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8C_682/2021 (d) du 13.04.2022 – Stabilisation de l’état de santé – 19 LAA / Mesures d’intervention précoces ne sont pas des mesures de réadaptation / Capacité de travail exigible pour une atteinte à la main dominante

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_682/2021 (d) du 13.04.2022

 

Consultable ici (arrêt non destiné à la publication)

Cf. notre commentaire en fin d’article

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi

 

Stabilisation de l’état de santé – Fin du droit aux indemnités journalières et traitement médical / 19 LAA

Mesures d’intervention précoces ne sont pas des mesures de réadaptation

Capacité de travail exigible pour une atteinte à la main dominante – Pas de nécessité de décrire précisément les activités concrètes encore possibles / 16 LPGA

Parallélisation du revenu sans invalidité d’un chauffeur – Prise en compte de la table T17 et non TA1

Pas de motif à un changement de jurisprudence pour le revenu d’invalide selon l’ESS

Abattement sur le revenu d’invalide selon ESS – Critère de l’âge

 

Assuré, né en 1964, était employé depuis le 01.04.2014 comme chauffeur par la société B.__ Sàrl. Le 13.09.2018, il a subi une blessure par perforation d’un ongle à la main gauche. Il a été opéré à plusieurs reprises, la dernière fois le 11.10.2018.

Le 31.08.2019, l’employeur a résilié le contrat de travail de l’assuré pour le 31.10.2019.

L’assurance-accidents a considéré que l’assuré était apte au travail et au placement à plein temps dès le 01.11.2019 dans le cadre du profil d’exigibilité. Afin de prendre en compte une période d’adaptation, elle a accepté de ne suspendre les indemnités journalières qu’au 31.12.2019. Par décision du 16.10.2019, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a nié le droit à une rente en raison de l’absence d’incapacité de gain due à l’accident, ainsi que le droit à une indemnité pour atteinte à l’intégrité, car il n’y avait pas d’atteinte importante à l’intégrité physique.

 

Procédure cantonale (arrêt UV.2020.00221 – consultable ici)

Par jugement du 26.08.2021, rejet du recours par le tribunal cantonal concernant la suspension des frais de traitement et des indemnités journalières ainsi que l’absence de droit à une rente. Concernant le droit à une IPAI, la cour cantonale a annulé la décision litigieuse en admettant partiellement le recours, renvoyant l’affaire à l’assurance-accidents afin de procéder aux investigations nécessaires.

 

TF

Consid. 2
S’agissant de l’IPAI, l’instance cantonale a renvoyé l’affaire à l’assurance-accidents afin de procéder aux investigations médicales complémentaires. Il s’agit là – contrairement aux prétentions rejetées par le tribunal cantonal – d’une décision incidente qui n’entraîne toutefois pas de préjudice au sens de l’art. 93 al. 1 let. a LTF, mais simplement une prolongation de la procédure ne remplissant pas ce critère (ATF 140 V 282 consid. 2 ; 139 V 99). Par conséquent, le recours ne peut d’emblée pas être admis dans la mesure où il demande une indemnité pour atteinte à l’intégrité.

Le Tribunal fédéral rappelle que l’évaluation de l’atteinte à l’intégrité ne dépend pas de celle du taux d’invalidité lors de l’examen du droit à la rente (ATF 115 V 147 consid. 1 ; arrêt 8C_544/2020 du 27 novembre 2020 consid. 4.2.2 et la référence).

 

Consid. 5.1
Le droit à la rente prend naissance dès qu’il n’y a plus lieu d’attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l’état de l’assuré et que les éventuelles mesures de réadaptation de l’assurance-invalidité ont été menées à terme. Le droit au traitement médical et aux indemnités journalières cesse dès la naissance du droit à la rente (art. 19 al. 1 LAA).

La question de savoir si l’on peut admettre une amélioration notable de l’état de santé se détermine notamment – mais pas exclusivement – en fonction de l’augmentation ou du rétablissement de la capacité de travail à laquelle on peut s’attendre, dans la mesure où celle-ci est affectée par l’accident. Le terme «notable» indique donc que l’amélioration espérée par un autre traitement médical (approprié) au sens de l’art. 10 al. 1 LAA doit être importante (ATF 134 V 109 consid. 4.3 ; SVR 2020 UV n° 24 p. 95, 8C_614/2019 consid. 5.2 s. ; arrêt 8C_183/2020 du 22 avril 2020 consid. 2.3 et consid. 4.3.2). Des améliorations insignifiantes ne suffisent pas, pas plus que la simple possibilité d’une amélioration (RKUV 2005 n° U 557 p. 388, U 244/04 consid. 3.1 ; arrêt 8C_344/2021 du 7 décembre 2021 consid. 7.2). Dans ce contexte, l’état de santé de la personne assurée doit être évalué de manière pronostique et non sur la base de constatations rétrospectives. L’évaluation de cette question juridique se fonde en premier lieu sur les renseignements médicaux concernant les possibilités thérapeutiques et l’évolution de la maladie, qui sont généralement compris sous la notion de pronostic (SVR 2020 UV n° 24 p. 95, 8C_614/2019 consid. 5.2 ; arrêt 8C_604/2021 du 25 janvier 2022 consid. 5.2).

Consid. 5.2
L’instance cantonale a considéré, en appréciant le dossier médical et en motivant sa décision de manière détaillée, que l’évaluation du Dr C.__ du 12.09. 2019, selon laquelle la stabilité de l’état de santé était atteint et que la poursuite du traitement ne permettrait plus de l’améliorer de manière décisive, semblait plausible. Par conséquent, la clôture du cas avec la cessation du droit aux frais médicaux en septembre 2019 et aux indemnités journalières à la fin 2019 est donc correcte.

Consid. 6.2.1
Le 27.08.2019, l’office AI a accordé à l’assuré des mesures d’intervention précoce sous la forme d’un cours de formation de conducteur de camion/bus d’un montant total de CHF 24’468, qui devait être achevé au plus tard en été 2020. Elle a pris en charge les coûts jusqu’à un plafond maximal de CHF 19’900. Les autres frais étaient à la charge de l’assuré.

Consid. 6.2.2
Les mesures d’intervention précoce ont pour but de maintenir à leur poste les assurés en incapacité de travail ou de permettre la réadaptation des assurés à un nouveau poste au sein de la même entreprise ou ailleurs (art. 7d al. 1 LAI ; arrêt 8C_837/2019 du 16 septembre 2020 consid. 5.3). Les cours de formation en particulier visent à augmenter les chances de réadaptation de l’assuré, dans le respect du principe de proportionnalité (cf. Circulaire sur la détection et l’intervention précoces [CDIP], ch. marg. 3012.2). De telles mesures d’intervention précoce ne constituent pas des mesures de réadaptation (cf. CDIP, ch. 3003 ; arrêt 8C_374/2021 du 13 août 2021 consid. 4.3.3). La cour cantonale a donc conclu à juste titre que l’assurance-accidents n’était pas tenue d’attendre la fin des mesures d’intervention précoce pour clore le cas.

 

Consid. 8.1 [résumé]
Les limitations fonctionnelles ont été définis en 2019 lors du séjour dans une clinique de réadaptation : pas de port de charges de plus de 15 à 25 kg de manière répétitive ni au-dessus de la taille, sans activité impliquant une importante force ou répétitive de la main gauche et sans exposition de celle-ci à des coups, des secousses ou des vibrations. Il a été établi que l’assuré ne peut utiliser sa main gauche (dominante) au-delà d’un usage comme main auxiliaire.

Consid. 8.2.1 [résumé]
Selon l’assuré, la perte de capacité fonctionnelle [funktionellem Leistungsvermögen] ne doit pas être prise en compte de manière théorique, mais de manière individuelle et dans le cadre d’activités concrètes.

Consid. 8.2.2
Il convient d’objecter à cela que l’assuré est limité pour des raisons de santé à la main gauche dominante. Le marché du travail équilibré déterminant (art. 16 LPGA ; ATF 134 V 64 consid. 4.2.1) comprend des activités qui n’impliquent pas ou que très peu l’utilisation de la main dominante (p. ex. comme main de soutien). On pense ici aux activités simples de surveillance, de vérification et de contrôle ainsi qu’à l’utilisation et à la surveillance de machines ou d’unités de production (semi-)automatiques (arrêts 8C_366/2021 du 10 novembre 2021 consid. 6.8.2 et 8C_450/2014 du 24 juillet 2014 consid. 7.2). Il n’est pas nécessaire de concrétiser davantage les activités de renvoi raisonnablement exigibles (ATF 138 V 457 consid. 3.1 ; arrêt 8C_381/2010 du 5 octobre 2010 consid. 3.2 ; cf. aussi consid. 12.2 ci-après). Etant donné qu’il n’y a pas de sollicitation importante de la main gauche dans le cadre de tels travaux, l’instance cantonale n’a pas violé le droit fédéral, en appréciant les rapports médicaux, en partant du principe que la capacité de travail résiduelle était entièrement exploitable pour des activités plus légères que celles décrites dans le profil d’exigibilité de la clinique de réadaptation.

 

Consid. 10.1
Pour déterminer le revenu – hypothétique – sans invalidité, il faut en règle générale se baser sur le salaire réalisé en dernier lieu par la personne assurée avant l’atteinte à la santé, en tenant compte de l’évolution des salaires, car l’expérience empirique montre que l’activité exercée jusqu’alors aurait été poursuivie sans atteinte à la santé. Des exceptions ne peuvent être admises que si elles sont établies au degré de la vraisemblance prépondérante (cf. ATF 145 V 141 consid. 5.2.1, 139 V 28 consid. 3.3.2).

Consid. 10.2
L’instance cantonale a considéré que, selon la confirmation de la société B. __ Sàrl, l’assuré aurait obtenu en 2019 un revenu annuel de CHF 62’000. Ce revenu constitue la base du revenu sans invalidité. Il serait inférieur d’environ 7% au revenu usuel dans la branche, extrapolé à l’année 2019, de CHF 66’367, selon l’ESS 2018, tableau TA1, pour les hommes de la branche « Transports et entreposage » (ch. 49-53), niveau de compétence 1 (activités simples de nature physique ou artisanale). C’est pourquoi il convient de procéder à la parallélisation ou d’augmenter le revenu de valide de 2%, après déduction de la limite de tolérance de 5%, pour le porter à CHF 63’240 (sur la parallélisation, cf. ATF 141 V 1, 135 V 58 et 297).

Consid. 10.4.1
L’assuré a travaillé comme chauffeur auprès de l’entreprise B.__ Sàrl. Dans le cadre de la parallélisation, l’instance cantonale a comparé son revenu dans dite activité titre avec celui de la branche « Transports et entreposage » (ch. 49-53) selon le tableau TA1 de l’ESS (cf. consid. 10.2 ci-dessus). Il faut toutefois convenir avec l’assuré que pour déterminer le salaire d’un chauffeur, il ne faut pas se référer à la branche 49-53 « Transports et entreposage » du tableau TA1 de l’ESS, car celle-ci comprend, outre les transports terrestres qui sont les seuls déterminants en l’espèce, également les transports maritimes et aériens. Le revenu des chauffeurs doit plutôt être déterminé sur la base du tableau ESS T17, groupe professionnel 83 « Conducteurs/trices de véhicules et d’engins lourds de levage et de manœuvre » (arrêts 9C_38/2019 du 9 mai 2019 consid. 3.4.3 et 8C_300/2015 du 10 novembre 2015 consid. 7.2).

Consid. 10.4.2
Les juges cantonaux ont considéré à juste titre que les revenus du recourant en 2020, année pour laquelle le droit à la rente devait être examiné, étaient déterminants.

Pour les hommes âgés d’au moins 50 ans dans le groupe professionnel 83 « Conducteurs/trices de véhicules et d’engins lourds de levage et de manœuvre », le revenu moyen selon la table ESS T17 s’élevait en 2018 à CHF 5’917 par mois, soit CHF 71’004 par an. Dans la division économique correspondante « Transports et entreposage » (ch. 49-53), la durée hebdomadaire usuelle de travail dans l’entreprise comptait en moyenne 42,4 heures en 2020 (OFS, Durée usuelle de travail par division économique, en heures par semaine, tableau T03.02.03.01.04.01 ; cf. aussi arrêt 9C_38/2019 du 9 mai 2019 consid. 3.4.3). L’indice des salaires nominaux pour les hommes dans le domaine « Transport et entreposage » était de 100,4 points en 2018 et de 101,1 points en 2020 (tableau T1.1.15, Indice des salaires nominaux, hommes, 2016-2020). Il en résulte pour l’année 2020 un revenu de valide usuel dans la branche de CHF 75’789 en chiffres arrondis.

