Archives de catégorie : Assurance-chômage LACI

8C_687/2022 (f) du 17.04.2023 – Suspension du droit à l’indemnité de chômage – Travail convenable – Calcul de la durée de déplacement – +/- 2h par trajet / 16 LACI

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_687/2022 (f) du 17.04.2023

 

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Suspension du droit à l’indemnité de chômage – Travail convenable – Calcul de la durée de déplacement – +/- 2h par trajet / 16 LACI

 

 

Assurée, née en 1966, divorcée et mère de deux filles nées en 2000 et 2003, licenciée en droit, a requis des indemnités journalières de l’assurance-chômage dès le 01.04.2021, en indiquant être disposée à travailler à un taux d’activité de 100%. En parallèle, depuis le 14.04.2021, elle occupait un poste de conseillère juridique à un taux d’activité de 60%.

Première suspension du droit à l’indemnité de chômage, durant 1 jour, en raison de recherches insuffisantes (décision du 10.05.2021, confirmée sur opposition le 02.09.2021).

Du 14.07.2021 au 14.09.2021, l’office des poursuites a saisi les indemnités de chômage de l’intéressée dépassant le minimum vital de celle-ci fixé à 4’206 francs.

Par assignation du 19.10.2021, l’ORP de l’Office du marché de travail a enjoint à l’assurée de déposer sa candidature jusqu’au 27.10.2021 pour un poste de juriste à 100% auprès de l’Office cantonal. Le 29.10.2021, le conseiller ORP de l’assurée a appris qu’elle avait déposé sa candidature le même jour, raison pour laquelle celle-ci n’avait pas pu être prise en compte pour le poste.

L’Office des relations et des conditions de travail (ci-après: l’ORCT) a donné à l’assurée l’occasion de se prononcer. Dans ses observations du 15.11.2021, celle-ci a indiqué qu’elle avait demandé à son conseiller ORP de lui laisser un délai jusqu’à fin octobre pour déposer sa candidature compte tenu de ses obligations professionnelles et familiales; par ailleurs, elle estimait qu’il s’agissait d’un travail non convenable, vu que le lieu de travail se trouvait à plus de deux heures de trajets en transports publics depuis son domicile.

Par décision, confirmée sur opposition, l’ORCT a retenu qu’il ne ressortait pas du dossier qu’un délai jusqu’à fin octobre aurait été accordé à l’assurée, que l’envoi du dossier de candidature le 29.10.2021 était dès lors tardif et que le travail était convenable. Il a en outre retenu que l’assurée avait adopté un comportement fautif, qu’elle devait être tenue pour responsable de l’échec de l’engagement et être suspendue durant 34 jours indemnisables, en précisant que la faute était grave et que le fait que son droit ait été suspendu une fois au cours des deux dernières années constituait une circonstance aggravante.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 19.10.2022, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3.1
Selon l’art. 17 al. 1, première phrase LACI, l’assuré qui fait valoir des prestations d’assurance doit, avec l’assistance de l’office du travail compétent, entreprendre tout ce qu’on peut raisonnablement exiger de lui pour éviter le chômage ou l’abréger.

Consid. 3.2
L’art. 16 al. 1 LACI dispose qu’en règle générale, l’assuré doit accepter immédiatement tout travail en vue de diminuer le dommage. L’alinéa 2 de cette disposition précise que n’est pas réputé convenable et, par conséquent, est exclu de l’obligation d’être accepté, tout travail qui, notamment, nécessite un déplacement de plus de deux heures pour l’aller et de plus de deux heures pour le retour et qui n’offre pas la possibilité de logement appropriés au lieu de travail, ou qui, si l’assuré bénéficie d’une telle possibilité, ne lui permet de remplir ses devoirs envers ses proches qu’avec de notables difficultés (let. f).

À cet égard, le Tribunal fédéral a admis que dans certaines circonstances, on peut exiger d’un assuré qu’il utilise sa voiture privée, pour autant que sa situation financière lui permette d’assumer les charges liées à son utilisation sans porter atteinte à son minimum vital, qui inclut son devoir d’entretien à l’égard des membres de sa famille (arrêt C 386/00 du TFA du 16 mai 2001 consid. 3a).

 

Consid. 4.3
En l’occurrence, ni la cour cantonale ni les parties remettent en cause le fait qu’en transports publics, le trajet depuis le domicile de l’assurée jusqu’au lieu de travail pour le poste assigné prend – en fonction des correspondances proposées sur le site internet des CFF – plus de deux heures, ce qui se situe à la limite de ce qui est exigible d’une personne assurée. Avec l’ORCT, les juges cantonaux ont toutefois retenu qu’on pouvait exiger de l’assurée qu’elle utilise son véhicule privé pour effectuer les trajets qui prendraient 1 heure et 23 minutes. Ils ont ainsi écarté les arguments avancés par l’assurée. Les juges cantonaux ont aussi écarté le grief invoqué par l’assurée concernant son devoir d’entretien à l’égard de sa fille et de sa mère: en effet, la première était majeure en octobre 2021; quant à la seconde, le fait que celle-ci doive subir une intervention chirurgicale en février 2021 et que l’État de Neuchâtel soutenait l’investissement des proches aidants ne prouvait pas que l’assurée assumait ce rôle et au demeurant ne constituait pas une circonstance permettant de qualifier l’emploi de non convenable, preuve en était d’ailleurs qu’elle avait postulé audit emploi.

 

Consid. 4.4
En l’état du dossier, on ne saurait confirmer le raisonnement de la cour cantonale.

On rappellera que le juge appelé à connaître de la légalité d’une décision rendue par les organes de l’assurance sociale doit apprécier l’état de fait déterminant existant au moment de la décision sur opposition, soit en l’occurrence les faits, tels qu’ils se présentait au 14.02.2022 (ATF 129 V 167 consid. 1; 121 V 366 consid. 1b). Devant la cour cantonale, l’assurée a produit une attestation du 26.11.2021 qui lui a été délivrée par le service cantonal des automobiles, confirmant que les plaques minéralogiques avaient été déposées le 16.07.2021 et que la situation était inchangée depuis. Elle a également produit une facture datée du 04.06.2021, établie en faveur du D.___ d’un montant de 338 fr. 85, qui était adressée aux « EMPLOYES MERCEDES ».

Avec les juges cantonaux, il sied de constater que l’assurée a prouvé, au degré requis de la vraisemblance prépondérante (ATF 129 V 177 consid. 3.1 et les arrêts cités), qu’au moment de son assignation, le 19.10.2021, elle ne disposait plus de son véhicule privé, qui lui aurait le cas échéant permis d’effectuer les trajets entre son domicile et son potentiel lieu de travail. Toutefois, en ce qui concerne les motifs qui l’ont conduite à déposer les plaques minéralogiques de son véhicule, les juges cantonaux ne pouvaient pas se limiter à constater qu’avec la facture du D.________ SA du 04.06.2021, l’assurée n’avait « nullement démontré que l’utilisation d’un véhicule privé porterait atteinte à son minimum vital ». En effet, celle-ci a régulièrement invoqué ses problèmes financiers devant son conseiller ORP, puis elle a dûment allégué devant la cour cantonale ne pas disposer de moyens financiers suffisants afin de faire expertiser le véhicule pour en trouver la panne. Cette allégation paraît pour le moins plausible, compte tenu des pièces versées au dossier de l’ORCT, dont il ressort notamment que l’indemnité de chômage versée à l’assurée a fait l’objet d’une saisie par l’office des poursuites entre le 14.07.2021 et le 14.09.2021.

Dans ces conditions, conformément à la maxime inquisitoire, il appartenait aux juges cantonaux d’établir avec la collaboration des parties les faits déterminants pour la solution du litige (art. 61 let. c LPGA), en particulier la capacité financière de l’assurée à récupérer l’usage de son véhicule et à en supporter les charges sans porter atteinte à son minimum vital, compte tenu de son devoir d’entretien à l’égard des membres de sa famille. Quant à ce dernier point, on relèvera par surabondance qu’on ne saurait uniquement se fonder sur l’âge de la fille de l’assurée, qui a atteint la majorité en octobre 2021, pour en conclure que sa mère est déliée de toute obligation d’entretien, en particulier si la fille n’a pas encore terminé sa formation (cf. art. 277 al. 2 CC), comme cela ressort de l’attestation du lycée pour l’année scolaire 2021/2022. Il conviendra également d’instruire les faits liés à un éventuel devoir d’assistance de l’assurée à l’égard de sa mère.

 

Le TF admet le recours de l’assurée.

 

Arrêt 8C_687/2022 consultable ici

 

8C_415/2022 (f) du 07.02.2023 – Indemnité en cas de RHT pour un cabinet dentaire – Retrait de l’autorisation de pratique du médecin-dentiste – 31 al. 1 LACI / Existence d’une perte de travail – 51 al. 1 OACI

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_415/2022 (f) du 07.02.2023

 

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Indemnité en cas de RHT pour un cabinet dentaire – Retrait de l’autorisation de pratique du médecin-dentiste / 31 al. 1 LACI

Existence d’une perte de travail / 51 al. 1 OACI

 

Le 12.04.2021, le cabinet dentaire A.__ Sàrl (ci-après également: le cabinet dentaire ou la société recourante) a déposé auprès du Service de l’emploi (ci-après: le SDE) une demande d’indemnités en cas de réduction de l’horaire de travail (RHT) à partir du 01.04.2021, pour quatre employées sur un effectif total de six personnes, en faisant valoir une perte de travail de 80%. Le cabinet dentaire a précisé qu’il ne s’agissait pas d’une perte de travail liée à la pandémie de Covid-19, mais d’une impossibilité momentanée pour le docteur B.__ – médecin-dentiste et orthodontiste et associé directeur du cabinet dentaire – de travailler, laquelle se répercutait sur ses employées, étant précisé que la recherche d’un dentiste remplaçant était en cours.

Le docteur B.__ avait été en arrêt de travail à 100% du 08.04.2021 au 17.05.2021. Le cabinet avait été fermé du 12.04.2021 au 16.04.2021, ainsi que les 22, 23, 29 et 30 avril, de même que les 6, 7, 13, 14, 20, 21, 26, 27 et 28 mai 2021.

Par décision du 01.07.2021, le SDE a rejeté la demande du 12.04.2021, au motif que la maladie d’un médecin exploitant un cabinet médical était un risque normal d’exploitation à la charge de l’entreprise et que la perte de travail en résultant n’était pas due à des facteurs économiques.

Par courriel du 30.07.2021, le cabinet dentaire a expliqué au SDE que le réel motif de demande de RHT était une décision de mesure provisoire du 09.02.2021, par laquelle la Cheffe du Département de la santé et de l’action sociale (ci-après: le DSAS) avait retiré l’autorisation de pratiquer du docteur B.__. Le cabinet dentaire a précisé que le recours formé devant la Cour de droit administratif et public (ci-après: la CDAP) contre la décision du 06.04.2021 refusant le réexamen de la décision du 09.02.2021 avait été partiellement admis par arrêt du 11.06.2021, en ce sens que la mesure de retrait provisoire de l’autorisation de pratiquer du docteur B.__ avait été annulée et que cette autorisation lui avait été restituée.

Par décision sur opposition du 14.10.2021, le SDE a rejeté l’opposition et a confirmé sa décision du 01.07.2021. Il a ajouté que le retrait de l’autorisation de pratiquer relevait de la responsabilité de l’employeur et ne remplissait pas les conditions d’une perte de travail à prendre en considération.

 

Procédure cantonale (arrêt ACH 283/21 – 87/2022 [non disponible sur le site de la Casso])

Dans son recours, le cabinet dentaire a fait valoir que le retrait de l’autorisation de pratiquer n’était pas une circonstance relevant de la responsabilité de l’employeur, dès lors que la CDAP avait annulé la décision de la cheffe du DSAS et avait dit que l’autorisation de pratiquer devait être restituée au docteur B.__. De plus, l’incapacité de travail présentée par le docteur B.__ pour la période du 08.04.2021 au 17.05.2021 était une conséquence directe de la mesure injustifiée de suspension de son autorisation de pratiquer qui l’avait plongé dans un état dépressif durant plusieurs semaines.

Le tribunal cantonal a constaté, d’une part, que le retrait provisoire de l’autorisation de pratiquer du docteur B.__ n’était pas dû à des circonstances imputables à l’employeur dès lors que cette mesure avait été annulée sur recours par la CDAP le 11.06.2021 et que, d’autre part, cette situation entraînait un risque de licenciement des assistantes travaillant pour le médecin-dentiste, faute de patientèle. Par conséquent, elle a admis l’existence d’une perte de travail au sens de l’art. 51 al. 1 OACI. La juridiction cantonale a cependant considéré que cette perte de travail n’était pas susceptible d’être indemnisée en l’occurrence, dès lors que la société recourante avait pu l’éviter par des mesures appropriées et économiquement supportables; en effet, il ressortait de l’arrêt de la CDAP du 11.06.2021 que le docteur B.__ avait indiqué, lors de son audition par une délégation du Conseil de santé le 15.03.2021, avoir engagé une pédodontiste et un orthodontiste pour le remplacer. La cour cantonale a au demeurant relevé qu’un éventuel dommage lié au retrait provisoire de l’autorisation de pratiquer était susceptible de faire l’objet d’une action en responsabilité fondée sur la loi cantonale vaudoise du 16 mai 1961 sur la responsabilité de l’Etat, des communes et de leur agents (LRECA; BLV 170.11).

Par jugement du 19.05.2022, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 2
Les travailleurs dont la durée normale du travail est réduite ou l’activité suspendue ont droit à l’indemnité en cas de RHT si, entre autres conditions, la perte de travail doit être prise en considération, si la réduction de l’horaire de travail est vraisemblablement temporaire et si l’on peut admettre qu’elle permettra de maintenir les emplois en question (art. 31 al. 1 let. b et d LACI).

