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8C_693/2017 (f) du 09.10.2018 – Début du droit à l’indemnité en cas d’intempéries – Retard dans l’annonce – 45 al. 1 LACI – 69 al. 1 OACI / Pas de formalisme excessif dans la sanction du non-respect d’un délai de procédure

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_693/2017 (f) du 09.10.2018

 

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Début du droit à l’indemnité en cas d’intempéries – Retard dans l’annonce / 45 al. 1 LACI – 69 al. 1 OACI

Pas de formalisme excessif dans la sanction du non-respect d’un délai de procédure

 

A.__ SA (actuellement en liquidation), inscrite au registre du commerce de Genève le 19.09.2014, a pour but l’exploitation d’une entreprise générale du bâtiment. Le 03.03.2017, elle a annoncé à l’office cantonal de l’emploi (ci-après: l’OCE) une perte de travail due à des intempéries concernant plusieurs jours entre les 10 et 27 janvier 2017 et a sollicité l’octroi d’une indemnité.

Par décision du 14.03.2017, confirmée sur opposition, l’OCE a refusé d’octroyer l’indemnité en cas d’intempéries. Il a constaté que l’avis de perte de travail avait été donné avec 26 jours de retard et que, par conséquent, le droit à l’indemnité – qui aurait pu débuter le 10.01.2017 – devait être repoussé de 26 jours, soit au 05.02.2017, selon les règles prescrites par la législation applicable. Or, A.__ SA n’ayant subi aucune perte de travail à partir de cette date, elle ne pouvait se voir octroyer aucune indemnité.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/743/2017 – consultable ici)

Les premiers juges ont précisé que le délai prévu par l’art. 69 al. 1 OACI était une condition formelle et qu’en ne l’observant pas, l’entreprise A.__ SA ne pouvait plus prétendre à une indemnité quand bien même elle aurait pu apporter la preuve que les conditions matérielles de la prétention étaient réalisées.

Par jugement du 30.08.2017, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Aux termes de l’art. 69 al. 1 OACI, édicté en vertu de la délégation de compétence de l’art. 45 al. 1 LACI, l’employeur est tenu d’aviser l’autorité cantonale, au moyen de la formule du SECO, de la perte de travail due aux intempéries, au plus tard le cinquième jour du mois civil suivant. Lorsque l’employeur a communiqué avec retard, sans raison valable, la perte de travail due aux intempéries, le début du droit à l’indemnité est repoussé d’autant (art. 69 al. 2 OACI).

 

Le formalisme excessif est un aspect particulier du déni de justice prohibé par l’art. 29 al. 1 Cst. Il est réalisé lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l’accès aux tribunaux (ATF 142 IV 299 consid. 1.3.2 p. 304 s.; 142 V 152 consid. 4.2 p. 158; 132 I 249 consid. 5 p. 253). Quant au droit d’être entendu découlant de l’art. 29 al. 2 Cst., il comprend notamment le droit de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuve pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 II 218 consid. 2.3 p. 222 s. et les références).

 

En l’occurrence, il est établi et non contesté que l’entreprise A.__ SA a transmis tardivement l’avis de perte de travail à l’OCE. Or, le délai fixé à l’art. 69 al. 1 OACI est un délai de déchéance qui ne peut être ni prolongé, ni suspendu (cf. ATF 110 V 339; arrêts 8C_646/2014 du 25 novembre 2014 consid. 4.2.1 et 8C_838/2008 du 3 février 2008 consid. 3 et les références). Comme l’a relevé la juridiction cantonale, le respect de la procédure d’avis réglée par l’art. 69 al. 1 et 2 OACI est une condition formelle dont dépend le droit à l’indemnité, et non une simple prescription d’ordre (voir BORIS RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, éd. 2014, n. 4 ad art. 45 LACI). De manière générale, la sanction du non-respect d’un délai de procédure n’est pas constitutive de formalisme excessif, une stricte application des règles relatives aux délais étant justifiées par des motifs d’égalité de traitement et par un intérêt public lié à la bonne administration de la justice et à la sécurité du droit (cf. ATF 104 Ia 4 consid. 3 p. 5; arrêt 1C_310/2010 du 6 décembre 2010 consid. 5.2 et les références).

La juridiction cantonale était fondée à considérer qu’en raison de la tardiveté de l’avis transmis à l’OCE, aucune perte de travail annoncée pour le mois de janvier 2017 ne pouvait donner lieu à une éventuelle indemnité, sans que l’on puisse lui reprocher d’avoir fait preuve de formalisme excessif. Enfin, eu égard au caractère péremptoire du délai, il n’est pas suffisant d’apporter la preuve que les conditions matérielles prévalant à l’octroi de l’indemnité étaient réunies au moment de l’interruption de travail, auquel cas le principe même du délai d’avis et la conséquence du non-respect de celui-ci seraient vidés de leur sens.

 

Le TF rejette le recours de l’entreprise A.__ SA.

