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9C_643/2017 (f) du 26.01.2018 – Restitution de prestations indûment touchées – 35a al. 1 LPP / Versement anticipé non pris en compte dans le calcul des rentes versées – Réduction des prestations omise / Examen de la bonne foi dans la phase en relation avec la remise de l’obligation de restituer

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_643/2017 (f) du 26.01.2018

 

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Restitution de prestations indûment touchées / 35a al. 1 LPP

Versement anticipé non pris en compte dans le calcul des rentes versées – Réduction des prestations omise

Examen de la bonne foi dans la phase en relation avec la remise de l’obligation de restituer

 

Assuré, né en septembre 1948, a conclu avec la Confédération suisse, représentée par la Caisse fédérale d’assurance (CFA), le 05.02.2001, un contrat de versement anticipé pour l’encouragement à la propriété du logement au moyen de la prévoyance professionnelle, portant sur un montant de 100’000 fr.; le versement est intervenu le 24.02.2001. La réduction des prestations de prévoyance résultant de ce versement figurait dans le contrat.

Conformément à une convention du 19.05.2010 relative à la retraite anticipée selon le plan social de la Confédération, l’assuré a été mis au bénéfice d’une retraite anticipée au 31.12.2010. La caisse de pensions Publica lui a alloué mensuellement une rente de vieillesse selon le plan social de 2’795 fr. 60 dès le 01.01.2011, ainsi que deux rentes pour enfant de 465 fr. 95 chacune et une rente transitoire de 2’320 fr., soit 6’047 fr. 50. En raison de la suppression de la rente transitoire, les prestations se montaient à 3’727 fr. 50 depuis le 01.10.2013.

Le 28.01.2015, en raison de son divorce, l’assuré a demandé à la caisse de pension de lui indiquer le montant de la prestation acquise avant son mariage célébré le 20.12.2001. Dans ce cadre, l’institution de prévoyance lui a fait savoir, le 26.05.2015, qu’elle avait constaté une erreur dans la prestation de sortie comptabilisée au moment du départ à la retraite, laquelle était de 300’607 fr. 40 au lieu de 443’978 fr. 60, découlant du fait que le versement anticipé de 100’000 fr. n’avait pas été porté correctement au débit du compte de prévoyance. Cette erreur s’était répercutée sur les prestations de vieillesse qui, adaptées dès le 01.07.2015, se montaient à 2’626 fr. 70 par mois, soit une rente de vieillesse de 1’970 fr. et deux rentes pour enfant de 328 fr. 35 chacune. Le trop-perçu entre le 01.01.2011 et le 30.06.2015, au total 59’443 fr. 20, devait lui être remboursé. L’assuré a invoqué sa bonne foi et contesté son obligation de rembourser.

 

Procédure cantonale

Le 17.12.2015, la caisse de pension a saisi le Tribunal cantonal des assurances d’une demande de remboursement des prestations de vieillesse indûment perçues dirigée contre l’assuré.

Par jugement du 18.07.2017, admission du recours par le tribunal cantonal, reconnaissant l’assuré débiteur de la caisse de pension de la somme de 59’443 fr. 20, avec intérêts moratoires au taux de 2,75% du 17.12.2015 au 31.12.2015, 2,25% du 01.01.2016 au 31.12.2016, et 2% au minimum dès le 01.01.2017.

 

TF

Les rentes qui font l’objet de la demande en restitution n’ont pas été versées par la Confédération, ancien employeur de l’assuré, mais par la caisse de pension, cela dans le cadre de la prévoyance professionnelle régie par la LPP et les dispositions réglementaires. Le montant de la rente n’a pas été déterminé de manière définitive par la convention du 19.05.2010, celle-ci précisant que « [p]our les montants définitifs des rentes, seules les directives édictées par les assurances sociales sont applicables en cas de rentes ». Aussi, la caisse de pension était-elle tenue de calculer le montant des rentes selon les dispositions de la LPP et ses règlements, les montants indiqués dans la convention n’étant pas définitifs en ce sens qu’elle ne pouvait pas les modifier en cas d’erreur. Dans la mesure où la caisse de pension a versé des rentes trop élevées, elle est ainsi fondée à les réclamer, conformément aux règles instaurées par la LPP.

A cet égard, selon l’art. 35a al. 1 LPP, les prestations touchées indûment doivent être restituées. La restitution peut ne pas être demandée lorsque le bénéficiaire était de bonne foi et serait mis dans une situation difficile. D’après l’art. 72 al. 1 RPEC (règlement de prévoyance pour les personnes employées et les bénéficiaires de rentes de la Caisse de prévoyance de la Confédération), la personne qui accepte une prestation de Publica à laquelle elle n’a pas droit doit la rembourser avec les intérêts (annexe 1, ch. 4). A teneur de l’art. 72 al. 2 RPEC, Publica peut renoncer partiellement ou totalement au remboursement des prestations en présence de cas de rigueur ou pour des raisons d’économie administrative. La Commission de la caisse définit les modalités dans un règlement sur les cas de rigueur.

On doit admettre qu’une partie des rentes ont été indûment perçues, c’est-à-dire sans cause juridique valable. En effet, les montants des rentes ont été établis sur des bases erronées, dès lors que le versement anticipé de 100’000 fr. opéré en 2001 dans le cadre de l’acquisition d’un logement, qui aurait dû conduire à une réduction des prestations (cf. art. 30c al. 4 LPP), n’a pas été pris en considération dans le calcul des rentes. Il s’ensuit que la demande en remboursement du 17.12.2015 est fondée à juste titre sur les art. 35a al. 1 LPP, première phrase, et 72 al. 1 RPEC, étant précisé qu’il s’agit ici de rétablir une situation conforme au droit, indépendamment de toute faute de l’assuré ou de l’existence d’un éventuel dommage que la caisse de pensions aurait pu subir par l’erreur de comptabilisation des avoirs de libre passage lors de leur transfert en 2003. Dans ce contexte, le financement du plan social dont l’assuré avait jadis bénéficié de la part de l’employeur, de même que la capitalisation de Publica au début de son activité opérationnelle en 2003, n’ont aucune incidence sur l’issue du litige. Seul compte le fait que le bénéficiaire a reçu des rentes plus élevées auxquelles il avait droit si elles avaient été d’emblée fixées selon un état de fait établi correctement et une application correcte du droit.

 

Le grief tiré de la bonne foi de l’assuré ne lui est d’aucun secours, dans la mesure où dans le cadre de la restitution de prestations des assurances versées à tort, elle ne joue un rôle que dans une seconde phase, en relation avec la remise de l’obligation de restituer. Selon la jurisprudence rendue sur l’art. 25 LPGA, ou l’art. 47 al. 1 aLAVS, la bonne foi cède le pas sur le principe de la légalité : la restitution intervient dès qu’un versement a été fait sans cause juridique (ATF 122 V 134 consid. 2e p. 139; arrêt 9C_496/2009 du 10 juillet 2009 consid. 3; cf. ULRICH MEYER, Die Rückerstattung von Sozialversicherungsleistungen, in: Ausgewählte Schriften, Thomas Gächter (éd.), 2013, p. 145).

En tout état de cause, la caisse de pension devra examiner, conformément au consid. 4 du jugement attaqué (p. 15), s’il peut être renoncé à la restitution de tout ou partie du montant de 59’443 fr. 20 perçu à tort du 01.01.2011 au 30.06.2015, cela aux conditions de l’art. 72 al. 2 RPEC, ainsi que du règlement de Publica concernant les cas de rigueur, en relation avec l’art. 35a al. 1 LPP, seconde phrase.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_643/2017 consultable ici

 

 

9C_590/2019 (d) du 15.06.2020 – destiné à la publication – Calcul des cotisations des assurés sans activité lucrative – 4 al. 2 lit. a LAVS – 10 al. 1 LAVS – 6ter let. a RAVS – 28 al. 1 RAVS / Revenus d’une activité lucrative d’une personne domiciliée en Suisse exploitant ou associé d’une entreprise ou d’un établissement stable sis dans un État avec lequel la Suisse n’a pas conclu de convention de sécurité sociale – 6ter let. a RAVS

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_590/2019 (d) du 15.06.2020, destiné à la publication

 

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Résumé de « Jurisprudence du Tribunal fédéral relative au droit des cotisations AVS », Sélection de l’OFAS no 73

 

Calcul des cotisations des assurés sans activité lucrative / 4 al. 2 lit. a LAVS – 10 al. 1 LAVS – 6ter let. a RAVS – 28 al. 1 RAVS

Revenus d’une activité lucrative d’une personne domiciliée en Suisse exploitant ou associé d’une entreprise ou d’un établissement stable sis dans un État avec lequel la Suisse n’a pas conclu de convention de sécurité sociale / 6ter let. a RAVS

 

Le revenu de l’activité lucrative qu’une personne domiciliée en Suisse acquiert comme exploitante ou comme associée d’une entreprise ou d’un établissement stable sis dans un État avec lequel la Suisse n’a pas conclu de convention de sécurité sociale ne représente pas un revenu sous forme de rente, tant effectif que fictif. La directive de l’OFAS inscrite au n° 1038.1 DDA va donc à l’encontre des prescriptions légales (consid. 4.6 – 4.7).