Le revenu sans invalidité de l’assuré auprès de B.__ Sàrl de CHF 62’000 en 2019 donne, arrondi à l’année 2020, CHF 61’574 (indice des salaires nominaux pour les hommes dans le secteur « Transport et entreposage » de 101,8 points en 2019 et de 101,1 points en 2020) et est donc inférieur de 19%, en chiffres arrondis, au revenu de valeur usuel dans la branche de CHF 75’789. Le montant de CHF 62’000 doit donc être parallélisé ou augmenté de 14% pour atteindre CHF 70’680, après déduction de la limite de tolérance de 5%.

 

Consid. 11.1
Le revenu d’invalide que l’assuré peut obtenir malgré son atteinte à la santé est également contesté. Si, après la survenance de l’atteinte à la santé, la personne assurée n’a pas repris d’activité lucrative ou en tout cas pas une nouvelle activité que l’on peut raisonnablement exiger d’elle, les salaires statistique de l’ESS peuvent être pris en compte (ATF 143 V 295 consid. 2.2).

La déduction sur les salaires statistiques selon l’ATF 126 V 75 doit tenir compte du fait que des caractéristiques personnelles et professionnelles telles que le type et l’ampleur du handicap, l’âge, les années de service, la nationalité ou la catégorie d’autorisation de séjour et le taux d’occupation peuvent avoir des répercussions sur le montant du salaire et que, selon les caractéristiques, l’intéressé ne peut mettre en valeur sa capacité résiduelle de travail sur le marché du travail qu’avec un résultat économique inférieur à la moyenne, même sur un marché du travail équilibré. La déduction ne doit toutefois pas être automatique. Elle doit être évaluée globalement, en tenant compte des circonstances du cas d’espèce et dans les limites du pouvoir d’appréciation, et ne doit pas dépasser 25% (ATF 146 V 16 consid. 4.1).

 

Consid. 12.1
L’assuré fait valoir que l’instance cantonale s’est basée sur un profil théorique d’exigibilité sans mentionner d’activités professionnelles concrètes et sans discuter des critères subjectifs et objectifs d’exigibilité dans le cas d’espèce, et qu’elle conclut à un revenu d’invalide qui devrait être supérieur au revenu sans invalidité. Cela ne correspond ni à un marché du travail équilibré ni à un marché du travail réel. Cette pratique, qui prend en compte des profils d’exigibilité théoriques sans concrétisation au cas par cas, est critiquée dans la littérature. L’ancien juge fédéral Ulrich Meyer serait d’avis qu’il faudrait réduire les salaires statistiques en cas d’invalidité de 15 à 25%, de manière uniforme et linéaire (Plaidoyer 4/2021 p. 12).

Consid. 12.2
Comme relevé au consid. 8.2.2 supra, le revenu d’invalide pouvant raisonnablement être obtenu malgré l’atteinte à la santé doit être déterminé par rapport à un marché du travail équilibré, sans qu’il soit nécessaire de poser des exigences excessives quant à la concrétisation des possibilités de travail et des perspectives de gain (ATF 138 V 457 consid. 3.1). Les motifs pour un changement de jurisprudence ne sont pas démontrés par l’assuré et ne sont pas manifestes (à ce sujet, cf. ATF 145 V 304 consid. 4.4). Au contraire, dans l’ATF 8C_256/2021 du 9 mars 2022, le Tribunal fédéral a jugé qu’il n’existait à l’heure actuelle aucune raison objective sérieuse de modifier la jurisprudence selon laquelle le point de départ pour le calcul du revenu d’invalide sur la base de valeurs statistiques est en principe la valeur centrale ou médiane de l’ESS. Pour les raisons évoquées dans cet arrêt, il n’y a logiquement pas non plus de raison de réduire uniformément et linéairement les salaires statistiques de 15 à 25%.

Consid. 12.3
Ainsi, le revenu d’invalide calculé par la cour cantonale sur la base de la table ESS TA1 2018, ligne Total, hommes, niveau de compétence 1, reste à CHF 5’417 par mois, respectivement de CHF 65’004 par an, comme base de départ. Dans le domaine « Total », la durée hebdomadaire de travail usuelle dans les entreprises était en moyenne de 41,7 heures en 2020 (OFS, Durée de travail usuelle dans les entreprises par division économique, en heures par semaine, tableau T03.02.03.01.04.01). L’indice des salaires nominaux pour les hommes dans le domaine « Total » était de 101,5 points en 2018 et de 103,2 points en 2020 (tableau T1.1.15, indice des salaires nominaux, hommes, 2016-2020,). Cela donne pour l’année 2020 un revenu d’invalide arrondi à CHF 68’902.

Consid. 13.1
L’étendue de l’abattement du salaire statistique dans un cas concret constitue une question relevant du pouvoir d’appréciation, qui est soumise à l’examen du juge de dernière instance uniquement si la juridiction cantonale a exercé son pouvoir d’appréciation de manière contraire au droit, soit si elle a commis un excès positif (« Ermessensüberschreitung ») ou négatif (« Ermessensunterschreitung ») de son pouvoir d’appréciation ou en a abusé (« Ermessensmissbrauch ») (ATF 146 V 16 consid. 4.2 ; arrêt 8C_239/2021 du 4 novembre 2021 consid. 5.1.2). Il ne résulte pas de la jurisprudence qu’une déduction selon l’ATF 126 V 75 est en principe injustifiée lorsque seule la capacité fonctionnelle de la main dominante est entravée. C’est pourquoi le Tribunal fédéral a renoncé, dans une jurisprudence de longue date, à introduire un critère selon lequel une déduction selon l’ATF 126 V 75 ne pourrait a priori être admise que si le membre supérieur dominant était fonctionnellement limité (arrêt 8C_500/2020 du 9 décembre 2020 consid. 3.2.3).

Consid. 13.2.1
L’assuré fait grief que l’abattement sur le salaire statistique est d’au moins 15% en raison du choix limité d’activités de référence, de la nécessité de prendre des pauses et d’autres effets de réduction du salaire tels que l’âge, la formation professionnelle, etc. L’abattement serait également supérieur à 15%, car l’instance cantonale n’a justement pas tenu compte des caractéristiques personnelles dans le cadre de la parallélisation.

Consid. 13.2.2
Dans la mesure où l’assuré renvoie à cet égard à ses arguments dans le recours de première instance, cela est irrecevable (ATF 143 V 168 consid. 5.2.3, 134 II 244 ; arrêt 8C_542/2021 du 26 janvier 2022 consid. 6).

Consid. 13.2.3
L’âge n’a qu’une importance limitée dans le contexte de l’abattement pour cause d’atteinte à la santé. La jurisprudence a souligné à plusieurs reprises que, selon les enquêtes de l’ESS, l’âge a même plutôt tendance à augmenter le salaire des hommes dans la tranche d’âge de 50 à 64/65 ans pour les postes sans fonction de cadre. La question de savoir si et dans quelle mesure cela vaut également pour les assurés qui, en raison de leur invalidité, doivent se réorienter professionnellement à un âge avancé, peut rester expressément ouverte ici. En l’espèce, il n’y a en tout cas pas d’éléments indiquant que l’assuré, en raison de son âge, devrait s’attendre à un salaire inférieur sur le marché général du travail par rapport à d’autres employés de sa catégorie d’âge. De telles circonstances ne sont d’ailleurs pas mentionnées dans le recours.

Le fait que la recherche d’un emploi puisse être plus difficile en raison de l’âge est un facteur étranger à l’invalidité qui n’est généralement pas pris en compte dans l’abattement (ATF 146 V 16 consid. 7.2.1). Par conséquent, si un abattement sur le salaire statistique en raison de l’âge ne peut pas être justifiée, la question de savoir quel serait le moment déterminant pour l’examen du droit à une éventuelle déduction du salaire statistique en raison de l’âge avancé peut rester ouverte (ATF 146 V 16 consid. 7.1 ; cf. aussi ATF 8C_466/2021 du 1er mars 2022 consid. 3.6.2). Il en va de même pour la question de savoir si la caractéristique « âge » a une quelconque importance dans le domaine de l’assurance-accidents obligatoire au regard de l’art. 28 al. 4 OLAA (cf. arrêt 8C_466/2021 du 1er mars 2022 consid. 3.6.1 et les références).

 

Consid. 13.2.4
Par ailleurs, l’assuré ne démontre pas de manière convaincante quelles caractéristiques personnelles devraient conduire à un abattement supérieur celui de 15% estimé par la cour cantonale. Au vu de ce qui précède, cet abattement est maintenu. Cela conduit à un revenu d’invalide arrondi à CHF 58’567 (68’902 francs x 0.85 [cf. consid. 12.3 supra]).

Comparé au revenu sans invalidité de CHF 70’680 (cf. consid. 10.4.2 supra), il en résulte un taux d’invalidité arrondi à 17% (pour l’arrondi, cf. ATF 130 V 121), ce qui conduit à une rente d’invalidité correspondante à partir du 01.01.2020.

 

Le TF admet partiellement le recours de l’assuré.

 

 

Commentaires et remarques

Parallélisation et CCT

De jurisprudence constante, il n’y a pas lieu à majorer le revenu sans invalidité lorsque celui-ci est supérieur au salaire usuel de la branche déterminé selon le salaire minimum d’embauche d’une convention collective de travail (arrêts du Tribunal fédéral 8C_310/2018 du 18 décembre 2018 consid. 6.1 et 6.2 ; 8C_643/2016 du 25 avril 2017 consid. 4.3 et les références ; 8C_537/2016 du 11 avril 2017 consid. 6.1 et 6.2).

Il existe des dispositions complémentaires à l’accord national pour les entreprises membres de la section zurichoise de l’ASTAG et les Routiers Suisses, sections Zürich, Zürich Oberland, Schaffhausen-Nordostschweiz. Le salaire mensuel d’un chauffeur, catégorie D, après 4 années de service dans la profession, est de CHF 4’735. Nous ne savons en revanche pas si l’employeur (B.__ Sàrl) est membre de l’ASTAG.

 

Utilisation du tableau T17 pour une activité de chauffeur

Au consid. 10.4.1 du présent arrêt, le Tribunal fédéral se réfère au tableau T17 et non au TA1 pour examiner la parallélisation.

La référence faite à l’arrêt 9C_38/2019 consid. 3.4.3 nous surprend. Dans dite affaire, l’instance cantonale et l’office AI avait utilisé – à tort ou à raison – le tableau T17 pour fixer le revenu sans invalidité d’un chauffeur. Sauf erreur de notre part, il n’était nullement question d’utiliser le T17 car les transports maritimes et aériens étaient compris dans la ligne 49-53 (voire 49-52) du TA1.

Tel n’est pas le cas en revanche de l’arrêt 8C_300/2015, reprenant la même argumentation que le présent arrêt. Dans l’arrêt 8C_300/2015, se pose la question de savoir si le T17 a été utilisé pour prouver que, même avec un salaire plus élevé que celui issu du TA1, le taux minimum d’invalidité nécessaire pour le droit à la rente d’invalidité n’était pas atteint (10% pour un cas LAA ; 7% in casu).

 

Tableaux de l’ESS TA1 et T17

Le tableau TA1 concerne les salaires mensuels bruts (valeur médiane) selon les branches économiques, le niveau de compétences et le sexe, du secteur privé. Quant à lui, le tableau T17 se rapporte aux salaires mensuels bruts (valeur médiane) selon les groupes de professions, l’âge et le sexe, du secteur privé et du secteur public (Confédération, cantons, districts, communes, corporations) ensemble.

Pour le revenu d’invalide, le Tribunal fédéral a rappelé à réitérées reprises que la table T17 n’entrait pas en considération pour le revenu d’invalide lorsque la personne assurée n’a pas accès au secteur public (arrêts du Tribunal fédéral 8C_256/2021 du 9 mars 2022 – destiné à la publication – consid. 6.2 ; I 773/04 du 6 février 2006 consid. 5.2 ; RAMA 2000 n° U 405 p. 400 consid. 3b ; cf. également arrêt du Tribunal fédéral 8C_212/2018 du 13 juin 2018 consid. 4.4.2 ; 9C_72/2017 du 19 juillet 2017 consid. 4.2.3) ; en pareille situation, seul le tableau TA1_tirage_skill_level entrait en ligne de compte (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 31/05+I 32/05 du 20 mars 2006 consid. 6.3.1).

Deux questions nous viennent à l’esprit :

  • la première est de savoir si l’assuré avait accès aux emplois du secteur public dans son activité de chauffeur (par analogie de la jurisprudence relative à l’utilisation de la table T17) ;
  • la seconde est de savoir, puisque la table T17 (secteurs privé et public ensemble) a été privilégiée, si le tableau T1 (secteur privé et secteur public [Confédération, cantons, districts, communes, corporations] ensemble) pourrait être utilisé en lieu et place de la TA1 pour déterminer le revenu d’invalide.

Le fait de comparer des chiffres issus de statistiques provenant d’échantillonnage différents semble peu satisfaisant. Comme l’adage populaire le souligne avec raison, « c’est comparé des pommes avec des poires ».

