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8C_685/2015 (f) du 13.09.2016 – Causalité naturelle et adéquate pour les troubles psychiques additionnelles à une atteinte à la santé physique / 6 LAA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_685/2015 (f) du 13.09.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2epVzjl

 

Causalité naturelle et adéquate pour les troubles psychiques additionnelles à une atteinte à la santé physique / 6 LAA

Examiner la causalité adéquate avant la causalité naturelle pose problème et ne peut être confirmé

 

Assurée, opératrice en horlogerie, est victime d’un accident de la circulation le 29.01.2010 sur une route verglacée. La conductrice de la voiture dans laquelle elle avait pris place comme passagère à l’arrière a perdu la maîtrise de son véhicule, lequel a dérapé de la droite vers la gauche avant de finir sa course dans un champ en contrebas d’un talus. Au cours de cette manœuvre, l’assurée a heurté sa tête contre le siège avant et son bras droit contre la portière, ce qui lui a occasionné une fracture pluri-fragmentaire sous-capitale de l’humérus droit.

L’évolution s’est révélée défavorable tant sur le plan de la mobilité que celui des douleurs. Le diagnostic de syndrome complexe du membre supérieur droit de type CRPS 1 sympatico-dépendant (complexe regional pain syndrome) a, par la suite, été posé. L’assurée a accompli un séjour de réadaptation du 27.04.2011 au 27.05.2011 pour suivre des thérapies physiques et fonctionnelles. Les médecins de la clinique de réadaptation ont indiqué que l’assurée excluait la plupart du temps son membre supérieur droit et qu’un consilium psychiatrique avait mis en évidence un trouble de l’adaptation avec une réaction dépressive prolongée.

Le 22.12.2012, l’assurée a subi un second accident (chute entraînant une fracture de l’extrémité distale du radius au poignet droit, traitée conservativement).

Par décision et décision sur opposition, l’assurance-accidents a alloué à l’assurée une rente d’invalidité d’un taux de 45% ainsi qu’une indemnité pour atteinte à l’intégrité de 50%. L’assureur-accidents a refusé de prendre en charge une éventuelle incapacité de travail sur le plan psychique, faute d’un rapport de causalité adéquate.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 26.08.2015, acceptation du recours par le tribunal cantonal et annulation de la décision litigieuse.

 

TF

Causalité naturelle

Le droit à des prestations découlant d’un accident suppose tout d’abord, entre l’événement dommageable de caractère accidentel et l’atteinte à la santé, un lien de causalité naturelle. L’exigence d’un lien de causalité naturelle est remplie lorsqu’il y a lieu d’admettre que, sans l’événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout, ou qu’il ne serait pas survenu de la même manière. Savoir s’il existe un rapport de causalité naturelle est une question de fait, généralement d’ordre médical, qui doit être résolue en se conformant à la règle du degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit pas que l’existence d’un rapport de cause à effet soit simplement possible; elle doit pouvoir être qualifiée de probable dans le cas particulier, sans quoi le droit aux prestations fondées sur l’accident doit être nié (ATF 129 V 177 consid. 3.1 p. 181, 402 consid. 4.3.1 p. 406; 119 V 335 consid. 1 p. 337).

 

Causalité adéquate

Le droit à des prestations suppose en outre un rapport de causalité adéquate entre l’accident et l’incapacité de travail, question de droit qu’il appartient à l’administration et, en cas de recours, au juge de trancher. En présence d’une affection psychique additionnelle à une atteinte à la santé physique, le caractère adéquat du lien de causalité ne peut être admis que si l’accident revêt une importance déterminante dans déclenchement de l’affection psychique. Ainsi, lorsque l’événement accidentel est insignifiant, l’existence du lien en question peut d’emblée être niée, tandis qu’il y a lieu de le considérer comme établi, lorsque l’assuré est victime d’un accident grave. Par contre, lorsque la gravité de l’événement est qualifiée de moyenne, la jurisprudence a dégagé un ensemble de critères objectifs à prendre en considération pour l’examen du caractère adéquat du lien de causalité (sur ces critères, voir ATF 115 V 133 consid. 6 p. 138 ss et 403 consid. 5 p. 407 ss).

 

Examiner la causalité adéquate avant la causalité naturelle pose problème et ne peut être confirmé

Dans la mesure où le caractère naturel et le caractère adéquat de la relation de causalité doivent être cumulés pour octroyer des prestations d’assurance-accidents, la jurisprudence admet de laisser ouverte la question du rapport de causalité naturelle dans les cas où ce lien de causalité ne peut de toute façon pas être qualifié d’adéquat (ATF 135 V 465 consid. 5.1 p. 472). En revanche, la façon de faire des juges cantonaux consistant à reconnaître un rapport de causalité adéquate avant que les questions de fait relatives à la nature des troubles psychiques en cause et à leur causalité naturelle ne soient élucidées pose problème et ne peut être confirmée. D’une part, il est contraire à la logique du système de retenir qu’un accident est propre, sous l’angle juridique, à provoquer une incapacité de travail d’origine psychique chez la personne assurée alors que l’on ignore de quels troubles psychiques celle-ci est atteinte et si cet accident en constitue la cause naturelle. D’autre part, la reconnaissance préalable d’un lien de causalité adéquate est un élément de nature à influencer, consciemment ou non, le médecin psychiatre dans son appréciation du cas, et donc le résultat d’une expertise psychiatrique réalisée après coup s’en trouverait biaisé.

 

Le TF accepte partiellement le recours de l’assurance-accidents, renvoyant la cause à l’assureur pour instruction complémentaire.

 

 

Arrêt 8C_685/2015 consultable ici : http://bit.ly/2epVzjl

 

 

9C_791/2015 (f) du 01.09.2016 – Preuve par témoin de l’envoi d’un recours au tribunal cantonal

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_791/2015 (f) du 01.09.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2dCeohG

 

Preuve par témoin de l’envoi d’un recours au tribunal cantonal – 60 LPGA

 

Le 19.06.2015, la caisse de compensation a rendu une décision sur opposition en matière de réparation du dommage qu’elle a adressée au mandataire de A.__. La notification de cette décision est intervenue le 23.06.2015.