L’assurée a son domicile en Suisse et n’y exerce aucune activité lucrative. En tant qu’exploitante d’un hôtel et d’un centre de bien-être en Amérique du Sud, elle génère des revenus qui sont incontestablement des revenus provenant d’une activité lucrative indépendante, mais qui sont exceptés du calcul des cotisations conformément à l’art. 6ter let. a RAVS. Pour cette raison, et aussi parce qu’elle n’exerce aucune autre activité lucrative, l’assurée est tenue, conformément à l’art. 10 al. 1, 1ère phrase, LAVS, de verser des cotisations aux assurances sociales en tant que personne sans activité lucrative. Sur recours de la caisse de compensation, le Tribunal fédéral devait trancher la question de savoir si les revenus issus de l’exploitation de l’hôtel et du centre de bien-être devaient être qualifiés de revenus sous forme de rente au sens de l’art. 28 al. 1 RAVS.

La norme de délégation de l’art. 10 al. 3 LAVS laisse une grande marge de manœuvre au Conseil fédéral en matière de réglementation du calcul des cotisations des assurés sans activité lucrative. Elle ne prévoit aucune limitation concernant les dispositions à adopter et laisse au législateur le soin d’adopter des prescriptions plus détaillées sur le cercle des personnes considérées comme n’exerçant pas d’activité lucrative ainsi que sur le calcul des cotisations (ATF 141 V 377 consid. 4.2 p. 381). De même, l’habilitation du Conseil fédéral, posée à l’art. 4 al. 2 let. a LAVS, d’excepter du calcul des cotisations les revenus provenant d’une activité lucrative exercée à l’étranger, n’est pas limitée.

D’après les prescriptions claires de l’art. 6ter RAVS, sont exceptés du calcul des cotisations les revenus d’une activité lucrative qu’une personne domiciliée en Suisse acquiert comme exploitant ou comme associé d’une entreprise ou d’un établissement stable sis dans un État avec lequel la Suisse n’a pas conclu de convention de sécurité sociale (let. a), comme organe d’une personne morale sise dans un État avec lequel la Suisse n’a pas conclu de convention de sécurité sociale (let. b) ou comme personne acquittant l’impôt calculé sur la dépense au sens de l’art. 14 LIFD (RS 642.11) (let. c). Pour la troisième catégorie de personnes, le Conseil fédéral a décidé expressément à l’art. 29 al. 5 RAVS, disposition reconnue conforme à la Constitution et à la loi dans l’ATF 141 V 377, que le montant estimatif des dépenses retenu pour la fixation de l’impôt doit être assimilé à un revenu acquis sous forme de rente (au sens de l’art. 28 al. 1 RAVS). Il n’existe pas de disposition (réglementaire) comparable pour les personnes du premier groupe, alors que l’édiction d’une telle disposition aurait été possible sans autre. Il ne va pas de soi que les revenus d’une activité lucrative acquis à l’étranger (dans un État avec lequel la Suisse n’a pas conclu de convention de sécurité sociale), qui sont considérés en droit suisse comme des revenus d’une activité lucrative, doivent être assimilés à des revenus sous forme de rente.

La conversion du revenu sous forme de rente, prévue à l’art. 28 RAVS, doit permettre de calculer la fortune qui génère un produit annuel équivalent au montant de ce revenu ; il s’agit donc de déterminer un capital de couverture fictif correspondant à la rente qui en serait issue (ATF 141 V 186 consid. 3.2.2 p. 190 s. avec références). Celui-ci doit, selon l’art. 28 al. 2 RAVS, être ajouté à une fortune éventuelle.

Le fait de considérer comme revenu sous forme de rente le revenu de l’activité lucrative acquis comme exploitant ou comme associé d’une entreprise ou d’un établissement stable sis dans un État avec lequel la Suisse n’a pas conclu de convention de sécurité sociale aurait pour conséquence que l’entreprise sur laquelle le revenu en question (sous forme de rente) est basé serait pris en compte deux fois lors du calcul des cotisations : une fois en tant que fortune effective de la personne assurée et une autre fois en tant que capital de couverture fictif servant de base au revenu. Un tel « cumul » dans la perception des cotisations sur la fortune (effective et fictive) ne se justifie par aucune raison objective. Il n’existe pas non plus pour les personnes sans activité lucrative qui sont imposées d’après la dépense conformément à l’art.14 LIFD. Si, conformément à l’art. 29 al. 5 RAVS, le montant estimatif des dépenses pour la fixation de l’impôt est assimilé au revenu sous forme de rente, la fortune, dans la mesure où elle a déjà été prise en compte dans l’estimation des dépenses, ne devrait plus être ajoutée au revenu de la rente « capitalisé » (arrêt H 20/03 du 30 décembre 2005 consid. 5). De même, un « cumul » dans la perception des cotisations ne s’applique pas au produit de la fortune. Ce revenu – qui présente des caractéristiques comparables aux revenus générés par l’exploitante d’une entreprise (qui ne sont pas considérés comme des revenus soumis à cotisations) – n’est généralement pas considéré comme un revenu sous forme de rente. Le fait de ne pas imputer de revenus sous forme de rente à la catégorie de personnes visée à l’art. 6ter let. a RAVS, alors que tel est le cas pour celle visée à la let. c, ne constitue donc pas une inégalité de traitement. Au vu de ce qui précède, le Tribunal fédéral rejette le recours introduit par la caisse de compensation.

 

 

Arrêt 9C_590/2019 consultable ici

Résumé de « Jurisprudence du Tribunal fédéral relative au droit des cotisations AVS », Sélection de l’OFAS no 73

 

 

8C_44/2019 (f) du 19.05.2020 – Rapport d’assurance avec un assureur 68 LAA / Couverture d’assurance LAA – 59 LAA – 92 LAA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_44/2019 (f) du 19.05.2020

 

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Rapport d’assurance avec un assureur 68 LAA

Couverture d’assurance LAA – 59 LAA – 92 LAA

 

La société A.__ SA a pour but statutaire la formation, le coaching et les activités de conseils dans le domaine des ressources humaines, l’exploitation d’établissements, d’hôtels, de restaurants ou de maisons d’hôtes. Jusqu’en 2006, cette société avait pour raison sociale B.__ SA. A.__ SA exploite l’hôtel « C.__ ». Depuis le 01.07.2002, son personnel est assuré contre les accidents professionnels et non professionnels auprès d’un assureur-accidents LAA (selon l’art. 68 LAA).

Par contrat du 17.05.2014, A.__ SA a engagé D.__ comme responsable d’exploitation à plein temps à compter du 01.06.2014. Le 25.06.2014, il a été victime d’un accident professionnel. Il en est résulté des brûlures sur 35% de la surface corporelle. L’événement a été annoncé par l’employeur à l’assurance-accidents, avec la référence du contrat d’assurance en vigueur depuis le 01.07.2002. Après instruction, l’assurance-accidents a découvert que l’assuré ne travaillait pas pour l’hôtel « C.__ » mais pour le restaurant « E.__ », lequel était également géré par la société A.__ SA.

Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a refusé la prise en charge de l’accident du 25.06.2014, au motif qu’il n’existait pas à cette date de couverture d’assurance relative au restaurant « E.__ », et a invité A.__ SA à annoncer le cas à la Caisse supplétive LAA.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 134/17 – 147/2018 – consultable ici)

Les juges cantonaux ont considéré que si la demande d’affiliation ainsi que le questionnaire d’affiliation faisaient expressément mention – sous « établissement » – de l’hôtel « C.__ », rien ne permettait de penser que le risque était limité aux seules activités exercées au sein de cet établissement. En effet, selon l’art. 59 al. 2 LAA, le contrat d’assurance était passé entre un assureur et un employeur. Or la demande d’affiliation et le questionnaire d’affiliation précisaient, sans la moindre ambiguïté, que l’employeur était la société B.__ SA (aujourd’hui : A.__ SA), ce qui ressortait aussi de l’attestation de l’assurance-accidents du 29.01.2003 certifiant que l’ensemble des collaborateurs de B.__ SA était déclaré auprès de ses institutions sociales depuis le 01.07.2002. Au vu des documents relatifs à la relation contractuelle produits en instance cantonale, on ne trouvait aucun indice d’une volonté des parties au contrat de limiter la couverture d’assurance aux seules activités de l’hôtel « C.__ ». Une telle problématique n’avait pas non plus été évoquée en 2006 à l’occasion de la modification de la raison sociale de l’employeur et du but de la société (cf. art. 92 al. 4 LAA). En outre, la limitation de la couverture d’assurance aux seules activités de l’hôtel « C.__ » aurait constitué une clause insolite, à laquelle l’employeur aurait dû être rendu expressément attentif.

Par jugement du 28.11.2018, admission par le tribunal cantonal du recours formé par la Caisse supplétive LAA contre la décision sur opposition, réformée en ce sens que l’assurance-accidents est tenue de prendre en charge les suites de l’accident du 25.06.2014.

 

TF

Le litige porte sur la question de savoir si l’assuré était au bénéfice d’une couverture d’assurance auprès de l’assurance-accidents lors de l’accident du 25.06.2014. Il s’ensuit que le pouvoir d’examen du Tribunal fédéral dans la présente procédure se limite, en ce qui concerne les faits, aux constatations manifestement inexactes – c’est-à-dire arbitraire au sens de l’art. 9 Cst. (ATF 145 V 188 consid. 2 p. 190) – ou établies en violation du droit par les premiers juges (arrêts 8C_393/2011 du 13 février 2012 consid. 2; 8C_814/2009 du 5 août 2010 consid. 1.3; 8C_293/2009 du 23 octobre 2009 consid. 2.3 et les références).