Si le raisonnement du Tribunal fédéral devait être suivi de façon stricte, des difficultés risquent d’apparaître pour la détermination des revenus sans invalidité et d’invalide dès qu’une ligne du tableau TA1 englobe d’autres professions. Nous pensons par exemple aux lignes 41-43 « Construction » (englobant toutes les activités liées à la construction), 45-46 « Commerce de gros; com. et rép. d’automobiles », 49-52 « Transp. terrestres, par eau, aériens; entreposage » et 77,79-82 « Activités de services admin. (sans 78) ».

 

Revenu d’invalide – Niveau de compétences

Depuis l’ESS 2012, le niveau de compétences 1 correspond aux « tâches physiques ou manuelles simples » et le niveau de compétences 2 aux « tâches pratiques telles que la vente/ les soins/ le traitement de données et les tâches administratives/ l’utilisation de machines et d’appareils électroniques/ les services de sécurité/ la conduite de véhicules ».

Pour l’examen de la parallélisation, en utilisant le tableau TA1 et la ligne 49-53 « Transports et entreposage », il aurait été judicieux de prendre le niveau de compétences 2. On pourrait reprocher le fait que le salaire issu du tableau TA1 est inférieur à celui issu du T17.

 

 

 

Arrêt 8C_682/2021 consultable ici

 

Proposition de citation : 8C_682/2021 (d) du 13.04.2022, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2022/06/8c_682-2021)

 

 

9C_663/2020 (f) du 11.08.2021 – Décision d’octroi à titre rétroactif d’une rente limitée dans le temps – 17 LPGA / Assurée proche de l’âge de la retraite (moins d’une année de l’âge ouvrant le droit à une rente AVS)

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_663/2020 (f) du 11.08.2021

 

Consultable ici

 

Décision d’octroi à titre rétroactif d’une rente limitée dans le temps / 17 LPGA

Assurée proche de l’âge de la retraite (moins d’une année de l’âge ouvrant le droit à une rente AVS)

 

Titulaire d’un certificat fédéral de capacité (CFC) d’employée de commerce et d’un certificat d’assistante en gestion du personnel, l’assurée, née en janvier 1956, a travaillé comme gestionnaire de dossiers à 100% auprès d’un hôpital depuis le 01.09.1983. Après plusieurs arrêts de travail, notamment à 100% depuis le 11.01.2017, elle a déposé une demande de prestations de l’assurance-invalidité le 25.07.2017.

L’office AI a procédé aux investigations usuelles et mis en œuvre une expertise pluridisciplinaire. Lors de l’évaluation consensuelle, les médecins experts ont diagnostiqué des troubles dépressifs récurrents (épisode actuel léger sans syndrome somatique), des troubles mentaux et du comportement liés à l’utilisation d’alcool (syndrome de dépendance, utilisation continue), une agoraphobie avec trouble panique, une personnalité évitante, une polyneuropathie sensitive des membres inférieurs, un éthylisme chronique, une hypertension artérielle, un emphysème et des lombalgies sans sciatalgies associées (mises en relation avec la présence d’une hernie discale). Selon les médecins, l’assurée présentait une capacité de travail nulle d’un point de vue psychique depuis le 11.01.2017; à compter du 26.09.2018, elle disposait d’une capacité de travail de 100% dans son activité habituelle, avec la mise en place d’une aide au placement. Par décision du 20.01.2020, l’office AI a octroyé à l’assurée une rente entière de l’assurance-invalidité du 01.01.2018 au 31.12.2018.

 

Procédure cantonale (arrêt AI 54/20 – 319/2020 – consultable ici)

La juridiction cantonale a retenu que les troubles diagnostiqués n’avaient eu que des répercussions temporaires sur la capacité de travail de l’assurée et qu’ils s’étaient amendés sous traitement. L’assurée était par conséquent dotée d’une capacité de travail entière dans son activité habituelle d’employée de commerce à compter du 26.09.2018. Les juges cantonaux ont considéré qu’il ne s’agissait dès lors pas de déterminer si elle avait des chances de retrouver un emploi adapté à son handicap, puisqu’elle bénéficiait d’une capacité de travail entière adaptée dans son activité habituelle. Dès lors, il n’y avait pas lieu d’examiner son cas à l’aune de la jurisprudence relative aux assurés proches de l’âge de la retraite. Au demeurant, les juges cantonaux ont relevé que l’assurée était titulaire d’un CFC d’employée de commerce depuis 1975 et qu’elle avait été en mesure de décrocher un certificat d’assistante en gestion du personnel en 2010, ce qui démontrait assurément des ressources professionnelles et une faculté d’adaptation à de nouvelles exigences. Le domaine d’activités concerné était par ailleurs un secteur où les postes de travail étaient particulièrement nombreux, y compris sous contrats de durée déterminée, notamment par le biais d’agences de travail intérimaire, en vue par exemple de procéder à des remplacements de courte durée. Vu ce contexte, l’âge de l’assurée ne l’empêchait pas de bénéficier des opportunités professionnelles qui s’offraient à elle jusqu’à l’âge légal de la retraite (64 ans).

Par jugement du 17.09.2020, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Le bien-fondé d’une décision d’octroi, à titre rétroactif, d’une rente limitée dans le temps doit être examiné à la lumière des conditions de révision du droit à la rente (cf. ATF 125 V 413 consid. 2d et les références). Aux termes de l’art. 17 al. 1 LPGA, si le taux d’invalidité du bénéficiaire de la rente subit une modification notable, la rente est, d’office ou sur demande, révisée pour l’avenir, à savoir augmentée ou réduite en conséquence, ou encore supprimée.

Avant de réduire ou de supprimer une rente d’invalidité, l’administration doit examiner si la capacité de travail que la personne assurée a recouvrée sur le plan médico-théorique se traduit pratiquement par une amélioration de la capacité de gain et, partant, une diminution du degré d’invalidité ou si, le cas échéant, il est nécessaire de mettre préalablement en œuvre une mesure d’observation professionnelle (afin d’établir l’aptitude au travail, la résistance à l’effort, etc.), voire des mesures de réadaptation au sens de la loi (arrêt 9C_92/2016 du 29 juin 2016 consid. 5.1 et les références). Selon la jurisprudence, l’âge de la personne assurée constitue de manière générale un facteur étranger à l’invalidité qui n’entre pas en considération pour l’octroi de prestations. S’il est vrai que ce facteur – comme celui du manque de formation ou les difficultés linguistiques – joue un rôle non négligeable pour déterminer dans un cas concret les activités que l’on peut encore raisonnablement exiger d’un assuré, il ne constitue pas, en règle générale, une circonstance supplémentaire qui, mis à part le caractère raisonnablement exigible d’une activité, est susceptible d’influencer l’étendue de l’invalidité, même s’il rend parfois difficile, voire impossible la recherche d’une place et, partant, l’utilisation de la capacité de travail résiduelle (arrêt 9C_899/2015 du 4 mars 2016 consid. 4.3.1).

La jurisprudence considère qu’il existe cependant des situations dans lesquelles il convient d’admettre que des mesures d’ordre professionnel sont nécessaires, malgré l’existence d’une capacité de travail médico-théorique. Il s’agit des cas dans lesquels la réduction ou la suppression, par révision (art. 17 al. 1 LPGA) ou reconsidération (art. 53 al. 2 LPGA), du droit à la rente concerne une personne assurée qui est âgée de 55 ans ou qui a bénéficié d’une rente pendant quinze ans au moins. Cela ne signifie pas que la personne assurée peut se prévaloir d’un droit acquis dans une procédure de révision ou de reconsidération; il est seulement admis qu’une réadaptation par soi-même ne peut, sauf exception, être exigée d’elle en raison de son âge ou de la durée du versement de la rente. Dans de telles situations, l’office de l’assurance-invalidité doit vérifier dans quelle mesure l’assuré a besoin de la mise en œuvre de mesures d’ordre professionnel, même si ce dernier a recouvré une capacité de travail et indépendamment du taux d’invalidité qui subsiste (arrêt 9C_517/2016 du 7 mars 2017 consid. 5.2 et les références). Dans l’ATF 145 V 209, le Tribunal fédéral a précisé qu’en cas de réduction ou de suppression de la rente d’invalidité d’un assuré âgé de plus de 55 ans, il y a lieu, en principe, de mettre en œuvre des mesures de réadaptation également lorsque l’on statue sur la limitation et/ou l’échelonnement en même temps que sur l’octroi de la rente.

Au moment où la question de la mise en valeur de sa capacité de travail devait être examinée (à ce sujet, voir ATF 138 V 457 consid. 3.3), l’assurée, née en janvier 1956, se trouvait à moins d’une année de l’âge ouvrant le droit, pour les femmes, à une rente de vieillesse de l’AVS (art. 21 al. 1 let. b LAVS). Elle appartenait donc à la catégorie d’assurés dont il convient de présumer en raison de leur âge qu’ils ne peuvent en principe pas entreprendre de leur propre chef tout ce que l’on peut raisonnablement attendre d’eux pour tirer profit de leur capacité de travail établie sur un plan médico-théorique. Les médecin experts ont de plus retenu qu’elle présentait notamment une agoraphobie avec trouble panique, des troubles mentaux et du comportement liés à l’utilisation d’alcool (avec des signes d’imprégnation éthylique chronique), un syndrome de dépendance, un état général médiocre, un ballonnement abdominal avec réseau veineux suggérant une ascite et une trophicité musculaire globalement médiocre, sans amyotrophie focalisée. Ils ont conclu que si l’assurée avait recouvert une pleine capacité de travail dans son activité habituelle, elle ne pouvait en revanche pas se confronter seule au marché de l’emploi.

Aussi, à l’inverse de ce que soutient la juridiction cantonale, il n’est pas concevable que l’assurée puisse, compte tenu de sa fragilité psychique et de son âge, reprendre seule et du jour au lendemain son activité habituelle auprès d’un autre employeur que celui pour lequel elle a travaillé pendant plus de 30 ans. Dans sa prise de position, le médecin du SMR a d’ailleurs suivi les conclusions des experts et conseillé la mise en place d’une aide au placement (au sens de l’art. 8 al. 3 let. c LAI). On peut douter qu’une telle mesure soit suffisante. Quoi qu’il en soit, il convient de constater que les organes de l’assurance-invalidité se sont écartés des recommandations médicales et n’ont pas pris en considération des mesures d’ordre professionnel, y compris une aide au placement. En relevant que l’assurée est titulaire d’un CFC d’employée de commerce (depuis 1975) et d’un certificat d’assistante en gestion de personnel (depuis 2010), la juridiction cantonale ne fait enfin pas état de circonstances qui permettraient de renoncer à la mise en place de mesures d’ordre professionnel. Les ressources professionnelles et la faculté d’adaptation à de nouvelles exigences mises en avant par la juridiction cantonale reposent en effet sur des faits antérieurs à la décompensation psychique de l’assurée de 2016 et ne permettent pas de remettre en cause les conclusions de l’expertise, soit que l’assurée ne pouvait pas se confronter seule au marché de l’emploi.

Ensuite des éléments qui précèdent, il conviendrait en principe de renvoyer la cause à l’office AI pour qu’il examine puis mette en œuvre les mesures nécessaires de réintégration sur le marché du travail. Ce ne serait là, toutefois, qu’une vaine formalité, qui retarderait la liquidation de l’affaire, car l’assurée peut prétendre aujourd’hui déjà une rente de vieillesse de l’AVS. Il convient dès lors d’admettre que l’assurée n’était pas en mesure de mettre en valeur sa capacité de travail sur le marché du travail, en dépit de l’amélioration de son état de santé attestée sur un plan médico-théorique. Elle a dès lors droit au maintien de sa rente entière de l’assurance-invalidité au-delà du 31.12.2018 jusqu’au 31.01.2020 (date à partir de laquelle elle a pu prétendre une rente de vieillesse de l’AVS; art. 30 LAI en relation avec l’art. 21 al. 1 let. b et al. 2 LAVS).

 

Le TF admet le recours de l’assurée et réforme le jugement cantonal en ce sens que l’assurée a droit à une rente entière du 01.01.2018 au 31.01.2020.

 

 

Arrêt 9C_663/2020 consultable ici

 

 

9C_239/2021 (f) du 14.12.2021 – Valeur probante du rapport d’expertise – 44 LPGA / Assuré de plus de 55 ans – Exigibilité sans examen préalable de mesures de réadaptation

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_239/2021 (f) du 14.12.2021

 

Consultable ici

 

Valeur probante du rapport d’expertise / 44 LPGA

Assuré de plus de 55 ans – Exigibilité sans examen préalable de mesures de réadaptation

 

1e demande AI le 15.05.1987 : assuré, manœuvre, présentant les séquelles incapacitantes d’une fracture-luxation du coude gauche. Les mesures de réadaptation mises en œuvre durant la procédure ayant permis à l’assuré de retrouver un emploi qui excluait le versement d’une rente d’invalidité, le dossier a été classé le 13.10.1992.

