatives à la consommation d’alcool et à la mesure à l’éthylomètre ont été complétées par divers écrits versés au dossier, notamment dans la mesure où le ministère public a invité les dénonciateurs à établir un rapport complémentaire répondant à une série de questions. Par conséquent, tous les éléments d’information exigés par l’annexe 2 OOCCR-OFROU figuraient au dossier. X.__ soutient, pour sa part, que des constatations rassemblées a posteriori ne sont pas conformes à l’art. 13 al. 3 OCCR. Subsidiairement, si l’établissement du rapport n’est pas une condition de validité du contrôle, il fait valoir que le résultat de la mesure a, dans ces conditions, été retenu de manière manifestement inexacte (art. 97 al. 1 LTF).

Il résulte du dossier que le ticket tiré de l’éthylomètre et indiquant un taux de 0.53 mg/l a été joint au rapport d’ivresse qualifiée de X.__ établi le jour du contrôle. En outre, la cour cantonale a constaté que la question de savoir si X.__ avait bu dans les vingt dernières minutes avant de souffler dans l’éthylotest (cf. art. 11 al. 1 let. a OCCR) avait été abordée par les policiers au moment du contrôle. X.__ s’est de surcroît exprimé sur sa consommation d’alcool devant le ministère public. Dès lors, dans les circonstances concrètes, X.__ ne démontre pas en quoi le fait que certains éléments d’information exigés par les art. 13 al. 2 OCCR et 26 OOCCR-OFROU ont été rassemblés au cours de la procédure aurait porté à ses intérêts légitimes. Par conséquent, il faut conclure ici à une violation d’une prescription de forme, qui n’entraîne pas l’inexploitabilité du moyen de preuve (art. 141 al. 3 CPP).

 

X.__ remet en cause le résultat du test à l’éthylomètre. Il soutient qu’il n’a pas été invité à souffler de manière adéquate dans l’appareil utilisé. En effet, selon un « texte de presse » de l’OFROU, produit lors de l’audience d’appel, le conducteur doit souffler au moins cinq secondes dans un tube relié à l’éthylomètre. Or il avait soufflé « d’un coup », ce qui avait pu fausser le résultat constaté.

Même à retenir qu’il avait soufflé « d’un coup » dans l’appareil, comme il le prétend, il ne démontre pas en quoi il était insoutenable de considérer que la mesure était probante compte tenu du fait qu’elle avait été effectuée par un professionnel après deux expirations distinctes dans l’appareil, que le rapport ne signalait aucune difficulté quant à un mode d’expiration non conforme aux instructions données, que la mesure obtenue était identique à celle réalisée auparavant avec l’éthylotest sur les lieux du contrôle routier et qu’en définitive, il ne ressortait d’aucun document officiel qu’un souffle inférieur à cinq secondes pouvait conduire à un « faux positif ».

Le TF rejette le recours de X.__.

 

 

Arrêt 6B_556/2019 consultable ici

 

 

8C_22/2019 (d) du 24.09.2019 [publié aux ATF 146 V 51] – arrêt traduit – Statu quo sine vel ante pour un accident ayant occasionné une lésion assimilée / Rappel historique et jurisprudentiel de la lésion assimilée à un accident – 9 al. 2 OLAA / Lésion assimilée selon le nouveau droit – Interprétation du nouvel art. 6 al. 2 LAA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_22/2019 (d) du 24.09.2019, publié aux ATF 146 V 51

 

NB : traduction personnelle, seul le texte de l’arrêt fait foi. L’arrêt du TF est fort complet, reprenant en détails la notion de la lésion assimilée selon l’ancien et le nouveau droit. Au vu de l’importance de l’arrêt dans la pratique quotidienne, nous le traduisons dans sa quasi-totalité.

 

Arrêt 8C_22/2019 consultable ici

ATF 146 V 51 consultable ici

 

Statu quo sine vel ante pour un accident ayant occasionné une lésion assimilée / 4 LPGA – 6 al. 1 LAA – 6 al. 2 LAA

Rappel historique et jurisprudentiel de la lésion assimilée à un accident / 9 al. 2 OLAA

Lésion assimilée selon le nouveau droit – Interprétation du nouvel art. 6 al. 2 LAA

 

Assuré, né en 1956, employé de montage depuis 1979, s’est cogné le genou intérieur droit sur une plate-forme de levage le 04.05.2017. L’IRM réalisée le 11.05.2017 a révélé une déchirure horizontale de la corne postérieure du ménisque interne, une chondropathie du 3e au 4e degré dans le compartiment médian et des lésions cartilagineuses au-dessus de la trochlée fémorale et du plateau tibial latéral. Le spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur traitant a ensuite une infiltration corticoïde intra-articulaire. Lors de la consultation du 06.06.2017, il a été provisoirement mis fin au traitement, en l’absence de plainte. L’assurance-accidents a octroyé les prestations légales (traitement médical).

En raison d’une nouvelle douleur au genou droit, le traitement médical a été repris le 09.01.2018. Le chirurgien orthopédique traitant a réalisé une arthroscopie du genou avec méniscectomie partielle de la corne postérieure interne et lissage du cartilage du condyle fémoral interne le 11.01.2018.

Par courrier du 14.02.2018, l’assurance-accidents a informé l’assuré qu’elle procéderait à des investigations complémentaires quant à son obligation de verser des prestations.

Sur la base du rapport rédigé par le médecin-conseil, l’assurance-accidents a mis un terme aux prestations au 31.12.2017, les conséquences de l’accident ayant guéri après six à douze semaines en cas d’ecchymose et les plaintes au-delà n’étant très probablement pas attribuables à l’événement du 04.05.2017.

Dans sa décision d’opposition confirmant la décision, l’assurance-accidents a déclaré qu’il était hautement probable que l’événement du 04.05.2017 n’avait pas entraîné de lésions structurelles, mais seulement une contusion au genou, c’est-à-dire un symptôme douloureux temporaire, et que le statu quo sine a été atteint au plus tard après douze semaines. Pour ce faire, elle s’est essentiellement appuyée sur l’appréciation du médecin-conseil, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur, selon laquelle l’événement du 04.05.2017 n’avait pas été approprié pour réaliser la pathologie qui avait justifié l’indication opératoire du 11.01.2018. Les modifications dégénératives du ménisque interne et du cartilage prouvées par l’IRM ne sont vraisemblablement pas susceptibles d’être accidentelles. Seul un impact direct de l’articulation du genou s’était produit ; il n’y a pas eu de distorsion. Il est en outre précisé que le chirurgien traitant avait initialement facturé les consultations depuis début 2018 à la caisse-maladie. Etant donné qu’un événement accidentel s’est produit au sens juridique du terme, l’obligation de verser des prestations au sens de l’art. 6 al. 2 let. c LAA ne devait pas être examinée. Selon l’assurance-accidents, si les conséquences d’un accident se sont éteintes, il n’y a pas de responsabilité subsidiaire au sens de l’art. 6 al. 2 LAA pour les mêmes dommages pour la santé. Les deux dispositions servent à protéger les personnes accidentées. Toutefois, il s’agit de dispositions complémentaires et non congruentes/concordantes.

 

Procédure cantonale

Après avoir examiné les dossiers médicaux, le tribunal cantonal est parvenu à la conclusion que les douleurs au genou étaient manifestement dues (plus de 50%) à l’usure ou à la maladie.