 

Les travailleurs occupés en Suisse sont assurés à titre obligatoire (art. 1a al. 1 let. a LAA) contre les accidents professionnels, les accidents non professionnels et les maladies professionnelles (art. 6 al. 1 LAA). En cas d’accident professionnel, il incombe à l’assureur auprès duquel le travailleur était assuré au moment où est survenu l’accident d’allouer les prestations (art. 77 al. 1, 1 re phrase, LAA).

L’assurance-accidents est gérée, selon les catégories d’assurés, par la CNA ou par d’autres assureurs autorisés et par une caisse supplétive gérée par ceux-ci (art. 58 LAA). Selon l’art. 68 al. 1 LAA, les personnes que la CNA n’a pas la compétence d’assurer doivent être assurées contre les accidents par une entreprise d’assurance privée soumise à la loi fédérale sur la surveillance des assurances (LSA ; RS 961.01), par une caisse publique d’assurance-accidents ou par une caisse-maladie au sens de la loi fédérale sur l’assurance-maladie (LAMal). L’employeur doit veiller à ce que les travailleurs qu’il emploie soient assurés auprès d’un des assureurs désignés à l’art. 68 LAA (art. 69 al. 1, 1e phrase, LAA). Si un travailleur soumis à l’assurance obligatoire n’est pas assuré au moment où survient un accident, la caisse supplétive lui alloue les prestations légales (art. 59 al. 3 LAA ; cf. art. 73 al. 1 LAA).

Alors que, dans l’assurance obligatoire, le rapport d’assurance avec la CNA est fondé sur la loi (art. 59 al. 1 LAA), le rapport d’assurance avec les autres assureurs est fondé sur un contrat passé entre l’employeur et l’assureur ou sur l’appartenance à une caisse résultant des rapports de travail (art. 59 al. 2 LAA). Aussi bien les entreprises d’assurance que les caisses maladies autorisées à pratiquer l’assurance-accidents au sens de l’art. 68 LAA agissent comme détentrices de la puissance publique, puisque la loi leur donne la compétence de rendre des décisions. Un tel pouvoir leur confère la possibilité de conclure des contrats d’assurance avec des employeurs et de réglementer des questions qui relèvent du droit public. Ces contrats peuvent être librement qualifiés de contrats spéciaux de droit public selon la LAA, qui ne sont liés ni aux règles de la LCA ni à celles de la LAMal. Dans la mesure où la LAA et son ordonnance d’exécution règlent l’assurance-accidents obligatoire de manière très détaillée, il ne reste que peu de place à l’autonomie contractuelle des parties. Les assureurs désignés à l’art. 68 LAA sont ainsi tenus d’établir conjointement un contrat-type – soumis à l’approbation du Conseil fédéral – contenant les clauses qui doivent obligatoirement figurer dans tout contrat d’assurance (art. 59a al. 1 et 3 LAA, en vigueur depuis le 01.12.2017; cf. art. 93 al. 1 OLAA dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31.12.2016). Dans ces limites, les parties peuvent toutefois régler librement différents points, tels que la durée ou les modalités de résiliation du contrat, ou encore l’échéance et le mode de paiement des primes. Les règles auxquelles sont soumis ces contrats doivent être déterminées par interprétation de la LAA ; le cas échéant, on comblera les lacunes de la loi en recourant aux règles de la LCA ou de la LAMal relatives au contrat d’assurance. Enfin, comme pour les contrats de droit public en général, on pourra faire appel à titre complémentaire aux règles du code des obligations, par exemple à celles relatives à la conclusion du contrat, aux vices de la volonté ou à la nullité du contrat. Lors de la reprise de règles du droit privé ou du droit public, il y a toujours lieu d’examiner si ces règles correspondent au sens, au but et au système de la LAA (cf. arrêt 8C_324/2007 du 12 février 2008 consid. 2.1 et les références, in SVR 2008 UV n°18 p. 65).

Selon l’art. 92 LAA, les assureurs fixent les primes en pour-mille du gain assuré (al. 1, 1e phrase). En vue de la fixation des primes pour l’assurance des accidents professionnels, les entreprises sont classées dans l’une des classes du tarif des primes et, à l’intérieur de ces classes, dans l’un des degrés prévus ; le classement tient compte de la nature des entreprises et de leurs conditions propres, notamment du risque d’accidents et de l’état des mesures de prévention ; les travailleurs d’une entreprise peuvent être classés par groupe, dans des classes et degrés différents (al. 2). Le changement de genre de l’entreprise et la modification de ses conditions propres doivent être annoncés dans les quatorze jours à l’assureur compétent ; si les changements sont importants, l’assureur peut modifier le classement de l’entreprise dans les classes et degrés du tarif des primes, le cas échéant avec effet rétroactif (al. 4). En vertu de l’art. 124 let. d OLAA, le classement initial d’une entreprise dans les classes et degrés du tarif des primes, de même que la modification de ce classement, doit faire l’objet d’une décision communiquée par écrit par l’assureur.

Aux termes de l’art. 93 LAA, l’employeur doit établir régulièrement un relevé de salaires donnant, pour chaque travailleur, des renseignements exacts sur le mode d’occupation, le salaire, le nombre et les dates des jours de travail (al. 1, 1e phrase). L’assureur évalue d’avance le montant des primes pour un exercice annuel entier et le porte à la connaissance de l’employeur ; en cas de modification importante, les primes peuvent être adaptées en cours d’année (al. 2). Les primes pour chaque exercice annuel sont payables d’avance (al. 3, 1e phrase). À la fin de l’exercice annuel, le montant des primes est définitivement calculé par l’assureur d’après le total effectif des salaires (al. 4, 1e phrase).

 

En l’espèce, rien n’établit que l’assurance-accidents n’aurait perçu aucune prime pour les employés de A.__ SA qui travaillaient dans le restaurant « E.__ », ni que les employés en question n’auraient jamais été annoncés dans les décomptes de salaires remis à l’assurance-accidents. Il sied de préciser qu’il n’est pas contesté que A.__ SA (alors B.__ SA) exploitait uniquement l’hôtel « C.__ » lorsqu’elle avait assuré son personnel auprès de l’assurance-accidents en 2002 et que ce n’est qu’en avril 2014 qu’elle avait en outre repris le restaurant « E.__ » en vue de son ouverture en juin 2014.

 

Par ailleurs, si des démarches ont été effectuées après l’accident de D.__ du 25.06.2014 afin que les employés de A.__ SA travaillant dans le restaurant « E.__ » soient affiliés sous un contrat distinct de la police n° yyy conclue en 2002, c’était pour répondre aux demandes de l’assurance-accidents, fondées apparemment sur sa pratique d’établir des contrats distincts pour chaque établissement géré par une même société. Or il n’y a pas de nécessité légale d’établir des polices distinctes pour des établissements exploités par le même employeur, puisque l’art. 92 LAA permet de classer les travailleurs d’une entreprise par groupe, dans des classes et degrés différents, de manière à appliquer des taux de primes nets différents en fonction des différentes classes de risque.

 

Le TF rejette le recours de l’assurance-accidents.

 

 

Arrêt 8C_44/2019 consultable ici

 

 

4A_245/2019 (f) du 09.01.2020 – Licenciement – Caractère abusif de la résiliation du contrat de travail nié – 336 CO

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_245/2019 (f) du 09.01.2020

 

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Licenciement – Caractère abusif de la résiliation du contrat de travail nié – 336 CO

 

Employée engagée le 23.05.2014 par le Service pénitentiaire en qualité d’agente de détention en formation à 100%. Le contrat de travail prévoyait une durée maximale de cinq ans.

Le 21.08.2015, un téléphone portable a été découvert dans l’une des cellules de l’établissement carcéral. Une enquête pénale a été ouverte. L’extraction des données de l’appareil saisi a révélé deux identifiants « Skype » présents dans la mémoire du téléphone, lesquels correspondaient à l’employée respectivement à une dénommée D.________ [correspondant au prénom de l’employée.].

Le 17.08.2016, le directeur de l’établissement s’est approché de l’employée de manière informelle afin de lui demander si les identifiants « Skype » décelés lui appartenaient. Les soupçons pesants contre elle ont également été évoqués à cette occasion.

Le 24.08.2016, lors d’un entretien organisé entre le directeur de l’établissement pénitentiaire, le surveillant-chef et l’employée, cette dernière a reconnu avoir eu des contacts téléphoniques (mode téléphonie et messages) avec une personne détenue. Le procès-verbal de cet entretien a été signé à l’occasion d’une nouvelle rencontre tenue le lendemain.

Par courrier du 26.08.2016, le service des ressources humaines a informé l’employée de son intention de mettre fin à son contrat de travail pour les motifs suivants : l’employée avait entretenu, avec un ou des détenus, un lien qui était totalement incompatible avec ses devoirs de service ; elle l’avait caché à ses supérieurs pendant près de deux ans, au même titre que la présence d’objets prohibés dans l’enceinte de la prison ; elle avait ainsi contrevenu de manière manifeste à son cahier des charges et au code de déontologie et sapé le rapport de confiance qui devait exister entre l’autorité et ses collaborateurs. L’employée était invitée à s’exprimer.