2e demande le 05.06.2008 : considérant que les suites de deux opérations réalisées à cause d’une rechute de l’atteinte au coude gauche n’empêchaient pas l’exercice, à plein temps mais avec diminution de rendement de 20%, d’une activité adaptée qui excluait le droit à la rente, l’office AI a rejeté la nouvelle requête de prestations (décision du 12.02.2009, confirmée tant au niveau cantonal que fédéral [arrêt 9C_467/2012 du 25.02.2013]).

3e demande le 07.11.2016 : se fondant essentiellement sur une expertise pluridisciplinaire réalisée (rapport du 15.01.2019), dont les auteurs avaient pris position sur les critiques émises par les médecins traitants, l’administration a à nouveau nié le droit de l’intéressé à une rente d’invalidité (décision du 22.11.2019).

 

Procédure cantonale (arrêt 608 2020 8 – consultable ici)

Par jugement du 22.02.2021, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Valeur probante du rapport d’expertise

Pour reconnaître valeur probante à l’expertise administrative, la juridiction cantonale s’est fondée en tout point sur les exigences tirées de la jurisprudence en la matière. Pour le reste, elle a expliqué de manière convaincante les raisons pour lesquelles elle faisait siennes les conclusions de l’expertise (à savoir, le fait que l’expert psychiatre a expliqué d’une façon circonstanciée pourquoi il excluait les diagnostics retenus par le psychiatre traitant, que l’avis de ce dernier était succinct et peu motivé, que l’expert, spécialiste en chirurgie orthopédique, avait également détaillé les raisons pour lesquelles il se distançait de l’avis des médecins traitants au sujet des seules questions controversées quant à l’exigibilité d’une activité adaptée ou à l’existence d’une détérioration de la situation et que tous les médecins consultés s’entendaient pour attester une capacité résiduelle de travail).

Or l’assuré se contente de présenter sa propre version des faits qui s’écarte ou complète celle constatée dans l’arrêt attaqué sans démontrer qu’elle serait manifestement inexacte ou arbitraire. Cette façon d’argumenter ne remplit pas les exigences de motivation dès lors que fait défaut une critique circonstanciée de l’appréciation de la juridiction cantonale (cf. ATF 145 V 188 consid. 2 et les références), dont il n’y a pas lieu de s’écarter.

 

Assuré de plus de 55 ans – Examen préalable de mesures de réadaptation

L’assuré fait enfin grief à la juridiction de première instance de ne pas avoir mis œuvre des mesures de réadaptation en raison de son âge (56 ans) à l’époque de la décision litigieuse et de son incapacité de travailler depuis plusieurs années.

Cette argumentation n’est pas fondée. L’assuré omet effectivement de prendre en compte que la jurisprudence citée à l’appui de son grief (cf. l’arrêt 9C_276/2020 du 18 décembre 2020) implique nécessairement la réduction ou la suppression d’une rente d’invalidité ou bien l’allocation d’une rente échelonnée et/ou limitée dans le temps (cf. ATF 145 V 209 consid. 5), ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_239/2021 consultable ici

 

 

9C_701/2020 (f) du 06.09.2021 – Evaluation de l’invalidité – Caractère invalidant de troubles psychiques et autres syndromes sans substrat organique (troubles somatoformes douloureux/fibromyalgie) – 16 LPGA – 28a LAI / Valeur probante d’une expertise judiciaire bidisciplinaire (rhumato-psy)

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_701/2020 (f) du 06.09.2021

 

Consultable ici

 

Evaluation de l’invalidité – Caractère invalidant de troubles psychiques et autres syndromes sans substrat organique (troubles somatoformes douloureux) / 16 LPGA – 28a LAI

Evaluation de la fibromyalgie sur le plan de la capacité de travail soumise à la grille d’évaluation grille d’évaluation normative et structurée du caractère invalidant des troubles psychiques au moyen d’indicateurs standards

Valeur probante d’une expertise judiciaire bidisciplinaire (rhumato-psy)

 

Assurée, née en 1963, engagée depuis septembre 1992 comme conseillère de vente, à temps partiel.

En incapacité de travail depuis juin 2015, l’assurée a déposé le 08.01.2016 une demande de prestations AI, en invoquant souffrir depuis 2012 notamment de douleurs chroniques des épaules ainsi que de douleurs cervico-brachiales et lombaires.

L’office AI a versé à son dossier celui de l’assurance-maladie de l’assurée, qui contenait notamment un rapport d’expertise pluridisciplinaire du 26.02.2016. Par décision du 03.03.2017, l’office AI a rejeté la demande de l’assurée, au motif qu’elle ne présentait pas d’atteinte à la santé au sens de l’assurance-invalidité.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/821/2020 et ATAS/844/2020)

Entre autres mesures d’instruction et après avoir considéré que le rapport d’expertise pluridisciplinaire du 26.02.2016 n’était pas probant, la cour cantonale a ordonné une expertise psychiatrique et rhumatologique. Les experts ont rendu un avis consensuel le 23.04.2020, selon lequel l’assurée était totalement incapable de travailler dans toute activité depuis le mois de décembre 2015.

La cour cantonale a retenu que l’assurée était totalement incapable de travailler dans toute activité dès le mois de décembre 2015, en se fondant sur les conclusions des rapports d’expertise judiciaire, auxquelles elle a reconnu une pleine valeur probante. L’expert psychiatrique avait en particulier procédé à l’examen des indicateurs développés par le Tribunal fédéral, ce qui relevait de sa compétence. Il n’avait pas retenu une incapacité de travail sous l’angle purement psychiatrique, en réservant toutefois l’appréciation globale du cas, selon les conclusions de l’expert rhumatologue. Après avoir eu connaissance de ces dernières, il avait conclu de manière consensuelle avec l’expert rhumatologue que l’assurée était totalement incapable de travailler en raison de l’ensemble de ses atteintes physiques et psychiques, retenant que l’ensemble de ses atteintes réduisait ses ressources.

Par jugement du 30.09.2020, admission du recours par le tribunal cantonal, réformant la décision de l’office AI en ce sens que l’assurée avait droit à une rente entière d’invalidité dès le 01.12.2016.

 

TF

S’agissant de la valeur probante de rapports médicaux, que le juge ne s’écarte en principe pas sans motifs impérieux des conclusions d’une expertise judiciaire, la tâche de l’expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l’éclairer sur les aspects médicaux d’un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut notamment constituer une raison de s’écarter d’une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu’une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d’autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l’expert, on ne peut pas exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d’une nouvelle expertise médicale (ATF 143 V 269 consid. 6.2.3.2; 135 V 465 consid. 4.4; arrêt 8C_711/2020 du 2 juillet 2021 consid. 3.2 et la référence citée).

Le Tribunal fédéral a considéré qu’il se justifiait sous l’angle juridique, en l’état des connaissances médicales, d’appliquer par analogie les principes développés par la jurisprudence en matière de troubles somatoformes douloureux à l’appréciation du caractère invalidant d’une fibromyalgie, vu les nombreux points communs entre ces troubles (ATF 132 V 65 consid. 4). Quand bien même le diagnostic de fibromyalgie était d’abord le fait d’un médecin rhumatologue, il convenait ici aussi d’exiger le concours d’un médecin spécialiste en psychiatrie. Une expertise interdisciplinaire tenant à la fois compte des aspects rhumatologiques et psychiques apparaissait donc la mesure pour établir de manière objective si l’assuré présentait un état douloureux d’une gravité telle que la mise en valeur de sa capacité de travail sur le marché du travail ne pouvait plus du tout ou seulement partiellement être exigible de sa part (ATF 132 V 65 consid. 4.3; arrêt 9C_176/2018 du 16 août 2018 consid. 3.2.2). La modification de la jurisprudence ayant conduit à l’introduction d’une grille d’évaluation normative et structurée du caractère invalidant des troubles psychiques au moyen d’indicateurs standards (ATF 143 V 409; 143 V 418; 141 V 281) n’a rien changé à cette pratique : la fibromyalgie est toujours considérée comme faisant partie des pathologies psychosomatiques et son évaluation sur le plan de la capacité de travail est par conséquent soumise à la grille d’évaluation mentionnée (cf. arrêt 9C_808/2019 du 18 août 2020 consid. 5.2 et la référence citée).

Dans leur appréciation consensuelle du 23.04.2020, les experts n’ont pas retenu, sur le plan psychique, l’existence d’une atteinte durablement incapacitante, mais ont indiqué qu’il existait une certaine fragilité au niveau de la personnalité et de l’humeur, ce qui entraînait une légère diminution des ressources adaptatives renforçant l’effet délétère des atteintes physiques. Sur le plan somatique, ils ont relevé « des atteintes cliniques et surtout une diminution sévère des ressources (cf. texte de l’expertise pour les détails) dans le cadre du syndrome douloureux chronique, la polyarthrose (périphérique et au rachis), la polytendinopathie avec des bursites ». Les experts ont conclu que l’état de santé de l’expertisée et les répercussions fonctionnelles entraînaient une incapacité de travail totale dans toute activité depuis décembre 2015.

A l’instar de l’office AI recourant, on ne saurait suivre le raisonnement des juges cantonaux, selon lequel l’avis consensuel du 23.04.2020 constitue un examen global de l’état de santé et de la capacité de travail de l’assurée. En effet, en l’absence de diagnostic psychiatrique invalidant et compte tenu du fait que l’assurée dispose, selon le volet psychiatrique de l’expertise, de ressources mobilisables suffisantes pour contrebalancer les effets limitatifs de la dysthymie de gravité légère à moyenne, l’appréciation du rhumatologue, qui semble attester une incapacité de travail totale principalement sur la base des troubles psychosomatiques (syndrome douloureux chronique; « syndrome anxio-dépressif sévère ») apparaît contradictoire. L’expert rhumatologue a indiqué que l’incapacité totale de travail s’explique « surtout par une réduction des ressources dans la globalité de la patiente » présentant un syndrome anxio-dépressif sévère, tandis que l’expert psychiatre n’a pas retenu un tel diagnostic, ni une autre atteinte de degré sévère.

S’agissant ensuite de la question des limitations fonctionnelles, même si l’on se réfère aux rapports d’expertise respectifs, on ne parvient pas à comprendre en quoi celles-ci consistent concrètement ou de quel diagnostic elles résultent précisément, ni pourquoi elles limitent entièrement la capacité de travail de l’assurée. Ainsi, dans son rapport, l’expert rhumatologue énumère une liste de syndromes et d’atteintes somatiques dont souffre l’assurée, en indiquant de manière très générale que « tous les mouvements de la performance physique globale sont très limités », il en déduit directement une incapacité totale de travail sans expliquer en quoi les diagnostics posés ont des répercussions sur la capacité de travail, ni en quoi consistent celles-ci. Cela étant, l’avis consensuel fait plutôt apparaître un manque de cohérence entre les deux rapports d’expertises, dans lesquels les spécialistes renvoient – à tour de rôle – à l’appréciation de l’autre expert, particulièrement s’agissant de la fibromyalgie respectivement du trouble somatoforme douloureux, sans qu’il soit possible pour l’organe d’application du droit de comprendre si les critères de classification sont effectivement remplis (ATF 141 V 281 consid. 2.1.1). Aussi, force est de constater qu’en l’état de l’instruction, la cour cantonale ne pouvait pas se fonder sur l’appréciation consensuelle du 23.04.2020 pour l’évaluation de la capacité de travail de l’assurée.

L’argumentation de l’office recourant est également fondée en tant qu’elle porte sur le grief selon lequel les juges cantonaux n’ont pas effectué d’évaluation du caractère invalidant des atteintes psychiatriques au regard des indicateurs développés par la jurisprudence (ATF 141 V 281). Dans la mesure où ils ont retenu une incapacité de travail totale sur la base de l’appréciation consensuelle, ils ne pouvaient pas renoncer à examiner les conclusions médicales en fonction de la grille d’évaluation déterminante. S’il est vrai qu’il appartient au médecin de poser un diagnostic selon les règles de la science médicale, il n’en demeure pas moins que l’évaluation du caractère invalidant au regard des indicateurs développés par la jurisprudence est du ressort de l’administration ou, en cas de litige, de celui du juge (cf. ATF 141 V 281 consid. 2.1.1. in initio, arrêt 9C_176/2018 du 16 août 2018 consid. 3.2.2 in fine).

