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9C_259/2022 (f) du 20.09.2022 – Rappel du principe inquisitoire et du devoir de collaborer de l’assuré à l’instruction de l’affaire / Expertise dans la langue maternelle de l’assurée – Expertise par un psychiatre vaudois germanophone

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_259/2022 (f) du 20.09.2022

 

Consultable ici

 

Rappel du principe inquisitoire et du devoir de collaborer de l’assuré à l’instruction de l’affaire / 43 LPGA – 53 LAI

Nécessité et exigibilité d’une expertise médicale psychiatrique – Pas de motif excusable de l’assurée de ne pas se soumettre à l’expertise / 43 LPGA

Expertise dans la langue maternelle de l’assurée – Expertise par un psychiatre vaudois germanophone

Pas de droit pour l’assuré d’obtenir la traduction dans sa propre langue des pièces de la correspondance avec l’administration

Diagnostic étayé sous l’angle médical point de départ de l’examen du droit aux prestations / 4 al. 1 LAI – 6 ss LPGA

 

Assurée, née en 1966, a déposé une demande AI en août 2018. Entre autres mesures d’instruction, l’office AI a confié un mandat d’expertise à un spécialiste en psychiatrie et psychothérapie et en a informé l’assurée par courrier du 27.04.2020. Celle-ci a demandé à l’office AI à être examinée par un expert parlant allemand, en lui indiquant qu’elle ne participerait à cette expertise qu’à la condition d’être assistée lors de l’examen et de pouvoir enregistrer l’entretien (courrier du 28.05.2020). L’office AI lui a répondu que l’expert était de langue maternelle allemande, de sorte que les entretiens pourraient être effectués dans cette langue (courrier du 04.06.2020). A cette occasion, il l’a également informée que le rapport d’expertise serait rédigé en français, qu’elle ne pouvait ni être assistée, ni enregistrer les entretiens; il l’a rendue attentive à son devoir de collaborer ainsi qu’au fait qu’un défaut de collaboration pouvait conduire à une décision en l’état du dossier ou à un refus d’entrer en matière sur la demande.

Par courrier du 15.07.2020, l’assurée a demandé à l’office AI de renoncer à une évaluation psychiatrique. Par décision incidente du 18.08.2020, l’office AI a informé l’assurée du maintien de l’expertise psychiatrique et lui a derechef rappelé son devoir de collaborer. L’assurée a de nouveau contesté la nécessité et l’utilité de l’expertise.

Par projet de décision du 18.12.2020, l’administration a informé l’assurée qu’elle envisageait de lui nier le droit à une rente et à des mesures professionnelles, considérant qu’une incapacité de travail n’était pas établie. L’assurée a contesté le projet de décision en indiquant notamment qu’elle avait accepté de se soumettre à une expertise psychiatrique moyennant certaines conditions qu’elle estimait raisonnables. Par décision du 25.02.2021 l’office AI a refusé toute prestation à l’assurée.

 

Procédure cantonale (arrêt AI 141/21 – 93/2022 – consultable ici)

La juridiction cantonale a considéré qu’il ressortait du dossier médical qu’une expertise psychiatrique était nécessaire, dès lors qu’aucun des nombreux spécialistes consultés par l’assurée n’avait pu poser de diagnostics expliquant ses symptômes, sauf à évoquer des atteintes de type psychosomatique. Elle a en outre admis que l’office AI était en droit de considérer que l’assurée avait refusé de se soumettre, sans motif excusable, à l’expertise psychiatrique ordonnée. Aussi, celui-ci avait-il été en droit de statuer sur les prétentions de l’assurée en l’état du dossier. Or, en l’absence de documents médicaux pouvant expliquer les symptômes de l’assurée et leur gravité, une atteinte entraînant une incapacité de travail durable de 40% n’avait pas été établie. Dès lors, aucune prestation de l’assurance-invalidité ne pouvait être octroyée à l’assurée.

Par jugement du 22.03.2022, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 5.1.1
A titre liminaire, on doit rappeler que la procédure en matière d’assurance-invalidité est régie par le principe inquisitoire, selon lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d’office par l’assureur, qui prend les mesures d’instruction nécessaires et recueille les renseignements dont il a besoin (cf. art. 43 al. 1 LPGA et art. 53 al. 1 LAI; arrêt 8C_445/2021 du 14 janvier 2022 consid. 4.4 et les références). Le devoir d’instruction s’étend jusqu’à ce que les faits nécessaires à l’examen des prétentions en cause soient suffisamment élucidés (arrêt 9C_1012/2008 du 30 juin 2009 consid. 3.2.1 et les références). Selon la jurisprudence, la grande diversité des situations d’expertise exige de la souplesse et l’assureur dispose d’une grande marge d’appréciation en ce qui concerne la nécessité, l’étendue et l’adéquation des investigations médicales (ATF 147 V 79 consid. 7.4.2 et les références).

De son côté, conformément à son devoir de collaborer à l’instruction de l’affaire, l’assuré est tenu de se soumettre aux examens médicaux et techniques qui sont nécessaires à l’appréciation du cas et peuvent être raisonnablement exigés (art. 43 al. 2 LPGA; arrêt 9C_1012/2008 précité). Sont considérés comme nécessaires tous les moyens de preuve qui permettent d’établir les faits pertinents pour l’application du droit. Dans le cadre de l’analyse du caractère raisonnablement exigible de la mesure, ce n’est pas l’appréciation subjective de la personne assurée qui est déterminante, mais bien plus si les circonstances subjectives (telles que l’âge, son état de santé ou ses expériences antérieures) autorisent, sur un plan objectif, la mesure requise (JACQUES OLIVIER PIGUET, in Commentaire romand, Loi sur la partie générale des assurances sociales, 2018, n. 10 et 11 ad art. 43 LPGA). Selon l’article 43 al. 3 LPGA, si l’assuré ou d’autres requérants refusent de manière inexcusable de se conformer à leur obligation de renseigner ou de collaborer à l’instruction, l’assureur peut se prononcer en l’état du dossier ou clore l’instruction et décider de ne pas entrer en matière. Cependant, il n’y a violation de l’obligation de collaborer par l’assuré au sens de cette disposition que si elle a été commise de manière inexcusable. En ce sens, elle doit être fautive, ce qui est le cas lorsqu’aucun motif justificatif n’est reconnaissable ou que le comportement de la personne assurée s’avère totalement incompréhensible (arrêt I 166/06 du 30 janvier 2007 consid. 5.1 et les références; sur les motifs rendant le défaut de collaboration excusable, cf. arrêt 8C_733/2010 du 10 décembre 2010 consid. 5.3 et les références).

Consid. 5.1.2
En l’espèce, en application de la maxime inquisitoire, la mise en œuvre d’une expertise psychiatrique était nécessaire et se fondait sur plusieurs avis médicaux – et non pas sur une simple « supposition » de l’office AI -, ainsi que l’a retenu la cour cantonale sans arbitraire. En effet, plusieurs médecins consultés ont relevé une composante de type psychosomatique et préconisé un examen psychiatrique. […] En outre, l’assurée omet de mentionner, lorsqu’elle prétend ne jamais avoir souffert de problèmes psychologiques ou pris de médicaments pour des affections psychiatriques, que son médecin traitant, spécialiste en médecine interne générale, avait au contraire mentionné un tel suivi médical; il avait en effet indiqué que l’assurée était « connue pour une structure psychologique particulière et que plusieurs traitements [avaient] été essayés », soit différents antidépresseurs et que cela avait « fonctionné ». Il s’en suit que la réalisation d’une expertise psychiatrique était nécessaire du point de vue de l’instruction, quand bien même l’assurée fait valoir qu’elle n’avait pas déposé sa demande de prestations pour des motifs psychiatriques.

De plus, une expertise psychiatrique était également exigible de l’assurée. […] L’assurée n’invoque, pour contester l’exigibilité de l’expertise en cause, que des critiques d’ordre général sur l’objectivité d’une expertise psychiatrique et son utilité, tout en remettant en cause le fait que les résultats de celle-ci soient vérifiables et en alléguant qu’elle peut contenir des erreurs, ainsi que de fausses assertions. Or ces éléments, examinés sous l’angle objectif ne sont pas suffisants pour conclure qu’une expertise n’était pas exigible du point de vue subjectif. Partant, la cour cantonale n’a pas violé l’art. 43 al. 2 LPGA.

Consid. 5.1.3
Il reste à examiner si le refus de l’assurée de se soumettre à l’expertise psychiatrique ordonnée repose sur des motifs excusables au sens de l’art. 43 al. 3 LPGA. Tel n’est pas le cas au regard des conditions qu’avait posées l’assurée pour accepter l’expertise (expert de langue allemande, accompagnement par une personne de confiance et/ou enregistrement des entretiens). En premier lieu, il ressort des constatations non contestées de la juridiction cantonale que l’office AI avait fait droit à la requête de l’assurée tendant à ce que l’expert parlât l’allemand. Ensuite, ainsi que l’ont dûment rappelé les premiers juges, le droit applicable en vigueur au moment du prononcé de la décision litigieuse ne prévoyait ni la possibilité d’enregistrer les entretiens d’expertises (sur le nouvel art. 44 al. 6 LPGA entré en vigueur au 1er janvier 2022 [RO 2021 705], cf. arrêt 8C_296/2021 du 22 juin 2021 consid. 3.1 et les références), ni celle de s’y faire accompagner par une personne de confiance (ATF 137 V 210 consid. 3.1.3.3 et les références). Dès lors, les conditions que l’assurée avait posées étaient dénuées de pertinence au regard du droit en vigueur en application duquel l’office AI a rendu sa décision.

On doit également constater que la cour cantonale n’a pas fait preuve d’arbitraire en retenant que l’assurée avait exclu catégoriquement de se soumettre à une expertise avant que l’office AI ne l’informe vouloir refuser toute prestation. Son conseil avait en effet écrit, dans un courrier du 16.09.2020, que l’intéressée « rejette l’expertise psychiatrique (et toute autre) ». A cet égard, étant précisé que le refus de collaborer de l’assurée se limitait à la question de l’expertise psychiatrique, son allégation, selon laquelle elle avait toujours pleinement collaboré tout au long de la procédure, ne lui est d’aucun secours. Il en va de même de son argumentation purement appellatoire quant à la prétendue intention de l’office AI d’éviter toute instruction sérieuse de son cas. Dans ces circonstances, le refus de l’assurée de se soumettre à une expertise psychiatrique correspond à une violation de son obligation de collaborer au sens de l’article 43 al. 3 LPGA.