Par lettre du 30.09.2016, l’employée a contesté le contenu du courrier précédent et les reproches formulés à son encontre. Elle a souligné le contexte et l’ancienneté des faits qui s’étaient déroulés entre septembre et novembre 2014. Par ailleurs, elle a indiqué qu’elle n’avait alors pas conscience d’être en contact « Skype » avec un détenu et que, lorsqu’elle avait pu l’imaginer, elle y avait immédiatement mis fin. Elle a expliqué qu’à l’instar de ses collègues, elle savait qu’un ancien surveillant avait introduit des téléphones portables au sein de l’établissement, qu’elle n’en avait jamais vus, mais qu’elle avait imaginé qu’il était possible qu’un détenu l’ait contactée par ce biais. Il ne pouvait enfin lui être reproché d’avoir contrevenu à son cahier des charges et au code de déontologie dès lors qu’elle n’y avait adhéré qu’après les faits qui lui étaient reprochés.

L’employée s’est trouvée en incapacité de travailler depuis le 25.08.2016.

Par courrier du 25.11.2016, alors que l’employée était toujours en arrêt maladie, le service précité a résilié le contrat de travail avec effet au 31.01.2017.

Le 23.12.2016, l’employée a formé opposition au congé, qu’elle tenait pour abusif.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 13.11.2018, le tribunal civil a rejeté la demande.

Par arrêt du 16.04.2019, la Cour d’appel civile a rejeté pour l’essentiel l’appel de l’employée.

 

TF

Lorsque le contrat de travail est de durée indéterminée, chaque partie est en principe libre de le résilier (art. 335 al. 1 CO), moyennant le respect du délai et du terme de congé convenus ou légaux. Le droit suisse du contrat de travail repose en effet sur la liberté contractuelle. La résiliation ordinaire du contrat de travail ne suppose pas l’existence d’un motif de congé particulier (ATF 132 III 115 consid. 2.1; 131 III 535 consid. 4.1; 127 III 86 consid. 2a p. 88). La limite à la liberté contractuelle découle des règles de l’abus de droit (art. 336 CO). La résiliation ordinaire du contrat de travail est abusive lorsqu’elle intervient dans l’une des situations énumérées à l’art. 336 al. 1 CO, lesquelles se rapportent aux motifs indiqués par la partie qui résilie (ATF 136 III 513 consid. 2.3 p. 514/515; 132 III 115 consid. 2.4 p. 118; 131 III 535 consid. 4.2 p. 539). L’énumération de l’art. 336 al. 1 CO n’est pas exhaustive et un abus du droit de résiliation peut se révéler aussi dans d’autres situations qui apparaissent comparables, par leur gravité, aux hypothèses expressément visées par cette disposition (ATF 136 III 513 consid. 2.3 p. 514/515; 132 III 115 consid. 2 p. 116; 131 III 535 consid. 4 p. 537). Ainsi, la résiliation ordinaire est abusive lorsque l’employeur la motive en accusant le travailleur d’un comportement contraire à l’honneur, s’il apparaît que l’accusation est infondée et que, de plus, l’employeur l’a élevée sans s’appuyer sur un indice sérieux ni avoir entrepris de vérification (arrêts 4A_485/2016-4A_491/2016 du 28 avril 2017 consid. 2.2.2; 4A_694/2015 du 4 mai 2016 consid. 2.2; 4A_99/2012 du 30 avril 2012 consid. 2.2.1). La manière dont le congé est donné peut aussi le faire apparaître comme abusif. Même lorsque le motif de la résiliation est en soi légitime, celui qui exerce son droit de mettre fin au contrat doit agir avec des égards. Si l’employeur porte une grave atteinte à la personnalité du travailleur dans le contexte d’une résiliation, celle-ci doit être considérée comme abusive ; un comportement simplement inconvenant ne suffit pas (ATF 132 III 115 consid. 2.2 p. 117 et consid. 2.3 p. 118; 131 III 535 consid. 4.2 p. 538 s.).

Pour pouvoir examiner si la résiliation ordinaire est abusive ou non (art. 336 CO), il faut déterminer quel est le motif de congé invoqué par la partie qui a résilié (ATF 132 III 115 consid. 2 p. 116; 131 III 535 consid. 4 p. 537; 125 III 70 consid. 2 p. 72). Le motif de la résiliation relève du fait (ATF 130 III 699 consid. 4.1 p. 702 s.) et les constatations de l’arrêt attaqué à ce sujet ne peuvent être attaquées que dans la mesure restreinte permise par l’art. 97 al. 1 LTF, à savoir pour arbitraire (art. 9 Cst.) dans l’établissement des faits et l’appréciation des preuves. En revanche, savoir si le motif ainsi établi donne lieu à un congé abusif ou non relève de l’application du droit, que le Tribunal fédéral revoit librement.

Il incombe en principe au destinataire de la résiliation de démontrer que celle-ci est abusive. Le juge peut toutefois présumer en fait l’existence d’un congé abusif lorsque l’employé parvient à présenter des indices suffisants pour faire apparaître comme non réel le motif avancé par l’employeur. Ce dernier ne peut alors rester inactif, n’ayant d’autre issue que de fournir des preuves à l’appui de ses propres allégations quant au motif de congé (ATF 130 III 699 consid. 4.1 p. 703; 123 III 246 consid. 4b).

 

Il est constant que les parties se sont liées par un contrat de travail de durée indéterminée, librement résiliable par chacune d’elles conformément à l’art. 335 al. 1 CO, moyennant le respect du délai et du terme de congé convenus ou légaux.

Le principal motif invoqué par l’employeur à l’appui du congé ordinaire réside dans les contacts téléphoniques entretenus par l’employée avec un ou des détenus. En droit, l’absence de caractère abusif d’un tel motif n’est guère contestable. L’employée reproche à tort à l’employeur de ne pas avoir apporté la preuve de la réalité de ce motif. Il ne lui appartenait pas de le faire : c’était à elle, bien au contraire, de démontrer que les faits reprochés ne s’étaient pas produits.

La cour cantonale a jugé que cette preuve n’avait pas été apportée. Bien plus, fondés sur les propres déclarations de l’employée transcrites dans le procès-verbal du 24.08.2016, les juges cantonaux ont retenu que les contacts téléphoniques prohibés avaient bel et bien eu lieu. Il s’agit là d’une problématique de constatation de faits et d’appréciation des preuves que le Tribunal fédéral ne pourrait revoir que s’il était saisi du grief d’arbitraire. Ce n’est toutefois pas sous cet angle que l’employée déploie son argumentation. Elle se borne à prétendre que ses déclarations lors de l’entrevue du 24.08.2016 telles que protocolées ne suffiraient pas à attester qu’elle savait qu’elle conversait avec un détenu lors des contacts en cause, tirant argument de « l’exploitation du lien de subordination » et la « situation de faiblesse et d’infériorité » dans laquelle elle aurait été placée. L’employée n’évoque toutefois aucun élément de fait qui accréditerait cette assertion. Selon elle, le procès-verbal de l’entretien n’en refléterait pas fidèlement la teneur. Il n’a pourtant pas été signé sur le vif, mais le lendemain de la rencontre. L’employée se plaint encore de « l’attitude de sa hiérarchie » à cette occasion, mais – derechef – n’évoque pas le moindre élément susceptible de décrire dans quelle mesure cette attitude aurait été inappropriée. C’est finalement à tort que l’employée se prévaut d’une situation analogue à celle qui a fait l’objet de l’arrêt 4A_694/2015 précité. Le 17.08.2016 déjà, le directeur de l’établissement s’est approché de l’employée de manière informelle afin de lui demander si les identifiants «Skype» décelés lui appartenaient; les soupçons pesant contre elle ont également été évoqués à cette occasion. Les thèmes abordés lors de l’entrevue du 24.08.2016 ne représentaient dès lors pas une surprise pour l’employée et, si elle l’avait estimé nécessaire, elle aurait pu s’adjoindre un mandataire professionnel. Il n’appartenait en revanche pas à l’employeur – fût-il représenté par deux personnes lors de cet entretien – de lui conseiller de le faire, comme elle le soutient à mots couverts.

S’agissant de la manière dont le licenciement lui a été signifié, l’employée y voit également un abus du droit de l’employeur. Cela étant, si l’on peut fort bien concevoir que le congé ait bouleversé l’employée, que celle-ci ait dû consulter un médecin à la suite de ces événements et que le licenciement la plaçait dans la situation de devoir retrouver un emploi – avec le lot de soucis qui l’accompagnait -, l’employeur n’en porte pas la responsabilité. Il n’a selon toute évidence pas licencié l’employée pour la blesser, comme celle-ci le suggère plus qu’elle ne l’affirme.

C’est dès lors à bon droit que la cour cantonale a considéré que le congé n’était pas abusif.

 

Le TF rejette le recours de l’employée.