 

En l’absence d’une appréciation globale interdisciplinaire suffisamment motivée et tenant à la fois compte des aspects rhumatologiques et psychiques pour établir de manière objective si l’assurée présente un état douloureux d’une gravité telle que la mise en valeur de sa capacité de travail sur le marché du travail ne pouvait plus du tout ou seulement partiellement être exigible de sa part, il s’avère nécessaire de faire compléter l’instruction médicale. Contrairement à ce que fait valoir l’office recourant, on ne saurait se fonder sur l’avis de son service médical du 19.05.2020, dès lors déjà que celui-ci constitue non pas une appréciation du cas à proprement parler, mais plutôt une critique à l’égard de l’expertise judiciaire. Par conséquent, il convient de renvoyer l’affaire à l’instance précédente afin qu’elle procède à un complément d’expertise, en demandant par exemple aux médecins-experts une nouvelle prise de position consensuelle dûment motivée mettant en lien de manière coordonnée les diagnostics retenus et leurs effets éventuels sur la capacité de travail de l’assurée. Au besoin, il lui est loisible d’ordonner une nouvelle expertise.

 

Le TF admet le recours de l’office AI et annule le jugement cantonal, renvoyant la cause à l’autorité cantonale pour qu’elle complète l’instruction au sens des considérants et rende un nouvel arrêt.

 

 

 

Arrêt 9C_701/2020 consultable ici

 

 

9C_809/2017 (f) du 27.03.2018 – Révision d’une rente d’invalidité – 17 LPGA / Capacité de travail exigible dans une activité adaptée – Déconditionnement conséquence directe et inévitable d’une atteinte à la santé – Exécution préalable de mesures de réadaptation

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_809/2017 (f) du 27.03.2018

 

Consultable ici

 

Révision d’une rente d’invalidité / 17 LPGA

Capacité de travail exigible dans une activité adaptée – Déconditionnement conséquence directe et inévitable d’une atteinte à la santé / 16 LPGA

Exécution préalable de mesures de réadaptation

 

Assuré a travaillé comme vendeur, manutentionnaire et animateur socio-culturel. Le 02.11.2010, il a déposé une demande de prestations de l’assurance-invalidité; il y indiquait être en incapacité totale de travailler depuis le 02.06.2010 en raison d’une insuffisance rénale et de la maladie de Bechterew.

Après avoir recueilli des renseignements auprès des médecins traitants de l’assuré et sollicité l’avis de son SMR, l’office AI a reconnu à l’assuré le droit à une rente entière d’invalidité à compter du 01.06.2011 (décision du 05.09.2012).

En 2016, dans le cadre d’une procédure de révision du droit aux prestations, le médecin au SMR a constaté une amélioration de l’état de santé de l’assuré et fait état d’une capacité de travail entière dans une activité adaptée depuis le mois de novembre 2015. Fort de ces conclusions, l’office AI a supprimé le droit de l’intéressé à une rente entière d’invalidité avec effet au 01.03.2017 (décision du 24.01.2017).

 

Procédure cantonale (arrêt 605 2017 29 – consultable ici)

Par jugement du 17.10.2017, le tribunal cantonal a confirmé la suppression du droit de l’assuré à une rente entière d’invalidité prononcée par l’office AI le 24.01.2017. Pour ce faire, l’instance cantonale a comparé la situation prévalant lors de la décision initiale d’octroi de rente du 05.09.2012 avec celle existant au moment de la décision litigieuse. Elle a constaté que de l’avis unanime des médecins consultés après le 01.12.2015, l’état de santé de l’assuré s’était amélioré à la suite de la transplantation rénale qu’il avait subie le 05.05.2015. En se fondant sur l’avis du docteur C.__, médecin au centre de transplantation de l’hôpital D.__, elle a admis que l’assuré présentait une capacité de travail totale dans une activité adaptée; elle a également nié son droit à des mesures d’ordre professionnel.

 

TF

L’assuré ne conteste pas l’amélioration de son état de santé. Il reproche uniquement aux premiers juges d’avoir procédé à une appréciation arbitraire de sa capacité de travail, et de ne pas avoir examiné la question de l’opportunité de mesures de réadaptation ou de mesures de réinsertion préparant à la réadaptation professionnelle. Selon lui, l’instance cantonale n’aurait en particulier pas tenu compte des conclusions de la doctoresse E.__, médecin au centre de transplantation de l’hôpital D.__, selon laquelle sa capacité de travail dans une activité adaptée ne dépassait pas 40-50%.

En l’espèce, la juridiction cantonale a suivi l’avis du docteur C.__, selon lequel l’assuré présentait, depuis le mois de novembre 2015, une pleine capacité de travail sans diminution de rendement dans une activité sédentaire principalement en position assise, sans port de charge de plus de 10 kg, sans devoir se pencher ou travailler en porte-à-faux rachidien, ceci dans un milieu exempt de poussières et de risque infectieux. Elle a en revanche écarté l’avis divergent de la doctoresse E.__, qui faisait état d’une capacité de travail dans une activité adaptée n’excédant pas 40-50%.

Les juges cantonaux ont justifié leur choix de se rallier aux conclusions du docteur C.__ et du médecin du SMR en indiquant qu’elles avaient été exprimées au terme d’examens complets et en pleine connaissance du dossier. A l’inverse, ils n’ont pas suivi l’avis de la doctoresse E.__, dans la mesure où elle rattachait la diminution de la capacité de travail de l’assuré à son déconditionnement intervenu à la suite des longues années de thérapie.

L’appréciation des premiers juges ne peut pas être suivie. D’une part, on relèvera que le rapport de la doctoresse E.__ est plus précis et plus étayé que celui du docteur C.__, qui a constaté une amélioration depuis la greffe et émis un pronostic favorable quant à la reprise à 100% d’une activité adaptée « en l’absence de complication ». La doctoresse E.__ a en particulier indiqué l’évolution de l’état de santé de l’assuré depuis le traitement en hémodialyse pendant plusieurs années et le traitement immunosuppresseur.

D’autre part, l’affirmation de l’instance cantonale selon laquelle le déconditionnement « ne représente pas une maladie invalidante en soi au sens de la LAI » est erronée compte tenu des circonstances particulières. Certes, comme le Tribunal fédéral a déjà eu l’occasion d’en juger, ni le déconditionnement issu d’un mode de vie sédentaire et inactif, ni celui lié à une longue interruption de l’activité professionnelle ne suffisent en tant que tels pour admettre une diminution durable de la capacité de travail dans toute activité (cf. arrêts I 524/04 du 28 juin 2005 consid. 5 et I 597/03 du 22 mars 2004 consid. 4.1). En revanche, lorsque le déconditionnement se révèle être la conséquence directe et inévitable d’une atteinte à la santé, son incidence sur la capacité de travail ne saurait d’emblée être niée. A cet égard, les éléments empêchant la réadaptation et la réintégration professionnelles qui ne sont pas dus à l’atteinte à la santé n’ont pas à être pris en considération. Si la mise en valeur de la capacité résiduelle de travail dépend cependant d’une mesure préalable liée à l’état de santé, et réservée du point de vue médical, il y a lieu d’en tenir compte pour évaluer ladite capacité de travail. Ainsi, lorsque le corps médical fixe une capacité résiduelle de travail, tout en réservant que celle-ci ne pourra être atteinte que moyennant l’exécution préalable de mesures de réadaptation, il n’y a pas lieu de procéder à une évaluation du taux d’invalidité sur la base de la capacité résiduelle de travail médico-théorique avant que lesdites mesures n’aient été exécutées (arrêts 9C_141/2009 du 5 octobre 2009 consid. 2.3.1 et les arrêts cités, in SVR 2010 IV n° 9 p. 27; 9C_163/2009 du 10 septembre 2010 consid. 4.1, SVR 2011 IV n° 30 p. 86).

En l’occurrence, la doctoresse E.__ a indiqué que le déconditionnement de l’assuré était consécutif aux années d’hémodialyse qui avaient précédé la greffe, ainsi qu’au traitement immunosuppresseur post-greffe, lequel avait occasionné une perte de poids et une fonte musculaire. En raison de ce déconditionnement et de la faiblesse musculaire, l’activité adaptée n’était envisageable qu’à un taux maximum de 40 à 50%, mais celui-ci pouvait être augmenté dans le futur en l’absence de complications médicales liées à l’immunosuppression. Dès lors, les juges cantonaux ne pouvaient pas, sauf à faire preuve d’arbitraire, écarter l’avis de ce médecin et ne pas tenir compte du déconditionnement entraîné par l’atteinte à la santé et de la reprise progressive d’une activité lucrative qui en découle. Ainsi, leur constatation selon laquelle l’état physique de l’assuré s’était rétabli et lui permettait l’exercice d’une activité à plein temps est manifestement inexacte. Il y a lieu de tenir compte d’une capacité de travail de 40 à 50% dans une activité adaptée dans un premier temps, alors qu’il reste à évaluer les mesures nécessaires au reconditionnement physique de l’intéressé ainsi que leur durée, sous réserve de la collaboration de celui-ci (art. 21 al. 4 LPGA).

La cause doit ainsi être renvoyée à l’office AI pour instruction complémentaire. Ce n’est qu’à la suite de celle-ci que l’office AI pourra statuer définitivement sur la révision de la rente d’invalidité. En ce sens, la conclusion de l’assuré tendant au renvoi de la cause pour instruction complémentaire est bien fondée; le jugement cantonal doit être annulé en conséquence.

 

Le TF admet le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_809/2017 consultable ici

 

 

8C_368/2021 (d) du 22.07.2021 – Revenu sans invalidité selon l’ESS – Prise en compte de l’évolution de la carrière (comme invalide) / Revenu d’invalide – Rappel de la notion du marché équilibré de l’emploi et de l’exigibilité – Capacité de travail et de gain exigible

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_368/2021 (d) du 22.07.2021

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi.

 

Revenu sans invalidité – Méthode de la comparaison des revenus vs méthode extraordinaire / 16 LPGA

Détermination du revenu sans invalidité selon l’ESS – Prise en compte de l’évolution de la carrière (comme invalide) pour fixer le revenu sans invalidité

Revenu d’invalide – Rappel de la notion du marché équilibré de l’emploi et de l’exigibilité – Capacité de travail et de gain exigible

Niveau de compétences 2

 

Assurée, née en 1963, serveuse dans le restaurant d’un hôtel depuis novembre 1983 (salaire mensuel de CHF 2’150). A la suite d’une chute, le 09.04.1986, elle subit une fracture trimalléolaire de la cheville droite.

Par décision du 24.04.1989, l’assurance-accidents a octroyé une IPAI de 30% ainsi qu’une invalidité en capital (pour l’invalidité) d’un montant de CHF 10’724. Divers frais médicaux ont, par la suite, été pris en charge (remboursement des frais de traitement médical, adaptation de chaussures orthopédiques).

Depuis décembre 2004, l’assurée est associée gérante, avec signature individuelle, pour l’entreprise en nom collectif Hôtel B.__.

Le 24.06.2018, l’assurée a annoncé des séquelles tardives de l’accident du 09.04.2018. L’assurance-accidents a pris en charge le traitement médical et payé des indemnités journalières.

De l’avis du 03.06.2020 du médecin-conseil, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur, aucune amélioration significative de l’état de santé de l’assurée ne pouvait être attendue d’un traitement médical supplémentaire. L’incapacité de travail dans l’activité habituelle était de 70% ; dans une activité adaptée à l’état de santé, la capacité de travail était pleine et entière.

Par décision du 01.07.2020, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a mis au versement de ces prestations, nié le droit à une rente d’invalidité (taux d’invalidité de 2%) et octroyé une IPAI de CHF 13’920.

 

Procédure cantonale

Le tribunal cantonal n’a pas indexé le dernier salaire perçu avant l’accident du 09.04.1986, en raison du changement professionnel de décembre 2004. Comme elle occupait donc une position professionnelle plus élevée qu’au moment de l’accident, l’activité professionnelle initiale comme serveuse ne pouvait plus servir de base pour le revenu sans invalidité. En raison de cette amélioration de sa situation professionnelle, il fallait présumer que, même sans l’accident, il en aurait été de même. Par conséquent, dans le cas le plus favorable pour l’assurée, le revenu sans invalidité a été déterminé sur la base de l’ESS 2018, branches 55-56 « Hébergement et restauration », niveau de compétences 4 (tâches qui exigent une capacité à résoudre des problèmes complexes et à prendre des décisions fondées sur un vaste ensemble de connaissances théoriques et factuelles dans un domaine spécialisé). Après correction de l’horaire hebdomadaire et de l’évolution des salaires jusqu’en 2019, le revenu sans invalidité a été fixé à CHF 65’651.90.

S’agissant du revenu d’invalide, le tribunal cantonal a constaté qu’il fallait tenir compte du fait que l’assurée pouvait s’appuyer sur l’expérience de son activité habituelle et qu’elle avait acquis au fil des ans des compétences et des connaissances particulières qui pouvaient être utilement utilisées dans les activités qu’on pouvait raisonnablement exiger d’elle. Le revenu d’invalide (CHF 61’291.10) a ainsi été fixé sur la base de l’ESS, ligne Total, niveau de compétences 2. Un abattement sur le revenu statistique n’a pas été retenu.