 

Consid. 5.2
L’assurée reproche encore aux premiers juges d’avoir violé l’art. 8 al. 2 Cst. et l’art. 59 al. 6 LAI, voire l’art. 70 al. 1 Cst., en ce qu’elle aurait été discriminée dans le cadre de la procédure, motif pris qu’elle n’aurait pas pu s’exprimer dans sa langue maternelle allemande auprès de l’office AI – entraînant des coûts de traduction importants et des incertitudes juridiques – et n’aurait pas pu, sans une aide extérieure, communiquer avec l’expert.

Pour autant que l’assurée ait satisfait à son obligation de motiver de manière circonstanciée la violation des droits constitutionnels précités (sur ce devoir, cf. ATF 134 V 138 consid. 2.1 et les références), son grief est mal fondé. Lorsqu’il a fait droit à la requête de l’assurée de confier l’expertise à un expert de langue maternelle allemande en lui confirmant que l’entretien serait conduit dans cette langue, l’office AI a respecté les principes posés par la jurisprudence en relation avec les violations invoquées. Selon ces principes, sauf exception justifiée pour des raisons objectives, il y a lieu de donner suite à la demande d’un assuré de désigner un centre d’expertise où l’on s’exprime dans l’une des langues officielles de la Confédération qu’il maîtrise. A défaut, l’intéressé a le droit non seulement d’être assisté par un interprète lors des examens médicaux mais encore d’obtenir gratuitement une traduction du rapport d’expertise (ATF 127 V 219 consid. 2b/aa; arrêts 8C_430/2020 du 15 décembre 2020 consid. 2.2; 8C_90/2014 du 19 décembre 2014 consid. 2.1). On ne saurait ainsi déceler dans le cas d’espèce de discrimination du fait notamment de la langue (art. 8 al. 2 Cst.), voire de l’art. 70 al. 1 Cst. En dehors de ce cadre, on rappellera également qu’il n’existe pas pour l’assuré de droit à obtenir la traduction dans sa propre langue des pièces de la correspondance avec l’administration et qu’il lui appartient dès lors de se faire traduire les actes officiels du dossier (ATF 131 V 35 consid. 3.3 et les références). L’assurée ne saurait en outre déduire de droits plus étendus en se fondant de l’art. 59 al. 6 LAI, selon lequel les offices AI tiennent compte, dans le cadre de leurs prestations, des spécificités linguistiques, sociales et culturelles de l’assuré, sans que ce dernier puisse en déduire un droit à une prestation particulière. La lettre de cette disposition (introduite par la modification de la LEtr du 16 décembre 2016 [Intégration]; RO 2017 6521) est en effet univoque (cf., Message du 8 mars 2013 relatif à la modification de la loi sur les étrangers [Intégration], FF 2013 2131 s. ch. 2).

 

Consid. 5.3
Enfin, l’assurée ne saurait être suivie lorsqu’elle invoque un droit à une rente entière dès le 01.02.2019, en se fondant sur les attestations médicales. On rappellera en effet qu’un diagnostic étayé sous l’angle médical constitue le point de départ de l’examen du droit aux prestations selon l’art. 4 al. 1 LAI, ainsi que les art. 6 ss LPGA (ATF 141 V 281 consid. 2.1 et la référence). Or, le médecin traitant de l’assurée a lui-même indiqué que le diagnostic qui pourrait expliquer les accès de tachycardie et autres symptômes n’est pas clair. Quant à l’expertise réalisée par l’assurance perte de gain maladie auprès d’un spécialiste en médecine interne générale, elle n’atteste que d’une incapacité de travail limitée dans le temps, allant jusqu’à six à huit semaines après la date de l’expertise. Dès lors, par ces seules références, l’assurée ne démontre pas que et en quoi la juridiction cantonale aurait constaté de manière arbitraire qu’une incapacité de travail durable de 40% au moins n’avait pas été établie, faute d’explication médicale relative aux symptômes qu’elle présentait et à la gravité de ceux-ci (sur le lien entre les constatations cantonales sur l’atteinte à la santé, la capacité de travail de la personne assurée ainsi que l’exigibilité et le grief de l’arbitraire, cf. arrêt 9C_160/2021 du 23 juin 2021 consid. 3 et les références).

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 9C_259/2022 consultable ici

 

9C_232/2022 (f) du 04.10.2022 – Expertise psychiatrique – Théâtralité, amplification des symptômes ou caractère revendicateur constituent des éléments décisifs pour évaluer la pertinence du diagnostic – 44 LPGA / Pas de délai en AI pour chercher un emploi adapté ou pour se réhabituer au travail / 28 LAI – 29 LAI

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_232/2022 (f) du 04.10.2022

 

Consultable ici

 

Expertise psychiatrique en assurance-invalidité – Théâtralité, amplification des symptômes ou caractère revendicateur constituent des éléments décisifs pour évaluer la pertinence du diagnostic / 44 LPGA

Evaluation de la capacité de travail sur une période remontant à plusieurs années dans le passé

Langue dans laquelle l’expertise a été conduite – Expertise en allemand pour un assuré francophone et un dossier en français

Valeur probante du rapport d’expertise vs avis du psychiatre traitant

Pas de report du délai d’exigibilité fixé par les experts – Pas de délai en AI pour chercher un emploi adapté ou pour se réhabituer au travail / 28 LAI – 29 LAI

 

1e demande AI déposée en décembre 2012 par l’assuré, né en 1988. Il y indiquait souffrir de lésions nerveuses et vasculaires des tendons de la main droite à la suite d’une chute survenue le 04.11.2011. Par décision du 10.07.2013, l’office AI a nié le droit de l’assuré à une rente et à des mesures professionnelles.

Nouvelle demande AI, déposée en janvier 2015 par l’assuré, désormais père d’un enfant (né en 2014). Expertise rhumatologique et psychiatrique : dans leur appréciation consensuelle, les experts ont conclu que, du point de vue rhumatologique, l’assuré présentait une pleine capacité de travail dans une activité adaptée au plus tard deux ans après l’accident du 04.11.2011 et que du point de vue psychiatrique, une pleine capacité de travail de l’assuré était exigible au moins depuis 2015 (rapport du 16.12.2019). L’office AI a octroyé à l’assuré une rente entière d’invalidité du 01.04.2014 au 31.03.2016, assortie d’une rente pour enfant dès le 01.05.2014.

 

Procédure cantonale (arrêt AI 152/21 – 109/2022 – consultable ici)

Par jugement du 31.03.2022, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 4.1
Dans un premier grief, l’assuré invoque plusieurs vices qui entacheraient l’expertise diligentée par l’office AI. Il allègue en particulier que l’expert psychiatre aurait manifesté un parti pris à son encontre, au motif qu’il aurait notamment constaté de manière inexacte sa « théâtralité », son « handicap largement imaginaire […] », ainsi qu’une « motivation […] en termes de reprise d’activité professionnelle […] abolie ». L’assuré soutient également que l’expertise serait « totalement irréaliste » en tant qu’elle se distancierait des « appréciations fouillées » du spécialiste en psychiatrie et psychothérapie et médecin traitant de l’assuré et qu’il serait « hasardeux » qu’un expert examine en 2019 une capacité de travail exigible à compter de fin 2015. L’assuré fait également valoir que dans la mesure où l’expert ne parlait pas français, il aurait rendu une expertise « totalement déconnectée de la réalité » et dépourvue de force probante, puisqu’il se serait notamment fondé sur une documentation médicale rédigée dans une langue qu’il n’était pas en mesure de comprendre.

Consid. 4.1.1
L ‘argumentation de l’assuré sur la prévention de l’expert psychiatre, sur laquelle le Tribunal fédéral peut se prononcer librement (arrêt 9C_410/2019 du 18 mai 2020 consid. 4.2 et les références), ne peut pas être suivie. Il convient en effet de rappeler que des circonstances indiquant une exagération (telles qu’une amplification des symptômes ou un caractère revendicateur), ainsi que l’éventuel manque de motivation de l’assuré constituent des éléments décisifs pour évaluer la pertinence du diagnostic; l’expert était ainsi fondé, sans s’exposer à un reproche de prévention, à examiner les déclarations de l’assuré sur ces aspects, afin d’en tirer des conclusions quant au caractère invalidant du trouble analysé (cf. arrêt 9C_179/2022 du 24 août 2022 consid. 6.2 et la référence; sur le rôle de l’expert psychiatre, ATF 145 V 361 consid. 4.3).

Consid. 4.1.2
L’assuré ne saurait non plus être suivi lorsqu’il soutient que l’expertise psychiatrique serait dépourvue de valeur probante, en se référant à l’opinion de son psychiatre traitant. On rappellera en effet qu’au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d’expertise (ATF 124 I 170 consid. 4), on ne saurait mettre en cause les conclusions d’une expertise médicale du seul fait qu’un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contraire, sauf si ceux-ci font état d’éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l’expertise et qui sont suffisamment pertinents pour mettre en cause les conclusions de l’expertise (arrêt 9C_459/2019 du 5 novembre 2019 consid. 4). Or dans le cas d’espèce, les juges cantonaux ont dûment exposé les raisons pour lesquelles ils ont accordé une pleine force probante aux conclusions de l’expert psychiatre et n’ont pas suivi l’avis du psychiatre traitant, ainsi que celles pour lesquelles ils ont conclu que le second n’apportait aucun élément probant pour remettre en doute l’appréciation étayée et convaincante du premier. En ce qu’il se contente d’indiquer que les appréciations de l’expert psychiatre sont notamment « irréaliste[s] », « surréaliste[s] » ou « contrefactuel[les] », l’assuré ne démontre pas en quoi les constatations de la juridiction cantonale seraient manifestement inexactes, pas plus qu’il ne critique concrètement le raisonnement qu’elle a suivi. Il s’ensuit qu’ il n’y a pas lieu de s’écarter des conclusions de l’expert psychiatre qui, du reste, pouvait évaluer la capacité de travail de l’assuré sur une période remontant à plusieurs années dans le passé, par une appréciation rétrospective de la situation à l’aide des données du dossier et de l’examen de la personne concernée (cf. arrêt 9C_291/2018 du 3 août 2018 consid. 5.1).