 

 

Arrêt 4A_245/2019 consultable ici

 

 

9C_606/2019 (i) du 20.05.2020 – Révision d’une rente d’invalidité – 17 LPGA / Comparaison des revenus d’un assuré résidant à l’étranger – 16 LPGA / Données du marché du travail italien pour les revenus sans invalidité et d’invalide – Statistiques du BIT / Date d’effet de la suppression de la rente d’invalidité – 88bis RAI

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_606/2019 (i) du 20.05.2020

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt original fait foi.

 

Révision d’une rente d’invalidité / 17 LPGA

Comparaison des revenus d’un assuré résidant à l’étranger / 16 LPGA

Données du marché du travail italien pour les revenus sans invalidité et d’invalide – Statistiques du BIT

Date d’effet de la suppression de la rente d’invalidité / 88bis RAI

 

Assuré, de nationalité italienne, né en 1953, actif en Suisse de 1976 à 1994 comme travailleur frontalier en tant que menuisier, a demandé le 09.03.1994 des prestations AI pour les conséquences d’un accident du travail. Par décision du 06.03.1997, l’Office de l’AI pour les assurés résidant à l’étranger (ci-après : OAIE) lui a octroyé une demi-rente d’invalidité à compter du 01.03.1995.

Les révisions en 1999, 2002, 2005 et 2008 ont permis de constater que la situation n’avait pratiquement pas changé.

Dans le cadre d’une 5e procédure de révision d’office en avril 2012, l’OAIE a supprimé la rente d’invalidité à compter du 01.04.2013, compte tenu de l’expertise rhumatologique du 05.11.2012, ainsi qu’à la lumière du travail effectué en Italie depuis le 01.01.1998 en tant que concierge/gardien pour un centre culturel.

 

Procédure cantonale (arrêt du TAF C-5143/2017 – consultable ici)

Dans l’arrêt précédant du 07.01.2015 (C-1509/2013), le Tribunal administratif fédéral (ci-après : TAF) a annulé la première décision de l’OAIE et lui a renvoyé l’affaire afin qu’il recalcule le degré d’invalidité et prenne une nouvelle décision. Dans cet arrêt, le Tribunal administratif fédéral a offert à l’OAIE deux possibilités pour le calcul de la comparaison des revenus, à savoir utiliser les données du marché du travail italien ou suisse.

Dans son arrêt du 02.07.2019 (C-5143/2017), le TAF a donc confirmé la décision de l’administration de se fonder sur le marché du travail italien pour déterminer le degré d’invalidité, compte tenu notamment du fait que l’assuré travaillait à plein temps en Italie, en utilisant pleinement sa capacité de travail restante. Sur la base des conclusions de l’OAIE, les juges ont estimé un revenu d’invalidité de EUR 29’724 pour 2013, compte tenu du salaire perçu en tant que concierge/gardien en Italie, une activité qui a été exercée pendant près de 20 ans. De plus, ce montant ne constitue même pas un salaire social selon les normes italiennes. Le TAF a vérifié l’exactitude de la valeur considérée par l’administration par rapport aux données statistiques italiennes pour l’activité de menuisier, c’est-à-dire un revenu brut mensuel actualisé jusqu’en 2013 de EUR 2’055,85.

Par jugement du 02.07.2019, rejet du recours par le TAF, estimant que l’assuré ne subissait plus de préjudice financier du fait de son invalidité et que le droit à une demi-rente était supprimé au 01.04.2013.

 

TF

Les règles juridiques et jurisprudentielles relatives à la comparaison des revenus, y compris celles relatives à l’application des données statistiques, sont des questions de droit qui peuvent être librement examinées (ATF 130 V 343 consid. 3.4 p. 348). L’évaluation de l’invalidité est faite en tenant compte d’une situation équilibrée sur le marché du travail (art. 16 LPGA). Cette notion théorique et abstraite (ATF 134 V 64 consid. 4.2.1 p. 70 ss) implique, d’une part, un certain équilibre entre l’offre et la demande de main d’œuvre et, d’autre part, un marché du travail structuré de telle sorte qu’il offre un éventail d’emplois diversifiés.

Lors de la comparaison des revenus d’un assuré résidant à l’étranger, la comparaison des revenus déterminant le degré d’invalidité doit être effectuée sur le même marché du travail, car la disparité des salaires et du coût de la vie d’un pays à l’autre rend impossible une comparaison objective des revenus en question (ATF 110 V 273 consid. 4 b p. 277).

In casu, le TAF a constaté que l’administration avait opté pour les données du marché du travail italien, compte tenu également du fait que malgré l’atteinte à la santé l’assuré avait repris un emploi à plein temps dès janvier 1998, utilisant pleinement sa capacité résiduelle de travail. Le TAF conclut que les données salariales déclarées par l’employeur italien ont été prises en compte, de même que les valeurs statistiques relatives à l’activité de menuiserie en Italie provenant des tableaux du Bureau international du travail à Genève (BIT, Statistiques des salaires et durée du travail par profession et prix de détail de produits alimentaires). L’utilisation des données statistiques du BIT est désormais reconnue par la jurisprudence fédérale (cf. arrêts 9C_574/2012 du 12 juin 2013 consid. 4.1 ; 9C_839/2008 du 29 octobre 2009 consid. 6).

 

S’agissant de la date à partir de laquelle la révision prend effet (art. 88bis RAI), le Tribunal fédéral a déjà eu l’occasion de préciser que les instructions complémentaires mises en œuvre après un jugement de renvoi ne signifient pas nécessairement que les conclusions initiales étaient erronées, mais seulement qu’elles ne pouvaient pas être confirmées sur la base des documents disponibles. Selon la jurisprudence, si la nouvelle instruction confirme ce qui a été initialement conclu et que la première décision d’annulation ou de réduction des prestations s’est avérée correcte, sa confirmation est justifiée rétroactivement, sous réserve que l’effet suspensif ait été retiré dans la première décision (arrêt 8C_451/2010 du 11 novembre 2010, publié dans SVR 2011 IV 33 p. 96, voir aussi ATF 129 V 370 et 106 V 18).

En l’espèce, les investigations d’ordre économique réalisées ont confirmé le résultat de la première décision du 18.02.2013, à savoir que les conditions pour le maintien de la rente d’invalidité n’étaient plus remplies. Comme l’a correctement conclu le TAF, l’OAIE pouvait annuler la prestation avec effet rétroactif au 01.04.2013.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_606/2019 consultable ici

 

 

9C_669/2019 (d) du 07.04.2020 – destiné à la publication – Curatrice professionnelle – Statut de cotisant à l’AVS / 5 LAVS – 8 LAVS – 9 al. 1 LAVS – 13 LAVS

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_669/2019 (d) du 07.04.2020, destiné à la publication

 

Consultable ici

Résumé de « Jurisprudence du Tribunal fédéral relative au droit des cotisations AVS (sélection de l’OFAS) – n° 72 »

 

Curatrice professionnelle – Statut de cotisant à l’AVS / 5 LAVS – 8 LAVS – 9 al. 1 LAVS – 13 LAVS

 

L’assurée exerce la fonction de curatrice professionnelle (Fachbeiständin) désignée par l’autorité de protection de l’enfant et de l’adulte (personne privée possédant des qualifications professionnelles spécifiques) en qualité de personne exerçant une activité indépendante au sens de la loi sur l’AVS (consid. 6.2 et 6.3).

La recourante exerce comme curatrice professionnelle pour l’autorité de protection de l’enfant et de l’adulte (APEA). Elle conteste sa qualification pour cette activité en tant que personne exerçant une activité salariée.

La qualification au regard du droit des cotisations est une question juridique qui peut être examinée librement par le Tribunal fédéral. Il en va de même quant au fait de savoir s’il y a eu une correcte pesée des critères déterminants pour l’évaluation du statut de cotisant et si leur importance a été correctement appréciée (consid. 2.2).

Dans les faits, il existe trois catégories de curateurs : les curateurs professionnels – Berufsbeistände (collaborateurs des services de curatelle ou des services sociaux qui exécutent principalement des mandats de curatelle), les curateurs professionnels – Fachbeistände (personnes privées possédant des qualification professionnelles spécifiques en lien avec la protection de l’adulte qui, en parallèle à d’autres tâches, exécutent également des mandats de curatelle) et les curateurs privés – private Mandatsträger (personnes sans qualification professionnelle spécifique en lien avec la protection de l’adulte). Il n’y a pas de distinction légale fondamentale entre ces catégories (consid. 4.1 et 4.2).

Le seul fait qu’une personne ait été nommée par l’Etat pour exercer une fonction ne signifie pas qu’il s’agisse dans tous les cas d’une activité salariée (consid. 6.1).

Depuis l’ATF 98 V 230 relatif au statut de cotisant d’un particulier exerçant la fonction de tuteur, le droit de la tutelle a été entièrement révisé avec le droit de la protection de l’enfant et de l’adulte entré en vigueur en 2013. L’obligation de prendre en charge un mandat de curateur a notamment été abandonnée. En outre, le Tribunal fédéral a précisé sa jurisprudence relative au caractère distinctif du risque d’entrepreneur dans les activités de service typiques en ce sens que celui-ci est relégué au second plan par rapport à la dépendance économique et organisationnelle vis-à-vis du mandant ou de l’employeur (consid. 6.2).

Un élément essentiel de la relation de dépendance dans l’organisation du travail est l’obligation de se conformer aux instructions.