La comparaison des revenus sans invalidité et d’invalide fait apparaître un taux d’invalidité de 7%, excluant le droit à la rente d’invalidité.

Par jugement du 17.03.2021, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Revenu sans invalidité – Méthode de la comparaison des revenus vs méthode extraordinaire

L’assurée estime que l’activité d’associée d’une société en nom collectif et gérante d’un hôtel s’apparente à un travail comme indépendant. Les conditions dans l’industrie hôtelière étant instables et fluctuantes, il aurait été approprié de déterminer le degré d’invalidité sur la base d’une comparaison des activités.

Selon le TF (consid. 7.2) :

Dans la mesure du possible, le taux d’invalidité doit être déterminé selon la méthode générale de comparaison des revenus (art. 16 LPGA). En règle générale, il faut déterminer aussi précisément que possible les revenus sans invalidité et d’invalide et les comparer entre eux, le taux d’invalidité étant calculé à partir de la différence des revenus. Si le revenu sans invalidité ne peut être déterminé et chiffré de manière exacte, il est estimé selon les circonstances connues et des valeurs approximatives sont comparées entre elles. Conformément à la méthode spécifique relative aux personnes sans activité lucrative (art. 27 RAI), il convient de procéder à une comparaison des activités et déterminer le degré d’invalidité sur la base des effets de la capacité de gain réduite dans la situation professionnelle spécifique (méthode extraordinaire ; ATF 128 V 29 consid. 1; arrêt 8C_228/2020 du 28.05.2020 consid. 4.1.1 et les références).

Les circonstances exceptionnelles permettant d’appliquer la méthode extraordinaire ne sont pas présentes dans le cas d’espèce. L’assurée ne démontre pas en quoi la non-application de la méthode extraordinaire serait contraire au droit fédéral et en quoi l’application de la comparaison des revenus réalisées par la juridiction cantonale lui causerait des désavantages. Le grief est rejeté.

 

Détermination du revenu sans invalidité

L’assurée fait grief qu’en tant qu’associée, elle avait non seulement droit à un salaire, mais également à une part des bénéfices. Son potentiel de gain était donc supérieur au salaire médian, c’est pourquoi le revenu sans invalidité, fixé sur la base du salaire médian des employés du secteur de l’hôtellerie et de la restauration au niveau de compétence 4, a été fixé trop bas.

Selon le TF (consid. 8.1) :

Pour le revenu sans invalidité, est déterminant le salaire qu’aurait effectivement gagné l’assuré, en bonne santé, au moment du début du droit à la rente. En règle générale, on se base sur le dernier salaire perçu, éventuellement corrigé de l’inflation et de l’évolution réelle du revenu, en posant la présomption que l’assuré continué d’exercer son activité sans la survenance de son invalidité. Des exceptions ne sauraient être admises que si elles sont établies au degré de la vraisemblance prépondérante (ATF 139 V 28 consid. 3.3.2).

Dans le cadre de la révision (art. 17 LPGA), il y a une différence par rapport à la fixation initiale de la rente, dans la mesure où l’on connaît la carrière professionnelle de la personne invalide, effectivement poursuivie entre-temps. Une qualification professionnelle particulière réalisée malgré l’invalidité permet de tirer des conclusions quant à l’évolution hypothétique qui se serait produite sans l’atteinte à la santé (liée à l’accident) jusqu’au moment de la révision. Toutefois, une carrière réussie en tant qu’invalide dans un nouveau domaine professionnel ne signifie pas nécessairement que l’assuré aurait atteint – sans invalidité – un poste comparable dans le domaine d’activité initiale (ATF 145 V 141 consid. 5.2.1 et les références).

Selon le TF (consid. 8.2.2) :

Le Tribunal fédéral ne voit pas en quoi l’approche de la cour cantonale serait contraire au droit fédéral lorsqu’elle a fixé le revenu sans invalidité sur la base de l’ESS (branches 55-56, femmes, niv. comp. 4). Par ailleurs, l’assurée ne fournit pas de preuves qu’elle aurait réellement pu réaliser un salaire plus élevé ; à cet égard, la jurisprudence est stricte à cet égard (cf. arrêt 8C_285/2020 du 15.09.2020 consid. 4.3.3).

 

Revenu d’invalide

Capacité de travail et de gain exigible (consid. 9)

L’évaluation du revenu d’invalide selon la situation professionnelle concrète suppose, entre autres, que l’assuré utilise pleinement la capacité de travail exigible restante (ATF 143 V 295 consid. 2.2). Ce n’est pas le cas si, sur le marché équilibré de l’emploi, il pourrait gagner un salaire plus élevé que celui qu’il reçoit effectivement. Par rapport à ce marché de travail équilibré (hypothétique), un changement d’emploi est également exigible s’il est très difficile, voire impossible, pour l’assuré de trouver un emploi correspondant en raison des circonstances économiques sur le marché réel du travail. La prise en compte de ce revenu hypothétiquement plus élevé ne repose donc pas tant sur l’obligation de limiter le dommage que sur le fait que l’assurance-accidents ne doit indemniser que la perte de gain causée par l’atteinte à la santé consécutive à l’accident (SVR 2019 UV Nr. 3 S. 9, 8C_121/2017 consid. 7.4, 2012 UV Nr. 3 S. 9, 8C_237/2011 consid. 2.3).

Lors de l’évaluation de l’invalidité, l’assuré doit se voir opposé, comme revenu d’invalide, le revenu qu’il pourrait raisonnablement obtenir sur le marché général du travail dans une activité exigible ; même s’il renonce à changer de profession ou d’emploi en raison de perspectives favorables dans le poste exercé jusqu’ici, il ne peut pas attendre de l’assurance-accidents qu’elle indemnise une diminution du gain due à la renonciation à un revenu exigible (arrêt 8C_631/2019 du 18.12.2019 consid. 6.1).

L’assurée ne prétend pas, et il ne ressort pas du dossier, qu’elle utilise pleinement sa capacité de travail restante exigible dans son emploi actuel. Par conséquent, il n’est pas contraire au droit fédéral que la cour cantonale fonde sa décision sur le salaire statistique de l’ESS. Il est donc indifférent de savoir dans quelle mesure elle est limitée dans son emploi actuel de directrice d’un hôtel en raison de son état de santé. Il n’est pas non plus nécessaire de procéder à une mise en demeure et octroyer un délai de réflexion selon l’art. 21 al. 4 LPGA pour inciter l’assuré à changer d’emploi ou pour lui imputer le revenu d’invalide correspondant (arrêt 9C_771/2017 du 29 mai 2018 consid. 3.5.1 et la référence).

 

Niveau de compétences (consid. 10)

En raison de ses nombreuses années de travail en tant que gérante d’un hôtel, l’assurée dispose d’une expérience professionnelle dans une fonction de direction avec des tâches administratives, qu’elle peut utiliser non seulement dans le secteur de la restauration, mais également dans d’autres secteurs professionnels (cf. également arrêts 8C_534/2019 du 18.12.2019 consid. 5.3.3.2 s. et 8C_732/2018 du 26.03.2019 consid. 8.2.2). Dans ces conditions, il n’est pas contraire au droit fédéral que l’instance cantonale ait retenu le niveau de compétences 2 de la ligne Total de l’ESS.

 

Abattement (consid. 11)

Il n’est pas déterminant de savoir si sa capacité de travail restante est utilisable dans les conditions spécifiques du marché du travail, mais seulement de savoir si l’assurée pourrait encore utiliser économiquement sa capacité de travail restante s’il y avait un équilibre entre l’offre et la demande d’emplois (marché équilibré du travail, art. 16 LPGA ; ATF 138 V 457 consid. 3.1, 110 V 273 E. 4b; arrêt 8C_330/2021 du 08.06.2021 consid. 5.3.1).

La cour cantonale a expliqué pourquoi les limitations fonctionnelles et l’âge, invoqués par l’assurée, ne justifient pas une déduction. La simple référence générale à ces motifs d’abattement ne change rien à ce résultat. En outre, le manque d’expérience professionnelle n’est pas pertinent.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 8C_368/2021 consultable ici

Proposition de citation : 8C_368/2021 (d) du 22.07.2021 – Revenu sans invalidité selon l’ESS – Notion du marché équilibré de l’emploi et de l’exigibilité, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2021/08/8c_368-2021)

 

8C_95/2021 (f) du 27.05.2021 – Rappel de la notion de stabilisation de l’état de santé – Clôture du cas – 19 al. 1 LAA / Capacité de travail exigible – 16 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_95/2021 (f) du 27.05.2021

 

Consultable ici

 

Rappel de la notion de stabilisation de l’état de santé – Clôture du cas / 19 al. 1 LAA

Capacité de travail exigible / 16 LPGA

 

Assurée, née en 1970, employée depuis le 09.10.2010 comme ouvrière polyvalente, a été victime d’une chute dans un escalier le 03.01.2017, entraînant une fracture-luxation trimalléolaire de la cheville gauche, traitée par voie chirurgicale. Depuis lors, elle a été en incapacité de travail à 100%.

Le 02.05.2018, 2 mai 2018, le médecin-conseil de l’assurance-accidents, spécialiste en chirurgie, a procédé à l’examen final et a retenu que malgré les deux séjours à la Clinique de réadaptation, il n’avait pas été possible d’infléchir un processus d’invalidité qui s’était rapidement installé après l’accident chez une patiente qui présentait une sorte d’exclusion fonctionnelle de son pied gauche. Dans ces conditions, la reprise d’un traitement de physiothérapie n’avait pas de sens. Dans une activité respectant les limitations qui avaient été décrites lors du deuxième séjour à la Clinique de réadaptation, la capacité de travail était entière, étant précisé que l’impossibilité de reprendre l’activité habituelle avait été mise essentiellement sur le compte de facteurs non médicaux. Il a en outre évalué le taux de l’IPAI de 10%.

Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents lui a reconnu le droit à une IPAI de 10%; en revanche, en l’absence d’une diminution notable de la capacité de gain, elle a nié le droit à une rente d’invalidité.

De son côté, l’office AI a rejeté la demande de prestations de l’assurée.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 150/18 – 187/2020 – consultable ici)

Sur la base des rapports jugés probants, la juridiction cantonale a considéré qu’au moment où l’assurance-accidents avait mis fin à la prise en charge du traitement médical et au versement des indemnités journalières, il n’y avait plus à attendre de la poursuite du traitement une amélioration notable de l’état de santé de l’assurée. Les rapports produits par celle-ci et par sa caisse-maladie ne permettaient pas de mettre sérieusement en doute les constatations de l’assurance-accidents. En ce qui concernait la capacité de travail, les rapports de la Clinique de réadaptation et du médecin-conseil permettaient également de constater qu’elle était de 100% dans une activité adaptée, c’est-à-dire une activité permettant d’éviter la marche prolongée, en particulier en terrain irrégulier, les montées et les descentes répétitives d’escaliers, la position accroupie prolongée et le port de charge supérieur à un port de charge léger entre 5 et 10 kg. Si l’assurée était dans l’impossibilité de maintenir une position assise statique sans tendre sa jambe et la poser sur un repose-pied, il convenait de constater que les plaintes et les limitations fonctionnelles observées chez elle dépassaient, selon les médecins de la Clinique de réadaptation, ce qui était objectivement explicable par les atteintes à la santé.

Par jugement du 10.12.2020, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Stabilisation de l’état de santé – Clôture du cas

Selon l’art. 19 al. 1 LAA, le droit à une rente d’invalidité prend naissance dès qu’il n’y a plus lieu d’attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l’état de santé de l’assuré et qu’aucune mesure de réadaptation de l’assurance-invalidité n’entre en considération; il appartient alors à l’assureur-accidents de clore le cas en mettant fin aux frais de traitement ainsi qu’aux indemnités journalières, en examinant le droit à une rente d’invalidité et à une indemnité pour atteinte à l’intégrité. L’amélioration de l’état de santé se détermine notamment en fonction de l’augmentation ou de la récupération probable de la capacité de travail réduite par l’accident (ATF 134 V 109 consid. 4.1). L’utilisation du terme « sensible » par le législateur montre que l’amélioration que doit amener une poursuite du traitement médical doit être significative. Ni la possibilité lointaine d’un résultat positif de la poursuite d’un traitement médical ni un progrès thérapeutique mineur à attendre de nouvelles mesures – comme une cure thermale – ne donnent droit à sa mise en œuvre (arrêt 8C_142/2017 du 7 septembre 2017 consid. 4 et la référence citée). Il ne suffit pas non plus qu’un traitement physiothérapeutique puisse éventuellement être bénéfique pour la personne assurée (arrêt 8C_736/2017 du 20 août 2018 consid. 4.1 et la référence citée). Dans ce contexte, l’état de santé doit être évalué de manière prospective (arrêt 8C_235/2020 du 15 février 2021 consid. 2.3).

