Arrêt du Tribunal fédéral 9C_307/2024 (f) du 25.04.2025
Moyens auxiliaires – Droit à la substitution de la prestation – Obligation de réduire le dommage / 21bis LAI – 14.05 OMAI
Ascenseur à concurrence des frais d’installation d’un monte-rampes d’escalier
Résumé
L’arrêt porte sur la question de la prise en charge, par l’assurance-invalidité, des frais d’installation d’un ascenseur à concurrence de ceux d’un monte-rampes d’escalier, à titre de prestation de substitution selon l’art. 21bis LAI. L’assuré, atteint de sclérose en plaques, invoque la nécessité de cette installation pour se rendre à son travail sans risque pour sa santé. Le Tribunal fédéral a confirmé le rejet de la demande, relevant que le moyen auxiliaire requis ne vise pas à permettre à l’assuré de quitter son lieu de vie, au sens du ch. 14.05 de l’annexe à l’OMAI, mais uniquement à circuler à l’intérieur de son domicile. Il a jugé qu’une planification adaptée des pièces au rez-de-chaussée aurait permis de répondre aux besoins fonctionnels de l’assuré, conformément au principe de l’obligation de diminuer le dommage, et que les atteintes invoquées à ses droits fondamentaux n’étaient pas pertinentes au vu des exigences légitimes en matière de gestion économique de l’assurance-invalidité.
Faits
L’assuré, né en 1980 et atteint de sclérose en plaques, exerce une activité à temps partiel et perçoit une rente d’invalidité, une allocation pour impotent, une contribution d’assistance ainsi que divers moyens auxiliaires de l’assurance-invalidité. Le 11.02.2020, il a déposé une nouvelle demande de moyens auxiliaires auprès de l’office AI, en lien avec un projet d’achat immobilier. Sur la base des rapports de la Fédération suisse de consultations en moyens auxiliaires pour personnes handicapées (FSCMA), l’office a admis la prise en charge des frais liés à la réalisation d’un accès de plain-pied à la terrasse ainsi qu’à l’automatisation de la porte d’entrée. En revanche, il a refusé la prise en charge des frais relatifs à l’installation d’un ascenseur.
Procédure cantonale
Par jugement du 30.04.2024, rejet du recours par le tribunal cantonal.
TF
Consid. 2.2
L’arrêt attaqué expose les normes et la jurisprudence concernant le droit à des moyens auxiliaires (art. 8 al. 2 LAI en relation avec l’art. 21 LAI) – dont les conditions ont été complétées par les dispositions d’exécution (art. 14 RAI et annexe à l’OMAI) fondées sur la délégation de compétence prévue par la loi (art. 21 al. 1 et 4 LAI en relation avec l’art. 14 al. 1 RAI) -, ainsi que le droit à la substitution de la prestation (art. 21bis LAI; ATF 131 V 107 consid. 3.2.1; en relation avec l’installation d’un ascenseur, cf. notamment arrêts 9F_3/2007 du 20 février 2008 consid. 5.1; I 416/05 du 24 juillet 2006 consid. 4.2). Il rappelle également le principe de l’obligation de diminuer le dommage (ATF 138 I 205 consid. 3.2; arrêt 9C_40/2017 du 2 juin 2017 consid. 2.3), le principe de la proportionnalité appliqué à la remise de moyens auxiliaires (ATF 134 I 105 consid. 3) et le caractère exhaustif de la liste des moyens auxiliaires mentionnés dans l’annexe à l’OMAI (ATF 131 V 9 consid. 3.4.2). Il expose encore les conditions de la remise d’un monte-rampes d’escalier après l’entrée en vigueur, le 1er juillet 2020, de la modification du ch. 14.05 de l’annexe à l’OMAI du 24 avril 2020 (RO 2020 1773).
Consid. 3 [résumé]
Le tribunal cantonal a considéré que, nonobstant le droit à la substitution de la prestation prévu par l’art. 21bis LAI, l’assuré ne pouvait obtenir la prise en charge des frais d’installation d’un ascenseur à concurrence de ceux d’un monte-rampes d’escalier, dès lors que le moyen auxiliaire requis n’avait pas pour but de lui permettre de quitter son lieu de vie, ainsi que l’exige le ch. 14.05 de l’annexe à l’OMAI, mais visait à faciliter ses déplacements à l’intérieur de son domicile. L’instance cantonale a retenu qu’une planification prévoyante de la surface disponible au rez-de-chaussée, conforme au principe de l’obligation de diminuer le dommage, aurait permis l’aménagement d’une chambre et d’une salle d’eau adaptées à ce niveau, sans porter atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l’art. 13 al. 1 Cst.