 

 

Arrêt 8C_693/2017 consultable ici

 

 

8C_465/2017 (f) du 12.01.2018 – publication prévue – Droit à l’indemnité chômage et retraite anticipée (à 50%) / 8 LACI – 13 LACI – 12 OACI

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_465/2017 (f) du 12.01.2018, destiné à la publication

 

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Droit à l’indemnité chômage et retraite anticipée (à 50%) / 8 LACI – 13 LACI – 12 OACI

 

Assuré ayant travaillé pour un employeur du 01.02.2008 au 31.12.2015, date de l’échéance de son contrat de travail de durée déterminée. Au cours de l’été 2014, la Caisse de retraite anticipée a adressé à l’intéressé une formule de demande de prestations. L’assuré a retourné cette formule de demande en indiquant vouloir cesser son activité entre 60 et 61 ans et bénéficier d’une rente fondée sur un taux de 100%. Le 19.01.2015, la Caisse de retraite anticipée a indiqué qu’il aurait droit à une rente anticipée de 50% entre son 60ème et son 61ème anniversaire, et à une rente anticipée de 100% durant la période du 01.09.2016 au 31.08.2020. L’intéressé a bénéficié d’une rente de 50% dès le 01.01.2016.

L’assuré a requis l’octroi d’indemnités de chômage à compter du 01.01.2016. Par décision, confirmée sur opposition, la caisse de chômage a nié le droit de l’assuré à une indemnité de chômage à compter du 01.01.2016. L’intéressé a repris une activité au service de son employeur à partir du 25.04.2016.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 24.05.2017, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Selon l’art. 8 al. 1 let. e LACI, l’assuré a droit à l’indemnité de chômage s’il remplit les conditions relatives à la période de cotisation ou en est libéré. Celui qui, dans les limites du délai-cadre prévu à cet effet (art. 9 al. 3 [LACI]), a exercé durant douze mois au moins une activité soumise à cotisation remplit les conditions relatives à la période de cotisation (art. 13 al. 1 LACI). Afin d’empêcher le cumul injustifié de prestations de vieillesse de la prévoyance professionnelle et de l’indemnité de chômage, le Conseil fédéral peut déroger aux règles concernant la prise en compte des périodes de cotisation pour les assurés mis à la retraite avant d’avoir atteint l’âge de la retraite selon l’art. 21 al. 1 LAVS (RS 831.10), mais qui désirent continuer à exercer une activité salariée (art. 13 al. 3 LACI).

Faisant usage de cette délégation de compétence, le Conseil fédéral a édicté l’art. 12 OACI, selon lequel, pour les assurés qui ont été mis à la retraite avant d’avoir atteint l’âge donnant droit aux prestations de l’AVS, seule est prise en compte, comme période de cotisation, l’activité soumise à cotisation qu’ils ont exercée après leur mise à la retraite (al. 1). D’après l’art. 12 al. 2 OACI, cette règle n’est toutefois pas applicable lorsque l’assuré a été mis à la retraite anticipée pour des raisons d’ordre économique ou sur la base de réglementations impératives entrant dans le cadre de la prévoyance professionnelle (let. a) et qu’il a droit à des prestations de retraite inférieures à l’indemnité de chômage à laquelle il a droit en vertu de l’art. 22 LACI (let. b). Dans ce cas, les périodes de cotisation antérieures à la mise à la retraite anticipée sont prises en considération par l’assurance-chômage.

L’art. 12 al. 1 OACI a pour but d’éviter que des personnes cumulent des prestations de vieillesse de la prévoyance professionnelle et des indemnités de chômage, voire qu’elle résilient leur contrat de travail à cette fin, sans être réellement disposées à accepter un emploi convenable (ATF 129 V 327 consid. 4 p. 329; 126 V 393 consid. 3 p. 396). D’après le texte clair de l’art. 12 al. 2 OACI, toute résiliation des rapports de travail qui – sans que l’assuré ait un choix – aboutit à une retraite anticipée ne tombe pas sous le coup de cette réglementation. Les personnes qui sont licenciées par leur employeur pour des raisons autres que des motifs d’ordre économique ou qu’en vertu de réglementations impératives ressortissant à la prévoyance professionnelle ne peuvent pas se prévaloir de l’art. 12 al. 2 OACI (ATF 126 V 396 consid. 3b/bb p. 398; arrêts 8C_839/2009 du 19 février 2010 consid. 3.4; 8C_708/2008 du 5 mars 2009 consid. 3.3). Peu importe la partie qui met fin aux rapports de travail ou le fait que le travailleur a résilié en butte à une certaine pression de la part de l’employeur. Le critère déterminant n’est pas le caractère volontaire du congé mais celui de la prise de la retraite pour raison d’âge (ATF 129 V 327 consid. 3.1 p. 329; arrêt 8C_839/2009, déjà cité, consid. 3.4).

Au mois de janvier 2015, l’assuré a retourné à la Caisse de retraite anticipée une formule de demande de prestations, dans laquelle il indiquait vouloir cesser son activité entre 60 et 61 ans et bénéficier à ce moment-là d’une rente fondée sur un taux de 100 %. Aussi n’existe-t-il aucun lien entre la décision de l’intéressé de bénéficier d’une rente anticipée de la prévoyance professionnelle et sa situation professionnelle à l’échéance du contrat de travail de durée déterminée, le 31.12.2015. Il apparaît ainsi que l’assuré a choisi librement de bénéficier de la retraite anticipée.