Par jugement du 12.11.2018, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Fin aux prestations avec effet ex nunc et pro futuro

L’assurance-accidents peut mettre fin aux prestations temporaires avec effet ex nunc et pro futuro sans invoquer un motif de révision ou de reconsidération, par exemple en faisant valoir qu’il n’y a pas d’événement assuré selon une appréciation correcte de la situation (ATF 130 V 380 consid. 2.3.1 p. 384) ou que le lien de causalité entre l’accident et l’atteinte à la santé donnant droit à ces prestations était éteint (arrêt 8C_155/2012 [erreur de citation dans l’arrêt] du 9 janvier 2013 consid. 6.1). Une telle suppression peut également être rétroactive si, comme c’est le cas en l’espèce, l’assureur-accidents ne souhaite pas demander le remboursement des prestations (arrêt 8C_487/2017 du 9 novembre 2017 en référence à l’ATF 133 V 57 consid. 6.8 p. 65).

 

Causalité naturelle d’une lésion du ménisque

Lorsqu’un état maladif préexistant est aggravé ou, de manière générale, apparaît consécutivement à un accident, le devoir de l’assurance-accidents d’allouer des prestations cesse si l’accident ne constitue pas la cause naturelle (et adéquate) du dommage, soit lorsque ce dernier résulte exclusivement des causes étrangères à l’accident. Tel est le cas lorsque l’état maladif antérieur est revenu au stade où il se trouvait avant l’accident (statu quo ante) ou à celui qui existerait même sans l’accident par suite d’un développement ordinaire (statu quo sine) (SVR 2011 UV N° UVR. 4 p. 12, 8C_901/2009 consid. 3.2 ; arrêt 8C_269/2016 du 10 août 2016 consid. 2.4 ; RAMA 1994 n° U 206 p. 328, U 180/93 consid. 3b et les références). L’extinction du lien de causalité doit être établie au degré de la vraisemblance prépondérante requis dans le domaine de la sécurité sociale. Puisqu’il s’agit d’une question de fait à l’encontre d’un dommage, la charge de la preuve – à la différence de la question de savoir si un lien de causalité naturel est établi – ne repose pas sur la personne assurée, mais sur l’assureur accident (RAMA 2000 n° U 363 p. 46 consid. 2 [U 355/98] et les références).

Le tribunal cantonal a considéré que le médecin-conseil avait conclu que l’accident du 04.05.2017 n’avait pas été de nature à provoquer une déchirure du ménisque. L’IRM du 11.05.2017 a objectivé des altérations dégénératives, c’est-à-dire une dégénérescence mucoïde notable du ménisque interne. Par ailleurs, une lésion traumatique du ménisque interne est rare. En outre, la rupture du ménisque a été décrite comme étant horizontale, ce qui suggère également une cause dégénérative. La cour cantonale a ainsi nié l’existence d’un lien de causalité naturel entre l’événement du 04.05.2017 et les douleurs au genou dont se plaignait l’assuré au-delà du 31.12.2017, c’est-à-dire également en ce qui concerne la rupture du ménisque diagnostiquée. Selon le Tribunal fédéral, il n’y a pas lieu de s’y opposer. L’événement n’a eu qu’un impact direct sur l’articulation du genou. En revanche, il n’y a pas eu de distorsion ; ceci est confirmé par le rapport médical du premier médecin-traitant qui décrit l’accident comme une contusion du genou droit. Dans ses rapports, le chirurgien traitant a énuméré un état après contusion du genou droite parmi les diagnostics. Il a également facturé le cas par le biais de la caisse-maladie. Il a également coché « maladie » dans la prescription de physiothérapie. Apparemment, la causalité d’un accident n’a été discutée que lorsque l’employeur de l’assuré est intervenu auprès du chirurgien traitant et a demandé que les certificats du médecin soient changés en « accident ».

En outre, on peut supposer une importante altération dégénérative antérieure. Une semaine après l’accident l’IRM a objectivé une dégénérescence mucoïde distincte du « pars intermedia » du ménisque interne ainsi qu’une chondropathie de grade 3-4. Le cartilage du compartiment médial a été décrit comme partiellement absent et notablement aminci. Le 22.05.2017, le chirurgien traitant a diagnostiqué une lésion du ménisque interne et une lésion du cartilage du 3ème au 4ème degré. L’arthroscopie réalisée le 11.01.2018 a également révélé des modifications dégénératives importantes du compartiment médian. Dans ce contexte, il est compréhensible que le médecin-conseil ait supposé une aggravation simplement temporaire d’une altération dégénérative antérieure.

En conclusion, l’accident du 04.05.2017 a entraîné une ecchymose au genou avec aggravation temporaire d’un état dégénératif antérieur, l’état antérieur étant rétabli au plus tard après douze semaines.

 

Statu quo sine vel ante pour un accident ayant occasionné une lésion assimilée

Notion de lésion assimilée selon l’ancien droit (consid. 7)

Sous l’ancienne LAMA, la Suva a inventé l’expression « lésion à caractère accidentel » et, sous ce titre, a fourni volontairement des prestations pour certains dommages physiques à la santé (sur ce point et les suivants : ALFRED BÜHLER, Die unfallähnliche Körperschädigung, in: SZS 1996 Nr. 2 p. 83 s.; cf. aussi ALFRED MAURER, Recht und Praxis der schweizerischen obligatorischen Unfallversicherung, 2. Aufl. 1963, p. 99 s.; le même, Schweizerisches Unfallversicherungsrecht, 1985, p. 201). Il s’agissait de dommages à la santé qui, bien que soudains et donc considérés comme accidentels, ne remplissaient pas toutes les caractéristiques du terme accident en raison de l’absence d’un facteur extraordinaire. En détail, il s’agissait de déchirures musculaires, de lésions du ménisque, de déchirures des tendons et de fractures osseuses survenues soudainement, mais dans le cadre d’un effort normal ou d’une activité sportive qui n’a été perturbée par aucune mouvement non programmé (Programmwidrigkeit). Dans la pratique administrative de la Suva, un groupe aussi étroitement limité de blessures subites, qui ne pouvaient pas être qualifiées juridiquement d’accidents mais qui ne pouvaient pas non plus être facilement qualifiées de maladies du point de vue médical, étaient traitées de la même manière que les accidents et indemnisées (volontairement) comme telles. La condition préalable, cependant, était que toute influence causale, même partielle, d’un état pathologique antérieur puisse être exclue.

La pratique administrative de la Suva devait être légalisée par la réorganisation de l’assurance accident sociale et transposée dans la nouvelle loi. Afin de permettre une adaptation flexible aux besoins pratiques, l’art. 6 al. 2 LAA confère au Conseil fédéral le pouvoir d’inclure dans l’assurance des lésions corporelles qui sont semblables aux conséquences d’un accident. Cette délégation de pouvoir a été utilisée par le Conseil fédéral à l’art. 9 al. 2 OLAA. Cette disposition contient, d’une part, une définition juridique des lésions corporelles assimilées à un accident et, d’autre part, une liste (exhaustive) des lésions corporelles assimilées à un accident.

En conséquence, le Tribunal fédéral des assurances a supposé qu’à l’exception du facteur extérieur de caractère extraordinaire, toutes les caractéristiques du terme « accident » doivent également être remplies dans le cas des lésions énumérées à l’art. 9 al. 2 OLAA. Pour que l’assurance-accidents soit soumise à l’obligation de verser des prestations, un événement soudain, dommageable et involontaire doit donc survenir (ATF 114 V 298 consid. 3b p. 300). La lésion qui s’est produite exclusivement à la suite d’un processus pathologique n’a pas pu être reconnue comme un dommage similaire à un accident. […] Il est essentiel qu’un événement soudain, par exemple un mouvement violent ou une levée soudaine d’un squat, provoque l’une des lésions mentionnées à l’art. 9 al. 2 lit. a-h OLAA. En termes de temps également, ce moment causant des lésions corporelles doit être considéré comme un « événement accidentel ». En l’absence d’un tel événement immédiat, et si la lésion est plutôt due à des microtraumatismes répétés dans la vie quotidienne, qui provoquent une usure progressive, qui finit par atteindre l’ampleur des lésions nécessitant un traitement, il n’y a pas d’accident mais une maladie.