Consid. 5 [résumé]
L’installation d’un ascenseur ou, à titre de prestation de substitution, d’un monte-rampes d’escalier, n’était pas indispensable pour lui permettre de quitter le lieu où il se trouvait, mais visait uniquement à faciliter ses déplacements à l’intérieur de son domicile, comme l’avaient retenu les juges cantonaux. Ceux-ci avaient constaté que l’assuré avait acquis, sur plans, une maison mitoyenne disposant d’un sous-sol (par lequel un accès au parking sous-terrain a été aménagé), d’un rez-de-chaussée (où les espaces de vie ont été aménagés) et d’un étage (où une grande chambre servant également d’espace de travail et une grande salle de bain ont été aménagées). Conformément aux observations de la FSCMA, sur lesquelles se fonde l’arrêt attaqué, une planification différente de la surface disponible aurait sûrement permis à l’assuré de disposer au rez-de-chaussée de toutes les facilités nécessitées par son handicap sans avoir recours au moyen auxiliaire requis. Une telle planification est en principe exigible dans la mesure où elle permet d’éviter des coûts supplémentaires (cf. ATF 146 V 233 consid. 4.2.2).
L’office AI a par ailleurs pris en charge les frais liés à l’automatisation de la porte d’entrée en tant qu’aménagement nécessaire de la demeure selon le ch. 14.04 de l’annexe à l’OMAI, dès lors que celui-ci ne pouvait être planifié sans coût supplémentaire et représentait une mesure simple, adéquate et économique permettant de quitter le domicile. Les informations communiquées par le conducteur des travaux dans ce contexte portent seulement sur l’impossibilité de modifier l’emplacement d’éléments tels que les portes ou les fenêtres mais nullement sur l’impossibilité éventuelle de planifier différemment la surface disponible au rez-de-chaussée. Il convient également de rappeler que, selon les circonstances, le maintien ou le déplacement d’un domicile ou d’un lieu de travail peut apparaître comme une mesure exigible de l’assuré (arrêt 9C_40/2017 du 2 juin 2017 consid. 2.3). Dans ces conditions, le tribunal cantonal n’a pas violé le droit fédéral en refusant la prise en charge des frais d’installation d’un monte-rampes d’escalier.
Quant à l’allégation d’arbitraire dans l’application du principe de l’obligation de diminuer le dommage, l’assuré se contente de reprendre l’argumentation développée en première instance, sans démontrer en quoi l’appréciation contestée serait concrètement arbitraire, ce qui, selon la jurisprudence, n’est pas recevable (cf. ATF 140 III 264 consid. 2.3). Par ailleurs, au vu de la situation médicale décrite par la doctoresse B.________, il n’est pas arbitraire d’exiger que l’assuré accède à son véhicule par l’extérieur, et non par le garage, pour se rendre à son travail, d’autant plus qu’il travaille à temps partiel (30%), ne conduit plus lui-même et que les conditions météorologiques ne sont pas continuellement mauvaises. La médecin évoquait d’ailleurs la possibilité de télétravail lorsque son état de santé ne permet pas de se déplacer, ce qui peut également s’appliquer par mauvais temps. Le temps supplémentaire invoqué pour accéder au véhicule par l’extérieur, évalué sur la base d’un descriptif chiffré déposé uniquement en instance fédérale, n’est pas de nature à remettre en cause ce raisonnement, l’assuré omettant de mentionner la possibilité, évoquée dans la décision de l’office du 8 février 2023, de rapprocher le véhicule de l’entrée du domicile. Il en va de même pour le temps nécessaire à l’habillement par mauvais temps, une cape couvrant l’assuré et son fauteuil représentant une solution simple, ne nécessitant pas de manipulation importante.
Enfin, l’argumentation selon laquelle les exigences de l’office AI en matière de diminution du dommage sont incompatibles avec le droit au respect de la vie privée et familiale n’est pas pertinente. Une pondération de l’intérêt général à une gestion économique et rationnelle de l’assurance-invalidité et des droits fondamentaux de l’assuré montre qu’un aménagement différent du rez-de-chaussée était exigible de ce dernier et lui permettrait de vivre de manière autonome et d’exercer une activité lucrative. Le seul fait que la prise en charge des frais d’installation d’un monte-rampes d’escalier ne constitue pas une prestation permanente et ne représente pas un recours accru aux ressources de l’assurance-invalidité ne change rien à ce qui précède dans la mesure où une telle prise en charge n’entre pas en ligne de compte en l’occurrence (cf. aussi arrêt 8C_315/2008 du 3 juin 2009 consid. 3.4.3).
Le TF rejette le recours de l’assuré.
Arrêt 9C_307/2024 consultable ici