 

En tant qu’il a pour but d’éviter que des assurés cumulent des prestations de vieillesse de la prévoyance professionnelle et des indemnités de chômage, l’art. 12 al. 1 OACI vise les personnes qui désirent continuer de travailler après la mise à la retraite anticipée mais qui tombent au chômage ou ne retrouvent pas d’activité lucrative. Dans ces éventualités, les périodes de cotisation antérieures à la retraite anticipée ne sont pas prises en considération par l’assurance-chômage. L’art. 13 al. 3 LACI qui habilite le Conseil fédéral à déroger aux règles concernant la prise en compte des périodes de cotisations pour les assurés mis à la retraite avant d’avoir atteint l’âge de la retraite selon l’art. 21 al. 1 LAVS n’a toutefois pas pour but de faire obstacle purement et simplement à l’octroi simultané de prestations de la caisse de prévoyance et d’indemnités de chômage (ATF 123 V 142 consid. 4b p. 146; THOMAS NUSSBAUMER, Arbeitslosenversicherung, in: Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Sécurité sociale, 3 ème éd., 2016, n° 224 p. 2331). Cette disposition légale vise à empêcher que la retraite anticipée corresponde à une décision de retrait définitif du marché du travail en ce sens que l’assuré n’est plus disposé à accepter un travail convenable (cf. FF 1980 III 565; BORIS RUBIN, op. cit., n. 32 ad art. 13 LACI).

En l’espèce, l’assuré a bénéficié d’une demi-rente anticipée à partir du 01.01.2016, soit à l’échéance du contrat de travail de durée déterminée. Toutefois, cela ne signifie pas qu’il désirait se retirer définitivement du marché du travail. Il avait d’autant plus intérêt à poursuivre une activité, serait-ce seulement à temps partiel, que la demi-rente perçue ne couvrait que la moitié du salaire déterminant réalisé avant la mise à la retraite anticipée. En outre, jusqu’à l’octroi d’une rente entière de la prévoyance à compter du 31.08.2016, on ne voit pas en quoi le cumul d’une demi-rente de la prévoyance et d’indemnités de chômage calculées en fonction d’une perte d’emploi correspondant à 50% d’un travail à plein temps serait injustifié et contreviendrait à l’art. 13 al. 3 LACI. A cela s’ajoute qu’au moment où il a déclaré vouloir mettre fin à son activité lucrative entre 60 et 61 ans et percevoir une rente fondée sur un taux de 100%, l’assuré est parti de l’idée erronée qu’il avait droit à une telle prestation à compter de son 60ème anniversaire. C’est seulement le 19 janvier 2015 que la Caisse de retraite anticipée l’a informé qu’il aurait droit à une rente anticipée de 50% entre son 60ème et son 61ème anniversaire, et à une rente anticipée de 100% durant la période du 01.09.2016 au 31.08.2020. Qui plus est, l’intéressé a satisfait à son obligation de diminuer le dommage en ce sens qu’en demandant à bénéficier de la demi-rente anticipée, il a renoncé à se prévaloir de son droit à une indemnité de chômage pleine et entière jusqu’à la naissance de son droit à la rente entière.

Dans ces conditions, et pour autant que les prestations de retraite soient inférieures à l’indemnité de chômage due en vertu de l’art. 22 LACI (cf. art. 12 al. 2 let. b OACI), il n’y a pas lieu de déroger à la règle générale de l’art. 13 al. 1 LACI pour examiner si l’assuré satisfaisait aux conditions relatives à la période de cotisation à partir du 01.01.2016 (échéance du contrat de travail de durée déterminée) et jusqu’au 01.09.2016 (naissance du droit à la rente entière de la prévoyance professionnelle) en ce qui concerne la perte d’emploi correspondant à 50% d’un travail à plein temps au sens de l’art. 10 al. 2 let. a LACI.

 

Le TF admet le recours de l’assuré, annule le jugement cantonal et la décision de la caisse de chômage et renvoie la cause à la caisse pour nouvelle décision au sens des considérants.

 

 

Arrêt 8C_465/2017 consultable ici

 

 

8C_574/2017 (f) du 04.09.2018 – Droit à l’indemnité chômage – Personnes (et leur conjoint lorsqu’il/elle travaille avec elles) qui se trouvent dans une position assimilable à celle d’un employeur – 31 al. 3 LACI / Mesure d’éloignement prise à l’encontre de son époux (propriétaire de la société)

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_574/2017 (f) du 04.09.2018

 

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Droit à l’indemnité chômage – Personnes (et leur conjoint lorsqu’il/elle travaille avec elles) qui se trouvent dans une position assimilable à celle d’un employeur / 31 al. 3 LACI

Mesure d’éloignement prise à l’encontre de l’époux (propriétaire de la société)

 

Le 01.09.2016, l’assurée, mariée et mère de deux enfants, s’est inscrite comme demandeuse d’emploi et a sollicité l’octroi d’une indemnité de chômage. Dans le formulaire de demande d’indemnité, elle indiquait avoir travaillé comme aide de cuisine au service de B.__ SA du 05.11.2011 au 31.01.2016. Elle a répondu par l’affirmative à la question « Avez-vous, vous, votre conjoint […] une participation financière à l’entreprise de votre ancien employeur ou êtes-vous, votre conjoint […] membre d’un organe supérieur de décision de l’entreprise […] ? ». Son contrat avait été résilié par lettre du 20.12.2015 en raison d’une réorganisation de l’effectif. En outre, avant le dépôt de sa demande, l’assurée avait subi une incapacité de travail du 20.12.2015 au 31.08.2016 pour laquelle elle avait perçu des indemnités journalières de l’assurance-accident.

Par décision du 24.10.2016, la caisse cantonale de chômage (ci-après: la caisse) a refusé d’allouer des prestations à l’assurée au motif que son époux était propriétaire de la société l’ayant licenciée.

