Décès d’un parent peu après la naissance d’un enfant : indemnités journalières pour le parent survivant

Décès d’un parent peu après la naissance d’un enfant : indemnités journalières pour le parent survivant

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 22.11.2023 consultable ici

 

Les conséquences du décès d’un parent peu après la naissance d’un enfant sont tragiques pour la famille et pour le nouveau-né. Dans de pareils cas, le parent survivant bénéficiera désormais d’une prolongation de son congé de maternité resp. de paternité. Cette modification vise à assurer la prise en charge du nouveau-né durant les premiers mois de sa vie en plaçant son intérêt au centre des préoccupations. Lors de sa séance du 22 novembre 2023, le Conseil fédéral a fixé l’entrée en vigueur de la modification de la loi sur les allocations pour perte de gain (LAPG) au 1er janvier 2024 et adopté la modification d’ordonnance correspondante.

Avec cette modification de la LAPG, en cas de décès de la mère dans les 14 semaines qui suivent la naissance de l’enfant, le père – respectivement l’épouse de la mère – se verra octroyer, en plus de son congé de paternité de deux semaines, un congé supplémentaire de 14 semaines. Celui-ci devra être pris immédiatement après le décès et de manière ininterrompue et prendra fin de manière anticipée, notamment si le père – respectivement l’épouse de la mère – reprend une activité lucrative.

En parallèle, en cas de décès du père ou de l’épouse de la mère au cours des six mois suivant la naissance de l’enfant, la mère aura droit à un congé supplémentaire de deux semaines, qu’elle pourra prendre selon les mêmes modalités que le congé de paternité.

Certaines adaptations sont également apportées aux dispositions d’exécution. En français, le titre de l’acte législatif est adapté. Désormais, il s’intitulera «ordonnance sur les allocations pour perte de gain» et non plus règlement (RAPG). En outre, depuis l’entrée en vigueur du mariage civil pour tous en 2022, l’épouse de la mère est désormais reconnue comme parent légal, ce qui lui ouvre le droit au congé et à l’allocation de paternité, et nécessite une adaptation rédactionnelle des dispositions.

 

Conséquences financières pour le régime des APG

Les décès survenant peu de temps après la naissance d’un enfant restent rares, les coûts de cette modification pour le régime des APG sont estimés à environ 120 000 francs en 2024. Cette modification met en œuvre la modification de loi adoptée par le Parlement en mars 2023, qui donne suite à l’initiative parlementaire 15.434 «Octroyer le congé de maternité au père en cas de décès de la mère». Le délai référendaire est arrivé à échéance le 6 juillet 2023, sans qu’un référendum n’ait été déposé. La modification de la LAPG entrera en vigueur au 1er janvier 2024.

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 22.11.2023 consultable ici

Modification d’ordonnance (RAPG) et rapport explicatif du 22.11.2023 disponibles ici

 

Taggelder für den hinterlassenen Elternteil, Medienmitteilung hier abrufbar

 

 

Primes LAMal non payées : aide au désendettement plus efficace pour les mineurs et les assurés

Primes LAMal non payées : aide au désendettement plus efficace pour les mineurs et les assurés

 

Communiqué de presse de l’OFSP du 22.11.2023 consultable ici

 

Les mineurs ne pourront plus être poursuivis pour les primes non payées par leurs parents. Lors de sa séance du 22 novembre 2023, le Conseil fédéral a fixé l’entrée en vigueur de la modification de la loi fédérale sur l’assurance maladie (LAMal), de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et faillites (LP) et de l’ordonnance sur l’assurance-maladie (OAMal) concernant l’obligation de payer les primes. Les assureurs pourront par ailleurs engager deux procédures de poursuite au maximum par année et par assuré. Quant aux cantons, ils pourront se faire céder les actes de défauts de biens et agir ainsi plus efficacement contre l’endettement des assurés.

Grâce à la modification de la LAMal, les mineurs ne pourront plus être poursuivis pour les primes et les participations aux coûts impayées par leurs parents. Ce changement mettra fin au régime actuel selon lequel chaque assuré, mineur ou majeur, est personnellement débiteur des primes d’assurance-maladie le concernant. Le Conseil fédéral a fixé l’entrée en vigueur de cette modification au 1er janvier 2024.

Afin de limiter les dépenses liées aux frais de poursuite, les assureurs pourront engager au maximum deux procédures de poursuite par année contre le même assuré. Les assureurs devant adapter leurs systèmes informatiques pour mettre en œuvre cette modification, sa mise en vigueur interviendra au 1er janvier 2025.

 

Reprise des actes de défaut de biens par les cantons

La modification de la LAMal donne aussi la possibilité aux cantons de reprendre les actes de défaut de bien des assurés et de leur offrir une aide au désendettement. Un canton pourra ainsi se faire céder les actes de défaut de biens s’il prend en charge 90% de l’ensemble des créances annoncées par l’assureur. Actuellement, les cantons doivent payer 85% des créances à l’assureur qui conserve l’acte de défaut de biens. Les cantons auront le choix entre une reprise annuelle ou trimestrielle des actes de défaut de biens. Les assurés pourront ainsi changer plus rapidement de caisse-maladie et s’affilier auprès d’un assureur avec des primes plus avantageuses. Actuellement, ce n’est pas possible tant que leurs créances envers un assureur n’ont pas été réglées. Cette modification entrera en vigueur au 1er juillet 2025 pour permettre aux cantons et aux assureurs d’adapter leurs systèmes d’échange électronique des données.

Le Parlement a également accepté une modification de la LP ayant pour objectif d’aider les assurés à sortir de la spirale de l’endettement. Les assurés faisant l’objet d’une saisie de revenus ont la possibilité de charger l’office des poursuites de payer leurs primes courantes. Cette modification entrera en vigueur au 1er juillet 2024.

 

Communiqué de presse de l’OFSP du 22.11.2023 consultable ici

Modification de l’OAMal disponible ici

Rapport explicatif du 22.11.2023 sur la modification de l’OAMal disponible ici

Rapport sur les résultats de la consultation, juin 2023, disponible ici

 

Premi LAMal non pagati : un aiuto più efficace contro l’indebitamento dei minorenni e degli assicurati, communicato stampa disponibile qui

Krankenkassenprämien nicht bezahlt : effizientere Hilfe beim Schuldenabbau für Minderjährige und andere Versicherte, Medienmitteilung hier abrufbar

 

 

Extension de la remise de moyens auxiliaires par l’AI et l’AVS

Extension de la remise de moyens auxiliaires par l’AI et l’AVS

 

Lettre circulaire AI n° 433 : Modification des ordonnances concernant la remise de moyens auxiliaires par l’AI (OMAI) et l’AVS (OMAV) consultable ici

Communiqué de presse de l’OFAS du 20.11.2023 consultable ici

 

Extension de la remise de moyens auxiliaires par l’AI et l’AVS

Outre les chiens d’assistance à la mobilité, l’AI participera désormais aux frais des chiens d’alerte pour personnes épileptiques et des chiens d’accompagnement pour enfants autistes, ce qui permettra à ces personnes de mener une vie plus autonome. De plus, le modèle de remboursement pour les prestations de tiers (par ex. l’interprétation en langue des signes) passe d’un remboursement mensuel à un remboursement annuel. Dans le cadre de l’AVS, le droit à des chaussures orthopédiques est étendu : désormais, l’AVS verse une contribution annuelle aux frais, au lieu d’une fois tous les deux ans seulement jusqu’à présent. En modifiant les ordonnances concernant la remise de moyens auxiliaires par l’AI (OMAI) et par l’AVS (OMAV), le Département fédéral de l’intérieur (DFI) met en œuvre, au 1er janvier 2024, trois motions dans le domaine des moyens auxiliaires.

 

Lettre circulaire AI n° 433 : Modification des ordonnances concernant la remise de moyens auxiliaires par l’AI (OMAI) et l’AVS (OMAV)

L’OMAI et l’OMAV seront modifiées au 1er janvier 2024. Les modifications sont expliquées dans ce qui suit et précédées à chaque fois du nouveau texte des ordonnances.

Les circulaires CMAI et CMAV seront, elles aussi, adaptées au 1er janvier 2024.

1 Modifications de l’OMAI

1.1 Modalités de remboursement des frais occasionnés par les services d’un tiers

Art. 9, al. 2

2 Le remboursement annuel ne peut dépasser ni le revenu annuel de l’activité lucrative de l’assuré ni une fois et demie le montant minimal annuel de la rente de vieillesse complète définie à l’art. 34 de la loi fédérale du 20 décembre 1946 sur l’assurance-vieillesse et survivants (LAVS).

La modification répond à la motion 21.3452 «Services fournis par des tiers dans le domaine de l’assurance-invalidité. Modèle de remboursement».

Le montant maximal du remboursement des frais occasionnés par les services d’un tiers auquel un assuré a droit en lieu et place d’un moyen auxiliaire n’est plus mensuel, mais annuel. Ce plafond ne peut dépasser ni revenu annuel de l’activité lucrative de l’assuré, ni une fois et demie le montant minimal annuel de la rente de vieillesse complète de l’AVS. Il est calculé par année civile ; pour les droits de moins d’un an, il est calculé au prorata. Le montant annuel maximal est actuellement (état 2023) de 22’056 francs.

Comme le contrôle de l’office AI ne peut s’effectuer que rétrospectivement (c’est-à-dire après réception de la facture), l’assuré doit impérativement vérifier lui-même si le plafond annuel a été atteint. En effet, une fois ce plafond dépassé, la différence est à la charge de l’assuré. Les assurés doivent donc en être informés adéquatement (les directives relatives au recueil de textes standards seront adaptées).

Parmi les services fournis par des tiers à l’assuré, en lieu et place d’un moyen auxiliaire, les trois prestations suivantes sont financées lorsqu’elles s’inscrivent dans le cadre de l’exercice d’une activité lucrative : les prestations destinées aux sourds (en particulier interprétation en langue des signes et retranscription), les trajets jusqu’au lieu de travail pour les handicapés moteurs et les graves handicapés de la vue, et enfin, les services destinés aux aveugles (par ex., lecture).

 

1.2 Extension du droit aux chiens d’assistance

14.06 Chiens d’assistance

14.06.1 Chien d’assistance à la mobilité pour handicapés moteurs dès 16 ans,

s’il est établi que l’assuré est apte à détenir un chien d’assistance et que, grâce à celui-ci, il sera capable de vivre à domicile de manière plus autonome. Le droit est limité aux personnes présentant un handicap moteur grave, qui perçoivent au minimum une allocation pour impotent de degré faible et dont le besoin d’assistance est avéré dans au moins deux domaines des actes de la vie suivants : se déplacer, entretenir des contacts sociaux ; se lever, s’asseoir, se coucher ; se vêtir, se dévêtir.

Le centre de remise du chien d’assistance à la mobilité doit être certifié par l’organisation Assistance Dogs International (ADI). L’assurance prend en charge une contribution forfaitaire de 20 280 francs au moment de la remise du chien d’assistance. Ce montant est réparti de la manière suivante : 15 000 francs pour l’achat du chien et 5 280 francs pour les frais de nourriture et de vétérinaire. La prestation de l’assurance peut être revendiquée au maximum tous les huit ans, mais une seule fois pour le même chien.

14.06.02 Chiens d’alerte pour personnes épileptiques pour les enfants à partir de 4 ans et pour les adultes,

s’il est établi par le centre de remise que l’assuré ou le détenteur de l’autorité parentale est apte à détenir un chien d’alerte. Le droit n’existe que si l’épilepsie est diagnostiquée par un médecin spécialiste. En outre, les adultes doivent pouvoir remplir, grâce au chien, un objectif de réadaptation au sens de l’art. 21, al. 1 et 2, LAI.

Le centre de remise du chien d’alerte pour personnes épileptiques doit être certifié par l’organisation Assistance Dogs International (ADI). L’assurance prend en charge une contribution forfaitaire de 14 280 francs. Ce montant est réparti de la manière suivante : 9 000 francs pour l’achat du chien et 5 280 francs pour les frais de nourriture et de vétérinaire. La prestation de l’assurance peut être revendiquée au maximum tous les huit ans, mais une seule fois pour le même chien.

14.06.03 Chiens d’accompagnement pour enfants autistes entre 4 et 9 ans,

s’il est établi par le centre de remise que l’assuré ou le détenteur de l’autorité parentale est apte à détenir un chien. Le droit n’existe que si un trouble du spectre de l’autisme au sens du chiffre 405 de l’ordonnance du DFI du 3 novembre 2021 concernant les infirmités congénitales sans contre-indication médicale à la détention d’un chien a été confirmé et si le chien permet d’apprendre à se déplacer en toute sécurité dans l’espace public.

Le centre de remise du chien d’accompagnement pour les enfants autistes doit être certifié par l’organisation Assistance Dogs International (ADI). L’assurance prend en charge une contribution forfaitaire de 20 280 francs. Ce montant est réparti de la manière suivante: 15 000 francs pour l’achat du chien et 5 280 francs pour les frais de nourriture et de vétérinaire. La prestation de l’assurance ne peut être revendiquée qu’une seule fois.

La modification répond à la motion 19.4404 «Inclure les chiens d’assistance pour les enfants et les adolescents dans l’assurance-invalidité».

Après examen des types de chiens d’assistance proposés en Suisse, il a été décidé qu’une contribution pouvait être allouée, dans le cadre légal de l’AI, à trois types de chiens : les chiens d’assistance à la mobilité pour handicapés moteurs dès 16 ans, les chiens d’alerte pour personnes épileptiques (enfants, adolescents et adultes) ainsi que les chiens d’accompagnement pour enfants autistes.