Consid. 4.1.3
Enfin, s’agissant du grief relatif à la langue dans laquelle l’expertise a été conduite, il convient de rappeler, comme le souligne du reste l’assuré lui-même, qu’il n’existe pas de droit inconditionnel à la réalisation d’un examen médical dans la langue maternelle de l’assuré (arrêt 9C_262/2015 du 8 janvier 2015 consid. 6 et les références). Ceci dit, l’assuré ne démontre nullement que la compréhension linguistique entre lui-même et l’expert psychiatre n’était pas, en présence d’une interprète, suffisante pour garantir une expertise revêtant un caractère à la fois complet, compréhensible et concluant. De plus, l’expert psychiatre était en mesure de comprendre les différents rapports médicaux de langue française figurant au dossier, puisqu’il les a mentionnés et résumés dans le rapport d’expertise. Il a de plus, à titre d’exemple, écarté par une analyse détaillée le diagnostic d’état de stress post-traumatique posé par le psychiatre traitant de l’assuré, démontrant qu’il maîtrisait la langue dans laquelle son confrère s’était exprimé.

 

Consid. 4.2
En confirmant l’exigibilité de la capacité entière de travail dans une activité adaptée à partir du début de l’année 2016, la juridiction cantonale a tenu compte d’un délai d’accoutumance de trois mois pour permettre un renforcement de l’utilisation de la main droite comme main de secours, tel que préconisé par les experts. En effet, l’expert somaticien avait attesté d’une capacité de travail entière dans une activité adaptée au plus tard deux ans après l’accident du 04.11.2011, sous réserve de périodes d’incapacité de travail de quelques mois liées aux interventions chirurgicales postérieures (en février 2016 et mars 2017). Dès lors que la juridiction cantonale a retenu sans arbitraire qu’une activité adaptée était exigible depuis début 2016, il ne se justifie pas, comme le demande l’assuré, de « reporter le délai d’exigibilité fixé par les experts ». En effet, le droit à une rente de l’assurance-invalidité prend naissance selon les conditions prévues aux art. 28 et 29 LAI, sans que la loi ne consacre un délai pour chercher un emploi adapté (arrêt 8C_39/2020 du 19 juin 2020 consid. 4.3 et les références) ou pour se réhabituer au travail.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 9C_232/2022 consultable ici

 

9C_573/2021 (f) du 17.10.2022 – Aide en capital de l’assurance-invalidité – 18d LAI – 7 RAI / Le marché équilibré de l’emploi divers postes non liés à un lieu de travail précis et permettant ainsi de travailler principalement à domicile

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_573/2021 (f) du 17.10.2022

 

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Aide en capital de l’assurance-invalidité / 18d LAI – 7 RAI

Le marché équilibré de l’emploi divers postes non liés à un lieu de travail précis et permettant ainsi de travailler principalement à domicile

 

Assurée, née en 1977, titulaire d’un CFC d’employée de commerce obtenu en 1997, a été victime d’un accident de la circulation en septembre 1998. L’office AI lui a alloué une rente de l’assurance-invalidité du 01.09.1999 au 30.04.2001, puis dès le 01.03.2003. La quotité de la rente (demie ou entière) a varié au cours des années; elle s’élevait à une demie depuis le 01.04.2017.

Le 14.08.2018, l’assurée a annoncé une rechute (survenue le 07.06.2018) à l’office AI et a sollicité la révision de son droit à la rente. Elle a produit notamment une expertise orthopédique du 13.09.2018 établie sur mandat de l’assureur-accidents. Par décision du 16.05.2019, l’administration a refusé d’entrer en matière sur la demande de révision.

Entre-temps, le 21.03.2019, l’assurée a requis l’octroi d’une aide en capital, ce que l’office AI a refusé (décision du 13.08.2019).

 

Procédure cantonale

Par jugement du 30.09.2021, rejet des deux recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Le litige porte sur le droit de l’assurée à une aide en capital de l’assurance-invalidité. L’assurée ne conteste pas l’arrêt cantonal en tant que la juridiction cantonale a confirmé le refus de l’intimé d’entrer en matière sur la demande de révision présentée le 14.08.2018.

Consid. 4.2
Le jugement entrepris expose de manière complète les dispositions légales et les principes jurisprudentiels relatifs au droit à une aide en capital (art. 18d LAI) et aux conditions de ce droit, en particulier à la condition selon laquelle on ne saurait raisonnablement exiger de l’assuré qu’il exerce une activité dépendante (art. 7 RAI; arrêt I 122/01 du 5 mars 2002 [VSI 2002 p. 185]; RCC 1969 p. 289 consid. 1; cf. aussi le ch. 6004 de la Circulaire de l’Office fédéral des assurances sociales [OFAS] sur les mesures de réadaptation d’ordre professionnel [CMRP], valables dès le 1er janvier 2014). Il suffit d’y renvoyer.

Consid. 5.2
Contrairement à ce que soutient l’assurée, dans leur rapport du 13.09.2018, les médecins-experts n’ont pas indiqué que seul l’exercice d’une activité indépendante à 50% était exigible. S’ils ont mentionné que l’assurée présentait une capacité résiduelle de travail de 50% dans une activité indépendante avec des horaires de travail flexibles, selon l’état individuel du jour, ils ont constaté que l’activité habituelle d’employée de bureau constituait également une activité adaptée. Comme l’a retenu de manière circonstanciée la juridiction cantonale, les experts ont en effet indiqué qu’une activité légère, en position assise, telle que l’ancienne activité d’employée de commerce était exigible de l’assurée à un taux de 50% et moyennant un horaire de travail flexible permettant de tenir compte de ses besoins individuels. A l’inverse de ce qu’affirme l’assurée, les juges cantonaux ne se sont donc pas fondés uniquement sur des documents établis dans le cadre des mesures d’ordre professionnel qu’elle avait suivies (en 2014 et 2017) pour admettre qu’elle conservait une capacité résiduelle de travail de 50% dans son activité habituelle d’employée de commerce.

Consid. 5.3
Quant à l’argumentation de l’assurée selon laquelle il paraît irréaliste qu’un employeur accepte d’engager une personne comme elle « travaillant depuis son domicile, à temps partiel et sans aucune garantie de pouvoir compter sur elle certains jours, donc sans aucune possibilité de planifier le travail », elle n’est pas non plus fondée.

En premier lieu, selon les constatations de la juridiction cantonale, l’activité adaptée exigible correspond à celle d’employée de commerce à 50% avec des horaires de travail flexibles en fonction des besoins de l’assurée; il n’est nullement question d’un emploi qui devrait être exercé exclusivement à domicile. L’instance cantonale a ensuite retenu de manière convaincante que le marché équilibré de l’emploi (sur cette notion, cf. arrêt 9C_248/2018 du 19 septembre 2018 consid. 6.2) englobe, notamment dans le secteur commercial, divers postes non liés à un lieu de travail précis et permettant ainsi de travailler principalement à domicile. Par ailleurs, des postes permettant de faire une pause régulièrement en cas de besoin existent également sur ce marché et le fait qu’il faille s’attendre à l’avenir aussi à des phases d’incapacité de travail passagère ne change rien à cette situation (cf. arrêt 9C_366/2021 du 3 janvier 2022 consid. 4.3).

Consid. 5.4
En définitive, compte tenu de l’exigibilité d’une capacité (résiduelle) de travail de 50% dans l’activité habituelle adaptée d’employée de commerce, l’assurée ne remplit pas l’une des conditions cumulatives du droit à une aide au placement (consid. 4.2 supra). Partant, c’est sans arbitraire et de manière conforme au droit que la juridiction cantonale a confirmé la décision administrative du 13.08.2019.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

Arrêt 9C_573/2021 consultable ici

 

9C_354/2022 (f) du 26.09.2022 – Exigence de la signature originale et manuscrite d’un recours – Pas de formalisme excessif – 52 PA – 37 LTAF

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_354/2022 (f) du 26.09.2022

 

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Exigence de la signature originale et manuscrite d’un recours – Pas de formalisme excessif / 52 PA – 37 LTAF

 

Par décision du 23.05.2022, la caisse de compensation a rejeté la demande de l’assuré tendant à la reconsidération de la décision de rente qu’elle avait rendue le 20.11.2020. L’assuré a invité la caisse de compensation à reconsidérer sa position par une correspondance du 30.05.2022, non signée manuscritement en original. La caisse a transmis ce courrier au Tribunal administratif fédéral comme objet de sa compétence.

Par ordonnance du 13.06.2022, le Tribunal administratif fédéral a imparti à l’assuré un délai de cinq jours pour lui communiquer s’il entendait former recours contre la décision de la caisse de compensation du 23.05.2022 et, le cas, échéant, pour déposer une écriture comportant des conclusions claires et motivées ainsi que sa signature originale et manuscrite, avec l’avertissement qu’à défaut, le recours serait déclaré irrecevable. Après que l’assuré a conclu à la reconsidération de la décision de la caisse de compensation du 20.11.2020, par correspondances des 17.06.2022 et 20.06.2022 – non signées manuscritement en original -, le Tribunal administratif fédéral a déclaré le recours irrecevable (arrêt C-2542/2022 du 28.06.2022).

