Archives de catégorie : Assurance-invalidité AI

9C_525/2021 (f) du 31.05.2022 – Perte d’emploi pour des motifs étrangers à l’invalidité – Revenu sans invalidité d’une personne au chômage / 16 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_525/2021 (f) du 31.05.2022

 

Consultable ici

 

Perte d’emploi pour des motifs étrangers à l’invalidité – Revenu sans invalidité d’une personne au chômage / 16 LPGA

 

Assurée, née en 1967, a été licenciée pour des raisons économiques de son poste d’aromaticienne à temps partiel (90%) avec effet au 31.05.2017, puis a épuisé son droit à des indemnités de l’assurance-chômage. Evoquant des tumeurs cancéreuses, l’une traitée en 2006 et l’autre apparue en 2019, elle a déposé une demande AI le 03.06.2019.

Entre autres mesures d’instruction, l’administration a obtenu une copie du dossier constitué par l’assureur perte de gain en cas de maladie. Y figure notamment un avis de la doctoresse D.__, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, dans lequel celle-ci faisait état d’une incapacité de travail fluctuante depuis le 02.10.2016 due à un épisode dépressif sévère avec symptômes psychotiques. L’office AI a aussi requis l’évaluation de la doctoresse E.__, spécialiste en oncologie. Celle-ci a diagnostiqué un cancer du sein droit (soigné par chimiothérapie et chirurgie) totalement incapacitant à compter du 07.06.2019 mais autorisant la reprise d’une activité adaptée à 50% depuis le 20.08.2019 et à 100% depuis le 02.03.2020. L’administration a encore sollicité directement la doctoresse D.__. Celle-ci a indiqué ne pas pouvoir se prononcer dès lors qu’elle n’avait pas revu l’assurée depuis deux ans. L’office AI a par ailleurs mis en œuvre des mesures d’ordre professionnel. Au terme de la procédure, il a rejeté la demande de l’intéressée dans la mesure où son taux d’invalidité de 15% était insuffisant pour lui donner droit à des prestations.

 

Procédure cantonale (arrêt AI 100/21 – 242/2021 [non disponible sur le site de la Casso])

Par jugement du 30.08.2021, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 6.2.1
S’agissant du revenu sans invalidité, l’assurée ne conteste pas avoir été licenciée pour des motifs économiques (délocalisation de son poste). Elle soutient toutefois qu’elle souffrait indéniablement à ce moment-là d’un épisode dépressif sévère qui avait largement influencé l’opportunité de retrouver une activité lucrative. Cette seule allégation ne suffit cependant pas pour remettre en question les constatations de la juridiction cantonale quant à l’absence de périodes d’incapacité de travail dues à des affections psychiques ultérieures au 10.01.2017. Dans cette situation (perte d’emploi pour des motifs étrangers à l’invalidité), le revenu sans invalidité doit en principe être fixé au moyen de données statistiques (cf. arrêt 8C_581/2020 et 8C_585/2020 du 3 février 2021 consid. 6.1 in SVR: 2021 UV n° 26 p. 123). L’assurée se prévaut toutefois de l’exception admise par le Tribunal fédéral au considérant 6.4 de l’arrêt 8C_581/2020 et 8C_585/2020 cité. Elle considère pour l’essentiel que, dans la mesure où la moyenne des salaires qu’elle avait obtenus entre 2012 et 2016 excédait 180’000 fr. par année pour une activité exercée à 90%, le tribunal cantonal aurait dû se fonder sur ce chiffre plutôt que sur des données statistiques (111’924 fr. 49; ESS TA1 ch. 20, lignes 19-20, secteur cokéfaction et industrie chimique) pour déterminer son revenu sans invalidité.

Ce raisonnement n’est pas fondé. En effet, dans la cause 8C_581/2020 et 8C_585/2020 citée, le Tribunal fédéral a précisé que l’obtention d’un salaire supérieur à la moyenne n’impliquait pas automatiquement sa prise en considération pour fixer le revenu sans invalidité; l’élément déterminant pour s’écarter de la référence aux salaires statistiques en cas de perte d’emploi pour des motifs étrangers à l’invalidité était de savoir si le dernier salaire supérieur à la moyenne aurait continué à être perçu (consid. 6.3). Or, dans cette cause, le Tribunal fédéral a considéré que les premiers juges n’avaient pas fait preuve d’arbitraire en parvenant à la conclusion que le dernier salaire supérieur à la moyenne aurait continué à être perçu sur la base d’une appréciation de la « biographie professionnelle » de l’assuré. Bien que ce dernier n’exerçât plus d’activité pour le compte de son ancien employeur pour des raisons étrangères à l’invalidité (fin du contrat de travail de durée limitée) et ne disposât pas d’un diplôme universitaire reconnu, son parcours professionnel démontrait qu’il avait toujours changé de poste sans difficulté, s’appuyant sur des connaissances sans cesse élargies et reconnues par les employeurs successifs, et réalisé des salaires supérieurs à la moyenne (consid. 6.3 et 6.4). En l’occurrence, l’assurée ne démontre pas – ni même n’allègue – que son parcours professionnel serait comparable. Au contraire, il apparaît d’une part qu’elle a obtenu un salaire supérieur à la moyenne en gravissant les échelons hiérarchiques au sein d’une seule et même entreprise, alors qu’elle occupait un poste dans un domaine « de niche » (cf. rapport final d’évaluation de l’OSEO) – par définition rare sur le marché du travail -, que sa maladie l’a en outre empêchée d’exercer par la suite. Il apparaît d’autre part que le délai-cadre d’indemnisation de l’assurance-chômage s’est écoulé sans qu’un poste de travail lui permettant de réaliser un salaire similaire à celui perçu auparavant n’ait pu être retrouvé. Dans ces circonstances, l’assurée a échoué à démontrer qu’elle aurait continué à percevoir un revenu supérieur à la moyenne et ne peut par conséquent pas se prévaloir de circonstances semblables à celles qui prévalaient dans la cause 8C_581/2020 et 8C_585/2020 citée.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

Arrêt 9C_525/2021 consultable ici

 

Revenu d’invalide et ESS : le calcul pour l’AI sera revu – Proposition d’un abattement forfaitaire

Revenu d’invalide et ESS : le calcul pour l’AI sera revu – Proposition d’un abattement forfaitaire

 

Communiqué de presse du Parlement du 14.12.2022 consultable ici

Motion CSSS-CN 22.3377 « Utiliser des barèmes de salaires correspondant à l’invalidité dans le calcul du taux d’invalidité » consultable ici

 

La base de calcul qui sert à déterminer le revenu d’invalidité devra être revue. Le Conseil national a définitivement adopté tacitement mercredi une motion qui devrait bénéficier aux personnes les moins bien formées et atteintes dans leur santé.

Actuellement, la base de calcul est essentiellement fondée sur des statistiques qui prennent en compte les salaires de personnes en bonne santé. La motion demande de tenir compte des connaissances scientifiques les plus actuelles en la matière.

Elle devra être mise en œuvre d’ici fin 2023. Le Conseil des Etats a proposé de donner six mois de plus au Conseil fédéral pour mettre en œuvre la motion, par rapport à ce que le National proposait dans un premier temps.

« Vous n’aurez pas les 400 tableaux de données supplémentaires nécessaires pour changer le calcul à temps », a assuré le ministre des assurances sociales Alain Berset. Le problème est identifié par l’administration. « Il pourrait être réglé plus rapidement par une déduction forfaitaire supplémentaire » pour tous les assurés, qui produira les mêmes effets.

 

Extrait de la séance du 14.12.2022, Conseil national (bulletin officiel disponible ici)
[traduction libre et personnelle de l’allemand au français ; seul le BO fait foi]

Maillard Pierre-Yves (S, VD), pour la commission : […] Notre commission, avec votre appui unanime, veut que le Conseil fédéral change ses bases de calcul. Ce problème est connu depuis longtemps. Il existe un modèle développé par un groupe de travail, notamment présidé par Mme la professeure Riemer-Kafka et par M. Schwegler. Ce système semble simple et pourrait être mis en oeuvre rapidement. Malheureusement, l’administration peine à se convaincre de cette possibilité rapide de changement. Pour cette raison, nous avons élaboré cette motion, qui a été soutenue par le Conseil des Etats.

