Archives par mot-clé : Mouvement non coordonné

8C_628/2016 (f) du 13.06.2017 – Notion d’accident – 4 LPGA / Préférence aux premières déclarations / Manipulation d’un outil (barre à mine) par un menuisier – Notion de mouvement non coordonné niée / Diagnostic « post-traumatique » fondé sur les seules déclarations de l’assuré

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_628/2016 (f) du 13.06.2017

 

Consultable ici : http://bit.ly/2hAxLe4

 

Notion d’accident / 4 LPGA

Préférence aux premières déclarations

Manipulation d’un outil (barre à mine) par un menuisier – Notion de mouvement non coordonné niée

Diagnostic « post-traumatique » fondé sur les seules déclarations de l’assuré

 

Assuré, menuisier indépendant, informe l’assurance-accidents que le 27.09.2013, il avait « retenu une porte (95 kg) qui glissait » et que le lendemain, il « creusait avec une barre à mine et le poignet a commencé à lui faire très mal (inflammation) ». Le médecin consulté le 02.10.2013 a posé le diagnostic d’arthrose activée du poignet droit par travail de force, chez un travailleur manuel indépendant.

Lors d’un entretien du 18.12.2013 avec un inspecteur de l’assurance-accidents, l’assuré a précisé que le 27.09.2013, en voulant retenir une porte en train de tomber de côté, il avait fait un mouvement brusque et rapide pour la rattraper et avait ressenti immédiatement une douleur dans son poignet droit. Il avait fini la journée avec ses douleurs et avait pu reprendre le travail le lendemain. Le 28.09.2013, il devait poser un portail en bois et creuser à cet effet un trou dans le sol à 60 cm de profondeur. Utilisant une barre à mine d’environ 20 à 30 kg, il avait fortement tapé avec la barre dans un morceau de béton qui se trouvait dissimulé dans le sol. Il avait immédiatement ressenti une douleur importante dans le poignet droit.

L’assurance-accidents a refusé d’allouer des prestations d’assurance pour les suites des événements des 27.09.2013 et 28.09.2013, au motif qu’il ne s’agissait ni d’un accident ni d’une lésion assimilée à un accident.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 03.08.2016, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Est réputée accident toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort (art. 4 LPGA). La notion d’accident se décompose ainsi en cinq éléments ou conditions, qui doivent être cumulativement réalisés: une atteinte dommageable, le caractère soudain de l’atteinte, le caractère involontaire de l’atteinte, le facteur extérieur de l’atteinte, enfin, le caractère extraordinaire du facteur extérieur. Il suffit que l’un d’entre eux fasse défaut pour que l’événement ne puisse pas être qualifié d’accident (ATF 129 V 402 consid. 2.1 p. 404 et les références).

Il résulte de la définition même de l’accident que le caractère extraordinaire de l’atteinte ne concerne pas les effets du facteur extérieur, mais seulement ce facteur lui-même. Dès lors, il importe peu que le facteur extérieur ait entraîné, le cas échéant, des conséquences graves ou inattendues. Le facteur extérieur est considéré comme extraordinaire lorsqu’il excède, dans le cas particulier, le cadre des événements et des situations que l’on peut, objectivement, qualifier de quotidiens ou d’habituels (ATF 142 V 219 consid. 4.3.1 p. 221; 134 V 72 consid. 4.3.1 p. 79 s.; 129 V 402 consid. 2.1 p. 404).

Pour les mouvements du corps, l’existence d’un facteur extérieur est en principe admise en cas de « mouvement non coordonné », à savoir lorsque le déroulement habituel et normal d’un mouvement corporel est interrompu par un empêchement non programmé, lié à l’environnement extérieur, tel le fait de glisser, de trébucher, de se heurter à un objet ou d’éviter une chute; le facteur extérieur – modification entre le corps et l’environnement extérieur – constitue alors en même temps le facteur extraordinaire en raison du déroulement non programmé du mouvement (voir p. ex. arrêt 8C_194/2015 du 11 août 2015 consid. 3).

Pour l’événement du 28.09.2013 : l’assuré fait valoir que le facteur extérieur à l’origine de son atteinte au poignet (le fait d’avoir tapé avec une barre à mine dans un bloc de béton enterré) dépassait ce qui lui était quotidien et habituel, d’où le caractère extraordinaire dudit facteur.

Le fait que l’assuré manipulait un outil, soit une barre à mine, dont l’utilisation est, selon ses dires, très rare dans la menuiserie et la pose d’ouvrages en bois, n’est pas un critère pertinent pour nier ou admettre l’existence d’un accident en l’espèce.

Si la jurisprudence prend en considération les habitudes professionnelles d’une personne qui prétend des prestations d’assurance, elle le fait avant tout dans le cadre des lésions dues à des efforts (soulèvements et déplacements de charge notamment) pour examiner si l’effort doit être considéré comme extraordinaire. Pour les mouvements du corps, l’existence d’un facteur extérieur extraordinaire doit être admise lorsqu’un phénomène extérieur modifie de manière anormale le déroulement naturel d’un mouvement, ce qui a pour effet d’entraîner un mouvement non coordonné (ATF 130 V 117 consid. 2.1 p. 118; cf. aussi arrêt 8C_36/2013 du 14 janvier 2014 consid. 5).

Lors de l’entretien du 18.12.2013, l’assuré a déclaré qu’il avait ressenti une douleur importante dans son poignet droit en tapant fortement avec une barre à mine dans un morceau de béton dissimulé dans le sol. A ce stade, l’assuré n’a décrit aucun phénomène particulier qui l’aurait contraint de fournir de façon involontaire un effort sur lequel il n’avait eu aucune maîtrise (par exemple sous la forme d’un mouvement de torsion forcée du bras ou de la main; voir à cet égard les arrêts 8C_36/2013 précité, et U 386/99 du 22 août 2000). On ne se trouve dès lors pas en présence d’un mouvement non programmé et non maîtrisé.

C’est seulement au stade de l’opposition, soit après avoir pris connaissance du refus de l’assureur-accidents, que l’assuré a mentionné qu’en revenant violemment en arrière, la barre à mine lui avait tordu le poignet. En l’occurrence, il faut toutefois accorder la préférence à ses premières déclarations, données alors qu’il ignorait les conséquences juridiques, les explications nouvelles pouvant être, consciemment ou non, le fruit de réflexions ultérieures (ATF 121 V 45 consid. 2a p. 47).

Quoi qu’il en soit, aucune entorse n’a cependant été constatée par le médecin consulté dans les jours suivant l’incident. Un des rapports médicaux produit en instance cantonale fait certes état de « douleurs post-traumatiques du poignet droit, sur probable entorse du poignet ». Ce diagnostic se fonde selon toute apparence sur les seules déclarations de l’assuré dès lors que l’examen radiologique effectué par ce médecin n’a pas révélé de lésion objectivable et qu’en outre, sous la rubrique « Status », il a constaté l’absence des douleurs alléguées (« pas de tuméfaction du poignet droit », « pas de reproduction des douleurs à la palpation », « pas de douleurs scapho-lunaires », « pas de douleurs à l’extension contre résistance du poignet »). Dans ces circonstances, la lésion au poignet droit ne saurait être assimilée à un accident en l’absence d’un facteur extérieur de caractère extraordinaire à l’origine de cette dernière.

 

 

Arrêt 8C_628/2016 consultable ici : http://bit.ly/2hAxLe4