La perte de travail n’est prise en considération que si elle est due à des facteurs d’ordre économique et qu’elle est inévitable (art. 32 al. 1 let. a LACI). Pour les cas de rigueur, le Conseil fédéral règle la prise en considération de pertes de travail consécutives à des mesures prises par les autorités, à des pertes de clientèle dues aux conditions météorologiques ou à d’autres circonstances non imputables à l’employeur (art. 32 al. 3, première phrase, LACI). Le Conseil fédéral a ainsi notamment prévu à l’art. 51 OACI que les pertes de travail consécutives à des mesures prises par les autorités, ou qui sont dues à d’autres motifs indépendants de la volonté de l’employeur, sont prises en considération lorsque l’employeur ne peut pas les éviter par des mesures appropriées et économiquement supportables ou faire répondre un tiers du dommage (al. 1).

Selon l’art. 33 al. 1 LACI, la perte de travail n’est pas prise en considération notamment lorsqu’elle est due à des circonstances inhérentes aux risques normaux d’exploitation que l’employeur doit assumer (let. a) ou lorsqu’elle est habituelle dans la branche, la profession ou l’entreprise (let. b). D’après la jurisprudence, les restrictions prévues à l’art. 33 al. 1 let. a et b LACI sont applicables par analogie lorsque la perte de travail est due à l’une des causes mentionnées aux art. 32 al. 3 LACI et 51 OACI (ATF 138 V 333 consid. 4.2.1; 128 V 305 consid. 4b; 121 V 374 consid. 2c).

 

Consid. 5.2
En l’espèce, on ne peut que donner raison à la juridiction cantonale lorsqu’elle constate, d’une part, que le retrait provisoire de l’autorisation de pratiquer du docteur B.__ n’était pas due à des circonstances imputables à l’employeur dès lors que cette mesure avait été annulée sur recours par la CDAP et que, d’autre part, cette situation entraînait un risque de licenciement des assistantes travaillant pour le médecin-dentiste, faute de patientèle. C’est donc à bon droit qu’elle a admis l’existence d’une perte de travail au sens de l’art. 51 al. 1 OACI. La cour des assurances sociales a cependant nié que ces pertes de travail puissent être prises en considération, en se contentant d’affirmer qu’elles étaient évitables au vu des engagements pris par le cabinet dentaire, à savoir l’engagement d’une pédodontiste et d’un orthodontiste.

Ce faisant, la juridiction cantonale n’a pas suffisamment instruit la cause quant aux effets des engagements pris par la recourante sur les pertes de travail litigieuses. Elle n’a en particulier pas examiné à partir de quelle date le cabinet dentaire avait engagé une pédodontiste et un orthodontiste, partant du principe que cette mesure couvrait toute la période durant laquelle la mesure de retrait provisoire de l’autorisation de pratiquer était en vigueur, soit du 06.04.2021 au 11.06.2021. Or il ressort de l’arrêt de la CDAP du 11.06.2021 que la cheffe du DSAS avait retiré l’autorisation de pratiquer du docteur B.__ le 09.02.2021, retirant également l’effet suspensif à un éventuel recours, de sorte que dans les faits, le docteur B.__ a été privé de l’autorisation de pratiquer comme dentiste du 09.02.2021 au 11.06.2021. Il ressort par ailleurs des constatations de fait de l’arrêt entrepris que le cabinet dentaire a été fermé du 12.04.2021 au 16.04.2021 ainsi que les 22, 23, 29 et 30 avril, de même que les 6, 7, 13, 14, 20, 21, 26, 27 et 28 mai 2021, de sorte qu’il y avait lieu de se demander si les remplaçants du docteur B.__ avaient réellement travaillé dans le cabinet dentaire et, si tel avait été le cas, au cours de quelle période. La cour cantonale ne s’est pas non plus enquise des effets de ces engagements sur la perte de travail des assistantes du docteur B.__. Au besoin, elle aurait pu demander à la recourante de lui fournir des preuves sur l’engagement des remplaçants du docteur B.__ et les modalités de travail de ces derniers, ce qu’elle n’a pas fait. Pour le cas où elle serait arrivée à la constatation que la pédodontiste et l’orthodontiste n’avaient pas travaillé ou pas suffisamment pour éviter des pertes de travail chez les assistantes du docteur B.__, la juridiction cantonale aurait dû examiner si l’on pouvait exiger en l’occurrence du cabinet dentaire qu’il prenne d’autres mesures appropriées et économiquement supportables pour éviter les pertes de travail en cause.

 

Le TF admet le recours de A.__ Sàrl, annulant le jugement cantonal et la décision litigieuse, renvoyant la cause à la caisse cantonale de chômage pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

 

Arrêt 8C_415/2022 consultable ici

 

8C_310/2022 (f) du 02.11.2022 – Droit à l’indemnité chômage – Gain intermédiaire – Indemnité pour jours fériés – 24 LACI / Restitution des prestations indûment perçues – 25 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_310/2022 (f) du 02.11.2022

 

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Droit à l’indemnité chômage – Gain intermédiaire – Indemnité pour jours fériés / 24 LACI

Restitution des prestations indûment perçues / 25 LPGA

 

Assuré, né en 1969, a perçu des indemnités de chômage à compter du 01.04.2018. Durant le délai-cadre d’indemnisation, il a réalisé des gains intermédiaires en travaillant comme chargé de cours durant les mois d’avril 2018 et de mars et avril 2020.

Par décision du 23.08. 2021, confirmée sur opposition le 16.12.2021, la caisse de chômage a demandé à l’assuré la restitution de la somme de CHF 671.80. Elle considérait que celui-ci avait déclaré des gains intermédiaires trop faibles pour les mois de mars et avril 2020; en effet, les gains en cause devaient être considérés comme provenant d’une activité salariée et non indépendante, de sorte que certaines déductions opérées par l’assuré n’avaient pas lieu d’être. Les gains intermédiaires à prendre en considération s’élevaient ainsi à CHF 1’473.70 pour chacun des deux mois en question. Après rectification des indemnités compensatoires, il en résultait que l’assuré avait reçu CHF 671.80 de trop.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/333/2022 – consultable ici)

Par jugement du 11.04.2022, admission partielle du recours par le tribunal cantonal, annulant la décision sur opposition et renvoyant la cause à la caisse de chômage pour nouveau calcul du montant à restituer.

 

TF

Consid. 2.1
Selon l’art. 25 al. 1, première phrase, LPGA, auquel renvoie l’art. 95 al. 1 LACI, les prestations indûment touchées doivent être restituées. L’obligation de restituer suppose que soient réunies les conditions d’une révision procédurale (art. 53 al. 1 LPGA) ou d’une reconsidération (art. 53 al. 2 LPGA) de la décision par laquelle les prestations en cause ont été allouées (ATF 142 V 259 consid. 3.2; 138 V 426 consid. 5.2.1; 130 V 318 consid. 5.2 et les références citées).

Consid. 3.1
Aux termes de l’art. 24 LACI, est réputé intermédiaire tout gain que le chômeur retire d’une activité salariée ou indépendante durant une période de contrôle; l’assuré qui perçoit un gain intermédiaire a droit à la compensation de la perte de gain (al. 1, première et deuxième phrases).

Selon le ch. C125 du Bulletin LACI IC, publié par le SECO – dont les directives ne lient toutefois pas le juge (cf. ATF 145 V 84 consid. 6.1.1; 142 V 442 consid. 5.2) -, le gain intermédiaire est calculé normalement sur le total du revenu réalisé pendant la période de contrôle; y entrent le salaire de base, les indemnités pour jours fériés et autres éléments constitutifs du salaire auxquels l’assuré a droit, tels que 13e salaire, gratifications, commissions, allocations de résidence, allocation de renchérissement, supplément pour travail de nuit, travail du dimanche, travail en équipes, service de piquet, si l’assuré touche normalement ces suppléments en raison de la nature de ses activités ou de son horaire de travail. L’indemnité de vacances versée en plus du salaire de base n’est prise en compte comme gain intermédiaire qu’au moment où l’assuré prend effectivement ses vacances (C149 ss).

Consid. 3.2
Selon la jurisprudence, l’indemnité pour jours fériés versée en plus du salaire de base doit – comme pour la détermination du gain assuré (cf. à ce sujet ATF 125 V 50 consid. 8) – être prise en compte dans le calcul du gain intermédiaire; la prise en compte doit avoir lieu le mois au cours duquel elle est versée (arrêt C 41/99 du 24 décembre 1999 consid. 3b, in SVR 2000 ALV n° 22 p. 63).

Les juges cantonaux ont donc violé le droit en déduisant du salaire perçu par l’assuré l’indemnité pour jours fériés, puisque celle-ci fait partie du revenu à prendre en considération au titre de gain intermédiaire. La référence doctrinale sur laquelle ils se sont fondés pour justifier leur raisonnement (BORIS RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, n° 11 ad art. 23 LACI relatif au gain assuré) est d’ailleurs erronée. Dans son commentaire de l’art. 24 LACI relatif à la question ici topique de la prise en considération du gain intermédiaire, l’auteur mentionne bel et bien que le gain intermédiaire est composé, entre autres éléments, des indemnités pour jours fériés (RUBIN, op. cit., n° 27 ad art. 24 LACI).

Consid. 3.3
Il y a donc lieu de s’en tenir au gain intermédiaire retenu par la caisse de chômage dans sa décision sur opposition. Quant aux autres conditions de la restitution, elles ne sont pas contestées. Il s’ensuit que le recours doit être admis, l’arrêt attaqué annulé et la décision sur opposition confirmée.

 

Le TF admet le recours de la caisse de chômage.

 

Arrêt 8C_310/2022 consultable ici

 

8C_271/2022 (f) du 11.11.2022 – Droit à l’indemnité chômage – 8 LACI / Assuré expatrié – Retour en Suisse retardé par Covid-19 / Devoir de conseils de l’assureur social – Protection de la bonne foi niée

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_271/2022 (f) du 11.11.2022

 

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Droit à l’indemnité chômage – Assuré expatrié – Retour en Suisse retardé par Covid-19/ 8 LACI

Devoir de conseils de l’assureur social – Protection de la bonne foi niée / 27 LPGA – 19a al. 1 aOACI – 22 al. 1 OACI

 

Assuré, né en 1962, de nationalité suisse, a conclu plusieurs contrats de travail avec l’Association B.__ et a travaillé à l’étranger en tant qu’expatrié depuis 2016. Le 10.04.2019, il a conclu avec l’Association B.__ un contrat de travail qui prévoyait une mission en Jordanie allant du 06.04.2019 au 05.04.2020. Par courriel du 02.04.2020, alors qu’il se trouvait toujours en poste en Jordanie, il a fait parvenir à l’ORP du canton de Genève une demande d’inscription à l’assurance-chômage. Le 03.04.2020, ensuite d’une conversation téléphonique, un collaborateur de l’ORP a adressé à l’assuré un courriel dans lequel il lui demandait d’envoyer sa demande d’inscription aux autorités vaudoises, dès lors que son dernier domicile en Suisse se trouvait à U.__.

Par courriel du 05.04.2020, l’assuré a répondu qu’en raison de la situation exceptionnelle due à la pandémie de Covid-19, il était bloqué en Jordanie ensuite de la fermeture de l’aéroport d’Amman; il avait envoyé son formulaire d’inscription à l’ORP de Genève car il comptait quitter la Jordanie dès que possible en vue de s’installer et d’élire domicile dans le canton de Genève; il demandait en outre un traitement particulier compte tenu de la situation sanitaire.

Par courriel du 06.04.2020, l’ORP de Genève a informé l’assuré qu’au vu de la situation exceptionnelle, il allait procéder à son inscription; l’attention de l’assuré était attirée sur l’importance qu’il établisse officiellement son domicile dans le canton dès son arrivée en Suisse. Un délai-cadre d’indemnisation lui a été ouvert à compter du 06.04.2020 et l’indemnité de chômage lui a été versée jusqu’en septembre 2020.

Par vol du 24.09.2020 en provenance d’Amman, l’assuré est rentré en Suisse, ensuite de quoi il a effectué un voyage de prospection en France. Il est revenu en Suisse le 17.10.2020 puis a observé une quarantaine d’une durée de dix jours. Son certificat de domicile pour confédérés, établi le 12.11.2020, indique le 09.11.2020 comme date de son arrivée dans le canton de Genève.

Par décision du 21.01.2021, confirmée sur opposition, l’Office cantonal de l’emploi (OCE) a déclaré l’assuré inapte au placement pour la période allant du 06.04.2020 au 25.10.2020, au motif que durant son séjour à l’étranger, tant en Jordanie qu’en France, ainsi que pendant sa quarantaine de dix jours, il n’avait pas pu suivre une mesure de marché du travail en présentiel, se rendre à un entretien d’embauche, effectuer un essai chez un employeur ou prendre un emploi.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/266/2022 – consultable ici)

Par jugement du 24.03.2022, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3.1
L’art. 8 al. 1 LACI énumère aux lettres a à g sept conditions du droit à l’indemnité de chômage. Ces conditions sont cumulatives (ATF 124 V 218 consid. 2). Le droit à l’indemnité de chômage suppose en particulier que l’assuré soit domicilié en Suisse (let. c) et qu’il soit apte au placement (let. f).

Consid. 3.2.1
L’art. 27 LPGA prévoit que dans les limites de leur domaine de compétence, les assureurs et les organes d’exécution des diverses assurances sociales sont tenus de renseigner les personnes intéressées sur leurs droits et obligations (al. 1) et que chacun a le droit d’être conseillé, en principe gratuitement, sur ses droits et obligations (al. 2, première phrase). Selon l’ancien art. 19a al. 1 OACI, abrogé avec effet au 01.07.2021 et remplacé dès cette date par l’art. 22 al. 1 OACI de même teneur, les organes d’exécution mentionnés à l’art. 76 al. 1 let. a à d LACI – parmi lesquels les ORP – renseignent les assurés sur leurs droits et obligations, notamment sur la procédure d’inscription et leur obligation de prévenir et d’abréger le chômage.