Il y a une divergence. Le Conseil national proposait le mois de juin 2023 pour que le Conseil fédéral passe à l’acte et change ce modèle de calcul et le Conseil des Etats propose décembre 2023. Pour donner un peu plus de temps au Conseil fédéral, votre commission a décidé de se rallier au Conseil des Etats et d’éliminer cette divergence en fixant le délai à décembre 2023.

Nous souhaitons vraiment que le département et le Conseil fédéral s’inspirent des travaux faits par ce groupe de travail sous la conduite de la professeure Riemer-Kafka et qu’ils ne réinventent pas un dispositif, car le risque est effectivement grand que l’on ne tienne pas le délai. Or nous voulons que ce délai soit tenu.

C’est la raison pour laquelle nous nous vous invitons à adopter cette motion et à éliminer la divergence en suivant le Conseil des Etats.

 

Lohr Christian (M-E, TG), für die Kommission: […] Lors de [la séance du 10 novembre 2022], l’administration a présenté à votre commission une méthode de calcul alternative avec une déduction forfaitaire de 10 %. Mais compte tenu de la majorité claire des voix au Conseil national, la commission ne s’est plus intéressée qu’à l’approbation ou non de la prolongation selon le Conseil des Etats. Il ne s’agissait plus de discuter du contenu.

Le fait que l’administration ait proposé une solution alternative au stade actuel du processus parlementaire d’élimination des divergences a pour le moins irrité, voire étonné, votre commission. La motion demande en effet très clairement que la nouvelle méthode de calcul du taux d’invalidité s’appuie sur « une méthode statistique reconnue et tiendra compte des connaissances scientifiques actuelles ». Selon le texte de la motion, la solution proposée par Riemer-Kafka/Schwegler doit également être prise en compte, ce qui n’exclut pas forcément qu’une autre variante puisse être choisie. Une alternative doit cependant être scientifiquement fondée, comme le prévoit le texte de la motion. L’abattement évoqué dans la proposition alternative de l’administration est en revanche restée en grande partie obscure pour nous.

En outre, la commission a critiqué le fait que l’étude pertinente dans ce domaine du bureau Bass, qui a encore récemment présenté un résumé, considère des corrections nettement plus importantes comme scientifiquement correctes. La proposition alternative de l’administration ne répondrait donc pas à des éléments essentiels de la motion.

Dans le cadre de la délibération, il a également été exprimé l’attente que l’administration aborde dès maintenant, c’est-à-dire dès cet après-midi, de manière énergique et correcte le cap clair que le Parlement – les deux Chambres – souhaite prendre ici, et qu’elle respecte ainsi non seulement la volonté parlementaire, mais qu’elle entreprenne également les travaux de mise en œuvre sans plus tarder. […]

 

Berset Alain, conseiller fédéral: […] Comme j’ai déjà eu l’occasion de l’exprimer, il ne s’agit pas d’une mauvaise volonté de notre part, mais il faut être conscient que la motion nécessite des travaux d’approfondissement extrêmement importants; elle nécessite la préparation de 400 tableaux environ. Au stade actuel des travaux, il n’est d’ailleurs pas clair de savoir dans quelle mesure il s’agit de concevoir des tableaux adaptés pour les troubles psychiques et les comorbidités et quels seraient leur impact sur les différents groupes concernés. Dans ces conditions, malheureusement, je dois redire ici que le délai imparti est trop court; six mois de plus n’y change pas grand-chose.

Cela dit, et je pense que c’est l’élément le plus important, l’effet politiquement souhaité de la prise en compte de salaires avec invalidité plus bas et donc de rentes d’assurance-invalidité plus élevées peut être atteint par un autre biais. Il peut être atteint par une déduction forfaitaire supplémentaire décidée par le Conseil fédéral et appliquée à tous les revenus avec invalidité. C’est une solution qui s’appliquerait de la même manière à tous les assurés concernés, les hommes, les femmes, et indépendamment du type d’atteinte à la santé. Par ailleurs, cette déduction forfaitaire serait beaucoup plus facile à intégrer aux nouveautés introduites par le développement continu de l’assurance-invalidité. Avec cette méthode, on pourrait bien sûr respecter le délai retenu par le Conseil des Etats.

Les évaluations financières, vous les connaissez. Ce sont naturellement des charges qui seraient en hausse, mais c’est un souhait qui a été exprimé clairement par les conseils et que le Conseil fédéral reconnaît également avec l’idée de cette déduction forfaitaire supplémentaire.

On peut tourner cela dans tous les sens. Je dois vous dire que j’ai encore regardé évidemment pour la préparation de ce débat. Il ne suffit pas de nous demander de faire ces 400 tableaux dans l’urgence pour être sûr que cela suffise, que cela marche, que cela ne crée pas d’effets non souhaités ou de problèmes que l’on reconnaisse par la suite. Pas de précipitation; nous sommes donc prêts à faire le travail pour que, avec la déduction forfaitaire supplémentaire, on arrive à atteindre le même objectif, mais par un chemin beaucoup plus simple. Une fois que cela sera fait, ainsi on pourra respecter le délai fixé par la motion. Il faudra voir encore si on veut aller plus loin avec ces 400 tableaux qu’il faudrait encore réaliser.

Je vous aurais invité, si on avait demandé un vote – mais je vais y renoncer, parce que j’ai compris le message – à rejeter la motion, mais pas sur le fond. Sur le fond, nous avons proposé un chemin que le Conseil fédéral peut décider et qui permet très rapidement d’atteindre ce que vous voulez. Cela nous paraît beaucoup plus pragmatique, beaucoup plus juste et beaucoup plus rapide que le chemin proposé par la motion. Cela dit, je ne me fais pas trop d’illusion, vous allez l’adopter. On va faire ce qu’on peut pour la réaliser le plus vite possible, mais vous n’aurez pas ces 400 tableaux à la fin de l’année 2023, je dois malheureusement vous le dire. Par contre, vous aurez les effets souhaités par la motion puisque le Conseil fédéral va mettre en œuvre cette déduction forfaitaire supplémentaire, ce qui peut être fait très rapidement.

 

Weichelt Manuela (G, ZG): Le Conseil fédéral a mentionné à plusieurs reprises qu’un abattement forfaitaire serait éventuellement nécessaire pour corriger les salaires statistiques. Le Conseil fédéral est-il conscient du fait que, selon un résumé du bureau Bass paru récemment, le 7 novembre 2022, une solution forfaitaire nécessiterait une combinaison d’un abattement de 17% pour tous, en sus des déductions individuelles supplémentaires pour les personnes qui, pour des raisons structurelles, ne peuvent obtenir que des salaires nettement inférieurs ? Donc d’une part un abattement de 17% et d’autre part des abattements individuels ? Qu’en pensez-vous ?

 

Berset Alain, Bundesrat: […] je peux vous dire qu’en ce qui concerne l’abattement forfaitaire qui serait prévue ou qui pourrait être mise en œuvre très rapidement, nous devons faire le travail nécessaire et intégrer tous ces éléments dans la réflexion. Il va de soi que nous voulons aussi travailler dans cette direction pour que cela puisse être mis en œuvre rapidement. Ensuite, nous pourrons encore voir si des travaux supplémentaires ou, à long terme, peut-être une autre voie sont nécessaires.

 

Präsident (Candinas Martin, Präsident): La commission propose à l’unanimité d’adopter la motion telle qu’elle a été adoptée par le Conseil des Etats.

 

Adopté

 

 

Remarques personnelles : comme je l’ai exprimé dans ma dernière contribution «Revenu d’invalide selon l’ESS – une mise à jour» paru dans la Jusletter du 21.11.2022, j’espère que l’OFAS et l’OFSP se coordonneront afin d’apporter une solution pratique pour l’ensemble des assurances sociales concernées par l’art. 16 LPGA.

 

Communiqué de presse du Parlement du 14.12.2022 consultable ici

Bulletin officiel, Conseil national, session d’hiver 2022, séance du 14.12.2022 disponible ici

Motion CSSS-CN 22.3377 « Utiliser des barèmes de salaires correspondant à l’invalidité dans le calcul du taux d’invalidité » consultable ici

Diskussion Tabellenmedianlöhne LSE – Einkommensmöglichkeiten von Personen mit einer gesundheitlichen Beeinträchtigung, Büro BASS, 07.11.2022, disponible ici

 

Assurances sociales : ce qui va changer en 2023

Assurances sociales : ce qui va changer en 2023

 

Article de Mélanie Sauvain paru in Sécurité sociale CHSS, 13.12.2022, consultable ici

 

2023 verra la naissance du congé d’adoption et la disparition du pourcent dit de solidarité dans l’assurance-chômage. D’autres adaptations importantes ont lieu dans le domaine des assurances sociales.