De l’ATF 123 V 43, on peut déduire que, dans le cas des lésions mentionnées à l’art. 9 al. 2 lit. a-h OLAA, un effet externe dommageable doit être ajouté, au moins dans le sens d’un facteur de déclenchement, aux causes pathologiques ou dégénératives (préexistantes ou dominantes) pour qu’il y ait une lésion assimilée à un accident (consid. 2b avec référence à l’ATF 116 V 145 consid. 2c p. 45 ; 114 V 298 consid. 3c p. 301). Une déchirure de la coiffe des rotateurs peut donc être incluse dans les déchirures des tendons visées à l’art. 9 al. 2 lit. f OLAA, à condition qu’à l’exception du facteur extérieur extraordinaire, les [autres] caractéristiques de la notion d’accident soient respectées.

Avec l’ATF 129 V 466, le Tribunal fédéral des assurances s’est conformé à l’exigence du facteur extérieur – également selon la version de l’art. 9 al. 2 OLAA en vigueur au 1er janvier 1998. […] L’ancien TFA a rappelé que la condition préalable à une cause extérieure, c’est-à-dire un événement similaire à un accident, externe au corps humain, susceptible d’être constaté de manière objective et qui présente une certaine importance, revêtait ici une importance particulière. En l’absence d’une telle cause extérieure, fût-ce comme simple facteur déclenchant des lésions corporelles énumérées à l’art. 9 al. 2 lit. a-h OLAA, il y a une lésion corporelle manifestement imputable à une maladie ou à des phénomènes dégénératifs. Cette approche, sur laquelle se fonde déjà l’ATF 123 V 43, est tout à fait compatible avec la notion d’assurance-accidents obligatoire et sa différenciation par rapport à l’assurance maladie […]. Le Tribunal fédéral des assurances a rejeté l’argument de l’OFAS en faveur de l’abandon de l’exigence de l’influence extérieure. Une telle renonciation ne tiendrait pas compte de la « similitude requise des accidents », car les cas liés à la maladie ou à des phénomènes dégénératifs, dans lesquels l’assureur-accidents ne pourrait apporter une preuve médicale, seraient couverts par l’assurance accident (ATF 129 V 466 consid. 3 p.468).

Depuis lors, le Tribunal fédéral soutient qu’en cas de lésions corporelles assimilées à un accident au sens de l’art. 9 al. 2 OLAA, à l’exception du caractère « extraordinaire » de la cause extérieure, toutes les autres conditions constitutives de la notion d’accident doivent être réalisées (cf. art. 4 LPGA) (ATF 143 V 285 consid. 2.3 p. 288 ; 139 V 327 consid. 3.1 p. 328). Le préjudice peut également être causé par les mouvements du corps, mais l’apparition de douleurs n’est pas considérée comme un facteur extérieur au sens de la jurisprudence de l’art. 9 al. 2 OLAA. Tel n’est pas le cas lorsque la personne assurée identifie (pour la première fois) l’apparition de la douleur sans qu’interfère un phénomène extérieur reconnaissable. La notion de cause extérieure présuppose qu’un événement générant un risque de lésion accru survienne. Lorsqu’un tel événement n’a pas eu lieu, même s’il ne constitue qu’un déclencheur d’une atteinte à la santé visée à l’art. 9 al. 2 let. a-h OLAA, il y a manifestement atteinte à la santé causée par une maladie ou des phénomènes dégénératifs (ATF 129 V 466 consid. 2.2 p. 467 ; voir également arrêts 8C_61/2016 du 19 décembre 2016 consid. 5.1 ; 8C_763/2015 du 11 juillet 2016 consid. 3.3 ; 8C_606/2013 du 24 juin 2014 consid. 3.3 ; 8C_347/2013 du 18 février 2014 consid. 3.2 ; 8C_698/2007 du 27 octobre 2008 consid. 4.2 ; 8C_357/2007 du 31 janvier 2008 consid. 3.2).

 

Notion de lésion assimilée selon le nouveau droit (consid. 8)

Avec la première révision de la LAA (en vigueur depuis le 1er janvier 2017), la notion des lésions corporelles accidentelles a été transféré de l’ordonnance à la loi.

L’art. 6 al. 1 LAA stipule toujours que, sauf disposition contraire de la loi, les prestations d’assurance sont allouées en cas d’accident professionnel, d’accident non professionnel et de maladie professionnelle. Selon l’art. 4 LPGA, est réputée accident toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort. Le nouvel alinéa 2 de l’article 6 se lit comme suit dans les trois versions linguistiques :

« Die Versicherung erbringt ihre Leistungen auch bei folgenden Körperschädigungen, sofern sie nicht vorwiegend auf Abnützung oder Erkrankung zurückzuführen sind: »

« L’assurance alloue aussi ses prestations pour les lésions corporelles suivantes, pour autant qu’elles ne soient pas dues de manière prépondérante à l’usure ou à une maladie : »

« L’assicurazione effettua le prestazioni anche per le lesioni corporali seguenti, sempre che non siano dovute prevalentemente all’usura o a una malattia: »

La liste des lésions corporels, adoptée sans modification par rapport à l’art. 9 al. 2 OLAA, est désormais ancrée au niveau législatif.

Alors que l’ancienne loi au niveau de l’ordonnance se référait à l’équivalence des lésions corporelles énumérées avec les accidents, elle stipule désormais au niveau de la loi que l’assurance alloue aussi ses prestations pour les lésions corporels en question. En outre, il n’est plus fait référence aux critères de la définition de l’accident au sens de l’art. 4 LPGA et les termes « corporelles assimilées à un accident » ne sont pas utilisés. Le libellé indique donc que l’assureur-accidents alloue des prestations non seulement pour des accidents et des maladies professionnelles, mais aussi pour certaines lésions corporelles, indépendamment de l’existence des critères particuliers de l’accident au sens de l’art. 4 LPGA. Cela ne signifie pas pour autant que les critères d’accident ne sont plus du tout pertinents. Toute événement dommageable doit être pris en compte. Comme le montre également la genèse de la notion de la lésion assimilée à un accident (cf. supra), il s’agit de problème de santé qui surviennent généralement de manière soudaine et donc considérés comme accidentels.

En vertu de l’art. 6 al. 2 LAA, l’assurance alloue aussi ses prestations pour certaines lésions corporelles, pour autant qu’elles ne soient pas dues de manière prépondérante à l’usure ou à une maladie. La deuxième partie de la phrase stipule que l’assureur-accidents a la possibilité de se décharger de son obligation de verser des prestations. A cette fin, il doit prouver que la lésion corporelle est « de manière prépondérante » imputable à « à l’usure ou à une maladie ». Selon l’ancienne loi, les assureurs-accidents pouvaient également se libérer de l’obligation de verser des prestations, mais seulement s’ils pouvaient prouver que la lésion corporelle était « eindeutig » (« manifestement », « indubbiamente ») imputable à une maladie ou à des phénomènes dégénératifs (cf. art. 9 al. 2 OLAA). Les exigences en matière de preuve ont donc été réduites par la modification de la loi.

Ce que l’on entend par « vorwiegend » (« préponderante »; « prevalentemente ») n’est pas défini plus avant dans la disposition. La juridiction cantonale suppose qu’il s’agit d’une proportion d’« usure ou de maladie » de plus de 50%. Cette opinion est approuvée par le Tribunal fédéral.