En principe ce sont les mêmes considérations que celles faites pour délimiter le contrat de mandat du contrat de travail qui sont applicables en ce qui concerne le fait d’être lié à des instructions. Dans la relation contractuelle de travail, le pouvoir de donner des instructions se rapporte à des éléments tels que les heures de travail, le comportement sur le lieu de travail, la procédure de travail, l’attribution de tâches, le plan d’engagement, etc. ; ce sont des ordres qui ne concernent pas seulement l’objectif à atteindre, mais également la façon dont le travail doit être effectué. Le droit de donner des instructions et/ou l’obligation de rendre des comptes découlant du contrat de mandat ne suffisent pas pour justifier un tel lien de subordination (consid. 6.2.2).

Bien que l’APEA puisse exercer une certaine influence sur le travail du curateur, l’autorité de surveillance et les mesures à disposition de l’APEA servent, toutefois, avant tout à sauvegarder les intérêts de la personne sous curatelle. Une gestion largement indépendante du mandat est caractéristique pour les services de curatelle. Sur la base de ces considérations, le Tribunal fédéral qualifie l’activité exercée par la curatrice professionnelle (Fachbeiständin) d’indépendante et admet le recours

 

 

Commentaire de l’OFAS in Jurisprudence du Tribunal fédéral relative au droit des cotisations AVS (sélection de l’OFAS) – n° 72

L’OFAS inclura des directives concernant le statut de cotisant des curateurs dans le prochain supplément des DSD.

 

 

Arrêt 9C_669/2019 consultable ici

 

 

8C_589/2019 (d) du 03.04.2020 – destiné à la publication – Obligation de cotiser en cas de versement de salaire arriéré – 3 LACI – 90c al. 1 LACI

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_589/2019 (d) du 03.04.2020, destiné à la publication

 

Consultable ici

Résumé de « Jurisprudence du Tribunal fédéral relative au droit des cotisations AVS (sélection de l’OFAS) – n° 71 »

 

Obligation de cotiser en cas de versement de salaire arriéré / 3 LACI – 90c al. 1 LACI

 

La détermination du taux de cotisation applicable au versement de salaire arriéré (art. 5, al. 1, LAVS) ne doit pas, ou pas exclusivement, être traitée au niveau de la perception des cotisations, mais principalement sous l’aspect, qui est lié à l’obligation de payer des cotisations, de l’année d’exercice de l’activité concernée, respectivement de l’imputation des cotisations correspondantes. Dans la mesure où le n° 2035.2 DP (état au 1er janvier 2018 ; variante b) fixe le taux de cotisation AC pour les revenus perçus dans l’année qui suit la cessation de l’obligation de payer des cotisations indépendamment des revenus perçus durant l’année d’exercice de l’activité lucrative ou pour laquelle le salaire est dû (Bestimmungsjahr), la directive correspondante doit être qualifiée, en accord avec l’instance précédente, de contraire au droit fédéral (consid. 3-8).

Le collaborateur de la recourante a pris une retraite anticipée au 1er janvier 2018. Le litige porte sur le taux de cotisation AC à appliquer à un versement de salaire arriéré de 44’000 francs pour 2017, réalisé en 2018. En cas d’ajout au salaire déterminant de 250’000 francs de l’année 2017, la conséquence aurait été que la limite maximale (cf. art. 3, al. 2, LACI) aurait déjà été atteinte et que seule la cotisation de solidarité de 1% selon l’art. 90c, al. 1, LACI aurait encore dû être perçue, alors que dans le cas contraire resp. en application du principe de réalisation selon le n° 2035.2 variante b) DP une cotisation de 2,2% aurait dû être perçue.

Selon la jurisprudence, la question de la naissance de l’obligation de cotiser doit être distinguée de celle de la perception des cotisations. Le moment de la réalisation du revenu est décisif pour la perception des cotisations ; l’obligation de cotiser dépend quant à elle du moment de l’exercice de l’activité lucrative. L’obligation de cotiser est directement fondée sur la loi et naît dès que les éléments qui la justifient selon la loi – qualité d’assuré et activité lucrative ou absence d’activité lucrative – sont réalisés (consid. 5.1).

Selon le Tribunal fédéral, il semble évident que le principe de réalisation s’applique à la perception des cotisations sur les versements de salaire arriéré – comme prévu par les DP. Un examen plus approfondi révèlerait toutefois que c’est plutôt au niveau de l’obligation de cotiser qu’il faut placer la question du taux de cotisation. Car, à la différence de la législation sur l’AVS, l’obligation de cotiser à l’AC est plafonnée. Au-delà de cette limite, il n’y a pas d’obligation de cotiser, respectivement il n’y en a qu’un prélèvement de solidarité selon l’art. 90c, al. 1, LACI en principe limité dans le temps. Puisque le collaborateur de la recourante n’exerçait plus d’activité lucrative au moment du versement de salaire arriéré, le revenu correspondant ne peut pas non plus être inscrit au compte individuel sous l’année de réalisation (art. 30ter, al. 2, let. a, LAVS ; consid. 7.2). Le Tribunal fédéral qualifie donc le n° 2035.2 variante b) DP – selon lequel, en cas de versements de salaire arriéré, il faut faire application du principe de réalisation – de contraire au droit fédéral (consid. 7.4).

 

Commentaire de l’OFAS in Jurisprudence du Tribunal fédéral relative au droit des cotisations AVS (sélection de l’OFAS) – n° 71

Les cotisations doivent être prélevées immédiatement selon le principe de l’année d’acquisition (Erwerbsjahrprinzip) sur les versements de salaire arriéré qui sont réalisés après un changement d’employeur, la cessation de l’activité lucrative ou la fin de l’obligation d’assurance. L’OFAS adaptera les DP en conséquence lors du prochain supplément.

 

 

Arrêt 8C_589/2019 consultable ici

 

 

4A_458/2018 (f) du 29.01.2020 – Licenciement immédiat injustifié – Dommage à l’évolution de l’avoir vieillesse LPP du travailleur / Changement non consenti d’institution de prévoyance et baisse du montant des cotisations LPP – Passage d’un régime surobligatoire à un régime obligatoire

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_458/2018 (f) du 29.01.2020

 

Consultable ici

 

Licenciement immédiat injustifié – Dommage à l’évolution de l’avoir vieillesse LPP du travailleur

Changement non consenti d’institution de prévoyance et baisse du montant des cotisations LPP – Passage d’un régime surobligatoire à un régime obligatoire

 

A.__ est courtier en valeurs financières. La société X.__ Sàrl s’est vouée statutairement au courtage financier. Son capital social est entièrement détenu par Y.__ LLC; cette société à responsabilité limitée sise aux Etats-Unis d’Amérique dispose d’une succursale dans le canton de Vaud, dont les locaux servent de siège à la société précitée.

Le 15.12.2007, X.__ Sàrl en qualité d’employeuse et A.__ en tant qu’employé ont signé un contrat de travail en vertu duquel celui-ci était engagé dès le 01.01.2008 comme directeur responsable du département des actions.

Au chapitre de la rémunération, l’art. 3 a) du contrat rédigé en anglais prévoyait un « Fixed Draw » de 502’900 fr. par an, susceptible d’être réduit par l’employeuse moyennant certaines conditions. La forme écrite était nécessaire pour modifier le contrat, selon l’art. 18.2 des « Terms and conditions » intégrés au contrat. L’employeuse a pris à bail un appartement de 9 pièces pour y loger l’employé et sa famille et en a assumé le loyer (9’950 fr. par mois), qu’elle payait directement à la bailleresse. Elle a aussi pris en charge les frais du leasing contracté par l’employé sur une voiture de luxe (4’717 fr. 05 par mois) et versé 5’000 USD par an à titre de participation à ses primes d’assurance-maladie. En outre, elle a obtenu de l’administration fiscale des arrangements pour l’employé – imposable à la source -, en ce sens que 85% de son salaire serait traité comme du revenu, soumis aux cotisations sociales et à l’impôt à la source, tandis que 15% du salaire serait considéré comme des frais de représentation forfaitaires. Il a également été convenu que la prise en charge par l’employeuse des frais de logement serait qualifiée à raison d’un tiers comme charge d’entreprise.

S’agissant de la prévoyance professionnelle, l’employé a initialement été affilié à la Caisse P1.__. Au 1er janvier 2010, le salaire annuel assuré était de 450’000 fr. et la cotisation annuelle totale (employeuse et employé) de 83’829 fr. 60.

L’employeuse a transféré le compte de prévoyance professionnelle de l’employé auprès de l’institution P2.__, avec effet au 01.01.2011. Selon le certificat établi par celle-ci le 11.08.2011, le salaire annuel assuré n’était que de 59’160 fr. et la cotisation annuelle totale de 10’952 fr. 90.

Le 29.12.2011, l’employeuse a congédié l’employé pour le 06.04.2012 en le libérant de l’obligation de travailler jusqu’à cette échéance. Le même jour, le travailleur a résilié son contrat de travail pour le 31.03.2012 en invoquant notamment la réduction de son salaire. L’employeuse a accepté cette résiliation en confirmant que le 31.03.2012 constituait le dernier jour d’engagement, tout en rappelant que le travailleur était délié de l’obligation de travailler.

A la suite d’un incident, l’employeuse a licencié l’employé avec effet immédiat, par courrier du 11.01.2012. L’intéressé a contesté le congé immédiat et a offert ses services. L’employeuse n’a pas réagi.