 

Procédure cantonale

A.__ a déféré cette décision au tribunal cantonal. Le cachet postal apposé sur l’enveloppe porte la date du 25.08.2015 ; au recto de l’enveloppe figure également une note manuscrite signée par B.__ déclarant qu’il « dépose dans la boîte jaune Genève 3 Rive ce lundi 24 août 2015 à 21h49 ». Des photographies ont prises avec l’iPhone du mandataire.

La juridiction cantonale a considéré que la mention manuscrite apposée sur l’enveloppe par B.__ ne suffisait pas, à elle seule, à prouver, ni même à rendre vraisemblable le dépôt du recours avant la fin de l’échéance du délai. Le tribunal cantonal a renoncé à procéder à l’audition de B.__ ou d’un autre témoin éventuel. Par jugement du 21.09.2015, la juridiction cantonale a déclaré le recours irrecevable pour cause de tardiveté.

 

TF

La preuve stricte de l’observation du délai de recours, donc de l’expédition de l’acte en temps utile, incombe à la partie (art. 8 CC; ATF 121 V 5 consid. 3b p. 6; arrêt 8C_661/2015 du 14 juin 2016 consid. 2.2; arrêt 9C_118/2016 du 19 avril 2016 consid. 2.1 et les références). Le délai de recours est considéré comme respecté lorsque l’acte a été remis au plus tard le dernier jour du délai à minuit dans une boîte aux lettres (ATF 109 Ia 183 consid. 3a p. 184; arrêt 1F_10/2010 du 17 mai 2010). Si le sceau postal fait foi de la date d’expédition, cette présomption est réfragable, la partie ayant le droit de prouver par tous moyens utiles – en particulier par témoins – que le pli a été déposé en temps utile dans une boîte postale alors même qu’il n’aurait été oblitéré que le lendemain (ATF 124 V 372 consid. 3b p. 375; 115 Ia 8 consid. 3a p. 11 ss et les références; 109 Ib 343 consid. 2b p. 345; arrêts 9C_139/2016 du 24 mai 2016 consid. 2, et 9C_118/2016 précité).

Selon la jurisprudence, la mention inscrite sur l’enveloppe selon laquelle une personne en a vu une autre mettre une enveloppe à la boîte aux lettres est en principe de nature à établir que le recours a effectivement été déposé en temps utile (par ex. arrêt 1F_10/2010 précité). Il en va de même lorsqu’une personne prend une photographie de la personne qui dépose l’enveloppe dans la boîte aux lettres; le photographe est alors lui-même témoin du dépôt du pli.

Dans le cas d’espèce, les preuves offertes par le recourant, à savoir l’examen des photographies et des données de l’iPhone de son mandataire, sont de nature à inférer que le témoin B.__ n’était pas seul devant la boîte aux lettres à Genève 3 Rive le soir du 24 août 2015, mais que, selon toute vraisemblance, un tiers s’y trouvait également, à savoir la personne qui l’a photographié. Sur l’une des images, on voit en effet les deux mains de la personne occupée à rédiger l’attestation signée sur l’enveloppe adressée au tribunal cantonal, laquelle est ensuite insérée dans la boîte.

Dès lors que B.__ n’était apparemment pas seul sur place, le tribunal cantonal devait préalablement l’interroger sur les circonstances du dépôt du pli. En refusant de faire toute la lumière sur ce point et d’entendre B.__, la juridiction cantonale a d’emblée écarté un moyen de preuve pertinent reconnu par la jurisprudence pour faire attester du respect du délai de recours, en violation du principe inquisitoire.

 

Le TF accepte le recours de A.__.

 

 

Arrêt 9C_791/2015 consultable ici : http://bit.ly/2dCeohG

 

 

9C_220/2016 (f) du 01.09.2016 – Jugement et audience publique / 30 al. 3 Cst. – 6 par. 1 CEDH

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_220/2016 (f) du 01.09.2016

 

Consultable ici : 9C_220/2016 (f)

 

Jugement et audience publique / 30 al. 3 Cst. – 6 par. 1 CEDH

 

TF

L’art. 30 al. 3 Cst., selon lequel l’audience et le prononcé du jugement sont publics, ne confère pas au justiciable de droit à une audience publique. Il se limite à garantir qu’une telle audience se déroule publiquement lorsqu’il y a lieu d’en tenir une. Le droit à des débats existe seulement pour les causes qui bénéficient de la protection de l’art. 6 par. 1 CEDH, lorsque la procédure applicable le prévoit ou lorsque sa nécessité découle des exigences du droit à la preuve (ATF 128 I 288 consid. 2.6 p. 293). L’art. 6 par. 1 CEDH garantit notamment à chacun le droit à ce que sa cause soit entendue publiquement. L’obligation d’organiser des débats publics au sens de cette disposition suppose une demande formulée de manière claire et indiscutable. Une requête de preuve (demande tendant à la comparution personnelle, à l’interrogatoire des parties, à l’audition de témoins ou à une inspection locale) ne suffit pas à fonder une telle obligation (ATF 122 V 47 consid. 2c p. 51 et 3a p. 55).

Saisi d’une demande tendant à la mise en œuvre de débats publics, le juge doit en principe y donner suite. Il peut cependant s’abstenir dans les cas prévus par l’art. 6 par. 1 seconde phrase CEDH, lorsque la demande est abusive (chicanière ou dilatoire), lorsqu’il apparaît clairement que le recours est infondé, irrecevable ou, au contraire, manifestement bien-fondé ou lorsque l’objet du litige porte sur des questions hautement techniques (cf. ATF 136 I 279 consid. 1 p. 280; 134 I 331 consid. 2.3 p. 333; 122 V 47 consid. 3b p. 55). Le Tribunal fédéral a par ailleurs précisé qu’il ne pouvait être renoncé à des débats publics au motif que la procédure écrite convenait mieux pour discuter de questions d’ordre médical, même si l’objet du litige porte essentiellement sur la confrontation d’avis spécialisés au sujet de l’état de santé et de l’incapacité de travail d’un assuré en matière d’assurance-invalidité (ATF 136 I 279 consid. 3 p. 283).