Au moment où l’assurance-accidents a mis fin aux indemnités journalières, le 30.06.2018, il ressortait des pièces médicales versées au dossier, en particulier du rapport du médecin-conseil, qu’il n’y avait plus de traitement médical susceptible d’améliorer de manière notable l’état de santé de l’assurée. On ne saurait ainsi suivre l’assurée lorsqu’elle soutient que les autres médecins consultés avaient un avis divergent. Certes, le médecin-traitant, spécialiste FMH en médecine interne générale, a relevé que l’on pouvait avec le temps espérer encore une certaine amélioration ; toutefois, il n’a pas pu indiquer une thérapie spécifique qui puisse améliorer de manière sensible l’état de santé de l’assurée, dans la mesure où celle-ci connaissait les différents exercices à faire. Quant au rapport du 26 octobre 2018 de la médecin associée au Département de l’appareil locomoteur du Service d’orthopédie et traumatologie de l’Hôpital H.__, il confirme qu’au moment de la clôture du cas, il n’existait pas d’indication à une réintervention chirurgicale. S’agissant en outre des traitements suggérés par la spécialiste (séances de piscine, drainages, amélioration de la marche par des chaussures appropriées), il y a lieu de constater qu’il s’agit de traitements dont la pratique considère qu’ils sont tout au plus aptes à augmenter le bien-être de la personne assurée, mais ne sont pas de nature à améliorer de manière considérable son état de santé. Il en va de même de la détermination d’un spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur, dans laquelle il se réfère à un rapport d’une consœur faisant état d’une situation radiologique inchangée depuis octobre 2018 mais constate une légère amélioration grâce à la physiothérapie.

Dans ces conditions, l’arrêt attaqué n’est pas critiquable en tant qu’il confirme que l’assurance-accidents était fondée à clore le cas avec effet au 30.06.2018.

 

Capacité de travail exigible

L’assurée fait grief à la cour cantonale d’avoir retenu sur la base du rapport du médecin-conseil qu’elle était apte à exercer une activité adaptée à plein temps. Elle estime que cette appréciation est contredite par le rapport des ateliers professionnels de la Clinique de réadaptation, dans lequel il est indiqué que lors du maintien de la position assise statique, l’assurée tend sa jambe et la pose sur un repose-pieds.

Ce faisant, l’assurée semble perdre de vue qu’il s’agit-là d’un descriptif de son comportement lors du séjour à la Clinique de réadaptation, rendu par les spécialistes de la réadaptation professionnelle, et non pas d’une appréciation médicale de sa capacité de travail. Par ailleurs, à l’instar de la cour cantonale, il sied de relever que les médecins de la Clinique de réadaptation ont constaté l’existence de facteurs contextuels qui jouaient un rôle important dans les plaintes et les limitations fonctionnelles rapportées par la patiente et influençaient défavorablement le retour au travail ; la patiente était très focalisée sur ses douleurs et avait sous-estimé de manière importante ses propres capacités fonctionnelles.

Cela étant, en ce qui concerne l’évaluation de la capacité de travail résiduelle de l’assurée, il n’existe aucun motif de s’écarter de l’exigibilité fixée par le médecin-conseil, ni d’ordonner une expertise. En effet, le dossier ne contient aucun avis médical dont il faudrait inférer que les limitations fonctionnelles retenues par le médecin-conseil ne tiendraient pas suffisamment compte des atteintes objectives en lien avec l’accident du 03.01.2017.

Contrairement à ce que soutient l’assurée, le médecin-traitant n’a pas indiqué qu’une activité adaptée serait uniquement envisageable à temps partiel. Il a seulement relevé qu’une telle activité ne pouvait pas d’emblée être exercée à plein temps. Or, dans la mesure où ce praticien n’explique pas pour quel motif un temps d’adaptation serait indispensable pour que l’assurée puisse exercer une activité adaptée ne nécessitant pas de manière accrue la sollicitation de la cheville gauche, c’est à juste titre que la cour cantonale n’a pas tenu compte de cette remarque. Quant à la détermination de ce médecin, produite en cours de procédure cantonale, dans laquelle il atteste désormais une incapacité de travail totale dans toute activité, force est de constater que ses conclusions n’emportent pas la conviction. Outre le fait qu’il est admis de jurisprudence constante que le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l’unit à ce dernier (ATF 135 V 465 consid. 4.5; 125 V 351 consid. 3a/cc), on relèvera qu’il s’est essentiellement fondé sur les douleurs de l’assurée et n’a pas mis en évidence un élément objectif nouveau par rapport au rapport du médecin-conseil.

 

Par conséquent, c’est à raison que les juges cantonaux ont nié le droit de l’assurée à des indemnités journalières au-delà du 30.06.2018 et ont retenu qu’à partir de ce moment-là, celle-ci était apte à exercer à plein temps une activité adaptée aux limitations fonctionnelles de sa cheville gauche. Il n’y avait pas non plus lieu pour eux d’ordonner une expertise. L’arrêt attaqué ne prête ainsi pas le flanc à la critique en tant qu’il confirme le refus d’une rente d’invalidité à l’assurée, dès lors que celle-ci ne conteste pas, comme déjà au stade de la procédure cantonale, la comparaison des revenus avec et sans invalidité à laquelle l’assurance-accidents a procédé et dont il ne résulte pas de perte de gain.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 8C_95/2021 consultable ici

 

Cf. arrêt 8C_96/2021 du 27.05.2021 pour le volet AI du dossier.

 

 

8C_96/2021 (f) du 27.05.2021 – Evaluation de la capacité de travail exigible – 6 LPGA / Rapport du médecin-traitant fondé sur les douleurs de l’assurée – Evaluation de l’incapacité de gain (invalidité) – 7 LPGA – 8 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_96/2021 (f) du 27.05.2021

 

Consultable ici

 

Evaluation de la capacité de travail exigible / 6 LPGA

Rapport du médecin-traitant fondé sur les douleurs de l’assurée

Evaluation de l’incapacité de gain (invalidité) / 7 LPGA – 8 LPGA

 

Assurée, née en 1970, employée depuis le 09.10.2010 comme ouvrière polyvalente, victime d’une chute dans un escalier le 03.01.2017, entraînant une fracture-luxation trimalléolaire de la cheville gauche. Dépôt de la demande AI le 09.10.2017.

Après avoir pris connaissance du dossier de l’assurance-accidents, notamment du rapport de sortie de la Clinique de réadaptation et du rapport d’examen final du médecin-conseil, l’office AI a rendu un projet de décision refusant à l’assurée le droit à des prestations de l’assurance-invalidité (rente d’invalidité et mesures de reclassement). Les objections formulées par l’assurée n’ont pas permis à l’administration de revenir sur sa position, de sorte que le projet a été confirmé par décision.

Entre-temps, l’assurance-accidents a mis fin aux prestations avec effet au 30.06.2018 et a nié le droit de l’assurée à une rente d’invalidité, lui reconnaissant cependant le droit à une indemnité pour atteinte à l’intégrité de 10%.

 

Procédure cantonale (arrêt AI 61/19 – 405/2020 – consultable ici)

La cour cantonale a reconnu une pleine valeur probante au rapport d’examen final du médecin-conseil de l’assurance-accidents ainsi qu’au rapport de sortie de la Clinique de réadaptation, dont il ressortait que la capacité de travail résiduelle de l’assurée était de 100% dans une activité adaptée, c’est-à-dire une activité permettant d’éviter la marche prolongée, en particulier en terrain irrégulier, les montées et descentes répétitives d’escaliers, la position accroupie prolongée et le port de charge supérieur à un port de charge léger entre 5 et 10 kg.

Constatant que l’assurée n’avait soulevé aucun grief s’agissant de la comparaison des revenus et de l’évaluation du taux d’invalidité, les juges cantonaux ont confirmé le calcul auquel avait procédé l’office AI, en précisant pour le revenu d’invalide que même s’il fallait admettre un abattement de 10%, cela ne conduirait manifestement pas à un taux d’invalidité ouvrant droit aux prestations litigieuses.

 

Par jugement du 10.12.2020, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Evaluation de la(l’) (in)capacité de travail

L’assurée fait d’abord valoir qu’elle aurait de la peine à travailler, même en position assise, ce qui serait confirmé par le rapport des ateliers professionnels de la Clinique de réadaptation. Ce faisant, elle ne parvient pas à démontrer que la juridiction cantonale aurait fait preuve d’arbitraire dans l’établissement des faits ou dans l’appréciation des preuves. En effet, on rappellera que la capacité de travail est une question qui doit être évaluée en premier lieu par un médecin (cf. ATF 140 V 193 consid. 3.2). Le rôle de celui-ci est d’indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités la personne assurée est incapable de travailler, en se fondant sur des constatations médicales et objectives, soit des observations cliniques qui ne dépendent pas uniquement des déclarations de l’intéressé, mais sont confirmées par le résultat des examens cliniques et paracliniques (MARGIT MOSER-SZELESS in: Commentaire romand, Loi sur la partie générale des assurances sociales [Dupont/Moser-Szeless éd.], 2018, n° 24 ad art. 6 LPGA). Dans ces conditions, c’est sans tomber dans l’arbitraire que la cour cantonale a déterminé la capacité de travail résiduelle de l’assurée en se référant au rapport du médecin-conseil de l’assurance-accidents. Celui-ci a retenu une pleine capacité de travail de l’assurée dans une activité adaptée, en précisant que si une impossibilité de reprendre l’activité habituelle avait été admise à la Clinique de réadaptation, cela résultait essentiellement de facteurs non médicaux.

 

Rapport du médecin-traitant fondé sur les douleurs de l’assurée

Contrairement à l’allégation de l’assurée, le médecin-traitant, spécialiste FMH en médecine interne générale, n’a pas indiqué dans son rapport qu’une activité adaptée serait uniquement envisageable à temps partiel. Il a seulement relevé qu’une telle activité ne pouvait pas d’emblée être exercée à plein temps. Or, dans la mesure où ce praticien n’explique pas pour quel motif un temps d’adaptation serait indispensable pour que l’assurée puisse exercer une activité adaptée ne nécessitant pas de manière accrue la sollicitation de la cheville gauche, c’est sans arbitraire que la cour cantonale n’a pas tenu compte de cette remarque. S’agissant de la détermination de ce médecin, produite en cours de procédure cantonale, dans laquelle il atteste désormais une incapacité de travail totale dans toute activité, force est de constater que ses conclusions n’emportent pas la conviction. Outre le fait qu’il est admis de jurisprudence constante que le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l’unit à ce dernier (ATF 135 V 465 consid. 4.5; 125 V 351 consid. 3a/cc), on relèvera qu’il s’est essentiellement fondé sur les douleurs de l’assurée et n’a pas mis en évidence un élément objectif nouveau par rapport à l’examen final du médecin-conseil de l’assurance-accidents.

Quant au rapport du 4 septembre 2019 du Prof. E.__ et de la doctoresse F.__, respectivement médecin chef et médecin associée au Département de l’appareil locomoteur du Service d’orthopédie et traumatologie de l’Hôpital G.__, duquel il ressort que l’assurée n’est plus en mesure d’exercer son ancien métier il n’est pas pertinent pour la question litigieuse. En effet, le droit à une rente d’invalidité présuppose une diminution totale ou partielle des possibilités de gain de la personne assurée sur le marché du travail équilibré qu’entre en considération (art. 7 al. 1 et 8 al. 1 LPGA). Or, comme on l’a vu, les juges cantonaux ont constaté que l’assurée avait une capacité de travail résiduelle de 100% dans une activité adaptée. C’est aussi en conformité avec le droit fédéral qu’ils ont évalué l’existence d’une invalidité potentielle en tenant compte de toutes les possibilités de gain de l’assurée sur un marché de travail équilibré.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 8C_96/2021 consultable ici

 

Cf. arrêt 8C_95/2021 du 27.05.2021 pour le volet AA du dossier.

 

 

9C_98/2021 (f) du 31.05.2021 – Capacité de travail exigible – Revenu d’invalide – 16 LPGA / Facteurs tels que âge, manque de formation ou difficultés linguistiques ne constituent pas des circonstances supplémentaires qui sont susceptibles d’influencer l’étendue de l’invalidité

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_98/2021 (f) du 31.05.2021

 

Consultable ici

 

Capacité de travail exigible – Revenu d’invalide / 16 LPGA

Facteurs tels que âge, manque de formation ou difficultés linguistiques ne constituent pas des circonstances supplémentaires qui sont susceptibles d’influencer l’étendue de l’invalidité

Absence de formation et maîtrise imparfaite du français ne constituent pas un obstacle à l’exercice d’une activité professionnelle non qualifiée

 

Le 09.06.2015, assuré, né en 1962 et employé dans une entreprise de production de verre, a été victime d’un accident. En octobre 2015, l’assuré a présenté une demande de prestations de l’assurance-invalidité.