L’assurée s’est opposée à cette décision, invoquant en particulier une mesure d’éloignement prise à l’encontre de son époux et la rupture totale des liens avec celui-ci et la société en cause. Après avoir requis l’avis du Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO), la caisse a rejeté l’opposition par une nouvelle décision du 22 décembre 2016.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/611/2017 – consultable ici)

Se référant à l’ATF 142 V 263, la cour cantonale a retenu que, malgré les mesures protectrices de l’union conjugale prononcées, le droit à l’indemnité de chômage de l’assurée était en principe exclu du 01.09.2016 au 08.05.2017, dès lors que l’époux de cette dernière avait une position assimilable à celle d’un employeur dans la société qui l’avait employée. L’état de fait sur lequel se fondait l’arrêt précité recelait cependant d’indices d’abus patents. Or, dans le cas d’espèce, tout risque d’abus pouvait être éliminé à partir du 10.10.2016, soit le lendemain de l’arrestation de l’époux en raison de violences conjugales. En effet, dès ce moment, l’assurée et ses enfants avaient dû se réfugier dans plusieurs structures d’accueil et les violences avaient justifié qu’une interdiction de les approcher soit signifiée à l’époux. Au vu de ces circonstances exceptionnelles, il était clairement exclu qu’elle cherche à obtenir son réengagement dans la société. En outre, les mesures prises dès cette date – déménagement, requête de mesures provisionnelles, demande d’éloignement, demande de divorce – rendaient pour ainsi dure nulles les probabilités d’une réconciliation. D’ailleurs, aucune reprise de la vie commune n’avait eu lieu pendant la période examinée. Enfin, à partir du 09.05.2017, l’époux de l’assurée n’avait plus la qualité d’administrateur de B.__ SA, de sorte que le droit à l’indemnité ne pouvait pas non plus être nié pour ce motif.

Par jugement du 30.06.2017, admission partielle du recours par le tribunal cantonal et renvoi de la cause à la caisse de chômage pour nouvelle décision (octroi dès le 09.05.2017).

 

TF

Dans plusieurs arrêts (en dernier lieu l’arrêt 8C_163/2016 du 17 octobre 2016 consid. 4.2), le Tribunal fédéral a rappelé que pour des raisons de conflits d’intérêts évidents, la loi exclut du cercle des bénéficiaires de l’indemnité en cas de réduction de travail les personnes qui occupent dans l’entreprise une position dirigeante leur permettant de déterminer eux-mêmes l’ampleur de la diminution de leur activité (cf. art. 31 al. 3 let. c LACI). Il en va de même des conjoints de ces personnes, qui travaillent dans l’entreprise.

Dans l’ATF 123 V 234, le Tribunal fédéral a identifié un risque de contournement de cette clause d’exclusion lorsque dans un contexte économique difficile, ces mêmes personnes procèdent à leur propre licenciement et revendiquent l’indemnité de chômage tout en conservant leurs liens avec l’entreprise. Dans une telle configuration, en effet, il est toujours possible pour elles de se faire réengager dans l’entreprise ultérieurement et d’en reprendre les activités dans le cadre de son but social. La même chose vaut pour le conjoint de la personne qui se trouve dans une position assimilable à un employeur lorsque, bien que licencié par ladite entreprise, il conserve des liens avec celle-ci au travers de sa situation de conjoint d’un dirigeant d’entreprise. Cette possibilité d’un réengagement dans l’entreprise – même si elle est seulement hypothétique et qu’elle découle d’une pure situation de fait – justifie la négation du droit à l’indemnité de chômage. Ce droit peut toutefois être reconnu lorsque le dirigeant démontre qu’il a coupé tous les liens qu’il entretenait avec l’entreprise (en raison de la fermeture de celle-ci ou en cas de démission de la fonction dirigeante) ou, s’agissant du conjoint licencié, lorsque celui-ci a travaillé dans une autre entreprise que celle dans laquelle son mari ou sa femme occupe une position assimilable à un employeur.

Bien que cette jurisprudence puisse paraître très sévère, il y a lieu de garder à l’esprit que l’assurance-chômage n’a pas pour vocation à indemniser la perte ou les fluctuations de gain liées à une activité indépendante mais uniquement la perte de travail, déterminable et contrôlable, du travailleur ayant un simple statut de salarié qui, à la différence de celui occupant une position décisionnelle, n’a pas le pouvoir d’influencer la perte de travail qu’il subit et pour laquelle il demande l’indemnité de chômage (sur l’ensemble de cette problématique, voir BORIS RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, ad art. 10 LACI n° 18 ss; également du même auteur, Droit à l’indemnité de chômage des personnes occupant une position assimilable à celle d’un employeur, in DTA 2013 n° 1, p. 1-12).

Dans l’ATF 142 V 263, le Tribunal fédéral a jugé que les prestations de l’assurance-chômage n’étaient pas dues jusqu’au prononcé du divorce, indépendamment du point de savoir si et depuis combien de temps les conjoints vivaient séparés de fait ou de droit ou si des mesures de protection de l’union conjugale avaient été ordonnées, car il existait un risque d’abus (eu égard aux intérêts économiques des conjoints). Dans les considérants de cet arrêt publié (cf. en particulier consid. 4.1 et 5.2), le Tribunal fédéral a souligné qu’il n’était pas justifié de traiter différemment les personnes assimilées à un employeur et leurs conjoints, selon qu’ils réclamaient une indemnité de chômage, une indemnité en cas de réduction de travail ou en cas d’insolvabilité – le risque d’abus étant le même pour les trois types de prestations – et que l’exclusion devait être comprise de manière absolue. Il ne se justifiait donc pas d’accorder des prestations aux personnes concernées sous certaines conditions dans des cas individuels. En outre, l’exclusion du droit aux prestations de chômage n’était pas fondée sur des abus réels et prouvés, mais sur le risque d’abus inhérent à la position des personnes employées dans l’entreprise de leur conjoint (consid. 5.3).