 

En l’espèce, les premiers juges ne pouvaient pas renoncer à organiser des débats publics pour les motifs invoqués dans l’arrêt entrepris – l’instruction du dossier était complète, la tenue d’une audience n’étant pas de nature à influer sur le sort du litige – sous peine de violer le droit fédéral. Il s’agit en effet d’une procédure bénéficiant de la protection de l’art. 6 par. 1 CEDH (ATF 125 V 499 consid. 2a p. 501; 122 V 47 consid. 2a p. 50) et qui ne tombe en l’espèce pas sous le coup d’une exception prévue par la jurisprudence. Il ne s’agit en particulier pas d’une procédure consacrée exclusivement à des points de droit ou hautement techniques. Il existe par ailleurs une demande certes non motivée mais claire et indiscutable dans ses termes qui ne saurait être confondue avec une simple requête de preuve.

 

Le TF accepte le recours de l’assuré, renvoie la cause à la cour cantonale afin qu’elle organise des débats publics et rende une nouvelle décision.

 

Arrêt consultable ici : 9C_220/2016 (f)

 

8C_622/2015 (f) du 25.08.2016 – Causalité adéquate pour les troubles psychiques additionnelles à une atteinte à la santé physique pour un accident de gravité moyenne – 6 LAA / Piétonne renversée par une moto en traversant un passage-piétons – catégorie moyenne stricte vs à la limite supérieure

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_622/2015 (f) du 25.08.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2exuYR1

 

Causalité adéquate pour les troubles psychiques additionnelles à une atteinte à la santé physique pour un accident de gravité moyenne / 6 LAA

Piétonne renversée par une moto en traversant un passage-piétons – catégorie moyenne stricte vs à la limite supérieure

 

Le 17.11.2006, une assurée, inscrite au chômage, a été renversée par une moto alors qu’elle traversait un passage pour piétons. Il en est résulté un polytraumatisme sous la forme d’un TCC, de multiples fractures (fracture frontale gauche et fracture du rocher droit, fracture du cotyle droit et de l’aile iliaque droite, fracture du cubitus à droite, fracture de la branche ischio-pubienne, fractures des côtes à droite), d’une surdité mixte de l’oreille droite ainsi que d’une plaie de la cuisse droite (décollement de type Morel-Lavallée).

Du rapport d’expertise psychiatrique du 09.01.2012, les diagnostics suivants ont été posés : stress post-traumatique en rémission, trouble anxieux et dépressif mixte, majoration de symptômes physiques pour des raisons psychologiques. L’expert psychiatre a considéré que les troubles résiduels d’ordre psychique entraînaient une diminution des performances de l’assurée de 20% au maximum selon les exigences du poste travail.

L’assureur-accidents a alloué à l’assurée une IPAI d’un taux de 25% et lui a refusé l’octroi d’une rente d’invalidité.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 25.06.2015, admission partiel par le tribunal cantonal (octroi rente d’invalidité de 20% et renvoie de la cause à l’assureur-accidents).

 

TF

 

Causalité adéquate pour les troubles psychiques additionnelles à une atteinte à la santé physique

Le droit à des prestations de l’assurance-accidents (telles qu’une rente d’invalidité) suppose d’abord un lien de causalité naturelle et adéquate entre l’événement dommageable de caractère accidentel et l’atteinte à la santé (sur ces notions, voir ATF 129 V 177 consid. 3.1 et 3.2 p. 181).

En présence d’une affection psychique additionnelle à une atteinte à la santé physique, la jurisprudence a dégagé des critères objectifs qui permettent de juger du caractère adéquat de troubles psychiques consécutifs à un accident, la causalité ne pouvant être admise que si l’accident revêt une importance déterminante dans la survenance d’une incapacité de travail due à l’atteinte psychique (cf. JEAN-MAURICE FRÉSARD/MARGIT MOSER-SZELESS, L’assurance-accidents obligatoire, in: Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], 3ème éd., 2016, no 121).

C’est ainsi que la jurisprudence a tout d’abord classé les accidents en trois catégories, en fonction de leur déroulement: les accidents insignifiants, ou de peu de gravité; les accidents de gravité moyenne et les accidents graves. Pour procéder à cette classification, il convient non pas de s’attacher à la manière dont l’assuré a ressenti et assumé le choc traumatique, mais bien plutôt de se fonder, d’un point de vue objectif, sur l’événement accidentel lui-même. Sont déterminantes pour apprécier le degré de gravité d’un accident les forces générées par l’accident et non pas les conséquences qui en résultent. La gravité des lésions subies – qui constitue l’un des critères objectifs pour juger du caractère adéquat du lien de causalité – ne doit être prise en considération à ce stade de l’examen que dans la mesure où elle donne une indication sur les forces en jeu lors de l’accident (arrêts 8C_398/2012 du 6 novembre 2012 consid. 5.2 in SVR 2013 UV n° 3 p. 8 et 8C_435/2011 du 13 février 2012 consid. 4.2 in SVR 2012 UV n° 23 p. 84).

En cas d’accident de gravité moyenne, il faut prendre en considération un certain nombre de critères déterminants (sur ces critères, voir ATF 115 V 133 consid. 6c/aa p. 140; 403 consid. 5c/aa p. 409). Il n’est pas nécessaire que soient réunis dans chaque cas tous ces critères. Suivant les circonstances, un seul d’entre eux peut être suffisant pour faire admettre l’existence d’une relation de causalité adéquate. Il en est ainsi lorsque l’accident considéré apparaît comme l’un des plus graves de la catégorie intermédiaire, à la limite de la catégorie des accidents graves, ou encore lorsque le critère pris en considération s’est manifesté de manière particulièrement importante (ATF 115 V 133 consid. 6 c/bb p. 140; 403 consid. 5 c/bb p. 409).

 

Classement de l’accident – gravité moyenne stricte vs gravité moyenne à la limite supérieure

S’agissant du déroulement de l’accident du 17 novembre 2006, on sait que l’assurée a été renversée par une moto au moment de traverser un passage piéton. Il n’y a toutefois aucune information sur la vitesse à laquelle la moto a heurté l’assurée ni sur les dimensions de celle-ci. On ignore également si le conducteur responsable de l’accident a effectué un freinage. Il semble qu’un rapport de police ait été établi, mais ce document ne se trouve pas au dossier. Selon les dires de l’assurée, celle-ci aurait été projetée à douze mètres avant de retomber violemment sur l’asphalte. Si l’on se réfère à la casuistique des accidents concernant des personnes renversées à un passage piétons, les cas classés dans la catégorie des accidents de gravité moyenne ont en commun le fait que la collision s’est produite à une vitesse plutôt modérée (voir par exemple les arrêts 8C_236/2016 du 11 août 2016 et 8C_816/2012 du 4 septembre 2013). En revanche, l’accident subi par une assurée, fauchée par une voiture qui n’a pratiquement pas freiné et projetée en l’air à près de 15 mètres, a été rangé à la limite supérieure des accidents de gravité moyenne (arrêt U 214/04 du 15 mars 2005). En l’espèce, à défaut d’une indication autre que les lésions subies – qui consistent tout de même en un polytraumatisme important – pour déterminer la gravité de l’accident assuré, on peut hésiter à classer cet événement dans la catégorie des accidents de gravité moyenne ou à la limite de celle des accidents graves.