Le terme « vorwiegend » (« préponderante »; « prevalentemente ») est également utilisé dans le cadre de la reconnaissance maladies professionnelles (art. 9 al. 1 LAA). Selon la jurisprudence en la matière, une cause « prépondérante » de maladies par des substances nocives ou à certains travaux n’est donnée que si celles-ci pèsent plus que toutes les autres causes en présence, c’est-à-dire si elles représentent plus de 50% de l’ensemble des causes (ATF 119 V 200 consid. 2a p. 200 s. et la référence). Il n’y a aucune raison d’interpréter ce terme différemment dans le cadre de l’art. 6 al. 2 LAA. En conséquence, l’assurance-accidents a fourni une contre-preuve si plus de 50% du diagnostic de la liste est basé sur « l’usure ou la maladie » (cf. KASPAR GEHRING, in: Kieser/Gehring/Bollinger [Hrsg.], KVG UVG Kommentar, 2018, N 11 zu Art. 6 UVG; ANDRÉ NABOLD, in: Hürzeler/Kieser [Hrsg.], Kommentar zum schweizerischen Sozialversicherungsrecht, UVG, 2018, N 44 zu Art. 6 UVG; MARKUS HÜSLER, Erste UVG-Revision, in: SZS 1/2017 p. 34; mais inversement EVALOTTA SAMUELSSON, Neuregelung der unfallähnlichen Körperschädigung, in: SZS 4/2018 S. 348 ss).

La question se pose alors de savoir ce que l’on entend par « Abnützung oder Erkrankung » (« usure ou maladie »; « usura o malattia »).

Selon KASPAR GEHRING, la notion d’usure est assimilée à l’abrasion, à l’usure et, dans la terminologie médicale technique, à l’« Usur » (KASPAR GEHRING, op. cit., N 9 f. ad art. 6 LAA). L’objectif était d’exclure les situations dans lesquelles les lésions corporelles sont causées par des contraintes récurrentes et toujours identiques. Selon les appréciations du législateur, les conséquences de tels événements ne devraient pas être couvertes par une assurance-accidents. La notion de maladie est fondée sur l’art. 3 LPGA, qui définit comme maladie toute atteinte à la santé physique, mentale ou psychique qui n’est pas due à un accident. KASPAR GEHRING précise en outre que l’assurance-maladie n’est tenue de payer pour les lésions de la liste que dans des cas exceptionnels, à savoir uniquement si l’assureur-accidents peut prouver que les lésions corporelles sont de manière prépondérante dues à l’usure ou à la maladie. Selon l’intention claire du législateur, aucun « événement similaire à un accident » n’est requis (KASPAR GEHRING, op. cit., N 5 et N 12 ad Art. 6 LAA).

ANDRÉ NABOLD, en revanche, interprète « l’usure et la maladie » de manière distincte (ANDRÉ NABOLD, op. cit., N 45 ad Art. 6 LAA). Selon l’auteur, ce double terme fait référence à « l’opposé d’un traumatisme médical ». L’obligation de verser des prestations de l’assurance-accidents est donc donnée si une lésion de la liste est médicalement imputable à un traumatisme et donc à un dommage physique aigu avec lésions tissulaires causées par des influences extérieures (ANDRÉ NABOLD, op. cit., N 45 ad Art. 6 LAA ; le même, Sportunfall, in: Kieser/Landolt (Hrsg.), Unfall? Novembertagung 2015 zum Sozialversicherungsrecht, 2016, p. 73).

De même, pour MARKUS HÜSLER, il semble pour le moins peu clair si le législateur a réellement voulu que l’obligation de verser des prestations d’assurance-accidents devait être assumée dès le diagnostic d’une lésion de la liste, indépendamment du fait que la personne assurée ait ou non été en mesure d’identifier un événement. Selon lui, cela serait en contradiction avec la règle relative à la possibilité pour l’assureur accident d’être exonéré de responsabilité. Le droit présumé aux prestations ne peut être contesté par l’assureur que s’il peut prouver au degré de la vraisemblance prépondérante que les lésions corporelles sont dues de manière prépondérante à l’usure ou à une maladie.

Toutefois, si l’existence d’un événement n’est plus une condition préalable à l’octroi des prestations, pour quelle autre raison (s’il ne s’agit pas d’un accident) la lésion devrait être attribué principalement à l’usure ou à la maladie. Seule la jurisprudence apportera des précisions sur ce point (MARKUS HÜSLER, op. cit., p. 33).

Selon EVALOTTA SAMUELSSON, la (contre) preuve de la pathogenèse à prédominance pathologique ou dégénérative du diagnostic de liste est apportée s’il y a plus d’indicateurs de plausibilité de lésions du ménisque dégénératives ou pathologiques que pour une « pathogenèse traumatique » (EVALOTTA SAMUELSSON, op. cit., p. 355 s.). A cet égard, l’auteure semble – à l’instar d’ANDRÉ NABOLD – définir les deux termes « usure ou maladie » comme une contrepartie/le pendant [« Gegenstück »] d’une genèse traumatique. D’autres auteurs ne précisent pas explicitement ce qu’ils entendent par usure et maladie. Toutefois, ils estiment qu’en cas de lésions selon la liste, l’assurance-accidents est généralement tenue d’allouer les prestations (cf. FRÉSARD/MOSER-SZELESS, L’assurance-accidents obligatoire, in : Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Soziale Sicherheit, 3ème éd., 2016, p. 947 no 147; ANNA BÖHME, Der medizinische Sachverständigenbeweis in der obligatorischen Unfallversicherung, Luzerner Beiträge zur Rechtswissenschaft [LBR], Bd. 125, 2018, S. 29; STEFANIE J. HEINRICH, 1. UVG-Revision, in: Kieser/Lendfers [Hrsg.]: Jahrbuch zum Sozialversicherungsrecht 2017, p. 21 s.; KILIAN RITLER, Die unfallähnliche Körperschädigung, in: Kieser/Landolt [Hrsg.]: Unfall? Novembertagung 2015 zum Sozialversicherungsrecht, 2016, p. 133; David Ionta, Révision de la loi fédérale sur l’assurance-accidents, in : Jusletter 30 janvier 2017, no 33).

Dans la logique de la possibilité prévue à l’art. 6 al. 2 LAA d’apporter à l’assureur-accidents la preuve de l’exonération, il découle que les termes usure et maladie doivent être la contrepartie complémentaire (le « pendant ») d’un événement spécifique.

Il ressort des documents de la première révision LAA que l’existence d’une lésion corporelle assimilée à un accident à charge de l’assureur-accidents ne doit plus dépendre de l’existence d’un facteur extérieur. Dans la pratique, il aurait été très difficile de prouver l’existence de lésions corporelles similaires à celles d’un accident. La jurisprudence en la matière a parfois entraîné des difficultés pour les assureurs-accidents et des incertitudes chez les assurés. C’est la raison pour laquelle une nouvelle réglementation a été proposée, qui renonçait au critère du facteur externe, comme avait été d’ailleurs la volonté du législateur de l’époque, conformément au message du 18 août 1976 relatif à la LAA […]. L’existence d’une lésion corporelle au sens de l’art. 6 al. 2 LAA laisse supposer qu’il s’agit d’une lésion corporelle assimilée à un accident, qui doit être assumé par l’assureur-accidents. Ce dernier pourrait se libérer de l’obligation de verser des prestations s’il prouve que le dommage corporel est principalement imputable à l’usure ou à la maladie (FF 2014, 7934 s. ch. 2.4). Dans son analyse d’impact de la révision LAA, le Conseil fédéral a supposé que le système d’assurance-maladie sociale tendrait à être assoupli par la nouvelle ordonnance sur les lésions corporelles de type accident. Dans le message précité de 1976, il était indiqué que le Conseil fédéral devait être autorisé à traiter comme accidents les lésions corporelles accidentelles, tels que les déchirures des tendons ou les lésions musculaires causées sans influence extérieure (message du 18 août 1976 sur la loi fédérale sur l’assurance accidents, FF 1976 III 165 no 33).