S’étant annoncé auprès de l’assurance-chômage, le travailleur a touché des indemnités de 8’572 fr. 80 nets pour la période du 12.01.2012 au 06.04.2012.

 

Procédures cantonales

L’employé a saisi la Chambre patrimoniale du canton de Vaud. La Caisse cantonale de chômage a déposé une demande d’intervention contenant des conclusions en paiement de 8’572 fr. 80, soit l’équivalent des indemnités versées du 12.01.2012 au 06.04.2012. Statuant le 27.12.2016, la Chambre patrimoniale vaudoise a statué comme il suit [pour la prévoyance professionnelle] : […] 4) Le changement non consenti d’institution de prévoyance et la baisse du montant des cotisations LPP fondait une prétention de 36’438 fr. 35. […] La caisse de chômage étant subrogée aux droits de l’employé, les défenderesses devaient lui rembourser 6’942 fr. 30 pour les indemnités versées entre le 12.01.2012 et le 31.03.2012, à déduire de ce qui avait été alloué au demandeur.

L’employé a fait appel de cette décision. Par jugement du 21.06.2018, l’autorité d’appel a statué comme il suit [pour la prévoyance professionnelle] : […] 4) Il ne pouvait pas davantage être indemnisé pour le changement d’institution de prévoyance et la baisse des cotisations (réforme du jugement). […] La caisse de chômage était subrogée à concurrence de 6’942 fr. 30 (confirmation du jugement).

 

TF

Licenciement immédiat injustifié – Dommage à l’évolution de l’avoir vieillesse LPP du travailleur

Selon la jurisprudence qui s’appuie sur l’art. 10 al. 2 let. b LPP, la résiliation immédiate, même injustifiée, du contrat de travail met fin au rapport de prévoyance professionnelle obligatoire. Alors que l’indemnité de l’art. 337c al. 1 CO comprend en principe les cotisations aux assurances sociales, elle ne saurait inclure la cotisation LPP, s’agissant d’une période où le rapport de prévoyance n’existe plus (arrêt B 55/99 du 8 novembre 2001 consid. 2 et 3c, rés. in PJA 2002 583). La doctrine en déduit que le congé immédiat injustifié cause un dommage à l’évolution de l’avoir vieillesse LPP du travailleur, qui disposera d’une prestation de libre passage inférieure à celle qu’il aurait obtenue si les rapports avaient pris fin à l’échéance ordinaire.

D’aucuns préconisent de revoir la jurisprudence et d’admettre une prolongation du rapport de prévoyance jusqu’à l’échéance ordinaire (ISABELLE VETTER-SCHREIBER, BVG FZG Kommentar, 3e éd. 2013, n° 13 ad art. 10 LPP, qui convainc JÜRG BRECHBÜHL, in LPP et LFLP, [SCHNEIDER ET ALII ÉD.] 2010, n° 18 ad art. 10 LPP [= n° 19 de la 2e éd. 2019 en allemand, BVG und FZG]; MARKUS MOSER, Die Zweite Säule und ihre Tragfähigkeit, 1992, p. 53 ss, spéc. p. 55 in fine, approuvé par MARC HÜRZELER, Berufliche Vorsorge bei Stellenwechsel und Entlassung, in Stellenwechsel und Entlassung, 2e éd. 2012, § 12 n. 12.7 et sous-note 10). A défaut, il y aurait matière à indemnisation selon l’art. 337c al. 1 CO (STREIFF/VON KAENEL/RUDOLPH, Arbeitsvertrag, 7e éd. 2012, p. 1149 et p. 1170; REHBINDER/STÖCKLI, Berner Kommentar, 3e éd. 2014, p. 369; JÜRG BRÜHWILER, Einzelarbeitsvertrag, 2014, n° 5 § 1 in fine ad art. 337c CO). Le travailleur pourrait ainsi réclamer le dommage correspondant à la part patronale des cotisations épargne que l’employeur aurait payée (prévoyance obligatoire et surobligatoire) jusqu’à l’échéance ordinaire, soit l’équivalent de la contribution de l’employeur à la prestation de libre passage, sous déduction de ce qui serait versé par un nouvel employeur pour la période correspondante en cas de prise de nouvel emploi (WYLER/HEINZER, op. cit., p. 762; MOSER, op. cit., p. 53 et la sous-note 32; cf. aussi WERNER GLOOR, in Commentaire du contrat de travail, [DUNAND/MAHON ÉD.] 2013, n° 15 ad art. 337c CO; BRUNNER/BÜHLER/WAEBER/BRUCHEZ, Commentaire du contrat de travail, 2004, n° 2 ad art. 337c CO). Un des auteurs cités concède que l’art. 337c al. 1 CO ne permet pas nécessairement d’appréhender ce type de dommage (MOSER, op. cit., p. 53 s.).

L’employé ne critique pas la jurisprudence précitée et ne se prévaut pas de la thèse selon laquelle le rapport de prévoyance devrait être prolongé jusqu’à l’échéance ordinaire. Se plaçant sur le terrain de l’art. 337c al. 1 CO, il réclame le paiement en ses mains de la part «employeur» des cotisations que la société aurait théoriquement dû verser entre le congé immédiat et l’échéance ordinaire du contrat.

Ce faisant, il semble méconnaître les explications doctrinales précitées, dont il ressort que le dommage réside dans une prestation de libre passage moindre, due aux lacunes de cotisations qui n’ont pas été versées jusqu’à l’échéance ordinaire du contrat. On connaît tout au plus le montant du salaire assuré et de la cotisation annuelle totale due aux institutions de prévoyance auxquelles l’employeuse s’est successivement affiliée, ainsi que le montant global des indemnités de chômage versées dès le 12.01.2012 (sur la situation d’une personne au chômage, cf. par ex. HÜRZELER, op. cit., § 12 n. 12.42 s.). Dans un tel contexte, il n’est pas possible d’établir quel dommage l’employé a pu subir du fait de la résiliation prématurée du contrat de travail. Cette constatation conduit au rejet du grief, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les questions soulevées par la doctrine.

Il s’ensuit que sous l’angle de l’art. 337c al. 1 CO, l’arrêt attaqué n’est pas critiquable.

 

Changement non consenti d’institution de prévoyance et baisse du montant des cotisations LPP

D’après l’arrêt attaqué, le contrat de travail ne contenait aucune précision sur l’identité de l’institution de prévoyance choisie par l’employeuse, sur le montant des cotisations ou encore sur la nature des prestations assurées.

L’employé a d’abord été affilié à la Caisse P1.__. Au 01.01.2010, son salaire annuel assuré était de 450’000 fr. et la cotisation annuelle totale de 83’829 fr. 60, répartie à parts égales entre l’employeuse et l’employé. En 2011, l’employeuse a transféré le compte de l’employé auprès de P2.__. Son salaire assuré n’était plus que de 59’160 fr. et la cotisation annuelle totale de 10’952 fr. 90. Les conditions dans lesquelles l’employeuse a opéré le transfert sont nébuleuses ; un courrier de la Caisse P1.__ adressé à l’employé le 12.08.2011 donne à penser que l’employeuse a fait accroire indûment à une résiliation des rapports de travail en décembre 2010.

Il est en tout cas patent que l’employeuse a passé d’un régime surobligatoire à un régime obligatoire, sachant que le salaire coordonné maximal était de 58’140 fr. en janvier 2009 et 2010, puis de 59’160 fr. en janvier 2011 et janvier 2012.

Les juges d’appel ont refusé toute indemnisation après avoir déployé une argumentation à plusieurs pans, dans laquelle ils soulignaient notamment que le silence de l’intéressé pendant plus de deux ans, malgré les différentes sources d’information relatives au changement de régime litigieux, devait être considéré comme une acceptation tacite de la résiliation et de la réaffiliation à une nouvelle institution. Qui plus est, dans la mesure où le contrat ne contenait aucune précision relative à la prévoyance professionnelle, une modification en cette matière ne pouvait être assimilée à une modification du contrat de travail. Par ailleurs, le travailleur n’était pas le créancier des cotisations d’employeur sur lesquelles il fondait son prétendu dommage: seule l’était l’institution de prévoyance. Il disposait d’un droit à l’égard de l’institution, lorsqu’un certain nombre de conditions étaient réalisées. Il n’était pas titulaire à titre personnel du montant non versé à son ancienne caisse LPP. La conclusion tendant au paiement, en ses mains, de la différence des cotisations employeur dans l’ancien et le nouveau régime ne pouvait donc qu’être rejetée.