Après avoir octroyé à l’assuré des mesures d’intervention précoce sous la forme d’un stage d’évaluation brève du 05.09.2016 au 02.10.2016, l’office AI a, entre autres mesures d’instruction, mandaté un spécialiste en médecine interne générale et en rhumatologie pour une expertise (rapport du 16.01.2018). Il a ensuite diligenté une expertise pluridisciplinaire. Dans leur rapport du 29.04.2019, les médecins-experts (spécialistes en médecine interne générale, en psychiatrie et psychothérapie en médecine physique et réadaptation et en rhumatologie) ont conclu à une incapacité totale de travail dans l’activité habituelle de manutentionnaire et de vitrier et à une capacité de travail entière dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles somatiques de l’assuré, sans diminution de rendement, depuis l’accident du 09.06.2015. Par décision, l’office AI a nié le droit de l’assuré à une rente d’invalidité.

 

Procédure cantonale (arrêt 608 2019 232 – consultable ici)

Par jugement du 14.12.2020, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Capacité de travail exigible – Revenu d’invalide (consid. 5)

Selon la jurisprudence, dûment rappelée par la juridiction de première instance, s’il est vrai que des facteurs tels que l’âge, le manque de formation ou les difficultés linguistiques jouent un rôle non négligeable pour déterminer dans un cas concret les activités que l’on peut encore raisonnablement exiger d’un assuré, ils ne constituent pas, en règle générale, des circonstances supplémentaires qui, à part le caractère raisonnablement exigible d’une activité, sont susceptibles d’influencer l’étendue de l’invalidité, même s’ils rendent parfois difficile, voire impossible la recherche d’une place et, partant, l’utilisation de la capacité de travail résiduelle (arrêt 9C_774/2016 du 30 juin 2017 consid. 5.2 et la référence).

En l’espèce, au vu de son âge, presque 57 ans au moment de l’expertise pluridisciplinaire effectuée en 2019 (sur le moment où la question de la mise en valeur de la capacité [résiduelle] de travail pour un assuré proche de l’âge de la retraite sur le marché de l’emploi doit être examinée, voir ATF 138 V 457 consid. 3.3), l’assuré n’avait pas encore atteint l’âge à partir duquel le Tribunal fédéral admet qu’il peut être plus difficile de se réinsérer sur le marché du travail (sur ce point, voir ATF 143 V 431 consid. 4.5.2), comme l’ont dûment exposé les juges cantonaux. La juridiction cantonale a ensuite expliqué de manière convaincante que l’absence de formation de l’assuré et sa maîtrise imparfaite du français ne constituaient pas un obstacle à l’exercice d’une activité professionnelle non qualifiée, en rappelant du reste que ces circonstances ne l’avaient pas entravé avant d’être atteint dans sa santé puisqu’il avait travaillé durant près d’une vingtaine d’années en Suisse dans différents domaines (bâtiment, agriculture et industrie). Quant aux limitations fonctionnelles retenues par les experts, les juges cantonaux ont considéré qu’elles n’étaient pas contraignantes au point d’exclure l’engagement de l’assuré par un employeur potentiel, notamment dans le secteur de la production industrielle légère. Au regard de la liste des activités compatibles avec les limitations fonctionnelles établie par l’office AI (activités comme ouvrier dans la production industrielle légère ou les services, telles que le montage à l’établi, le contrôle des produits finis, la conduite de machines semi-automatiques, l’usinage de pièces légères ou le conditionnement léger), on constate en effet que la juridiction de première instance n’a pas violé le droit en admettant qu’il existait de réelles possibilités d’embauche sur le marché équilibré de l’emploi (à ce sujet, voir arrêt 9C_286/2015 du 12 janvier 2016 consid. 4.2 et les arrêts cités). En conséquence, il n’y a pas lieu de s’écarter des constatations de la juridiction cantonale quant à l’exigibilité d’une capacité de travail totale dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles de l’assuré dès le 09.06.2015.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_98/2021 consultable ici

 

 

9C_525/2020 (d) du 29.04.2021 – Droit d’être entendu – 29 al. 2 Cst. / Expertise médicale – Tâches de l’expert mandaté – Communication du nom du coexpert – 44 LPGA / Qualification d’un expert en neuropsychologie – Absence de signature du coexpert du rapport d’expertise

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_525/2020 (d) du 29.04.2021

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle, seul l’arrêt original fait foi

 

Droit d’être entendu / 29 al. 2 Cst.

Expertise médicale – Tâches de l’expert mandaté – Communication du nom du coexpert / 44 LPGA

Qualification d’un expert en neuropsychologie – Absence de signature du coexpert du rapport d’expertise

 

Assuré, né en 1967, a déposé une demande AI le 14.08.2016, en raison d’une sclérose en plaques (SEP). Après investigations – notamment une évaluation neuropsychologique (expertise du Dr. phil. B.________, psychologue spécialiste en neuropsychologie FSP et en psychothérapie FSP) – l’office AI a octroyé à l’assuré un quart de rente d’invalidité dès le 01.02.2017.

 

Procédure cantonale

La cour cantonale a estimé qu’il avait été remédié à toute violation des droits de participation de l’assuré à la désignation de l’expert (art. 44 LPGA : droit de faire des remarques quant à l’expert C.________, neuropsychologue clinique, impliqué dans l’expertise ; droit de poser des questions [complémentaires]). La cour cantonale a reconnu la valeur probante du rapport neuropsychologique et, sur la base d’une capacité de travail de 60% dans la profession habituelle de l’assuré, a confirmé que l’assuré avait droit à un quart de pension.

Par jugement du 18.06.2020, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Droit d’être entendu

Dans la mesure où l’assuré reproche à la cour cantonale une violation de l’obligation de motivation, il ne peut être suivi. Cette obligation, qui découle du droit constitutionnel d’être entendu (art. 29 al. 2 Cst) n’exige pas de l’autorité qu’elle traite en détail tous les points de vue des parties et qu’elle réfute expressément chaque argument individuel ; il suffit que la décision établisse et évalue suffisamment les éléments essentiels pour qu’elle puisse, le cas échéant, être contestée de manière appropriée (ATF 142 II 49 consid. 9.2 ; 136 I 184 consid. 2.2.1 ; 134 I 83 consid. 4 ; 133 III 439 consid. 3.3 ; chacun avec les références).

 

Expertise médicale – Tâches de l’expert mandaté – Communication du nom du coexpert

Si l’assureur doit recourir aux services d’un expert indépendant pour élucider les faits, il donne connaissance du nom de celui-ci aux parties. Celles-ci peuvent récuser l’expert pour des raisons pertinentes et présenter des contre-propositions (art. 44 LPGA).

L’expert au sens de l’art. 44 LPGA est la personne qui (en tant que sujet mandaté) établit une expertise et en est responsable. Il s’agit aussi bien de la personne chargée d’effectuer l’évaluation que de la personne physique qui prépare l’évaluation.

En tant que mandant, l’assureur a le droit de faire réaliser l’expertise par la personne mandatée. La substitution ou le transfert (même d’une partie) de la mission à un autre expert nécessite en principe le consentement du mandant.

Toutefois, l’obligation d’exécution personnelle du mandataire ne s’oppose pas à ce que l’expert s’assure le concours d’un auxiliaire, agissant sous sa direction et sa surveillance, pour l’exécution de certains travaux auxiliaires subordonnés, par exemple des tâches techniques (analyses) ou des travaux de recherche, de dactylographie, de copie ou de contrôle. L’assistance d’un tiers qualifié pour des tâches accessoires est admissible sans constituer une substitution nécessitant un consentement, pour autant que la responsabilité de l’expertise, en particulier le raisonnement et les conclusions ainsi que la réponse aux questions de l’expert, reste entre les mains de l’expert désigné.

Il est important que l’expert désigné accomplisse personnellement les tâches de base dans le cadre d’une expertise médicale en droit de la sécurité sociale, puisqu’il a été nommé précisément sur la base de son expertise, de ses compétences scientifiques particulières et de son indépendance. Ces tâches, qui ne peuvent être déléguées, consistent notamment à prendre connaissance du dossier dans son intégralité et à en faire une analyse critique, à examiner la personne à évaluer ou à réfléchir à l’évaluation du cas et aux conclusions qui peuvent en être tirées, le cas échéant dans le cadre d’une discussion interdisciplinaire.

Dans le cadre de l’art. 44 LPGA, il en résulte que l’obligation de communiquer à l’avance le nom du médecin chargé de l’expertise, ou le droit de l’assuré de connaître ce nom, concerne la personne qui a été chargée par l’assurance-invalidité de préparer l’expertise. Cette obligation ne s’étend pas au nom des tiers qui assistent l’expert par des travaux auxiliaires (dans l’ensemble : ATF 146 V 9 E. 4.2.1 ss et les références).

Comme le relève la cour cantonale, il n’est pas possible de déterminer dans quelle mesure le Dipl. Psych. C.________ a été impliqué dans le contenu de l’expertise neuropsychologique. En particulier, il n’est pas précisé qui a réalisé quelles parties de l’expertise. Dans la mesure où la juridiction cantonale se prononce néanmoins sur ce point, son appréciation, d’une part, ne trouve aucun appui dans l’expertise et, d’autre part, apparaît également contradictoire en soi.

 

D’un point de vue formel, les Dr. phil. B.________ et Dipl. Psych. C.________ ont été nommés dans l’avis d’expert. Ensuite, sous la rubrique « Propres examens et constatations », il a été indiqué que l’examen neuropsychologique avait été réalisé par Dipl. Psych. C.________ et Dr. phil. B.________. En outre, l’expertise parle de « conseillers » (« Referentinnen »). Et enfin, les deux examinateurs étaient censés signer l’avis d’expert. Rien n’indique que Dipl. Psych. C.________ n’a fait qu’effectuer un travail auxiliaire subordonné au sens de la jurisprudence précitée. Il faut donc supposer que le Dr. phil. B.________ a impliqué Dipl. Psych. C.________ en tant qu’expert, c’est pourquoi il ne fait aucun doute qu’ils ont été impliqués dans la même mesure dans la préparation de l’expertise.

Compte tenu de la jurisprudence (ATF 146 V 9), il faut conclure sur la base de ce qui précède que tant le Dr phil. B.________ et Dipl. Psych. C.________ étaient des experts au sens de l’art. 44 LPGA. La conclusion de la juridiction inférieure selon laquelle ce dernier n’était qu’un auxiliaire est contraire au dossier et donc manifestement incorrecte.

 

Qualification d’un expert en neuropsychologie – Absence de signature du coexpert du rapport d’expertise

Outre le fait que le nom de Dipl. Psych. C.________ aurait dû être communiqué à l’assuré avant l’expertise (art. 44 LPGA) – ce qui n’a pas été le cas – se pose ici la question de la valeur probante de l’expertise sur le plan formel.

A cet égard, il convient de relever d’emblée qu’un expert participant à titre principal à une expertise neuropsychologique doit disposer de l’une des qualifications professionnelles alternatives énumérées dans la lettre-circulaire AI n° 367 de l’OFAS du 21 août 2017 (LCAI n° 367, disponible sur : https://sozialversicherungen.admin.ch/fr/d/5942/download [français]). L’état actuel du dossier ne permet pas de dire si c’est le cas pour le Dipl. Psych. C.________.

Une autre lacune formelle concerne l’absence de la signature de Dipl. Psych. C.________ dans le rapport d’expertise. En tant qu’expert principal, il aurait dû signer le rapport d’expertise ou son consentement aux conclusions qu’il contient aurait dû être obtenu au moins ultérieurement (cf. sur l’admissibilité de la validation ultérieure, arrêt 8C_252/2014 du 5 août 2014 consid. 3.3). Tel n’est pas le cas ici.

Sur la base de ce qui précède, l’affaire doit être renvoyée à l’office AI. Ce dernier doit préciser si le Dipl. Psych. C.________ remplit la qualification professionnelle requise conformément à la lettre-circulaire AI n° 367 pour fournir une expertise neuropsychologique. Si tel n’est pas le cas, le rapport d’expertise neuropsychologique n’est pas probant. Si, en revanche, le psychologue est professionnellement qualifié, son accord sur les conclusions consignées dans le rapport d’expertise devra être obtenu ultérieurement. Enfin, il conviendra de se prononcer sur la valeur probante de l’expertise et sur la nécessité d’une clarification supplémentaire avant de prendre une nouvelle décision sur le droit de l’assuré à une rente d’invalidité plus élevée que le quart de pension qui lui a été accordé.

 

Le TF admet le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_525/2020 consultable ici

Proposition de citation : 9C_525/2020 (d) du 29.04.2021 – Droit d’être entendu – Expertise médicale, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2021/06/9c_525-2020)