En un coup d’œil

  • Un congé d’adoption de deux semaines est introduit, indemnisé par les APG.
  • Le pourcent de solidarité prélevé sur les hauts salaires pour désendetter l’assurance-chômage disparaît.
  • Les rentes minimales de l’AVS et de l’AI sont augmentées de 30 francs ; les rentes maximales de 60 francs. D’autres montants calculés sur la base des rentes AVS sont adaptés dans le 2e pilier et dans les PC notamment.

 

Comme chaque année, plusieurs nouvelles dispositions entrent en vigueur en 2023. Afin que les assurés, les employeurs et les personnes actives dans le domaine des assurances sociales aient une vue d’ensemble, le présent article résume les principaux changements, sur la base des informations disponibles à la mi-novembre 2022.

 

APG : un nouveau congé d’adoption

Les parents adoptifs qui exercent une activité lucrative auront droit dès le 1er janvier 2023 à un congé d’adoption de 2 semaines, indemnisé par les allocations pour perte de gain (APG). L’enfant doit avoir moins de 4 ans au moment de l’accueil en vue de son adoption.

Le congé d’adoption doit être pris dans les douze mois suivant l’accueil de l’enfant, soit en bloc de 2 semaines soit sous forme de jours isolés (10 jours). S’il est pris sous forme de semaines, le parent touche 7 indemnités journalières par semaine. S’il est pris sous forme de jours, le parent touche, pour chaque 5 jours de congé, 2 indemnités journalières supplémentaires.

L’indemnité se monte à 80% du revenu moyen réalisé avant l’accueil de l’enfant, mais au maximum à 220 francs par jour. Ce montant maximal est atteint à partir d’un salaire mensuel de 8250 francs.

Seuls les parents adoptifs exerçant une activité lucrative peuvent bénéficier du congé. Ils doivent avoir été assurés à l’AVS durant les 9 mois qui précèdent l’accueil de l’enfant dans le ménage commun, avoir exercé une activité lucrative durant au moins 5 mois pendant cette période et être actifs à la date de l’accueil de l’enfant. Si seul l’un des deux parents remplit ces conditions, lui seul a droit au congé. Si les deux parents y ont droit, ils sont libres de choisir lequel des deux bénéficie du congé. Ils peuvent aussi se répartir le congé, mais ils ne peuvent pas le prendre en même temps. L’adoption de l’enfant du conjoint ne donne pas droit à cette prestation (Künzli, Andrea. 2022, Congé pour les parents adoptifs : quelles sont les règles ? Sécurité sociale CHSS. 24 août.).

Avec cette nouvelle prestation, le rôle du régime des APG en matière de politique sociale et familiale est renforcé. Près de 15 ans après l’introduction du congé de maternité payé de 14 semaines en 2005, trois autres allocations pour parents ont vu le jour : en 2021, celle de paternité (allocation par ailleurs étendue au second parent reconnu par la loi), ainsi que celle pour la prise en charge d’un enfant gravement atteint dans sa santé, et en 2023 celle en cas d’adoption.

La nouvelle allocation d’adoption devrait coûter quelque 100 000 francs par an. Le nombre d’adoptions en Suisse est en recul depuis des décennies. En 2021, 48 enfants de moins de quatre ans ont été adoptés à l’échelle nationale, selon l’Office fédéral de la statistique.

Dans le domaine des APG pour les parents, une initiative est en cours au Parlement pour pouvoir transférer, en cas du décès de la mère, le congé maternité de 14 semaines à l’autre parent survivant qui aurait alors 16 semaines de congé en tout. En cas de décès du père, la mère bénéficierait aussi de 2 semaines supplémentaires.

Notons encore que, dans le régime des APG, différents montants minimaux et maximaux sont relevés en 2023. L’allocation de base pour les personnes faisant un service (militaire, civil, de protection civile, etc.) se montera désormais au minimum à 69 francs et au maximum à 220 francs par jour pour les personnes exerçant une activité lucrative. Pour les recrues et les personnes sans activité lucrative, l’indemnité s’élèvera à 69 francs par jour en 2023. Les montants maximaux pour les allocations en cas de maternité, de paternité ou de prise en charge passeront également de 196 à 220 francs par jour. Il n’y a pas de montants minimaux pour ces congés.

 

AC : fin de la contribution de solidarité

Le pourcent dit de solidarité dans l’assurance-chômage (AC) va disparaître au 1er janvier 2023. Prélevée depuis 2011 sur la partie du salaire supérieure à 148 200 francs, ce pourcent a contribué au désendettement de l’assurance-chômage. Quelque 400 millions de francs de cotisations supplémentaires ont été versés chaque année.

Le taux de cotisation à l’AC est de 2,2% jusqu’à un revenu annuel de 148 200 francs. Plus aucune cotisation n’est désormais prélevée sur la part du salaire dépassant ce montant. Pour les personnes salariées, la moitié de la cotisation (1,1%) est prise en charge par l’employeur.

Selon les dispositions légales en vigueur, la contribution de solidarité peut être prélevée jusqu’à ce que le capital propre du fonds de compensation de l’AC dépasse le seuil de 2,5 milliards de francs à la fin de l’année. Les chiffres actuels de l’AC montrent que ce seuil sera atteint fin 2022. Aussi, le droit de prélever le pourcent de solidarité sera-t-il automatiquement supprimé de par la loi au 1er janvier 2023.

En raison de la crise du COVID-19, l’assurance-chômage a enregistré une perte de 186 millions de francs en 2021. Son fonds est toutefois resté sans dettes, car la Confédération a pris en charge l’indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail (RHT) due aux mesures pour faire face à la pandémie.

 

Rentes AVS et AI : majoration et autres changements

Les bénéficiaires de rentes de vieillesse et survivants (AVS) et d’invalidité (AI) toucheront entre 30 et 60 francs de plus en 2023, pour autant qu’ils puissent faire valoir une durée de cotisation complète. Face au renchérissement attendu de 3% et à l’augmentation des salaires de 2%, le Conseil fédéral a décidé de relever les rentes du 1er pilier de 2,5%. La rente minimale complète passe ainsi à 1225 francs par mois ; la rente maximale à 2450 francs par mois. Le plafond pour la rente des couples mariés est relevé de 3585 à 3675 francs.

Particularité de l’année 2023, cette adaptation usuelle – basée sur l’indice mixte et qui a lieu en principe tous les deux ans – sera complétée en cours d’année. Plusieurs motions acceptées au Parlement demandent l’adaptation complète des prestations AVS, AI, prestations complémentaires (PC) et prestations transitoires (Ptra) au renchérissement.

Les adaptations législatives nécessaires à ce relèvement supplémentaire devraient être traitées dans le cadre d’une procédure d’urgence durant la session de printemps 2023 ; et les prestations seraient alors versées rétroactivement au 1er janvier 2023. Cela veut dire que les bénéficiaires de rentes devraient au final toucher légèrement plus qu’indiqué ci-dessus.

En parallèle, le montant de la cotisation minimale AVS/AI/APG pour les indépendants et les personnes sans activité lucrative passera de 503 à 514 francs par an.

Concernant la rente de veuf dans l’AVS, un régime transitoire a été mis en place depuis octobre 2022 et continuera d’être en vigueur en attendant une nouvelle réglementation (voir encadré).

Rentes de survivant
En automne 2022, la Suisse a été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) à la suite de la plainte d’un veuf dont la rente de survivant a été supprimée après que son dernier enfant ait atteint la majorité. La CEDH a estimé que le veuf était discriminé par rapport à une veuve qui, dans la même situation, a droit à une rente de survivant à vie. Depuis octobre 2022, un régime transitoire s’applique aux nouveaux veufs avec enfant, désormais mis sur pied d’égalité avec les veuves avec enfant. Une adaptation de la Loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants (LAVS) est nécessaire pour mettre fin à la discrimination constatée. Cela sera l’occasion d’analyser dans un rapport la pertinence de rendre tout le système de sécurité sociale indépendant de l’état civil, du sexe ou du mode de vie.