 

TF

Consid. 3.1
Le formalisme excessif est un aspect particulier du déni de justice prohibé par l’art. 29 al. 1 Cst. Il est réalisé lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique de manière insoutenable la mise en œuvre du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l’accès aux tribunaux (ATF 145 I 201 consid. 4.2.1 et les arrêts cités). En tant qu’elle sanctionne un comportement répréhensible de l’autorité dans ses relations avec le justiciable, l’interdiction du formalisme excessif vise le même but que le principe de la bonne foi consacré aux art. 5 al. 3 et 9 Cst. Ce principe commande à l’autorité d’éviter de sanctionner par l’irrecevabilité les vices de procédure aisément reconnaissables qui auraient pu être redressés à temps, lorsqu’elle pouvait s’en rendre compte suffisamment tôt et les signaler utilement au plaideur (ATF 125 I 166 consid. 3a et les références; arrêt 8D_5/2019 du 4 juin 2020 consid. 4.2.1). De manière générale, la seule application stricte des règles de forme n’est pas constitutive de formalisme excessif (ATF 142 IV 299 consid. 1.3.3; arrêt 8C_145/2019 du 3 juin 2020 consid. 6.3.3).

Consid. 3.2
L’exigence de la signature d’un recours est une condition de sa recevabilité, étant précisé que la signature doit être manuscrite et que l’acte sur lequel la signature n’est que reproduite (photocopie, fac-similé) n’est pas valable (ATF 142 V 152 consid. 4 et les arrêts cités). Selon la jurisprudence, il n’est pas arbitraire, de la part de l’autorité saisie, de déclarer irrecevable une requête dépourvue de signature (valable). En outre, l’interdiction du formalisme excessif n’oblige pas l’autorité à inviter l’auteur à réparer l’irrégularité en lui fixant à cette fin un délai allant au-delà du délai légal de recours, sauf disposition contraire (ATF 108 Ia 289 consid. 2). En revanche, l’autorité qui reçoit un recours non signé (valablement) a le devoir d’attirer l’attention de l’auteur sur ce défaut, pour autant qu’en raison des circonstances, celui-ci doive normalement être aperçu d’emblée et que le délai encore disponible permette de mettre l’auteur en mesure de le réparer à temps (ATF 142 V 152 précité consid. 4.3).

 

Consid. 4.1
En l’espèce, le Tribunal administratif fédéral n’est pas entré en matière sur le recours de l’assuré, motif pris qu’il n’avait pas donné suite en temps utile à l’ordonnance du 13.06.2022, notifiée le 16.06.2022, par laquelle il lui avait imparti un délai de cinq jours pour régulariser l’acte de recours, notamment en y apposant sa signature originale et manuscrite. Il s’est fondé pour cela sur l’art. 52 de la loi fédérale sur la procédure administrative (PA), applicable à la procédure devant le Tribunal administratif fédéral (art. 37 LTAF), selon lequel le mémoire de recours doit, entre autres conditions, porter la signature du recourant ou de son mandataire (al. 1), étant précisé que si le recours ne satisfait pas à cette exigence, l’autorité de recours impartit au recourant un court délai supplémentaire pour régulariser le recours (al. 2), en l’avisant en même temps que si la signature manque, elle déclarera le recours irrecevable (al. 3).

Consid. 4.2.1
Quoi qu’en dise le recourant, le Tribunal administratif fédéral a constaté que l’écriture du 30.05.2022 et les correspondances des 17.06.2022 et 20.06.2022 ne comportaient pas la signature originale et manuscrite de l’assuré ou d’un représentant dûment mandaté, mais des versions scannées de celle-ci, et que le recours n’avait pas été régularisé dans le délai imparti pour ce faire, qui était arrivé à échéance le 21.06.2022, compte tenu de la notification le 16.06.2022 de l’ordonnance du 13.06.2022. En ce qu’il se limite à affirmer que sa « signature manuscrite est bien présente et respecte l’art. 52 al. 1 PA qui ne mentionne pas d’invalidation numérique », l’argumentation du recourant est appellatoire et ne satisfait pas aux exigences de motivation qualifiées de l’art. 105 al. 2 LTF. Au regard de la jurisprudence précédemment rappelée (consid. 3 supra), on ne peut que constater que la juridiction précédente n’a pas violé le droit fédéral en déclarant irrecevable le recours porté devant elle.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 9C_354/2022 consultable ici

 

Motion Gysi 22.4480 « Instaurer l’équité en permettant l’exportation des rentes d’invalidité extraordinaires » – Avis du Conseil fédéral du 22.02.2023

Motion Gysi 22.4480 « Instaurer l’équité en permettant l’exportation des rentes d’invalidité extraordinaires » – Avis du Conseil fédéral du 22.02.2023

 

Motion 22.4480 consultable ici

 

Texte déposé

Le Conseil fédéral est chargé de présenter un projet de modification de la législation sur l’invalidité (art. 39 LAI) de manière à permettre l’exportation des rentes d’invalidité extraordinaires.

 

Développement

L’exportation de rentes extraordinaires pour les personnes handicapées précoces est exclue par la loi, ce qui a pour conséquence que les personnes concernées doivent rester domiciliées en Suisse pour ne pas perdre le droit à une rente dont ils dépendent pour vivre.

Cette situation donne régulièrement lieu à des cas dramatiques. Par exemple, les cas où des citoyens suisses au bénéfice d’une rente d’invalidité extraordinaire souhaitent s’installer dans un pays non membre de l’UE ou ceux où des citoyens d’une autre nationalité souhaitent retourner dans leur pays d’origine, mais ne peuvent le faire que s’ils continuent à toucher leur rente. Il y a aussi les cas où des citoyens suisses qui n’ont jamais pu exercer une activité lucrative en raison de leur grave handicap souhaitent s’installer dans un pays de l’UE ou de l’AELE.

Les personnes concernées qui décident de rester en Suisse demandent souvent des prestations complémentaires en plus de la rente extraordinaire ; en outre, elles peuvent générer des coûts supplémentaires si elles séjournent dans un home.

L’interdiction d’exporter les rentes d’invalidité extraordinaires est choquante et injuste pour des raisons sociales et politiques ; elle ne se justifie pas non plus d’un point de vue financier.

Les personnes concernées ne comprennent pas, à juste titre, pourquoi leurs rentes ne peuvent pas être exportées ; elles se sentent victimes d’un traitement injuste. Il est temps de mettre fin à cette injustice et de créer enfin une base légale permettant aussi d’exporter les rentes d’invalidité extraordinaires.

 

Avis du Conseil fédéral du 22.02.2023

Les rentes extraordinaires de l’assurance-invalidité (AI) visent à garantir le minimum vital des assurés invalides de naissance ou précoces en Suisse. Prestations à caractère non contributif, elles sont, comme les prestations complémentaires (PC) et les allocations pour impotent (API), financées exclusivement par les pouvoirs publics. Selon les dispositions du droit international en vigueur, les prestations à caractère non contributif qui sont versées en remplacement ou en complément de prestations d’assurance telles que les rentes de vieillesse, de survivants ou d’invalidité sont toujours versées par l’Etat dans lequel la personne concernée réside et où, le cas échéant, l’assujettissement à l’impôt est établi. Dans les messages relatifs à la 4e et à la 5e révision de l’AI (FF 2001 3045, 3117 et 2005 4215, 4308), le Conseil fédéral a explicitement exclu la possibilité d’exporter la prestation. La 6e révision de l’AI (FF 2010 1647, 1734) a rendu l’exportation possible, mais uniquement à la condition qu’une convention internationale le prévoie. Cependant, la Suisse n’a pas prévu l’exportation des rentes extraordinaires dans l’accord sur la libre circulation des personnes avec l’Union européenne (UE ; RS 0.142.112.681), pas plus que dans la Convention instituant l’Association européenne de libre-échange (AELE ; RS 0.632.31) ou dans toutes les conventions bilatérales de sécurité sociale. Même les conventions les plus récentes conclues avec la Tunisie (RS 0.831.109.758.1) et le Royaume-Uni (RS 0.831.109.367.2) ne prévoient pas cette possibilité. Ce n’est que dans le cas où les personnes concernées, de nationalité suisse ou ressortissantes de l’UE/AELE, exerçaient une activité lucrative avant la survenance de l’incapacité de travail que les règlements de coordination de l’UE applicables dans les relations avec l’UE et l’AELE prévoient la possibilité d’exporter des rentes extraordinaires dans les Etats concernés. Selon la Cour européenne des droits de l’homme, la non-exportation des rentes extraordinaires ne constitue pas une violation de la Convention européenne des droits de l’homme et ne contrevient pas à l’interdiction de discrimination.

L’interdiction d’exportation diminue la tentation d’entrer en Suisse dans le seul but d’obtenir une rente. Sans cette interdiction, des personnes qui n’ont jamais exercé d’activité lucrative (par ex. des invalides de naissance) pourraient obtenir un droit à une rente extraordinaire si elles remplissent, lors de leur entrée en Suisse, les conditions peu élevées qui sont exigées. Et le jour où ces personnes quitteraient à nouveau la Suisse, les rentes extraordinaires acquises devraient donc être exportées.

De plus, si l’exportation des rentes extraordinaires était admise, toutes les conventions bilatérales de sécurité sociale devraient être révisées et le principe international de non-exportation des prestations spéciales à caractère non contributif, assoupli dans son ensemble. Cela créerait un précédent et les Etats contractants pourraient formuler de nouvelles exigences, par exemple en ce qui concerne les PC et les API.

 

Proposition du Conseil fédéral du 22.02.2023

Le Conseil fédéral propose de rejeter la motion.

 

Motion Gysi 22.4480 « Instaurer l’équité en permettant l’exportation des rentes d’invalidité extraordinaires » consultable ici

 

Adaptation intégrale des rentes AVS/AI au renchérissement

Adaptation intégrale des rentes AVS/AI au renchérissement

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 22.02.2023 consultable ici

 

Pour compenser pleinement le renchérissement, les rentes AVS/AI, les prestations complémentaires et les prestations transitoires doivent faire l’objet d’une augmentation supplémentaire par rapport à l’adaptation qui a déjà eu lieu. Lors de sa séance du 22 février 2023, le Conseil fédéral a adopté le message concernant une modification de la loi sur l’AVS en ce sens. Il répond ainsi à la volonté du Parlement de renforcer le pouvoir d’achat des bénéficiaires de rentes.