Consid. 3.2.2
Le devoir de conseils de l’assureur social au sens de l’art. 27 al. 2 LPGA comprend l’obligation d’attirer l’attention de la personne intéressée sur le fait que son comportement pourrait mettre en péril la réalisation de l’une des conditions du droit aux prestations (ATF 139 V 524 consid. 2.2; 131 V 472 consid. 4.3). Les conseils ou renseignements portent sur les faits que la personne qui a besoin de conseils doit connaître pour pouvoir correctement user de ses droits et obligations dans une situation concrète face à l’assureur. Le devoir de conseils s’étend non seulement aux circonstances de fait déterminantes, mais également aux circonstances de nature juridique. Son contenu dépend entièrement de la situation concrète dans laquelle se trouve l’assuré, telle qu’elle est reconnaissable pour l’administration (arrêt 9C_145/2019 du 29 mai 2019 consid. 4.3.1 et les références).

Consid. 3.2.3
Selon la jurisprudence, le défaut de renseignement dans une situation où une obligation de renseigner est prévue par la loi, ou lorsque les circonstances concrètes du cas particulier auraient commandé une information de l’assureur, est assimilé à une déclaration erronée de sa part qui peut, à certaines conditions, obliger l’autorité à consentir à un administré un avantage auquel il n’aurait pas pu prétendre, en vertu du principe de la protection de la bonne foi découlant de l’art. 9 Cst. Un renseignement ou une décision erronés de l’administration peuvent obliger celle-ci à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur, à condition que (a) l’autorité soit intervenue dans une situation concrète à l’égard de personnes déterminées, (b) qu’elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de ses compétences et (c) que l’administré n’ait pas pu se rendre compte immédiatement (« ohne weiteres ») de l’inexactitude du renseignement obtenu. Il faut encore qu’il se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour (d) prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice et (e) que la réglementation n’ait pas changé depuis le moment où l’assurance a été donnée. Ces principes s’appliquent par analogie au défaut de renseignement, la condition (c) devant toutefois être formulée de la façon suivante: que l’administré n’ait pas eu connaissance du contenu du renseignement omis ou que ce contenu était tellement évident qu’il n’avait pas à s’attendre à une autre information (ATF 143 V 341 consid. 5.2.1; 131 V 472 consid. 5).

Consid. 6.1
L’assuré, se plaignant d’une violation de l’art. 27 LPGA, soutient que toutes les conditions définies par la jurisprudence pour être mis au bénéfice du principe de la protection de la bonne foi seraient satisfaites. Il explique que l’ORP ne lui aurait jamais fait savoir que l’absence d’un domicile en Suisse l’empêcherait de toucher l’indemnité de chômage. Bien qu’il ait été conscient de l’importance de revenir en Suisse au plus vite, il n’aurait pas été au fait qu’un domicile dans ce pays était une condition impérative pour pouvoir percevoir ladite indemnité. L’ORP aurait omis de le renseigner à ce sujet. Par ailleurs, on lui aurait versé l’indemnité de chômage pendant six mois, alors même que son absence de domicile en Suisse était connue des autorités compétentes. […]

Consid. 6.2
Alors qu’il avait initialement redirigé l’assuré vers les autorités vaudoises, l’ORP de Genève a, dans son courriel du 06.04.2020, accepté de tenir compte de la situation exceptionnelle de l’intéressé et de procéder à son inscription à l’assurance-chômage dans le canton de Genève. Ce faisant, il a attiré l’attention de l’assuré – dont la dernière adresse connue en Suisse se trouvait dans le canton de Vaud – sur la nécessité d’élire officiellement domicile dans le canton de Genève dès son retour en Suisse. Dès lors que l’ORP n’a toutefois jamais indiqué ni même laissé entendre à l’assuré que celui-ci ne pouvait prétendre à l’allocation de l’indemnité de chômage qu’à la condition d’être domicilié en Suisse, il est douteux qu’il se soit conformé à son devoir de conseils. Il a, en sus, exposé tenir compte de la situation exceptionnelle de l’assuré, liée à la pandémie de Covid-19, et a procédé à son inscription, ce qui a entraîné le versement de l’indemnité de chômage jusqu’en septembre 2020, sans que l’absence de domicile en Suisse – pourtant connue des autorités genevoises – n’y ait fait obstacle. Ce n’est qu’en avril 2021, au stade de la décision sur opposition de l’intimé, que le défaut de domicile de l’assuré en Suisse lui a été opposé. Ainsi, quand bien même l’assuré a, dans son courriel du 05.04.2020, assuré avoir l’intention de quitter la Jordanie pour gagner la Suisse dès que possible, il n’est pas improbable qu’il ait cru être éligible à l’indemnité de chômage dès son inscription en avril 2020, même s’il était contraint de différer son retour en Suisse en raison de la situation sanitaire extraordinaire. Il n’est du reste pas contesté qu’il a parfaitement respecté ses obligations d’assuré malgré son éloignement géographique et les difficultés liées à la pandémie, effectuant notamment de nombreuses recherches d’emploi dès février 2020 ainsi que des entretiens d’embauche en juin et août 2020, ce qui suggère qu’il ignorait ne pas remplir l’une des conditions du droit à l’indemnité de chômage. Cela étant, le point de savoir si la condition (c) est satisfaite peut rester indécis au vu de ce qui suit.

Consid. 6.3
S’agissant de la condition (d), l’assuré n’expose pas – et on ne voit pas – à quelle autre source potentielle de revenu il aurait renoncé ensuite du versement de l’indemnité de chômage dès avril 2020. Indépendamment de la perception de cette indemnité, il était en outre de toute manière censé tout mettre en œuvre pour trouver au plus vite un nouvel emploi, conformément à ses obligations d’assuré. Le seul fait qu’il ait dépensé l’indemnité perçue entre avril et septembre 2020 ne saurait conduire à admettre qu’il a pris des dispositions auxquelles il ne peut pas renoncer sans subir de préjudice. Quant à l’argument tiré des « mesures plus radicales » qu’il aurait pu entreprendre – à défaut de versement de l’indemnité de chômage – pour revenir en Suisse plus tôt, il se heurte à ses propres déclarations selon lesquelles il aurait tout fait pour rejoindre la Suisse le plus tôt possible. La condition (d) n’est donc pas remplie.

Consid. 6.4
Il s’ensuit que la cour cantonale a considéré à bon droit que l’assuré ne pouvait pas être mis au bénéfice de la protection de sa bonne foi s’agissant de la condition du domicile en Suisse de l’art. 8 al. 1 let. c LACI.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 8C_271/2022 consultable ici

 

8C_322/2022 (f) du 30.01.2023 – Réduction de l’horaire de travail (RHT) – Mesures de lutte contre le coronavirus / 31 LACI – 32 LACI / Droit à l’indemnité de RHT – Entreprise privée vs Entreprise du service public

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_322/2022 (f) du 30.01.2023

 

Consultable ici

 

Réduction de l’horaire de travail (RHT) – Mesures de lutte contre le coronavirus / 31 LACI – 32 LACI

Droit à l’indemnité de RHT – Entreprise privée vs Entreprise du service public

Entreprise de transport public de personnes

 

La société A.__ SA (ci-après: la société) est une société anonyme de droit privé active essentiellement dans le domaine du transport public de personnes, dont les actions sont détenues par la B.__ SA.

Le 31.03.2020, la société a transmis au Service de l’emploi du canton de Vaud (ci-après: le SDE) un préavis de réduction de l’horaire de travail (RHT) en raison des mesures officielles prises dans le cadre de la pandémie de coronavirus. Elle demandait l’octroi de l’indemnité en cas de RHT pour 78 employés dès le 01.04.2020, en évaluant à 50% la perte de travail due à la réduction de l’offre de transport entraînée par la généralisation de l’horaire du samedi à tous les jours de la semaine, sauf le dimanche où l’horaire était maintenu.

Après avoir soumis des questionnaires à la société, le SDE a rendu, le 11.06.2020, une décision par laquelle il a rejeté la demande tendant au versement de l’indemnité en cas de RHT. La société s’est opposée à cette décision en produisant divers documents, notamment les conventions collectives de travail, conventions de subventionnement et contrat d’exploitation qui la liaient. Par décision du 05.02.2021, le SDE a rejeté l’opposition et a confirmé sa décision du 11.06.2020.

 

Procédure cantonale (arrêt ACH 55/21 – 55/2022 – consultable ici)

Par jugement du 05.04.2022, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 4.1
Selon l’art. 31 al. 1 LACI, les travailleurs dont la durée normale du travail est réduite ou l’activité suspendue ont droit à l’indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail lorsque: ils sont tenus de cotiser à l’assurance ou qu’ils n’ont pas encore atteint l’âge minimum de l’assujettissement aux cotisations AVS (let. a); la perte de travail doit être prise en considération (art. 32 LACI; let. b); le congé n’a pas été donné (let. c); la réduction de l’horaire de travail est vraisemblablement temporaire, et si l’on peut admettre qu’elle permettra de maintenir les emplois en question (let. d).

L’art. 32 let. a et b LACI précise que la perte de travail est prise en considération lorsqu’elle est due à des facteurs d’ordre économique et est inévitable et qu’elle est d’au moins 10% de l’ensemble des heures normalement effectuées par les travailleurs de l’entreprise. Pour les cas de rigueur, le Conseil fédéral règle la prise en considération de pertes de travail consécutives à des mesures prises par les autorités, à des pertes de clientèle dues aux conditions météorologiques ou à d’autres circonstances non imputables à l’employeur (art. 32 al. 3, première phrase, LACI). Le Conseil fédéral a ainsi notamment prévu à l’art. 51 al. 1 OACI que les pertes de travail consécutives à des mesures prises par les autorités, ou qui sont dues à d’autres motifs indépendants de la volonté de l’employeur, sont prises en considération lorsque l’employeur ne peut les éviter par des mesures appropriées et économiquement supportables ou faire répondre un tiers du dommage.

Consid. 4.2.1
Selon la jurisprudence, l‘indemnité en cas de RHT est une mesure préventive au sens large: l’allocation de cette indemnité a pour but d’éviter le chômage complet des travailleurs – soit leurs congés ou leurs licenciements – d’une part et, d’autre part, de maintenir simultanément les emplois dans l’intérêt des employeurs aussi bien que des travailleurs. Or en règle générale, les conditions précitées du droit à l’indemnité en cas de RHT ne sauraient être remplies si l’employeur est une entreprise de droit public, faute pour celle-ci d’assumer un risque propre d’exploitation. Au contraire, les tâches qui lui incombent de par la loi doivent être exécutées indépendamment de la situation économique, et les impasses financières, les excédents de dépenses ou les déficits peuvent être couverts au moyen des deniers publics (recettes des impôts). Bien plus, il n’existe en général aucune menace de perdre son emploi là où les travailleurs ont la possibilité d’être déplacés dans d’autres secteurs, ainsi que cela est le cas dans les communautés ou établissements publics d’une certaine importance. En revanche, compte tenu des formes multiples de l’action étatique, on ne saurait de prime abord exclure que, dans un cas concret, le personnel des services publics remplisse les conditions du droit à l’indemnité en cas de RHT. Ce qui est déterminant en fin de compte, conformément à la finalité du régime de la prestation, c’est de savoir si, par l’allocation de l’indemnité en cas de RHT, un licenciement peut être évité (ATF 121 V 362 consid. 3a et les références).

Consid. 4.2.2
C’est à brève échéance que le versement de l’indemnité en cas de RHT doit pouvoir éviter un licenciement. En effet, ces indemnités ont un caractère préventif. Il s’agit de mesures temporaires. Le statut du personnel touché par la réduction de l’horaire de travail est dès lors décisif pour l’allocation de l’indemnité. Ainsi, là où ce personnel est au bénéfice d’un statut de fonctionnaire ou d’un statut analogue limitant les possibilités de licenciement que connaît le contrat de travail, ce statut fait échec à court terme – éventuellement à moyen terme – à la suppression d’emploi. Dans ce cas, les conditions du droit à l’indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail ne sont pas remplies. L’exigence d’un risque économique à court ou moyen terme concerne aussi l’entreprise. Cela ressort notamment de l’art. 32 al. 1 let. a LACI, selon lequel la perte de travail n’est prise en considération que si elle est due à des facteurs d’ordre économique et qu’elle est inévitable. A l’évidence, cette condition ne saurait être remplie si l’entreprise ne court aucun risque propre d’exploitation, à savoir un risque économique où l’existence même de l’entreprise est en jeu, par exemple le risque de faillite ou le risque de fermeture de l’exploitation. Or si l’entreprise privée risque l’exécution forcée, il n’en va pas de même du service public, dont l’existence n’est pas menacée par un exercice déficitaire (ATF 121 V 362 précité consid. 3b et les références).

Consid. 4.3.1
Dans le cadre des mesures prises par le Conseil fédéral dans le domaine de l’assurance-chômage en lien avec la pandémie de coronavirus (Covid-19), le SECO a rédigé des directives destinées à préciser les conditions d’octroi des prestations de l’assurance-chômage dans ce contexte.

Bien que les directives administratives ne lient en principe pas le juge, celui-ci est néanmoins tenu de les considérer dans son jugement, pour autant qu’elles permettent une interprétation des normes juridiques qui soit adaptée au cas d’espèce et équitable. Ainsi, si les directives administratives constituent une concrétisation convaincante des dispositions légales, le tribunal ne s’en départit pas sans motif pertinent. Dans cette mesure, il tient compte du but de l’administration tendant à garantir une application égale du droit (ATF 148 V 102 consid. 4.2; 146 V 224 consid. 4.4. et l’arrêt cité). En principe, il convient de tenir compte de la version qui était à la disposition de l’autorité de décision au moment de la décision (et qui a déployé un effet contraignant à son égard); des compléments ultérieurs peuvent éventuellement être pris en compte, notamment s’ils permettent de tirer des conclusions sur une pratique administrative déjà appliquée auparavant (cf. ATF 147 V 278 consid. 2.2 et les références).