 

Relèvement des forfaits pour les PC et Ptra

Les prestations complémentaires et les prestations transitoires pour chômeurs âgés seront elles aussi relevées de 2,5%. Le montant annuel destinés à couvrir les besoins vitaux d’une personne seule passe à 20 100 francs, ce qui correspond à une hausse de 40 francs par mois environ. Pour les couples, le montant annuel passe à 30 150 francs, soit quelque 60 francs de plus par mois.

En ce qui concerne les loyers, les montants maximaux remboursés par les PC augmenteront de 7,1%. Cette adaptation tient ainsi aussi compte de la hausse des prix pour l’énergie.

 

Nouveaux seuils dans le 2e et 3e pilier

L’adaptation des rentes du 1er pilier a également un impact sur le 2e pilier. Le montant de la déduction de coordination dans le régime obligatoire de la prévoyance professionnelle (PP) passera à 25 725 francs ; le seuil d’entrée à 22 050 francs.

Dans le cadre de la prévoyance individuelle liée (pilier 3a), la déduction fiscale maximale autorisée passera, pour les personnes affiliées au 2e pilier, à 7056 francs ; pour celles qui n’ont pas de 2e pilier, à 35 280 francs.

 

Hausse des primes-maladie

Après quatre années de relative stabilité, les primes de l’assurance-maladie obligatoire augmentent dans tous les cantons et toutes les catégories d’âges en 2023. La prime moyenne mensuelle s’élèvera à 335 francs, en hausse de 6,6% par rapport à 2022. La prime moyenne des adultes (397 francs) et des jeunes adultes (280 francs) augmentera de respectivement 6,6% et 6,3% ; celle des enfants de 5,5% pour atteindre 105 francs.

La forte hausse s’explique principalement par la pandémie de COVID-19 qui a non seulement généré des coûts directs (traitements et vaccinations), mais aussi indirects en raison d’un effet de rattrapage. La pandémie a par exemple conduit au report de nombreuses interventions médicales qui ont par conséquent fortement augmenté dès le deuxième semestre de 2021.

Avec ou sans pandémie, les coûts de la santé continuent de progresser. Le Conseil fédéral poursuit donc son effort pour réduire les dépenses (voir encadré).

Stratégie pour maîtriser les coûts
Les mesures pour maîtriser les coûts de la santé en Suisse continueront d’occuper la politique et la population en 2023. Un premier paquet de mesures en ce sens a déjà été introduit depuis 2019, avec par exemple l’institution d’une organisation tarifaire nationale ou l’envoi d’une copie des factures aux assurés. Trois autres dispositions entrent en vigueur au 1er janvier 2023 : la promotion des forfaits dans le domaine ambulatoire, la transmission des données tarifaires et l’introduction de projets-pilote innovants. D’autres mesures suivront, dont celles devant faire office de contre-projet indirect à l’initiative populaire du Centre « Pour des primes plus basses ». De plus, le Conseil fédéral vient d’adopter le message sur un second paquet de mesures de maîtrise des coûts, centré sur les réseaux de soins coordonnés.

 

AA : prise en compte du renchérissement

Quiconque perçoit une rente d’invalidité ou de survivant de l’assurance-accidents (AA) obligatoire recevra une allocation de renchérissement dès le 1er janvier 2023. Cette allocation s’élèvera à au moins 2,8% de la rente, en fonction de l’année de l’accident.

Les primes de l’assurance-accidents obligatoire sont en principe payées en avance pour un exercice annuel complet. L’ordonnance sur l’assurance-accidents (OLAA) prévoit toutefois la possibilité de payer les primes par semestre ou par trimestre, en échange d’une majoration. Afin d’alléger la charge des employeurs, le Conseil fédéral a décidé de réduire ces majorations dès le 1er janvier 2023. Il tient ainsi compte de la faiblesse des taux d’intérêts en Suisse. Pour un paiement semestriel, la majoration baissera à 0,25% de la prime annuelle ; pour le paiement trimestriel, à 0,375% de la prime annuelle.

 

Pertes de gain COVID-19 : baisser de rideau

Entrée en vigueur avec effet rétroactif au 17 mars 2020, l’ordonnance sur les mesures en cas de perte de gain en lien avec le coronavirus (COVID-19) est abrogée au 1er janvier 2023. Durant trois ans, le texte a été plusieurs fois modifié et prolongé pour faire face à l’évolution de la pandémie et à ses effets économiques. Cette abrogation marque la fin desdites APG-Corona.

Le dispositif de protection en faveur des manifestations publiques (art. 11a de la loi COVID-19) échoit normalement également au 31 décembre 2022. Pour avoir un aperçu de cette mesure, la page du SECO (Parapluie de protection pour les manifestations publiques – EasyGov) est régulièrement actualisée.

 

 

 

Article de Mélanie Sauvain « Assurances sociales : ce qui va changer en 2023 » paru in Sécurité sociale CHSS, 13.12.2022, consultable ici

Montants valables à partir du 1er janvier 2023, Fiche d’information, OFAS, 12.10.2022, disponible ici

 

Artikel von Mélanie Sauvain «Sozialversicherungen: Was ändert sich 2023?» erschienen in Soziale Sicherheit CHSS, 13.12.2022, hier konsultiert werden.

 

 

Un codage des infirmités plus détaillé ne profiterait ni aux assurés ni à l’AI

Un codage des infirmités plus détaillé ne profiterait ni aux assurés ni à l’AI

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 09.12.2022 consultable ici

 

La manière actuelle de coder les infirmités de l’assurance-invalidité (AI) répond aux objectifs de pilotage et de surveillance de l’assurance. Remplacer cette liste par une classification différenciée et reconnue sur le plan international n’apporte aucune amélioration pour les assurés ou pour la gestion de l’assurance. Dans un rapport adopté lors de sa séance du 9 décembre 2022, le Conseil fédéral estime qu’il n’y a pas lieu d’agir dans ce domaine.

L’AI a pour mission principale d’éliminer ou d’atténuer, dans la mesure du possible, les conséquences d’une atteinte à la santé sur la capacité de gain de la personne assurée. Toutes les possibilités de réadaptation sont examinées individuellement sur la base des conditions d’octroi définies par la loi et cela, quel que soit le diagnostic médical. Lorsqu’une demande de prestation est déposée auprès d’un office AI, elle fait l’objet d’un examen puis d’une décision, qui est ensuite saisie dans un système informatique. Trois informations sont entrées dans cette base de données: l’infirmité (le diagnostic médical prépondérant), l’atteinte fonctionnelle qui en découle et la prestation allouée.

 

La capacité de réadaptation au premier plan

Dans le processus de prise en charge de la personne assurée par l’AI, la décision d’octroi d’une mesure ou d’une rente ne dépend pas du diagnostic mais de la manière dont l’atteinte fonctionnelle affecte la capacité de réadaptation de la personne assurée. Pour un même diagnostic, l’atteinte fonctionnelle peut présenter des formes très différentes d’une personne à l’autre. Chaque situation est individuelle. Pour cette raison, seul le diagnostic principal est pris en considération par l’AI au moment de saisir l’infirmité dans le système de codage, même si la personne assurée souffre de plusieurs comorbidités. Une saisie différenciée des diagnostics ne permettrait pas à l’AI de mieux remplir sa mission qui est de veiller à l’intégration professionnelle et sociale des assurés et couvrir leurs besoins matériels de base.

 

Un système de codage adéquat qui répond aux objectifs de l’AI

Dans son rapport en réponse au postulat 20.3598 Suter, le Conseil fédéral a analysé les opportunités et les risques d’un changement structurel de la liste existante pour un système de codage rendant compte de manière plus détaillée des infirmités et qui serait reconnu sur le plan international. Il n’existe pour l’heure pas de système statistique de classification des maladies dans le domaine de l’ambulatoire sur lequel l’AI pourrait s’appuyer. L’AI n’a ni les compétences ni les ressources pour établir elle-même un nouveau système pour la saisie des codes diagnostics. De plus, la cause de l’infirmité ne définit pas les mesures qui seront prononcées pour la personne assurée. Au contraire, associer un diagnostic médical avec une mesure représente un risque d’automatisation qui va à l’encontre des objectifs de réadaptation de l’AI. Le Conseil fédéral parvient à la conclusion que le codage actuel ne doit pas être modifié.