Les contributions forfaitaires de l’AI couvriront, comme c’est déjà le cas, 50% environ des coûts totaux calculés sur la base des données des centres de formation interrogés. La contribution aux coûts d’un chien d’assistance à la mobilité a en outre été relevée. En effet, les frais de formation ont augmenté au cours des treize dernières années et le forfait des frais de nourriture et de vétérinaire, basé sur la contribution aux coûts d’un chien-guide pour aveugle, a été recalculé. À partir du 1er janvier 2024, les contributions forfaitaires de l’AI seront les suivantes :

  • chiens d’assistance à la mobilité : 20 280 francs, au maximum tous les huit ans ;
  • chiens d’accompagnement pour personnes autistes : 20 280 francs, une seule contribution par enfant ;
  • chiens d’alerte pour personnes épileptiques : 14 280 francs, au maximum tous les huit ans (contribution réduite, car la formation n’a pas lieu dans une institution mais au domicile de l’assuré).

La contribution forfaitaire de l’AI n’est versée qu’une fois que l’assuré a rempli le rapport de contrôle avec le centre de remise et l’a fait parvenir à l’office AI. Ce rapport atteste que le chien possède et utilise les aptitudes nécessaires. Les exigences minimales figurent sur le rapport. Au moment de la remise définitive du chien, le centre de remise doit être membre à part entière de l’organisation Assistance Dogs International (ADI).

Soit le chien d’assistance devient la propriété de l’assuré, soit il reste la propriété du centre de remise.

La demande de contribution ne peut être déposée auprès de l’office AI qu’une fois que le chien est formé et que l’introduction auprès de l’assuré est terminée, ce qu’atteste le rapport de contrôle. Avant cela (avant l’établissement du rapport de contrôle), l’AI ne peut entrer en matière sur la demande, puisque le droit dépend du fait que l’introduction du chien auprès de l’assuré a été achevée avec succès. C’est donc la date du dépôt de la demande auprès de l’office AI qui détermine si l’évaluation doit se fonder sur le nouveau droit ; pour les chiens d’assistance, cette date correspond à la remise définitive.

Les nouvelles dispositions s’appliquent uniquement aux chiens remis après le 1er janvier 2024. Le recueil de textes standards sera adapté.

Les nouveaux rapports de contrôle figurent en annexe de la présente circulaire et doivent impérativement être utilisés.

 

1.2.1 Commentaires sur les trois types de chiens :

1.2.1.1 Chiens d’assistance à la mobilité pour handicapés moteurs dès 16 ans

Les chiens d’assistance à la mobilité pour les personnes présentant un handicap moteur grave figurent déjà au ch. 14.06 OMAI ; ils peuvent désormais être remis également aux mineurs de 16 ans au moins. L’AI doit pouvoir garantir que les chiens qu’elle cofinance ne mettent en danger ni leur propriétaire ni les tiers. Puisque la contribution est octroyée à la condition que le chien permette à l’assuré de se déplacer de manière autonome, il n’est pas possible de le remettre à un enfant de moins de 16 ans. Octroyer cette contribution aux assurés dès 16 ans revient à étendre le règlement actuel, qui s’applique exclusivement aux adultes.

 

1.2.1.2 Chiens d’accompagnement pour enfants autistes jusqu’à 9 ans

Les chiens d’accompagnement pour les enfants autistes profitent en premier lieu aux parents de l’assuré. On a cependant observé que la simple présence du chien (dressé) pouvait avoir des effets positifs sur les parents, et donc sur leur relation avec l’enfant. Les parents sont plus calmes et plus sûrs d’eux et donc plus détendus dans leurs relations avec l’enfant, ce qui aurait souvent des répercussions positives sur son développement, y compris sur son aptitude à fréquenter l’école.

Toutefois, ces chiens ne devraient être remis qu’à des enfants jeunes, jusqu’à 9 ans au maximum (= date de la remise définitive, le chien étant ensuite utilisé pendant 8 ans en moyenne). En effet, les spécialistes estiment qu’en matière d’acceptation et d’utilité de l’animal, l’âge de l’enfant est déterminant. La décision d’accueillir un chien d’accompagnement devrait donc être prise au plus tard lorsque l’enfant a 7 ans, puisque le dressage avec/chez ce dernier dure en général deux ans. La responsabilité du chien incombe aux parents, l’utilisation du chien se fait exclusivement sous leur surveillance. Le chien doit permettre à l’enfant de se déplacer en toute sécurité dans l’espace public.

 

1.2.1.3 Chiens d’alerte pour personnes épileptiques pour les enfants à partir de 4 ans et pour les adultes

Les chiens d’alerte pour personnes épileptiques (EpiDogs) peuvent être remis aux assurés à partir de 4 ans. La formation dure entre deux et trois ans et se déroule au domicile de l’assuré. Le chien peut donc déjà être introduit auprès d’enfants de 2 ans, mais la remise définitive et la garantie de prise en charge par l’AI ne peuvent intervenir avant l’âge de 4 ans.

Les enfants ne bénéficient qu’indirectement de la présence d’un EpiDog (qui est utile en premier lieu pour les parents ou les personnes qui s’occupent de l’enfant). Les rapports et les études disponibles suggèrent cependant que l’animal aurait aussi des retombées positives sur le plan médical et économique (en permettant d’éviter des hospitalisations). Ce type de chien a donc sa place parmi les moyens auxiliaires de l’AI servant à développer l’autonomie personnelle.

Contrairement à la remise aux enfants, la remise aux adultes et l’octroi d’une contribution aux frais est subordonnée à un objectif de réadaptation de l’AI au sens de l’art. 21, al. 1 ou 2 LAI.

 

1.3 Autres adaptations de l’OMAI

1.3.1 Droit à la substitution de la prestation / réparations dans le cadre du droit à la substitution de la prestation

Art. 2, al. 5

Abrogé

Cette disposition est obsolète, car le droit à la substitution de la prestation est déjà inscrit à l’art. 21bis LAI. L’actuel art. 2, al. 5, OMAI limite en outre d’une certaine façon l’art. 21bis en introduisant la précision «moins onéreux». De plus, la définition du droit à la substitution de la prestation est interprétée au sens large. Il importe peu qu’un moyen auxiliaire figure ou non sur la liste en annexe à l’OMAI.

Art. 7, al. 2bis

2bis Si les coûts d’un moyen auxiliaire plus coûteux que celui figurant dans la liste sont pris en charge en vertu de l’art. 21bis, al. 2, LAI, les frais de réparation sont pris en charge dans les mêmes proportions.

La disposition relative aux réparations est complétée par un alinéa qui garantit l’égalité de traitement entre assurés : lorsqu’un moyen auxiliaire est financé en vertu du droit à la substitution et qu’il est plus coûteux que le moyen auxiliaire figurant sur la liste, toute réparation sera financée à hauteur du même pourcentage que la participation aux frais d’acquisition. Dans le cas contraire, il y aurait une inégalité de traitement entre assurés et entre fournisseurs de prestations.

 

1.3.2 Suppression des indemnités d’amortissement pour les cyclomoteurs, les motocycles légers et les motocycles

10.01*
Abrogé

10.02*
Abrogé

L’indemnité d’amortissement pour les cyclomoteurs, les motocycles légers et les motocycles n’a plus de raison d’être. En effet, en 2021, seuls trois assurés en ont bénéficié, pour un total annuel de 2 500 francs. Si l’on excepte ces trois cas, seules les indemnités d’amortissement pour les voitures automobiles (ch. 10.04* OMAI) sont encore utilisées aujourd’hui.

Par conséquent, les ch. 10.01* et 10.02* OMAI sont abrogés. Le droit des bénéficiaires actuels sera cependant maintenu au titre de la garantie des droits acquis tant que les conditions de l’ancien droit sont remplies. Les indemnités d’amortissement pour les cyclomoteurs, les motocycles légers et les motocycles allouées jusqu’à fin 2023 seront donc toujours soumises au droit actuel.

 

1.3.3 Correction relative aux lits électriques

14.03 Lits électriques (avec potence mais sans matelas et sans autres accessoires)

pour l’utilisation au domicile privé des assurés qui en dépendent pour se coucher et se lever. La remise a lieu sous forme de prêt. Les assurés durablement grabataires sont exclus de ce droit.

Le prix d’achat d’un lit est remboursé à concurrence du montant maximal de 2 500 francs, TVA comprise. Le montant maximal remboursé pour les frais de livraison du lit électrique est de 250 francs, TVA comprise.

Une partie de la phrase du ch. 14.03 OMAI a été supprimée par erreur lors de la modification du 1er janvier 2017 («… qui en dépendent pour se coucher et se lever»). Cette erreur est désormais corrigée. L’expression n’avait pas été supprimée dans la CMAI.

 

2 Modification de l’OMAV

2.1 Chaussures orthopédiques : droit annuel

4.51 Chaussures orthopédiques sur mesure et chaussures orthopédiques de série, frais de fabrication inclus

Lorsqu’elles sont adaptées individuellement à une forme ou à une fonction pathologique du pied ou qu’elles remplacent un appareil orthopédique. La prestation de l’assurance peut être revendiquée une fois par année civile, à moins que des raisons médicales ne justifient un nouvel achat avant l’expiration de ce délai.

Cette modification répond à la motion 21.4036 «Chaussures orthopédiques pour personnes diabétiques. Stop au passage douloureux de l’AI à l’AVS !»

La prestation pourra être revendiquée chaque année et non plus tous les deux ans seulement. Près de 80% des assurés de l’AVS qui ont besoin de chaussures sur mesure et de chaussures orthopédiques de série sont atteints de diabète. Le droit à la prestation n’est toutefois pas limité aux diabétiques, ainsi que le demandait la motion, mais s’applique à tous les assurés concernés au titre de l’égalité de traitement.

Le ch. 4.51 OMAV est modifié de sorte à introduire un droit annuel à une contribution de l’AVS aux frais d’acquisition d’une paire de chaussures orthopédiques sur mesure ou de chaussures orthopédiques de série, frais de fabrication inclus (75% des coûts conformément à la convention tarifaire passée avec l’association Pied & chaussure).

Au vu de la durée d’octroi de cette prestation, les garanties de prise en charge existantes doivent être révisées d’office.

 

Lettre circulaire AI n° 433 : Modification des ordonnances concernant la remise de moyens auxiliaires par l’AI (OMAI) et l’AVS (OMAV) consultable ici

Communiqué de presse de l’OFAS du 20.11.2023 consultable ici

OMAI – Modification d’ordonnance et commentaire (disponible ici)

OMAV – Modification d’ordonnance et commentaire (disponible ici)

 

 

Lettera circolare AI n. 433 / Modifiche delle ordinanze sulla consegna di mezzi ausiliari da parte dell’assicurazione per l’invalidità (OMAI) e dell’assicurazione per la vecchiaia (OMAV) disponibile qui

Ampliamento della consegna di mezzi ausiliari da parte dell’AI e dell’AVS, communicato stampa dell’UFAS disponibile qui

OMAI – Modifica dell’ordinanza e commento (disponibile qui)

OMAV – Modifica dell’ordinanza e commento (disponibile qui)

 

IV-Rundschreiben Nr. 433 / Änderungen der Verordnungen über die Abgabe von Hilfsmitteln durch die IV (HVI) und die AHV (HVA) hier abrufbar

Die Abgabe von Hilfsmitteln durch die IV und die AHV wird ausgebaut, Medienmitteilung von BSV hier abrufbar

HVI – Verordnungsänderung und Erläuterungen (hier abrufbar)

HVA – Verordnungsänderung und Erläuterungen (hier abrufbar)

 

 

8C_704/2022 (d) du 27.09.2023 – Lésions causées à l’assuré victime d’un accident lors du traitement médical – 6 al. 3 LAA / Causalité naturelle et adéquate

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_704/2022 (d) du 27.09.2023

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi

 

Lésions causées à l’assuré victime d’un accident lors du traitement médical / 6 al. 3 LAA

Causalité naturelle et adéquate

 

Assurée, née en 1996, employée depuis le 1er octobre 2016 dans le cadre d’un contrat d’apprentissage en tant que cuisinière diététique auprès d’un hôpital. Le 18.09.2017, elle a subi un traumatisme par distorsion du genou droit lors d’un exercice de gymnastique. Le bilan radiologique a mis en évidence une rupture du LCA, qui a fait l’objet d’une intervention chirurgicale le 23.10.2017. Fin décembre 2017, l’assurée a subi un nouveau traumatisme par distorsion. De nouvelles interventions chirurgicales ont eu lieu les 08.03.2018, 30.05.2018, 31.07.2018 et 28.08.2018.

Sur les conseils du médecin-conseil de l’assurance-accidents, l’assurée s’est rendue à la clinique C.__ pour un deuxième avis. Là, un mauvais positionnement de la plastie du ligament croisé a été constaté et une nouvelle opération a été réalisée le 07.12.2018. Malgré un séjour stationnaire du 03.03.2019 au 18.04.2019 au centre de rééducation D.__, des douleurs permanentes, accentuées en fonction de l’effort, ainsi qu’une limitation de l’extension ont toutefois persisté. En raison de l’évolution, des examens neurologiques ont été effectués. Du 06.01.2020 au 27.03.2020, l’assurée a derechef été hospitalisée, cette fois-ci à la clinique E.__, où elle a une nouvelle fois chuté le 06.02.2020. Aucun progrès significatif n’a été réalisé. Après une consultation dans un centre pour la maladie de Parkinson/les troubles de la mobilité, à l’automne 2020, un nouveau séjour de réadaptation à la clinique G.__ a été réalisé du 03.01.2021 au 27.03.2021. Entre-temps, l’assurée se déplaçait en grande partie en fauteuil roulant.

Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a procédé à la clôture du cas au 30.11.2020.

 

Procédure cantonale

La cour cantonale a confirmé la clôture du cas au 30.11.2020, étant donné qu’à cette date, il n’y avait plus d’amélioration notable à attendre d’un traitement supplémentaire des troubles, dans la mesure où ils étaient d’origine somatique. Le trouble de la marche développé n’avait pas d’explication neurologique et structurelle, aucun substrat organique n’avait pu être trouvé pour les douleurs dont se plaignait l’assurée. Le tribunal cantonal a examiné la question de savoir s’il existait un lien de causalité adéquate entre les troubles organiques non prouvés objectivement et les accidents subis, conformément à la pratique relative aux conséquences psychiques des accidents. Les événements devaient à chaque fois être qualifiés de légers et le lien de causalité adéquate devait donc être niée d’emblée. Tout au plus l’événement de fin décembre 2017, pour lequel on ne dispose toutefois pas de données en temps réel, pourrait, s’il s’agissait d’une chute dans les escaliers, être classé parmi les accidents de gravité moyenne, mais à la limite des accidents légers. Un lien de causalité adéquate avec les plaintes encore existantes le 30.11.2020 devait également être nié. A cet égard, l’instance cantonale a notamment considéré que les troubles ne pouvaient plus être expliqués objectivement sur le plan organique après la rééducation au printemps 2019. Par conséquent, les critères de la durée anormalement longue du traitement médical, des douleurs physiques persistantes et du degré et de la durée de l’incapacité de travail due aux lésions physiques ne sont notamment pas remplis. La cour cantonale a en outre rejeté, faute de lien de causalité adéquate, l’obligation de prestation invoquée par l’assurée sur la base de l’art. 6 al. 3 LAA en raison d’une erreur de traitement médical lors de la plastie ligamentaire du 23.10.2017.

Par jugement du 26.10.2022, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3.2
Au sens de l’art. 6 al. 3 LAA, l’assurance alloue en outre ses prestations pour les lésions causées à l’assuré victime d’un accident lors du traitement médical (art. 10). Le sens et le but de cette disposition est que l’assureur-accidents assume le risque pour les mesures médicales qu’il a prises en charge ; le corollaire de l’obligation de traitement et de la soumission de l’assuré à cette obligation est ainsi établi.

La responsabilité s’étend aux atteintes à la santé imputables à des mesures de traitement prises à la suite d’un accident. Il n’est pas nécessaire qu’il y ait une erreur de traitement, ni que la notion d’accident soit remplie, ni qu’il y ait une faute professionnelle, ni même qu’il y ait objectivement une violation du devoir de diligence du médecin. Ainsi, la complication médicale est également assurée au sens d’une conséquence indirecte de l’accident, et ce même dans le cas des complications les plus rares et les plus graves. L’assureur ne verse pas non plus de dommages-intérêts au sens du droit de la responsabilité civile, mais fournit des prestations d’assurance selon la LAA (ATF 128 V 169 consid. 1c).

Comme il ne s’agit pas de conséquences d’un accident, mais d’un traitement médical, il n’y a pas lieu d’appliquer une évaluation de la causalité adéquate selon la jurisprudence relative aux conséquences psychiques d’un accident en tenant compte de critères liés à l’accident (ATF 115 V 133), mais de recourir à la formule générale d’adéquation. En d’autres termes, il faut se demander si le traitement qui n’a éventuellement pas été effectué lege artis est en soi susceptible, selon le cours ordinaire des choses et l’expérience générale de la vie, de provoquer un résultat du type de celui qui s’est produit, autrement dit si la survenance de ce résultat apparaît généralement comme favorisée par l’événement (ATF 129 V 177 consid. 3 et 4 ; SVR 2007 UV n° 37 p. 125 avec références, U 292/05 consid. 3.1 ; arrêt 8C_288/2007 du 12 mars 2008 consid. 6.1).

Consid. 3.3
Il convient d’ajouter que la preuve du lien de causalité naturelle doit être apportée en premier lieu par les indications des professionnels de la santé (SVR 2016 UV n° 18 p. 55, 8C_331/2015 E. 2.2.3.1 ; arrêt 8C_287/2020 du 27 avril 2021 consid. 3.1). […]

 

Consid. 5
Le recours est dirigé en premier lieu contre le fait que l’instance cantonale a renoncé à une clarification plus approfondie des douleurs et des limitations de mouvement persistant depuis le premier accident du 18.09.2017 et qu’elle a également nié l’obligation de prester de l’assurance-accidents sur la base de l’art. 6 al. 3 LAA, faute de lien de causalité adéquate.

En examinant le lien de causalité adéquate requis pour l’obligation de verser des prestations selon la pratique relative aux conséquences psychiques d’un accident (ATF 115 V 133), le tribunal cantonal a violé le droit fédéral. Lors de l’évaluation d’une éventuelle responsabilité selon l’art. 6 al. 3 LAA, c’est plutôt la formule générale d’adéquation qui s’applique et il est déterminant de savoir si, selon le cours ordinaire des choses et l’expérience générale de la vie, une mesure médicale qui a échoué est en soi susceptible de provoquer un résultat du genre de celui qui s’est produit (cf. consid. 3.2 supra). Si l’appréciation du lien de causalité adéquate par l’instance cantonale s’avère erronée dans la procédure de recours devant le Tribunal fédéral et que le lien de causalité adéquate devait être retenu, il conviendra, conformément à la pratique, d’ordonner des investigations supplémentaires sur les questions qui se posent du point de vue factuel concernant la nature des troubles (diagnostic, caractère invalidant) ainsi que leur lien de causalité naturelle, avant de se prononcer définitivement à ce stade sur le lien de causalité adéquate (ATF 148 V 138 consid. 5).

La question de savoir si l’assurée a éventuellement subi un dommage dans le cadre de l’intervention chirurgicale du 23.10.2017 n’a pas été clarifiée à ce jour de manière juridiquement satisfaisante, pas plus que la question de savoir si, dans l’affirmative, les troubles persistants par la suite sont en lien de causalité naturelle avec la complication médicale. Même si les troubles ne devaient pas être causés par une lésion lors de l’opération, des investigations supplémentaires sont nécessaires quant à leur étiologie. Certes, des examens approfondis ont été effectués dans des cliniques spécialisées. Cependant, les médecins traitants n’avaient pas besoin d’éclaircissements à ce sujet, mais les évaluations diagnostiques servaient avant tout à évaluer les possibilités thérapeutiques. Pour que l’assureur-accidents soit tenu de verser des prestations – éventuellement au-delà du 30.11.2020 -, il est toutefois indispensable de clarifier la nature des limitations. Compte tenu de la complexité de l’évolution, l’assurance-accidents a notamment renoncé à tort à soumettre le dossier à son médecin-conseil pour un examen plus approfondi.

L’affaire doit être renvoyée à l’assurance-accidents pour un examen complet, également indispensable pour les questions juridiques qui se posent, et pour qu’elle rende une nouvelle décision sur son obligation de prester.

 

Le TF admet le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 8C_704/2022 consultable ici

 

Proposition de citation : 8C_704/2022 (d) du 27.09.2023, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2023/11/8c_704-2022)

 

9C_493/2022 (f) du 28.09.2023 – Prestations complémentaires – Dessaisissement de fortune et capacité de discernement – Diminution de patrimoine causée par une infraction pénale

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_493/2022 (f) du 28.09.2023

 

Consultable ici

 

Prestations complémentaires – Condition de la fortune / 9a LPC – 11a LPC

Notion de dessaisissement de fortune (17b OPC-AVS/AI) et capacité de discernement (16 CC) – Prêt sans condition de CHF 585’000

Acte déraisonnable indice d’un défaut de discernement

Diminution de patrimoine causée par une infraction pénale

 

Par ordonnance du 06.07.2021, le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant (ci-après: le TPAE) a institué une curatelle de représentation et de gestion en faveur de l’assurée, née en 1941, et désigné Maître X.__ aux fonctions de curateur.

Le 13.10.2021, l’assurée a déposé une demande de prestations complémentaires à sa rente de l’assurance-vieillesse et survivants, par l’intermédiaire de son curateur. Dans le courrier accompagnant la demande, le curateur indiquait que la santé psychique de la prénommée était très inquiétante et qu’une admission dans un lieu de vie sécurisé était urgente; il y précisait également que l’assurée avait prêté, sans aucune garantie, la quasi-totalité de son disponible financier à B.__, domiciliée en Espagne, et qu’il ignorait si les prêts seraient remboursés. Par décision, confirmée sur opposition, le Service des prestations complémentaires (ci-après: le SPC) a rejeté la demande. En bref, il a considéré que la fortune nette de l’assurée était évaluée à 599’992 fr. 60, une fois pris en compte les prêts octroyés à hauteur de 585’000 fr., et que l’intéressée n’avait pas démontré avoir été victime de tromperie lors de l’octroi des prêts successifs, ni que la créance était irrécupérable; en tout état de cause, même si la créance ne pouvait pas effectivement être récupérée, elle devait être prise en compte sous l’angle d’un dessaisissement de fortune.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/818/2022 – consultable ici)

L’assurée a, par l’intermédiaire de son curateur, interjeté recours le 19.11.2021. Le 14.01.2022, le curateur a informé la juridiction cantonale du dépôt, le jour même, d’une plainte pénale à l’encontre de B.__. Après avoir notamment requis des renseignements auprès de la médecin traitante de l’assurée et tenu des audiences d’enquêtes au cours desquelles elle a entendu deux témoins, la cour cantonale a rejeté le recours (arrêt du 19.09.2022).

 

TF

Consid. 4.2
La capacité de discernement doit être présumée et que celui qui en allègue l’absence doit prouver l’incapacité de discernement au degré de la vraisemblance prépondérante (cf. art. 16 CC; ATF 124 III 5 consid. 1b; arrêts 9C_28/2021 du 4 novembre 2021 consid. 5.2; 5A_914/2019 du 15 avril 2021 consid. 3.2). En revanche, lorsque l’expérience de la vie conduit à présumer (par exemple pour les jeunes enfants, en présence de certaines affections psychiques ou pour les personnes affaiblies par l’âge) que la personne en cause, en fonction de sa constitution, ne doit pas être jugée capable de discernement, la preuve est considérée comme suffisamment rapportée et la présomption renversée. L’autre partie peut alors tenter de prouver un intervalle de lucidité (cf. ATF 124 III 5 consid. 1b; arrêt 6B_869/2010 du 16 septembre 2011 consid. 4.2).

La présomption d’incapacité de discernement concerne, selon la jurisprudence, les cas dans lesquels la personne en cause se trouve, au moment d’agir, diminuée psychiquement de manière durable en raison de l’âge ou de la maladie, comme cela est notoirement le cas en présence de démences séniles (syndrome psycho-organique avec pour cause une artériosclérose sénile, trouble délirant persistant ou démence sénile de type Alzheimer, p. ex.; cf. arrêt 5A_951/2016 du 14 septembre 2017 consid. 3.1.3.1 et les arrêts cités; arrêt 5A_926/2021 du 19 mai 2021 consid. 3.1.1.1). L’incapacité de discernement n’est, en revanche, pas présumée et doit, partant, être prouvée, par exemple chez une personne d’un âge avancé qui n’est que faible, atteinte dans sa santé et confuse par moment, chez une personne qui ne souffre que d’absences sporadiques ensuite d’une apoplexie ou encore qui ne souffre que de trous de mémoire liés à l’âge (arrêt 5A_951/2016 cité consid. 3.1.3.1 et les références). Un simple doute sur l’état mental ne suffit pas à renverser la présomption de capacité de discernement (arrêt 6B_869/2010 précité consid. 4.5).

Consid. 4.3
Les juges cantonaux n’ont pas déduit « une prétendue absence de troubles du seul fait que la Dre C.__ a[va]it indiqué qu’elle ne pouvait pas se prononcer sur les troubles de sa patiente en 2017, vu les rendez-vous médicaux plus espacés ». Selon leurs constatations, le médecin traitant n’avait pas observé, lors des consultations durant la période des prêts, une incapacité de sa patiente à gérer ses propres affaires. A la suite de la juridiction cantonale, force est d’admettre que la Dre C.__ n’a mis en évidence aucun élément objectif permettant de remettre en cause la capacité de discernement de l’assurée durant les années 2017 à 2019, même si elle a indiqué qu’elle ne pouvait se prononcer sur la capacité de sa patiente à gérer ses affaires. Elle a fait état d’une « situation se détériorant rapidement » durant la période postérieure, à compter de 2021, voire déjà 2020, qui l’a conduite à signaler sa patiente auprès du TPAE le 17 mai 2021. La Dre C.__ a en effet rapporté qu’elle avait observé objectivement en consultation une perte rapide dans l’autogestion en janvier 2021, qui était probablement déjà présente en 2020, selon l’anamnèse établie à l’époque, même si cela ne ressortait pas à ce moment à l’occasion des consultations. Partant, l’argumentation de l’assurée ne démontre pas en quoi les constatations de fait des juges cantonaux, fondées sur le rapport du médecin traitant, en relation avec sa capacité de discernement entre 2017 et 2019, soit à l’époque du dessaisissement de fortune, seraient manifestement inexactes ou arbitraires.

