9C_138/2022 (f) du 03.08.2022 – Allocation pour impotent pour mineur – 9 LPGA – 42 LAI – 42bis LAI – 37 RAI / Aide indirecte et régulière

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_138/2022 (f) du 03.08.2022

 

Consultable ici

 

Allocation pour impotent pour mineur / 9 LPGA – 42 LAI – 42bis LAI – 37 RAI

Aide indirecte et régulière (injonctions et encouragements de la mère pour l’habillement [yc selon la météo], pour se laver les cheveux ou se coiffer)

Acte « manger » non reconnu, l’assurée pouvant utiliser un couteau pour pousser, déchirer et tartiner

 

Assurée, née en décembre 2009, présente un trouble du spectre autistique, un trouble du déficit de l’attention avec impulsivité sans hyperactivité, ainsi qu’une dyscalculie. Demande d’allocation pour impotent AI déposée le 07.02.2019. Après avoir notamment diligenté une enquête sur l’impotence effectuée en date du 29.05.2019, l’office AI a rejeté la demande d’allocation pour impotent le 14.08.2020. En bref, il a considéré que l’assurée présentait un besoin d’aide régulière et importante d’autrui pour un seul des six actes ordinaires de la vie (se déplacer).

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/74/2022 – consultable ici)

Par jugement du 20.01.2022, admission du recours par le tribunal cantonal, annulant la décision de l’office AI, reconnaissant le droit de l’assurée à une allocation pour impotence pour mineur de degré moyen à compter du 01.08.2019 et renvoyant la cause à l’office pour calcul des prestations dues.

 

TF

Consid. 3.3
L’interprétation et l’application correctes de la notion juridique de l’impotence, ainsi que les exigences relatives à la valeur probante de rapports d’enquête au domicile de l’assuré relèvent de questions de droit, que le Tribunal fédéral examine librement (art. 95 let. a LTF). Les constatations de la juridiction cantonale relatives aux limitations fonctionnelles de la personne assurée pour accomplir certains actes ordinaires de la vie, fondées sur le résultat d’examens médicaux et sur un rapport d’enquête à domicile ayant valeur probante, constituent en revanche des questions de fait, soumises au Tribunal fédéral sous un angle restreint (art. 105 al. 2 LTF; cf. ATF 132 V 393 consid. 3.2; arrêt 9C_283/2021 du 7 mars 2022 consid. 3.3 et les arrêts cités).

 

Consid. 4.1
[…] En vertu de l’art. 37 al. 4 RAI, l’impotence des mineurs doit être évaluée en prenant en considération uniquement le surcroît d’aide et de surveillance que l’assuré présentant un handicap nécessite par rapport à un mineur du même âge et en bonne santé. Afin de faciliter cette évaluation, des lignes directrices figurent dans l’annexe III de la Circulaire sur l’invalidité et l’impotence dans l’assurance-invalidité (CIIAI) établie par l’Office fédéral des assurances sociales (valable jusqu’au 31 décembre 2021).

La cour cantonale a correctement appliqué le droit fédéral en se référant en premier lieu à l’art. 37 al. 4 LAI et à la circulaire administrative correspondante. Il convient également de constater, à l’inverse de ce que l’office recourant prétend, que la juridiction cantonale a également apprécié dans le cas d’espèce si l’aide apportée pour les actes ordinaires de la vie litigieux revêtait une intensité suffisante et si elle était régulière au regard, en particulier, des constatations de l’enquêtrice. Partant, la voie suivie par les premiers juges échappe à toute critique.

 

Consid. 4.2.1
S’agissant d’abord de l’acte « se vêtir/se dévêtir », la Cour de justice a constaté, en se fondant sur le rapport d’enquête à domicile, ainsi que sur la description de l’aide directe et indirecte fournie à l’assurée par sa mère, que si l’assurée était capable de mettre et d’enlever les pièces de vêtement seule, elle nécessitait une aide régulière indirecte d’une intensité suffisante en début de journée pour l’obliger, au moyen d’injonctions, de mener la tâche à son terme dans des délais raisonnables, et ce quand bien même elle se débrouillait toute seule à l’extérieur lorsqu’elle était entourée de ses camarades qui lui montraient l’exemple. Alors qu’il ressortait de l’annexe III de la CIIAI qu’un enfant de 10 ans était apte à choisir ses habits en fonction de la météo, l’assurée devait cependant être encadrée dans le choix de ses vêtements en fonction du temps qu’il faisait. A cet égard, le fait que l’enquêtrice avait relevé que l’assurée avait des idées arrêtées sur ce qu’elle souhaitait porter ne signifiait pas pour autant que ses choix fussent adéquats.