 

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 09.12.2022 consultable ici

Rapport du Conseil fédéral donnant suite au postulat 20.3598 Suter du 11 juin 2020, consultable ici

Postulat 20.3598 Suter « Pour un codage différencié des infirmités AI » consultable ici

 

Estimation trimestrielle de l’évolution des salaires nominaux – 3e estimation basée sur les données des trois premiers trimestres 2022

Estimation trimestrielle de l’évolution des salaires nominaux – 3e estimation basée sur les données des trois premiers trimestres 2022

 

L’Office fédéral de la statistique (OFS) a publié le 30.11.2022 la 3e estimation basée sur les données des trois premiers trimestres 2022 (+1.1%). Le tableau se trouve ici :

  • en français (estimation trimestrielle de l’évolution des salaires nominaux)
  • en italien (stima trimestrale dell’evoluzione dei salari nominali)
  • en allemand (Quartalschätzungen der Nominallohnentwicklung)

L’estimation de l’évolution des salaires est nécessaire afin d’indexer un revenu (sans invalidité / d’invalide) à 2022.

 

Obligation de réduire le dommage pour les assurés de l’AI

Article paru le 24.11.2022 dans Sécurité sociale CHSS, consultable ici

Article de Katrin Jentzsch

 

Dans deux circulaires de l’assurance-invalidité, l’Office fédéral des assurances sociales donne plus de poids aux conditions pour les traitements médicaux dans le contexte de l’obligation de réduire le dommage. Un rapport de recherche est à l’origine de cette évolution.

 

Selon la législation suisse sur les assurances sociales, un assuré doit entreprendre tout ce qui peut être raisonnablement exigé de lui pour réduire la durée et l’étendue de l’incapacité de travail et pour empêcher la survenance d’une invalidité (art. 21 al. 4 LPGA, art. 7 et 7b LAI). Dans le cadre de cette obligation de réduire le dommage, il doit participer activement à des mesures de réadaptation et suivre des traitements médicaux afin d’améliorer sa capacité de gain ou sa faculté d’accomplir ses travaux habituels et de permettre une réadaptation correspondante.

Les offices AI cantonaux ont en outre la possibilité de lier l’octroi de prestations de l’AI à des conditions visant à réduire le dommage. Par exemple, ils peuvent exiger d’un assuré qu’il prenne en charge des traitements médicaux conformément à la loi fédérale sur l’assurance-maladie (LAMal). Ils doivent pour cela tenir compte de ce qui est raisonnablement exigible. L’objectif de telles conditions visant à réduire le dommage est de contribuer à la réussite des mesures de réadaptation et de renforcer la capacité de réadaptation grâce à la stabilisation ou à l’amélioration de l’état de santé. Dans l’idéal, le recours à cet instrument permet d’éviter une incapacité de gain (Bolliger et al. 2020).

 

L’étude de 2020 recommande des conditions ciblées

Jusqu’à présent, le recours à des conditions visant à réduire le dommage a été relativement rare dans la pratique de l’AI. C’est ce que montre une étude réalisée en 2020 par le bureau Vatter et la Haute école spécialisée bernoise sur mandat de l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS). De plus, la pratique des offices AI en la matière était très variable. Lorsque l’atteinte à la santé était due à une addiction, la condition d’une obligation de sevrage était imposée avant même l’examen du droit aux prestations. Toutefois, cette condition était plutôt rare et, dans la perspective actuelle, elle n’intervenait pas au bon moment de la procédure AI. En effet, depuis l’arrêt du Tribunal fédéral qui a fait jurisprudence en 2019, les offices AI sont tenus de soumettre les limitations fonctionnelles des personnes souffrant d’addictions, comme celles de tout autre assuré, à une procédure structurée d’administration des preuves, sans qu’il faille remplir des conditions préalables (ATF 145 V 215, ch. 1104 ss CIRAI).

L’étude a en outre montré que, pendant la phase de réadaptation, les conditions pour des traitements médicaux qui auraient pu soutenir la mise en œuvre de mesures de réadaptation ont été plutôt rarement exigées. Elles l’ont été un peu plus souvent lors de l’octroi d’une rente. Mais elles ont alors été manifestement imposées à un stade trop tardif de la procédure AI, car, bien qu’elles aient été suivies, elles n’ont pas eu l’effet escompté sur la capacité de gain et donc sur le taux d’invalidité.

 

L’OFAS vise une pratique uniforme

Avec la circulaire sur la procédure dans l’assurance-invalidité (CPAI), remaniée à l’occasion de la mise en œuvre du Développement continu de l’AI, et la nouvelle circulaire sur la gestion de cas dans l’assurance-invalidité (CGC), l’OFAS a repris les recommandations formulées dans l’étude. L’objectif est d’uniformiser la procédure des offices AI et de renforcer, dès la phase de réadaptation, les conditions pour les traitements médicaux dans le cadre de l’obligation de réduire le dommage.

La CPAI règle la procédure formelle à suivre en cas de conditions pour des traitements médicaux, par exemple en ce qui concerne le caractère raisonnablement exigible, l’injonction écrite au moyen d’une communication, la procédure de mise en demeure et de délai de réflexion ou la proportionnalité d’éventuelles sanctions.

La CGC décrit, quant à elle, la gestion uniforme et continue des cas tout au long de la procédure AI et met plus particulièrement l’accent sur la réadaptation. Elle précise que, dans le contexte de l’obligation de réduire le dommage, il faut toujours examiner dans quelle mesure des traitements médicaux au sens de la LAMal – supplémentaires ou non considérés jusqu’ici – peuvent raisonnablement contribuer, avant ou parallèlement à des prestations de l’AI, à stabiliser ou à améliorer l’état de santé de l’assuré et augmenter sa capacité de réadaptation. L’objectif est de pouvoir réduire une incapacité de gain et une éventuelle rente. Cet examen devrait être effectué le plus tôt possible, avec la participation des médecins traitants ou du Service médical régional (SMR). Il est préférable qu’il ait lieu dès qu’il est question de mettre en place des mesures de réadaptation.

Dans certains cas, on pourrait par exemple examiner dans quelle mesure l’effet stabilisateur d’une psychothérapie pourrait soutenir des mesures de réadaptation et lutter à temps contre le risque qu’une affection devienne chronique. Des études antérieures (par ex. Baer et al. 2015) avaient déjà souligné que, dans le cas de certaines maladies psychiques, un poids plus important devrait être accordé au traitement médical ou thérapeutique dans le cadre des efforts de réadaptation.

 

Accompagnement continu et vérification des objectifs

Dans le contexte de la gestion de cas et de l’accompagnement de l’assuré, il convient, comme pour les mesures de réadaptation de l’AI, de procéder à une vérification permanente des objectifs en lien avec la condition prescrite. L’objet de cette vérification n’est pas seulement de savoir dans quelle mesure le traitement médical est effectivement suivi, mais aussi s’il est pertinent et s’il a de réelles chances de succès à moyen terme. Par conséquent, les objectifs de réadaptation, les mesures de réadaptation en cours et les conditions pour les traitements médicaux peuvent être modifiés ou faire l’objet d’essais répétés s’il apparaît qu’ils n’atteignent pas leur but ou qu’ils dépassent manifestement les capacités des assurés.

La retenue est de mise en ce qui concerne les sanctions pendant la phase de réadaptation. La menace de sanctions au moyen d’une procédure de mise en demeure et de délai de réflexion n’est indiquée que lorsqu’un assuré ne participe manifestement pas aux mesures et aux traitements sous la forme souhaitée. Il convient néanmoins de renoncer à des sanctions si l’absence de participation à un traitement médical prescrit n’affecte pas les progrès réalisés dans l’exécution des mesures de réadaptation.

 

Un numéro d’équilibriste

Le succès de la réadaptation dépend en partie de la relation de confiance qu’il est possible d’instaurer entre l’assuré et la personne chargée de la gestion du cas. Dans le même temps, l’office AI est parfois tenu d’imposer des conditions et de les contrôler. Ce numéro d’équilibriste est sans doute l’une des raisons pour lesquelles le recours aux conditions pour les traitements médicaux n’a joué par le passé qu’un rôle plutôt secondaire dans le processus de réadaptation. Il n’en demeure pas moins que les offices AI devraient envisager de telles conditions dès cette phase de la procédure si cela permet d’augmenter les chances de succès de la réadaptation.