Consid. 4.4
L’assurée ne peut pas davantage être suivie lorsqu’elle affirme que les témoignages de D.__ et de E.__, qui la connaissent depuis de nombreuses années, démontrent son « incapacité de discernement claire » en 2017 déjà. Si D.__ a certes indiqué que, selon elle, A.__ « n’avait pas toute sa capacité de discernement au moment d’octroyer les prêts », elle ne l’a pas vue durant la période en cause, puisqu’elle s’est occupée d’elle uniquement à partir de l’année 2021, voire 2020. Dès lors déjà que les constatations de D.__ concernent une période postérieure à celle des prêts, c’est sans arbitraire, ni violation du droit, que la juridiction cantonale a considéré que son témoignage ne permettait pas de remettre en question la capacité de discernement de l’assurée entre 2017 et 2019.

Quant à E.__, qui a rendu visite à A.__ à raison d’une fois par semaine entre 2017 et 2019, elle a mentionné s’être aperçue dès 2018 que son amie était confuse, que celle-ci mélangeait les choses et qu’elle se trompait de dates, en précisant également que, selon elle, si l’assurée avait été en pleine santé, elle n’aurait jamais octroyé un prêt si important. Ces éléments ne suffisent cependant pas pour admettre, au moment des prêts, un état durable d’altération mentale lié à l’âge ou à la maladie, en présence duquel la personne en cause est en principe présumée dépourvue de la capacité d’agir raisonnablement (cf. consid. 4.2 supra). Les considérations de personnes proches quant à l’ampleur et au caractère peu raisonnable des prêts que l’assurée a accordés ne sauraient du reste l’emporter sur les constatations médicales figurant au dossier, en l’occurrence celles de la Dre C.__, qui ne fait pas mention d’un état durable d’altération mentale ni d’une incapacité de discernement pour la période antérieure à 2021, voire à 2020.

Consid. 4.5
C’est également en vain que l’assurée affirme que « la remise des fonds en elle-même est déjà un signe évident d’incapacité de discernement ». Elle allègue à ce propos que tout simplement personne, à part quelqu’un qui n’a plus sa faculté d’agir raisonnablement, « aurait remis l’entier de sa fortune, soit plus de 500’000 fr., à une brève connaissance, pour des activités en Espagne, sans aucune garantie ». Cette argumentation est mal fondée, dès lors qu’une personne peut agir de manière déraisonnable sans être dépourvue de la capacité de discernement. Une personne n’est en effet privée de discernement au sens de la loi que si sa faculté d’agir raisonnablement est altérée, en partie du moins, par l’une des causes énumérées à l’art. 16 CC (ATF 117 II 231 consid. 2a; cf. aussi arrêt 8C_916/2011 du 8 janvier 2013 consid. 2.2). Or une telle cause n’est pas établie à l’époque déterminante à laquelle les prêts ont été accordés, au vu des indications médicales au dossier (consid. 4.3 supra).

Il est vrai que les juges cantonaux ont retenu qu’« il y a lieu d’admettre qu’aucune personne raisonnable n’aurait, dans la même situation et les mêmes circonstances octroyé, un tel prêt ». Si un acte déraisonnable peut dans certaines circonstances constituer un indice d’un défaut de discernement (arrêt 5A_910/2021 du 8 mars 2023 consid. 6.2.3 et les arrêts cités), en l’occurrence, cet indice est insuffisant à lui seul. L’appréciation de la juridiction cantonale se rapporte du reste au caractère déraisonnable du prêt octroyé par l’assurée, en relation avec la jurisprudence selon laquelle si l’octroi d’un prêt ne saurait être assimilé à un dessaisissement de fortune, dès lors qu’il fonde un droit au remboursement, il faut cependant réserver l’hypothèse où, au regard des circonstances concrètes du cas d’espèce, il apparaît dès le départ que ce prêt ne sera pas remboursé (arrêts 9C_333/2016 du 3 novembre 2016 consid. 4.3.3; 9C_180/2010 du 15 juin 2010 consid. 5.2 et les arrêts cités). Le recours est mal fondé sur ce point.

Consid. 5
Le grief de l’assurée tiré d’un établissement inexact des faits et d’une violation des art. 11a LPC et 17 OPC-AVS/AI, en ce que la juridiction cantonale n’a pas examiné la « problématique de diminution de patrimoine causée par une infraction pénale », est en revanche bien fondé.

Selon la jurisprudence, une diminution du patrimoine due à des actes punissables (p. ex. escroquerie) ne peut en effet pas être qualifiée de dessaisissement de fortune, étant donné que le propre d’une telle diminution du patrimoine est précisément que la victime de l’acte punissable n’est pas consciente de l’ampleur du risque de l’investissement réalisé ou qu’elle est trompée astucieusement à ce sujet (arrêts 9C_180/2010 précité consid. 5.2; 8C_567/2007 du 2 juillet 2008 consid. 6.5). Or en l’espèce, bien que dûment informés par le curateur de l’assurée du dépôt d’une plainte pénale à l’encontre de B.__, le 14 janvier 2022, les juges cantonaux n’ont pas tenu compte de ce fait, qui avait pourtant une importance décisive pour l’issue du litige. La plainte semble comprendre des éléments suffisamment concrets pour justifier un examen des faits invoqués sous l’angle pénal. En conséquence, la cause doit leur être renvoyée afin qu’ils instruisent le point de savoir si la diminution de patrimoine de l’assurée a été provoquée par un acte punissable, en se fondant, le cas échéant, sur l’issue de la procédure pénale.

 

Le TF admet partiellement le recours de l’assurée.

 

Arrêt 9C_493/2022 consultable ici

 

8C_326/2023 (d) du 06.10.2023 – Chute sur l’épaule – Coiffe des rotateurs – Causalité naturelle / 6 LAA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_326/2023 (d) du 06.10.2023

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi

 

Chute sur l’épaule – Coiffe des rotateurs – Causalité naturelle / 6 LAA

 

Assuré, né en 1978, plâtrier. Le 05.01.2021, il a glissé dans un escalier verglacé alors qu’il travaillait. En tombant, il s’est fait une contusion au coccyx et à l’avant-bras droit. Sans consulter un médecin, il a d’abord cessé son travail. En raison de douleurs persistantes, il s’est rendu le 11.01.2021 au service des urgences de l’hôpital C.__, où une contusion du rachis lombaire et une luxation acromio-claviculaire de degré I-II à l’épaule droite ont été diagnostiquées et où une incapacité de travail totale a été attestée du 05.01.2021 au 02.02.2021. Par courrier du 01.04.2021, l’assurance-accidents a reconnu son obligation de verser des prestations en ce qui concerne les conséquences de l’accident pour une durée limitée, du 05.01.2021 jusqu’au 04.04.2021 et a ensuite renvoyé l’assuré à la compétence de la caisse-maladie pour la suite du traitement médical. Par décision du 11.02.2022, confirmée par décision sur opposition le 10.08.2022, l’assurance-accidents a maintenu la clôture du cas au 04.04.2021.

 

Procédure cantonale (arrêt VBE.2022.319 disponible ici)

L’instance cantonale a considéré qu’il fallait se fonder sur les appréciations médicales – probantes – du dossier des 01.04.2021 et 12.01.2022 du médecin-conseil. Les constatations peropératoires effectuées le 31.03.2021 permettent de conclure au degré de la vraisemblance prépondérante à une contusion de l’épaule qui a entraîné une aggravation passagère de l’état dégénératif antérieur avec une discrète brèche osseuse dans la zone du tuberculum minus. Tant le tendon du biceps altéré par la dégénérescence que la rupture de la coiffe des rotateurs réparée lors de l’opération du 31.03.2021 n’auraient, selon toute vraisemblance, pas de lien de causalité avec l’accident. Non seulement ces résultats peropératoires mais également le fait que l’assuré ne se soit rendu au service des urgences pour un premier traitement médical que six jours après la chute dans les escaliers invoquée comme cause de l’accident plaident contre la causalité de l’accident pour la problématique de l’épaule persistante après le 04.04.2021.

La cour cantonale s’est penchée de manière approfondie sur les appréciations de la causalité naturelle et a expliqué les raisons pour lesquelles les appréciations des médecins traitants n’étaient pas en mesure d’éveiller des doutes, même minimes, sur le résultat des preuves et pourquoi il n’y avait pas lieu d’attendre d’autres mesures probatoires dans le cadre d’une appréciation anticipée des preuves des éléments nouveaux essentiels à la décision.

Par jugement du 06.04.2023, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 2.3
Il est établi et incontesté que l’épaule droite contusionnée lors de l’accident présente un état dégénératif antérieur qui, selon l’anamnèse, n’a provoqué aucun symptôme jusqu’au 05.01.2021. Selon le rapport du médecin, ni l’opération du 31.03.2021 ni l’opération de révision de septembre 2021 n’ont eu d’effet positif durable sur les douleurs dont l’assuré se plaint depuis lors.

Consid. 3.2
L’assuré n’apporte aucun élément susceptible de remettre sérieusement en question l’appréciation des preuves et la constatation des faits pertinents en droit effectuées par l’instance cantonale. En particulier, ses objections ne sont pas de nature à éveiller des doutes, même minimes, quant à l’appréciation du médecin-conseil ou à invalider l’argumentation de l’instance cantonale.

L’évaluation du lien de causalité naturelle par le médecin-conseil répond aux réquisits jurisprudentiels (cf. arrêt 8C_167/2021 du 16 décembre 2021 consid. 4.1 avec références ; cf. en outre, concernant la position défendue par swiss orthopädics : arrêt 8C_62/2023 du 16 août 2023 consid. 5.2.2 avec référence à SVR 2021 UV no 34 p. 154, 8C_672/2020 E. 4.5 avec références).

L’assuré se réfère à plusieurs reprises au rapport de son chirurgien traitant du 23.03.2021. Il n’avait toutefois pas encore connaissance des résultats peropératoires du 31.03.2021. Ces résultats ont en revanche été appréciés par le médecin-conseil dans son évaluation du dossier du 12.01.2022. Contrairement à la description de l’assuré, c’est précisément le chirurgien traitant qui a indiqué le 23.03.2021 que l’état de santé s’était plutôt détérioré sous physiothérapie, raison pour laquelle l’assuré souhaitait alors une démarche proactive concernant la planification de l’opération du 31.03.2021. Les publications citées par l’assuré ne modifient pas la valeur probante des appréciations médicales sur dossier du médecin-conseil. En particulier, il ne fait pas valoir et il n’apparaît pas que l’événement accidentel aurait entraîné une aggravation déterminante de l’état dégénératif préexistant.

 

Consid. 5
Le recours étant manifestement mal fondé, il doit être considéré comme voué à l’échec au sens de l’art. 64 al. 1 LTF (arrêt 8C_300/2021 du 23 juin 2021 consid. 6 avec référence). La requête d’assistance judiciaire gratuite doit par conséquent être rejetée.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_326/2023 consultable ici

 

Proposition de citation : 8C_326/2023 (d) du 06.10.2023, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2023/11/8c_326-2023)

8C_662/2022 (f) du 25.08.2023 – Troubles psychiques – Causalité adéquate – Agression / Admission du critère du caractère particulièrement impressionnant de l’accident manifesté avec une intensité particulière / Admission de l’assistance juridique gratuite dans le cadre de l’opposition / 37 al. 4 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_662/2022 (f) du 25.08.2023

 

Consultable ici

 

Troubles psychiques – Causalité adéquate – Agression / 6 LAA

Admission du critère du caractère particulièrement impressionnant de l’accident manifesté avec une intensité particulière

Admission de l’assistance juridique gratuite dans le cadre de l’opposition / 37 al. 4 LPGA

 

Assurée, née en 1996, aide de cuisine. Dans la nuit du 08.08.2018 vers cinq heures du matin, l’assurée et trois de ses amies, dont C.__, ont subi une agression violente alors qu’elles quittaient un club et rejoignaient leur voiture. Elles y ont vu un homme pousser une femme puis la frapper violemment. Après s’être interposées pour porter secours à celle-ci, elles ont également été battues par cet individu, soudain rejoint par quatre autres agresseurs, dont l’un avait importuné l’assurée plus tôt dans le club. L’assurée et C.__ notamment ont été rouées de coups de poing et de pied. Leurs agresseurs ont continué à les frapper une fois qu’elles étaient tombées à terre. L’un d’eux avait des béquilles, dont il s’est servi pour frapper la première victime. Des témoins ont décrit que les agresseurs avaient donné des coups de pied comme des joueurs de football lors d’un tir au but, dans la tête de l’assurée notamment. Les assaillants n’ont pris la fuite qu’après l’arrivée de passants, dont trois se sont interposés pour les faire cesser leurs exactions. L’assurée a en particulier indiqué lors de ses dépositions devant la juge d’instruction qu’elle avait cru son amie C.__ morte, car elle était inerte au sol et n’avait pas réagi lorsqu’un faisceau lumineux avait été dirigé sur ses yeux et qu’elle lui avait passé de l’eau sur le visage.

A la suite de cette agression, l’assurée, ses amies et la première victime ont été conduites à l’hôpital. C.__, plongée dans le coma à la suite des coups, était alors dans un état critique et a dû subir une intervention en urgence. Chez l’assurée, les médecins ont relevé une fracture sous-condylienne droite mandibulaire et une fracture de la phalange d’un doigt à gauche. Elle se plaignait de douleurs au niveau de la face et de la mâchoire avec une ouverture de bouche limitée ainsi que de douleurs cervicales. Les médecins ont constaté en outre qu’elle était choquée. L’assurée a également été examinée par une psychiatre qui a rapporté des lésions au niveau du visage (ecchymoses griffures), une difficulté à ouvrir la bouche pour articuler, une anxiété liée à l’état de santé de son amie, alors prise en charge au bloc opératoire, ainsi qu’une thymie abaissée, un sentiment de colère et des pleurs. Les médecins de l’hôpital ont attesté une incapacité de travail totale de l’assurée jusqu’au 20.08.2018. L’assurée a repris son activité professionnelle le 20.08.2018.