A l’encontre de ce raisonnement, le recourant fait valoir que l’assurée peut se débrouiller seule lors de ses activités scolaires et sportives, de sorte que la cour cantonale a constaté les faits de manière inexacte en retenant que l’aide pour l’acte de se vêtir/se dévêtir est régulière et importante. Ce faisant, il ne démontre pas que et en quoi l’autorité cantonale de recours aurait établi les faits de manière arbitraire. Par ailleurs, contrairement à ce que fait valoir l’office AI, le fait que les camarades de l’assurée lui montrent l’exemple lors des activités sportives ou scolaires plaide plutôt en faveur d’une aide indirecte d’un tiers sans laquelle elle ne ferait l’acte qu’imparfaitement ou à contretemps (comp. arrêt 9C_664/2020 du 27 janvier 2021 consid. 4.2). Pour le surplus, la cour cantonale n’a pas violé le droit fédéral lorsqu’elle a considéré que l’aide apportée à l’assurée était régulière, dès lors qu’elle doit être cadrée quotidiennement dans le choix de ces vêtements en fonction du temps qu’il fait (cf., annexe III CIIAI, p. 213 et ch. 8014 CIIAI). Il n’y a dès lors pas lieu de s’écarter de sa constatation selon laquelle l’assurée a besoin d’aide pour se vêtir/se dévêtir ou pourrait en avoir besoin chaque jour (au sujet de la régularité de l’aide d’autrui, cf. arrêt 9C_562/2016 du 13 janvier 2017 consid. 5.3 et les références).

 

Consid. 4.2.2
En ce qui concerne ensuite l’acte ordinaire « faire sa toilette », les premiers juges ont retenu que selon l’enquête sur l’impotence, l’assurée pouvait se débrouiller seule, mais devait être rappelée à l’ordre pour se concentrer sur ce qu’elle faisait et pour ne pas être trop lente. Quant à ses parents, bien qu’ils aient reconnu que leur fille maîtrisait le côté technique de l’acte, ils ont indiqué qu’elle avait besoin d’être encadrée par un tiers qui devait se tenir à ses côtés pour la guider et l’encourager lorsqu’elle se lavait les cheveux ou se coiffait de même que pour vérifier le brossage des dents. Dès lors que se coiffer et se laver les cheveux font partie de l’acte quotidien « faire sa toilette » (ATF 147 V 35 consid. 9.2.3; ch. 8020 CIIAI) et qu’il ressort des constatations cantonales que l’assurée a besoin d’être « guidée » et « encouragée » pour ces actes, qui sont répétés quotidiennement, c’est à bon droit que la cour cantonale a retenu que l’aide indirecte est régulière et importante. On rappellera en effet à cet égard que l’annexe III de la CIIAI précise qu’un enfant ayant atteint l’âge de 10 ans n’a plus besoin de contrôle régulier pour se laver et se coiffer les cheveux, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

 

Consid. 4.2.3
S’agissant enfin de l’acte « manger », la juridiction cantonale a constaté que l’assurée maniait le couteau pour pousser, déchirer et tartiner, mais non pas pour couper (apprentissage en cours). Il en découlait que, puisqu’elle ne pouvait couper seule ses aliments, une aide régulière et importante était nécessaire. Pour l’office recourant, l’assurée est au contraire « majoritairement indépendante dans l’acte de manger », ce qui démontrerait que le besoin d’aide régulière et importante n’est pas avéré.

Le Tribunal fédéral a eu l’occasion de préciser qu’il n’y a pas d’impotence si l’assuré n’a besoin de l’aide directe d’autrui que pour couper des aliments durs, car de tels aliments ne sont pas consommés tous les jours et que l’intéressé n’a donc pas besoin de cette aide de façon régulière ni dans une mesure considérable (arrêt 8C_30/2010 du 8 avril 2010 consid. 6.2.). Il en va en revanche différemment lorsque l’assuré ne peut pas du tout se servir d’un couteau et se trouve dans l’impossibilité de se préparer une tartine ou de couper des aliments non durs (arrêt 9C_791/2016 du 22 juin 2017, consid. 4.3). Compte tenu de ces principes, la cour cantonale a violé le droit fédéral, en considérant, contrairement à la jurisprudence précitée, que l’aide apportée à l’assurée était nécessaire et régulière alors que celle-ci a besoin d’aide uniquement pour couper ses aliments, étant capable d’utiliser un couteau pour pousser, déchirer et tartiner.

 

Consid. 4.3
Compte tenu de ce qui précède, l’assurée, qui présente un besoin d’aide régulière et importante d’autrui pour seulement trois actes ordinaires de la vie, n’a pas droit à une allocation pour impotent pour mineur de degré moyen, mais de degré faible à compter du 1er août 2019 (art. 37 al. 3 let. a RAI). Le recours doit dès lors être partiellement admis et l’arrêt attaqué réformé en ce sens.

 

Le TF admet partiellement le recours de l’office AI.

 

Arrêt 9C_138/2022 consultable ici

 

Print Friendly, PDF & Email

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.