Il reste à voir comment les offices AI les mettront en œuvre et si un recours accru aux conditions pour les traitements médicaux sera concluant dans le processus de réadaptation. À partir de 2023, cette question sera notamment examinée, dans le cadre de l’« évaluation du développement continu de l’AI », au moyen d’un projet de recherche consacré à la mise en œuvre de la gestion de cas.

 

En un coup d’œil

  • Dans le cadre de la mise en œuvre de la réforme du Développement continu de l’assurance-invalidité, entrée en vigueur le 1er janvier 2022, l’Office fédéral des assurances sociales a précisé la pratique relative à la prescription de conditions pour les traitements médicaux dans le contexte de l’obligation de réduire le dommage.
  • L’objectif est d’uniformiser la procédure des offices AI lors du recours à cet instrument.
  • La circulaire sur la procédure dans l’assurance-invalidité (CPAI) a été remaniée ; la (nouvelle) circulaire sur la gestion de cas dans l’assurance-invalidité (CGC) souligne que les conditions pour les traitements médicaux doivent, si possible, être envisagées déjà lors de la phase de réadaptation.

 

Bibliographie

Baer, Niklas ; Altwicker-Hámori, Szilvia ; Juvalta, Sibylle ; Frick, Ulrich ; Rüesch, Peter (2015). Profile von jungen IV-Neurentenbeziehenden mit psychischen Krankheiten. Étude commandée par l’OFAS. Aspects de la sécurité sociale. Rapport de recherche no 19/15.

Bolliger, Christian ; Champion, Cyrielle ; Gerber, Michèle ; Fritschi, Tobias ; Neuenschwander, Peter ; Kraus, Simonina ; Luchsinger, Larissa ; Steiner, Carmen (2020). Auflagen zur Schadenminderungspflicht in der Invalidenversicherung. Étude commandée par l’OFAS. Aspects de la sécurité sociale. Rapport de recherche no 1/20.

 

 

 

Katrin Jentzsch, Obligation de réduire le dommage pour les assurés de l’AI, in Sécurité Sociale CHSS, 24.11.2022, disponible ici

Katrin Jentzsch, IV-Versicherte müssen Schaden mindern, in Soziale Sicherheit CHSS, 24.11.2022, hier verfügbar

(non esiste una versione italiana dell’articolo)

 

9C_588/2021 (f) du 27.06.2022 – Mesures médicales de l’AI – 12 LAI – 13 LAI / Bonne foi – Relever le plus tôt possible les éventuels vices de procédure – Rappel du principe « nul n’est censé ignorer la loi »

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_588/2021 (f) du 27.06.2022

 

Consultable ici

 

Mesures médicales de l’AI / 12 LAI – 13 LAI

Bonne foi – Relever le plus tôt possible les éventuels vices de procédure – Rappel du principe « nul n’est censé ignorer la loi »

 

Arguant souffrir d’un trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité existant depuis 2015, l’assuré, né en juillet 2006, a requis l’octroi d’une allocation pour mineur impotent le 11.10.2016.

Le docteur B.__, spécialiste en pédiatrie, a diagnostiqué un trouble de l’attention (en plus d’une dyslexie et d’une dysorthographie), mais n’a pas retenu d’infirmité congénitale au sens de la loi, et a décrit les traitements déjà mis en œuvre. Se fondant pour l’essentiel sur une appréciation de ce rapport par le médecin de son SMR, l’office AI a nié le droit de l’assuré à des mesures médicales, au sens de l’art. 13 LAI, dès lors que le traitement du trouble mentionné avait débuté postérieurement à l’âge de neuf ans (décision du 15.12.2017). Le recours formé par l’assuré contre cette décision adressé à une mauvaise autorité a été retourné à l’administration.

Par décisions du 29.01.2018, l’assuré a été mis au bénéfice d »une allocation pour mineur impotent.

Considérant que la décision prise le 15.12.2017 était entrée en force de chose décidée, l’office AI a poursuivi l’instruction de la cause sous l’angle des mesures médicales au sens de l’art. 12 LAI. Il a récolté des renseignements auprès du docteur D.__, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie. Ce dernier a diagnostiqué une perturbation de l’activité et de l’attention nécessitant un traitement médicamenteux et une psychothérapie, en retenant l’existence d’une infirmité congénitale. Après avoir requis l’avis du médecin du SMR, l’office AI a nié le droit de l’intéressé à des mesures médicales, au sens de l’art. 12 LAI, au motif que la thérapie mise en œuvre visait le traitement de la maladie comme telle et que sa durée était imprévisible (décision du 26.10.2020).

 

Procédure cantonale (arrêt AI 376/20 – 295/2021 – consultable ici)

L’assuré a déféré les décisions des 15.12.2017 et 26.10.2020 au tribunal cantonal.

Le tribunal cantonal a déclaré irrecevable le recours, en tant qu’il était dirigé contre la décision du 15.12.2017. Il a considéré que, même si l’office AI aurait dû lui transmettre ledit recours, qui avait été adressé en temps utile à une mauvaise autorité, l’assuré, qui avait été avisé à plusieurs reprises de l’entrée en force de la décision en question, commettait un abus de droit en se prévalant plus de trois ans après d’une absence fautive de transmission. Nonobstant cette conclusion, il a relevé que le refus du droit à des mesures médicales en cas d’infirmité congénitale (art. 13 LAI) était fondé au motif que les conditions quant à la date du diagnostic et du début du traitement n’étaient pas réalisées. Le trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité avait été diagnostiqué pour la première fois en mars 2016 par la neuropsychologue E.__ et rien au dossier ne permettait de retenir que des symptômes nécessitant un traitement existaient avant l’accomplissement de la neuvième année. Il a également confirmé le refus des mesures médicales en général (art. 12 LAI) dès lors que les pièces médicales disponibles démontraient que la durée de la thérapie entreprise n’était pas déterminée et que celle-ci était destinée à traiter l’affection en tant que telle.

Par jugement du 06.10.2021, le tribunal cantonal a déclaré le recours irrecevable, en tant qu’il était dirigé contre la première décision, et l’a rejeté, en tant qu’il était dirigé contre la seconde.

 

TF

Consid. 6.1.1
L’assuré reproche aux juges cantonaux d’avoir déclaré irrecevable son recours en tant qu’il était dirigé contre la décision du 15.12.2017. Il soutient en substance que leur appréciation arbitraire ne tenait pas compte du fait que c’était ses parents non juristes qui avaient agi dans le contexte d’une procédure usuellement longue concernant une matière complexe et que l’administration avait admis avoir commis une erreur en ne transmettant pas d’office l’écriture de recours à l’autorité compétente.

Consid. 6.1.2
Cette argumentation est mal fondée. On rappellera tout d’abord que les rapports entre les administrés et l’administration sont régis notamment par le principe fondamental selon lequel « nul n’est censé ignorer la loi » (cf. arrêt 2C_349/2019 du 27 juin 2019 consid. 5.2). Un assuré ne peut donc en principe pas tirer avantage de sa propre ignorance du droit (cf. ATF 124 V 215 consid. 2b/aa). Or le principe de la bonne foi commande de faire état le plus tôt possible d’éventuels vices de procédure (cf. ATF 143 V 66 consid. 4.3 et les références). L’assuré ne l’a pas fait. Si les informations que l’office AI lui a données le 18.10.2019 concernant l’entrée en force de la décision du 15.12.2017 ou l’inaction de cette autorité quant à son acte d’opposition/recours contre la décision citée échappaient à sa compréhension, rien ne l’empêchait de requérir les services d’un mandataire professionnel, au besoin au bénéfice de l’assistance judiciaire. L’absence de connaissances juridiques et les éventuelles complexité et longueur de la procédure ne sont dès lors pas déterminantes en l’occurrence. De surcroît, dans la mesure où le tribunal cantonal établit les faits et applique le droit d’office et qu’il n’est pas lié par les conclusions des parties (art. 28 et 41 de la loi cantonale vaudoise du 28 octobre 2008 sur la procédure administrative [LPA-VD; RS VD 173.36]; art. 61 let. c et d LPGA), peu importe que celles-ci s’accordaient sur la recevabilité du recours. Dans ces circonstances, les juges cantonaux pouvaient légitimement conclure à l’irrecevabilité du recours en tant qu’il était dirigé contre la décision du 15.12.2017 puisque l’assuré n’a pas réagi, dans un délai convenable, d’abord à l’inaction de l’office AI puis à son refus de revenir sur la décision en cause.