Consid. 4.3.2
Sous l’intitulé « Préavis des fournisseurs de prestations publiques (employeurs publics, administrations, etc.) », la directive du SECO 2020/8 du 1er juin 2022 (tout comme les directives suivantes) prévoit ce qui suit: « Le but de l’indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail est de préserver les emplois. L’objectif est d’éviter des licenciements à court terme, consécutifs à un recul temporaire de la demande de biens et de services, et la perte de travail qui en résulte (cf. également ATF 121 V 362 c. 3a). De manière générale, ce risque (immédiat) de disparition d’emplois concerne uniquement les entreprises qui financent la fourniture de prestations exclusivement avec les revenus ainsi perçus ou avec des fonds privés. Contrairement aux entreprises privées, les fournisseurs de prestations publiques ne supportent pas de risque entrepreneurial ou de risque de faillite parce qu’ils doivent mener à bien les tâches qui leur ont été confiées par la loi indépendamment de la situation économique. Les éventuels problèmes de liquidités, les dépenses supplémentaires ou même les pertes résultant de l’activité de l’entreprise sont couverts par des moyens publics, qu’il s’agisse de subventions ou d’autres moyens financiers. Il n’existe pas dans ces cas de risque de disparition d’emplois. En vertu du mandat des fournisseurs de prestations publiques, considérant l’objectif visé par l’indemnité en cas de RHT, les prestataires n’ont globalement aucun droit à la RHT pour leurs travailleurs. Le versement de la RHT en cas de suspension temporaire de cette fourniture de prestations revient à répercuter les coûts du salaire sur le fonds de l’AC sans que le risque de licenciements à court terme pour ces entreprises publiques-privées, contre lequel se bat le législateur, ne soit avéré.

Ces réflexions s’appliquent aussi bien aux employeurs de droit public-privé eux-mêmes (en ce qui concerne les employés de la Confédération, des cantons et des communes) qu’aux secteurs privatisés qui fournissent des prestations sur mandat d’une institution publique sur la base d’un accord. La RHT ne peut être accordée aux travailleurs employés par des fournisseurs de prestations publiques que si les travailleurs concernés sont exposés à un risque concret et immédiat de licenciement. Cela peut également concerner un secteur d’un prestataire seulement. Par exemple, une entreprise de transports peut comprendre à la fois un secteur d’exploitation pour lequel elle a droit à la RHT en cas de chute du chiffre d’affaires (p. ex. bus touristiques), et un secteur d’exploitation pour lequel aucun droit à la RHT n’existe (exploitation subventionnée d’un bus local).

On considère qu’un risque immédiat et concret de disparition d’emplois est présent si, en cas de recul de la demande ou de réduction ordonnée de l’offre chez le mandataire, il n’existe pas de garantie que les coûts d’exploitation seront entièrement couverts, et si les entreprises concernées ont la possibilité de procéder à des licenciements immédiats dans l’objectif de faire baisser les coûts d’exploitation. Ces deux conditions doivent être cumulées.

L’ACt [l’autorité cantonale compétente] est tenue de vérifier uniquement si un risque immédiat et concret de disparition d’emplois existe et si l’employeur est en mesure de justifier ce risque en présentant des documents appropriés. Il incombe donc aux entreprises qui fournissent des prestations publiques (Service Public) de justifier de manière plausible à l’ACt qu’en cas de perte de travail, un risque immédiat et concret de licenciements existe, à l’aide de documents adaptés (règlements du personnel, contrats de travail, mandats de prestations, concessions, CCT, etc.). Il n’est pas nécessaire de procéder à d’autres examens. L’introduction de la réduction de l’horaire de travail doit être refusée uniquement si les documents remis par l’employeur ne justifient pas un risque de disparition d’emplois à satisfaction de droit.

Dans le cas d’une décision sur opposition, la réalisation des deux conditions du droit à l’indemnité susmentionnées (risque de disparition d’emplois concret et aucune couverture complète des coûts d’exploitation) doit être mentionnée clairement et explicitement sur le document justificatif comme motif. »

 

Consid. 7.1
Sur le fond, la société A.__ SA soutient qu’elle aurait droit à l’indemnité en cas de RHT. Elle invoque, d’une part, l’absence de garantie de déficit par les pouvoirs publics et, d’autre part, l’existence d’un risque concret pour les emplois.

Répondant à la question laissée indécise par les juges cantonaux, la société A.__ SA soutient que, tant pour le trafic régional de voyageurs que pour le trafic urbain, le déficit effectif causé par la pandémie de coronavirus ne sera pas pris en charge par une quelconque subvention. Contrairement aux causes à l’origine des arrêts 8C_558/2021 et 8C_559/2021 du 20 janvier 2022, ni la loi ni le texte des conventions de subventionnement applicables en l’espèce n’imposeraient une garantie de déficit, les subventions n’étant pas liées au coût effectif d’exploitation.

Ensuite, la société A.__ SA critique le raisonnement des juges cantonaux, en tant que ceux-ci ont retenu qu’elle n’aurait pas rendu vraisemblable l’exposition, à court terme, à des pertes de revenus suffisamment importantes pour mettre en cause les emplois, alors qu’ils ont admis que la réduction de l’offre avait entraîné des pertes de recettes qui n’avaient plus permis aux entreprises de transports publics de couvrir les coûts fixes en matière d’infrastructure et de personnel. En outre, la juridiction cantonale considérerait à tort qu’il serait objectivement impossible de ne pas respecter un mandat de prestation publique, contrairement à un autre mandat de droit privé. Ce point de vue serait manifestement inexact sous l’angle de la clausula rebus sic stantibus. La société A.__ SA conteste qu’en raison de leur mandat de droit public, les entreprises de transports publics n’auraient pas la possibilité de réduire leur masse salariale. Selon elle, l’existence de subventions et d’un mandat de service public ne constituerait pas en soi un obstacle dirimant à l’obtention de l’indemnité en cas de RHT.

 

Consid. 7.2
Comme on l’a vu (cf. consid. 4 supra), les entreprises qui fournissent des prestations publiques ne sont pas en tant que telles exclues du cercle des potentiels bénéficiaires du droit à l’indemnité en cas de RHT. Pour ces entreprises, on reconnaît un risque de disparition d’emplois si, en cas de recul de la demande ou de réduction de l’offre chez le mandataire, il n’existe pas de garantie que les coûts d’exploitation seront entièrement couverts, et si les entreprises concernées ont la possibilité de procéder à des licenciements à brève échéance dans l’objectif de faire baisser les coûts d’exploitation. En l’espèce, si la réduction du temps de travail du personnel roulant et technique touche des secteurs de la société A.__ SA dans lesquels il n’y a pas de garantie d’une couverture complète des coûts d’exploitation, celle-ci supporterait, comme toute entreprise privée, un risque d’exploitation ou de faillite correspondant, auquel une telle entreprise ferait face par des licenciements (cf. arrêt 8C_769/2021 du 3 mai 2022 consid. 6, qui concerne également une entreprise de transport public). Or, dans l’arrêt entrepris, la cour cantonale n’a pas clairement tranché la question de la couverture des coûts d’exploitation, en tout cas s’agissant du trafic régional. Elle a en effet retenu à cet égard qu’il appartenait à la société A.__ SA de couvrir le déficit provoqué par la chute des recettes, tout en évoquant la possibilité d’une garantie de déficit plus étendue. En outre, le fait de percevoir des subventions ne signifie pas encore que les coûts d’exploitation sont entièrement couverts par les pouvoirs publics (cf. arrêt 8C_157/2022 du 8 septembre 2022 consid. 3.4.1). Enfin, la possibilité de procéder à des licenciements à brève échéance s’examine non pas au regard de la main d’œuvre nécessaire pour fournir les prestations publiques selon l’offre soumise aux commanditaires, mais au regard de la règlementation applicable au personnel (cf. consid. 4.3.2 supra). L’arrêt attaqué ne dit rien à ce propos quand bien même la société A.__ SA a produit la documentation appropriée dans le cadre de son opposition. La cour cantonale a donc violé le droit fédéral en niant le droit de la société A.__ SA aux indemnités en cas de RHT sans instruire et examiner de manière approfondie l’étendue de la couverture des frais d’exploitation par les pouvoirs publics ainsi que les possibilités concrètes de résiliation sur la base du régime applicable au personnel.

 

Le TF admet le recours de la société A.__ SA, annule le jugement cantonal et renvoie la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

 

Arrêt 8C_322/2022 consultable ici

 

Cf. également les arrêts 8C_325/2022 et 8C_328/2022 du 30.01.2023 dans deux causes parallèles similaires.

 

8C_82/2022 (f) du 24.08.2022 – Droit à l’indemnité chômage – Inaptitude au placement / 8 LACI – 15 LACI / Assuré bloqué en Russie à cause du COVID-19 – Pas de violation du devoir de renseigner de la caisse de chômage

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_82/2022 (f) du 24.08.2022

 

Consultable ici

 

Droit à l’indemnité chômage – Inaptitude au placement / 8 LACI – 15 LACI

Assuré bloqué en Russie à cause du COVID-19

Pas de violation du devoir de renseigner de la caisse de chômage / 27 LPGA

Obligation de renseigner de l’assuré / 28 al. 2 LPGA

 

Assuré, directeur général d’une société active dans la conception, l’achat, l’import et l’export de tout matériel, d’équipements et d’accessoires liés à l’exploitation pétrolière et gazière, a été licencié avec effet au 31.03.2020 en raison de la restructuration économique du groupe. Il s’est inscrit le 18.03.2020 comme demandeur d’emploi à temps complet auprès de l’ORP et a sollicité l’octroi de prestations de l’assurance-chômage dès le 01.04.2020 auprès de la Caisse cantonale de chômage.

Par courriel du 24.04.2020, l’assuré a écrit à la caisse afin de lui transmettre son formulaire « Indications de la personne assurée » (IPA) pour le mois d’avril 2020. Il a mentionné sur ce formulaire qu’il était « bloqué en Russie à cause du COVID-19 » depuis le 22.03.2020. Il était allé en Russie à cette date pour un voyage d’affaires et y était encore, car ce pays avait suspendu les vols internationaux depuis le 27.03.2020. Il a en outre joint à son envoi un communiqué du gouvernement russe du 26.03.2020, qui annonçait cette mesure dans le cadre de la lutte contre la propagation du coronavirus (SARS-CoV-2, ci-après: COVID-19). Par retour du courriel du 27.04.2020, la caisse de chômage a informé l’assuré que la période durant laquelle il était à l’étranger ne pouvait pas être indemnisée, l’une des conditions pour percevoir l’indemnité étant la présence de l’assuré sur le territoire suisse, malgré les mesures prises par les gouvernements concernant la pandémie.

Par décision du 04.06.2020, confirmée sur opposition, la caisse de chômage a nié le droit de l’assuré à l’indemnité de chômage dès le 01.04.2020, au motif qu’il était inapte au placement aussi longtemps qu’il ne serait pas de retour en Suisse. Elle relevait qu’il était en Russie depuis le 22.03.2020, alors que le lock-down avait été décrété en Suisse depuis le 17.03.2020 et en Russie depuis le 18.03.2020 et qu’une quarantaine de quatorze jours était imposée à tout ressortissant de Russie entrant dans ce pays en provenance de Suisse; en outre il n’avait pas réservé de billet de retour afin d’être présent en Suisse le 01.04.2020.

 

Procédure cantonale (arrêt ACH 20/21 – 224/2021 – consultable ici)

Par jugement du 17.12.2021, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 4.1
L’art. 8 al. 1 LACI énumère aux lettres a à g sept conditions du droit à l’indemnité de chômage. Ces conditions sont cumulatives (ATF 124 V 218 consid. 2). Le droit à l’indemnité de chômage suppose en particulier que l’assuré soit apte au placement (let. f). Aux termes de l’art. 15 al. 1 LACI, est réputé apte à être placé le chômeur qui est disposé à accepter un travail convenable et à participer à des mesures d’intégration et qui est en mesure et en droit de le faire.

Consid. 4.2
L’aptitude au placement comprend ainsi deux éléments: le premier est la capacité de travail, c’est-à-dire la faculté de fournir un travail – plus précisément d’exercer une activité lucrative salariée – sans que l’assuré en soit empêché pour des causes inhérentes à sa personne; le deuxième élément est la disposition à accepter immédiatement un travail convenable au sens de l’art. 16 LACI, laquelle implique non seulement la volonté de prendre un tel travail s’il se présente, mais aussi une disponibilité suffisante quant au temps que l’assuré peut consacrer à un emploi et quant au nombre des employeurs potentiels (ATF 146 V 210 consid. 3.1; 125 V 51 consid. 6a). L’aptitude au placement est évaluée de manière prospective d’après l’état de fait existant au moment où la décision sur opposition a été rendue (ATF 143 V 168 consid. 2 et les arrêts cités) et n’est pas sujette à fractionnement. Soit l’aptitude au placement est donnée (en particulier la disposition d’accepter un travail au taux d’au moins 20 % d’une activité à plein temps; cf. art. 5 OACI), soit elle ne l’est pas (ATF 143 V 168 consid. 2; 136 V 95 consid. 5.1).

Consid. 4.3
Un chômeur qui prend des engagements à partir d’une date déterminée et, de ce fait, n’est disponible sur le marché du travail que pour une courte période n’est en principe pas apte au placement car il n’aura que très peu de chances de conclure un contrat de travail (ATF 146 V 210 consid. 3.1 et les arrêts cités; 126 V 520 consid. 3a). Ce principe s’applique notamment lorsque des chômeurs s’inscrivent peu avant un départ à l’étranger, une formation ou l’école de recrues, ce qui équivaut à un retrait du marché du travail (cf. BORIS RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, n° 56 ad art. 15 LACI).

Consid. 4.4
Lorsqu’un assuré participe à un cours de formation durant la période de chômage (sans que les conditions des art. 59 ss LACI soient réalisées), il doit, pour être reconnu apte au placement, clairement être disposé – et être en mesure de le faire – d’y mettre un terme du jour au lendemain afin de pouvoir débuter une nouvelle activité. Cette question doit être examinée selon des critères objectifs. Une simple allégation ne suffit pas à cet effet (ATF 122 V 265 consid. 4; arrêts 8C_742/2019 du 8 mai 2020 consid. 3.4; 8C_56/2019 du 16 mai 2019 consid. 2.2 publié in SVR 2020 ALV n° 5 p. 15). Il faut que la volonté de l’assuré se traduise par des actes, et ce pendant toute la durée du chômage (BORIS RUBIN, op. cit. n° 19 ad art. 15 LACI).

