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8C_310/2022 (f) du 02.11.2022 – Droit à l’indemnité chômage – Gain intermédiaire – Indemnité pour jours fériés – 24 LACI / Restitution des prestations indûment perçues – 25 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_310/2022 (f) du 02.11.2022

 

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Droit à l’indemnité chômage – Gain intermédiaire – Indemnité pour jours fériés / 24 LACI

Restitution des prestations indûment perçues / 25 LPGA

 

Assuré, né en 1969, a perçu des indemnités de chômage à compter du 01.04.2018. Durant le délai-cadre d’indemnisation, il a réalisé des gains intermédiaires en travaillant comme chargé de cours durant les mois d’avril 2018 et de mars et avril 2020.

Par décision du 23.08. 2021, confirmée sur opposition le 16.12.2021, la caisse de chômage a demandé à l’assuré la restitution de la somme de CHF 671.80. Elle considérait que celui-ci avait déclaré des gains intermédiaires trop faibles pour les mois de mars et avril 2020; en effet, les gains en cause devaient être considérés comme provenant d’une activité salariée et non indépendante, de sorte que certaines déductions opérées par l’assuré n’avaient pas lieu d’être. Les gains intermédiaires à prendre en considération s’élevaient ainsi à CHF 1’473.70 pour chacun des deux mois en question. Après rectification des indemnités compensatoires, il en résultait que l’assuré avait reçu CHF 671.80 de trop.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/333/2022 – consultable ici)

Par jugement du 11.04.2022, admission partielle du recours par le tribunal cantonal, annulant la décision sur opposition et renvoyant la cause à la caisse de chômage pour nouveau calcul du montant à restituer.

 

TF

Consid. 2.1
Selon l’art. 25 al. 1, première phrase, LPGA, auquel renvoie l’art. 95 al. 1 LACI, les prestations indûment touchées doivent être restituées. L’obligation de restituer suppose que soient réunies les conditions d’une révision procédurale (art. 53 al. 1 LPGA) ou d’une reconsidération (art. 53 al. 2 LPGA) de la décision par laquelle les prestations en cause ont été allouées (ATF 142 V 259 consid. 3.2; 138 V 426 consid. 5.2.1; 130 V 318 consid. 5.2 et les références citées).

Consid. 3.1
Aux termes de l’art. 24 LACI, est réputé intermédiaire tout gain que le chômeur retire d’une activité salariée ou indépendante durant une période de contrôle; l’assuré qui perçoit un gain intermédiaire a droit à la compensation de la perte de gain (al. 1, première et deuxième phrases).

Selon le ch. C125 du Bulletin LACI IC, publié par le SECO – dont les directives ne lient toutefois pas le juge (cf. ATF 145 V 84 consid. 6.1.1; 142 V 442 consid. 5.2) -, le gain intermédiaire est calculé normalement sur le total du revenu réalisé pendant la période de contrôle; y entrent le salaire de base, les indemnités pour jours fériés et autres éléments constitutifs du salaire auxquels l’assuré a droit, tels que 13e salaire, gratifications, commissions, allocations de résidence, allocation de renchérissement, supplément pour travail de nuit, travail du dimanche, travail en équipes, service de piquet, si l’assuré touche normalement ces suppléments en raison de la nature de ses activités ou de son horaire de travail. L’indemnité de vacances versée en plus du salaire de base n’est prise en compte comme gain intermédiaire qu’au moment où l’assuré prend effectivement ses vacances (C149 ss).

Consid. 3.2
Selon la jurisprudence, l’indemnité pour jours fériés versée en plus du salaire de base doit – comme pour la détermination du gain assuré (cf. à ce sujet ATF 125 V 50 consid. 8) – être prise en compte dans le calcul du gain intermédiaire; la prise en compte doit avoir lieu le mois au cours duquel elle est versée (arrêt C 41/99 du 24 décembre 1999 consid. 3b, in SVR 2000 ALV n° 22 p. 63).

Les juges cantonaux ont donc violé le droit en déduisant du salaire perçu par l’assuré l’indemnité pour jours fériés, puisque celle-ci fait partie du revenu à prendre en considération au titre de gain intermédiaire. La référence doctrinale sur laquelle ils se sont fondés pour justifier leur raisonnement (BORIS RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, n° 11 ad art. 23 LACI relatif au gain assuré) est d’ailleurs erronée. Dans son commentaire de l’art. 24 LACI relatif à la question ici topique de la prise en considération du gain intermédiaire, l’auteur mentionne bel et bien que le gain intermédiaire est composé, entre autres éléments, des indemnités pour jours fériés (RUBIN, op. cit., n° 27 ad art. 24 LACI).

Consid. 3.3
Il y a donc lieu de s’en tenir au gain intermédiaire retenu par la caisse de chômage dans sa décision sur opposition. Quant aux autres conditions de la restitution, elles ne sont pas contestées. Il s’ensuit que le recours doit être admis, l’arrêt attaqué annulé et la décision sur opposition confirmée.

 

Le TF admet le recours de la caisse de chômage.

 

Arrêt 8C_310/2022 consultable ici

 

8C_271/2022 (f) du 11.11.2022 – Droit à l’indemnité chômage – 8 LACI / Assuré expatrié – Retour en Suisse retardé par Covid-19 / Devoir de conseils de l’assureur social – Protection de la bonne foi niée

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_271/2022 (f) du 11.11.2022

 

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Droit à l’indemnité chômage – Assuré expatrié – Retour en Suisse retardé par Covid-19/ 8 LACI

Devoir de conseils de l’assureur social – Protection de la bonne foi niée / 27 LPGA – 19a al. 1 aOACI – 22 al. 1 OACI

 

Assuré, né en 1962, de nationalité suisse, a conclu plusieurs contrats de travail avec l’Association B.__ et a travaillé à l’étranger en tant qu’expatrié depuis 2016. Le 10.04.2019, il a conclu avec l’Association B.__ un contrat de travail qui prévoyait une mission en Jordanie allant du 06.04.2019 au 05.04.2020. Par courriel du 02.04.2020, alors qu’il se trouvait toujours en poste en Jordanie, il a fait parvenir à l’ORP du canton de Genève une demande d’inscription à l’assurance-chômage. Le 03.04.2020, ensuite d’une conversation téléphonique, un collaborateur de l’ORP a adressé à l’assuré un courriel dans lequel il lui demandait d’envoyer sa demande d’inscription aux autorités vaudoises, dès lors que son dernier domicile en Suisse se trouvait à U.__.

Par courriel du 05.04.2020, l’assuré a répondu qu’en raison de la situation exceptionnelle due à la pandémie de Covid-19, il était bloqué en Jordanie ensuite de la fermeture de l’aéroport d’Amman; il avait envoyé son formulaire d’inscription à l’ORP de Genève car il comptait quitter la Jordanie dès que possible en vue de s’installer et d’élire domicile dans le canton de Genève; il demandait en outre un traitement particulier compte tenu de la situation sanitaire.

Par courriel du 06.04.2020, l’ORP de Genève a informé l’assuré qu’au vu de la situation exceptionnelle, il allait procéder à son inscription; l’attention de l’assuré était attirée sur l’importance qu’il établisse officiellement son domicile dans le canton dès son arrivée en Suisse. Un délai-cadre d’indemnisation lui a été ouvert à compter du 06.04.2020 et l’indemnité de chômage lui a été versée jusqu’en septembre 2020.

Par vol du 24.09.2020 en provenance d’Amman, l’assuré est rentré en Suisse, ensuite de quoi il a effectué un voyage de prospection en France. Il est revenu en Suisse le 17.10.2020 puis a observé une quarantaine d’une durée de dix jours. Son certificat de domicile pour confédérés, établi le 12.11.2020, indique le 09.11.2020 comme date de son arrivée dans le canton de Genève.

Par décision du 21.01.2021, confirmée sur opposition, l’Office cantonal de l’emploi (OCE) a déclaré l’assuré inapte au placement pour la période allant du 06.04.2020 au 25.10.2020, au motif que durant son séjour à l’étranger, tant en Jordanie qu’en France, ainsi que pendant sa quarantaine de dix jours, il n’avait pas pu suivre une mesure de marché du travail en présentiel, se rendre à un entretien d’embauche, effectuer un essai chez un employeur ou prendre un emploi.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/266/2022 – consultable ici)

Par jugement du 24.03.2022, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3.1
L’art. 8 al. 1 LACI énumère aux lettres a à g sept conditions du droit à l’indemnité de chômage. Ces conditions sont cumulatives (ATF 124 V 218 consid. 2). Le droit à l’indemnité de chômage suppose en particulier que l’assuré soit domicilié en Suisse (let. c) et qu’il soit apte au placement (let. f).

Consid. 3.2.1
L’art. 27 LPGA prévoit que dans les limites de leur domaine de compétence, les assureurs et les organes d’exécution des diverses assurances sociales sont tenus de renseigner les personnes intéressées sur leurs droits et obligations (al. 1) et que chacun a le droit d’être conseillé, en principe gratuitement, sur ses droits et obligations (al. 2, première phrase). Selon l’ancien art. 19a al. 1 OACI, abrogé avec effet au 01.07.2021 et remplacé dès cette date par l’art. 22 al. 1 OACI de même teneur, les organes d’exécution mentionnés à l’art. 76 al. 1 let. a à d LACI – parmi lesquels les ORP – renseignent les assurés sur leurs droits et obligations, notamment sur la procédure d’inscription et leur obligation de prévenir et d’abréger le chômage.

Consid. 3.2.2
Le devoir de conseils de l’assureur social au sens de l’art. 27 al. 2 LPGA comprend l’obligation d’attirer l’attention de la personne intéressée sur le fait que son comportement pourrait mettre en péril la réalisation de l’une des conditions du droit aux prestations (ATF 139 V 524 consid. 2.2; 131 V 472 consid. 4.3). Les conseils ou renseignements portent sur les faits que la personne qui a besoin de conseils doit connaître pour pouvoir correctement user de ses droits et obligations dans une situation concrète face à l’assureur. Le devoir de conseils s’étend non seulement aux circonstances de fait déterminantes, mais également aux circonstances de nature juridique. Son contenu dépend entièrement de la situation concrète dans laquelle se trouve l’assuré, telle qu’elle est reconnaissable pour l’administration (arrêt 9C_145/2019 du 29 mai 2019 consid. 4.3.1 et les références).