Par ailleurs, il manque des éléments essentiels au dossier. La cause est renvoyée au tribunal cantonal pour procéder à des mesures d’instruction nécessaires.

 

Le TF accepte partiellement le recours de l’assurance-accidents.

 

 

Arrêt 8C_622/2015 consultable ici : http://bit.ly/2exuYR1

 

 

4A_179/2016 (f) du 30.08.2016 – Accident de la circulation scooter contre enfant de presque 5 ans souffrant d’hyperactivité – 59 al. 2 LCR – 60 LCR / Responsabilité de la mère du blessé l’ayant confié à sa jeune sœur de 9 ans – 302 CC

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_179/2016 (f) du 30.08.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2emeh8W

 

Accident de la circulation scooter contre enfant de presque 5 ans souffrant d’hyperactivité – 59 al. 2 LCR – 60 LCR

Responsabilité de la mère du blessé l’ayant confié à sa jeune sœur de 9 ans – 302 CC

 

Le 04.04.2011 en début d’après-midi, X.__ conduisait un scooter en direction du village d’Anières. Sur le trottoir longeant la chaussée à sa droite, les enfants B.__, âgé de quatre ans et onze mois, et sa sœur C.__, âgée de neuf ans, marchaient dans la même direction. Le cadet est alors inopinément descendu du trottoir et le scootériste l’a heurté à la vitesse d’environ 60 km/h ; cet enfant a subi d’importantes lésions corporelles.

B.__ souffrait d’hyperactivité, soit d’une activité motrice augmentée, désordonnée et impulsive. Sa famille était très récemment immigrée en Suisse et il n’avait reçu aucune leçon d’éducation routière. Au moment de l’accident, il se rendait à l’école. Sa mère l’accompagnait habituellement; ce jour-là, en raison d’un empêchement, elle l’avait confié à C.__.

Au lieu de l’accident, des signaux limitaient la vitesse des véhicules à 60 km/h.

 

TF

Le scootériste X.__ ne prétend pas que sa responsabilité soit atténuée par une faute personnelle du jeune B.__. Il admet qu’un enfant de cinq ans manque à peu près totalement de la capacité de discernement nécessaire à un piéton confronté au trafic routier, et que cet enfant est donc insusceptible d’un comportement fautif (cf. Roland Brehm, La responsabilité civile automobile, 2 e éd., 2010, n° 511 p. 199). En revanche, il soutient que la mère du blessé a commis une faute en faisant accompagner son fils par sa fille aînée, alors que celle-ci, âgée de neuf ans, manquait elle aussi d’une capacité de discernement et d’anticipation suffisante, et qu’elle n’était donc pas en mesure d’assurer la sécurité de son frère.

A teneur de l’art. 302 al. 1 CC concernant les effets de la filiation, les père et mère ont notamment le devoir de favoriser et de protéger le développement corporel, intellectuel et moral de leur enfant. Dans le contexte de la garde de l’enfant, cette règle impose aux père et mère de veiller à sa sécurité physique. Ils assument envers lui une position de garant et la violation de leurs devoirs engage leur responsabilité délictuelle selon l’art. 41 CO (cf. Cyril Hegnauer, Haften die Eltern für das Wohl des Kindes ?, RDT 2007 p. 167, 168; le même auteur, in Commentaire bernois, 1997, n° 29 ad art. 272 CC; Felix Schöbi, Die Haftung der Eltern für das Wohl des Kindes, in Aus der Werkstatt des Rechts, 2006, p. 97, 101). Les père et mère sont notamment responsables de veiller à la sécurité de l’enfant dans le trafic routier (Brehm, op. cit., n° 664 p. 262). La Cour de justice se réfère erronément à l’art. 333 CC qui ne concerne pas la responsabilité du chef de la famille envers un enfant vivant dans son ménage, mais sa responsabilité envers des tiers par suite d’actes dommageables commis par cet enfant (Brehm, ibid.; Isabelle Wildhaber, in Commentaire bâlois, 5e éd., n° 8 ad art. 333 CC).

Sur la route en question, la circulation des piétons avoisine celle de véhicules dont la vitesse peut atteindre 60 km/h. En raison de son jeune âge, du manque de discernement correspondant et de son hyperactivité, B.__ ne pouvait pas parcourir seul l’itinéraire qui le conduisait à l’école par cette artère; il devait impérativement y être accompagné d’une personne capable d’assurer sa sécurité et, en particulier, de lui imposer un comportement approprié à la situation.

Agée de neuf ans, sa sœur était vraisemblablement capable de cheminer seule sur le trottoir de cette route, sans risque d’accident excédant celui encouru par quiconque dans la même situation. En revanche, on ne saurait présumer qu’elle jouît des moyens intellectuels et physiques de surveiller et diriger efficacement un autre enfant dans cette même situation, de surcroît atteint d’hyperactivité. Son frère cadet avait au contraire besoin d’un encadrement particulièrement ferme et attentif. Dans ces conditions, sa mère devait l’accompagner elle-même ou le confier à une autre personne adulte, avertie du comportement turbulent de cet enfant. Dans les considérants de son arrêt, la Cour de justice retient avec raison que la mère, en confiant son fils à C.__, n’a « pas entièrement satisfait à ses devoirs de surveillance » et qu’elle a par-là commis une faute.

La répartition entre les deux coresponsables doit s’accomplir en considération du risque inhérent à l’emploi d’un scooter, de la faute du scootériste et de la faute de la mère ; ce sont les trois causes significatives de l’accident (cf. ATF 132 III 249 consid. 3.1 p. 252/253). Le scootériste répond de ce risque et de sa propre faute.