Consid. 4.5
L’aptitude au placement doit être admise avec beaucoup de retenue lorsque, en raison de l’existence d’autres obligations ou de circonstances personnelles particulières, un assuré désire seulement exercer une activité lucrative à des heures déterminées de la journée ou de la semaine. Un chômeur doit être en effet considéré comme inapte au placement lorsqu’une trop grande limitation dans le choix des postes de travail rend très incertaine la possibilité de trouver un emploi. Peu importe à cet égard le motif pour lequel le choix des emplois potentiels est limité (ATF 120 V 385 consid. 3a; arrêt 8C_65/2020 du 24 juin 2020 consid. 5.3; BORIS RUBIN, op. cit., n. 26 ad art. 15 LACI).

Consid. 4.6
Dans le contexte de la pandémie du COVID-19 et des restrictions ordonnées le 16.03.2020, il n’y a eu aucune dérogation aux art. 8 al. 1 let. f et 15 al. 1 LACI quant aux exigences de l’aptitude au placement (voir l’ordonnance du 20 mars 2020 sur les mesures dans le domaine de l’assurance-chômage en lien avec le COVID-19 [Ordonnance COVID-19 assurance-chômage; RS 837.033]).

Consid. 4.7
L’art. 27 al. 2 LPGA, qui s’applique à l’assurance-chômage obligatoire par renvoi de l’art. 1 al. 1 LACI, prévoit que chacun a le droit d’être conseillé, en principe gratuitement, sur ses droits et obligations; sont compétents pour cela les assureurs à l’égard desquels les intéressés doivent faire valoir leurs droits ou remplir leurs obligations. D’autre part, l’art. 28 al. 2 LPGA dispose que quiconque fait valoir son droit à des prestations doit fournir gratuitement tous les renseignements nécessaires pour établir ce droit, fixer les prestations dues et faire valoir les prétentions récursoires.

 

Consid. 5.1.1
La cour cantonale a retenu, en ce qui concerne les motifs du voyage en Russie, que l’assuré n’avait produit aucune preuve matérielle qui étayait ses déclarations s’agissant d’un voyage professionnel, comme par exemple une instruction claire de son employeur. Par ailleurs, c’est aussi sans arbitraire que la cour cantonale a constaté que le contrat de travail de l’assuré se terminait quelques jours après son départ en Russie (31.03.2020), que le voyage ne semblait pas avoir été payé par l’employeur (puisque l’assuré avait déclaré que le trajet de retour était à ses frais), que l’assuré n’avait pas reçu de salaire pour les mois de janvier, février et mars 2020 et qu’il était en plus le dernier employé de l’entreprise. Au vu de tous ces éléments, force est de constater que la cour cantonale n’a pas apprécié les preuves de manière arbitraire en concluant qu’il ne s’agissait pas d’un voyage professionnel.

Consid. 5.1.2
La juridiction cantonale n’est en effet pas tombée dans l’arbitraire en considérant que l’assuré aurait pu et dû renoncer à entreprendre ce voyage en Russie ou du moins réserver un billet de retour pour préserver son aptitude au placement. En effet, il sied de rappeler que le 22.03.2020, lorsque l’assuré s’est rendu en Russie, les déplacements internationaux étaient déjà fortement impactés par la crise sanitaire; la Russie avait déjà limité ses vols en provenance et à destination de l’Europe et avait imposé une quarantaine de quatorze jours, ce qui compliquait notablement son séjour et risquait clairement de le retarder, rendant son retour en Suisse pour le 01.04.2020 encore plus aléatoire. Partant, c’est à bon droit que la cour cantonale a considéré que l’assuré devait connaître les risques qu’il prenait en partant en Russie le 22.03.2020, en particulier celui de ne pas être de retour et apte au placement le 01.04.2020.

 

Consid. 5.1.4
Par une argumentation subsidiaire, la cour cantonale a retenu que, même à supposer que l’assuré ait cherché uniquement des emplois pour lesquels des moyens numériques étaient utilisés pour le recrutement et pour l’entrée en service, que de tels emplois aient existé et été disponibles sur le marché durant la période concernée, une telle restriction dans le choix des postes de travail aurait rendu très incertaine sa possibilité de retrouver un emploi, situation qui était également sanctionnée d’inaptitude.

Cette appréciation est conforme à la jurisprudence du Tribunal fédéral, selon laquelle un chômeur doit être considéré comme inapte au placement lorsqu’une trop grande limitation dans le choix des postes de travail rend très incertaine la possibilité de trouver un emploi (cf. consid. 4.5 supra), ce qui est manifestement le cas lorsqu’un chômeur adresse sa candidature uniquement pour des postes d’emploi pour lesquels non seulement le recrutement, mais aussi l’activité en soi s’effectuent exclusivement par voie numérique.

 

Consid. 5.2.1
L’assuré invoque une violation des art. 8 et 15 LACI en tant que son aptitude au placement a été niée du 01.04.2020 au 15.06.2020. En se référant à la jurisprudence, il fait valoir que l’éloignement ne serait plus un obstacle en raison des moyens techniques actuels et sachant qu’un entretien d’embauche n’aurait pas lieu en principe dans un délai de quelques heures. S’agissant de la prise d’une activité salariée, elle commencerait au plus tôt le premier jour du mois suivant l’entretien d’embauche. Par ailleurs, il faudrait tenir compte de la pandémie sévissant depuis le début de l’année 2020 en Europe. Aussi, le télétravail aurait été exigé d’emblée pour les personnes vulnérables.

Consid. 5.2.2
A l’instar de la cour cantonale, force est de constater que la jurisprudence invoquée par l’assuré sur le critère de la disponibilité suffisante quant au temps que l’assuré peut consacrer à un emploi et quant au nombre des employeurs potentiels ne lui est d’aucun secours. En effet, dans l’arrêt en question (arrêt 8C_922/2014 du 20 mai 2015 consid. 4.2), le Tribunal fédéral a jugé que l’éloignement temporaire d’un assuré n’était pas un obstacle important à son aptitude au placement, compte tenu des moyens techniques actuels et pour autant que ce dernier soit en mesure d’être présent en Suisse dans un délai très court. Dans l’état de fait ayant donné lieu à cet arrêt, l’assuré était parti à Paris (France) pour des raisons de formation, pouvait interrompre ses cours et disposait de moyens de transport pour revenir en Suisse d’un jour à l’autre. La cour cantonale a relevé que le séjour de cet assuré s’étalait sur quelques jours disparates, si bien que son éloignement temporaire n’avait pas d’effet sur sa disponibilité (objective) suffisante, ce qui n’était pas le cas pour l’assuré.

Consid. 5.2.3
Cette appréciation doit aussi être confirmée pour d’autres motifs. En effet, comme on l’a vu, la cour cantonale a constaté sans arbitraire que l’assuré s’était inscrit au chômage quelques jours avant son départ en Russie, sans prouver la nécessité et le caractère professionnel de son voyage, sans avoir au préalable réservé un billet de retour et en connaissance des risques qu’il prenait en partant en Russie le 22.03.2020, en particulier celui de ne pas être de retour et apte au placement le 01.04.2020. En vertu des principes jurisprudentiels énoncés plus haut (cf. consid. 4.3 supra), ces éléments suffisent à retenir que l’assuré s’est retiré du marché de travail suisse peu après son inscription au chômage, ce qui entraîne son inaptitude au placement.

Consid. 5.2.4
Par ailleurs, même si on appliquait par analogie la jurisprudence pour les chômeurs qui participent à un cours de formation (cf. consid. 4.4 supra), l’aptitude au placement devrait néanmoins être niée. En effet, on ne saurait suivre la thèse de l’assuré selon laquelle il suffirait, pour être considéré apte au placement, d’être prêt à commencer une nouvelle activité au plus tôt le premier jour du mois suivant l’entretien d’embauche, surtout en période de pandémie. On rappellera à cet égard que dans le contexte de la pandémie du COVID-19 et des restrictions ordonnées le 16.03.2020, il n’y a eu aucune dérogation aux art. 8 al. 1 let. f et 15 al. 1 LACI quant aux exigences de l’aptitude au placement (cf. consid. 4.6 supra). Autrement dit, il ne justifie pas de déroger au principe de la disponibilité suffisante dans le sens de la disposition et de la capacité à commencer une activité professionnelle du jour au lendemain si elle se présente. Dans la mesure où, de manière non contestée, l’assuré n’était objectivement pas en mesure de remplir cette exigence pendant la période concernée, c’est à bon droit qu’il a été considéré comme inapte au placement.

Consid. 5.2.5
Compte tenu de son manque de capacité à accepter un travail convenable, l’assuré ne saurait en outre tirer un avantage du fait qu’il remplit une autre condition du droit à l’indemnité au chômage, notamment son obligation de satisfaire aux exigences de contrôle en effectuant suffisamment des recherches d’emploi (art. 8 al. 1 let. g et art. 17 LACI), les conditions du droit à l’indemnité devant être remplies cumulativement (cf. consid. 4.1 supra).

 

Consid. 5.3.1
L’assuré invoque une violation de l’art. 27 al. 2 LPGA, en soutenant que la caisse de chômage aurait manqué à son devoir de renseigner. Il fait valoir qu’avant son départ en Russie, il n’aurait reçu aucune information préalable selon laquelle il devait être présent sur le territoire suisse, comme indiqué par la caisse de chômage dans son courriel du 27.04.2020. En outre, il ne pouvait pas se douter que son voyage en Russie durerait si longtemps et que cela pourrait mettre en danger, par la suite, son droit aux indemnités de chômage.

Consid. 5.3.2
Contrairement à ce que semble supposer l’assuré, le devoir de conseil de l’assureur social au sens de l’art. 27 al. 2 LPGA n’implique pas que celui-ci donne à titre préventif des informations dont on peut admettre qu’elles sont connues de manière générale (arrêt 8C_433/2014 du 16 juillet 2015 consid. 5.3 et l’arrêt cité). En ce qui concerne l’obligation de la caisse de chômage de donner des renseignements spécifiques, l’étendue de celle-ci dépend de la situation individuelle dans laquelle se trouve l’assuré, telle qu’elle est reconnaissable pour l’administration (arrêt 8C_1041/2008 du 12 novembre 2009 consid. 6.2 et les références, RUBIN, op.cit. n° 59 ad art. 17 LACI). En l’occurrence, le conseiller de l’ORP n’avait aucune raison apparente d’interpeller spontanément l’assuré, qui quelques jours auparavant venait de s’inscrire au chômage, au sujet d’un potentiel voyage en Russie et des conséquences que cela aurait sur son droit aux indemnités. Il incombait bien plutôt à l’assuré, en vertu de son obligation de renseigner (art. 28 al. 2 LPGA; cf. consid. 4.7 supra), d’informer la caisse de chômage et de s’enquérir, avant son départ en Russie, des répercussions éventuelles que son voyage aurait sur son droit aux indemnités, étant rappelé qu’entre le moment de son inscription à l’assurance-chômage et son départ en Russie, il avait suffisamment de temps pour le faire.

 

Consid. 6
Au vu de ce qui précède, c’est sans violer le droit fédéral que la cour cantonale a confirmé le refus de la caisse de chômage d’allouer des indemnités de chômage du 01.04.2020 au 15.06.2020. Le recours se révèle mal fondé en tous points et doit être rejeté.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 8C_82/2022 consultable ici

 

8C_211/2022 (f) du 07.09.2022 – Suspension du droit à l’indemnité de chômage – Recherches d’emploi insuffisantes au cours de deux périodes de contrôle successives – 30 LACI – 45 al. 5 OACI

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_211/2022 (f) du 07.09.2022

 

Consultable ici

 

Suspension du droit à l’indemnité de chômage – Recherches d’emploi insuffisantes au cours de deux périodes de contrôle successives / 30 LACI – 45 al. 5 OACI

Aggravation d’une sanction d’une assurée qui n’a pas été mis en situation de modifier son comportement après avoir pris connaissance d’une première suspension

 

Assurée, née en 1958, inscrite le 22.10.2019 comme demandeuse d’emploi au taux de 60% auprès de l’Office régional de placement (ORP). Par décisions du 03.02.2021, l’ORP l’a suspendue dans son droit à l’indemnité de chômage pour une durée de trois jours dès le 01.12.2020 (décision n° xxx) et pour une durée de cinq jours dès le 01.01.2021 (décision n° yyy), au motif qu’elle n’avait pas respecté l’objectif de recherches d’emploi fixé par son conseiller durant les mois de novembre et décembre 2020. Les décisions ont été confirmées sur opposition, le 18.06.2021.

 

Procédure cantonale (arrêt ACH 229/21 – 40/2022 – consultable ici)

Partant d’une faute légère de l’assurée, la cour cantonale a, par jugement du 28.02.20022, considéré qu’au vu de la continuité des périodes examinées, de l’absence d’entretien au mois de décembre 2020 et du fait que les décisions litigieuses avaient été rendues simultanément, la présente situation relevait d’une unité d’action justifiant de ne prononcer qu’une seule sanction à l’encontre de l’assurée. Ainsi, son droit à l’indemnité de chômage ne devait être suspendu que durant cinq jours à compter du 01.01.2021 et la décision sur opposition du 18.06.2021 relative aux recherches d’emploi du mois de novembre 2020 (décision n° xxx) devait être annulée.

 

TF

Consid. 4.2
La durée de la suspension du droit à l’indemnité de chômage doit être proportionnelle à la gravité de la faute (art. 30 al. 3 LACI). Aux termes de l’art. 45 al. 3 OACI, la durée de la suspension dans l’exercice du droit à l’indemnité est de 1 à 15 jours en cas de faute légère (let. a), de 16 à 30 jours en cas de faute de gravité moyenne (let. b) et de 31 à 60 jours en cas de faute grave (let. c). Si l’assuré est suspendu de façon répétée dans son droit à l’indemnité pendant le délai-cadre d’indemnisation, la durée de suspension est prolongée en conséquence (art. 45 al. 5 OACI).