Cela étant, il n’est pas possible de restreindre la portée de cet arrêt à la situation spécifique qui en est à l’origine. En outre, les conditions limitatives permettant de revenir sur une jurisprudence ne sont pas remplies en l’espèce (cf. ATF 139 V 307 consid. 6.1 p. 313; 138 III 270 consid. 2.2.2 p. 273, 359 consid. 6.1 p. 361); l’assurée ne prétend pas le contraire. On ajoutera que la probabilité d’une reprise de la vie commune ne constitue pas un élément déterminant. En effet, dans l’affaire ayant fait l’objet de l’ATF 142 V 263, les époux étaient séparés depuis de nombreuses années et le mari avait fondé une nouvelle famille. Dans ces conditions, il n’y a pas lieu d’examiner la possibilité d’une réconciliation entre l’assurée et son mari, malgré les circonstances exceptionnelles que constituent la mesure d’éloignement et la détention de ce dernier. Il s’ensuit que le grief est bien fondé et que les juges cantonaux ne pouvaient pas reconnaître le droit de l’assurée à l’indemnité de chômage à compter du 10.10.2016.

 

Le mari a perdu la qualité d’administrateur de B.__ SA le 09.05.2017. On doit admettre que le raisonnement des premiers juges, selon lequel la qualité d’actionnaire n’est pas déterminante, repose sur une interprétation erronée de la jurisprudence. En effet, il est vrai que le seul fait de disposer d’une participation au capital social de l’entreprise qui l’employait ne suffit pas, à lui seul, à considérer que l’assuré se trouve dans une position assimilable à celle d’un employeur. Il n’en demeure pas moins que le droit aux prestations de chômage peut lui être nié lorsque la part sociale est importante et lui permet d’influencer les décisions de l’entreprise (cf. arrêts 8C_642/2015 du 6 septembre 2016 consid. 6; 8C_1044/2008 du 13 février 2009 consid. 3.2.2; voir aussi les art. 31 al. 3 let. c et 51 al. 2 LACI). En l’espèce, le jugement attaqué ne dit rien au sujet des parts sociales encore détenues par l’époux de l’assurée à compter du 09.05.2017. On ne trouve pas non plus d’indication dans le dossier de la procédure cantonale. Il se justifie alors de renvoyer la cause à la caisse pour qu’elle instruise la question conformément à l’art. 43 LPGA et examine, au besoin, les autres conditions du droit à l’indemnité.

 

Le TF admet partiellement le recours de la caisse de chômage, annulant le jugement cantonal et la décision sur opposition et renvoyant la cause à la caisse de chômage pour nouvelle décision.

 

 

Arrêt 8C_574/2017 consultable ici

 

 

8C_703/2017 (f) du 29.03.2018 – Droit à l’indemnité chômage – Notion de domicile en Suisse au degré de la vraisemblance prépondérante / 8 al. 1 let. c LACI

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_703/2017 (f) du 29.03.2018

 

Consultable ici

 

Droit à l’indemnité chômage – Notion de domicile en Suisse au degré de la vraisemblance prépondérante / 8 al. 1 let. c LACI

 

Assuré, né en 1978, a travaillé en qualité d’ingénieur en télécommunications pour le compte d’une société à Zurich, du 18.11.2015 au 17.09.2016. Le 03.10.2016, il s’est inscrit au chômage et un délai-cadre d’indemnisation lui a été ouvert à compter de cette date. Dans sa demande, il a indiqué être domicilié à Genève. Le 29.10.2016, il a épousé C.__, domiciliée en France, avec laquelle il a eu deux enfants (nés en avril 2013 et novembre 2014).

Par décision, confirmée sur opposition, l’Office cantonal de l’emploi de Genève (ci-après: l’OCE) a nié le droit de l’assuré aux indemnités de chômage à compter du 03.10.2016. Il a retenu, en se fondant sur l’enquête menée par ses inspecteurs, que l’intéressé n’avait jamais eu de domicile effectif à Genève – du moins pas depuis qu’il émargeait de l’assurance-chômage – et qu’il avait toujours été domicilié en France auprès de sa famille.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/755/2017 – consultable ici)

La cour cantonale a considéré qu’il n’était pas établi, au degré de la vraisemblance prépondérante, que l’assuré séjournait à Genève lors de son inscription au chômage le 03.10.2016 et au moment du prononcé de la décision sur opposition (le 16.03.2017). Elle a retenu que le lieu de résidence de l’intéressé et son centre d’intérêt étaient en réalité en France auprès de son épouse et de ses deux enfants, où il avait implicitement admis avoir habité tous les week-ends lorsqu’il travaillait à Zurich et possédait un pied-à-terre à Bâle, avant d’être au chômage. Par ailleurs, le fait d’avoir donné plusieurs adresses à Genève comme lieu prétendu de résidence démontrait que l’assuré n’y avait en réalité aucun domicile précis. Il était en outre douteux qu’il ait réellement habité à l’une des adresses mentionnées; les inspecteurs en charge de l’enquête menée par l’OCE n’y avaient trouvé personne lors de leurs cinq visites et une enquête de voisinage avait révélé qu’une autre personne occupait l’appartement.