En règle générale, le Conseil fédéral adapte les rentes ordinaires de l’AVS et de l’AI tous les deux ans à l’évolution des salaires et des prix, en se fondant à chaque fois sur la moyenne arithmétique entre l’indice des salaires et l’indice des prix (indice mixte). La dernière adaptation est intervenue le 1er janvier 2023 et a donné lieu à une augmentation de 30 francs pour la rente minimale et de 60 francs pour la rente maximale (pour une durée de cotisation complète). Comme la hausse de l’indice des prix a exceptionnellement été supérieure à celle de l’indice des salaires en 2022, l’adaptation fondée sur l’indice mixte a eu pour conséquence un relèvement des rentes de 2,5% alors que le renchérissement atteignait cette année 2,8%. L’adaptation des rentes n’a par conséquent pas permis de compenser entièrement le renchérissement. En réponse à une motion, le Conseil fédéral a adopté un projet de modification de la loi sur l’AVS à l’intention du Parlement. Il propose une adaptation supplémentaire et extraordinaire des rentes pour compenser pleinement le renchérissement.

 

Mise en œuvre prévue de l’adaptation au renchérissement

Le projet de modification temporaire de la loi sur l’AVS transmis au Parlement prévoit une adaptation unique des rentes de vieillesse et de survivants. Cette adaptation extraordinaire, qui concernera également les rentes de l’AI, tiendra seulement compte de la hausse des prix, à l’exclusion de la progression des salaires. Les rentes seront ainsi augmentées de la part du renchérissement qui n’a pas été compensée par l’adaptation ordinaire des rentes au 1er janvier 2023. Si le Parlement adopte la modification de loi à la session de printemps 2023, la compensation du renchérissement pourra être mise en œuvre au plus tôt le 1er juillet 2023. La majoration supplémentaire des rentes devra être versée à partir de cette date et être calculée de manière à compenser également les mois de janvier à juin 2023.

 

Calcul de l’adaptation des rentes

Le calcul des nouvelles rentes se fondera sur le renchérissement de l’année 2022, soit 2,8%. La différence avec l’augmentation des rentes de 2,5% déjà effectuée est de 0,3 point de pourcentage. La rente mensuelle minimale devrait, sur cette base, être majorée de 5 francs. Si la modification entre en vigueur le 1er juillet 2023, l’adaptation au renchérissement comprendra une augmentation supplémentaire de 2 francs pour tenir compte des mois de janvier à juin 2023. Au total, la rente minimale sera donc relevée de 7 francs, passant de 1225 à 1232 francs, et la rente maximale de 14 francs, passant de 2450 à 2464 francs (pour une durée de cotisation complète). Cette adaptation extraordinaire des rentes au renchérissement ne modifie pas le rythme des adaptations ordinaires sur la base de l’indice mixte. Elle doit s’appliquer jusqu’à la prochaine adaptation ordinaire des rentes, prévue pour le 1er janvier 2025.

 

Adaptation des prestations complémentaires et transitoires

Les montants destinés à la couverture des besoins vitaux pris en compte dans le calcul des prestations complémentaires et des prestations transitoires seront majorés dans la même proportion que les rentes. Ces adaptations se feront au niveau de l’ordonnance. D’autres prestations de l’AVS et de l’AI, calculées directement sur la base de la rente minimale de l’AVS, seront adaptées en conséquence. Par contre, les montants-limites de la prévoyance professionnelle et les cotisations à l’AVS, à l’AI et au régime des APG des personnes exerçant une activité indépendante et des personnes sans activité lucrative ne seront pas modifiés.

 

Coût de l’augmentation des prestations

L’augmentation extraordinaire des rentes en plus de l’adaptation ordinaire entraînera pour l’AVS un coût supplémentaire de 418 millions de francs au total en 2023 et 2024. La Confédération participe au financement de l’AVS en versant chaque année une contribution correspondant à 20,2% des dépenses. Toutefois, elle ne devra exceptionnellement pas participer au financement de cette augmentation supplémentaire des rentes. L’AI assumera une dépense supplémentaire de 54 millions de francs. L’adaptation des prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI entraînera, quant à elle, des dépenses supplémentaires d’environ 2,5 millions de francs pour la Confédération et 0,9 million pour les cantons.

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 22.02.2023 consultable ici

Message du Conseil fédéral (version provisoire) et modification de la LAVS (proposition) consultables ici

Motion 22.3792 « Protéger le pouvoir d’achat. Adapter immédiatement les rentes AVS au renchérissement » consultable ici

 

Arrêt de la CrEDH Berisha c. Suisse – Requête n° 4723/13 du 24.01.2023 – Remboursement plafonné des frais pour les soins à domicile d’une personne handicapée vivant chez ses parents (à l’inverse de celles vivant en institution)

Arrêt de la CrEDH Berisha c. Suisse – Requête n° 4723/13 du 24.01.2023

 

Arrêt consultable ici

Résumé juridique de février 2023 de la CrEDH consultable ici

 

Remboursement plafonné des frais pour les soins à domicile d’une personne handicapée vivant chez ses parents (à l’inverse de celles vivant en institution) / 8 CEDH

 

En fait

Lourdement handicapé depuis sa naissance, le requérant, vivant chez ses parents âgés, bénéficie d’une rente d’invalidité entière et d’une allocation pour impotent de degré grave.

En novembre 2010, la caisse de compensation du canton avisa le requérant que les dépenses dont il avait sollicité la prise en charge pour l’année 2010 dépassaient le plafond annuel de remboursement des frais de maladie et d’invalidité, fixé à CHF 90’000. Un montant de CHF 1’146 restait à la charge de l’intéressé, lequel n’était par ailleurs plus fondé à solliciter de la caisse de compensation le remboursement des frais qu’il aurait encore à supporter jusqu’à la fin de l’année considérée.

Les recours du requérant contre cette décision n’aboutirent pas.

Invoquant l’article 8 de la Convention, le requérant se plaint devant la Cour que le plafonnement du remboursement des frais de maladie et d’invalidité engagés pour les soins à son domicile le place dans une situation financière susceptible de le contraindre à s’installer dans une résidence spécialisée. Notant que ce plafonnement ne s’applique pas aux personnes soignées dans une institution, il se plaint également d’une discrimination et invoque l’article 14 combiné avec l’article 8.

 

En droit

Article 14 combiné avec l’article 8 :

1) Vie familiale – Dans l’affaire Beeler c. Suisse [GC], la Grande Chambre de la Cour a récemment eu l’occasion de clarifier les principes régissant la question de savoir si et dans quelle mesure les allocations sociales ressortent au domaine de la « vie familiale » au sens de l’article 8 et peuvent, dès lors, faire entrer en jeu l’article 14.

Dans le cas d’espèce, la Cour doit dès lors examiner si la prestation litigieuse, à savoir le remboursement des frais de maladie et d’invalidité prévu par la loi, vise à favoriser la vie familiale et si elle a nécessairement une incidence sur l’organisation de celle-ci. Elle doit prendre en compte l’ensemble des éléments pertinents permettant de déterminer la nature de cette prestation.

S’agissant du but que poursuit l’administration par le versement des prestations en question et des conditions de leur octroi, à la lumière de la législation pertinente, ces prestations sont « destinées à la couverture des besoins vitaux » des personnes souffrant d’une invalidité. Peuvent en bénéficier les personnes qui ont leur domicile et leur résidence habituelle en Suisse dès lors qu’elles ont droit à une rente ou à une allocation pour impotent de l’assurance-invalidité (AI) ou qu’elles perçoivent des indemnités journalières de l’AI sans interruption pendant six mois au moins. Il ressort de ces dispositions que le versement des prestations complémentaires ne vise pas à favoriser la vie familiale du requérant, non plus qu’il ne suppose l’existence de pareille vie familiale.

Quant au calcul des prestations litigieuses, le droit fédéral fixe, en matière de prestations complémentaires, les montants minimaux que les cantons doivent respecter, et le canton en l’espèce a choisi de limiter à ces montants la prise en charge des frais de santé et d’invalidité des personnes concernées. Dans le cas du requérant, qui vit à domicile, le plafond est fixé à CHF 90’000 par an, tandis que si l’intéressé vivait dans une résidence spécialisée ou un hôpital, pareille limite ne trouverait pas à s’appliquer. Cette différence de traitement confirme que les prestations complémentaires n’ont pas pour but principal de favoriser la vie familiale. À cet égard, celles-ci se distinguent sensiblement de la contribution d’assistance qui a été instaurée à partir de janvier 2012 pour permettre à une personne bénéficiant d’une allocation pour impotent qui vit ou souhaite vivre à domicile et qui a besoin d’une aide régulière d’engager une personne qui lui fournisse l’assistance nécessaire.

Concernant les incidences réelles de la limitation des prestations en question sur la vie familiale du requérant, celui-ci a vécu avec ses parents, âgés, au moment du recours devant le Tribunal fédéral, de 81 ans pour son père et de 78 ans pour sa mère, lesquels ont pris en charge – et jusqu’à ce que l’âge avancé du père ne le lui permette plus – une part considérable des soins requis par l’intéressé. Par ailleurs, une autre part importante des soins aurait été fournie par la sœur du requérant. Il n’est dès lors pas exclu que le versement des prestations complémentaires ait eu une certaine incidence sur la vie familiale du requérant dans la mesure où il lui a permis de se faire soigner par ses proches à domicile.

En revanche, le requérant ayant toujours vécu chez lui, ne s’est jamais vu contraint d’intégrer une résidence spécialisée ou un hôpital. En conséquence, les frais restés à sa charge ne correspondaient pas à des montants suffisamment élevés pour l’obliger à quitter son domicile. Ainsi le montant du plafonnement des prestations complémentaires n’a pas eu une incidence négative concrète sur la vie familiale du requérant. Par ailleurs, différentes prestations correspondant à des montants considérables lui ont été versées après l’arrêt litigieux du Tribunal fédéral, notamment au titre de la contribution d’assistance, prestations qui visaient, quant à elles, à renforcer l’autonomie du requérant et à lui permettre de vivre chez lui.