Consid. 3.2.3
Selon la jurisprudence, le défaut de renseignement dans une situation où une obligation de renseigner est prévue par la loi, ou lorsque les circonstances concrètes du cas particulier auraient commandé une information de l’assureur, est assimilé à une déclaration erronée de sa part qui peut, à certaines conditions, obliger l’autorité à consentir à un administré un avantage auquel il n’aurait pas pu prétendre, en vertu du principe de la protection de la bonne foi découlant de l’art. 9 Cst. Un renseignement ou une décision erronés de l’administration peuvent obliger celle-ci à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur, à condition que (a) l’autorité soit intervenue dans une situation concrète à l’égard de personnes déterminées, (b) qu’elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de ses compétences et (c) que l’administré n’ait pas pu se rendre compte immédiatement (« ohne weiteres ») de l’inexactitude du renseignement obtenu. Il faut encore qu’il se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour (d) prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice et (e) que la réglementation n’ait pas changé depuis le moment où l’assurance a été donnée. Ces principes s’appliquent par analogie au défaut de renseignement, la condition (c) devant toutefois être formulée de la façon suivante: que l’administré n’ait pas eu connaissance du contenu du renseignement omis ou que ce contenu était tellement évident qu’il n’avait pas à s’attendre à une autre information (ATF 143 V 341 consid. 5.2.1; 131 V 472 consid. 5).

Consid. 6.1
L’assuré, se plaignant d’une violation de l’art. 27 LPGA, soutient que toutes les conditions définies par la jurisprudence pour être mis au bénéfice du principe de la protection de la bonne foi seraient satisfaites. Il explique que l’ORP ne lui aurait jamais fait savoir que l’absence d’un domicile en Suisse l’empêcherait de toucher l’indemnité de chômage. Bien qu’il ait été conscient de l’importance de revenir en Suisse au plus vite, il n’aurait pas été au fait qu’un domicile dans ce pays était une condition impérative pour pouvoir percevoir ladite indemnité. L’ORP aurait omis de le renseigner à ce sujet. Par ailleurs, on lui aurait versé l’indemnité de chômage pendant six mois, alors même que son absence de domicile en Suisse était connue des autorités compétentes. […]

Consid. 6.2
Alors qu’il avait initialement redirigé l’assuré vers les autorités vaudoises, l’ORP de Genève a, dans son courriel du 06.04.2020, accepté de tenir compte de la situation exceptionnelle de l’intéressé et de procéder à son inscription à l’assurance-chômage dans le canton de Genève. Ce faisant, il a attiré l’attention de l’assuré – dont la dernière adresse connue en Suisse se trouvait dans le canton de Vaud – sur la nécessité d’élire officiellement domicile dans le canton de Genève dès son retour en Suisse. Dès lors que l’ORP n’a toutefois jamais indiqué ni même laissé entendre à l’assuré que celui-ci ne pouvait prétendre à l’allocation de l’indemnité de chômage qu’à la condition d’être domicilié en Suisse, il est douteux qu’il se soit conformé à son devoir de conseils. Il a, en sus, exposé tenir compte de la situation exceptionnelle de l’assuré, liée à la pandémie de Covid-19, et a procédé à son inscription, ce qui a entraîné le versement de l’indemnité de chômage jusqu’en septembre 2020, sans que l’absence de domicile en Suisse – pourtant connue des autorités genevoises – n’y ait fait obstacle. Ce n’est qu’en avril 2021, au stade de la décision sur opposition de l’intimé, que le défaut de domicile de l’assuré en Suisse lui a été opposé. Ainsi, quand bien même l’assuré a, dans son courriel du 05.04.2020, assuré avoir l’intention de quitter la Jordanie pour gagner la Suisse dès que possible, il n’est pas improbable qu’il ait cru être éligible à l’indemnité de chômage dès son inscription en avril 2020, même s’il était contraint de différer son retour en Suisse en raison de la situation sanitaire extraordinaire. Il n’est du reste pas contesté qu’il a parfaitement respecté ses obligations d’assuré malgré son éloignement géographique et les difficultés liées à la pandémie, effectuant notamment de nombreuses recherches d’emploi dès février 2020 ainsi que des entretiens d’embauche en juin et août 2020, ce qui suggère qu’il ignorait ne pas remplir l’une des conditions du droit à l’indemnité de chômage. Cela étant, le point de savoir si la condition (c) est satisfaite peut rester indécis au vu de ce qui suit.

Consid. 6.3
S’agissant de la condition (d), l’assuré n’expose pas – et on ne voit pas – à quelle autre source potentielle de revenu il aurait renoncé ensuite du versement de l’indemnité de chômage dès avril 2020. Indépendamment de la perception de cette indemnité, il était en outre de toute manière censé tout mettre en œuvre pour trouver au plus vite un nouvel emploi, conformément à ses obligations d’assuré. Le seul fait qu’il ait dépensé l’indemnité perçue entre avril et septembre 2020 ne saurait conduire à admettre qu’il a pris des dispositions auxquelles il ne peut pas renoncer sans subir de préjudice. Quant à l’argument tiré des « mesures plus radicales » qu’il aurait pu entreprendre – à défaut de versement de l’indemnité de chômage – pour revenir en Suisse plus tôt, il se heurte à ses propres déclarations selon lesquelles il aurait tout fait pour rejoindre la Suisse le plus tôt possible. La condition (d) n’est donc pas remplie.

Consid. 6.4
Il s’ensuit que la cour cantonale a considéré à bon droit que l’assuré ne pouvait pas être mis au bénéfice de la protection de sa bonne foi s’agissant de la condition du domicile en Suisse de l’art. 8 al. 1 let. c LACI.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 8C_271/2022 consultable ici

 

8C_322/2022 (f) du 30.01.2023 – Réduction de l’horaire de travail (RHT) – Mesures de lutte contre le coronavirus / 31 LACI – 32 LACI / Droit à l’indemnité de RHT – Entreprise privée vs Entreprise du service public

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_322/2022 (f) du 30.01.2023

 

Consultable ici

 

Réduction de l’horaire de travail (RHT) – Mesures de lutte contre le coronavirus / 31 LACI – 32 LACI

Droit à l’indemnité de RHT – Entreprise privée vs Entreprise du service public

Entreprise de transport public de personnes

 

La société A.__ SA (ci-après: la société) est une société anonyme de droit privé active essentiellement dans le domaine du transport public de personnes, dont les actions sont détenues par la B.__ SA.

Le 31.03.2020, la société a transmis au Service de l’emploi du canton de Vaud (ci-après: le SDE) un préavis de réduction de l’horaire de travail (RHT) en raison des mesures officielles prises dans le cadre de la pandémie de coronavirus. Elle demandait l’octroi de l’indemnité en cas de RHT pour 78 employés dès le 01.04.2020, en évaluant à 50% la perte de travail due à la réduction de l’offre de transport entraînée par la généralisation de l’horaire du samedi à tous les jours de la semaine, sauf le dimanche où l’horaire était maintenu.

Après avoir soumis des questionnaires à la société, le SDE a rendu, le 11.06.2020, une décision par laquelle il a rejeté la demande tendant au versement de l’indemnité en cas de RHT. La société s’est opposée à cette décision en produisant divers documents, notamment les conventions collectives de travail, conventions de subventionnement et contrat d’exploitation qui la liaient. Par décision du 05.02.2021, le SDE a rejeté l’opposition et a confirmé sa décision du 11.06.2020.

 

Procédure cantonale (arrêt ACH 55/21 – 55/2022 – consultable ici)

Par jugement du 05.04.2022, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 4.1
Selon l’art. 31 al. 1 LACI, les travailleurs dont la durée normale du travail est réduite ou l’activité suspendue ont droit à l’indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail lorsque: ils sont tenus de cotiser à l’assurance ou qu’ils n’ont pas encore atteint l’âge minimum de l’assujettissement aux cotisations AVS (let. a); la perte de travail doit être prise en considération (art. 32 LACI; let. b); le congé n’a pas été donné (let. c); la réduction de l’horaire de travail est vraisemblablement temporaire, et si l’on peut admettre qu’elle permettra de maintenir les emplois en question (let. d).

L’art. 32 let. a et b LACI précise que la perte de travail est prise en considération lorsqu’elle est due à des facteurs d’ordre économique et est inévitable et qu’elle est d’au moins 10% de l’ensemble des heures normalement effectuées par les travailleurs de l’entreprise. Pour les cas de rigueur, le Conseil fédéral règle la prise en considération de pertes de travail consécutives à des mesures prises par les autorités, à des pertes de clientèle dues aux conditions météorologiques ou à d’autres circonstances non imputables à l’employeur (art. 32 al. 3, première phrase, LACI). Le Conseil fédéral a ainsi notamment prévu à l’art. 51 al. 1 OACI que les pertes de travail consécutives à des mesures prises par les autorités, ou qui sont dues à d’autres motifs indépendants de la volonté de l’employeur, sont prises en considération lorsque l’employeur ne peut les éviter par des mesures appropriées et économiquement supportables ou faire répondre un tiers du dommage.

Consid. 4.2.1
Selon la jurisprudence, l‘indemnité en cas de RHT est une mesure préventive au sens large: l’allocation de cette indemnité a pour but d’éviter le chômage complet des travailleurs – soit leurs congés ou leurs licenciements – d’une part et, d’autre part, de maintenir simultanément les emplois dans l’intérêt des employeurs aussi bien que des travailleurs. Or en règle générale, les conditions précitées du droit à l’indemnité en cas de RHT ne sauraient être remplies si l’employeur est une entreprise de droit public, faute pour celle-ci d’assumer un risque propre d’exploitation. Au contraire, les tâches qui lui incombent de par la loi doivent être exécutées indépendamment de la situation économique, et les impasses financières, les excédents de dépenses ou les déficits peuvent être couverts au moyen des deniers publics (recettes des impôts). Bien plus, il n’existe en général aucune menace de perdre son emploi là où les travailleurs ont la possibilité d’être déplacés dans d’autres secteurs, ainsi que cela est le cas dans les communautés ou établissements publics d’une certaine importance. En revanche, compte tenu des formes multiples de l’action étatique, on ne saurait de prime abord exclure que, dans un cas concret, le personnel des services publics remplisse les conditions du droit à l’indemnité en cas de RHT. Ce qui est déterminant en fin de compte, conformément à la finalité du régime de la prestation, c’est de savoir si, par l’allocation de l’indemnité en cas de RHT, un licenciement peut être évité (ATF 121 V 362 consid. 3a et les références).

Consid. 4.2.2
C’est à brève échéance que le versement de l’indemnité en cas de RHT doit pouvoir éviter un licenciement. En effet, ces indemnités ont un caractère préventif. Il s’agit de mesures temporaires. Le statut du personnel touché par la réduction de l’horaire de travail est dès lors décisif pour l’allocation de l’indemnité. Ainsi, là où ce personnel est au bénéfice d’un statut de fonctionnaire ou d’un statut analogue limitant les possibilités de licenciement que connaît le contrat de travail, ce statut fait échec à court terme – éventuellement à moyen terme – à la suppression d’emploi. Dans ce cas, les conditions du droit à l’indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail ne sont pas remplies. L’exigence d’un risque économique à court ou moyen terme concerne aussi l’entreprise. Cela ressort notamment de l’art. 32 al. 1 let. a LACI, selon lequel la perte de travail n’est prise en considération que si elle est due à des facteurs d’ordre économique et qu’elle est inévitable. A l’évidence, cette condition ne saurait être remplie si l’entreprise ne court aucun risque propre d’exploitation, à savoir un risque économique où l’existence même de l’entreprise est en jeu, par exemple le risque de faillite ou le risque de fermeture de l’exploitation. Or si l’entreprise privée risque l’exécution forcée, il n’en va pas de même du service public, dont l’existence n’est pas menacée par un exercice déficitaire (ATF 121 V 362 précité consid. 3b et les références).