La mère de B.__ était empêchée d’accompagner elle-même son fils en raison d’un « rendez-vous ». Dans cette situation, quelle que fût la cause de l’empêchement, il s’imposait de confier l’enfant à une autre personne adulte, connaissant ce bambin ou avertie de son comportement remuant, et capable d’assurer l’encadrement nécessaire.

Les deux fautes en présence doivent être tenues pour graves et à peu près équivalentes. Compte tenu du risque inhérent à l’emploi du scooter, il convient d’imputer la responsabilité de l’accident au scootériste à hauteur de 70% et à la mère à hauteur de 30% (cf. Brehm, op. cit, n° 601 p. 238), conformément aux conclusions soumises au Tribunal fédéral.

 

Le TF admet partiellement le recours du scootériste.

 

 

Arrêt 4A_179/2016 consultable ici : http://bit.ly/2emeh8W

 

 

9C_237/2016 (f) du 24.08.2016 – Méthode d’évaluation de l’invalidité – Comparaison en pourcent – 16 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_237/2016 (f) du 24.08.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2eeQ1Ez

 

Méthode d’évaluation de l’invalidité – Comparaison en pourcent – 16 LPGA

Incapacité de travail se confondant avec l’incapacité de gain

 

TF

Selon la jurisprudence (cf. arrêt 9C_225/2016 du 14 juillet 2016 consid. 6.2.2 et 6.2.3), il est possible de fixer la perte de gain d’un assuré directement sur la base de son incapacité de travail en faisant une comparaison en pour-cent. Cette méthode constitue une variante admissible de la comparaison des revenus basée sur des données statistiques: le revenu hypothétique réalisable sans invalidité équivaut alors à 100%, tandis que le revenu d’invalide est estimé à un pourcentage plus bas, la différence en pour-cent entre les deux valeurs exprimant le taux d’invalidité (arrêts 8C_628/2015 du 6 avril 2016 consid. 5.3.5 et 8C_211/2013 du 3 octobre 2013 consid. 4.1 in SVR 2014 UV n° 1 p. 1; Meyer/Reichmuth, Bundesgesetz über die Invalidenversicherung [IVG], 3ème éd. 2014, n. 35 s. ad art. 28a LAI). L’application de cette méthode se justifie lorsque le salaire sans invalidité et celui avec invalidité sont fixés sur la base des mêmes données statistiques, lorsque les salaires avant et/ou après invalidité ne peuvent pas être déterminés, lorsque l’activité exercée précédemment est encore possible (en raison par exemple du contrat de travail qui n’a pas été résilié), ou encore lorsque cette activité offre de meilleures possibilités de réintégration professionnelle (en raison par exemple d’un salaire sans invalidité supérieur à celui avec invalidité; arrêts 9C_100/2010 du 23 mars 2010 consid. 2.1, 9C_310/2009 du 14 avril 2010 consid. 3.2 et 8C_294/2008 du 2 décembre 2008 consid. 6.4.1).

Comme l’ont retenu les premiers juges ( arrêt AI 203/12 – 44/2016 du 2 février 2016), les conditions étaient réunies pour procéder à une comparaison en pour-cent. En effet, l’assurée était en mesure de reprendre l’activité qui était la sienne avant la survenance de l’atteinte à la santé – l’office AI ayant retenu une capacité de travail de 60% dès le 2 juin 2007 dans l’activité habituelle, puis de 100% dès le 11 mars 2009. L’assurée a par ailleurs effectivement repris cette activité après l’accident survenu le 25 mars 2007 à 60% dès le 1er juin 2007. Le fait que son employeur l’a ultérieurement licenciée (avec effet au 31 mai 2008) n’a pas d’incidence sur le choix de la méthode à appliquer pour calculer le taux d’invalidité puisque l’assurée avait déjà repris son ancienne activité en 2007. Elle a en outre conservé un éventail relativement large de possibilités de réintégration sur un marché du travail similaire à celui dans lequel se trouvait son activité de représentante et dont les revenus concernés auraient ainsi été fondés sur les mêmes données statistiques. En tout état de cause, il serait difficile de chiffrer les revenus de l’assurée avec et sans invalidité, le salaire de cette dernière se composant à raison de 50% d’une part fixe et de 50% d’une part variable en fonction des commissions perçues.

Dans la mesure où l’assurée était incapable de poursuivre son activité habituelle à raison de 40% mais a continué son activité à un taux de travail réduit, la perte de gain ne pouvait que correspondre à la diminution de rendement. L’incapacité de travail se confondait ainsi avec l’incapacité de gain. C’est dès lors à bon droit que la juridiction cantonale a fixé le taux d’invalidité à 40% sans analyse des revenus mais en procédant à la comparaison en pour-cent.

 

Le TF rejette le recours de l’office AI.

 

 

Arrêt 9C_237/2016 consultable ici : http://bit.ly/2eeQ1Ez

 

 

9C_232/2016 (f) du 01.09.2016 – Incessibilité des prestations – 22 LPGA / Versement des arriérés de la rente AI à la caisse de prévoyance, à titre de tiers ayant fait une avance – 85bis RAI

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_232/2016 (f) du 01.09.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2eg9CEt

 

Incessibilité des prestations – 22 LPGA

Versement des arriérés de la rente AI à la caisse de prévoyance, à titre de tiers ayant fait une avance – 85bis RAI

 

Le 10.05.2000, l’assuré a déposé une demande de prestations auprès de l’office AI. Le 30.04.2014, la caisse de compensation a informé les tiers ayant fait des avances à l’assuré que celui-ci avait droit à des paiements rétroactifs de l’assurance-invalidité et les a invités à lui communiquer le cas échéant le montant dont ils demandaient le remboursement. Le 19.05.2014, la caisse de prévoyance a fait valoir un montant de 32’246 fr. 90, portant sur la période du 01.01.2008 au 30.06.2014, pour laquelle elle avait versé une rente d’invalidité à l’assuré.

L’office AI a octroyé une demi-rente à compter du 01.07.2014. Il lui a par la suite reconnu le droit à une demi-rente du 01.01.2000 au 30.06.2014 ; il a fixé le montant total de l’arriéré de rentes dû en faveur de l’assuré à 70’509 fr.. Selon un décompte auquel renvoie la décision, le montant à verser à titre de compensation en faveur de la caisse de prévoyance s’élevait à 29’101 fr. 60, sous déduction de l’impôt à la source par 2’910 fr.