 

Consid. 4.3.1
Selon la jurisprudence constante, une suspension du droit à l’indemnité de chômage prévue à l’art. 30 LACI n’a pas un caractère pénal. Elle constitue une sanction de droit administratif destinée à combattre les abus en matière d’assurance-chômage. Comme telle, cette mesure peut être prononcée de manière répétée, sans que soit applicable l’art. 49 CP (ATF 123 V 150 consid. 1c par rapport à l’ancien art. 68 CP). Plusieurs mesures de suspension distinctes peuvent ainsi être prononcées, sauf – et exceptionnellement – en présence de manquements qui procèdent d’une volonté unique et qui, se trouvant dans un rapport étroit de connexité matérielle et temporelle, apparaissent comme l’expression d’un seul et même comportement (arrêts 8C_306/2008 du 26 septembre 2008 consid. 3.2, in: DTA 2009 268; C 305/01 du 22 octobre 2002 consid. 3.1, in: DTA 2003 118; BORIS RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, n° 20 ad art. 30 LACI). Une telle situation exceptionnelle peut se produire lorsqu’un assuré refuse plusieurs emplois convenables le même jour, pour le même motif et sur la base d’une volonté unique (arrêt C 171/89 du 15 septembre 1987 consid. 3a, in: DTA 1988 26; THOMAS NUSSBAUMER, Arbeitslosenversicherung, in: Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Soziale Sicherheit, 2e éd. 2016, n° 860, p. 2523).

Consid. 4.3.2
On précisera que la jurisprudence admet que, lorsqu’il y a concours de plusieurs motifs de suspension de nature différente ou de même nature, une suspension du droit à l’indemnité peut être prononcée séparément pour chacun des états de fait (arrêts C 90/06 du 7 août 2006 consid. 3.1; C 305/01 du 22 octobre 2002, in: DTA 2003 p. 119 et les références). Il peut en outre se justifier de prononcer le même jour plusieurs décisions de suspension du droit à l’indemnité en cas de fautes successives (arrêt C 33/97 du 19 octobre 1998 consid. 3b, in: DTA 1999 p. 193; BORIS RUBIN, Assurance-chômage, Droit fédéral, Survol des mesures cantonales, Procédure, 2e éd. 2006, p. 457). En particulier, l’insuffisance de recherches d’emploi d’un assuré pendant plusieurs périodes de contrôle peut faire l’objet, même rétroactivement, de plusieurs mesures de suspension distinctes dans l’exercice du droit à l’indemnité de chômage (arrêts 8C_306/2008 du 26 septembre 2008 consid. 3.2, in: DTA 2009 268; C 305/01 du 22 octobre 2002, in: DTA 2003 119).

Consid. 4.3.3
Quant à la question de savoir si une sanction peut être aggravée quand bien même l’assuré n’a pas été mis en situation de modifier son comportement après avoir pris connaissance d’une première suspension, la jurisprudence a retenu que la sanction a certes un but dissuasif et éducatif. Les obligations du chômeur découlent cependant de la loi. Elles n’impliquent ni une information préalable (par exemple sur les recherches d’emploi pendant le délai de congé; cf. ATF 124 V 225 consid. 5b; arrêts 8C_518/2009 du 4 mai 2010 consid. 6; C 208/03 du 26 mars 2004 consid. 3.1, in: DTA 2005 56), ni un avertissement préalable. Il ne se justifie pas de traiter différemment l’assuré qui fait l’objet de sanctions échelonnées dans le temps (et aggravées) de celui qui se voit infliger plusieurs sanctions rétroactives pour les mêmes comportements. Objectivement et subjectivement, les comportements fautifs sont les mêmes. Enfin, dans bien des cas, un cumul de sanctions intervient sans que l’assuré soit mis en situation de modifier son comportement, notamment en cas de chômage fautif et de recherches insuffisantes pendant le délai de congé ou encore – comme en l’espèce – en cas de recherches d’emploi insuffisantes au cours de deux périodes de contrôle successives. L’art. 45 al. 5 OACI doit par conséquent également trouver application dans ce type de situation (arrêt 8C_518/2009 du 4 mai 2010 consid. 5).

 

Consid. 4.4
Au vu ce qui précède, le raisonnement de la cour cantonale ne peut pas être suivi. La continuité des périodes considérées ne suffit pas pour renoncer à prononcer une suspension séparément pour chaque manquement, car, selon la jurisprudence exposée ci-dessus, en cas de recherches d’emploi insuffisantes, des décisions de suspension distinctes peuvent être prises, même rétroactivement, pour chaque mois pendant lequel l’assurée a contrevenu à ses obligations. Ne constituent pas non plus des circonstances déterminantes en l’espèce le fait qu’aucun entretien n’a eu lieu en décembre 2020, ni le fait que les deux décisions de sanction ont été rendues le même jour par l’ORP. En effet, comme on vient de l’exposer, les obligations du chômeur n’impliquent ni une information préalable, ni un avertissement préalable et il ne se justifie pas de traiter différemment l’assuré qui fait l’objet de sanctions échelonnées dans le temps de celui qui se voit infliger plusieurs sanctions rétroactives le même jour pour les mêmes comportements, ce principe concernant également les recherches d’emploi insuffisantes au cours de deux périodes de contrôle successives.

Consid. 4.5
C’est ainsi en violation du droit fédéral que les juges cantonaux ont annulé la décision sur opposition concernant la suspension de trois jours à partir du 01.12.2020 (prononcée par décision n° xxx de l’ORP).

 

Le TF admet le recours de l’ORP, réformant le jugement cantonal en ce sens que la décision sur opposition du 18.06.2021 relative à la décision n° xxx de l’ORP est confirmée.

 

Arrêt 8C_211/2022 consultable ici

 

Assurances sociales : ce qui va changer en 2023

Assurances sociales : ce qui va changer en 2023

 

Article de Mélanie Sauvain paru in Sécurité sociale CHSS, 13.12.2022, consultable ici

 

2023 verra la naissance du congé d’adoption et la disparition du pourcent dit de solidarité dans l’assurance-chômage. D’autres adaptations importantes ont lieu dans le domaine des assurances sociales.

En un coup d’œil

  • Un congé d’adoption de deux semaines est introduit, indemnisé par les APG.
  • Le pourcent de solidarité prélevé sur les hauts salaires pour désendetter l’assurance-chômage disparaît.
  • Les rentes minimales de l’AVS et de l’AI sont augmentées de 30 francs ; les rentes maximales de 60 francs. D’autres montants calculés sur la base des rentes AVS sont adaptés dans le 2e pilier et dans les PC notamment.

 

Comme chaque année, plusieurs nouvelles dispositions entrent en vigueur en 2023. Afin que les assurés, les employeurs et les personnes actives dans le domaine des assurances sociales aient une vue d’ensemble, le présent article résume les principaux changements, sur la base des informations disponibles à la mi-novembre 2022.

 

APG : un nouveau congé d’adoption

Les parents adoptifs qui exercent une activité lucrative auront droit dès le 1er janvier 2023 à un congé d’adoption de 2 semaines, indemnisé par les allocations pour perte de gain (APG). L’enfant doit avoir moins de 4 ans au moment de l’accueil en vue de son adoption.

Le congé d’adoption doit être pris dans les douze mois suivant l’accueil de l’enfant, soit en bloc de 2 semaines soit sous forme de jours isolés (10 jours). S’il est pris sous forme de semaines, le parent touche 7 indemnités journalières par semaine. S’il est pris sous forme de jours, le parent touche, pour chaque 5 jours de congé, 2 indemnités journalières supplémentaires.

L’indemnité se monte à 80% du revenu moyen réalisé avant l’accueil de l’enfant, mais au maximum à 220 francs par jour. Ce montant maximal est atteint à partir d’un salaire mensuel de 8250 francs.

Seuls les parents adoptifs exerçant une activité lucrative peuvent bénéficier du congé. Ils doivent avoir été assurés à l’AVS durant les 9 mois qui précèdent l’accueil de l’enfant dans le ménage commun, avoir exercé une activité lucrative durant au moins 5 mois pendant cette période et être actifs à la date de l’accueil de l’enfant. Si seul l’un des deux parents remplit ces conditions, lui seul a droit au congé. Si les deux parents y ont droit, ils sont libres de choisir lequel des deux bénéficie du congé. Ils peuvent aussi se répartir le congé, mais ils ne peuvent pas le prendre en même temps. L’adoption de l’enfant du conjoint ne donne pas droit à cette prestation (Künzli, Andrea. 2022, Congé pour les parents adoptifs : quelles sont les règles ? Sécurité sociale CHSS. 24 août.).

Avec cette nouvelle prestation, le rôle du régime des APG en matière de politique sociale et familiale est renforcé. Près de 15 ans après l’introduction du congé de maternité payé de 14 semaines en 2005, trois autres allocations pour parents ont vu le jour : en 2021, celle de paternité (allocation par ailleurs étendue au second parent reconnu par la loi), ainsi que celle pour la prise en charge d’un enfant gravement atteint dans sa santé, et en 2023 celle en cas d’adoption.

La nouvelle allocation d’adoption devrait coûter quelque 100 000 francs par an. Le nombre d’adoptions en Suisse est en recul depuis des décennies. En 2021, 48 enfants de moins de quatre ans ont été adoptés à l’échelle nationale, selon l’Office fédéral de la statistique.

Dans le domaine des APG pour les parents, une initiative est en cours au Parlement pour pouvoir transférer, en cas du décès de la mère, le congé maternité de 14 semaines à l’autre parent survivant qui aurait alors 16 semaines de congé en tout. En cas de décès du père, la mère bénéficierait aussi de 2 semaines supplémentaires.

Notons encore que, dans le régime des APG, différents montants minimaux et maximaux sont relevés en 2023. L’allocation de base pour les personnes faisant un service (militaire, civil, de protection civile, etc.) se montera désormais au minimum à 69 francs et au maximum à 220 francs par jour pour les personnes exerçant une activité lucrative. Pour les recrues et les personnes sans activité lucrative, l’indemnité s’élèvera à 69 francs par jour en 2023. Les montants maximaux pour les allocations en cas de maternité, de paternité ou de prise en charge passeront également de 196 à 220 francs par jour. Il n’y a pas de montants minimaux pour ces congés.

 

AC : fin de la contribution de solidarité

Le pourcent dit de solidarité dans l’assurance-chômage (AC) va disparaître au 1er janvier 2023. Prélevée depuis 2011 sur la partie du salaire supérieure à 148 200 francs, ce pourcent a contribué au désendettement de l’assurance-chômage. Quelque 400 millions de francs de cotisations supplémentaires ont été versés chaque année.

Le taux de cotisation à l’AC est de 2,2% jusqu’à un revenu annuel de 148 200 francs. Plus aucune cotisation n’est désormais prélevée sur la part du salaire dépassant ce montant. Pour les personnes salariées, la moitié de la cotisation (1,1%) est prise en charge par l’employeur.

Selon les dispositions légales en vigueur, la contribution de solidarité peut être prélevée jusqu’à ce que le capital propre du fonds de compensation de l’AC dépasse le seuil de 2,5 milliards de francs à la fin de l’année. Les chiffres actuels de l’AC montrent que ce seuil sera atteint fin 2022. Aussi, le droit de prélever le pourcent de solidarité sera-t-il automatiquement supprimé de par la loi au 1er janvier 2023.

En raison de la crise du COVID-19, l’assurance-chômage a enregistré une perte de 186 millions de francs en 2021. Son fonds est toutefois resté sans dettes, car la Confédération a pris en charge l’indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail (RHT) due aux mesures pour faire face à la pandémie.

 

Rentes AVS et AI : majoration et autres changements

Les bénéficiaires de rentes de vieillesse et survivants (AVS) et d’invalidité (AI) toucheront entre 30 et 60 francs de plus en 2023, pour autant qu’ils puissent faire valoir une durée de cotisation complète. Face au renchérissement attendu de 3% et à l’augmentation des salaires de 2%, le Conseil fédéral a décidé de relever les rentes du 1er pilier de 2,5%. La rente minimale complète passe ainsi à 1225 francs par mois ; la rente maximale à 2450 francs par mois. Le plafond pour la rente des couples mariés est relevé de 3585 à 3675 francs.

Particularité de l’année 2023, cette adaptation usuelle – basée sur l’indice mixte et qui a lieu en principe tous les deux ans – sera complétée en cours d’année. Plusieurs motions acceptées au Parlement demandent l’adaptation complète des prestations AVS, AI, prestations complémentaires (PC) et prestations transitoires (Ptra) au renchérissement.

Les adaptations législatives nécessaires à ce relèvement supplémentaire devraient être traitées dans le cadre d’une procédure d’urgence durant la session de printemps 2023 ; et les prestations seraient alors versées rétroactivement au 1er janvier 2023. Cela veut dire que les bénéficiaires de rentes devraient au final toucher légèrement plus qu’indiqué ci-dessus.

En parallèle, le montant de la cotisation minimale AVS/AI/APG pour les indépendants et les personnes sans activité lucrative passera de 503 à 514 francs par an.

Concernant la rente de veuf dans l’AVS, un régime transitoire a été mis en place depuis octobre 2022 et continuera d’être en vigueur en attendant une nouvelle réglementation (voir encadré).

Rentes de survivant
En automne 2022, la Suisse a été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) à la suite de la plainte d’un veuf dont la rente de survivant a été supprimée après que son dernier enfant ait atteint la majorité. La CEDH a estimé que le veuf était discriminé par rapport à une veuve qui, dans la même situation, a droit à une rente de survivant à vie. Depuis octobre 2022, un régime transitoire s’applique aux nouveaux veufs avec enfant, désormais mis sur pied d’égalité avec les veuves avec enfant. Une adaptation de la Loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants (LAVS) est nécessaire pour mettre fin à la discrimination constatée. Cela sera l’occasion d’analyser dans un rapport la pertinence de rendre tout le système de sécurité sociale indépendant de l’état civil, du sexe ou du mode de vie.