Le procès-verbal de la séance du Conseil national de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique (CSSS-N) du 16 avril 2015 montre également que la nouvelle réglementation vise l’allocation de prestations par l’assurance-accidents en cas de lésions corporelles de la liste (p. 7 ss). Dans la pratique, cette présomption se traduirait par une simplification substantielle. […] L’article 6 ne parle plus de critères d’accident. En principe, ces lésions corporelles doivent être considérées comme des lésions assimilées à un accident. Cela a éliminé toute discussion sur les éléments de la notion d’accident, à moins, par exemple, qu’il ne s’agisse d’une « pathologie complète du genou » [ein völlig erkranktes Knie], qui a entraîné des lésions correspondantes. Il est donc à nouveau possible à l’assureur de prouver qu’une usure ou une maladie est présente. Dans le cas contraire, l’assureur-accidents est a priori tenu de prendre en charge ces lésions. Cette disposition a été incluse dans la loi parce qu’il était spécial que quelque chose soit inclus dans le catalogue des prestations de l’assureur accident sans que tous les éléments de la notion d’accident doivent être remplis. […] Au cours du débat parlementaire, il a été regretté que la loi ne prévoie pas une distinction plus claire entre maladie et accident dans le domaine des lésions assimilées à un accident afin d’éviter à l’avenir des litiges longs et coûteux (cf. Votum Nationalrat de Courten, BO 2015 p. 878). Le projet du Conseil fédéral a finalement été approuvé par le Conseil national et le Conseil des Etats.

A l’aune de ce qui précède, le législateur s’est efforcé de simplifier la distinction entre maladie et accident. L’objectif principal de la révision est de faciliter la preuve en faveur des personnes assurées au moyen d’une présomption légale : selon ce principe, l’assureur-accidents est tenu de prester en cas de lésions selon la liste, à moins qu’il ne puisse prouver prendre en charge une indemnité en cas de violation de la liste, sauf s’il est en mesure d’apporter la preuve de la « décharge » [= apporter la preuve que la lésion est due de manière prépondérante à l’usure ou à une maladie].

La notion de lésions corporelles assimilées à un accident a toujours eu pour but d’éviter la distinction souvent difficile entre accident et maladie en faveur de l’assuré (ATFF 139 V 327 consid. 3.1 p. 328 ; 123 V 43 consid. 2b p. 44 s. ; 116 V 145 consid. 6c p. 155 ; voir ALFRED BÜHLER, op. cit., p. 84), d’autant plus qu’en cas de l’une des lésions corporelles énumérées à l’art. 9 al. 2 let. a-h aOLAA, il existe pratiquement toujours des causes de maladie et/ou des causes dégénératives (partielles) en jeu (voir ATF 129 V 466 consid. 2.1 p. 467 et la référence). Les assureurs-accidents sociaux doivent donc assumer un risque qui, selon la définition actuelle des accidents et maladies, serait attribuable à ces dernières (ATF 116 V 145 consid. 6c p. 155 ; 114 V 298 consid. 3c p. 301). La nouvelle teneur de l’art. 6 al. 2 LAA doit – comme il ressort également de l’interprétation historique – aller de pair avec une simplification supplémentaire.

En termes systématiques, il faut tenir compte du fait que les lésions corporelles assimilées à un accident sont désormais inscrites à l’art. 6 al. 2 LAA. L’alinéa 1 réglemente la prise en charge par l’assurance-accidents des accidents professionnels, non professionnels et les maladies professionnelles. Conformément à l’al. 3, l’assurance alloue en outre ses prestations pour les lésions causées à l’assuré victime d’un accident lors du traitement médical. Le système juridique suggère que le paragraphe 1 (accident) et le paragraphe 2 (lésions selon la liste) sont indépendants l’un de l’autre et que, en principe, chaque situation doit être examinée individuellement. En ce qui concerne la cessation des prestations, il convient toutefois de tenir compte des éléments suivants : Alors qu’en cas d’accident au sens de l’art. 4 LPGA, l’obligation de l’assurance-accident de prester ne prend fin que lorsque l’accident ne constitue plus une cause partielle, même mineure, de lésions corporelles, l’assureur-accident est libéré de son obligation de prester dans le cadre d’une lésion assimilée à un accident si cette dernière est attribuable à plus de 50% à une usure ou à la maladie.

Il résulte de l’interprétation que l’application de l’art. 6 al. 2 LAA ne présuppose aucun facteur extérieur et donc aucun événement accidentel ou générant un risque de lésion accru au sens de la jurisprudence sur l’art. 9 al. 2 aOLAA. A cet égard, l’existence même d’une lésion corporelle visée à l’art. 6 al. 2 let. a-h LAA conduit à présumer qu’il s’agit d’une lésion corporelle assimilée à un accident, qui doit être assumé par l’assureur accident. Cependant, la possibilité de « prouver le contraire » au sens de l’art. 6 al. 2 LAA oblige toujours à distinguer la lésion corporelle assimilée à un accident selon la liste, à charge de l’assurance-accidents, d’une lésion due à l’usure et à la maladie, à charge de l’assurance maladie. A cet égard, la question d’un événement initial reconnaissable et identifiable est également pertinente après la révision LAA – notamment en raison de l’importance d’un lien temporel (couverture d’assurance ; compétence de l’assureur accident ; calcul du gain assuré ; questions juridiques intertemporelles ; voir MARKUS HÜSLER, op. cit. p. 36 ; voir également UELI KIESER, Schweizerisches Sozialversicherungsrecht, 2. Aufl. 2017, S. 240 Fn. 97). […]

Il convient toutefois de souligner que l’assurance-accidents est généralement tenue de verser des prestations en cas de lésions selon la liste [art. 6 al. 2 LAA], pour autant qu’elle ne prouve pas l’existence d’une pathologie prédominante due à l’usure ou à la maladie. Cela suppose que, dans le cadre de son devoir de clarification (cf. art. 43 al. 1 LPGA), l’assureur-accidents clarifie les circonstances exactes à réception de l’annonce d’une lésion selon la liste. Si aucun événement initial ne peut être établi, ou si seul un événement bénin ou anodin peut être établi, cela simplifie de toute évidence la preuve de la libération pour l’assureur accident. Car c’est l’ensemble des causes des atteintes corporelles en question qui doit être pris en compte dans la question de la délimitation, qui doit être évaluée avant tout par des spécialistes de la santé [medizinischen Fachpersonen]. Outre la condition précédente, les circonstances de la première apparition des troubles doivent également être examinées de plus près (par exemple, un bilan traumatologique du genou peut être utilisé pour aider à l’évaluation médicale des blessures au genou, publié dans SÄZ 2016 p. 1742 ss). Les différents indices qui parlent pour ou contre l’usure ou la maladie doivent être pondérés d’un point de vue médical. L’assureur accident doit prouver, sur la base d’évaluations médicales concluantes – au degré de la vraisemblance prépondérante – que la lésion en question est due de manière prépondérante à l’usure ou à la maladie, c’est-à-dire plus de 50% de tous les facteurs en cause. Si la « palette des causes » se compose uniquement d’éléments indiquant une usure ou une maladie, il s’ensuit inévitablement que l’assureur-accidents a apporté la preuve de la « libération » et qu’il n’est pas nécessaire d’apporter des clarifications supplémentaires.

 

En résumé

De ce qui précède, il découle que l’assureur-accidents doit clarifier les circonstances exactes à réception de l’annonce d’une lésion assimilée. Si la lésion de la liste [au sens de l’art. 6 al. 2 LAA] est imputable à un événement accidentel au sens de l’art. 4 LPGA, l’assureur-accidents est tenu de verser des prestations jusqu’à ce que l’accident ne représente plus la cause naturelle et adéquate, c.-à-d. lorsque l’atteinte à la santé repose uniquement sur des causes sans rapport avec l’accident. Si, en revanche, tous les éléments de la notion de l’accident au sens de l’art. 4 LPGA ne sont pas remplis, l’assureur-accidents doit en général prester pour la lésion selon la liste de l’art. 6 al. 2 LAA dans sa version valable depuis le 1er janvier 2017, à moins qu’il ne puisse prouver que la lésion due de manière prépondérante à l’usure ou à une maladie.