 

TF

Selon l’art. 22 LPGA, le droit aux prestations est incessible; il ne peut être donné en gage. Toute cession ou mise en gage est nulle. Les prestations accordées rétroactivement par l’assureur social peuvent en revanche être cédées à l’employeur ou à une institution d’aide sociale publique ou privée dans la mesure où ceux-ci ont consenti des avances (let. a) ou à l’assureur qui a pris provisoirement à sa charge des prestations (let. b).

Les employeurs, les institutions de prévoyance professionnelle, les assurances-maladie, les organismes d’assistance publics ou privés ou les assurances en responsabilité civile ayant leur siège en Suisse qui, en vue de l’octroi d’une rente de l’assurance-invalidité, ont fait une avance peuvent exiger, en vertu de l’art. 85bis al. 1, 1ère phrase, RAI, qu’on leur verse l’arriéré de cette rente en compensation de leur avance et jusqu’à concurrence de celle-ci. Selon l’alinéa 2 de cette disposition, sont considérées comme une avance les prestations librement consenties, que l’assuré s’est engagé à rembourser, pour autant qu’il ait convenu par écrit que l’arriéré serait versé au tiers ayant effectué l’avance (let. a), ainsi que les prestations versées contractuellement ou légalement, pour autant que le droit au remboursement, en cas de paiement d’une rente, puisse être déduit sans équivoque du contrat ou de la loi (let. b).

Les avances librement consenties selon l’art. 85bis al. 2 let. a RAI supposent le consentement écrit de la personne intéressée pour que le créancier puisse en exiger le remboursement. Dans l’éventualité de l’art. 85bis al. 2 let. b RAI, le consentement n’est pas nécessaire; celui-ci est remplacé par l’exigence d’un droit au remboursement « sans équivoque ». Pour que l’on puisse parler d’un droit non équivoque au remboursement à l’égard de l’AI, il faut que le droit direct au remboursement découle expressément d’une norme légale ou contractuelle (ATF 136 V 381 consid. 5.1.1 p. 388; 135 V 2 consid. 6.1.2 p. 9; 133 V 14 consid. 8.3 p. 21).

Contrairement à ce qu’a retenu la juridiction cantonale, le cas d’espèce n’est pas comparable à celui qui a donné lieu à l’arrêt 9C_287/2014. Dans cette affaire, la personne concernée ne s’en prenait pas aux considérations de la juridiction cantonale selon lesquelles les conditions de l’art. 85bis RAI étaient réalisées. Cette cause constituait un cas d’application de la jurisprudence d’après laquelle le bien-fondé de la prétention en restitution que l’assurance perte de gain en cas de maladie fait valoir à titre de surindemnisation doit, en cas de litige, être tranché dans une procédure opposant l’assurance et l’assuré (consid. 4.3 de l’arrêt 4A_24/2012 du 30 mai 2012, non publié aux ATF 138 III 411; arrêt I 296/03 du 21 octobre 2004 consid. 4.2).

Dans le cas d’espèce, l’assuré affirmait que les conditions de l’art. 85bis RAI pour le versement des arriérés de la rente d’invalidité à la caisse de prévoyance, à titre de tiers ayant fait une avance, n’étaient pas réalisées. Il soutenait en particulier que le droit au remboursement des prestations de la caisse de prévoyance ne découlait ni de la loi ni du règlement de prévoyance. Or le versement en mains de tiers présuppose le consentement écrit de la personne concernée ou un droit non équivoque au remboursement à l’égard de l’AI.

 

Le TF accepte le recours de l’assuré, annule le jugement attaqué et renvoie la cause à la juridiction cantonale pour qu’elle entre en matière sur le recours déposé par l’assuré le 22.05.2015, puis rende une nouvelle décision.

 

 

Arrêt 9C_232/2016 consultable ici : http://bit.ly/2eg9CEt

 

 

9C_905/2015 (f) du 29.08.2016 – Expertise médicale et troubles psychosomatiques/ syndrome douloureux somatoforme persistant – 44 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_905/2015 (f) du 29.08.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2eCc2gj

 

Expertise médicale et troubles psychosomatiques/ syndrome douloureux somatoforme persistant – 44 LPGA

 

TF

Selon la jurisprudence, la reconnaissance d’une invalidité ouvrant le droit à une rente en raison d’un trouble somatoforme douloureux suppose au préalable qu’un diagnostic psychiatrique relevant de ce champ pathologique ait été posé selon les règles de l’art (ATF 141 V 281 consid. 2 p. 285).

En règle générale, il n’appartient pas au juge de remettre en cause le diagnostic retenu par un médecin et de poser de son propre chef des conclusions qui relèvent de la science et des tâches du corps médical. Il convient bien plutôt pour celui qui entend faire réexaminer le point de vue médical sur lequel s’est fondé l’administration ou le juge de mettre en évidence des éléments objectivement vérifiables – de nature notamment clinique ou diagnostique – qui auraient été ignorés dans le cadre de l’appréciation et qui seraient suffisamment pertinents pour remettre en cause le bien-fondé de celui-ci ou en établir le caractère incomplet (voir arrêt 9C_855/2015 du 2 mai 2016 consid. 4.3).

Dans le cas d’espèce, le volet psychiatrique de l’expertise réalisée apparaît effectivement lacunaire. L’anamnèse quotidienne rapportée par l’expert psychiatre décrivait une qualité de vie relativement préservée avec des interactions sociales importantes (famille, amis), description qui contrastait avec celles opérées par l’expert rhumatologue et l’expert généraliste. Quant à l’anamnèse médicale, elle ne tenait à l’évidence pas compte de l’ensemble des pièces médicales versées au dossier. Afin de motiver l’exclusion du diagnostic de trouble somatoforme, l’expert psychiatre a par ailleurs affirmé – de manière péremptoire et sans autre forme de discussion – que le tableau clinique ne comportait pas de plaintes intenses et de signes de détresse. Ce constat était d’autant moins compréhensible au regard d’autres constatations de l’expertise. En se prononçant sur l’intensité des plaintes et l’absence de signes de détresse, l’expert s’est référé aux critères diagnostics du ch. F45.40 (syndrome douloureux somatoforme persistant) de la CIM-10, sans toutefois intégrer dans sa réflexion les multiples plaintes douloureuses mentionnées dans les autres volets de l’expertise, où il est fait mention de douleurs constantes, nocturnes comme diurnes, avec une intensité entre 50 et 80 sur 100, ainsi que de douleurs constantes mais fluctuant selon les jours, avec paresthésies.