 

Relèvement des forfaits pour les PC et Ptra

Les prestations complémentaires et les prestations transitoires pour chômeurs âgés seront elles aussi relevées de 2,5%. Le montant annuel destinés à couvrir les besoins vitaux d’une personne seule passe à 20 100 francs, ce qui correspond à une hausse de 40 francs par mois environ. Pour les couples, le montant annuel passe à 30 150 francs, soit quelque 60 francs de plus par mois.

En ce qui concerne les loyers, les montants maximaux remboursés par les PC augmenteront de 7,1%. Cette adaptation tient ainsi aussi compte de la hausse des prix pour l’énergie.

 

Nouveaux seuils dans le 2e et 3e pilier

L’adaptation des rentes du 1er pilier a également un impact sur le 2e pilier. Le montant de la déduction de coordination dans le régime obligatoire de la prévoyance professionnelle (PP) passera à 25 725 francs ; le seuil d’entrée à 22 050 francs.

Dans le cadre de la prévoyance individuelle liée (pilier 3a), la déduction fiscale maximale autorisée passera, pour les personnes affiliées au 2e pilier, à 7056 francs ; pour celles qui n’ont pas de 2e pilier, à 35 280 francs.

 

Hausse des primes-maladie

Après quatre années de relative stabilité, les primes de l’assurance-maladie obligatoire augmentent dans tous les cantons et toutes les catégories d’âges en 2023. La prime moyenne mensuelle s’élèvera à 335 francs, en hausse de 6,6% par rapport à 2022. La prime moyenne des adultes (397 francs) et des jeunes adultes (280 francs) augmentera de respectivement 6,6% et 6,3% ; celle des enfants de 5,5% pour atteindre 105 francs.

La forte hausse s’explique principalement par la pandémie de COVID-19 qui a non seulement généré des coûts directs (traitements et vaccinations), mais aussi indirects en raison d’un effet de rattrapage. La pandémie a par exemple conduit au report de nombreuses interventions médicales qui ont par conséquent fortement augmenté dès le deuxième semestre de 2021.

Avec ou sans pandémie, les coûts de la santé continuent de progresser. Le Conseil fédéral poursuit donc son effort pour réduire les dépenses (voir encadré).

Stratégie pour maîtriser les coûts
Les mesures pour maîtriser les coûts de la santé en Suisse continueront d’occuper la politique et la population en 2023. Un premier paquet de mesures en ce sens a déjà été introduit depuis 2019, avec par exemple l’institution d’une organisation tarifaire nationale ou l’envoi d’une copie des factures aux assurés. Trois autres dispositions entrent en vigueur au 1er janvier 2023 : la promotion des forfaits dans le domaine ambulatoire, la transmission des données tarifaires et l’introduction de projets-pilote innovants. D’autres mesures suivront, dont celles devant faire office de contre-projet indirect à l’initiative populaire du Centre « Pour des primes plus basses ». De plus, le Conseil fédéral vient d’adopter le message sur un second paquet de mesures de maîtrise des coûts, centré sur les réseaux de soins coordonnés.

 

AA : prise en compte du renchérissement

Quiconque perçoit une rente d’invalidité ou de survivant de l’assurance-accidents (AA) obligatoire recevra une allocation de renchérissement dès le 1er janvier 2023. Cette allocation s’élèvera à au moins 2,8% de la rente, en fonction de l’année de l’accident.

Les primes de l’assurance-accidents obligatoire sont en principe payées en avance pour un exercice annuel complet. L’ordonnance sur l’assurance-accidents (OLAA) prévoit toutefois la possibilité de payer les primes par semestre ou par trimestre, en échange d’une majoration. Afin d’alléger la charge des employeurs, le Conseil fédéral a décidé de réduire ces majorations dès le 1er janvier 2023. Il tient ainsi compte de la faiblesse des taux d’intérêts en Suisse. Pour un paiement semestriel, la majoration baissera à 0,25% de la prime annuelle ; pour le paiement trimestriel, à 0,375% de la prime annuelle.

 

Pertes de gain COVID-19 : baisser de rideau

Entrée en vigueur avec effet rétroactif au 17 mars 2020, l’ordonnance sur les mesures en cas de perte de gain en lien avec le coronavirus (COVID-19) est abrogée au 1er janvier 2023. Durant trois ans, le texte a été plusieurs fois modifié et prolongé pour faire face à l’évolution de la pandémie et à ses effets économiques. Cette abrogation marque la fin desdites APG-Corona.

Le dispositif de protection en faveur des manifestations publiques (art. 11a de la loi COVID-19) échoit normalement également au 31 décembre 2022. Pour avoir un aperçu de cette mesure, la page du SECO (Parapluie de protection pour les manifestations publiques – EasyGov) est régulièrement actualisée.

 

 

 

Article de Mélanie Sauvain « Assurances sociales : ce qui va changer en 2023 » paru in Sécurité sociale CHSS, 13.12.2022, consultable ici

Montants valables à partir du 1er janvier 2023, Fiche d’information, OFAS, 12.10.2022, disponible ici

 

Artikel von Mélanie Sauvain «Sozialversicherungen: Was ändert sich 2023?» erschienen in Soziale Sicherheit CHSS, 13.12.2022, hier konsultiert werden.

 

 

8C_750/2021 (f) du 20.05.2022 – Suspension de l’indemnité de chômage en raison de recherches insuffisantes après le licenciement et pendant la pandémie (mai-juin 2020) – 30 LACI – 45 OACI

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_750/2021 (f) du 20.05.2022

 

Consultable ici

 

Suspension de l’indemnité de chômage en raison de recherches insuffisantes après le licenciement et pendant la pandémie (mai-juin 2020) – Obligation générale de diminuer le dommage / 30 LACI – 45 OACI

Barème du SECO relatif à la durée de suspension – Egalité de traitement – Pouvoir d’appréciation du tribunal cantonal

 

Par lettre du 20.04.2020, l’employeur de l’assuré lui a signifié la fin des rapports de travail pour le 30.06.2020. Le 22.04.2020, le prénommé s’est annoncé au chômage par voie électronique en requérant l’octroi d’indemnités de chômage dès le 01.07.2020. Il a transmis à l’Office cantonal de l’emploi (OCE) deux recherches d’emploi le 05.06.2020 et deux autres le 22.06.2020 par le biais de la plateforme informatique « Job-Room ».

Par décision du 06.08.2020, l’OCE a suspendu le droit de l’assuré à l’indemnité de chômage pour une durée de 6 jours à compter du 01.07.2020, au motif que ses recherches d’emploi étaient quantitativement insuffisantes pendant la période précédant son inscription au chômage.

L’assuré a formé opposition contre cette décision, en expliquant qu’il avait effectué cinq recherches d’emploi au mois de juin 2020 mais que seules quatre avaient pu être saisies dans le système informatique. Par décision du 22.09.2020, l’OCE a écarté l’opposition.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/1037/2021 – consultable ici)

Par jugement du 07.10.2021, admission du recours par le tribunal cantonal, réduisant la sanction de 6 jours à 3 jours.

 

TF

Consid. 3.1
Selon l’art. 30 al. 1 let. c LACI, le droit de l’assuré à l’indemnité est suspendu lorsqu’il est établi que celui-ci ne fait pas tout ce que l’on peut raisonnablement exiger de lui pour trouver un travail convenable. Cette disposition doit être mise en relation avec l’art. 17 al. 1 LACI, aux termes duquel l’assuré qui fait valoir des prestations d’assurance doit entreprendre tout ce que l’on peut raisonnablement exiger de lui pour éviter ou réduire le chômage. Sur le plan temporel, l’obligation de rechercher un emploi prend naissance avant le début du chômage. En conséquence, l’assuré a le devoir de rechercher un emploi pendant son délai de congé, dès la signification de celui-ci, même sans avoir été renseigné par l’autorité à ce sujet (ATF 139 V 524 consid. 2.1.2). En règle générale, sur le plan quantitatif, la jurisprudence considère que dix à douze recherches d’emploi par mois sont suffisantes (ATF 139 V 524 consid. 2.1.4).

Consid. 3.2
Selon l’art. 30 al. 3 LACI, la durée de la suspension du droit à l’indemnité de chômage est proportionnelle à la gravité de la faute. En vertu de l’art. 45 al. 3 OACI (RS 837.02), elle est de 1 à 15 jours en cas de faute légère. En tant qu’autorité de surveillance, le SECO a adopté un barème (indicatif) à l’intention des organes d’exécution. Quand bien même de telles directives ne sauraient lier les tribunaux, elles constituent un instrument précieux pour ces organes d’exécution lors de la fixation de la sanction et contribuent à une application plus égalitaire dans les différents cantons (ATF 141 V 365 consid. 2.4; arrêt 8C_40/2019 du 30 juillet 2019 consid. 5.4). Cela ne dispense cependant pas les autorités décisionnelles d’apprécier le comportement de l’assuré compte tenu de toutes les circonstances – tant objectives que subjectives – du cas concret, notamment des circonstances personnelles, en particulier celles qui ont trait au comportement de l’intéressé au regard de ses devoirs généraux d’assuré qui fait valoir son droit à des prestations. Elles pourront le cas échéant aller en dessous du minimum prévu par le barème indicatif (arrêt 8C_756/2020 du 3 août 2021 consid. 3.2.3 et les références).

Consid. 3.3
Contrairement au pouvoir d’examen du Tribunal fédéral, celui de l’autorité judiciaire de première instance n’est pas limité dans ce contexte à la violation du droit (y compris l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation), mais s’étend également à l’opportunité de la décision administrative (« Angemessenheitskontrolle »). En ce qui concerne l’opportunité de la décision en cause, l’examen porte sur le point de savoir si une autre solution que celle que l’autorité a adoptée dans un cas concret, dans le cadre de son pouvoir d’appréciation et en respectant les principes généraux du droit, n’aurait pas été plus judicieuse quant à son résultat. A cet égard, le juge des assurances sociales ne peut pas, sans motif pertinent, substituer sa propre appréciation à celle de l’administration. Il doit s’appuyer sur des circonstances de nature à faire apparaître sa propre appréciation comme la mieux appropriée (ATF 137 V 71 consid. 5.2; voir aussi, parmi d’autres, arrêt 8C_747/2018 du 20 mars 2019 consid. 4.3).

Consid. 3.4
Selon le barème du SECO, si les recherches d’emploi sont insuffisantes pendant un délai de congé d’un mois, le nombre de jours de suspension prévu est de 3 à 4 jours; il est de 6 à 8 jours pour un délai de congé de 2 mois et de 9 à 12 jours pour un délai de congé de 3 mois et plus. Le barème évoque la durée du délai de congé car dans la plupart des cas, le chômeur revendique les prestations pour la période qui suit immédiatement la fin du délai de congé.

 

Consid. 4.1
La cour cantonale a tout d’abord relevé qu’en raison de la pandémie de coronavirus, le nombre requis de recherches d’emploi avait été réduit à trois en avril et mai 2020 et à cinq en juin 2020. En l’espèce, pour la période précédant le mois de juin 2020, à défaut d’indications plus précises de la part de l’assuré quant aux employeurs contactés, elle a tenu pour établie une seule recherche d’emploi effectuée le 28.05.2020. Pour le mois de juin 2020, la cour cantonale a retenu que l’assuré avait accompli quatre recherches d’emploi. Elle en a conclu que celui-ci n’avait pas fourni tous les efforts que l’on pouvait raisonnablement exiger de lui pour éviter le chômage sur deux mois, de sorte qu’une sanction était justifiée.

Examinant ensuite la question de la durée de la sanction, la cour cantonale a jugé, à l’aide d’un exemple, que pour des raisons d’égalité de traitement entre assurés, il convenait d’interpréter le barème des suspensions du SECO en ce sens que la sanction prévue était proportionnelle au nombre de mois durant lesquels l’assuré n’avait pas effectué suffisamment de recherches d’emploi, et non pas à la durée du délai de congé. Cela étant, elle a considéré que dans le cas de l’assuré, la suspension prononcée ne tenait pas compte de l’ensemble des circonstances. En effet, au bas du courrier de l’ORP adressé à l’assuré le 20.05.2020 figurait la remarque suivante à propos des recherches d’emploi: « […] La recherche d’emploi demeurant difficile dans le contexte actuel, sachez que nous ne formulons aucune exigence concernant la quantité de vos démarches, mais comptons sur vous pour agir au mieux ». Pour la cour cantonale, vu l’indication de l’absence d’exigence en termes de quantité de recherches d’emploi à laquelle l’assuré pouvait légitimement se fier, il ne pouvait pas lui être appliqué de sanction « pour n’avoir pas effectué de recherches en avril et mai 2020 » (sic). S’agissant du mois de juin 2020, en revanche, celui-ci avait été dûment informé de l’obligation d’effectuer au moins cinq démarches, alors que seules quatre étaient documentées. La cour cantonale a donc réduit la durée de la sanction à trois jours, l’assuré ayant failli à ses devoirs un seul mois.