Compte tenu de ce qui précède, il n’y a pas lieu d’examiner les griefs de l’assuré en lien avec le droit à des mesures médicales sous l’angle de l’art. 13 LAI.

 

Consid. 6.2.2
Pour qu’un assuré ait droit à des mesures médicales au sens de l’art. 12 LAI, il faut que celles-ci n’aient pas pour objet le traitement de l’affection comme telle, mais soient directement nécessaires à la réadaptation professionnelle ou de nature à améliorer d’une manière durable et importante notamment la capacité de gain. Autrement dit, les mesures médicales ne doivent pas uniquement viser le traitement du trouble originaire et doivent permettre d’atteindre un résultat certain dans un laps de temps déterminé (cf. arrêt 9C_1074/2009 du 30 septembre 2010 consid. 2 et les références). Or les juges cantonaux ont en l’occurrence constaté que le docteur D.__ avait expressément indiqué que la durée de la psychothérapie était imprévisible et devrait se poursuivre – au moins – jusqu’à la majorité de l’assuré. Cette constatation correspond bien aux propos tenus par le psychiatre traitant qui, contrairement à ce que fait valoir l’assuré, a décrit une limite temporelle au traitement n’ayant rien de précis ou de définitif. L’assuré ne conteste par ailleurs pas la constatation cantonale selon laquelle la psychothérapie entreprise était destinée à traiter l’affection comme telle. Le Tribunal fédéral est dès lors lié par cette constatation (art. 105 al. 1 LTF). Dans ces circonstances, on ne saurait valablement reprocher aux juges cantonaux d’avoir apprécié les preuves de manière arbitraire ou violer le droit fédéral en niant le droit à des mesures médicales sous l’angle de l’art. 12 LAI.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_588/2021 consultable ici

 

Revenu d’invalide selon l’ESS – une mise à jour

Vous trouverez dans l’édition de Jusletter du 21 novembre 2022 ma contribution « Revenu d’invalide selon l’ESS – une mise à jour ».

Depuis mon précédent article (Fixation du revenu d’invalide selon l’ESS), par dans la Jusletter du 22 octobre 2018, le thème du revenu d’invalide s’est invité dans les débats parlementaires. Quant au Développement continu de l’assurance-invalidité, il a suscité de vives critiques. Rarement une révision de l’AI, voire d’une assurance sociale, a laissé un tel sentiment d’inachevé.

Bien que non exhaustive, cette contribution aborde sous différents angles la notion du revenu d’invalide selon l’ESS. Les récents développements de la doctrine sont également abordés, tout comme l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_256/2021 du 9 mars 2022, publié aux ATF 148 V 174. Le Développement continu de l’AI est, quant à lui, analysé avec une réflexion de coordination intersystémique (avec l’assurance-accidents en particulier).

L’article se veut complet mais surtout une aide pour la praticienne et le praticien, confronté-e quotidiennement à la notion d’invalidité et à la détermination du revenu d’invalide.

 

Résumé :

Le revenu d’invalide déterminé selon les données statistiques est au cœur de nombreuses discussions dans le domaine des assurances sociales, tant en doctrine qu’aux niveaux judiciaire et législatif. En particulier, le Développement continu de l’assurance-invalidité n’a pas apaisé les esprits, suscitant de nombreuses critiques. Il était nécessaire de procéder à une mise à jour de l’article paru en octobre 2018. La présente contribution passe en revue les récents développements, tout en restant ancré dans la pratique.

 

Publication : David Ionta, Revenu d’invalide selon l’ESS – une mise à jour, in : Jusletter 21 novembre 2022

 

 

9C_510/2021 (f) du 13.05.2022 – Remboursement des frais et dépens de l’assuré ayant obtenu gain de cause – 61 let. g LPGA / Interdiction de l’arbitraire en matière d’indemnité de dépens

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_510/2021 (f) du 13.05.2022

 

Consultable ici

 

Remboursement des frais et dépens de l’assuré ayant obtenu gain de cause / 61 let. g LPGA

Interdiction de l’arbitraire en matière d’indemnité de dépens

 

A l’issue d’une procédure de révision, l’Office cantonal AI du Valais (ci-après: l’office AI) a remplacé la rente entière d’invalidité que l’Office de l’assurance-invalidité du canton de Genève avait initialement allouée à l’assurée depuis novembre 2002 par un quart de rente à compter de février 2018 (décision du 05.12.2017).

 

Procédure cantonale

La cour cantonale a dans un premier temps confirmé la décision de l’office AI. Son jugement a toutefois été annulé par le Tribunal fédéral qui lui a renvoyé la cause pour nouvelle décision dans le sens des considérants (arrêt 9C_48/2020 du 27.08.2020).

L’autorité judiciaire a dans un second temps annulé la décision du 05.12.2017, en fonction des conclusions d’un rapport d’expertise judiciaire. Elle a constaté que l’assurée avait toujours droit à une rente entière après le 31.01.2018. Elle a en outre condamné l’office AI à payer à l’intéressée une indemnité de dépens de 2600 fr. Les juges cantonaux ont constaté que, dans la première partie de la procédure (considérée comme étant de difficulté moyenne et reposant sur un dossier peu volumineux), l’avocat de l’assurée avait déposé un mémoire de recours de 15 pages ainsi qu’une brève réplique de 1,5 pages et que, dans la deuxième partie de la procédure, il avait déposé deux déterminations de 2,5 pages (concernant le choix des experts) et de 1,5 pages (relatives aux conclusions du rapport d’expertise) et avait transmis deux notes d’honoraires, pour un montant total de 6054 fr.55. Ils ont considéré que ces opérations justifiaient l’octroi d’une indemnité de dépens de 2600 fr. (TVA et débours compris), correspondant à une dizaine d’heures de travail à un tarif horaire moyen de 250 fr. et 100 fr. de débours (jugement du 24.08.2021).

 

TF

Consid. 3.1
L’assurée – qui a obtenu gain de cause dans la procédure cantonale – a droit au remboursement de ses frais et de ses dépens dans la mesure fixée par le tribunal cantonal en fonction de l’importance et de la complexité de la cause (cf. art. 61 let. g LPGA). Si ce principe relève du droit fédéral, l’évaluation du montant des dépens ressortit en revanche au droit cantonal (cf. art. 27 et 40 de la loi cantonale valaisanne du 11 février 2009 fixant le tarif des frais et dépens devant les autorités judiciaires et administratives [LTar; RS/VS 173.8]) qui échappe en principe à la compétence du Tribunal fédéral. Il n’est effectivement pas possible d’invoquer une violation du droit cantonal, en soi, devant le Tribunal fédéral sauf exceptions non pertinentes en l’espèce (cf. art. 95 let. c, d et e LTF). En revanche, il est toujours possible de faire valoir qu’une mauvaise application du droit cantonal constitue une violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF), singulièrement qu’elle est arbitraire au sens de l’art. 9 Cst. ou qu’elle est contraire à d’autres droits constitutionnels (cf. arrêt 9C_474/2021 du 20 avril 2022 consid. 6.2.2 et les références).

Consid. 3.2.1
La décision fixant le montant des dépens ne doit en principe pas nécessairement être motivée, en particulier lorsque le juge ne sort pas des limites d’un tarif légal ou que des circonstances extraordinaires ne sont pas invoquées par les parties. La garantie du droit d’être entendu (cf. art. 29 al. 2 Cst.) en matière de dépens implique néanmoins que le juge qui veut s’écarter d’une note de frais indique brièvement pourquoi il tient certaines prestations pour injustifiées afin que le destinataire de sa décision puisse l’attaquer en toute connaissance de cause (cf. arrêt 8D_3/2019 du 6 septembre 2019 consid. 2.2.1 et les références). Dans la mesure où les dépens ont été arrêtés en fonction d’un certain nombre d’actes, dont les juges cantonaux ont dressé la liste et défini l’ampleur en termes de pages, ce qui permettait également d’évaluer le temps nécessaire à la réalisation de ces actes, l’assurée disposait en l’espèce d’assez d’éléments pour contester utilement le montant de l’indemnité qui lui a été alloué. Elle invoque dès lors à tort une violation de son droit d’être entendue.