Par courrier du 23.10.2019, la psychologue F.__ a indiqué à l’assurance qu’elle avait suivi l’assurée lors de huit séances du 20.08.2018 au 27.11.2018, date à laquelle l’assurée avait voulu faire une pause dans le traitement. En août 2018, l’assurée avait souhaité reprendre très rapidement le travail malgré l’avis très défavorable de la psychologue. Le 23.09.2019, elle avait recommencé la psychothérapie sur les conseils de l’experte judiciaire qui l’avait examinée dans le cadre de la procédure pénale. Le 14.01.2021, l’assurée a requis la prise en charge de la psychothérapie par l’assurance-accidents.

Par jugement du 19.05.2020, le Tribunal correctionnel de U.__ (F) a condamné quatre des agresseurs impliqués dans l’événement du 08.08.2018 à des peines de prison de respectivement cinq ans, huit ans, quatre ans et quatre ans, et a relaxé le cinquième. Il a alloué 10’000 euros à l’assurée en réparation de son préjudice moral.

Dans une décision du 27.05.2021, retenant que l’assurée s’était déplacée dans la direction de l’agresseur en lui demandant ce qu’il avait fait et en l’insultant alors qu’il s’éloignait, l’assurance-accidents a considéré que celle-ci s’était exposé à un énorme risque au vu des faits dont elle avait été témoin. Partant, l’assurance-accidents a décidé qu’elle réduirait ses prestations de 50% si l’assurée devait faire valoir une rechute ou des séquelles tardives de l’accident du 08.08.2018, mais qu’elle renonçait à appliquer cette mesure avec effet rétroactif. L’assurée ne s’est pas opposée à cette décision.

Dans un courrier du même jour, soit le 27.05.2021, l’assurance-accidents a indiqué à l’assurée qu’elle refusait la prise en charge du traitement psychologique. Par décision, confirmée sur opposition le 21.01.2022, l’assurance-accidents a refusé la prise en charge du traitement psychologique et psychiatrique prodigué depuis le 24.09.2019 en l’absence d’un lien de causalité adéquate avec l’évènement du 08.08.2018.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/897/2022 – consultable ici)

Par jugement du 12.10.2022, admission du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 6
En ce qui concerne le lien de causalité naturelle entre les troubles psychiques et l’évènement du 08.08.2018, la cour cantonale a retenu que celui-ci avait été établi de manière convaincante par le docteur G.__ de même que par les experts judiciaires français et qu’il n’était du reste pas contesté par l’assurance-accidents. En effet, le docteur G.__, spécialiste FMH en psychiatrie, a retenu qu’il paraissait incontestable qu’en lien direct avec l’évènement du 08.08.2018, l’assurée avait développé un état de stress post-traumatique avec un impact majeur sévère sur son quotidien et son fonctionnement. Le docteur H.__, médecin légiste, a constaté dans son expertise de l’assurée à la demande de la juge d’instruction que les séquelles physiques ne devaient pas donner lieu à un infirmité ou un préjudice, mais que les séquelles psychiques nécessitaient un traitement régulier (rapport du 12.10.2018). La psychologue I.__ a également réalisé une expertise de l’assurée à la demande de la juge d’instruction. Elle a diagnostiqué en substance un état de stress post-traumatique et a recommandé la prise en charge psychothérapeutique. Ni par sa simple allégation de ne jamais avoir admis un lien de causalité naturelle, ni par le fait que l’assurée avait repris le travail dix jours après l’évènement, l’assurance-accidents démontre en quoi la constatation de la cour cantonale serait manifestement erronée.

Consid. 7.1
Dans le cadre de l’examen de la causalité adéquate, la cour cantonale s’est interrogée sur la qualification de l’accident comme évènement de gravité moyenne retenue par l’assurance-accidents, à tout de moins si on analysait l’évènement dans son ensemble. Au vu du nombre d’agresseurs, de la violence des coups distribués – une des victimes s’étant retrouvée dans un état critique -, du déséquilibre des force en présence eu égard au fait que cinq hommes s’en sont pris à un groupe de femmes, cet accident semblait plutôt devoir être classé à la limite supérieure des accidents de gravité moyenne, voire dans les accidents graves. La cour cantonale a cependant considéré que cette question n’était pas déterminante pour l’issue du litige, puisque le lien de causalité adéquate devait être admis au motif que le critère du caractère particulièrement impressionnant revêtait en l’espèce une intensité telle qu’il suffisait à reconnaitre un lien de causalité adéquate entre l’évènement du 08.08.2018 et les troubles psychiques de l’assurance-accidents. En conclusion, l’assurance-accidents était tenue de prendre en charge les frais de traitement des troubles psychiques de l’assurée.

Consid. 7.2
L’assurance-accidents remet en cause d’abord la qualification de l’accident comme évènement de gravité moyenne à la limite des accidents graves voire de grave et non d’un accident de gravité moyenne stricto sensu, qui exige le cumul de trois critères jurisprudentiels sur sept pour admettre un lien de causalité adéquate. Elle soutient que cette qualification ne serait pas justifiée à la lumière de la jurisprudence fédérale concernant les agressions, dont certains arrêts figuraient dans l’arrêt attaqué à titre d’exemples d’évènements de gravité moyenne (les arrêts 8C_705/2020 du 28 avril 2021; 8C_357/2020 du 8 septembre 2020; 8C_595/2015 du 23 août 2016; 8C_1062/2009 du 31 août 2010; cf. également arrêt 8C_96/2017 du 24 janvier 2018). Selon l’assurance-accidents, ces cas seraient comparables à celui d’espèce. Avec la cour cantonale, on peut toutefois laisser indécise la question de la qualification de l’évènement pour les motifs qui suivent, étant rappelé qu’en présence d’un accident de gravité moyenne, un seul critère peut être suffisant pour admettre l’existence d’une relation de causalité adéquate, à condition que ce critère se soit manifesté de manière particulièrement marquante (arrêts 8C_361/2022 du 13 octobre 2022 consid. 3.3 et la référence).

 

Consid. 7.3
Il convient donc d’examiner ce qu’il en est du critère du caractère particulièrement impressionnant de l’accident qui, selon la cour cantonale, s’est manifesté ici avec une intensité particulière, alors que l’assurance-accidents en conteste entièrement la réalisation.

Consid. 7.3.1
La raison pour laquelle la jurisprudence a adopté le critère des circonstances concomitantes particulièrement dramatiques ou du caractère particulièrement impressionnant de l’accident repose sur l’idée que de telles circonstances sont propres à déclencher chez la personne qui les vit des processus psychiques pouvant conduire ultérieurement au développement d’une affection psychique. C’est le déroulement de l’accident dans son ensemble qu’il faut prendre en considération. L’examen se fait sur la base d’une appréciation objective des circonstances d’espèce et non pas en fonction du ressenti subjectif de l’assuré, en particulier de son sentiment d’angoisse. Il faut en effet observer qu’à tout accident de gravité moyenne est associé un certain caractère impressionnant, lequel ne suffit pas pour admettre l’existence du critère en question (arrêt 8C_96/2017 du 24 janvier 2018 consid. 5.1).

Consid. 7.3.2
La cour cantonale a considéré que l’agression avait eu lieu en pleine nuit, alors que l’assurée, ses amies et la première victime étaient seules face à un puis deux agresseurs, bientôt rejoints par trois autres assaillants semblant surgis de nulle part. Quand bien même l’assurée n’avait pas elle-même reçu de coup de béquille, un des agresseurs en portait et s’en était servi contre une des victimes, ce qui pouvait lui faire craindre le recours à cette arme contre elle. Toutes ses amies avaient également reçu des coups. L’assurée avait subi un déferlement de violences, qui l’avait fait tomber au sol, incapable de résister. Ses agresseurs avaient néanmoins continué à se déchaîner à coups de pied, dont la brutalité a été décrite de manière saisissante par plusieurs témoignages (coups de pied penalty). L’assurée avait même porté la marque d’une chaussure sur son visage. La fracture à la mâchoire, imputée par le médecin légiste à un impact direct, démontrait la force appliquée. Ses agresseurs n’avaient pas hésité à viser la tête, ce qui l’exposait à des lésions qui auraient pu s’avérer fatales, et qui pouvait la faire craindre pour sa vie. Simultanément, elle avait vu une de ses amies perdre connaissance à la suite d’un coup particulièrement violent. L’assurée l’avait crue morte. Les victimes n’avaient dû leur salut qu’à l’arrivée inopinée de passants, dont trois avaient dû intervenir pour faire fuir leurs attaquants. L’acharnement de cinq agresseurs, qui avaient passé à tabac plusieurs femmes dans un lieu désert, en pleine nuit, leur assénant notamment des coups de pied à la tête alors qu’elles étaient à terre, dont l’un s’était servi de sa béquille comme d’une arme sur une des victimes – circonstance aggravante retenue au plan pénal pour cet auteur -, avait indubitablement un caractère impressionnant très prégnant. De plus, quand bien même la couverture par la presse d’un événement n’était en soi pas juridiquement pertinente pour analyser ce critère, le très large écho médiatique que cette affaire a rencontré était également révélateur de son caractère dramatique. On ne saurait ici opposer à l’assurée, comme le faisait l’assurance-accidents, que son intervention démontrerait que l’événement n’était pas impressionnant. D’une part, elle avait tenté de s’interposer durant la première phase de l’agression, dont le caractère dramatique avait ensuite été décuplé par l’arrivée imprévisible d’autres agresseurs. D’autre part, le courage dont elle avait fait preuve pour porter secours à une inconnue ne signifiait nullement que cet évènement n’était pas effrayant. Force était ainsi de constater que le critère du caractère particulièrement impressionnant revêt dans la présente cause une intensité particulière.

Consid. 7.3.3
En relevant que l’assurée avait été en mesure de reprendre le travail après dix jours d’incapacité et que le traitement des lésions physiques avait été terminé à fin août 2018 l’assurance-accidents tente en vain de minimiser le caractère particulièrement impressionnant de l’évènement. D’une part, elle invoque, à vrai dire, des faits qui devraient être appréciés dans le cadre de l’examen des autres critères relevants pour l’admission d’un lien de causalité adéquate (cf. ATF 129 V 402; 115 V 133; 115 V 403). D’autre part, la circonstance que l’assurée n’a pas subi des blessures physiques plus sévères ne saurait écarter le fait que notamment les coups de pied contre sa tête comportaient un risque de lésions conséquentes voire mortelles.

Consid. 7.3.4
L’assurance-accidents cite en outre des cas dans lesquels le Tribunal fédéral a nié que le critère du caractère particulièrement impressionnant s’était manifesté de manière marqué. Elle mentionne notamment celui d’un homme victime d’une agression par un jeune homme non armé qui l’avait frappé des poings au visage et au dos durant plusieurs minutes (arrêt 8C_434/2013 du 7 mai 2014 consid. 7.2) et celui d’une femme projetée par terre avec une certaine force (arrêt U 138/04 du 16 février 2005). Contrairement à ce qu’elle soutient, ces cas ne sont pas pertinents et manifestement pas comparables à l’agression en cause, menée par cinq hommes, au cours de laquelle l’assurée s’est vue infliger des coups de pied à la tête et dont l’un des agresseurs était armé d’une béquille qu’il utilisait comme une matraque. En revanche, les cas d’agression cités par la cour cantonale, dans lesquels le critère a été admis, présentent davantage d’analogie avec le cas d’espèce en tant que les agressions étaient, comme ici, spécialement violentes et pouvaient faire craindre la victime pour sa vie ou du moins pour une perte importante et permanente de son intégrité corporelle (cf. notamment les arrêts 8C_480/2013 du 15 avril 2015, U 382/06 du 6 mai 2008 et U 36/07 du 8 mai 2007).

Consid. 7.4
Il s’ensuit que le critère du caractère particulièrement impressionnant est rempli d’une manière extraordinaire, suffisante à admettre à lui seul le lien de causalité adéquate, de sorte qu’il ne faut pas examiner les autres critères. Le jugement entrepris n’est ainsi pas critiquable en ce qui concerne la reconnaissance du lien de causalité adéquate.

 

Consid. 8.1
L’assurance-accidents soutient enfin que les premiers juges auraient violé l’art. 37 al. 4 LPGA en admettant que les circonstances du cas d’espèce justifieraient l’octroi de l’assistance juridique gratuite dans le cadre de l’opposition, tout en lui renvoyant la cause afin qu’elle instruise si la condition liée à l’indigence est réalisée. Cependant, l’assurance-accidents n’allègue pas que l’opposition aurait été dénuée de toutes chances de succès.