Par jugement du 31.08.2017, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Le jugement entrepris expose de manière complète les dispositions légales et la jurisprudence applicables en l’espèce. Il suffit d’y renvoyer. On rappellera en particulier que le droit à l’indemnité de chômage suppose, selon l’art. 8 al. 1 let. c LACI, la résidence effective en Suisse, ainsi que l’intention de conserver cette résidence pendant un certain temps et d’en faire, durant cette période, le centre de ses relations personnelles (ATF 125 V 465 consid. 2a p. 466 s.; 115 V 448 consid. 1 p. 448 s.). Cette condition implique la présence physique de l’assuré en Suisse (dans le sens d’un séjour habituel), ainsi que l’intention de s’y établir et d’y créer son centre de vie (cf. B ORIS R UBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, n° 8 ad art. 8 al. 1 let. c LACI). Selon la jurisprudence, le fait d’avoir une adresse officielle en Suisse et d’y payer ses impôts n’est pas déterminant si d’autres indices permettent de conclure à l’existence d’une résidence habituelle à l’étranger (cf. arrêt C 149/01 du 13 mars 2002 consid. 3).

La juridiction cantonale a dûment pris en considération des attestations émanant de deux personnes. Toutefois, ces attestations ne suffisent pas à établir la résidence habituelle de l’assuré en Suisse entre le 03.10.2016 et le 16.03.2017. Pour le surplus, l’assuré ne fait valoir aucun élément propre à démontrer le caractère arbitraire du résultat de l’administration des preuves selon lequel il résidait en réalité en France avec son épouse et ses deux enfants. Il n’y a dès lors pas lieu de s’écarter de l’appréciation des preuves opérée par les premiers juges.

C’est finalement en vain que l’assuré reproche à la juridiction cantonale d’avoir examiné la question du droit aux prestations de l’assurance-chômage suisse sous l’angle de l’Accord sur la libre circulation des personnes (ALCP; RS 0.142.112.681) et des règles de coordination auquel renvoie cet accord (Règlement [CE] n° 883/2004 ; RS 0.831.109.268.1). En effet, le caractère transfrontalier est réalisé dès lors que les premiers juges sont – à juste titre – arrivés à la conclusion que l’assuré avait sa résidence habituelle en France au moment du dépôt de sa demande.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_703/2017 consultable ici

 

 

8C_777/2017 (f) du 02.08.2018 – Droit à l’indemnité de chômage – 8 al. 1 LACI / Participation aux entretiens de conseil – 17 al. 3 LACI / Suspension de l’indemnité – 30 al. 1 LACI / Pouvoir d’appréciation du tribunal cantonal

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_777/2017 (f) du 02.08.2018

 

Consultable ici

 

Droit à l’indemnité de chômage / 8 al. 1 LACI

Participation aux entretiens de conseil / 17 al. 3 LACI

Suspension de l’indemnité / 30 al. 1 LACI

Pouvoir d’appréciation du tribunal cantonal

 

Assuré bénéficiant d’un délai-cadre d’indemnisation depuis le 01.04.2017. Par courrier remis en mains propres le 28.03.2017, l’Office régional de placement a convoqué l’assuré à un entretien de conseil le 09.05.2017 à 11h.

Par décision du 09.05.2017, l’office cantonal de l’emploi (ci-après: l’OCE) a suspendu le droit de l’assuré à l’indemnité de chômage pour une durée de trois jours à compter du 01.05.2017 en raison de recherches personnelles d’emploi quantitativement insuffisantes au cours du mois d’avril 2017. Cette décision n’a pas été contestée.

Par courriel du 10.05.2017, l’assuré s’est excusé auprès de sa conseillère de son absence à l’entretien de conseil de la veille. Il avait noté la date du rendez-vous dans son agenda électronique pour le 19 au lieu du 09.05.2017. Le 10.05.2017, en mettant de l’ordre dans ses papiers, il avait trouvé la lettre de convocation originale et avait remarqué son erreur.

Par décision du 01.06.2017, confirmée sur opposition, l’OCE a suspendu le droit de l’assuré à l’indemnité de chômage pour une durée de huit jours à compter du 10.05.2017, au motif qu’il avait manqué un entretien de conseil et qu’il avait déjà été sanctionné pour recherches insuffisantes d’emploi.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/860/2017 – consultable ici)

Par jugement du 05.10.2017, admission partielle du recours par le tribunal cantonal, réduisant la suspension du droit à l’indemnité de chômage à cinq jours.

 

TF

L’assuré a droit à l’indemnité de chômage s’il satisfait, entre autres conditions, aux exigences du contrôle (art. 8 al. 1 let. g LACI). A cet effet, il est tenu de participer aux entretiens de conseil lorsque l’autorité compétente le lui enjoint (art. 17 al. 3 let. b LACI). Selon l’art. 30 al. 1 let. d LACI, le droit de l’assuré à l’indemnité est suspendu notamment lorsqu’il est établi que celui-ci n’observe pas les prescriptions de contrôle du chômage ou les instructions de l’autorité compétente. Cette disposition s’applique notamment lorsque l’assuré manque un entretien de conseil et de contrôle (voir l’arrêt 8C_697/2012 du 18 février 2013 consid. 2, publié in DTA 2013 p. 185 et les références citées).