Consid. 4.3.1
Dans le cadre des mesures prises par le Conseil fédéral dans le domaine de l’assurance-chômage en lien avec la pandémie de coronavirus (Covid-19), le SECO a rédigé des directives destinées à préciser les conditions d’octroi des prestations de l’assurance-chômage dans ce contexte.

Bien que les directives administratives ne lient en principe pas le juge, celui-ci est néanmoins tenu de les considérer dans son jugement, pour autant qu’elles permettent une interprétation des normes juridiques qui soit adaptée au cas d’espèce et équitable. Ainsi, si les directives administratives constituent une concrétisation convaincante des dispositions légales, le tribunal ne s’en départit pas sans motif pertinent. Dans cette mesure, il tient compte du but de l’administration tendant à garantir une application égale du droit (ATF 148 V 102 consid. 4.2; 146 V 224 consid. 4.4. et l’arrêt cité). En principe, il convient de tenir compte de la version qui était à la disposition de l’autorité de décision au moment de la décision (et qui a déployé un effet contraignant à son égard); des compléments ultérieurs peuvent éventuellement être pris en compte, notamment s’ils permettent de tirer des conclusions sur une pratique administrative déjà appliquée auparavant (cf. ATF 147 V 278 consid. 2.2 et les références).

Consid. 4.3.2
Sous l’intitulé « Préavis des fournisseurs de prestations publiques (employeurs publics, administrations, etc.) », la directive du SECO 2020/8 du 1er juin 2022 (tout comme les directives suivantes) prévoit ce qui suit: « Le but de l’indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail est de préserver les emplois. L’objectif est d’éviter des licenciements à court terme, consécutifs à un recul temporaire de la demande de biens et de services, et la perte de travail qui en résulte (cf. également ATF 121 V 362 c. 3a). De manière générale, ce risque (immédiat) de disparition d’emplois concerne uniquement les entreprises qui financent la fourniture de prestations exclusivement avec les revenus ainsi perçus ou avec des fonds privés. Contrairement aux entreprises privées, les fournisseurs de prestations publiques ne supportent pas de risque entrepreneurial ou de risque de faillite parce qu’ils doivent mener à bien les tâches qui leur ont été confiées par la loi indépendamment de la situation économique. Les éventuels problèmes de liquidités, les dépenses supplémentaires ou même les pertes résultant de l’activité de l’entreprise sont couverts par des moyens publics, qu’il s’agisse de subventions ou d’autres moyens financiers. Il n’existe pas dans ces cas de risque de disparition d’emplois. En vertu du mandat des fournisseurs de prestations publiques, considérant l’objectif visé par l’indemnité en cas de RHT, les prestataires n’ont globalement aucun droit à la RHT pour leurs travailleurs. Le versement de la RHT en cas de suspension temporaire de cette fourniture de prestations revient à répercuter les coûts du salaire sur le fonds de l’AC sans que le risque de licenciements à court terme pour ces entreprises publiques-privées, contre lequel se bat le législateur, ne soit avéré.

Ces réflexions s’appliquent aussi bien aux employeurs de droit public-privé eux-mêmes (en ce qui concerne les employés de la Confédération, des cantons et des communes) qu’aux secteurs privatisés qui fournissent des prestations sur mandat d’une institution publique sur la base d’un accord. La RHT ne peut être accordée aux travailleurs employés par des fournisseurs de prestations publiques que si les travailleurs concernés sont exposés à un risque concret et immédiat de licenciement. Cela peut également concerner un secteur d’un prestataire seulement. Par exemple, une entreprise de transports peut comprendre à la fois un secteur d’exploitation pour lequel elle a droit à la RHT en cas de chute du chiffre d’affaires (p. ex. bus touristiques), et un secteur d’exploitation pour lequel aucun droit à la RHT n’existe (exploitation subventionnée d’un bus local).

On considère qu’un risque immédiat et concret de disparition d’emplois est présent si, en cas de recul de la demande ou de réduction ordonnée de l’offre chez le mandataire, il n’existe pas de garantie que les coûts d’exploitation seront entièrement couverts, et si les entreprises concernées ont la possibilité de procéder à des licenciements immédiats dans l’objectif de faire baisser les coûts d’exploitation. Ces deux conditions doivent être cumulées.

L’ACt [l’autorité cantonale compétente] est tenue de vérifier uniquement si un risque immédiat et concret de disparition d’emplois existe et si l’employeur est en mesure de justifier ce risque en présentant des documents appropriés. Il incombe donc aux entreprises qui fournissent des prestations publiques (Service Public) de justifier de manière plausible à l’ACt qu’en cas de perte de travail, un risque immédiat et concret de licenciements existe, à l’aide de documents adaptés (règlements du personnel, contrats de travail, mandats de prestations, concessions, CCT, etc.). Il n’est pas nécessaire de procéder à d’autres examens. L’introduction de la réduction de l’horaire de travail doit être refusée uniquement si les documents remis par l’employeur ne justifient pas un risque de disparition d’emplois à satisfaction de droit.

Dans le cas d’une décision sur opposition, la réalisation des deux conditions du droit à l’indemnité susmentionnées (risque de disparition d’emplois concret et aucune couverture complète des coûts d’exploitation) doit être mentionnée clairement et explicitement sur le document justificatif comme motif. »

 

Consid. 7.1
Sur le fond, la société A.__ SA soutient qu’elle aurait droit à l’indemnité en cas de RHT. Elle invoque, d’une part, l’absence de garantie de déficit par les pouvoirs publics et, d’autre part, l’existence d’un risque concret pour les emplois.

Répondant à la question laissée indécise par les juges cantonaux, la société A.__ SA soutient que, tant pour le trafic régional de voyageurs que pour le trafic urbain, le déficit effectif causé par la pandémie de coronavirus ne sera pas pris en charge par une quelconque subvention. Contrairement aux causes à l’origine des arrêts 8C_558/2021 et 8C_559/2021 du 20 janvier 2022, ni la loi ni le texte des conventions de subventionnement applicables en l’espèce n’imposeraient une garantie de déficit, les subventions n’étant pas liées au coût effectif d’exploitation.

Ensuite, la société A.__ SA critique le raisonnement des juges cantonaux, en tant que ceux-ci ont retenu qu’elle n’aurait pas rendu vraisemblable l’exposition, à court terme, à des pertes de revenus suffisamment importantes pour mettre en cause les emplois, alors qu’ils ont admis que la réduction de l’offre avait entraîné des pertes de recettes qui n’avaient plus permis aux entreprises de transports publics de couvrir les coûts fixes en matière d’infrastructure et de personnel. En outre, la juridiction cantonale considérerait à tort qu’il serait objectivement impossible de ne pas respecter un mandat de prestation publique, contrairement à un autre mandat de droit privé. Ce point de vue serait manifestement inexact sous l’angle de la clausula rebus sic stantibus. La société A.__ SA conteste qu’en raison de leur mandat de droit public, les entreprises de transports publics n’auraient pas la possibilité de réduire leur masse salariale. Selon elle, l’existence de subventions et d’un mandat de service public ne constituerait pas en soi un obstacle dirimant à l’obtention de l’indemnité en cas de RHT.

 

Consid. 7.2
Comme on l’a vu (cf. consid. 4 supra), les entreprises qui fournissent des prestations publiques ne sont pas en tant que telles exclues du cercle des potentiels bénéficiaires du droit à l’indemnité en cas de RHT. Pour ces entreprises, on reconnaît un risque de disparition d’emplois si, en cas de recul de la demande ou de réduction de l’offre chez le mandataire, il n’existe pas de garantie que les coûts d’exploitation seront entièrement couverts, et si les entreprises concernées ont la possibilité de procéder à des licenciements à brève échéance dans l’objectif de faire baisser les coûts d’exploitation. En l’espèce, si la réduction du temps de travail du personnel roulant et technique touche des secteurs de la société A.__ SA dans lesquels il n’y a pas de garantie d’une couverture complète des coûts d’exploitation, celle-ci supporterait, comme toute entreprise privée, un risque d’exploitation ou de faillite correspondant, auquel une telle entreprise ferait face par des licenciements (cf. arrêt 8C_769/2021 du 3 mai 2022 consid. 6, qui concerne également une entreprise de transport public). Or, dans l’arrêt entrepris, la cour cantonale n’a pas clairement tranché la question de la couverture des coûts d’exploitation, en tout cas s’agissant du trafic régional. Elle a en effet retenu à cet égard qu’il appartenait à la société A.__ SA de couvrir le déficit provoqué par la chute des recettes, tout en évoquant la possibilité d’une garantie de déficit plus étendue. En outre, le fait de percevoir des subventions ne signifie pas encore que les coûts d’exploitation sont entièrement couverts par les pouvoirs publics (cf. arrêt 8C_157/2022 du 8 septembre 2022 consid. 3.4.1). Enfin, la possibilité de procéder à des licenciements à brève échéance s’examine non pas au regard de la main d’œuvre nécessaire pour fournir les prestations publiques selon l’offre soumise aux commanditaires, mais au regard de la règlementation applicable au personnel (cf. consid. 4.3.2 supra). L’arrêt attaqué ne dit rien à ce propos quand bien même la société A.__ SA a produit la documentation appropriée dans le cadre de son opposition. La cour cantonale a donc violé le droit fédéral en niant le droit de la société A.__ SA aux indemnités en cas de RHT sans instruire et examiner de manière approfondie l’étendue de la couverture des frais d’exploitation par les pouvoirs publics ainsi que les possibilités concrètes de résiliation sur la base du régime applicable au personnel.

 

Le TF admet le recours de la société A.__ SA, annule le jugement cantonal et renvoie la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

 

Arrêt 8C_322/2022 consultable ici

 

Cf. également les arrêts 8C_325/2022 et 8C_328/2022 du 30.01.2023 dans deux causes parallèles similaires.

 

8C_82/2022 (f) du 24.08.2022 – Droit à l’indemnité chômage – Inaptitude au placement / 8 LACI – 15 LACI / Assuré bloqué en Russie à cause du COVID-19 – Pas de violation du devoir de renseigner de la caisse de chômage

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_82/2022 (f) du 24.08.2022

 

Consultable ici

 

Droit à l’indemnité chômage – Inaptitude au placement / 8 LACI – 15 LACI

Assuré bloqué en Russie à cause du COVID-19

Pas de violation du devoir de renseigner de la caisse de chômage / 27 LPGA

Obligation de renseigner de l’assuré / 28 al. 2 LPGA

 

Assuré, directeur général d’une société active dans la conception, l’achat, l’import et l’export de tout matériel, d’équipements et d’accessoires liés à l’exploitation pétrolière et gazière, a été licencié avec effet au 31.03.2020 en raison de la restructuration économique du groupe. Il s’est inscrit le 18.03.2020 comme demandeur d’emploi à temps complet auprès de l’ORP et a sollicité l’octroi de prestations de l’assurance-chômage dès le 01.04.2020 auprès de la Caisse cantonale de chômage.