 

Dans la mesure où ce constat était par ailleurs en porte-à-faux avec les avis médicaux précédemment exprimés et l’octroi d’une allocation pour impotent, il appartenait à l’expert d’expliciter de manière détaillée son point de vue et les raisons pour lesquelles il ne partageait pas l’avis de ses confrères. En présence d’un tableau algique sans corrélation avec les atteintes somatiques objectives, le travail d’expertise exigeait en outre de l’intéressé qu’il s’exprime sur les causes d’une telle divergence, en prenant notamment position sur une éventuelle exagération des symptômes, voire une simulation.

 

Le TF accepte le recours de l’assurée, renvoyant la cause à la juridiction cantonale pour la mise en œuvre d’une nouvelle expertise psychiatrique.

 

 

 

Arrêt 9C_905/2015 consultable ici : http://bit.ly/2eCc2gj

 

 

8C_595/2015 (f) du 23.08.2016 – Causalité adéquate pour les troubles psychiques additionnelles à une atteinte à la santé physique pour un accident de gravité moyenne – 6 LAA / Agression par 3 individus – atteinte oculaire – catégorie moyenne stricte

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_595/2015 (f) du 23.08.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2e2J87N

 

Causalité adéquate pour les troubles psychiques additionnelles à une atteinte à la santé physique pour un accident de gravité moyenne / 6 LAA

Agression par 3 individus – atteinte oculaire – catégorie moyenne stricte

 

Assuré travaillant comme aide-cuisinier dans un snack bar a été agressé le 06.05.2012 vers 22h30 par trois individus qui l’ont frappé à la tête au moyen d’une bouteille, d’une boucle de ceinture et d’une barre à mine (rapport de police). Quelques heures après l’agression, il a été emmené aux urgences où les médecins ont posé les diagnostics suivants: TCC, plaie du front, hématome arcade et périorbitaire, atteinte à l’œil droit avec atteinte du globe oculaire et du nerf optique non exclue, fracture des os propres du nez. Les médecins spécialistes en ophtalmologie ont diagnostiqué une contusion oculaire droite avec hyphéma, hématovitré, œdème de Berlin (œdème rétinien), rupture choroïdienne para-papillaire. Ils ont procédé à un lavage de chambre antérieure de l’œil droit le 14.05.2012.

Depuis le 24.08.2012, l’assuré est suivi en raison d’un état de stress post-traumatique et d’un épisode dépressif moyen sans syndrome somatique.

Par décision du 20.06.2013, confirmée sur opposition le 01.04.2014, l’assureur-accidents a mis un terme, avec effet au 01.04.2013, au droit de l’assuré à des prestations en raison de ses troubles psychiques. Elle a considéré en résumé qu’il n’existait pas de lien de causalité adéquate entre les troubles psychiques persistants à cette date et l’accident du 06.05.2012.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 29.06.2015, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Causalité adéquate pour les troubles psychiques additionnelles à une atteinte à la santé physique

En vue de juger du caractère adéquat du lien de causalité entre un accident et une affection psychique additionnelle à une atteinte à la santé physique, il faut d’abord classer les accidents en trois catégories, en fonction de leur déroulement: les accidents insignifiants, ou de peu de gravité; les accidents de gravité moyenne et les accidents graves. Pour procéder à cette classification, il convient non pas de s’attacher à la manière dont l’assuré a ressenti et assumé le choc traumatique, mais bien plutôt de se fonder, d’un point de vue objectif, sur l’événement accidentel lui-même (ATF 140 V 356 consid. 5.3 p. 360; 115 V 133 consid. 6c/aa p. 140, 403 consid. 5c/aa p. 409). Sont déterminantes les forces générées par l’accident et non pas les conséquences qui en résultent ou d’autres circonstances concomitantes qui n’ont pas directement trait au déroulement de l’accident, comme les lésions subies par l’assuré ou le fait que l’événement accidentel a eu lieu dans l’obscurité (Frésard/Moser-Szeless, L’assurance-accidents obligatoire, in Soziale Sicherheit, SBVR vol. XIV, 3 e éd. 2016, p. 934 n° 122).

 

Classement de l’accident – gravité moyenne

Les premiers juges ont classé l’événement du 06.05.2012 dans la catégorie des accidents de gravité moyenne, sans qu’il se situe à la limite des accidents graves ou insignifiants. Se référant à quatre arrêts du Tribunal fédéral où des agressions avaient été qualifiées d’accidents de gravité moyenne à la limite des accidents graves (arrêts U 382/06 du 6 mai 2008; U 36/07 du 8 mai 2007; U 9/00 du 28 août 2001, in RAMA 2001 n° U 440 p. 350; U 226/02 du 13 juin 2003), la juridiction cantonale a considéré que les circonstances de l’événement du 06.05.2012 ne s’en rapprochaient pas. En effet, l’assuré avait été frappé par des compatriotes qu’il avait qualifiés d’amis, avec lesquels il avait passé la soirée à s’enivrer plus que de raison avant que la situation ne dégénérât pour des motifs obscurs.

Les circonstances de l’accident ne sont pas clairement établies. Cela étant, même si l’assuré a été frappé au moyen d’objets susceptibles de causer des lésions importantes, il convient de relever qu’il a été en mesure de se relever rapidement et d’appeler son collègue de travail, lequel n’a pas immédiatement jugé nécessaire de l’emmener à l’hôpital. Enfin, l’assuré a principalement été atteint à l’œil droit, soit un organe particulièrement sensible. Quant aux autres lésions, il n’apparaît pas qu’elles auraient nécessité une intervention chirurgicale ou un traitement médical particulier. Compte tenu de l’ensemble de ces circonstances, on peut conclure que la violence de l’agression n’était pas telle qu’il faille classer l’agression dans la catégorie supérieure des accidents de gravité moyenne.