L’employé concède dans sa réplique qu’il conviendrait de recalculer la prestation de sortie en tenant compte des cotisations arriérées dues par l’employeuse. Or, le caractère lacunaire des informations données empêche d’établir concrètement le dommage résultant du fait que l’employeuse, en changeant d’institution, a passé d’un régime surobligatoire à un régime obligatoire, avec des cotisations nettement inférieures. Il n’apparaît pas, notamment, que l’employé ait produit les règlements des institutions de prévoyance. Dans ces circonstances, il n’est pas possible d’établir une comparaison entre la situation telle qu’elle se présente concrètement, et telle qu’elle aurait été si l’employeuse avait maintenu le régime surobligatoire initial. L’autorité précédente n’a pas enfreint le droit fédéral en rejetant la conclusion qui, n’en déplaise au recourant, tendait bel et bien au paiement en ses mains d’une somme correspondant à la différence entre les cotisations employeur du régime surobligatoire initial et celles du régime obligatoire contesté. Point n’est besoin d’examiner les arguments alternatifs émis par l’autorité précédente, ni de trancher les questions délicates discutées en doctrine qui ont trait, entre autres, à la distinction entre modification contractuelle du régime LPP ou changement unilatéral (cf. l’exposé de JÉRÔME NICOLAS, La réduction du régime LPP surobligatoire lors d’un transfert selon l’art. 333 CO, in Panorama III en droit du travail, 2017, p. 345 ss, spéc. p. 377). Tout au plus mettra-t-on en exergue la nécessité d’une réaction rapide en cas d’opposition à un changement d’institution de prévoyance (cf. RÉMY WYLER, in LPP et LFLP, op. cit., n° 19 ad art. 11 LPP [= n° 18 de la 2e éd. 2019]), étant entendu que ce n’est pas tant ce changement en soi qui pose problème que la modification des prestations offertes par la nouvelle institution (NICOLAS, op. cit., p. 350 in fine et s.).

 

Le TF rejette le recours de l’employé.

 

 

Arrêt 4A_458/2018 consultable ici

 

 

4A_587/2019 (f) du 17.04.2020 – Responsabilité de l’employeur – 328 al. 2 CO – 41 al. 1 OPA / Fardeau de la preuve – Travailleur devant prouver l’inobservation d’une mesure exigible selon l’art. 328 al. 2 CO

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_587/2019 (f) du 17.04.2020

 

Consultable ici

 

Responsabilité de l’employeur / 328 al. 2 CO – 41 al. 1 OPA

Fardeau de la preuve – Travailleur devant prouver l’inobservation d’une mesure exigible selon l’art. 328 al. 2 CO

 

B.__ SA se consacre à la fabrication et à la vente de produits alimentaires pour animaux. A.__ a travaillé à son service en qualité d’ouvrier de 2000 à 2014, hormis une année en 2004.

Des « produits pour le lait » étaient entreposés sur palettes dans les locaux de l’employeuse. Le 12.12.2012, exécutant son travail, A.__ s’est approché d’une palette posée au sol et il a entrepris d’en ouvrir le film d’emballage et de prélever de la marchandise. Trois autres palettes étaient empilées à proximité. Les deux palettes supérieures ont basculé et sont tombées sur A.__. Cet événement lui a causé de graves lésions corporelles.

 

Procédures cantonales

L’employé a ouvert action contre B.__ SA. La Chambre patrimoniale a fait accomplir une expertise. Rejet de l’action par arrêt du 11.04.2019.

Par jugement du 13.11.2019, rejet du recours par la Cour d’appel civile du Tribunal cantonal.

 

TF

L’art. 328 al. 2 CO oblige l’employeur à prendre les mesures commandées par l’expérience pour protéger la vie, la santé et l’intégrité personnelle du travailleur, applicables en l’état de la technique et adaptées aux conditions de l’exploitation, dans la mesure où les rapports de travail et la nature du travail permettent équitablement de l’exiger.

Sur la base de l’expertise judiciaire, la Cour d’appel retient que l’empilement des palettes répondait à des critères de sécurité suffisants du point de vue des risques de chute. Elle juge que l’employeuse n’a commis aucun manquement au regard de cette disposition légale et que sa responsabilité n’est donc pas engagée.

Devant le Tribunal fédéral, l’employé admet que l’art. 328 al. 2 CO « est tout à fait général et ne dit pas spécifiquement quelles mesures de précaution doivent être prises par un employeur pour échapper à sa responsabilité ». Il invoque l’art. 41 al. 1 de l’ordonnance sur la prévention des accidents et des maladies professionnelles (OPA; RS 832.30). Cette règle prescrit que les objets et matériaux doivent être transportés et entreposés de façon qu’ils ne puissent pas se renverser, tomber ou glisser, et par là constituer un danger. Selon l’argumentation présentée, la règle a été violée du fait même que deux palettes ont basculé et sont tombées.

Il est vrai que l’événement survenu le 12.12.2012 s’inscrit manifestement parmi ceux que l’art. 41 al. 1 OPA a pour but prévenir. Toutefois, cette règle n’est pas moins « générale » que l’art. 328 al. 2 CO. Elle ne prescrit pas « spécifiquement », elle non plus, les mesures à appliquer pour la prévention des renversements, chutes et glissements d’objets ou matériaux. La Cour d’appel juge avec raison que cette même règle n’institue pas de responsabilité causale de l’exploitant, c’est-à-dire indépendante de toute faute, par suite des chutes d’objets ou de matériaux qui surviennent au cours de l’exploitation. La Cour juge aussi avec raison que le travailleur recherchant l’employeur doit alléguer et prouver l’inobservation d’une mesure exigible selon l’art. 328 al. 2 CO.

 

Le TF rejette le recours de l’employé.

 

 

Arrêt 4A_587/2019 consultable ici

 

 

9C_249/2019 (d) du 20.01.2020 publié aux ATF 146 V 28 – Liquidation partielle – droit collectif du personnel sortant à la réserve de fluctuation – 53d al. 1 LPP et ancien art. 27h al. 1 OPP 2

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_249/2019 (d) du 20.01.2020, publié aux ATF 146 V 28

 

Arrêt 9C_249/2019 consultable ici

ATF 146 V 28 consultable ici

Paru in : Bulletin de la prévoyance professionnelle n° 152, ch. 1035

 

Liquidation partielle – droit collectif du personnel sortant à la réserve de fluctuation / 53d al. 1 LPP et ancien art. 27h al. 1 OPP 2

 

L’ancien art. 27h, al. 1, OPP 2 (en vigueur jusqu’au 31 mai 2009) laisse aux institutions de prévoyance une marge d’appréciation concernant la fixation des critères de répartition pour les réserves de fluctuation. La disposition protège le personnel sortant au sens d’un droit minimal (proportionnel) aux réserves de fluctuation de valeur.

Il s’agissait de juger en l’espèce d’une liquidation partielle dont le jour déterminant était le 31 décembre 2006, ce qui explique pourquoi l’ancien art. 27h OPP 2 (en vigueur jusqu’au 31 mai 2009) était alors applicable. L’institution de prévoyance cédante avait refusé, dans le cadre de la liquidation partielle, l’octroi d’une part aux réserves de fluctuation de valeur. L’autorité inférieure avait également nié ce droit au motif que les prétentions du personnel sortant avaient été compensées par paiement en espèces (ou par transfert de liquidités), donc sans supporter des risques liés aux placements.

Le règlement de liquidation partielle reflétait l’ordonnance en vigueur à ce moment-là et n’avait donc aucune portée autonome. En l’espèce, c’est la réglementation prévue par le contrat d’affiliation qui était déterminante ; le TF devait donc déterminer si le personnel sortant disposait, sur la base du contrat d’affiliation, d’un droit collectif (proportionnel) aux réserves de fluctuation de valeur. Dans son interprétation du contrat d’affiliation, le TF a conclu que ce contrat énumérait expressément et de manière exhaustive les fonds qui revenaient au personnel sortant. Il a constaté que la notion d’« autre fortune » recouvrait les fonds libres, les provisions techniques et les réserves de fluctuation (avec renvoi à l’ATF 143 V 321, consid. 4.1, p. 328). Au vu de cette interprétation, les réserves de fluctuation de valeur doivent être octroyées proportionnellement.

Il s’agissait ensuite d’examiner si, dans le cadre de l’application de l’ancien art. 27h OPP 2, il existait une marge de manœuvre permettant de convenir dans le contrat d’affiliation d’un droit proportionnel du personnel sortant aux réserves de fluctuation de valeur. Cela a été reconnu par le TF au motif que cette disposition laisse aux institutions de prévoyance une marge d’appréciation dans la fixation des critères de répartition pour les réserves de fluctuation. La disposition protège le personnel sortant au sens d’un droit minimal (proportionnel) aux réserves de fluctuation de valeur, « dans la mesure où […] des risques liés aux placements sont également transférés ». Le TF estime que, selon cette disposition, il n’est pas en soi inadmissible, au moment du règlement en espèces d’autres droits, d’octroyer des réserves de fluctuation de valeur (pour le détail, voir consid. 4.1 – 4.3).

L’institution de prévoyance cédante devait ainsi octroyer une part de la réserve de fluctuation de valeur au personnel sortant, mais sans la rémunérer d’intérêts (avec renvoi à l’ATF 144 V 369, consid. 4.1.3, p. 372 s.).

 

Remarque [de l’OFAS] sur la différence entre l’ancien art. 27h, al. 1, OPP 2 et l’art. 27h, al. 1, OPP 2 en vigueur actuellement : en ce qui concerne le droit aux réserves de fluctuation, l’art. 27h, al. 1, OPP 2 en vigueur depuis le 1er juin 2009 ne contient plus de réserve concernant le transfert de risques liés aux placements ainsi que la forme des éléments de fortune à transférer : voir Bulletin de la prévoyance professionnelle no 111, ch. 684.

 

 

Arrêt 9C_249/2019 consultable ici

ATF 146 V 28 consultable ici