Selon la jurisprudence, l’assuré qui a oublié de se rendre à un entretien et qui s’en excuse spontanément, ne peut être suspendu dans l’exercice de son droit à l’indemnité s’il prend par ailleurs ses obligations de chômeur et de bénéficiaire de prestations très au sérieux. Tel est le cas, notamment, s’il a rempli de façon irréprochable ses obligations à l’égard de l’assurance-chômage durant les douze mois précédant cet oubli (arrêts 8C_447/2008 du 16 octobre 2008 consid. 5.1, in DTA 2009 p. 271; 8C_675/2014 du 12 décembre 2014 consid. 3; 8C_834/2010 du 11 mai 2011 consid. 2.3; 8C_469/2010 du 9 février 2011 consid. 2.2). Il suffit que l’assuré ait déjà commis une faute, de quelque nature qu’elle soit, sanctionnée ou non, pour qu’une sanction se justifie en cas d’absence injustifiée (DTA 2013 p. 185).

Selon l’art. 30 al. 3 LACI, la durée de la suspension du droit à l’indemnité de chômage est proportionnelle à la gravité de la faute. En vertu de l’art. 45 al. 3 OACI, elle est de 1 à 15 jours en cas de faute légère. En tant qu’autorité de surveillance, le SECO a adopté un barème (indicatif) à l’intention des organes d’exécution. Un tel barème constitue un instrument précieux pour ces organes d’exécution lors de la fixation de la sanction et contribue à une application plus égalitaire des sanctions dans les différents cantons. Cela ne dispense cependant pas les autorités décisionnelles d’apprécier le comportement de l’assuré compte tenu de toutes les circonstances – tant objectives que subjectives – du cas d’espèce et de fixer la sanction en fonction de la faute.

La quotité de la suspension du droit à l’indemnité de chômage dans un cas concret constitue une question relevant du pouvoir d’appréciation, qui est soumise à l’examen du juge de dernière instance uniquement si la juridiction cantonale a exercé son pouvoir d’appréciation de manière contraire au droit, soit si elle a commis un excès positif (« Ermessensüberschreitung ») ou négatif (« Ermessensunterschreitung ») de son pouvoir d’appréciation ou a abusé (« Ermessensmissbrauch ») de celui-ci (ATF 137 V 71 consid. 5.1 p. 73; 132 V 393 consid. 3.3 p. 399).

Contrairement au pouvoir d’examen du Tribunal fédéral, celui de l’autorité judiciaire de première instance n’est en revanche pas limité dans ce contexte à la violation du droit (y compris l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation), mais s’étend également à l’opportunité de la décision administrative (« Angemessenheitskontrolle »). En ce qui concerne l’opportunité de la décision en cause, l’examen du tribunal porte sur le point de savoir si une autre solution que celle que l’autorité, dans un cas concret, a adoptée dans le cadre de son pouvoir d’appréciation et en respectant les principes généraux du droit, n’aurait pas été plus judicieuse quant à son résultat. Le juge des assurances sociales ne peut, sans motif pertinent, substituer sa propre appréciation à celle de l’administration. Il doit s’appuyer sur des circonstances de nature à faire apparaître sa propre appréciation comme la mieux appropriée (ATF 137 V 71 consid. 5.2 p. 73).

 

En l’espèce, le premier manquement de l’assuré, sanctionné par la décision de l’OCE du 09.05.2017, remonte au mois d’avril 2017 (recherches insuffisantes d’emplois), soit un mois avant le second manquement de l’assuré, à savoir son absence à un entretien de conseil. Au regard de la jurisprudence, une suspension du droit à l’indemnité de chômage pour le deuxième manquement apparaît donc conforme au droit.

Selon le barème (Bulletin LACI IC/D79) établi par le SECO, lorsque l’assuré ne se présente pas à un entretien de conseil ou à une séance d’information sans motif valable, la sanction se situe entre 5 et 8 jours s’il s’agit du premier manquement. En l’occurrence, en fixant à huit jours la suspension du droit à l’indemnité de chômage, l’administration est restée dans les limites du barème et, à fortiori, dans celles de l’art. 45 al. 3 OACI en cas de faute légère. En réduisant la durée de la suspension à cinq jours au motif que le manquement de l’assuré était léger, la juridiction cantonale a donc substitué sa propre appréciation à celle de l’administration sans motif pertinent.

 

Le TF admet le recours de l’Office cantonal de l’emploi, annule le jugement cantonal et rétablie la décision sur opposition.

 

 

Arrêt 8C_777/2017 consultable ici

 

 

8C_59/2018 (f) du 19.07.2018 – Droit à l’indemnité chômage – Retraite anticipée – Période de cotisation / 8 LACI – 13 al. 3 LACI – 12 OACI

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_59/2018 (f) du 19.07.2018

 

Consultable ici

 

Droit à l’indemnité chômage – Retraite anticipée – Période de cotisation / 8 LACI – 13 al. 3 LACI – 12 OACI

 

Assurée, née en 1957, a travaillé depuis le 02.09.1996 au service de la société B.__ SA. A la suite de la fusion de cette société avec la société C.__ SA, son contrat de travail a été repris par celle-ci à partir du 01.07.2008. Le 24.11.2016, elle a requis l’octroi d’indemnités de chômage à compter du 01.02.2017 en indiquant avoir été licenciée par son employeur le 24.10.2016 avec effet au 31.01.2017 en raison de sa « mise en préretraite ». Dans une attestation du 06.02.2017, l’employeur a indiqué avoir lui-même résilié les rapports de travail pour « préretraite ». Par courriel du 08.02.2017, l’assurée a informé la caisse de chômage qu’elle avait accepté de bénéficier d’une retraite anticipée sur proposition de son employeur, en raison de la reprise de la société C.__ SA par la société D.__ SA.