Gravité ou de la nature particulière des lésions physiques

Le TF ne revient pas sur l’admission du critère de la gravité ou de la nature particulière des lésions physiques (cf. à propos de ces critères ATF 115 V 133 consid. 6c/aa p. 140, 403 consid. 5c/aa p. 409). La cour cantonale a considéré ce critère comme rempli au vu de la perte fonctionnelle de l’œil droit dont l’acuité visuelle se limitait à la numération digitale à un mètre. Le TF précise que dans le cas d’une perte totale de la fonction d’un œil sans rémission possible, il a été jugé que le critère de la gravité de la lésion ne revêtait pas une intensité suffisante pour admettre à lui seul un lien de causalité adéquate avec des troubles psychiques (arrêt 8C_935/2012 du 25 juin 2013 consid. 4.4; au sujet de la perte fonctionnelle d’un œil voir aussi U 233/06 du 2 février 2007 consid. 5.3; U 343/04 du 10 août 2005 consid. 2.2.3).

 

Caractère particulièrement impressionnant de l’accident

A tout accident de gravité moyenne est associé un certain caractère impressionnant, lequel ne suffit pas pour admettre l’existence du critère en question (arrêts U 287/97 du 20 novembre 1998 consid. 3b/cc, in RAMA 1999 n° U 335 p. 207 ss.; plus récemment 8C_560/2015 du 29 avril 2016 consid. 4.4.1).

En l’espèce, l’assuré et ses agresseurs ont passé la soirée ensemble à consommer une quantité excessive d’alcool puis se sont mis à se disputer pour des motifs que l’on ignore. Dans ces conditions, on ne saurait retenir que l’agression de nuit par plusieurs personnes a eu un caractère particulièrement impressionnant ou dramatique, quand bien même l’assuré a été frappé au moyen d’objets potentiellement dangereux. En outre, l’existence de lésions graves n’est pas déterminante pour l’examen du caractère particulièrement dramatique ou impressionnant d’un accident, la nature et la gravité de la lésion étant un critère en soi (cf. arrêt 8C_935/2012 du 25 juin 2013 consid. 4.3.1; arrêt U 233/06 du 2 février 2007 consid. 5.3).

 

Durée anormalement longue du traitement médical

L’assuré a subi deux opérations de l’œil les 24.01.2013 et 14.10.2013. Même en admettant que ces opérations étaient susceptibles d’apporter une amélioration de l’état de santé de l’assuré, elles ne rendraient pas anormalement longue la durée du traitement médical.

En effet, l’aspect temporel n’est pas seul décisif. Sont également à prendre en considération la nature et l’intensité du traitement (arrêt 8C_1007/2012 consid. 5.4.3 et les arrêts cités). A cet égard, les deux interventions dont se prévaut l’assuré ont été pratiquées en ambulatoire et il n’apparaît qu’elles aient entraîné une longue convalescence. A titre de comparaison, ce critère n’a pas non plus été reconnu dans le cas d’un traitement d’environ deux ans et demi, consistant principalement en deux opérations, espacées dans le temps et suivies chacune d’un séjour dans un centre de réadaptation (arrêt 8C_755/2012 du 23 septembre 2013 consid. 4.2.3).

 

Les autres critères

La question est restée indécise par le TF, dans la mesure où, en plus des critères examinés plus hauts, aucun des autres critères n’est rempli. Dans tous les cas, une baisse de rendement durable de 20% seulement n’est pas suffisante pour remplir le critère relatif à l’incapacité de travail due aux lésions somatiques (a contrario voir par exemple arrêt 8C_116/2009 du 26 juin 2009 consid. 4.6).

 

Il s’ensuit qu’un voire deux critères seulement sont réalisés, sans toutefois revêtir une intensité particulière. Le lien de causalité adéquate entre l’accident et les troubles psychiques peut être nié à compter du 01.04.2013.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_595/2015 consultable ici : http://bit.ly/2e2J87N

 

 

9C_730/2015 (d) du 27.04.2015 – publication prévue – Prise en charge médicament – Traitement au Myozyme pris en charge

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_730/2015 (d) du 27.04.2015, destiné à la publication

 

Consultable ici : http://bit.ly/2e3j8y3

 

Prise en charge médicament – Traitement au Myozyme pris en charge

25 LAMal – 32 LAMal – 43 LAMal – 52 LAMal – 34 OAMal – 64 OAMal

 

La caisse maladie CPT devra prendre en charge une facture de 370’000 francs pour un traitement au Myozyme, l’un des médicaments les plus chers sur le marché. Le Tribunal fédéral (TF) a rejeté le recours de l’assurance, en procès avec une patiente atteinte de la maladie de Pompe.

 

Il y a six ans, le TF avait catégoriquement exclu le remboursement de ce médicament pour soigner cette maladie héréditaire, qui se traduit notamment par une dégénérescence musculaire. Il avait donné tort à la patiente et jugé que le coût de ce traitement était disproportionné.

Entre-temps, le Myozyme a fait son entrée sur la liste des spécialités. Sa prise en charge pour une période de douze mois doit être remboursée pour autant qu’elle respecte des conditions drastiques.

 

Complexité sans précédent

Selon les spécialistes de la question, les limitations posées au remboursement du médicament sont les plus longues et les plus complexes jamais élaborées pour la prise en charge d’un traitement par une caisse maladie.

Suite à l’admission du Myozyme sur la liste des spécialités, en novembre 2011, l’assurée avait réitéré sa demande de prise en charge du traitement à ce médicament. Elle s’était heurtée à un nouveau refus de sa caisse maladie, qui s’était opposée au paiement d’une ardoise de 370’000 francs pour un traitement d’une année.

Contrainte par la justice saint-Galloise de passer à la caisse, la CPT avait recouru au TF, qui a confirmé son obligation de remboursement. Dès lors qu’un médicament figure sur la liste des spécialités, l’assureur n’a qu’une possibilité réduite de remettre en question son efficacité ou son économicité, souligne Mon Repos.

 

Prolongement sous conditions

Le veto de la CPT enfreint l’obligation légale de prise en charge imposée aux assureurs. Ceux-ci ne peuvent recourir ni contre l’admission d’un médicament dans la liste des spécialités, ni contre son prix.

En l’espèce, conformément aux conditions subordonnant l’admission du Myozyme sur la liste des spécialités, les résultats concrets d’un traitement ne pourraient avoir une incidence que si la patiente décidait de poursuivre le traitement au terme de la période de douze mois à la charge de caisse. (arrêt 9C_730/2015 du 16 septembre 2016) (ats)

 

 

Arrêt 9C_730/2015 consultable ici : http://bit.ly/2e3j8y3