 

Dans le cas d’espèce, l’assurance-accidents a reconnu l’événement du 04.05.2017 comme un accident au sens de l’art. 4 LPGA et a initialement prévu des prestations pour ses conséquences. Les examens médicaux ont toutefois révélé par la suite que la lésion du ménisque diagnostiquée n’était pas due à l’accident du 04.05.2017. L’accident n’a entraîné qu’une ecchymose au genou avec aggravation temporaire d’un état antérieur dégénératif. L’assurance-accidents a démontré que l’accident du 04.05.2017 n’est même pas une cause partielle de la lésion du ménisque. Par ailleurs, l’assurance-accidents a été établi que cette lésion selon la liste est imputable de manière prépondérante, c’est-à-dire à plus de 50%, à l’usure ou à la maladie, d’autant plus qu’il n’y a aucune indication d’un événement survenu après l’accident du 04.05.2017, qui pourrait donner lieu à de nouveaux développements. La présomption de l’obligation de verser des prestations selon l’art. 6 al. 2 LAA a donc été renversée et l’assureur accidents est libéré de son obligation.

En ce sens, le point de vue de l’assurance-accidents et de l’OFSP peut être acceptée, selon laquelle, en l’absence d’un lien de causalité naturel entre un accident au sens de l’art. 4 LPGA et une lésion figurant dans la liste [de l’art. 6 al. 2 LAA], il n’est pas nécessaire d’examiner l’obligation de verser des prestations selon l’art. 6 al. 2 LAA, au moins tant qu’aucun autre événement ne peut être considéré comme la cause de la lésion.

En conclusion, il est manifeste que la lésion du ménisque n’est pas imputable à l’accident du 04.05.2017. Étant donné qu’il n’y a pas non plus d’indication d’un autre événement survenu après l’accident, il n’est pas nécessaire de procéder à un examen à la lumière des lésions corporelles énumérées à l’art. 6 al. 2 LAA dans la version en vigueur depuis le 1er janvier 2017.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 8C_22/2019 consultable ici

ATF 146 V 51 consultable ici

Proposition de citation : ATF 146 V 51 – 8C_22/2019 (d) du 24.09.2019 – Statu quo sine vel ante pour un accident ayant occasionné une lésion assimilée, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2019/10/8c_22-2019-atf-146-v-51)

 

NB : traduction personnelle. Nous vous remercions de bien vouloir nous excuser les éventuelle imprécisions de traduction.

9C_160/2019 (f) du 20.08.2019, destiné à la publication – Refus de la caisse-maladie de la proposition de l’assuré de racheter, à un montant inférieur à leur valeur, des actes de défaut de biens relatifs aux primes d’assurance-maladie et participations aux coûts arriérées postérieures au 01.01.2012

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_160/2019 (f) du 20.08.2019, destiné à la publication

 

Consultable ici

 

Refus de la caisse-maladie de la proposition de l’assuré de racheter, à un montant inférieur à leur valeur, des actes de défaut de biens relatifs aux primes d’assurance-maladie et participations aux coûts arriérées postérieures au 01.01.2012

Notion de « paiement intégral » des créances arriérées – Interprétation de l’art. 64a al. 1 à 5 LAMal / Rappel de l’interprétation du TF de l’art. 64a al. 6 LAMal

Le mécanisme prévu à l’art. 64a al. 5 LAMal, favorable aux assureurs-maladie, n’est pas abusif

 

A.___, né en 1984, est assuré au titre de l’assurance obligatoire des soins auprès de la caisse-maladie, depuis le 01.01.2007.

En raison du non-paiement de primes relatives à l’assurance obligatoire des soins et de participations aux coûts depuis le mois de juillet 2011, la caisse-maladie a engagé plusieurs poursuites contre l’assuré, qui ont abouti à des actes de défaut de biens.

Par courrier du 03.09.2015, l’Office vaudois de l’assurance-maladie (ci-après : l’OVAM) a indiqué à la caisse-maladie qu’il était intervenu dans la prise en charge des arriérés de l’assuré à hauteur de 85%, du 01.10.2011 au 31.03.2014, pour un montant total de 3’752 fr. 86. S’il a accepté le plan de désendettement que l’assuré lui a soumis, ainsi que le rachat des actes de défaut de biens concernant les avances qu’il avait faites à hauteur de 47,40%, il n’a en revanche pas souhaité renoncer au 50% de rétrocession du montant que la caisse-maladie pourrait obtenir. L’assuré a également soumis à la caisse-maladie un plan de désendettement selon lequel il lui proposait de rembourser ses dettes à hauteur de 47,40% de leur valeur (soit un montant de 4’841 fr. 50, sur un total dû de 10’214 fr.).

Par décision, confirmée sur opposition, la caisse-maladie a refusé la proposition de l’assuré de racheter, à un montant inférieur à leur valeur, les actes de défaut de biens relatifs aux créances arriérées postérieures au 01.01.2012 ; en bref, elle a considéré qu’une telle possibilité était exclue par la législation en vigueur depuis le 01.01.2012, qui exigeait de l’assureur qu’il conservât les actes de défaut de biens et les titres équivalents jusqu’au paiement intégral des créances arriérées.

 

Procédure cantonale (arrêt AM 61/17 – 3/2019 – consultable ici)

Par jugement du 21.01.2019, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

L’art. 64a al. 1 à 5 LAMal, dans sa teneur en vigueur depuis le 01.01.2012, prévoit que : Lorsque l’assuré n’a pas payé des primes ou des participations aux coûts échues, l’assureur lui envoie une sommation, précédée d’au moins un rappel écrit ; il lui impartit un délai de 30 jours et l’informe des conséquences d’un retard de paiement (al. 1). Si, malgré la sommation, l’assuré ne paie pas dans le délai imparti les primes, les participations aux coûts et les intérêts moratoires dus, l’assureur doit engager des poursuites. Le canton peut exiger que l’assureur annonce à l’autorité cantonale compétente les débiteurs qui font l’objet de poursuites (al. 2). L’assureur annonce à l’autorité cantonale compétente les débiteurs concernés et, pour chacun, le montant total des créances relevant de l’assurance obligatoire des soins (primes et participations aux coûts arriérées, intérêts moratoires et frais de poursuite) pour lesquelles un acte de défaut de biens ou un titre équivalent a été délivré durant la période considérée. Il demande à l’organe de contrôle désigné par le canton d’attester l’exactitude des données communiquées et transmet cette attestation au canton (al. 3). Le canton prend en charge 85% des créances ayant fait l’objet de l’annonce prévue à l’al. 3 (al. 4). L’assureur conserve les actes de défaut de biens et les titres équivalents jusqu’au paiement intégral des créances arriérées. Dès que l’assuré a payé tout ou partie de sa dette à l’assureur, celui-ci rétrocède au canton 50% du montant versé par l’assuré (al. 5).

La loi s’interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n’est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, le juge recherchera la véritable portée de la norme au regard notamment de la volonté du législateur telle qu’elle ressort notamment des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l’intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d’autres dispositions légales (interprétation systématique). Lorsqu’il est appelé à interpréter une loi, le Tribunal fédéral adopte une position pragmatique en suivant ces différentes interprétations, sans les soumettre à un ordre de priorité (ATF 140 III 315 consid. 5.2.1 et les arrêts cités).