Par décision du 10.04.2017, confirmée sur opposition, la caisse de chômage a nié le droit de l’assurée à une indemnité de chômage au motif que l’intéressée ne justifiait d’aucune période de cotisation à compter du 01.02.2017, date de sa mise à la retraite anticipée.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/1070/2017 – consultable ici)

La cour cantonale a constaté que l’assurée avait choisi librement de bénéficier d’une retraite anticipée à un moment où il n’était nullement question d’un licenciement. Les juges cantonaux sont d’avis que l’intéressée ne peut se prévaloir de l’exception de l’art. 12 al. 2 OACI et qu’en vertu de l’art. 12 al. 1 OACI, seule pouvait être prise en compte, au titre de période de cotisation, l’activité soumise à cotisation exercée après la mise à la retraite.

Par jugement du 29.11.2017, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Selon l’art. 8 al. 1 let. e LACI, l’assuré a droit à l’indemnité de chômage s’il remplit les conditions relatives à la période de cotisation ou en est libéré. Celui qui, dans les limites du délai-cadre prévu à cet effet (art. 9 al. 3 LACI), a exercé durant douze mois au moins une activité soumise à cotisation remplit les conditions relatives à la période de cotisation (art. 13 al. 1 LACI). Afin d’empêcher le cumul injustifié de prestations de vieillesse de la prévoyance professionnelle et de l’indemnité de chômage, le Conseil fédéral peut déroger aux règles concernant la prise en compte des périodes de cotisation pour les assurés mis à la retraite avant d’avoir atteint l’âge de la retraite selon l’art. 21 al. 1 LAVS, mais qui désirent continuer à exercer une activité salariée (art. 13 al. 3 LACI).

Faisant usage de cette délégation de compétence, le Conseil fédéral a édicté l’art. 12 OACI, selon lequel, pour les assurés qui ont été mis à la retraite avant d’avoir atteint l’âge donnant droit aux prestations de l’AVS, seule est prise en compte, comme période de cotisation, l’activité soumise à cotisation qu’ils ont exercée après leur mise à la retraite (al. 1). D’après l’art. 12 al. 2 OACI, cette règle n’est toutefois pas applicable lorsque l’assuré a été mis à la retraite anticipée pour des raisons d’ordre économique ou sur la base de réglementations impératives entrant dans le cadre de la prévoyance professionnelle (let. a) et qu’il a droit à des prestations de retraite inférieures à l’indemnité de chômage à laquelle il a droit en vertu de l’art. 22 LACI (let. b). Dans ce cas, les périodes de cotisation antérieures à la mise à la retraite anticipée sont prises en considération par l’assurance-chômage.

 

Selon le Tribunal fédéral, sur la base de ses constatations de fait, la cour cantonale était fondée à admettre que la résiliation des rapports de travail reposait sur des raisons autres que des motifs d’ordre économique ou qu’en vertu de réglementations impératives ressortissant à la prévoyance professionnelle au sens de l’art. 12 al. 2 let. a OACI.

Etant donné le caractère d’exception de l’art. 12 al. 2 OACI, le Conseil fédéral, selon le texte clair de la lettre a de cette disposition, a restreint son champ d’application aux cas où la résiliation des rapports de travail est fondée sur des motifs d’ordre économique ou repose sur des réglementations impératives ressortissant à la prévoyance professionnelle. C’est pourquoi toute résiliation des rapports de travail qui – sans que l’assuré ait un choix – aboutit à une retraite anticipée ne tombe pas sous le coup de cette réglementation. Les personnes qui sont licenciées par leur employeur pour des raisons autres que des motifs d’ordre économique ou qu’en vertu de réglementations impératives ressortissant à la prévoyance professionnelle ne peuvent pas se prévaloir de l’art. 12 al. 2 OACI (ATF 144 V 42 consid. 3.2 p. 44 s.; 126 V 396 consid. 3b/bb p. 398; arrêt 8C_708/2008 du 5 mars 2009 consid. 3.3).

Au surplus, le présent cas se distingue de la cause jugée dans l’arrêt ATF 144 V 42. Dans cette affaire, qui concernait un assuré qui avait choisi librement de bénéficier d’une retraite anticipée et bénéficiait d’une demi-rente de la prévoyance au moment de tomber au chômage, le Tribunal fédéral a jugé qu’aussi longtemps que l’intéressé ne perçoit pas une rente entière de la prévoyance, le cumul d’une demi-rente de la prévoyance et d’indemnités de chômage calculées en fonction d’une perte d’emploi correspondant à 50% d’un travail à plein temps n’apparaît pas injustifié et ne contrevient pas à l’art. 13 al. 3 LACI. Or, à la différence de ce cas tranché, l’assurée ne bénéficie pas d’une demi-rente de la prévoyance mais perçoit une rente entière, ainsi qu’une rente-pont.

Vu ce qui précède, l’assurée ne peut se prévaloir de l’exception de l’art. 12 al. 2 OACI et la période de cotisation déterminante pour justifier le droit éventuel à l’indemnité de chômage doit être examinée compte tenu de l’activité soumise à cotisation exercée après le 01.02.2017, date de la mise à la retraite (art. 12 al. 1 OACI). Comme l’intéressée ne justifie d’aucune période de cotisation à compter de cette date, la caisse de chômage était fondée à lui dénier tout droit à une indemnité de chômage.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_59/2018 consultable ici