Par courriel du 24.04.2020, l’assuré a écrit à la caisse afin de lui transmettre son formulaire « Indications de la personne assurée » (IPA) pour le mois d’avril 2020. Il a mentionné sur ce formulaire qu’il était « bloqué en Russie à cause du COVID-19 » depuis le 22.03.2020. Il était allé en Russie à cette date pour un voyage d’affaires et y était encore, car ce pays avait suspendu les vols internationaux depuis le 27.03.2020. Il a en outre joint à son envoi un communiqué du gouvernement russe du 26.03.2020, qui annonçait cette mesure dans le cadre de la lutte contre la propagation du coronavirus (SARS-CoV-2, ci-après: COVID-19). Par retour du courriel du 27.04.2020, la caisse de chômage a informé l’assuré que la période durant laquelle il était à l’étranger ne pouvait pas être indemnisée, l’une des conditions pour percevoir l’indemnité étant la présence de l’assuré sur le territoire suisse, malgré les mesures prises par les gouvernements concernant la pandémie.

Par décision du 04.06.2020, confirmée sur opposition, la caisse de chômage a nié le droit de l’assuré à l’indemnité de chômage dès le 01.04.2020, au motif qu’il était inapte au placement aussi longtemps qu’il ne serait pas de retour en Suisse. Elle relevait qu’il était en Russie depuis le 22.03.2020, alors que le lock-down avait été décrété en Suisse depuis le 17.03.2020 et en Russie depuis le 18.03.2020 et qu’une quarantaine de quatorze jours était imposée à tout ressortissant de Russie entrant dans ce pays en provenance de Suisse; en outre il n’avait pas réservé de billet de retour afin d’être présent en Suisse le 01.04.2020.

 

Procédure cantonale (arrêt ACH 20/21 – 224/2021 – consultable ici)

Par jugement du 17.12.2021, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 4.1
L’art. 8 al. 1 LACI énumère aux lettres a à g sept conditions du droit à l’indemnité de chômage. Ces conditions sont cumulatives (ATF 124 V 218 consid. 2). Le droit à l’indemnité de chômage suppose en particulier que l’assuré soit apte au placement (let. f). Aux termes de l’art. 15 al. 1 LACI, est réputé apte à être placé le chômeur qui est disposé à accepter un travail convenable et à participer à des mesures d’intégration et qui est en mesure et en droit de le faire.

Consid. 4.2
L’aptitude au placement comprend ainsi deux éléments: le premier est la capacité de travail, c’est-à-dire la faculté de fournir un travail – plus précisément d’exercer une activité lucrative salariée – sans que l’assuré en soit empêché pour des causes inhérentes à sa personne; le deuxième élément est la disposition à accepter immédiatement un travail convenable au sens de l’art. 16 LACI, laquelle implique non seulement la volonté de prendre un tel travail s’il se présente, mais aussi une disponibilité suffisante quant au temps que l’assuré peut consacrer à un emploi et quant au nombre des employeurs potentiels (ATF 146 V 210 consid. 3.1; 125 V 51 consid. 6a). L’aptitude au placement est évaluée de manière prospective d’après l’état de fait existant au moment où la décision sur opposition a été rendue (ATF 143 V 168 consid. 2 et les arrêts cités) et n’est pas sujette à fractionnement. Soit l’aptitude au placement est donnée (en particulier la disposition d’accepter un travail au taux d’au moins 20 % d’une activité à plein temps; cf. art. 5 OACI), soit elle ne l’est pas (ATF 143 V 168 consid. 2; 136 V 95 consid. 5.1).

Consid. 4.3
Un chômeur qui prend des engagements à partir d’une date déterminée et, de ce fait, n’est disponible sur le marché du travail que pour une courte période n’est en principe pas apte au placement car il n’aura que très peu de chances de conclure un contrat de travail (ATF 146 V 210 consid. 3.1 et les arrêts cités; 126 V 520 consid. 3a). Ce principe s’applique notamment lorsque des chômeurs s’inscrivent peu avant un départ à l’étranger, une formation ou l’école de recrues, ce qui équivaut à un retrait du marché du travail (cf. BORIS RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, n° 56 ad art. 15 LACI).

Consid. 4.4
Lorsqu’un assuré participe à un cours de formation durant la période de chômage (sans que les conditions des art. 59 ss LACI soient réalisées), il doit, pour être reconnu apte au placement, clairement être disposé – et être en mesure de le faire – d’y mettre un terme du jour au lendemain afin de pouvoir débuter une nouvelle activité. Cette question doit être examinée selon des critères objectifs. Une simple allégation ne suffit pas à cet effet (ATF 122 V 265 consid. 4; arrêts 8C_742/2019 du 8 mai 2020 consid. 3.4; 8C_56/2019 du 16 mai 2019 consid. 2.2 publié in SVR 2020 ALV n° 5 p. 15). Il faut que la volonté de l’assuré se traduise par des actes, et ce pendant toute la durée du chômage (BORIS RUBIN, op. cit. n° 19 ad art. 15 LACI).

Consid. 4.5
L’aptitude au placement doit être admise avec beaucoup de retenue lorsque, en raison de l’existence d’autres obligations ou de circonstances personnelles particulières, un assuré désire seulement exercer une activité lucrative à des heures déterminées de la journée ou de la semaine. Un chômeur doit être en effet considéré comme inapte au placement lorsqu’une trop grande limitation dans le choix des postes de travail rend très incertaine la possibilité de trouver un emploi. Peu importe à cet égard le motif pour lequel le choix des emplois potentiels est limité (ATF 120 V 385 consid. 3a; arrêt 8C_65/2020 du 24 juin 2020 consid. 5.3; BORIS RUBIN, op. cit., n. 26 ad art. 15 LACI).

Consid. 4.6
Dans le contexte de la pandémie du COVID-19 et des restrictions ordonnées le 16.03.2020, il n’y a eu aucune dérogation aux art. 8 al. 1 let. f et 15 al. 1 LACI quant aux exigences de l’aptitude au placement (voir l’ordonnance du 20 mars 2020 sur les mesures dans le domaine de l’assurance-chômage en lien avec le COVID-19 [Ordonnance COVID-19 assurance-chômage; RS 837.033]).

Consid. 4.7
L’art. 27 al. 2 LPGA, qui s’applique à l’assurance-chômage obligatoire par renvoi de l’art. 1 al. 1 LACI, prévoit que chacun a le droit d’être conseillé, en principe gratuitement, sur ses droits et obligations; sont compétents pour cela les assureurs à l’égard desquels les intéressés doivent faire valoir leurs droits ou remplir leurs obligations. D’autre part, l’art. 28 al. 2 LPGA dispose que quiconque fait valoir son droit à des prestations doit fournir gratuitement tous les renseignements nécessaires pour établir ce droit, fixer les prestations dues et faire valoir les prétentions récursoires.

 

Consid. 5.1.1
La cour cantonale a retenu, en ce qui concerne les motifs du voyage en Russie, que l’assuré n’avait produit aucune preuve matérielle qui étayait ses déclarations s’agissant d’un voyage professionnel, comme par exemple une instruction claire de son employeur. Par ailleurs, c’est aussi sans arbitraire que la cour cantonale a constaté que le contrat de travail de l’assuré se terminait quelques jours après son départ en Russie (31.03.2020), que le voyage ne semblait pas avoir été payé par l’employeur (puisque l’assuré avait déclaré que le trajet de retour était à ses frais), que l’assuré n’avait pas reçu de salaire pour les mois de janvier, février et mars 2020 et qu’il était en plus le dernier employé de l’entreprise. Au vu de tous ces éléments, force est de constater que la cour cantonale n’a pas apprécié les preuves de manière arbitraire en concluant qu’il ne s’agissait pas d’un voyage professionnel.

Consid. 5.1.2
La juridiction cantonale n’est en effet pas tombée dans l’arbitraire en considérant que l’assuré aurait pu et dû renoncer à entreprendre ce voyage en Russie ou du moins réserver un billet de retour pour préserver son aptitude au placement. En effet, il sied de rappeler que le 22.03.2020, lorsque l’assuré s’est rendu en Russie, les déplacements internationaux étaient déjà fortement impactés par la crise sanitaire; la Russie avait déjà limité ses vols en provenance et à destination de l’Europe et avait imposé une quarantaine de quatorze jours, ce qui compliquait notablement son séjour et risquait clairement de le retarder, rendant son retour en Suisse pour le 01.04.2020 encore plus aléatoire. Partant, c’est à bon droit que la cour cantonale a considéré que l’assuré devait connaître les risques qu’il prenait en partant en Russie le 22.03.2020, en particulier celui de ne pas être de retour et apte au placement le 01.04.2020.

 

Consid. 5.1.4
Par une argumentation subsidiaire, la cour cantonale a retenu que, même à supposer que l’assuré ait cherché uniquement des emplois pour lesquels des moyens numériques étaient utilisés pour le recrutement et pour l’entrée en service, que de tels emplois aient existé et été disponibles sur le marché durant la période concernée, une telle restriction dans le choix des postes de travail aurait rendu très incertaine sa possibilité de retrouver un emploi, situation qui était également sanctionnée d’inaptitude.

Cette appréciation est conforme à la jurisprudence du Tribunal fédéral, selon laquelle un chômeur doit être considéré comme inapte au placement lorsqu’une trop grande limitation dans le choix des postes de travail rend très incertaine la possibilité de trouver un emploi (cf. consid. 4.5 supra), ce qui est manifestement le cas lorsqu’un chômeur adresse sa candidature uniquement pour des postes d’emploi pour lesquels non seulement le recrutement, mais aussi l’activité en soi s’effectuent exclusivement par voie numérique.

 

Consid. 5.2.1
L’assuré invoque une violation des art. 8 et 15 LACI en tant que son aptitude au placement a été niée du 01.04.2020 au 15.06.2020. En se référant à la jurisprudence, il fait valoir que l’éloignement ne serait plus un obstacle en raison des moyens techniques actuels et sachant qu’un entretien d’embauche n’aurait pas lieu en principe dans un délai de quelques heures. S’agissant de la prise d’une activité salariée, elle commencerait au plus tôt le premier jour du mois suivant l’entretien d’embauche. Par ailleurs, il faudrait tenir compte de la pandémie sévissant depuis le début de l’année 2020 en Europe. Aussi, le télétravail aurait été exigé d’emblée pour les personnes vulnérables.