Il est vrai que la lettre de l’art. 64a al. 5 LAMal n’est pas absolument claire. Le texte de cette disposition ne donne en effet pas de réponse directe à la question de savoir si la notion de « paiement intégral » au sens de l’art. 64a al. 5 LAMal (« vollständige Bezahlung », « pagamento integrale ») englobe ou non la part des créances prises en charge par le canton à hauteur de 85% en application de l’art. 64a al. 4 LAMal. Le Tribunal fédéral a d’ailleurs déjà eu l’occasion de relever que les termes « a payé intégralement » (« vollständig beglichen ») les dettes (notamment primes et participations aux coûts), prévus par l’art. 64a al. 6 LAMal pour un changement d’assureur, ne sont pas suffisamment clairs pour permettre une interprétation littérale (ATF 144 V 380 consid. 6.2.1 p. 384).

En ce qui concerne les travaux préparatoires relatifs à l’art. 64a al. 5 LAMal, le Rapport de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national d’août 2009 comprend le passage suivant : « L’assureur garde l’acte de défaut de biens ou le titre équivalent afin de pouvoir continuer à faire valoir ce titre au-delà et indépendamment de la prise en charge par le canton prévue à l’al. 4. L’assureur conserve ce titre conformément aux règles de la LP et jusqu’à ce que l’assuré ait payé intégralement les primes et les participations aux coûts fondées sur un acte de défaut de biens ou sur un titre équivalent ainsi que les intérêts moratoires et les frais de poursuite. Lorsque l’assureur obtient de l’assuré le paiement de tout ou partie d’arriérés, l’assureur doit reverser au canton la moitié des montants payés par l’assuré. En effet, comme l’assureur demeure le créancier vis-à-vis de ses assurés, il demeure seul en mesure d’obtenir de nouveaux paiements de la part des assurés débiteurs que ce soit sur la base de nouvelles poursuites ou d’un accord. Il est dès lors justifié que l’assureur conserve la moitié des paiements eu égard aux coûts comme il est juste que le canton puisse récupérer une partie des paiements exécutés pour l’assuré » (Rapport de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national du 28 août 2009 sur l’initiative parlementaire « Article 64a LAMal et primes non payées », FF 2009 5973, 5977 s.).

Comme le Tribunal fédéral a eu l’occasion de le retenir, toujours en relation avec l’art. 64a al. 6 LAMal, ces explications ne permettent pas de répondre de manière définitive à la question de savoir si le « paiement intégral » au sens de l’art. 64a al. 5 LAMal comprend la part cantonale selon l’art. 64a al. 4 LAMal (ATF 144 V 380 consid. 6.2.3.2 p. 385 s.). On peut cependant en déduire que l’art. 64a LAMal n’interfère pas dans la relation contractuelle entre l’assureur et l’assuré. Même si le canton prend en charge 85% des créances relevant de l’assurance obligatoire des soins pour lesquelles un acte de défaut de biens ou un titre équivalent a été délivré, l’assureur reste le seul et unique créancier de l’assuré. L’art. 64a LAMal ne prévoit pas une subrogation du canton dans les droits de l’assureur à concurrence du montant pris en charge. D’après la volonté claire du législateur, l’assureur demeure seul habilité à obtenir le paiement des créances impayées, que ce soit par le biais de la poursuite pour dettes au sens de la LP ou d’une convention de remboursement. Conformément à l’art. 64a al. 5 LAMal, l’assureur est ainsi tenu de garder les actes de défaut de biens et les titres équivalents afin de pouvoir faire valoir ces titres au-delà et indépendamment de la prise en charge par le canton jusqu’au paiement intégral des créances arriérées. Afin d’inciter l’assureur à obtenir ce paiement, l’art. 64a al. 5 LAMal prévoit expressément que celui-ci puisse conserver la moitié des montants récupérés (cf. ATF 144 V 380 consid. 6.2.3.2 p. 385 s.; 141 V 175 consid. 4.4 p. 182). L’objectif consiste ainsi à permettre à l’assureur-maladie, à moyen terme, de récupérer auprès de l’assuré la totalité du montant figurant dans l’acte de défaut de biens, et non pas seulement la part non couverte par le canton de 15%. On peut donc en conclure que l’assuré demeure le débiteur de l’assureur-maladie de l’entier de la créance faisant l’objet de l’acte de défaut de biens, même si le canton a pris en charge 85% de celle-ci (ATF 144 V 380 consid. 6.2.3.2 p. 385 s.).

De ces éléments d’interprétation, renforcés par l’aspect téléologique (ATF 144 V 380 consid. 6.2.4 p. 386), le Tribunal fédéral a conclu que le paiement intégral des dettes d’une personne assurée se rapporte au montant total de la créance constatée par un acte de défaut de biens, même lorsque le canton a pris en charge la part de 85% selon l’art. 64a al. 3 et 4 LAMal.

En conséquence de l’interprétation donnée par le Tribunal fédéral de l’art. 64a al. 6 LAMal, il n’y a pas lieu d’interpréter différemment, sous l’angle systématique également, les termes « paiement intégral » de l’art. 64a al. 5 LAMal. Le but de l’art. 64a al. 6 LAMal ne vise pas le rétablissement économique de la personne assurée en tant que tel, mais sert l’économie de la procédure administrative. La disposition vise à éviter que plusieurs assureurs-maladie ne doivent introduire des poursuites contre la personne assurée en demeure de payer ses créances. L’aspect du rétablissement économique de l’assuré a été évoqué en lien avec la sanction de l’interdiction de changer d’assureur, mais pas en tant qu’intérêt protégé par l’art. 64a al. 6 LAMal (ATF 144 V 380 consid. 6.2.4.1 p. 386).

S’agissant de l’al. 5 ici en cause, le but en est de permettre à l’assureur-maladie d’être payé intégralement, dans l’idéal en récupérant auprès de l’assuré la totalité du montant figurant dans l’acte de défaut de biens. Le législateur a toutefois prévu un remboursement de l’assureur-maladie qui peut aller au-delà du paiement intégral des créances, puisqu’il n’est tenu de rétrocéder au canton que 50% du montant versé par l’assuré (cf. art. 64a al. 5 LAMal, 2e phrase; infra consid. 6.2). En conclusion, la dette de l’assuré à l’égard de son assureur-maladie au sens de l’art. 64a al. 5 LAMal n’est pas diminuée par la prise en charge par le canton de 85% des créances. La notion de « paiement intégral » des créances arriérées au sens de cette disposition signifie que l’assureur conserve les actes de défaut de biens aussi longtemps que l’assuré ne s’est pas acquitté, à son égard, de la totalité du montant figurant dans l’acte de défaut de biens ; une déduction de la part des créances prises en charge par le canton à hauteur de 85% en application de l’art. 64a al. 4 LAMal n’est pas prévue.

 

Sous l’angle matériel, l’assuré fait valoir qu’une interprétation de l’art. 64a al. 5 LAMal en ce sens que la notion de « paiement intégral » n’englobe pas la part cantonale selon l’art. 64a al. 4 LAMal, a pour conséquence que les cantons enregistrent une perte allant jusqu’à 35%, alors que les caisses-maladie récupèrent jusqu’à 135% de la créance initiale, étant donné que l’assureur-maladie n’a l’obligation de rétrocéder au canton que 50% du montant versé par l’assuré afin de s’acquitter de ses créances arriérées (art. 64a al. 5 LAMal). La plus-value ainsi réalisée par l’assureur-maladie serait abusive.