Consid. 8.2
La question de savoir s’il existe un lien de causalité adéquate, est une question de droit qui revête une certaine complexité pouvant justifier l’octroi de l’assistance juridique gratuite au sens de l’art. 37 al. 4 LPGA. En plus, l’administration dispose d’une certaine marge d’appréciation, notamment en ce qui concerne la qualification de la gravité de l’accident. Ceci peut requérir, comme le retient la cour cantonale, des connaissances spécialisées, excédant celles que l’on pouvait généralement attendre d’un assistant social, d’une association ou même d’un centre LAVI. Par ailleurs, les juges cantonaux ont également pris en considération l’attitude de l’assurance-accidents dans le cadre de la procédure administrative et ont estimé que sa manière de procéder était peu transparente. A ce propos, on observe en particulier que l’assurance-accidents a notifié la décision de réduction de prestation le même jour qu’elle a informé l’assurée (par simple courrier) de sa position sur la prise en charge des frais de traitement psychiatrique, contribuant ainsi à la complexité de la procédure. Ceci ressort notamment du fait que l’assurée, ne disposant pas de connaissances juridiques, ne s’est pas opposée à cette décision. Au surplus, la cour cantonale a tenu compte de la réticence de l’assurance-accidents à reconnaître la validité de la procuration signé le 05.07.2021 (sous prétexte que celle-ci ne mentionnait pas de litige précis), de son omission de communiquer le dossier à la mandataire et du fait qu’elle a notifié la décision du 31.08.2021 directement à l’assurée et non pas à son avocate. Ces faits ne concernent certes pas l’examen de la situation personnelle de l’assurée, toutefois, les premiers juges ont conclu à juste titre que ce procédé a dans les faits entravé ou à tout le moins compliqué l’exercice des droits de l’assurée. Au vu de l’ensemble de ces circonstances, la cour cantonale n’a pas violé l’art. 37 al. 4 LPGA en octroyant l’assistance juridique gratuite à l’assurée pour la procédure d’opposition.

 

Consid. 9
Finalement, la cour cantonale a retenu, dans les considérants de l’arrêt attaqué, que la décision de réduction du 27.05.2021 était douteuse sur le plan matériel et qu’on peinait à cerner l’intérêt digne de protection de l’assurance-accidents à rendre une telle décision de constatation (cf. art. 49 al. 2 LPGA; ATF 129 V 289 consid. 2.1 et 3.4; arrêt 2C_737/2010 du 18 juin 2011 consid. 4.6). Cette décision, qui n’a pas été attaquée par voie d’opposition dans les 30 jours, ne fait certes pas objet du présent litige. Toutefois, en se bornant à exprimer leur avis sur la nature et le bien-fondé de la décision, sans trancher sa validité, les premiers juges n’ont pas violé le droit fédéral, contrairement à ce que prétend l’assurance-accidents.

 

Le TF rejette le recours de l’assurance-accidents

 

Arrêt 8C_662/2022 consultable ici

 

Lettre circulaire AI n°432 – Règles de droit transitoire pour l’introduction de la déduction forfaitaire

Lettre circulaire AI n°432 – Règles de droit transitoire pour l’introduction de la déduction forfaitaire

 

LCAI 432 consultable ici

 

  1. Contexte

Le 18 octobre 2023, le Conseil fédéral a décidé de modifier l’art. 26bis, al. 3, du règlement sur l’assurance-invalidité (RAI) avec effet au 1er janvier 2024 (cf. communiqué). En réponse à la motion CSSS-N 22.3377 «Utiliser des barèmes de salaires correspondant à l’invalidité dans le calcul du taux d’invalidité», une déduction forfaitaire liée au marché du travail doit désormais être prise en compte lors de la détermination du revenu avec invalidité lorsque ledit revenu est établi sur la base de salaires statistiques tirés de l’enquête sur la structure des salaires (ESS).

La nouvelle déduction forfaitaire est de 10%. Pour les personnes qui, en raison de leur invalidité, ne peuvent plus exercer leur activité qu’avec une capacité fonctionnelle de 50% au plus, la déduction forfaitaire est de 20%.

D’importantes règles de droit transitoire concernant l’introduction de la déduction forfaitaire sont exposées ci-après

 

  1. Premier octroi d’une rente

Tous les droits à la rente prenant naissance après le 31 décembre 2023 sont régis par les dispositions du RAI dans sa version en vigueur à partir du 1er janvier 2024.

Tous les droits à la rente prenant naissance avant le 1er janvier 2024 sont régis par les dispositions du RAI dans sa version en vigueur jusqu’au 31 décembre 2023. Si le droit à la rente subsiste au-delà du 31 décembre 2023, les dispositions du RAI dans sa version en vigueur au 1er janvier 2024 sont applicables à partir de cette date. L’augmentation de la rente prend alors effet au 1er janvier 2024.

 

  1. Nouvelles demandes déposées après un refus de rente

Si une rente a été refusée avant le 1er janvier 2024 en raison d’un taux d’invalidité insuffisant, l’assuré peut déposer une nouvelle demande s’il rend plausible que l’application de la déduction forfaitaire au calcul du taux d’invalidité pourrait déboucher sur un droit à la rente. L’on se fondera alors sur l’évaluation du taux d’invalidité déterminante pour le refus de la rente, sans tenir compte d’un éventuel abattement dû à l’atteinte à la santé. Si le nouveau taux d’invalidité obtenu à la suite de la prise en compte de la déduction forfaitaire s’élève à 40% au moins, l’office AI entre en matière sur la nouvelle demande de prestations AI.

Dans le cas contraire, l’assuré est libre d’invoquer l’existence d’une autre modification importante, au sens de l’art. 87 al. 3 RAI.

Conformément à l’art. 29 al. 1 LAI, le droit à la rente prend naissance au plus tôt six mois après le dépôt de la demande.

 

  1. Adaptation des rentes en cours
  2. a) Aspects généraux

Selon l’al. 1 des dispositions transitoires relatives à la modification du RAI du 18 octobre 2023, les rentes en cours ayant pris naissance avant le 1er janvier 2024 doivent faire l’objet d’une révision. La révision doit être engagée dans un délai de trois ans, à savoir avant le 1er janvier 2027.

Sont seules sujettes à une telle révision les rentes accordées sur la base d’un taux d’invalidité inférieur à 70% et pour lesquelles le revenu avec invalidité a été déterminé sur la base de valeurs statistiques et n’a pas déjà fait l’objet d’une déduction de 20%.

En premier lieu, il convient de procéder, au 1er janvier 2024, à l’évaluation du taux d’invalidité sur la base du RAI dans sa version en vigueur à partir du 1er janvier 2024. L’augmentation de la rente prend effet le 1er janvier 2024. Si, par contre, une révision au 1er janvier 2024 devait conduire à une diminution – voire une suppression – de la rente, il y sera renoncé et le versement de la rente se poursuit sans changement.

Si des indices laissent entrevoir une modification des faits déterminants, il faut vérifier si les conditions d’une révision au sens de l’art. 17 LPGA sont remplies et, le cas échéant, adapter en conséquence le droit à la rente à la date prévue à l’art. 88bis RAI.

Exemple 1 :

Un assuré perçoit depuis mars 2022 une rente égale à 45% d’une rente entière (taux d’invalidité : 48%). En juin 2024, l’office AI engage une révision à la suite de la modification du droit en vigueur. L’assuré fait alors valoir une aggravation de son état de santé depuis mai 2023. Sur la base de l’évaluation du taux d’invalidité avec déduction forfaitaire, le taux d’invalidité est de 53% à partir du 1er janvier 2024. Partant, le droit à la rente de cet assuré est porté à 53% d’une rente entière à compter du 1er janvier 2024. Au vu de l’aggravation de son état de santé, qui conduit à un nouveau taux d’invalidité de 68%, l’assuré a droit à partir de juin 2024 (conformément à l’art. 88bis al. 1 let. b RAI) à une rente s’élevant à 68% d’une rente entière.

Exemple 2 :

Un assuré perçoit depuis juin 2020 une demi-rente avec un taux d’invalidité de 52%. L’évaluation du taux d’invalidité effectuée à l’époque tenait compte d’un abattement dû à l’atteinte à la santé de 15%. En février 2024, l’office AI engage une révision à la suite de la modification du droit en vigueur. Dans le cadre de l’instruction, l’office AI constate une amélioration de l’atteinte à la santé à partir d’avril 2024. En se basant sur l’évaluation du taux d’invalidité avec la déduction forfaitaire (10%), il en résulterait un taux d’invalidité de 49% à partir du 1er janvier 2024. Comme cela entraînerait une diminution de la rente, il convient de renoncer à la révision au 1er janvier 2024 et de continuer à verser la demi-rente pour l’instant. En raison de l’amélioration de l’état de santé (motif de révision), la demi-rente sera supprimée avec décision en septembre 2024 avec effet à partir du 1er novembre 2024 au sens de l’art. 88bis al. 2 let. a RAI.

 

  1. b) Rentes qui se trouvent déjà dans le nouveau système linéaire

Indépendamment de l’existence d’une modification d’au moins 5 points de pourcentage du taux d’invalidité, les rentes sont adaptées sur la base des dispositions du RAI dans sa version en vigueur à partir du 1er janvier 2024. L’adaptation à une base juridique modifiée constitue un titre de modification autonome et non un motif de révision au sens de l’art. 17 LPGA.

Exemple :

Un assuré perçoit depuis octobre 2022 une rente de 58% d’une rente entière (taux d’invalidité de 58%). La révision due à la modification du droit donne désormais un taux d’invalidité de 62%. Malgré une modification de seulement 4 points de pourcentage du taux d’invalidité, le droit à la rente de l’assuré est augmenté à 62% d’une rente entière à partir du 1er janvier 2024.

 

  1. c) Rentes non encore transférées dans le nouveau système linéaire

Si l’évaluation du taux d’invalidité sur la base des dispositions du RAI, dans sa version valable à partir du 1er janvier 2024, entraîne une modification du taux d’invalidité d’au moins 5 points de pourcentage, il y a lieu de passer au système de rentes linéaire (cf. let. b, al. 1, des dispositions transitoires de la modification de la LAI du 19 juin 2020). Demeurent réservés les cas visés à la let. b, al. 2, desdites dispositions transitoires.

Exemple 1 :

Un assuré perçoit une demi-rente depuis août 2020, pour un taux d’invalidité de 52%. Son revenu sans invalidité a été fixé à 50 000 francs et son revenu avec invalidité (de 60 000 francs), sans prise en compte d’un abattement dû à l’atteinte à la santé et en tenant compte d’une capacité de travail résiduelle de 40%, à 24 000 francs. Aucune modification des faits n’est constatée lors de la révision de la rente effectuée à la suite de la modification du droit. Une déduction de 20% est désormais imputée du revenu avec invalidité, en marge de la capacité de travail résiduelle de 40% ; le revenu avec invalidité s’en trouve réduit à 19 200 francs. Ainsi, le taux d’invalidité s’élève désormais à 62%. Comme il y a modification du taux d’invalidité d’au moins 5 points de pourcentage, il y a lieu de passer au système de rentes linéaire, si bien que l’assuré a droit à 62% de rente entière à partir du 1er janvier 2024. Si, par contre, la modification du taux d’invalidité est par exemple inférieure à 5 points de pourcentage, l’éventuelle adaptation réalisée sur la base de la déduction forfaitaire se fait encore sous l’ancien système de rentes par paliers de quarts de rente.

Exemple 2 :

Un assuré perçoit depuis juin 2019 une demi-rente pour un taux d’invalidité de 58%. Son revenu sans invalidité a été fixé à 95 000 francs et son revenu avec invalidité (de 60 000 francs), après prise en compte d’un abattement dû à l’atteinte à la santé de 5% et en tenant compte d’une capacité de travail résiduelle de 70%, à 39 900 francs. Aucune modification des faits n’est constatée lors de la révision effectuée à la suite de la modification du droit. Une déduction de 10% est désormais imputée du revenu avec invalidité, en marge de la capacité de travail résiduelle de 70% ; le revenu avec invalidité s’en trouve réduit à 37 800 francs. Ainsi, le taux d’invalidité s’élève désormais à 60%. Faute de modification du taux d’invalidité d’au moins 5 points de pourcentage, le nouveau droit à la rente continue d’être fixé selon l’ancien système de rentes par paliers de quarts de rente. L’assuré aura donc droit à trois quarts de rente à partir du 1er janvier 2024.

 

  1. d) Gestion des révisions en cours

Les cas de révisions en cours engagées avant le 1er janvier 2024 sur lesquels il n’a pas encore été statué (décision ou communication) à cette date-là sont soumis, à compter du 1er janvier 2024, aux nouvelles dispositions sur l’évaluation du taux d’invalidité.

 

  1. Droits acquis par les personnes de plus de 55 ans

Les rentes en cours perçues par des assurés dont le droit à la rente est né avant le 1er janvier 2022 et qui avaient déjà atteint l’âge de 55 ans au 1er janvier 2022 (pour les hommes nés entre 1957 et 1966, de même que pour les femmes nées entre 1958 et 1966) ne font pas l’objet d’une révision. Ces assurés restent soumis aux dispositions légales en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021 (let. c des dispositions transitoires de la modification de la LAI du 19 juin 2020).

 

 

Lettre circulaire AI n°432 – Règles de droit transitoire pour l’introduction de la déduction forfaitaire consultable ici

Lettera circolare AI N° 432 – Regolamentazione di diritto intertemporale per l’introduzione della deduzione forfettaria

IV-Rundschreiben Nr 432 – Intertemporalrechtliche Regelungen im Zusammenhang mit der Einführung des Pauschalabzuge

 

8C_605/2022 (f) du 29.06.2023 – Revenu d’invalide – Choix de la table ESS (TA1 vs T1) / Niveau de compétences 2 vs 1 / Revenu sans invalidité élevé – Pas de «parallélisation inversée»

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_605/2022 (f) du 29.06.2023

 

Consultable ici

 

Revenu d’invalide – Choix de la table ESS (TA1 vs T1) / 16 LPGA

Niveau de compétences 2 vs 1 – Eventuelles compétences acquises sur le plan administratif ne remplacent pas une formation commerciale ou bureautique

Revenu sans invalidité élevé – Pas de «parallélisation inversée»

 

Assurée est titulaire d’un CFC d’assistante en soins et santé communautaire obtenu en 2007 après avoir suivi une formation d’aide-soignante en France. Engagée le 01.11.2010 en tant qu’assistante en soins et santé communautaire. Accident de la circulation le 30.06.2015, lequel lui a notamment causé des lésions au niveau de l’épaule gauche. Après une interruption de travail suivie d’une reprise, elle a été en incapacité totale de travailler depuis le 01.02.2016.