Consid. 5.2.2
A l’instar de la cour cantonale, force est de constater que la jurisprudence invoquée par l’assuré sur le critère de la disponibilité suffisante quant au temps que l’assuré peut consacrer à un emploi et quant au nombre des employeurs potentiels ne lui est d’aucun secours. En effet, dans l’arrêt en question (arrêt 8C_922/2014 du 20 mai 2015 consid. 4.2), le Tribunal fédéral a jugé que l’éloignement temporaire d’un assuré n’était pas un obstacle important à son aptitude au placement, compte tenu des moyens techniques actuels et pour autant que ce dernier soit en mesure d’être présent en Suisse dans un délai très court. Dans l’état de fait ayant donné lieu à cet arrêt, l’assuré était parti à Paris (France) pour des raisons de formation, pouvait interrompre ses cours et disposait de moyens de transport pour revenir en Suisse d’un jour à l’autre. La cour cantonale a relevé que le séjour de cet assuré s’étalait sur quelques jours disparates, si bien que son éloignement temporaire n’avait pas d’effet sur sa disponibilité (objective) suffisante, ce qui n’était pas le cas pour l’assuré.

Consid. 5.2.3
Cette appréciation doit aussi être confirmée pour d’autres motifs. En effet, comme on l’a vu, la cour cantonale a constaté sans arbitraire que l’assuré s’était inscrit au chômage quelques jours avant son départ en Russie, sans prouver la nécessité et le caractère professionnel de son voyage, sans avoir au préalable réservé un billet de retour et en connaissance des risques qu’il prenait en partant en Russie le 22.03.2020, en particulier celui de ne pas être de retour et apte au placement le 01.04.2020. En vertu des principes jurisprudentiels énoncés plus haut (cf. consid. 4.3 supra), ces éléments suffisent à retenir que l’assuré s’est retiré du marché de travail suisse peu après son inscription au chômage, ce qui entraîne son inaptitude au placement.

Consid. 5.2.4
Par ailleurs, même si on appliquait par analogie la jurisprudence pour les chômeurs qui participent à un cours de formation (cf. consid. 4.4 supra), l’aptitude au placement devrait néanmoins être niée. En effet, on ne saurait suivre la thèse de l’assuré selon laquelle il suffirait, pour être considéré apte au placement, d’être prêt à commencer une nouvelle activité au plus tôt le premier jour du mois suivant l’entretien d’embauche, surtout en période de pandémie. On rappellera à cet égard que dans le contexte de la pandémie du COVID-19 et des restrictions ordonnées le 16.03.2020, il n’y a eu aucune dérogation aux art. 8 al. 1 let. f et 15 al. 1 LACI quant aux exigences de l’aptitude au placement (cf. consid. 4.6 supra). Autrement dit, il ne justifie pas de déroger au principe de la disponibilité suffisante dans le sens de la disposition et de la capacité à commencer une activité professionnelle du jour au lendemain si elle se présente. Dans la mesure où, de manière non contestée, l’assuré n’était objectivement pas en mesure de remplir cette exigence pendant la période concernée, c’est à bon droit qu’il a été considéré comme inapte au placement.

Consid. 5.2.5
Compte tenu de son manque de capacité à accepter un travail convenable, l’assuré ne saurait en outre tirer un avantage du fait qu’il remplit une autre condition du droit à l’indemnité au chômage, notamment son obligation de satisfaire aux exigences de contrôle en effectuant suffisamment des recherches d’emploi (art. 8 al. 1 let. g et art. 17 LACI), les conditions du droit à l’indemnité devant être remplies cumulativement (cf. consid. 4.1 supra).

 

Consid. 5.3.1
L’assuré invoque une violation de l’art. 27 al. 2 LPGA, en soutenant que la caisse de chômage aurait manqué à son devoir de renseigner. Il fait valoir qu’avant son départ en Russie, il n’aurait reçu aucune information préalable selon laquelle il devait être présent sur le territoire suisse, comme indiqué par la caisse de chômage dans son courriel du 27.04.2020. En outre, il ne pouvait pas se douter que son voyage en Russie durerait si longtemps et que cela pourrait mettre en danger, par la suite, son droit aux indemnités de chômage.

Consid. 5.3.2
Contrairement à ce que semble supposer l’assuré, le devoir de conseil de l’assureur social au sens de l’art. 27 al. 2 LPGA n’implique pas que celui-ci donne à titre préventif des informations dont on peut admettre qu’elles sont connues de manière générale (arrêt 8C_433/2014 du 16 juillet 2015 consid. 5.3 et l’arrêt cité). En ce qui concerne l’obligation de la caisse de chômage de donner des renseignements spécifiques, l’étendue de celle-ci dépend de la situation individuelle dans laquelle se trouve l’assuré, telle qu’elle est reconnaissable pour l’administration (arrêt 8C_1041/2008 du 12 novembre 2009 consid. 6.2 et les références, RUBIN, op.cit. n° 59 ad art. 17 LACI). En l’occurrence, le conseiller de l’ORP n’avait aucune raison apparente d’interpeller spontanément l’assuré, qui quelques jours auparavant venait de s’inscrire au chômage, au sujet d’un potentiel voyage en Russie et des conséquences que cela aurait sur son droit aux indemnités. Il incombait bien plutôt à l’assuré, en vertu de son obligation de renseigner (art. 28 al. 2 LPGA; cf. consid. 4.7 supra), d’informer la caisse de chômage et de s’enquérir, avant son départ en Russie, des répercussions éventuelles que son voyage aurait sur son droit aux indemnités, étant rappelé qu’entre le moment de son inscription à l’assurance-chômage et son départ en Russie, il avait suffisamment de temps pour le faire.

 

Consid. 6
Au vu de ce qui précède, c’est sans violer le droit fédéral que la cour cantonale a confirmé le refus de la caisse de chômage d’allouer des indemnités de chômage du 01.04.2020 au 15.06.2020. Le recours se révèle mal fondé en tous points et doit être rejeté.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 8C_82/2022 consultable ici

 

8C_211/2022 (f) du 07.09.2022 – Suspension du droit à l’indemnité de chômage – Recherches d’emploi insuffisantes au cours de deux périodes de contrôle successives – 30 LACI – 45 al. 5 OACI

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_211/2022 (f) du 07.09.2022

 

Consultable ici

 

Suspension du droit à l’indemnité de chômage – Recherches d’emploi insuffisantes au cours de deux périodes de contrôle successives / 30 LACI – 45 al. 5 OACI

Aggravation d’une sanction d’une assurée qui n’a pas été mis en situation de modifier son comportement après avoir pris connaissance d’une première suspension

 

Assurée, née en 1958, inscrite le 22.10.2019 comme demandeuse d’emploi au taux de 60% auprès de l’Office régional de placement (ORP). Par décisions du 03.02.2021, l’ORP l’a suspendue dans son droit à l’indemnité de chômage pour une durée de trois jours dès le 01.12.2020 (décision n° xxx) et pour une durée de cinq jours dès le 01.01.2021 (décision n° yyy), au motif qu’elle n’avait pas respecté l’objectif de recherches d’emploi fixé par son conseiller durant les mois de novembre et décembre 2020. Les décisions ont été confirmées sur opposition, le 18.06.2021.

 

Procédure cantonale (arrêt ACH 229/21 – 40/2022 – consultable ici)

Partant d’une faute légère de l’assurée, la cour cantonale a, par jugement du 28.02.20022, considéré qu’au vu de la continuité des périodes examinées, de l’absence d’entretien au mois de décembre 2020 et du fait que les décisions litigieuses avaient été rendues simultanément, la présente situation relevait d’une unité d’action justifiant de ne prononcer qu’une seule sanction à l’encontre de l’assurée. Ainsi, son droit à l’indemnité de chômage ne devait être suspendu que durant cinq jours à compter du 01.01.2021 et la décision sur opposition du 18.06.2021 relative aux recherches d’emploi du mois de novembre 2020 (décision n° xxx) devait être annulée.

 

TF

Consid. 4.2
La durée de la suspension du droit à l’indemnité de chômage doit être proportionnelle à la gravité de la faute (art. 30 al. 3 LACI). Aux termes de l’art. 45 al. 3 OACI, la durée de la suspension dans l’exercice du droit à l’indemnité est de 1 à 15 jours en cas de faute légère (let. a), de 16 à 30 jours en cas de faute de gravité moyenne (let. b) et de 31 à 60 jours en cas de faute grave (let. c). Si l’assuré est suspendu de façon répétée dans son droit à l’indemnité pendant le délai-cadre d’indemnisation, la durée de suspension est prolongée en conséquence (art. 45 al. 5 OACI).

 

Consid. 4.3.1
Selon la jurisprudence constante, une suspension du droit à l’indemnité de chômage prévue à l’art. 30 LACI n’a pas un caractère pénal. Elle constitue une sanction de droit administratif destinée à combattre les abus en matière d’assurance-chômage. Comme telle, cette mesure peut être prononcée de manière répétée, sans que soit applicable l’art. 49 CP (ATF 123 V 150 consid. 1c par rapport à l’ancien art. 68 CP). Plusieurs mesures de suspension distinctes peuvent ainsi être prononcées, sauf – et exceptionnellement – en présence de manquements qui procèdent d’une volonté unique et qui, se trouvant dans un rapport étroit de connexité matérielle et temporelle, apparaissent comme l’expression d’un seul et même comportement (arrêts 8C_306/2008 du 26 septembre 2008 consid. 3.2, in: DTA 2009 268; C 305/01 du 22 octobre 2002 consid. 3.1, in: DTA 2003 118; BORIS RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, n° 20 ad art. 30 LACI). Une telle situation exceptionnelle peut se produire lorsqu’un assuré refuse plusieurs emplois convenables le même jour, pour le même motif et sur la base d’une volonté unique (arrêt C 171/89 du 15 septembre 1987 consid. 3a, in: DTA 1988 26; THOMAS NUSSBAUMER, Arbeitslosenversicherung, in: Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Soziale Sicherheit, 2e éd. 2016, n° 860, p. 2523).

Consid. 4.3.2
On précisera que la jurisprudence admet que, lorsqu’il y a concours de plusieurs motifs de suspension de nature différente ou de même nature, une suspension du droit à l’indemnité peut être prononcée séparément pour chacun des états de fait (arrêts C 90/06 du 7 août 2006 consid. 3.1; C 305/01 du 22 octobre 2002, in: DTA 2003 p. 119 et les références). Il peut en outre se justifier de prononcer le même jour plusieurs décisions de suspension du droit à l’indemnité en cas de fautes successives (arrêt C 33/97 du 19 octobre 1998 consid. 3b, in: DTA 1999 p. 193; BORIS RUBIN, Assurance-chômage, Droit fédéral, Survol des mesures cantonales, Procédure, 2e éd. 2006, p. 457). En particulier, l’insuffisance de recherches d’emploi d’un assuré pendant plusieurs périodes de contrôle peut faire l’objet, même rétroactivement, de plusieurs mesures de suspension distinctes dans l’exercice du droit à l’indemnité de chômage (arrêts 8C_306/2008 du 26 septembre 2008 consid. 3.2, in: DTA 2009 268; C 305/01 du 22 octobre 2002, in: DTA 2003 119).