Bien que le mécanisme prévu à l’art. 64a al. 5 LAMal se révèle favorable aux assureurs-maladie, cela ne suffit pas encore pour conclure qu’il est abusif. La clef de répartition fixée par le législateur à l’art. 64a al. 4 et 5 LAMal a pour but de diviser la perte financière en cas de non-paiement de la part de l’assuré entre la caisse-maladie et le canton et non de libérer l’assuré du paiement de l’entier des primes d’assurance et participations aux coûts dues ; elle concerne uniquement les relations entre les assureurs-maladie et les cantons. Le système mis en place doit également inciter les assureurs à entreprendre les démarches administratives nécessaires au recouvrement des primes et participations aux coûts impayées, procédé qui s’inscrit dans l’intérêt de la communauté des assurés. Par ailleurs, lorsque les assureurs entreprennent des démarches pour recouvrer le montant de créances arriérées, ils font face à des coûts administratifs et ne sont pas certains de récupérer les montants dus. Il ressort des débats parlementaires que le partage des sommes recouvrées par l’assureur-maladie par moitié entre celui-ci et le canton ayant pris en charge 85% des créances selon l’art. 64a al. 4 LAMal a été considéré comme une solution équilibrée, un tel partage ne supprimant pas toute incitation pour l’assureur de récupérer le montant dû (cf. les interventions du Conseiller fédéral Burkhalter [BO 2009 CE 1240] et du Conseiller national Rossini [BO 2010 CN 47]).

A l’inverse de ce que fait valoir l’assuré, l’assureur-maladie ne réalise pas un profit « sur le dos des assurés » puisque ceux-ci ne sont pas tenus de s’acquitter d’une somme plus élevée que les créances arriérées faisant l’objet de l’acte de défaut de biens. Quant à la situation résultant du système prévu par l’art. 64a al. 3 à 5 LAMal pour les cantons, qui conduirait à permettre aux caisses-maladie de récupérer jusqu’à 135% de la créance initiale alors que les cantons pourraient enregistrer une perte allant jusqu’à 35%, elle a incité le canton de Thurgovie à déposer une initiative. Celle-ci propose d’amender l’art. 64a al. 4 LAMal en ce sens que moyennant une prise en charge à hauteur de 90% des créances arriérées par le canton, celui-ci deviendrait le créancier de l’assuré et pourrait alors entreprendre auprès de lui les démarches visant à recouvrer l’intégralité du montant figurant dans l’acte de défaut de biens. La solution envisagée modifie ainsi la clef de répartition du risque financier entre caisses-maladie et cantons (Initiative cantonale « Exécution de l’obligation de payer les primes. Modification de l’article 64a de la loi fédérale sur l’assurance-maladie » [16.312; Thurgovie] déposée le 30 mai 2016, à laquelle les Commissions de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil des Etats et du Conseil national ont donné suite en date respectivement des 28 mars 2017 et 25 janvier 2018). L’initiative ne touche en revanche pas à l’obligation de l’assuré de s’acquitter intégralement des primes d’assurance et participations aux coûts arriérées.

 

Compte tenu de ce précède, quand bien même la caisse-maladie réaliserait une plus-value en cas de remboursement intégral, par l’assuré, de ses dettes, cette plus-value ne pourrait être considérée comme abusive au regard de l’art. 64a al. 5 LAMal. Le système de répartition de la perte financière entre l’assureur-maladie et le canton décidé par le législateur ne concerne pas l’assuré, qui demeure tenu au paiement de l’entier de ses dettes.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_160/2019 consultable ici

 

 

8C_709/2018 (f) du 18.06.2019 – Rente d’invalidité – 16 LPGA / Revenu sans invalidité – Perte de l’emploi est due à des motifs étrangers à l’invalidité / Détermination du revenu sans invalidité selon la moyenne du salaire auprès de 5 entreprises de la région

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_709/2018 (f) du 18.06.2019

 

Consultable ici

 

Rente d’invalidité / 16 LPGA

Revenu sans invalidité – Perte de l’emploi est due à des motifs étrangers à l’invalidité

Détermination du revenu sans invalidité selon la moyenne du salaire auprès de 5 entreprises de la région

 

Assuré, né en 1969, a travaillé à partir de janvier 2002 en qualité de mécanicien. En 2010, la société a cessé ses activités, de sorte que le prénommé a perdu son emploi (licenciement pour des raisons économiques).

Le 15.05.2011, alors qu’il pratiquait la course à pied, l’assuré s’est blessé au genou gauche. Il a été opéré à trois reprises entre le 03.02.2012 et le 13.05.2013. A l’époque de l’accident, il était inscrit au chômage.

Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a nié le droit de l’assuré à une rente d’invalidité, motif pris que le taux d’incapacité de gain était inférieur à 10%. Entre autres éléments de calcul, l’assurance-accidents a pris en compte un revenu sans invalidité de 64’568 fr. en se fondant sur les données de cinq entreprises situées dans le canton de Neuchâtel auxquelles elle avait demandé le montant du salaire versé en 2015 à un mécanicien sur machines sans CFC qui aurait été engagé en 2002.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 118/17 – 104/2018 – consultable ici)

Par jugement du 06.09.2018, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Le revenu hypothétique de la personne valide se détermine en établissant au degré de la vraisemblance prépondérante ce qu’elle aurait effectivement pu réaliser au moment déterminant si elle était en bonne santé. Il doit être évalué de la manière la plus concrète possible; c’est pourquoi il se déduit en principe du salaire réalisé en dernier lieu par la personne assurée avant l’atteinte à la santé, en tenant compte de l’évolution des salaires jusqu’au moment de la naissance du droit à la rente (ATF 134 V 322 consid. 4.1 p. 325; 129 V 222 consid. 4.3.1 p. 224 et les références).

Toutefois, lorsque la perte de l’emploi est due à des motifs étrangers à l’invalidité, le salaire doit être établi sur la base de valeurs moyennes (arrêt 9C_212/2015 du 9 juin 2015 consid. 5.4). Autrement dit, n’est pas déterminant pour la fixation du revenu hypothétique de la personne valide le salaire que la personne assurée réaliserait actuellement auprès de son ancien employeur, mais bien plutôt celui qu’elle réaliserait si elle n’était pas devenue invalide (arrêt 9C_394/2013 du 27 septembre 2013 consid. 3.3 et les références; ULRICH MEYER/MARCO REICHMUTH, Bundesgesetz über die Invalidenversicherung [IVG], 3e éd. 2014, n° 50 ad art. 28a et MICHEL VALTERIO, Droit de l’assurance-vieillesse et survivants [AVS] et de l’assurance-invalidité [AI], 2011, p. 552 n. 2082).

En l’occurrence, l’assuré a perdu son emploi pour des motifs étrangers à l’invalidité, de sorte que le revenu qu’il percevait auprès de son dernier employeur n’est pas déterminant. En tout état de cause, lorsque le salaire réalisé en dernier lieu par la personne assurée est supérieur à la moyenne, il ne peut être pris en considération au titre de revenu sans invalidité que s’il est établi au degré de la vraisemblance prépondérante que la personne assurée aurait continué à le percevoir (cf. arrêt 8C_124/2018 du 25 mai 2018 consid. 5.3). Or, l’assuré n’est pas parvenu à démontrer qu’il aurait pu continuer à percevoir le même salaire qu’il obtenait auprès de son ancien employeur, se bornant à indiquer qu’il n’est pas possible d’exclure cette possibilité.

Quant à la méthode utilisée par l’assurance-accidents pour fixer le revenu sans invalidité, soit la détermination d’une moyenne résultant d’informations reçues par un certain nombre d’entreprises, l’assuré n’a pas démontré qu’elle était contraire au droit. Les cinq entreprises sélectionnées ont indiqué le salaire qu’elles auraient versé en 2015 à un mécanicien sans CFC, engagé auprès d’elles en 2002, ce qui correspond à la situation de l’assuré et permet donc de déterminer de manière relativement concrète le salaire qu’il pourrait réaliser s’il n’était pas devenu invalide. En tant que l’assuré soutient que le revenu sans invalidité retenu aurait été plus élevé si l’assurance-accidents s’était référée à des grandes entreprises, il n’apporte aucun élément de preuve concret à l’appui de cette allégation.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_709/2018 consultable ici