Par décision sur opposition du 15.02.2019, l’assurance-accidents a mis fin au versement des indemnités journalières avec effet au 31.01.2019. Cette décision n’a pas été contestée.

Par décision, confirmée sur opposition le 25.06.2021, l’assurance-accidents a clôturé le cas, considérant que l’état de santé de l’assurée était stabilisé au 30.11.2019, date à partir de laquelle elle ne prendrait plus en charge les frais médicaux; elle a reconnu le droit de l’intéressée à une rente d’invalidité fondée sur un taux d’invalidité de 22% dès le 01.12.2019 et lui a alloué une indemnité pour atteinte à l’intégrité fondée sur un taux de 25%.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/792/2022 – consultable ici)

Par jugement du 09.09.2022, admission partielle du recours par le tribunal cantonal reconnaissant le droit de l’assurée à une rente d’invalidité fondée sur un taux de 47% à compter du 01.11.2018.

 

TF

Consid. 3
En ce qui concerne le revenu sans invalidité (en soi non contesté par les parties), les juges cantonaux ont retenu qu’en 2015, l’assurée travaillait pour l’institution B.__ à raison de 32 heures par semaine, soit à un taux d’activité de 80%. Le revenu annuel tiré de cette activité s’élevait à 73’918 fr. 75, ce qui correspondait à 92’398 fr. 45 à temps plein. Adapté à la hausse générale des salaires dans la branche économique « santé, hébergement médico-social et action sociale » entre 2015 et 2018 selon un taux de 1.014%, cela aboutissait à un revenu sans invalidité final de 93’335 fr. 35.

Pour le revenu avec invalidité, les juges cantonaux se sont fondés sur le salaire médian global des femmes, niveau de compétence 1, de la table TA1_tirage_skill_level (ci-après: TA1) de l’ESS, ce qui correspondait à un salaire mensuel de 4’371 fr., respectivement à un salaire annuel de 52’452 fr. pour 40 heures de travail hebdomadaires. Adapté à la durée normale hebdomadaire de travail en 2018 en Suisse, à savoir 41,7 heures, cela aboutissait à un salaire de référence en 2018 de 54’681 fr. 20 ([52’452/40] x 41.7). Sur la question d’un abattement sur le salaire statistique, les juges cantonaux ont confirmé le taux de 10% retenu par l’assurance-accidents. Le revenu hypothétique d’invalide de l’assurée en 2018 s’élevait donc à 49’213 fr. 10.

En conséquence, la cour cantonale a retenu un taux d’invalidité de 47,273% ([93’335.35 – 49’213.10] / 93’335.35 x 100), arrondi à 47%.

Consid. 4.1
L’assurance-accidents reproche à l’instance cantonale de s’être fondée sur le salaire médian global pour les femmes dans les emplois de niveau de compétence 1 de la table TA_1 de l’ESS 2018 plutôt que sur le salaire médian dans les emplois de niveau de compétence 2 dans la branche économique « Assurances » (ligne 65) de la table « T1_skill_level » (secteur privé et secteur public ensemble) (ci-après: T1) de l’ESS 2018.

A propos du choix de la table, l’assurance-accidents fait valoir qu’on ne saurait faire abstraction de l’historique professionnel de l’assurée, dans la mesure où le fait d’avoir déjà exercé un emploi durant huit ans dans le secteur public augmenterait de manière substantielle les chances de retrouver un emploi dans ce secteur, y compris dans un nouveau domaine d’activité. Le fait que l’assurée ait déjà exercé un emploi dans le secteur public permettrait de démontrer que celui-ci lui est également ouvert. La jurisprudence admettrait d’ailleurs que l’on peut se référer à la table T1 lorsque la personne assurée a exercé sa dernière activité dans le secteur public. En l’occurrence, l’assurance-accidents fait valoir qu’une activité adaptée à son état de santé après l’événement invalidant dans ce secteur serait également envisageable et qu’il serait en effet notoire que les directions de la santé des administrations cantonales et les offices AI emploient des collaborateurs administratifs ayant une formation de base dans le domaine médical ou paramédical.

En ce qui concerne la branche d’activités applicable, l’assurance-accidents fait valoir que l’assurée disposerait de solides connaissances médicales et paramédicales et d’une longue expérience professionnelle dans le domaine de la santé. Avant d’être engagée en qualité d’assistante en soins et santé communautaire par l’institution B.__ dès le 01.11.2010, l’assurée avait travaillé pendant de nombreuses années à la clinique C.__, d’abord comme aide-soignante puis comme assistante en soins et santé communautaire dès l’obtention de son CFC en 2007. Les compétences et l’expérience professionnelles de l’assurée dans le domaine de la santé correspondraient aux critères de plusieurs offres d’emploi dans le secteur des assurances (en référence aux pièces produites à l’appui de son recours et devant l’instance cantonale). La majorité des offres d’emploi pour des postes dans les services administratifs des assurances actives dans le domaine de la santé et dans les offices AI mettraient en effet l’accent sur la nécessité d’avoir achevé une formation dans le domaine médical ou paramédical et de disposer de plusieurs années d’expérience dans ce domaine. Les connaissances administratives, assécurologiques voire juridiques ne constitueraient qu’un atout supplémentaire. Il existerait ainsi sur un marché du travail équilibré des emplois dans le domaine des assurances pour lesquels l’assurée disposerait d’un profil adéquat et qui seraient dès lors raisonnablement exigibles de sa part.

 

Consid. 4.2.1
Selon la jurisprudence, le revenu d’invalide doit être évalué avant tout en fonction de la situation professionnelle concrète de l’assuré. En l’absence d’un revenu effectivement réalisé, soit lorsque la personne assurée, après la survenance de l’atteinte à la santé, n’a pas repris d’activité lucrative ou alors aucune activité normalement exigible, le revenu d’invalide peut être évalué sur la base des données statistiques résultant de l’Enquête suisse sur la structure des salaires (ATF 148 V 419 consid. 5.2 et les arrêts cités). Dans ce cas, il convient de se fonder, en règle générale, sur les salaires mensuels indiqués dans la table TA1 (secteur privé), à la ligne « total » (ATF 148 V 174 consid. 6.2 et les arrêts cités). Toutefois, lorsque cela apparaît indiqué dans un cas concret pour permettre à l’assuré de mettre pleinement à profit sa capacité résiduelle de travail, il y a lieu parfois de se référer aux salaires mensuels de secteurs particuliers (secteur 2 [production] ou 3 [services]), voire à des branches particulières. Cette faculté reconnue par la jurisprudence concerne les cas particuliers dans lesquels, avant l’atteinte à la santé, l’assuré concerné a travaillé dans un domaine pendant de nombreuses années et où une activité dans un autre domaine n’entre pratiquement plus en ligne de compte. Il y a en revanche lieu de se référer à la ligne « total » secteur privé lorsque l’assuré ne peut raisonnablement plus exercer son activité habituelle et qu’il est tributaire d’un nouveau domaine d’activité pour lequel l’ensemble du marché du travail est en principe disponible (arrêt 8C_405/2021 du 9 novembre 2021 consid. 5.2.1 et les références). En outre, lorsque les circonstances du cas concret le justifient, on peut s’écarter de la table TA1 (secteur privé) pour se référer à une table portant sur les secteurs privé et public ensemble, si cela permet de fixer plus précisément le revenu d’invalide et que le secteur en question est adapté et exigible (ATF 148 V 174 consid. 6.2; arrêts 8C_205/2021 du 4 août 2021 consid. 3.2.2; 8C_66/2020 du 14 avril 2020 consid. 4.2.2).

Consid. 4.2.2
Depuis la dixième édition de l’ESS (2012), les emplois sont classés par l’Office fédéral de la statistique (OFS) par profession en fonction du type de travail qui est généralement effectué. Les critères de base utilisés pour définir le système des différents groupes de profession sont les niveaux et la spécialisation des compétences requis pour effectuer les tâches inhérentes à la profession (arrêt 8C_50/2022 du 11 août 2022 consid. 5.1.2 et les arrêts cités). Quatre niveaux de compétence ont été définis en fonction de neuf grands groupes de professions (voir tableau T17 de l’ESS 2012 p. 44) et du type de travail, de la formation nécessaire à la pratique de la profession et de l’expérience professionnelle (voir tableau TA1_skill_level de l’ESS 2012; ATF 142 V 178 consid. 2.5.3). Le niveau 1 est le plus bas et correspond aux tâches physiques et manuelles simples, tandis que le niveau 4 est le plus élevé et regroupe les professions qui exigent une capacité à résoudre des problèmes complexes et à prendre des décisions fondées sur un vaste ensemble de connaissances théoriques et factuelles dans un domaine spécialisé (on y trouve par exemple les directeurs/trices, les cadres de direction et les gérant[e]s, ainsi que les professions intellectuelles et scientifiques). Entre ces deux extrêmes figurent les professions dites intermédiaires (niveaux 3 et 2). Le niveau 3 implique des tâches pratiques complexes qui nécessitent un vaste ensemble de connaissances dans un domaine spécialisé (notamment les techniciens, les superviseurs, les courtiers ou encore le personnel infirmier). Le niveau 2 se réfère aux tâches pratiques telles que la vente, les soins, le traitement des données, les tâches administratives, l’utilisation de machines et d’appareils électroniques, les services de sécurité et la conduite de véhicules (arrêt 8C_444/2021 précité consid. 4.2.3 et les arrêts cités). L’application du niveau 2 se justifie uniquement si la personne assurée dispose de compétences ou de connaissances particulières (arrêt 8C_801/2021 du 28 juin 2022 consid. 3.4 et les arrêts cités).

Consid. 4.2.3
En l’espèce,
après avoir relevé que la dernière activité exercée par l’assurée (en tant qu’assistante en soins et santé communautaire) relevait du secteur public, les juges cantonaux ont retenu que celle-ci était totalement incapable de travailler dans ce domaine d’activité au 01.11.2018, et que cette situation perdurerait à l’avenir (éléments qui ne sont pas contestés par l’assurance-accidents). Aussi, selon les juges cantonaux, dès lors que rien au dossier ne laissait spécifiquement penser que l’assurée pourrait retrouver plus facilement une place dans le secteur public dans un nouveau domaine d’activité, en comparaison avec un assuré moyen, il convenait d’avoir recours au tableau TA1. Pour déterminer le revenu d’invalide, c’était en effet la situation de l’assurée après la survenance de son invalidité qui était déterminante. Le fait que celle-ci ait autrefois exercé un emploi dans le secteur public ne signifiait donc pas automatiquement qu’il en serait de même à l’avenir.

Consid. 4.2.4
Ces considérations ne prêtent pas le flanc à la critique et il convient de s’y rallier. Certes, l’activité d’aide-soignante, respectivement d’assistante en soins et santé communautaire, peut s’exercer dans le secteur public. Il n’en reste pas moins qu’il est établi que l’assurée ne peut plus exercer son activité habituelle. On ajoutera, au demeurant, que l’activité d’aide-soignante de l’assurée auprès de la clinique C.__ relevait du secteur privé. En ce qui concerne ensuite la branche d’activité « Assurances », comme l’ont relevé les juges cantonaux, elle recouvre la souscription de contrats d’assurance de rente et d’autres formes de contrats d’assurance ainsi que l’investissement des primes pour constituer un portefeuille d’actifs financiers en prévision des sinistres futurs ainsi que la fourniture de services d’assurance et de réassurance directe (cf. notes explicatives de la nomenclature NOGA 2008). En l’occurrence, la formation d’aide-soignante et d’assistante en soins et santé communautaire, ainsi que l’expérience accumulée dans ce domaine, ne justifient en rien de se fonder sur cette branche d’activité. La faculté reconnue par la jurisprudence de se référer aux salaires de secteurs particuliers plutôt qu’à la ligne « total » concerne les cas dans lesquels, avant l’atteinte à la santé, l’assuré concerné a travaillé dans un domaine pendant de nombreuses années et où une activité dans un autre domaine n’entre pratiquement plus en ligne de compte. Or, en l’espèce, l’assurée n’a pas travaillé dans le domaine des assurances pendant de nombreuses années. Même si elle pouvait hypothétiquement trouver un emploi dans le secteur administratif d’une assurance, en référence aux offres d’emploi produites par l’assurance-accidents, on ne peut pas encore en déduire que cette branche d’activité soit exigible de sa part, alors qu’il n’apparaît pas – en tout cas l’assurance-accidents ne le soutient pas – qu’elle aurait bénéficié de mesures de réadaptation dans ce secteur. C’est donc à raison que les juges cantonaux se sont référés à la ligne « total » de la table TA1, dès lors que l’assurée ne peut raisonnablement plus exercer son activité habituelle et qu’elle est tributaire d’un nouveau domaine d’activités pour lequel l’ensemble du marché du travail est en principe disponible.