Consid. 4.3.3
Quant à la question de savoir si une sanction peut être aggravée quand bien même l’assuré n’a pas été mis en situation de modifier son comportement après avoir pris connaissance d’une première suspension, la jurisprudence a retenu que la sanction a certes un but dissuasif et éducatif. Les obligations du chômeur découlent cependant de la loi. Elles n’impliquent ni une information préalable (par exemple sur les recherches d’emploi pendant le délai de congé; cf. ATF 124 V 225 consid. 5b; arrêts 8C_518/2009 du 4 mai 2010 consid. 6; C 208/03 du 26 mars 2004 consid. 3.1, in: DTA 2005 56), ni un avertissement préalable. Il ne se justifie pas de traiter différemment l’assuré qui fait l’objet de sanctions échelonnées dans le temps (et aggravées) de celui qui se voit infliger plusieurs sanctions rétroactives pour les mêmes comportements. Objectivement et subjectivement, les comportements fautifs sont les mêmes. Enfin, dans bien des cas, un cumul de sanctions intervient sans que l’assuré soit mis en situation de modifier son comportement, notamment en cas de chômage fautif et de recherches insuffisantes pendant le délai de congé ou encore – comme en l’espèce – en cas de recherches d’emploi insuffisantes au cours de deux périodes de contrôle successives. L’art. 45 al. 5 OACI doit par conséquent également trouver application dans ce type de situation (arrêt 8C_518/2009 du 4 mai 2010 consid. 5).

 

Consid. 4.4
Au vu ce qui précède, le raisonnement de la cour cantonale ne peut pas être suivi. La continuité des périodes considérées ne suffit pas pour renoncer à prononcer une suspension séparément pour chaque manquement, car, selon la jurisprudence exposée ci-dessus, en cas de recherches d’emploi insuffisantes, des décisions de suspension distinctes peuvent être prises, même rétroactivement, pour chaque mois pendant lequel l’assurée a contrevenu à ses obligations. Ne constituent pas non plus des circonstances déterminantes en l’espèce le fait qu’aucun entretien n’a eu lieu en décembre 2020, ni le fait que les deux décisions de sanction ont été rendues le même jour par l’ORP. En effet, comme on vient de l’exposer, les obligations du chômeur n’impliquent ni une information préalable, ni un avertissement préalable et il ne se justifie pas de traiter différemment l’assuré qui fait l’objet de sanctions échelonnées dans le temps de celui qui se voit infliger plusieurs sanctions rétroactives le même jour pour les mêmes comportements, ce principe concernant également les recherches d’emploi insuffisantes au cours de deux périodes de contrôle successives.

Consid. 4.5
C’est ainsi en violation du droit fédéral que les juges cantonaux ont annulé la décision sur opposition concernant la suspension de trois jours à partir du 01.12.2020 (prononcée par décision n° xxx de l’ORP).

 

Le TF admet le recours de l’ORP, réformant le jugement cantonal en ce sens que la décision sur opposition du 18.06.2021 relative à la décision n° xxx de l’ORP est confirmée.

 

Arrêt 8C_211/2022 consultable ici

 

8C_750/2021 (f) du 20.05.2022 – Suspension de l’indemnité de chômage en raison de recherches insuffisantes après le licenciement et pendant la pandémie (mai-juin 2020) – 30 LACI – 45 OACI

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_750/2021 (f) du 20.05.2022

 

Consultable ici

 

Suspension de l’indemnité de chômage en raison de recherches insuffisantes après le licenciement et pendant la pandémie (mai-juin 2020) – Obligation générale de diminuer le dommage / 30 LACI – 45 OACI

Barème du SECO relatif à la durée de suspension – Egalité de traitement – Pouvoir d’appréciation du tribunal cantonal

 

Par lettre du 20.04.2020, l’employeur de l’assuré lui a signifié la fin des rapports de travail pour le 30.06.2020. Le 22.04.2020, le prénommé s’est annoncé au chômage par voie électronique en requérant l’octroi d’indemnités de chômage dès le 01.07.2020. Il a transmis à l’Office cantonal de l’emploi (OCE) deux recherches d’emploi le 05.06.2020 et deux autres le 22.06.2020 par le biais de la plateforme informatique « Job-Room ».

Par décision du 06.08.2020, l’OCE a suspendu le droit de l’assuré à l’indemnité de chômage pour une durée de 6 jours à compter du 01.07.2020, au motif que ses recherches d’emploi étaient quantitativement insuffisantes pendant la période précédant son inscription au chômage.

L’assuré a formé opposition contre cette décision, en expliquant qu’il avait effectué cinq recherches d’emploi au mois de juin 2020 mais que seules quatre avaient pu être saisies dans le système informatique. Par décision du 22.09.2020, l’OCE a écarté l’opposition.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/1037/2021 – consultable ici)

Par jugement du 07.10.2021, admission du recours par le tribunal cantonal, réduisant la sanction de 6 jours à 3 jours.

 

TF

Consid. 3.1
Selon l’art. 30 al. 1 let. c LACI, le droit de l’assuré à l’indemnité est suspendu lorsqu’il est établi que celui-ci ne fait pas tout ce que l’on peut raisonnablement exiger de lui pour trouver un travail convenable. Cette disposition doit être mise en relation avec l’art. 17 al. 1 LACI, aux termes duquel l’assuré qui fait valoir des prestations d’assurance doit entreprendre tout ce que l’on peut raisonnablement exiger de lui pour éviter ou réduire le chômage. Sur le plan temporel, l’obligation de rechercher un emploi prend naissance avant le début du chômage. En conséquence, l’assuré a le devoir de rechercher un emploi pendant son délai de congé, dès la signification de celui-ci, même sans avoir été renseigné par l’autorité à ce sujet (ATF 139 V 524 consid. 2.1.2). En règle générale, sur le plan quantitatif, la jurisprudence considère que dix à douze recherches d’emploi par mois sont suffisantes (ATF 139 V 524 consid. 2.1.4).

Consid. 3.2
Selon l’art. 30 al. 3 LACI, la durée de la suspension du droit à l’indemnité de chômage est proportionnelle à la gravité de la faute. En vertu de l’art. 45 al. 3 OACI (RS 837.02), elle est de 1 à 15 jours en cas de faute légère. En tant qu’autorité de surveillance, le SECO a adopté un barème (indicatif) à l’intention des organes d’exécution. Quand bien même de telles directives ne sauraient lier les tribunaux, elles constituent un instrument précieux pour ces organes d’exécution lors de la fixation de la sanction et contribuent à une application plus égalitaire dans les différents cantons (ATF 141 V 365 consid. 2.4; arrêt 8C_40/2019 du 30 juillet 2019 consid. 5.4). Cela ne dispense cependant pas les autorités décisionnelles d’apprécier le comportement de l’assuré compte tenu de toutes les circonstances – tant objectives que subjectives – du cas concret, notamment des circonstances personnelles, en particulier celles qui ont trait au comportement de l’intéressé au regard de ses devoirs généraux d’assuré qui fait valoir son droit à des prestations. Elles pourront le cas échéant aller en dessous du minimum prévu par le barème indicatif (arrêt 8C_756/2020 du 3 août 2021 consid. 3.2.3 et les références).

Consid. 3.3
Contrairement au pouvoir d’examen du Tribunal fédéral, celui de l’autorité judiciaire de première instance n’est pas limité dans ce contexte à la violation du droit (y compris l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation), mais s’étend également à l’opportunité de la décision administrative (« Angemessenheitskontrolle »). En ce qui concerne l’opportunité de la décision en cause, l’examen porte sur le point de savoir si une autre solution que celle que l’autorité a adoptée dans un cas concret, dans le cadre de son pouvoir d’appréciation et en respectant les principes généraux du droit, n’aurait pas été plus judicieuse quant à son résultat. A cet égard, le juge des assurances sociales ne peut pas, sans motif pertinent, substituer sa propre appréciation à celle de l’administration. Il doit s’appuyer sur des circonstances de nature à faire apparaître sa propre appréciation comme la mieux appropriée (ATF 137 V 71 consid. 5.2; voir aussi, parmi d’autres, arrêt 8C_747/2018 du 20 mars 2019 consid. 4.3).

Consid. 3.4
Selon le barème du SECO, si les recherches d’emploi sont insuffisantes pendant un délai de congé d’un mois, le nombre de jours de suspension prévu est de 3 à 4 jours; il est de 6 à 8 jours pour un délai de congé de 2 mois et de 9 à 12 jours pour un délai de congé de 3 mois et plus. Le barème évoque la durée du délai de congé car dans la plupart des cas, le chômeur revendique les prestations pour la période qui suit immédiatement la fin du délai de congé.

 

Consid. 4.1
La cour cantonale a tout d’abord relevé qu’en raison de la pandémie de coronavirus, le nombre requis de recherches d’emploi avait été réduit à trois en avril et mai 2020 et à cinq en juin 2020. En l’espèce, pour la période précédant le mois de juin 2020, à défaut d’indications plus précises de la part de l’assuré quant aux employeurs contactés, elle a tenu pour établie une seule recherche d’emploi effectuée le 28.05.2020. Pour le mois de juin 2020, la cour cantonale a retenu que l’assuré avait accompli quatre recherches d’emploi. Elle en a conclu que celui-ci n’avait pas fourni tous les efforts que l’on pouvait raisonnablement exiger de lui pour éviter le chômage sur deux mois, de sorte qu’une sanction était justifiée.

Examinant ensuite la question de la durée de la sanction, la cour cantonale a jugé, à l’aide d’un exemple, que pour des raisons d’égalité de traitement entre assurés, il convenait d’interpréter le barème des suspensions du SECO en ce sens que la sanction prévue était proportionnelle au nombre de mois durant lesquels l’assuré n’avait pas effectué suffisamment de recherches d’emploi, et non pas à la durée du délai de congé. Cela étant, elle a considéré que dans le cas de l’assuré, la suspension prononcée ne tenait pas compte de l’ensemble des circonstances. En effet, au bas du courrier de l’ORP adressé à l’assuré le 20.05.2020 figurait la remarque suivante à propos des recherches d’emploi: « […] La recherche d’emploi demeurant difficile dans le contexte actuel, sachez que nous ne formulons aucune exigence concernant la quantité de vos démarches, mais comptons sur vous pour agir au mieux ». Pour la cour cantonale, vu l’indication de l’absence d’exigence en termes de quantité de recherches d’emploi à laquelle l’assuré pouvait légitimement se fier, il ne pouvait pas lui être appliqué de sanction « pour n’avoir pas effectué de recherches en avril et mai 2020 » (sic). S’agissant du mois de juin 2020, en revanche, celui-ci avait été dûment informé de l’obligation d’effectuer au moins cinq démarches, alors que seules quatre étaient documentées. La cour cantonale a donc réduit la durée de la sanction à trois jours, l’assuré ayant failli à ses devoirs un seul mois.