Consid. 3.2.2
S’agissant de la complexité du dossier, le Tribunal fédéral a déjà considéré que les causes relevant du droit des assurances sociales ne sauraient être qualifiées de particulièrement difficiles au seul motif qu’il avait admis un recours de la personne assurée (cf. arrêt 9C_474/2021 du 20 avril 2022 consid. 6.3). En se contentant de critiquer le degré de complexité de la cause retenu par la juridiction cantonale au regard de la première intervention du Tribunal fédéral et de l’issue du litige, sans aucune considération sur la difficulté des problèmes qui avaient justifié le déroulement de la procédure de recours, l’assurée ne démontre pas que et en quoi le tribunal cantonal aurait violé l’art. 61 let. g LPGA ou appliqué arbitrairement les art. 27 et 40 LTar.

Consid. 3.2.3
L’arbitraire en matière d’indemnité de dépens peut se manifester sous deux formes. D’une part, lorsqu’il y a violation grave et claire des règles cantonales destinées à fixer l’indemnité. D’autre part, lorsque le pouvoir d’appréciation admis par le droit fédéral et cantonal est exercé d’une manière insoutenable. Il y a abus de ce pouvoir lorsque, tout en restant dans les limites fixées, l’autorité judiciaire se laisse guider par des considérations non objectives, étrangères au but des prescriptions applicables ou lorsqu’elle viole des principes généraux du droit. Dans ce cadre, l’interdiction de l’arbitraire suppose que la rémunération de l’avocat reste dans un rapport raisonnable avec l’activité effectivement fournie et objectivement nécessaire à l’accomplissement du mandat et ne contredise pas manifestement le sentiment de la justice (cf. arrêt 9C_295/2015 du 10 novembre 2015 consid. 2.3 et les références). Du moment que l’assurée se borne à alléguer que le tribunal cantonal a fait preuve d’arbitraire en s’écartant du tarif horaire de 300 fr., qu’elle avait convenu avec son mandataire, elle n’établit pas que et en quoi la juridiction cantonale aurait en l’espèce appliqué le droit cantonal d’une façon arbitraire, d’autant moins qu’une convention, privée, en matière de dépens ne saurait lier ladite autorité.

Consid. 3.3
Entièrement mal fondé, le recours doit être rejeté.

 

Arrêt 9C_510/2021 consultable ici

 

9C_452/2021 (f) du 14.04.2022 – Invalide de naissance ayant bénéficié d’une FPI (maîtrise universitaire) – Rente d’invalidité – Nouvelle demande AI / 26 al. 1 RAI – 17 LPGA – 87 RAI

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_452/2021 (f) du 14.04.2022

 

Consultable ici

 

Invalide de naissance ayant bénéficié d’une FPI (maîtrise universitaire) – Rente d’invalidité – Nouvelle demande AI / 26 al. 1 RAI – 17 LPGA – 87 RAI

 

En relation avec une diplégie spastique congénitale dans le contexte d’une naissance prématurée, l’assurée, née en 1983, a bénéficié de différentes prestations de l’assurance-invalidité, sous la forme notamment d’une formation professionnelle initiale, jusqu’à l’obtention d’une maîtrise universitaire ès Sciences en psychologie au mois d’août 2012. Considérant qu’à l’issue des mesures professionnelles, l’assurée était en mesure d’obtenir des gains au moins équivalents à ceux que percevrait un adulte du même âge, l’office AI a refusé l’octroi d’une rente d’invalidité (décision du 04.03.2013).

Au mois de mai 2014, l’assurée a présenté une nouvelle demande de prestations de l’assurance-invalidité. Entre autres mesures d’instruction, l’office AI a sollicité des renseignements auprès des médecins traitants de l’assurée. Il les a ensuite soumis à la doctoresse C.__, spécialiste en pédiatrie et en oncologie-hématologie pédiatrique et médecin au SMR, qui a conclu à une capacité de travail entière dans l’activité de psychologue. Par décision du 07.06.2018, l’administration a rejeté la demande de prestations. En bref, elle a considéré que l’état de santé de l’assurée ne s’était pas aggravé depuis la décision du 04.03.2013, de sorte que sa capacité de travail demeurait entière.

 

Procédure cantonale (arrêt AI 216/18 – 195/2021 [arrêt non disponible sur le site du TC])

Par jugement du 02.07.2021, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3.2
Selon l’art. 26 al. 1 RAI, dans sa teneur applicable au moment des faits déterminants [jusqu’au 31 décembre 2021], lorsque la personne assurée n’a pu acquérir de connaissances professionnelles suffisantes à cause de son invalidité, le revenu qu’elle pourrait obtenir si elle n’était pas invalide correspond en pour-cent, selon son âge, aux fractions mentionnées par la disposition de la médiane, actualisée chaque année, telle qu’elle ressort de l’enquête de l’Office fédéral de la statistique sur la structure des salaires (ESS). La fixation du revenu sans invalidité théoriquement, selon un barème objectif, conformément à l’art. 26 al. 1 RAI – et non de manière hypothétique, en tenant compte notamment de l’activité exercée avant la survenance de l’invalidité et des aptitudes professionnelles -, constitue un cas particulier d’application de la méthode générale de la comparaison des revenus (art. 28 LAI; arrêt I 134/96 du 23 mars 1998 consid. 1).

Consid. 4.2
Selon la jurisprudence, dûment rappelée par la juridiction de première instance, les invalides de naissance ou précoces au sens de l’art. 26 al. 1 RAI (dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021) sont des assurés qui présentent une atteinte à la santé depuis leur naissance ou leur enfance et n’ont pu, de ce fait, acquérir des connaissances professionnelles suffisantes. Entrent dans cette catégorie toutes les personnes qui, en raison de leur invalidité, n’ont pu terminer aucune formation professionnelle, ainsi que les assurés qui ont commencé, voire achevé, une formation professionnelle mais qui étaient déjà invalides au début de cette formation et qui, de ce fait, ne peuvent prétendre aux mêmes possibilités de salaire qu’une personne ne présentant pas de handicap ayant la même formation. L’élément décisif n’est alors pas que l’assuré ait acquis des connaissances professionnelles, mais qu’il puisse aussi les utiliser économiquement (arrêts 8C_236/2021 du 8 septembre 2021 consid. 3.2; 9C_233/2018 du 11 avril 2019 consid. 1.2 et 3.1 et les références).

Consid. 4.3
En l’espèce,
il ressort des constatations cantonales qu’elle a présenté une capacité de travail de 60% dans l’activité habituelle de psychologue, adaptée aux limitations fonctionnelles, ainsi que dans toute activité adaptée, depuis l’entrée dans la vie professionnelle, et qu’elle n’a pas trouvé d’emploi après l’obtention de sa maîtrise universitaire en psychologie en août 2012, mais effectué des stages à l’occasion desquels s’est immédiatement révélée l’incapacité à œuvrer à plein temps et durant lesquels elle a réalisé des revenus très limités. Force est ainsi de constater que l’assurée n’a pas pu réaliser un gain pratiquement égal à celui d’une personne non invalide au bénéfice de la même formation, ce que l’intéressée ne conteste du reste pas. Partant, il n’y a pas lieu de s’écarter des considérations des premiers juges, selon lesquelles l’invalidité de l’assurée devait être évaluée en application de l’art. 26 al. 1 RAI. Il convient néanmoins de préciser qu’on ne saurait suivre l’appréciation de l’office AI, fondée sur le rapport de la doctoresse C.__ du 1er mars 2016, selon lequel l’assurée présentait déjà depuis 2012, date de sa maîtrise universitaire, une capacité de travail entière dans l’activité de psychologue. Cette appréciation ne résiste pas à l’examen.

Pour le surplus, l’assurée ne remet en cause ni le revenu d’invalide (déterminé par la juridiction cantonale en se fondant sur les données statistiques de l’ESS), ni la période déterminante (à savoir depuis le moment où l’assurée avait pris conscience des répercussions de ses atteintes à la santé sur sa capacité de travail, soit au début de l’année 2014, jusqu’à la date de la décision administrative du 07.06.2018). Compte tenu d’un taux d’invalidité de 31% en 2014, 35% en 2015 et 2016, et 34% en 2017 et 2018, obtenu au terme de la comparaison des revenus de valide et d’invalide, c’est à bon droit que la juridiction cantonale a nié le droit de l’assurée à une rente de l’assurance-invalidité.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

Arrêt 9C_452/2021 consultable ici