Eu égard à l’ensemble des éléments qui précèdent, c’est-à-dire compte tenu du but de la prestation litigieuse tel qu’il ressort de la législation, des conditions de son octroi, de la légalité du plafond appliqué et du fait que les effets réels de ce plafonnement sur la vie familiale de l’intéressé sont restés limités, la prestation en cause ne vise pas à favoriser la vie familiale et elle n’a pas nécessairement une incidence sur l’organisation de celle-ci. Les faits de l’espèce ne relèvent pas du champ de la « vie familiale » au sens de l’article 8 et, par conséquent, l’article 14 n’est pas applicable au cas d’espèce sous cet angle.

 

2) Vie privée – Le souhait formé par une personne lourdement handicapée, tel que le requérant, d’être soignée à domicile par ses proches pourrait a priori relever du droit au respect de la vie privée de la personne concernée, notamment sous l’angle du développement personnel et de l’autonomie. Toutefois la situation particulière du requérant doit également être prise en compte pour déterminer si sa « vie privée » était en jeu au moment pertinent, comme a été traité le volet de l’article 8 relatif à la « vie familiale » dans l’affaire Beeler. Or, le requérant n’a pas démontré que le plafonnement du remboursement des frais liés aux soins dont il avait besoin l’ait concrètement et effectivement empêché de satisfaire ce souhait. En effet, celui-ci n’a à aucun moment été contraint à intégrer une institution à la suite du plafonnement du remboursement des frais qu’il avait à engager pour ses soins. Sans nier la réalité des inconvénients subis par le requérant, ils sont de nature purement pécuniaire, aspect qui n’est pas en soi couvert par le droit au respect de la vie privée.

Ainsi, les faits de l’espèce ne relèvent pas du champ de la « vie privée » et, par conséquent, l’article 14 n’est pas applicable au cas d’espèce sous cet angle.

 

Conclusion : irrecevable (incompatible ratione materiae).

 

Arrêt de la CrEDH Berisha c. Suisse – Requête n° 4723/13 du 24.01.2023 consultable ici

Résumé juridique de février 2023 de la CrEDH consultable ici

 

9C_273/2022 (f) du 23.08.2022 – Rente d’invalidité – Conditions générales d’assurances – 36 al. 1 LAI / Motivation insuffisante d’un avis du SMR se distançant des constatations et conclusions du psychiatre traitant

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_273/2022 (f) du 23.08.2022

 

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Rente d’invalidité – Conditions générales d’assurances / 36 al. 1 LAI

Motivation insuffisante d’un avis du SMR se distançant des constatations et conclusions du psychiatre traitant

Evaluation de la capacité de travail relève de l’appréciation médicale

 

Assurée, née en 1977, originaire de Turquie et entrée en Suisse en septembre 2012, a présenté une demande AI en juillet 2020. Au terme de la procédure d’instruction, l’office AI a rejeté la demande de prestations au motif que l’intéressée ne remplissait pas les conditions générales d’assurance. En bref, il a considéré que l’assurée présentait une incapacité de travail totale depuis 2006 et que l’atteinte à la santé était donc antérieure à son entrée en Suisse.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/365/2022 – consultable ici)

Après avoir notamment entendu la doctoresse B.__, psychiatre traitante, ainsi que l’assurée, le tribunal cantonal a admis le recours (arrêt du 20.04.2022), annulé la décision litigieuse et reconnu le droit de l’assurée à une rente entière d’invalidité dès le 01.02.2021.

 

TF

Consid. 3.2
A droit à une rente ordinaire l’assuré qui, lors de la survenance de l’invalidité, compte trois années au moins de cotisations (art. 36 al. 1 LAI) et que la condition de la durée minimale de cotisations pour ouvrir le droit à une rente ordinaire doit être remplie au moment de la survenance de l’invalidité (ATF 126 V 5 consid. 2c et les arrêts cités; arrêt 9C_145/2019 du 29 mai 2019 consid. 4.1).

Consid. 4
En se fondant sur les déclarations et conclusions de la psychiatre traitante, la juridiction cantonale a admis que l’assurée était en incapacité totale de travail depuis avril 2019. S’il ne pouvait être nié que l’assurée présentait déjà des troubles psychiques lorsqu’elle est entrée en Suisse, en 2012, soit notamment une modification durable de la personnalité après un événement de catastrophe, à la suite du trouble de stress post-traumatique survenu en 2008 (au moment où sa fille aînée, alors âgée de douze ans, lui avait fait part des abus commis par son père), ceux-ci n’étaient cependant pas incapacitants. A cet égard, l’intéressée avait en effet travaillé à plein temps comme cuisinière dans une famille en Turquie, jusqu’à son départ pour la Suisse. Si elle n’avait certes pas exercé une activité lucrative depuis son entrée en Suisse, cela pouvait s’expliquer en raison de son statut de requérante d’asile, qui lui interdisait de travailler au début, ainsi que de la méconnaissance de la langue française. Après avoir constaté que l’assurée remplissait la condition de la durée minimale de cotisations pour ouvrir le droit à une rente ordinaire prévue par l’art. 36 al. 1 LAI (dès lors qu’il ressortait de son compte individuel qu’elle avait cotisé depuis octobre 2012), les juges cantonaux lui ont reconnu le droit à une rente entière d’invalidité depuis le 01.02.2021, compte tenu de la date du dépôt de la demande de prestations, en juillet 2020 (art. 29 al. 1 LAI).

Consid. 5.2.1
Conformément à l’art. 43 LPGA, il incombe en premier lieu à l’administration de prendre d’office les mesures d’instruction nécessaires, singulièrement de recueillir un avis médical circonstancié lui permettant de statuer en connaissance de cause.

Or en l’espèce, la juridiction cantonale a dûment apprécié le rapport médical de la psychiatre traitante, en procédant également à l’audition de ce médecin. La cour cantonale a exposé les raisons pour lesquelles elle a considéré que les conclusions et déclarations de la psychiatre traitante étaient suffisantes pour admettre que l’état de santé de l’assurée s’était modifié depuis 2019 et que celle-ci présentait une incapacité totale de travail depuis le 26.04.2019. Les juges cantonaux ont en effet expliqué que la psychiatre traitante, qui avait suivi l’assurée à compter de 2017, n’avait pas tout de suite constaté d’incapacité de travail puisqu’elle n’en avait attestée une que depuis le 26.04.2019, en faisant alors état d’une aggravation de l’état de santé de sa patiente (cf. rapport du 29.08.2020). Lors de son audition du 25.02.2022, la psychiatre traitante avait précisé que l’assurée présentait seulement, au début du suivi, un état dépressif léger à moyen en relation avec les difficultés avec sa fille aînée et qu’elle était capable de travailler, le trouble dépressif s’étant ensuite aggravé lorsque les troubles psychiques de sa fille s’étaient péjorés avec des crises classiques et un comportement violent.

Consid. 5.2.2
La simple affirmation de l’office recourant, selon laquelle ce n’est qu’après la décision litigieuse, par laquelle il a nié le droit de l’assurée à une rente d’invalidité pour défaut de condition d’assurance, que la psychiatre traitante a indiqué que les limitations psychiatriques de sa patiente étaient en lien avec le comportement de sa fille aînée (et non pas avec la situation dramatique vécue lorsqu’elle était en Turquie), n’est pas suffisante pour remettre en cause la valeur probante du rapport médical sur lequel les juges cantonaux se sont fondés. Au vu des informations claires et motivées contenues dans le rapport de la psychiatre traitante du 29.08.2020 quant à la date de la survenance de l’incapacité de travail (le 26.04.2019), il eût appartenu à l’office AI de compléter l’instruction médicale avant de rendre sa décision s’il avait des doutes quant aux conclusions de la psychiatre traitante, mais à tout le moins d’expliquer les motifs pour lesquels il s’en est distancié et a considéré que l’incapacité de travail existait depuis 2006 déjà. A cet égard, le rapport du médecin au SMR n’est d’aucun secours à l’office recourant. Appelé à se prononcer au sujet du rapport de la psychiatre traitante, le médecin du SMR s’est en effet contenté d’indiquer que la psychiatre traitante expliquait « très clairement » que les atteintes à la santé psychique avaient débuté en Turquie et qu’à la lecture de son rapport, il était manifeste que l’état psychique de l’assurée ne lui permettait pas d’exercer une activité professionnelle depuis 2006. Ce faisant, le médecin mentionne une incapacité de travail bien antérieure à celle attestée par la psychiatre traitante sans aucunement motiver son affirmation et expliquer son appréciation divergente sur ce point; son avis ne saurait dès lors être suivi. Partant, le recours est mal fondé sur ce point.

Consid. 5.3
L’argumentation de l’office recourant à l’appui de l’«évaluation de la vraisemblance prépondérante arbitraire en violation du droit fédéral» à laquelle la juridiction de première instance aurait procédé pour admettre que l’incapacité de travail de l’assurée avait débuté en 2019, au moment de l’aggravation de son état de santé attestée par la doctoresse B.__, et non lors de son arrivée en Suisse, en 2012, voire antérieurement, n’est pas davantage fondée. On rappellera à cet égard que compte tenu de son pouvoir d’examen restreint en la matière, il n’appartient pas au Tribunal fédéral de procéder une nouvelle fois à l’appréciation des preuves administrées, mais à la partie recourante d’établir en quoi celle opérée par l’autorité précédente serait manifestement inexacte ou incomplète, ou en quoi les faits constatés auraient été établis au mépris de règles essentielles de procédure. Or en l’occurrence, l’office recourant n’expose pas d’éléments concrets et objectifs susceptibles de remettre en cause l’appréciation des preuves effectuée par les juges cantonaux.

En particulier, c’est en vain que l’office recourant se réfère à la demande de prestations déposée par l’assurée en juillet 2020. S’il y est certes fait mention d’une incapacité de travail depuis 2012, les juges cantonaux ont cependant expliqué de manière convaincante que ce document avait été rempli par deux personnes différentes, à savoir la psychiatre traitante, et, probablement, l’assistante sociale de l’assurée, et que la psychiatre traitante y avait indiqué, au point 6.1, que l’atteinte à la santé existait depuis 2019. La mention d’une incapacité de travail depuis le 18 septembre 2012, au point 4.3, n’émanait pas de la psychiatre traitante, si bien qu’il s’agissait manifestement d’une erreur. Quoi qu’en dise l’office recourant à cet égard, l’évaluation de la capacité de travail relève de l’appréciation médicale. Par conséquent, le fait que l’assurée a également indiqué (notamment lors de son audition) qu’elle n’avait pas réussi à travailler lors de son arrivée en Suisse, en 2012, en raison de ses problèmes de santé – des troubles de mémoire l’empêchant d’apprendre le français selon elle – n’est pas déterminant. Le recours est mal fondé sur ce point également.