Consid. 4.2
Le SECO soutient que le motif tiré d’une inégalité de traitement entre assurés pour interpréter différemment le barème de suspensions en cas de recherches d’emploi insuffisantes avant l’inscription au chômage est dénué de fondement. Il rappelle que l’autorité dispose d’un pouvoir d’appréciation lorsqu’elle détermine la durée de la suspension, qui doit être fixée en tenant compte de l’ensemble des circonstances (qualité et quantité des recherches d’emploi). Ainsi, pour reprendre l’exemple cité par la cour cantonale, un assuré qui, au cours d’un délai de congé de trois mois, ne fournit aucune recherche d’emploi durant le premier mois du délai de congé mais un nombre de recherches d’emploi suffisant durant les deux derniers mois du délai de congé pourrait se voir infliger une sanction inférieure à neuf jours (entre 1 et 8 jours) afin de tenir compte des circonstances du cas d’espèce. Or l’assuré ne fournissant aucune recherche d’emploi durant un délai de congé de deux mois ne serait pas mieux traité puisque dans ce dernier cas, la sanction ne pourrait en principe pas être inférieure à 8 jours conformément au barème. Le SECO se réfère à l’arrêt 8C_708/2019 du 10 janvier 2020 dans lequel le Tribunal fédéral a admis un recours qu’il avait formé pour les mêmes raisons. Dans le cas d’espèce, aucune circonstance particulière ne justifiait de réduire la durée de sanction prévue par le barème pour des recherches d’emploi insuffisantes pendant un délai de congé de deux mois. En particulier, il ne pouvait pas être inféré des indications de l’ORP qu’aucune recherche d’emploi n’était exigée en raison de la pandémie de Covid-19. La législation spéciale adoptée par le Conseil fédéral dès le mois de mars 2020 ne prévoyait d’ailleurs aucune exception en matière d’obligation de rechercher un emploi.

Consid. 4.3
En l’occurrence, comme le fait à juste titre valoir le SECO, les raisons avancées par la cour cantonale pour ne pas reprendre les termes du barème tel qu’il est conçu ne sont pas fondées. Le Tribunal fédéral a déjà eu l’occasion de dire qu’en tant que ce barème prévoit que la durée de la suspension est en fonction de la durée du délai de congé, l’égalité de traitement entre les administrés dans son application est assurée par la prise en considération des circonstances du cas d’espèce au cours de la période considérée dans son ensemble (arrêt 8C_708/2019 précité). Les situations comparées dans le recours, d’ailleurs repris de ce même arrêt, l’illustrent bien. Partant, c’est à tort que la cour cantonale a considéré que le respect de l’égalité de traitement impose de fixer la suspension proportionnellement au nombre de mois durant lesquels l’assuré n’a pas fourni de recherches suffisantes et non pas à la durée du délai de congé.

Il reste à examiner si, à l’instar de ce qu’ont retenu les juges cantonaux, le cas de l’assuré présente des singularités justifiant de s’écarter de la sanction minimale qui lui a été appliquée (6 jours) et qui est prévue par le barème pour les administrés ayant effectué un nombre de recherches insuffisantes pendant un délai de congé de deux mois. Sous l’angle de l’obligation générale de diminuer le dommage ancré à l’art. 17 al. 1 LACI, celui qui requiert des prestations a l’obligation de postuler régulièrement à un emploi durant la période précédant son inscription à l’assurance-chômage, même en l’absence de renseignement à ce propos (cf. consid. 2.1 supra; arrêt 8C_21/2015 du 3 mars 2015 consid. 3.5 et les références citées; voir également BORIS RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, n° 9 ad. art. 17 al. 1 LACI). Dans le contexte de la pandémie de coronavirus et des restrictions ordonnées le 16.03.2020, il n’y avait aucune dérogation en matière d’obligation de rechercher un emploi (voir l’ordonnance du 20.03.2020 sur les mesures dans le domaine de l’assurance-chômage en lien avec le coronavirus (COVID-19 [Ordonnance COVID-19 assurance-chômage; RS 837.033]), mais cette situation particulière avait conduit l’OCE à réduire les exigences quant au nombre de recherches d’emploi à effectuer par rapport à ce qui était demandé normalement. Selon les faits retenus par la cour cantonale, l’assuré ne peut pas se prévaloir d’avoir entrepris des recherches d’emploi entre le 22.04.2020, date de la signification de la résiliation de son contrat de travail, et le 27.05.2020. Or si les termes employés par l’ORP dans son courrier du 20.05.2020 pouvaient certes être compris par l’assuré en ce sens qu’il était renoncé, vu les effets de la pandémie, à exiger un nombre précis de recherches d’emploi (« nous ne formulons aucune exigence concernant la quantité de vos démarches, mais comptons sur vous pour agir au mieux »), ils ne dédouanaient pas celui-ci de l’obligation de faire des recherches d’emploi. En tout état de cause, ils ne sauraient justifier l’absence de toute recherche d’emploi jusqu’au 20.05.2020, contrairement à ce qu’a considéré la cour cantonale.

Dès lors que l’assuré n’a fait qu’une seule démarche jusqu’à la fin mai 2020 et quatre en juin 2020 alors qu’il en était requis au moins trois en mai et cinq en juin, on doit admettre qu’en réduisant la suspension à 3 jours, la cour cantonale a substitué sa propre appréciation à celle de l’administration sans motif pertinent.

Consid. 4.4
Vu ce qui précède, le recours se révèle bien fondé et l’arrêt attaqué doit être réformé en ce sens que la décision sur opposition du 22.09.2020 est confirmée.

 

Le TF admet le recours du SECO, annulant le jugement cantonal et confirmant la décision sur opposition du 22.09.2020.

 

 

Arrêt 8C_750/2021 consultable ici

 

8C_233/2022 (f) du 14.09.2022 – Suspension de l’indemnité chômage en raison de l’absence de recherches d’emploi avant l’inscription au chômage / Notification irrégulière d’une décision (envoi par e-mail) par la caisse de chômage

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_233/2022 (f) du 14.09.2022

 

Consultable ici

 

Suspension de l’indemnité chômage en raison de l’absence de recherches d’emploi avant l’inscription au chômage / 30 LACI – 45 OACI

Délai de 6 mois pour l’exécution par la caisse de chômage de la suspension

Notification irrégulière d’une décision (envoi par e-mail) par la caisse de chômage / 49 LPGA

 

Assuré, né en 1991, s’est inscrit au chômage le 24.03.2020 et un délai-cadre d’indemnisation lui a été ouvert à compter de cette date. Avant son inscription à l’assurance-chômage, il n’a pas effectué de recherches d’emploi.

Par courriel du 27.09.2020, par lequel il communiquait sa nouvelle adresse, le prénommé a indiqué à l’Office du marché du travail (OMAT) du Service de l’emploi (SEMP) qu’à défaut d’avoir reçu une décision de suspension de son droit à l’indemnité de chômage, il partait du principe que cette autorité avait renoncé à prononcer une sanction à son encontre. Le 30.09.2020, l’OMAT lui a répondu qu’une décision de suspension du droit à l’indemnité de chômage lui avait été transmise par courriel le 13.08.2020.

Par pli recommandé du 05.10.2020, notifié le 09.10.2020 à l’assuré, l’OMAT a transmis à celui-ci une décision datée du 13.08.2020 suspendant son droit à l’indemnité de chômage pour une durée de huit jours, au motif qu’il n’avait pas procédé à des recherches d’emploi dans les mois précédant son inscription à l’assurance-chômage le 24.03.2020.

Le 22.10.2020, la caisse cantonale de chômage a demandé à l’assuré la restitution d’un montant de 902 fr. 75, correspondant aux indemnités journalières perçues à tort (en raison de la décision de suspension du 13.08.2020) durant la période du 01.05.2020 au 31.05.2020. L’assuré a contesté toute obligation de restitution.

Le 20.01.2021, l’OMAT a rejeté l’opposition formée contre la décision du 13.08.2020 par l’assuré, qui faisait principalement valoir la péremption du droit d’exiger l’exécution de la suspension.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 08.03.2022, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3.1
Selon l’art. 30 al. 1 let. c LACI, le droit de l’assuré à l’indemnité est suspendu lorsqu’il est établi que celui-ci ne fait pas tout ce qu’on peut raisonnablement exiger de lui pour trouver un travail convenable. En vertu de l’art. 45 al. 3 OACI, la durée de la suspension est de 1 à 15 jours en cas de faute légère. La suspension est exécutée par suppression du droit à l’indemnité de chômage, pour les jours où l’assuré a droit à l’indemnité (BORIS RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, n° 30 ad art. 30 LACI).

Consid. 3.2
Aux termes de l’art. 30 al. 3, 4e phrase, LACI, l’exécution de la suspension est caduque six mois après le début du délai de suspension, lequel est fixé selon les critères de l’art. 45 al. 1 OACI (RUBIN, op. cit., n° 127 ad art. 30 LACI). Selon cette disposition, le délai de suspension du droit à l’indemnité prend effet à partir du premier jour qui suit (let. a) la cessation du rapport de travail, lorsque, l’assuré est devenu chômeur, ou, dans les autres situations (cf. RUBIN, op. cit., n° 133 ad art. 30 LACI), (let. b) l’acte ou la négligence qui fait l’objet de la décision. Pour pouvoir être exécutée, une sanction doit en règle générale être prononcée durant la période débutant le premier jour selon les critères de l’art. 45 al. 1 OACI et se terminant six mois plus tard; après l’écoulement du délai de six mois, le droit d’exiger l’exécution de la suspension est périmé (ATF 124 V 88 consid. 5b; 114 V 350 consid. 2d; RUBIN, op. cit., n° 127 ad art. 30 LACI).

Consid. 3.3
La péremption du droit d’exiger l’exécution n’est pas sans effet sur la possibilité, pour les organes de l’assurance-chômage, de suspendre après coup le droit à l’indemnité. En effet, si les indemnités litigieuses ont été payées à l’assuré, il n’y a plus lieu de prendre une mesure de suspension après l’échéance du délai d’exécution, la restitution des prestations indûment versées (art. 95 LACI) ne pouvant de toute façon plus être exigée en vue de faire exécuter la sanction. En revanche, si l’assuré n’a pas encore perçu les indemnités litigieuses, rien ne s’oppose au prononcé d’une mesure de suspension après l’échéance du délai de l’art. 30 al. 3, 4e phrase, LACI. Tel sera par exemple le cas lorsque l’aptitude au placement a été longtemps niée, avant d’être finalement admise (ATF 114 V 350 consid. 2b; arrêts 8C_309/2015 du 21 octobre 2015 consid. 3.2; 8C_1021/2012 du 10 mai 2013 consid. 4.3).

Consid. 3.4
Les juges cantonaux ont constaté que le délai de péremption de six mois de l’art. 30 al. 3, 4e phrase, LACI avait débuté le 24.03.2020 et avait été atteint le 24.09.2020. Ils ont retenu que la notification par courrier électronique de la décision du 13.08.2020 était irrégulière, faute de base légale autorisant une telle communication électronique. Cela étant, ladite décision avait bien été établie et envoyée par courriel le 13.08.2020, de sorte qu’elle n’était pas inexistante ou nulle jusqu’à sa notification régulière à l’assuré, mais seulement inopposable à celui-ci. Par conséquent, elle avait été rendue avant l’échéance du délai de péremption, quand bien même l’assuré n’en avait pris connaissance que le 09.10.2020. L’instance précédente a ensuite confirmé la suspension du droit de l’assuré à l’indemnité de chômage pour une durée de huit jours.