Consid. 4.2
Le SECO soutient que le motif tiré d’une inégalité de traitement entre assurés pour interpréter différemment le barème de suspensions en cas de recherches d’emploi insuffisantes avant l’inscription au chômage est dénué de fondement. Il rappelle que l’autorité dispose d’un pouvoir d’appréciation lorsqu’elle détermine la durée de la suspension, qui doit être fixée en tenant compte de l’ensemble des circonstances (qualité et quantité des recherches d’emploi). Ainsi, pour reprendre l’exemple cité par la cour cantonale, un assuré qui, au cours d’un délai de congé de trois mois, ne fournit aucune recherche d’emploi durant le premier mois du délai de congé mais un nombre de recherches d’emploi suffisant durant les deux derniers mois du délai de congé pourrait se voir infliger une sanction inférieure à neuf jours (entre 1 et 8 jours) afin de tenir compte des circonstances du cas d’espèce. Or l’assuré ne fournissant aucune recherche d’emploi durant un délai de congé de deux mois ne serait pas mieux traité puisque dans ce dernier cas, la sanction ne pourrait en principe pas être inférieure à 8 jours conformément au barème. Le SECO se réfère à l’arrêt 8C_708/2019 du 10 janvier 2020 dans lequel le Tribunal fédéral a admis un recours qu’il avait formé pour les mêmes raisons. Dans le cas d’espèce, aucune circonstance particulière ne justifiait de réduire la durée de sanction prévue par le barème pour des recherches d’emploi insuffisantes pendant un délai de congé de deux mois. En particulier, il ne pouvait pas être inféré des indications de l’ORP qu’aucune recherche d’emploi n’était exigée en raison de la pandémie de Covid-19. La législation spéciale adoptée par le Conseil fédéral dès le mois de mars 2020 ne prévoyait d’ailleurs aucune exception en matière d’obligation de rechercher un emploi.

Consid. 4.3
En l’occurrence, comme le fait à juste titre valoir le SECO, les raisons avancées par la cour cantonale pour ne pas reprendre les termes du barème tel qu’il est conçu ne sont pas fondées. Le Tribunal fédéral a déjà eu l’occasion de dire qu’en tant que ce barème prévoit que la durée de la suspension est en fonction de la durée du délai de congé, l’égalité de traitement entre les administrés dans son application est assurée par la prise en considération des circonstances du cas d’espèce au cours de la période considérée dans son ensemble (arrêt 8C_708/2019 précité). Les situations comparées dans le recours, d’ailleurs repris de ce même arrêt, l’illustrent bien. Partant, c’est à tort que la cour cantonale a considéré que le respect de l’égalité de traitement impose de fixer la suspension proportionnellement au nombre de mois durant lesquels l’assuré n’a pas fourni de recherches suffisantes et non pas à la durée du délai de congé.

Il reste à examiner si, à l’instar de ce qu’ont retenu les juges cantonaux, le cas de l’assuré présente des singularités justifiant de s’écarter de la sanction minimale qui lui a été appliquée (6 jours) et qui est prévue par le barème pour les administrés ayant effectué un nombre de recherches insuffisantes pendant un délai de congé de deux mois. Sous l’angle de l’obligation générale de diminuer le dommage ancré à l’art. 17 al. 1 LACI, celui qui requiert des prestations a l’obligation de postuler régulièrement à un emploi durant la période précédant son inscription à l’assurance-chômage, même en l’absence de renseignement à ce propos (cf. consid. 2.1 supra; arrêt 8C_21/2015 du 3 mars 2015 consid. 3.5 et les références citées; voir également BORIS RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, n° 9 ad. art. 17 al. 1 LACI). Dans le contexte de la pandémie de coronavirus et des restrictions ordonnées le 16.03.2020, il n’y avait aucune dérogation en matière d’obligation de rechercher un emploi (voir l’ordonnance du 20.03.2020 sur les mesures dans le domaine de l’assurance-chômage en lien avec le coronavirus (COVID-19 [Ordonnance COVID-19 assurance-chômage; RS 837.033]), mais cette situation particulière avait conduit l’OCE à réduire les exigences quant au nombre de recherches d’emploi à effectuer par rapport à ce qui était demandé normalement. Selon les faits retenus par la cour cantonale, l’assuré ne peut pas se prévaloir d’avoir entrepris des recherches d’emploi entre le 22.04.2020, date de la signification de la résiliation de son contrat de travail, et le 27.05.2020. Or si les termes employés par l’ORP dans son courrier du 20.05.2020 pouvaient certes être compris par l’assuré en ce sens qu’il était renoncé, vu les effets de la pandémie, à exiger un nombre précis de recherches d’emploi (« nous ne formulons aucune exigence concernant la quantité de vos démarches, mais comptons sur vous pour agir au mieux »), ils ne dédouanaient pas celui-ci de l’obligation de faire des recherches d’emploi. En tout état de cause, ils ne sauraient justifier l’absence de toute recherche d’emploi jusqu’au 20.05.2020, contrairement à ce qu’a considéré la cour cantonale.

Dès lors que l’assuré n’a fait qu’une seule démarche jusqu’à la fin mai 2020 et quatre en juin 2020 alors qu’il en était requis au moins trois en mai et cinq en juin, on doit admettre qu’en réduisant la suspension à 3 jours, la cour cantonale a substitué sa propre appréciation à celle de l’administration sans motif pertinent.

Consid. 4.4
Vu ce qui précède, le recours se révèle bien fondé et l’arrêt attaqué doit être réformé en ce sens que la décision sur opposition du 22.09.2020 est confirmée.

 

Le TF admet le recours du SECO, annulant le jugement cantonal et confirmant la décision sur opposition du 22.09.2020.

 

 

Arrêt 8C_750/2021 consultable ici

 

8C_233/2022 (f) du 14.09.2022 – Suspension de l’indemnité chômage en raison de l’absence de recherches d’emploi avant l’inscription au chômage / Notification irrégulière d’une décision (envoi par e-mail) par la caisse de chômage

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_233/2022 (f) du 14.09.2022

 

Consultable ici

 

Suspension de l’indemnité chômage en raison de l’absence de recherches d’emploi avant l’inscription au chômage / 30 LACI – 45 OACI

Délai de 6 mois pour l’exécution par la caisse de chômage de la suspension

Notification irrégulière d’une décision (envoi par e-mail) par la caisse de chômage / 49 LPGA

 

Assuré, né en 1991, s’est inscrit au chômage le 24.03.2020 et un délai-cadre d’indemnisation lui a été ouvert à compter de cette date. Avant son inscription à l’assurance-chômage, il n’a pas effectué de recherches d’emploi.

Par courriel du 27.09.2020, par lequel il communiquait sa nouvelle adresse, le prénommé a indiqué à l’Office du marché du travail (OMAT) du Service de l’emploi (SEMP) qu’à défaut d’avoir reçu une décision de suspension de son droit à l’indemnité de chômage, il partait du principe que cette autorité avait renoncé à prononcer une sanction à son encontre. Le 30.09.2020, l’OMAT lui a répondu qu’une décision de suspension du droit à l’indemnité de chômage lui avait été transmise par courriel le 13.08.2020.

Par pli recommandé du 05.10.2020, notifié le 09.10.2020 à l’assuré, l’OMAT a transmis à celui-ci une décision datée du 13.08.2020 suspendant son droit à l’indemnité de chômage pour une durée de huit jours, au motif qu’il n’avait pas procédé à des recherches d’emploi dans les mois précédant son inscription à l’assurance-chômage le 24.03.2020.

Le 22.10.2020, la caisse cantonale de chômage a demandé à l’assuré la restitution d’un montant de 902 fr. 75, correspondant aux indemnités journalières perçues à tort (en raison de la décision de suspension du 13.08.2020) durant la période du 01.05.2020 au 31.05.2020. L’assuré a contesté toute obligation de restitution.

Le 20.01.2021, l’OMAT a rejeté l’opposition formée contre la décision du 13.08.2020 par l’assuré, qui faisait principalement valoir la péremption du droit d’exiger l’exécution de la suspension.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 08.03.2022, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3.1
Selon l’art. 30 al. 1 let. c LACI, le droit de l’assuré à l’indemnité est suspendu lorsqu’il est établi que celui-ci ne fait pas tout ce qu’on peut raisonnablement exiger de lui pour trouver un travail convenable. En vertu de l’art. 45 al. 3 OACI, la durée de la suspension est de 1 à 15 jours en cas de faute légère. La suspension est exécutée par suppression du droit à l’indemnité de chômage, pour les jours où l’assuré a droit à l’indemnité (BORIS RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, n° 30 ad art. 30 LACI).

Consid. 3.2
Aux termes de l’art. 30 al. 3, 4e phrase, LACI, l’exécution de la suspension est caduque six mois après le début du délai de suspension, lequel est fixé selon les critères de l’art. 45 al. 1 OACI (RUBIN, op. cit., n° 127 ad art. 30 LACI). Selon cette disposition, le délai de suspension du droit à l’indemnité prend effet à partir du premier jour qui suit (let. a) la cessation du rapport de travail, lorsque, l’assuré est devenu chômeur, ou, dans les autres situations (cf. RUBIN, op. cit., n° 133 ad art. 30 LACI), (let. b) l’acte ou la négligence qui fait l’objet de la décision. Pour pouvoir être exécutée, une sanction doit en règle générale être prononcée durant la période débutant le premier jour selon les critères de l’art. 45 al. 1 OACI et se terminant six mois plus tard; après l’écoulement du délai de six mois, le droit d’exiger l’exécution de la suspension est périmé (ATF 124 V 88 consid. 5b; 114 V 350 consid. 2d; RUBIN, op. cit., n° 127 ad art. 30 LACI).

Consid. 3.3
La péremption du droit d’exiger l’exécution n’est pas sans effet sur la possibilité, pour les organes de l’assurance-chômage, de suspendre après coup le droit à l’indemnité. En effet, si les indemnités litigieuses ont été payées à l’assuré, il n’y a plus lieu de prendre une mesure de suspension après l’échéance du délai d’exécution, la restitution des prestations indûment versées (art. 95 LACI) ne pouvant de toute façon plus être exigée en vue de faire exécuter la sanction. En revanche, si l’assuré n’a pas encore perçu les indemnités litigieuses, rien ne s’oppose au prononcé d’une mesure de suspension après l’échéance du délai de l’art. 30 al. 3, 4e phrase, LACI. Tel sera par exemple le cas lorsque l’aptitude au placement a été longtemps niée, avant d’être finalement admise (ATF 114 V 350 consid. 2b; arrêts 8C_309/2015 du 21 octobre 2015 consid. 3.2; 8C_1021/2012 du 10 mai 2013 consid. 4.3).

Consid. 3.4
Les juges cantonaux ont constaté que le délai de péremption de six mois de l’art. 30 al. 3, 4e phrase, LACI avait débuté le 24.03.2020 et avait été atteint le 24.09.2020. Ils ont retenu que la notification par courrier électronique de la décision du 13.08.2020 était irrégulière, faute de base légale autorisant une telle communication électronique. Cela étant, ladite décision avait bien été établie et envoyée par courriel le 13.08.2020, de sorte qu’elle n’était pas inexistante ou nulle jusqu’à sa notification régulière à l’assuré, mais seulement inopposable à celui-ci. Par conséquent, elle avait été rendue avant l’échéance du délai de péremption, quand bien même l’assuré n’en avait pris connaissance que le 09.10.2020. L’instance précédente a ensuite confirmé la suspension du droit de l’assuré à l’indemnité de chômage pour une durée de huit jours.

Consid. 4.2
Il résulte du dossier qu’en date du 13.08.2020, l’Office du marché du travail (OMAT) du Service de l’emploi (SEMP) a reçu un message électronique confirmant l’envoi d’un courriel à l’assuré le même jour. Dès lors que la décision de suspension de l’indemnité de chômage est bien datée du 13.08.2020, il y a tout lieu de penser que ledit courriel concernait bien cette décision. La cour cantonale n’a donc pas versé dans l’arbitraire en retenant que la décision en question avait été établie et envoyée par courriel à l’assuré le 13.08.2020. Par ailleurs, contrairement à ce que semble penser l’assuré, les juges cantonaux n’en ont pas pour autant conclu que celui-ci avait pris connaissance dudit courriel. Se fiant à ses déclarations, ils ont au contraire considéré que la décision du 13.08.2020 ne lui avait été notifiée que le 09.10.2020, lorsqu’il en avait pris connaissance pour la première fois. Il n’y a donc pas lieu de s’écarter des faits constatés par l’autorité précédente, selon lesquels l’OMAT a envoyé à l’assuré, par courriel du 13.08.2020, une décision du même jour suspendant son droit à l’indemnité de chômage, mais que l’assuré n’a pris connaissance de la décision que le 09.10.2020, ensuite de son envoi régulier par pli recommandé le 05.10.2020.

Consid. 5.2
De jurisprudence constante, une décision qui n’a pas été notifiée valablement à la personne concernée ne déploie pas d’effets juridiques; ce n’est qu’avec sa notification qu’une décision déploie les effets juridiques en vue desquels elle a été rendue, son destinataire ne pouvant être tenu par une décision que s’il en a connaissance (arrêts 6B_466/2020 du 4 septembre 2020 consid. 2.3; 6B_1237/2019 du 3 juillet 2020 consid. 4.3; 5D_37/2013 du 5 juillet 2013 consid. 4 et les références; DUBEY/ZUFFEREY, Droit administratif général, 2014, n. 977, p. 346). Le Tribunal fédéral a en outre eu l’occasion de préciser qu’un jugement n’existe légalement qu’une fois qu’il a été officiellement communiqué aux parties; tant qu’il ne l’a pas été, il est inexistant; son inefficacité doit être relevée d’office (ATF 122 I 97 consid. 3a/bb et 3b).

Consid. 5.3
En l’espèce,
quand bien même la décision du 13.08.2020 a été établie à cette même date, elle n’a été notifiée à l’assuré que le 09.10.2020, de sorte qu’elle ne pouvait pas déployer d’effets juridiques – ni donc la suspension du droit à l’indemnité de chômage qu’elle prononçait être exécutée – avant cette date. Or comme le délai de six mois de l’art. 30 al. 3, 4e phrase, LACI était échu depuis le 24.09.2020, le droit d’exiger l’exécution de la suspension était périmé. Comme les indemnités journalières avaient été payées, il n’était plus possible d’exécuter une mesure de suspension après l’échéance du délai de l’art. 30 al. 3, 4e phrase, LACI (cf. consid. 3.3 supra). C’est donc en violation du droit que les premiers juges ont confirmé la suspension du droit de l’assuré à l’indemnité de chômage prononcée par l’OMAT.

 

Le TF admet le recours de l’assuré et annule le jugement cantonal et la décision sur opposition de l’OMAT.

 

Arrêt 8C_233/2022 consultable ici