 

Le TF rejette le recours de l’office AI.

 

Arrêt 9C_273/2022 consultable ici

 

9C_138/2022 (f) du 03.08.2022 – Allocation pour impotent pour mineur – 9 LPGA – 42 LAI – 42bis LAI – 37 RAI / Aide indirecte et régulière

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_138/2022 (f) du 03.08.2022

 

Consultable ici

 

Allocation pour impotent pour mineur / 9 LPGA – 42 LAI – 42bis LAI – 37 RAI

Aide indirecte et régulière (injonctions et encouragements de la mère pour l’habillement [yc selon la météo], pour se laver les cheveux ou se coiffer)

Acte « manger » non reconnu, l’assurée pouvant utiliser un couteau pour pousser, déchirer et tartiner

 

Assurée, née en décembre 2009, présente un trouble du spectre autistique, un trouble du déficit de l’attention avec impulsivité sans hyperactivité, ainsi qu’une dyscalculie. Demande d’allocation pour impotent AI déposée le 07.02.2019. Après avoir notamment diligenté une enquête sur l’impotence effectuée en date du 29.05.2019, l’office AI a rejeté la demande d’allocation pour impotent le 14.08.2020. En bref, il a considéré que l’assurée présentait un besoin d’aide régulière et importante d’autrui pour un seul des six actes ordinaires de la vie (se déplacer).

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/74/2022 – consultable ici)

Par jugement du 20.01.2022, admission du recours par le tribunal cantonal, annulant la décision de l’office AI, reconnaissant le droit de l’assurée à une allocation pour impotence pour mineur de degré moyen à compter du 01.08.2019 et renvoyant la cause à l’office pour calcul des prestations dues.

 

TF

Consid. 3.3
L’interprétation et l’application correctes de la notion juridique de l’impotence, ainsi que les exigences relatives à la valeur probante de rapports d’enquête au domicile de l’assuré relèvent de questions de droit, que le Tribunal fédéral examine librement (art. 95 let. a LTF). Les constatations de la juridiction cantonale relatives aux limitations fonctionnelles de la personne assurée pour accomplir certains actes ordinaires de la vie, fondées sur le résultat d’examens médicaux et sur un rapport d’enquête à domicile ayant valeur probante, constituent en revanche des questions de fait, soumises au Tribunal fédéral sous un angle restreint (art. 105 al. 2 LTF; cf. ATF 132 V 393 consid. 3.2; arrêt 9C_283/2021 du 7 mars 2022 consid. 3.3 et les arrêts cités).

 

Consid. 4.1
[…] En vertu de l’art. 37 al. 4 RAI, l’impotence des mineurs doit être évaluée en prenant en considération uniquement le surcroît d’aide et de surveillance que l’assuré présentant un handicap nécessite par rapport à un mineur du même âge et en bonne santé. Afin de faciliter cette évaluation, des lignes directrices figurent dans l’annexe III de la Circulaire sur l’invalidité et l’impotence dans l’assurance-invalidité (CIIAI) établie par l’Office fédéral des assurances sociales (valable jusqu’au 31 décembre 2021).

La cour cantonale a correctement appliqué le droit fédéral en se référant en premier lieu à l’art. 37 al. 4 LAI et à la circulaire administrative correspondante. Il convient également de constater, à l’inverse de ce que l’office recourant prétend, que la juridiction cantonale a également apprécié dans le cas d’espèce si l’aide apportée pour les actes ordinaires de la vie litigieux revêtait une intensité suffisante et si elle était régulière au regard, en particulier, des constatations de l’enquêtrice. Partant, la voie suivie par les premiers juges échappe à toute critique.

 

Consid. 4.2.1
S’agissant d’abord de l’acte « se vêtir/se dévêtir », la Cour de justice a constaté, en se fondant sur le rapport d’enquête à domicile, ainsi que sur la description de l’aide directe et indirecte fournie à l’assurée par sa mère, que si l’assurée était capable de mettre et d’enlever les pièces de vêtement seule, elle nécessitait une aide régulière indirecte d’une intensité suffisante en début de journée pour l’obliger, au moyen d’injonctions, de mener la tâche à son terme dans des délais raisonnables, et ce quand bien même elle se débrouillait toute seule à l’extérieur lorsqu’elle était entourée de ses camarades qui lui montraient l’exemple. Alors qu’il ressortait de l’annexe III de la CIIAI qu’un enfant de 10 ans était apte à choisir ses habits en fonction de la météo, l’assurée devait cependant être encadrée dans le choix de ses vêtements en fonction du temps qu’il faisait. A cet égard, le fait que l’enquêtrice avait relevé que l’assurée avait des idées arrêtées sur ce qu’elle souhaitait porter ne signifiait pas pour autant que ses choix fussent adéquats.

A l’encontre de ce raisonnement, le recourant fait valoir que l’assurée peut se débrouiller seule lors de ses activités scolaires et sportives, de sorte que la cour cantonale a constaté les faits de manière inexacte en retenant que l’aide pour l’acte de se vêtir/se dévêtir est régulière et importante. Ce faisant, il ne démontre pas que et en quoi l’autorité cantonale de recours aurait établi les faits de manière arbitraire. Par ailleurs, contrairement à ce que fait valoir l’office AI, le fait que les camarades de l’assurée lui montrent l’exemple lors des activités sportives ou scolaires plaide plutôt en faveur d’une aide indirecte d’un tiers sans laquelle elle ne ferait l’acte qu’imparfaitement ou à contretemps (comp. arrêt 9C_664/2020 du 27 janvier 2021 consid. 4.2). Pour le surplus, la cour cantonale n’a pas violé le droit fédéral lorsqu’elle a considéré que l’aide apportée à l’assurée était régulière, dès lors qu’elle doit être cadrée quotidiennement dans le choix de ces vêtements en fonction du temps qu’il fait (cf., annexe III CIIAI, p. 213 et ch. 8014 CIIAI). Il n’y a dès lors pas lieu de s’écarter de sa constatation selon laquelle l’assurée a besoin d’aide pour se vêtir/se dévêtir ou pourrait en avoir besoin chaque jour (au sujet de la régularité de l’aide d’autrui, cf. arrêt 9C_562/2016 du 13 janvier 2017 consid. 5.3 et les références).

 

Consid. 4.2.2
En ce qui concerne ensuite l’acte ordinaire « faire sa toilette », les premiers juges ont retenu que selon l’enquête sur l’impotence, l’assurée pouvait se débrouiller seule, mais devait être rappelée à l’ordre pour se concentrer sur ce qu’elle faisait et pour ne pas être trop lente. Quant à ses parents, bien qu’ils aient reconnu que leur fille maîtrisait le côté technique de l’acte, ils ont indiqué qu’elle avait besoin d’être encadrée par un tiers qui devait se tenir à ses côtés pour la guider et l’encourager lorsqu’elle se lavait les cheveux ou se coiffait de même que pour vérifier le brossage des dents. Dès lors que se coiffer et se laver les cheveux font partie de l’acte quotidien « faire sa toilette » (ATF 147 V 35 consid. 9.2.3; ch. 8020 CIIAI) et qu’il ressort des constatations cantonales que l’assurée a besoin d’être « guidée » et « encouragée » pour ces actes, qui sont répétés quotidiennement, c’est à bon droit que la cour cantonale a retenu que l’aide indirecte est régulière et importante. On rappellera en effet à cet égard que l’annexe III de la CIIAI précise qu’un enfant ayant atteint l’âge de 10 ans n’a plus besoin de contrôle régulier pour se laver et se coiffer les cheveux, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

 

Consid. 4.2.3
S’agissant enfin de l’acte « manger », la juridiction cantonale a constaté que l’assurée maniait le couteau pour pousser, déchirer et tartiner, mais non pas pour couper (apprentissage en cours). Il en découlait que, puisqu’elle ne pouvait couper seule ses aliments, une aide régulière et importante était nécessaire. Pour l’office recourant, l’assurée est au contraire « majoritairement indépendante dans l’acte de manger », ce qui démontrerait que le besoin d’aide régulière et importante n’est pas avéré.

Le Tribunal fédéral a eu l’occasion de préciser qu’il n’y a pas d’impotence si l’assuré n’a besoin de l’aide directe d’autrui que pour couper des aliments durs, car de tels aliments ne sont pas consommés tous les jours et que l’intéressé n’a donc pas besoin de cette aide de façon régulière ni dans une mesure considérable (arrêt 8C_30/2010 du 8 avril 2010 consid. 6.2.). Il en va en revanche différemment lorsque l’assuré ne peut pas du tout se servir d’un couteau et se trouve dans l’impossibilité de se préparer une tartine ou de couper des aliments non durs (arrêt 9C_791/2016 du 22 juin 2017, consid. 4.3). Compte tenu de ces principes, la cour cantonale a violé le droit fédéral, en considérant, contrairement à la jurisprudence précitée, que l’aide apportée à l’assurée était nécessaire et régulière alors que celle-ci a besoin d’aide uniquement pour couper ses aliments, étant capable d’utiliser un couteau pour pousser, déchirer et tartiner.

 

Consid. 4.3
Compte tenu de ce qui précède, l’assurée, qui présente un besoin d’aide régulière et importante d’autrui pour seulement trois actes ordinaires de la vie, n’a pas droit à une allocation pour impotent pour mineur de degré moyen, mais de degré faible à compter du 1er août 2019 (art. 37 al. 3 let. a RAI). Le recours doit dès lors être partiellement admis et l’arrêt attaqué réformé en ce sens.

 

Le TF admet partiellement le recours de l’office AI.