 

Consid. 5.1
Par une argumentation subsidiaire, l’assurance-accidents soutient que les juges cantonaux auraient violé l’art. 16 LPGA en n’adaptant pas le revenu hypothétique d’invalide au moyen d’une « parallélisation inversée » des revenus. Elle soutient en résumé qu’avant l’accident, l’assurée percevait un revenu nettement supérieur au revenu médian des personnes au profil similaire, de sorte qu’il conviendrait d’augmenter le revenu hypothétique d’invalide dans la même proportion, en l’occurrence 36,80% (41,80% – 5% de marge tolérée). A cet égard, elle compare le revenu sans invalidité perçu auprès de l’institution B.__ en 2018, soit 93’335 fr. 35, et le salaire statistique médian d’une employée ayant prétendument les mêmes caractéristiques, soit 65’819 fr. 50 selon l’ESS 2018, T1, lignes 86-88 « domaines de la santé humaine et de l’action sociale », avec un niveau de compétence 2 et un horaire hebdomadaire de 41.6 heures.

Consid. 5.2
L’argumentation est mal fondée. En effet, la possibilité d’opérer un parallélisme des revenus a été introduite afin de ne pas défavoriser et éventuellement exclure du cercle des bénéficiaires de rente les personnes dont les revenus avant l’invalidité étaient nettement inférieurs aux salaires habituels de la branche pour des raisons étrangères à l’invalidité et sans que les personnes en question s’en contentent délibérément (sur le parallélisme des revenus cf. notamment ATF 134 V 322). Tel n’est précisément pas le cas de l’assurée et il n’y a aucun motif de pénaliser cette dernière pour tenir compte du fait qu’elle était éventuellement bien mieux rémunérée que la moyenne des salariés actifs dans son domaine de compétence. En outre, si le salaire perçu auprès de l’institution B.__ était (hypothétiquement) justifié par l’expérience ou d’autres qualités ou compétences personnelles de l’assurée, cela ne signifie pas encore qu’elle pourra mettre à profit ces caractéristiques de la même manière dans un nouveau domaine d’activité auprès d’un nouvel employeur. Contrairement à ce que soutient l’assurance-accidents de manière péremptoire, on ne voit pas que si une personne perçoit un salaire nettement supérieur à la moyenne dans l’activité exercée en bonne santé en raison de ses caractéristiques personnelles, tout indiquerait qu’elle serait également en mesure de réaliser un revenu largement supérieur à la moyenne ensuite de l’événement invalidant.

 

Consid. 6.1
Par une argumentation plus subsidiaire, l’assurance-accidents reproche aux juges cantonaux d’avoir également violé l’art. 16 LPGA en ne se fondant pas sur le niveau de compétence 2 pour fixer le revenu hypothétique d’invalide. Elle invoque à cet égard les compétences professionnelles de l’assurée et ses limitations fonctionnelles excluant un travail du membre supérieur gauche au-dessus de l’horizontale et le port de charges de plus de trois ou quatre kilos.

Consid. 6.2
Ce grief doit être rejeté. En effet, il n’est pas contesté que l’assurée ne peut plus exercer son activité habituelle d’aide-soignante, respectivement d’assistante en soins et santé communautaire, pour laquelle elle dispose d’une formation complète. Or rien au dossier n’indique qu’elle aurait, durant ses années d’activité, assuré des tâches administratives ou logistiques outrepassant largement l’administration de soins, qui, quoi qu’en dise l’assurance-accidents, constitue l’essentiel des tâches incombant aux professions susmentionnées (cf. a contrario arrêt 8C_202/2022 du 9 novembre 2022 consid. 4.4). En outre, les éventuelles compétences que l’assurée aurait acquises sur le plan administratif ne peuvent manifestement pas remplacer une formation commerciale ou bureautique. Dans ce contexte, le Tribunal fédéral a eu l’occasion de préciser, à propos d’une infirmière qui ne pouvait plus exercer son activité habituelle et ne disposait pas de compétences professionnelles transposables dans un autre domaine, qu’il convenait de se référer au niveau de compétence 1 pour déterminer le revenu d’invalide (arrêt 8C_226/2021 du 4 octobre 2021 consid. 3.3.2). Quant aux limitations fonctionnelles invoquées par l’assurance-accidents, elles ne présentent pas de contraintes majeures ou de spécificités telles qu’elles seraient incompatibles avec le large éventail d’activités légères du niveau de compétence 1 sur un marché équilibré du travail (sur cette notion, cf. arrêts 8C_240/2021 consid. 3; 9C_597/2018 du 18 janvier 2019 consid. 5.2 et les arrêts cités).

 

Le rejette le recours de l’assurance-accidents.

 

 

Arrêt 8C_605/2022 consultable ici

 

9C_2/2023 (f) du 25.09.2023 – Survenance de l’invalidité chez un étudiant schizophrène – Montant de la rente chez un assuré n’ayant pas encore accompli sa vingt-cinquième année au moment de la survenance de l’invalidité / 37 al. 2 LAI

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_2/2023 (f) du 25.09.2023

 

Consultable ici

 

Survenance de l’invalidité chez un étudiant schizophrène / 4 LAI

Montant de la rente chez un assuré n’ayant pas encore accompli sa vingt-cinquième année au moment de la survenance de l’invalidité / 37 al. 2 LAI

 

Assuré, né en août 1994, titulaire d’un Master en droit obtenu en 2021, a déposé une demande de prestations de l’assurance-invalidité le 08.09.2020.

L’office AI a confié un mandat d’expertise psychiatrique au centre B.__. Dans un rapport, le spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie et la médecin assistante ont posé le diagnostic de schizophrénie indifférenciée (F20.3). Ils ont attesté que le début d’une symptomatologie polymorphe avec un retentissement important sur son fonctionnement et la construction psychique pouvait être identifié vers l’âge de 13 ans et correspondait à la première hospitalisation en milieu psychiatrique. L’incapacité de travail était de 100% dans toute activité en milieu économique en raison d’angoisses psychotiques avec manifestations cognitives, somatiques et dissociatives, en regard d’une désorganisation du comportement avec des rituels para-kinésies incontrôlables, sans perspective d’amélioration permettant la reprise d’une activité lucrative. Les experts ont précisé que le début de l’incapacité de travail pouvait être situé vers la fin de ses études, le mois de septembre 2020 coïncidant avec la demande de prestations d’invalidité. Le SMR s’est rallié à l’opinion des experts du centre B.__.

Par décision du 09.05.2022, l’office AI a alloué à son assuré une rente entière d’invalidité fondée sur un taux d’invalidité de 100% à compter du 01.09.2021, d’un montant mensuel de 1’195 francs. Dans le calcul de la rente, l’office AI a tenu compte d’un revenu annuel moyen déterminant de 5’736 fr., d’une durée de cotisations de 6 ans et de l’échelle de rente 44 (rente complète).

 

Procédure cantonale

Par arrêt du 29.11.2022, la juridiction cantonale a admis le recours, réformé la décision administrative en ce sens que le montant de la rente devait être majoré à 133 1/3% du montant minimum de la rente complète correspondante et renvoyé la cause à l’office AI pour nouvelle décision au sens des considérants.

 

TF

Consid. 3.2
Aux termes de l’art. 4 al. 2 LAI, l’invalidité est réputée survenue dès qu’elle est, par sa nature et sa gravité, propre à ouvrir droit aux prestations entrant en considération. Le moment de la survenance de l’invalidité doit être déterminé objectivement, d’après l’état de santé; des facteurs externes fortuits n’ont pas d’importance. Il ne dépend en particulier ni de la date à laquelle une demande a été présentée, ni de celle à partir de laquelle une prestation a été requise, et ne coïncide pas non plus nécessairement avec le moment où l’assuré apprend, pour la première fois, que l’atteinte à sa santé peut ouvrir droit à des prestations d’assurance (ATF 140 V 246 consid. 6.1 et les arrêts cités). En outre, selon l’art. 28 al. 1 LAI, l’assuré a droit à une rente s’il a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne durant une année sans interruption notable (let. b) et si au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins (let. c).

D’après l’art. 37 al. 2 LAI, lorsqu’un assuré comptant une durée complète de cotisations n’a pas encore accompli sa vingt-cinquième année au moment de la survenance de l’invalidité, la rente d’invalidité lui revenant et les rentes complémentaires éventuelles s’élèvent au moins à 133 1/3% du montant minimum de la rente complète correspondante.

Consid. 4
La juridiction cantonale a admis que la situation de l’assuré correspond à celle des assurés devenus invalides au cours de leurs jeunes années, soit après l’achèvement de leur formation professionnelle, de sorte qu’il convenait de déterminer s’il pouvait bénéficier de l’augmentation de la rente conformément à l’art. 37 al. 2 LAI. Elle a constaté que l’assuré a achevé sa formation en droit à 27 ans révolus. La durée d’étude a été de 9 ans (18 semestres, de septembre 2012 à novembre 2021), alors que le plan d’études prévoit 9 semestres (6 pour le Bachelor et 3 pour le Master). Pour savoir à partir de quand l’atteinte à la santé avait entravé le cours normal des études dans une mesure de 40% au moins sur une année, les juges cantonaux se sont fondés sur l’avis des experts du centre B.__ et du SMR qui ont retenu que l’assuré avait présenté des symptômes invalidants depuis ses treize ans et que les troubles psychiques avaient retardé l’achèvement de la formation. Ils ont dès lors admis que, dès cet âge, le cursus de formation s’était prolongé en raison de la maladie, à tout le moins à 40%, de sorte qu’on ne pouvait exclure, au degré de la vraisemblance prépondérante, que l’assuré aurait terminé ses études avant sa vingt-cinquième année sans sa maladie. Les conditions d’une augmentation du montant de la rente en application de l’art. 37 al. 2 LAI étaient par conséquent réunies.

 

Consid. 6.1
Pour avoir droit au supplément de rente litigieux dont il est question à l’art. 37 al. 2 LAI, l’assuré aurait dû présenter une incapacité de travail d’au moins 40% en moyenne durant une année sans interruption notable (cf. art. 28 al. 1 let. b LAI), cela au plus tard lorsqu’il avait accompli sa vingt-cinquième année, soit en août 2019 (cf. ATF 137 V 417 consid. 2.3). Il faut ainsi déterminer à partir de quand l’atteinte à la santé psychique, qui a évolué depuis l’adolescence de l’assuré, l’a entravé dans la mise à profit de sa capacité de travail ou l’accomplissement de ses travaux habituels à hauteur de 40% au moins durant une année (cf. art. 28 al. 1 let. b et c, 28a al. 2 LAI; art. 26bis RAI).

Consid. 6.2
En retenant que les troubles psychiques ont retardé l’achèvement de la formation de l’assuré avant l’âge de vingt-cinq ans et que le cursus normal de formation s’est prolongé en raison de la maladie, dans une mesure de 40% au moins sur une année, les juges cantonaux n’ont pas apprécié la situation de façon insoutenable. Leur décision n’est pas contredite par un avis médical. En effet, si les troubles psychiques de l’assuré, qui existent depuis ses treize ans, ne l’ont pas empêché d’achever sans retard une formation bilingue gymnasiale en juillet 2012, puis de poursuivre ses études dans le domaine juridique à l’université F.__ (l’assuré y a obtenu son Bachelor en droit en février 2016 en travaillant à temps partiel auprès de la bibliothèque de cet établissement en qualité d’auxiliaire de juillet 2015 à février 2016), il en est allé différemment pour le Master en droit qu’il avait entrepris en 2016. L’assuré ne l’a achevé qu’en février 2021, ayant eu besoin de cinq ans alors que le plan d’études prévoit trois semestres. La durée inhabituellement longue de cette dernière formation s’explique, au degré de la vraisemblance prépondérante (cf. ATF 139 V 176 consid. 5.3), en raison de l’incidence délétère des troubles psychiques sur la capacité de l’assuré d’accomplir ses travaux habituels (c’est-à-dire la préparation du Master en droit), ces troubles ayant considérablement retardé le cursus de cette formation. L’atteinte à la santé a présenté un caractère progressivement déficitaire, aboutissant à une incapacité totale de travailler dès le mois de septembre 2020 selon les experts du centre B.__, qui ne l’ont toutefois pas quantifiée pour la période précédente.

En se limitant à alléguer que les médecins consultés avaient indiqué qu’une incapacité (totale) de travail avait débuté en septembre 2020, sans aborder la durée des études du Master, l’office AI recourant ne démontre pas que la constatation des juges cantonaux, qui retiennent une aggravation progressive de l’état de santé de l’assuré déjà bien avant ses vingt-cinq ans, était manifestement erronée, voire arbitraire. Cette constatation lie le Tribunal fédéral. Il s’ensuit que l’invalidité au sens de l’art. 4 al. 2 LAI est survenue avant que l’assuré ait atteint l’âge de vingt-cinq ans.

Consid. 6.3
Les constatations de l’instance cantonale sont en revanche très imprécises sur le moment à partir duquel la maladie a prolongé le cursus de formation. En effet, elle a simplement retenu que l’assuré « présente des symptômes invalidants depuis ses 13 ans et que les troubles psychiques ont retardé l’achèvement de sa formation », ajoutant que « on peut donc admettre que dès cet âge, le cursus de formation s’est prolongé en raison de la maladie, à tout le moins à 40% ».

Cet élément temporel doit pourtant être connu pour savoir si et comment la rente d’invalidité doit être majorée en vertu de l’art. 37 al. 2 LAI, car la loi requiert que l’assuré ait compté une durée complète de cotisations au moment de la survenance de l’invalidité. La survenance du cas d’assurance est déterminante pour calculer le montant de la rente. Il sied par conséquent de renvoyer la cause à l’office AI recourant afin qu’il puisse établir ce moment et statuer à nouveau. L’éventualité d’une majoration en application de l’art. 40 al. 3 LAI est réservée. En ce sens, la conclusion subsidiaire du recours est bien fondée.

Le TF admet partiellement le recours de l’office AI.

 

Arrêt 9C_2/2023 consultable ici