 

Arrêt 9C_138/2022 consultable ici

 

8C_501/2021 (d) du 14.07.2022 – Révision d’une rente d’invalidité – 17 LPGA / L’exploitation de photos accessibles au public dans les médias sociaux pas considérée comme une violation de la sphère privée

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_501/2021 (d) du 14.07.2022

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle, seul l’arrêt fait foi

 

Révision d’une rente d’invalidité / 17 LPGA

L’exploitation de photos accessibles au public dans les médias sociaux pas considérée comme une violation de la sphère privée

 

Assuré, né en 1963, a déposé une nouvelle demande AI en juin 2003, après une première demande infructueuse. Après instruction et expertise pluridisciplinaire, l’office AI a octroyé à l’assuré, par décision du 18.09.2007, une rente d’invalidité entière dès octobre 2003 en raison de troubles psychiques et de problèmes de dos (degré d’invalidité : 84 %). La rente a été maintenue après révision en décembre 2012.

Début février 2015, l’office AI a engagé une nouvelle procédure de révision. A cette occasion, il a demandé au SMR de procéder à des examens orthopédiques et psychiatriques (rapports de juillet 2017). Après avoir reçu une information téléphonique anonyme selon laquelle l’assuré percevait une rente d’invalidité sans être limité en conséquence, l’office AI a demandé une conservation de la preuve sur place (Beweissicherung vor Ort ci-après : BvO). L’office AI a soumis les résultats au SMR pour appréciation (prises de position octobre et novembre 2017) et a ensuite donné à l’assuré la possibilité de s’exprimer à ce sujet. Par décision du 19.10.2018, l’office AI a supprimé la rente d’invalidité au 30.06.2017, étant donné qu’il avait été établi, au vu de l’observation et des évaluations médicales complémentaires, qu’il n’y avait plus de restrictions psychiques au plus tard à partir de juillet 2017 (taux d’invalidité : 10 %). En conséquence, la restitution des prestations de rente perçues du 01.07.2017 au 28.02.2018 (total : CHF 16’820) a été exigée (décision du 24.10.2018).

 

Procédure cantonale

Par jugement du 10.06.2021, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3.2
Les résultats d’une observation, combinés à une évaluation médicale du dossier, peuvent en principe constituer une base suffisante pour établir les faits concernant l’état de santé et la capacité de travail de la personne assurée (ATF 140 V 70 consid. 6.2.2 avec référence ; arrêt 8C_54/2020 du 26 mai 2020 consid. 2).

Consid. 4.1
L’instance cantonale a qualifié la BvO d’indispensable et ses résultats d’exploitables. Elle a ensuite considéré comme probantes les évaluations du dossier faites par le SMR en octobre et novembre 2017, selon lesquelles il existait chez l’assuré une pleine capacité de travail pour des activités adaptées au plus tard dès juillet 2017. Au vu de ce qui précède, la cour cantonale a considéré qu’il existait un motif de révision au sens de l’art. 17 al. 1 LPGA. […] Pour la comparaison des revenus (art. 16 LPGA), l’instance cantonale a utilisé la même valeur statistique pour le revenu sans invalidité et d’invalide (ESS 2016, tableau TA1, niveau de compétence 1, total, hommes). Après avoir procédé à un abattement de 10%, elle a confirmé la suppression de la rente – ainsi que la demande de restitution des prestations de rente perçues du 01.07.2017 au 28.02.2018. Le tribunal cantonal a nié un droit à des mesures de réadaptation.

Consid. 5.1
En ce qui concerne les griefs en lien avec la BvO, il convient de se référer à la jurisprudence du Tribunal fédéral (ATF 143 I 377), correctement citée par le tribunal cantonal, concernant la mise en œuvre, dans le droit de l’assurance-invalidité, de l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme du 18 octobre 2016 (dans la cause Vukota-Bojic c. Suisse [61838/10]). Selon cette jurisprudence, il est certes établi que l’observation de l’assuré était en soi inadmissible au moment de sa mise en œuvre, en l’absence d’une base légale suffisamment claire et détaillée (pour la situation juridique depuis le 01.10.2019 : art. 43a et 43 b LPGA). Comme l’a justement considéré l’instance cantonale, la jurisprudence ne prévoit toutefois pas d’interdiction de principe d’exploiter les données. Au contraire, les éléments recueillis sur la base d’une observation illicite peuvent être exploitables sur la base d’une pesée minutieuse des intérêts privés et publics (cf. art. 152 al. 2 CPC) (ATF 143 I 377 consid. 5 ; idem : arrêt 6B_428/2018 du 31 juillet 2019 consid. 1.4). Le tribunal cantonal a procédé à une telle évaluation. On ne voit pas en quoi les constatations qu’il a faites à ce sujet sont manifestement inexactes (arbitraires) et en quoi les conclusions qu’il en a tirées – selon lesquelles les intérêts privés de l’assuré n’auraient été que faiblement touchés par l’observation et que, par conséquent, les résultats de celle-ci seraient exploitables – seraient entachées d’une erreur de droit.

Si le recourant conteste en outre le caractère exploitable des photos qui ont été sauvegardées sur Facebook, il existe également une pratique bien établie à ce sujet, selon laquelle l’exploitation de telles publications accessibles au public dans les médias sociaux ne doit pas être considérée comme une violation de la sphère privée (cf. parmi d’autres : arrêts 8C_292/2019 du 27 août 2019 consid. 3.2.3 ; 8C_909/2017 du 26 juin 2018 consid. 6.2). La cour cantonale ayant également correctement reproduit et appliqué ces principes, les objections soulevées à leur encontre dans le recours ne sont pas suffisantes.

 

Consid. 5.2
Les arguments relatifs au soupçon initial ne sont pas non plus d’une grande aide, pour autant qu’ils aient encore une importance décisive au vu de ce qui précède (cf. arrêt 8C_54/2020 du 26 mai 2020 consid. 8.1 et les références). Dans ce contexte, la cour cantonale a constaté que l’assuré n’avait plus consulté ses médecins traitants depuis l’année 2014, respectivement 2015. De plus, il n’était pas souvent joignable par écrit ou par téléphone. Ensuite, selon les indications de sa caisse-maladie, il ne se procurait pas régulièrement les médicaments prescrits, ce que l’examen de laboratoire effectué lors de l’exploration par le SMR a confirmé. Lors de son examen du 4 juillet 2017, l’orthopédiste du SMR a relevé des différences entre la mobilité active et la mobilité passive. Le psychiatre du SMR a conclu, sur la base du comportement théâtral, des indications vagues et des plaintes subjectives prononcées de l’assuré, qu’il existait des indices d’une aggravation des troubles, qui ne pouvaient toutefois pas être prouvés sur la base du seul examen (rapport d’examen du 27 juillet 2017).

En d’autres termes, contrairement à ce qu’affirme l’assuré, il existait, en dehors de la dénonciation téléphonique anonyme, des indices tout à fait valables et concrets qui justifiaient au moins le soupçon d’une perception illégale de la rente d’invalidité. Par conséquent, l’observation effectuée semble tout à fait justifiée (à ce sujet, cf. entre autres : ATF 143 I 377 consid. 5.1.2 ; 137 I 327 consid. 5.4.2.1 ; SVR 2017 IV Nr. 89 S. 277, 8C_69/2017 E. 5.1 ; arrêt 9C_294/2018 du 28 novembre 2018 consid. 3.3).

Consid. 5.3
Dans ce contexte, une violation de la CEDH, du droit fédéral ou de droits constitutionnels cantonaux (cf. art. 95 let. a-c LTF) est exclue.

 

Consid. 6.3
L’argument de l’assuré – le fait que le psychiatre traitant n’est consulté qu’à des intervalles de plusieurs mois ne change rien à l’incapacité durable de travail – tombe à faux. En effet, pour déterminer le droit à une rente, il est en principe déterminant, indépendamment du diagnostic et sans tenir compte de l’étiologie, de savoir si et dans quelle mesure il existe une atteinte à la capacité de travail ou de gain (ATF 143 V 409 consid. 4.2.1 ; arrêt 8C_465/2019 du 12 novembre 2019 consid. 6.2.3 ; cf. en outre ATF 148 V 49 consid. 6.2.2). Il ressort clairement de la prise de position du psychiatre du SMR que, compte tenu des résultats de la BvO, il n’est pas possible, au degré de la vraisemblance prépondérante, de poser un diagnostic ayant un effet durable sur la capacité de travail d’un point de vue psychiatrique. Ainsi, des explications plus détaillées sur la fréquence du traitement s’avèrent en soi superflues (cf. ATF 143 V 409 consid. 4.5.3 ; arrêt 8C_270/2019 du 5 septembre 2019 consid. 4.2.2).

 

Consid. 8.1
[…] Dans les cas où la réduction ou la suppression, par révision du droit à la rente concerne une personne assurée qui est âgée de 55 ans révolus ou qui a bénéficié d’une rente pendant quinze ans au moins, des mesures de réadaptation doivent en règle générale être prises (cf. ATF 145 V 209 consid. 5.1 et les références). Le droit à des mesures de réadaptation avant la suppression de la rente présuppose toutefois la volonté de réadaptation ou l’aptitude subjective à la réadaptation. En l’absence de celle-ci, le droit à des mesures de réadaptation est refusé sans qu’il soit nécessaire de procéder d’abord à une procédure de mise en demeure et de réflexion (SVR 2019 IV Nr. 3 S. 6, 8C_145/2018 consid. 7 et les références; arrêts 8C_285/2021 du 25 août 2021 consid. 5.4.1; 8C_233/2021 du 7 juin 2021 consid. 2.3 et les références).

Consid. 8.3
[…] La question de savoir si la limite d’âge de 55 ans ou la durée minimale de 15 ans de perception de la rente doit être fixée au moment de la suppression de la rente compte tenu de la présente violation de l’obligation d’annoncer (ceci à la différence de la constellation traitée dans l’arrêt 8C_104/2021 du 27 juin 2022 destiné à la publication) peut rester ouverte.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_501/2021 consultable ici

 

Proposition de citation : 8C_501/2021 (d) du 14.07.2022, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2023/01/8c_501-2021)