Consid. 4.2
Il résulte du dossier qu’en date du 13.08.2020, l’Office du marché du travail (OMAT) du Service de l’emploi (SEMP) a reçu un message électronique confirmant l’envoi d’un courriel à l’assuré le même jour. Dès lors que la décision de suspension de l’indemnité de chômage est bien datée du 13.08.2020, il y a tout lieu de penser que ledit courriel concernait bien cette décision. La cour cantonale n’a donc pas versé dans l’arbitraire en retenant que la décision en question avait été établie et envoyée par courriel à l’assuré le 13.08.2020. Par ailleurs, contrairement à ce que semble penser l’assuré, les juges cantonaux n’en ont pas pour autant conclu que celui-ci avait pris connaissance dudit courriel. Se fiant à ses déclarations, ils ont au contraire considéré que la décision du 13.08.2020 ne lui avait été notifiée que le 09.10.2020, lorsqu’il en avait pris connaissance pour la première fois. Il n’y a donc pas lieu de s’écarter des faits constatés par l’autorité précédente, selon lesquels l’OMAT a envoyé à l’assuré, par courriel du 13.08.2020, une décision du même jour suspendant son droit à l’indemnité de chômage, mais que l’assuré n’a pris connaissance de la décision que le 09.10.2020, ensuite de son envoi régulier par pli recommandé le 05.10.2020.

Consid. 5.2
De jurisprudence constante, une décision qui n’a pas été notifiée valablement à la personne concernée ne déploie pas d’effets juridiques; ce n’est qu’avec sa notification qu’une décision déploie les effets juridiques en vue desquels elle a été rendue, son destinataire ne pouvant être tenu par une décision que s’il en a connaissance (arrêts 6B_466/2020 du 4 septembre 2020 consid. 2.3; 6B_1237/2019 du 3 juillet 2020 consid. 4.3; 5D_37/2013 du 5 juillet 2013 consid. 4 et les références; DUBEY/ZUFFEREY, Droit administratif général, 2014, n. 977, p. 346). Le Tribunal fédéral a en outre eu l’occasion de préciser qu’un jugement n’existe légalement qu’une fois qu’il a été officiellement communiqué aux parties; tant qu’il ne l’a pas été, il est inexistant; son inefficacité doit être relevée d’office (ATF 122 I 97 consid. 3a/bb et 3b).

Consid. 5.3
En l’espèce,
quand bien même la décision du 13.08.2020 a été établie à cette même date, elle n’a été notifiée à l’assuré que le 09.10.2020, de sorte qu’elle ne pouvait pas déployer d’effets juridiques – ni donc la suspension du droit à l’indemnité de chômage qu’elle prononçait être exécutée – avant cette date. Or comme le délai de six mois de l’art. 30 al. 3, 4e phrase, LACI était échu depuis le 24.09.2020, le droit d’exiger l’exécution de la suspension était périmé. Comme les indemnités journalières avaient été payées, il n’était plus possible d’exécuter une mesure de suspension après l’échéance du délai de l’art. 30 al. 3, 4e phrase, LACI (cf. consid. 3.3 supra). C’est donc en violation du droit que les premiers juges ont confirmé la suspension du droit de l’assuré à l’indemnité de chômage prononcée par l’OMAT.

 

Le TF admet le recours de l’assuré et annule le jugement cantonal et la décision sur opposition de l’OMAT.

 

Arrêt 8C_233/2022 consultable ici

 

Portage salarial et assurances sociales

Portage salarial et assurances sociales

 

Feuille d’information «Portage salarial» de l’OFAS du 30.06.2022 disponible ici

 

Le modèle du portage salarial, développé en France, est aussi de plus en plus proposé en Suisse. Il est régulièrement utilisé pour annoncer comme salariées auprès des assurances sociales des personnes qui sont en réalité indépendantes.

La personne indépendante travaille pour des clients qu’elle a elle-même recrutés (mandat, ouvrage ou prestation de service), sans être liée par des instructions, elle supporte le risque entrepreneurial et est seule responsable. L’entreprise de portage interposée, qui se charge uniquement de la facturation et de l’encaissement auprès de la clientèle, décompte les honoraires auprès des assurances sociales en tant qu’employeur fictif. Une telle pratique n’est pas conforme au droit suisse des assurances sociales et peut conduire au refus de certaines prestations.

 

Du point de vue des assurances sociales

Dans le domaine des assurances sociales, la délimitation entre l’activité salariée et l’activité indépendante est décisive, notamment pour l’affiliation à l’assurance chômage, à la prévoyance professionnelle obligatoire et à l’assurance accidents obligatoire. Les critères de délimitation déterminants ont été fixés par le Tribunal fédéral dans une jurisprudence bien établie depuis de nombreuses années. Ils sont obligatoires pour toutes les assurances sociales.

L’intégration dans l’organisation du travail, la subordination à l’entreprise de l’employeur et le fait d’être lié à lui par des instructions parlent en faveur d’une activité lucrative salariée. Le fait d’assumer un risque entrepreneurial important, notamment l’engagement de capitaux, la responsabilité, le risque d’encaissement et de perte, ainsi que le fait d’agir en son propre nom et pour son propre compte, sont des caractéristiques d’une activité lucrative indépendante. Il convient d’examiner, en fonction des circonstances concrètes de chaque cas, quels critères sont prépondérants. Les rapports de droit civil – comme la conclusion d’un contrat de travail – n’ont qu’un caractère indicatif. Les accords passés par les parties contractantes sur leur statut d’indépendant ou de salarié ne sont pas contraignants pour les assurances sociales.

Dans le cas du portage salarial, l’entreprise de portage n’est pas responsable de l’acquisition de clients, n’exerce pas de droit d’instruction sur l’exécution concrète du travail et n’assume aucune responsabilité. L’indépendant n’est pas non plus intégré dans l’organisation du travail de l’entreprise de portage, mais assume en permanence l’intégralité du risque entrepreneurial. Si l’indépendant ne parvient pas à décrocher de contrats, il ne gagne rien. Il doit en outre subvenir seul à l’exploitation de son entreprise, c’est-à-dire notamment se procurer et entretenir les locaux et l’équipement nécessaires, et il en assume lui-même la responsabilité.

Le simple fait que l’indépendant facture par l’intermédiaire de l’entreprise de portage, qu’il n’agisse souvent pas en son nom propre, mais qu’il fasse conclure le contrat avec la clientèle par l’intermédiaire de l’entreprise de portage et qu’il n’établisse pas lui-même le décompte des cotisations d’assurance sociale, ne fait pas de lui une personne salariée, ni d’ailleurs de l’entreprise de portage un employeur. Il s’agit plutôt d’un statut fictif de salarié. Du point de vue du droit des assurances sociales, les personnes qui décomptent via le portage salarial sont donc en général considérées comme des indépendants.

Si les assurances sociales constatent que des personnes qui sont effectivement indépendantes sont annoncées comme salariées, elles les traitent comme des indépendants. Cela peut par exemple conduire à un refus de prestations de l’assurance chômage.

 

 

Feuille d’information «Portage salarial» de l’OFAS du 30.06.2022 disponible ici

Bulletin à l’intention des caisses de compensation AVS et des organes d’exécution des PC No 453 du 01.07.2022, « Portage salarial », disponible ici

Page « Portage salarial » sur le site de l’OFAS ici

 

Factsheet «Accompagnamento salariale» dell’UFAS del 30.06.2022, disponibile qui

Factsheet « Lohnträgerschaft » des BSV vom 30.06.2022, hier verfügbar

 

 

Motion Dandrès 22.3162 «Assurance-chômage. Les demandeurs d’emplois ne doivent pas être soumis à un formalisme excessif» – Avis du Conseil fédéral

Motion Dandrès 22.3162 «Assurance-chômage. Les demandeurs d’emplois ne doivent pas être soumis à un formalisme excessif» – Avis du Conseil fédéral

 

Motion consultable ici

 

Texte déposé

Le Conseil fédéral est chargé de modifier l’art. 45 OACI ou toute autre disposition nécessaire afin de permettre de prendre en considération le comportement général du chômeur lorsqu’il s’agit de suspendre son droit au versement d’indemnités journalière au sens de l’art. 30 LACI.

Les autorités administratives et judiciaires chargées d’appliquer la suspension du droit à l’indemnité devront être autorisées à prendre en considération toutes les circonstances permettant d’apprécier non seulement les faits constitutif du manquement, mais également le comportement général de l’assuré, en particulier ses efforts pour retrouver un emploi et l’absence d’autres manquements.

Cette prise en considération est aujourd’hui prohibée par l’art. 45 al. 4 OACI qui qualifie automatiquement et sans dérogation possible de « grave » la faute du chômeur qui abandonne un emploi réputé convenable sans être assuré d’obtenir un nouvel emploi ou qui refuse un emploi réputé convenable, sauf « motif valable ».

 

Développement

Le chômeur est tenu d’entreprendre ce qui est en son pouvoir pour réduire la durée du chômage (art. 17 LACI). La violation de ce devoir est puni par la suspension du droit à l’indemnisation pour une durée qui varie selon la gravité de la faute. Pour les cas visés à l’art. 45 al. 4 OACI, le Conseil fédéral a prévu une qualification obligatoire qui interdit de prendre en considération le comportement général du chômeur et les efforts qu’il entreprend pour retrouver un emploi. Cette approche ultra-formaliste est injuste puisqu’elle peut conduire à sanctionner durement l’assuré pour un seul manquement pris pour lui-même. Ce choix heurte le sentiment général de la justice. Il est également de nature à décourager un assuré méritant.

 

Avis du Conseil fédéral du 04.05.2022

Selon l’art. 17 al. 1 LACI, la personne assurée doit entreprendre tout ce qu’on peut raisonnablement exiger d’elle pour éviter le chômage ou l’abréger (obligation dite de réduire le dommage). Si la personne assurée ne respecte pas cette obligation, l’organe de l’assurance-chômage suspend le droit aux prestations (cf. art. 30 LACI). La suspension a pour fonction de limiter la responsabilité de l’assurance pour les dommages que la personne assurée aurait pu éviter ou réduire. En tant que sanction administrative, elle est régie par les principes de légalité, de proportionnalité et de la responsabilité pour faute.

La durée de la suspension est fixée d’après le degré de gravité de la faute commise. Elle comprend trois degrés de faute. En cas de faute légère, la suspension dure de 1 à 15 jours, en cas de faute moyenne de 16 à 30 jours et en cas de faute grave de 31 à 60 jours. Cette échelle de suspension vise, autant que possible, à établir une égalité de traitement entre les assurés au plan national et à offrir aux organes d’exécution une aide à la prise de décision. Contrairement à ce que décrit l’auteur de la motion, en aucun cas elle ne limite le pouvoir d’appréciation des organes d’exécution, ni ne les libère du devoir de tenir compte de toutes les circonstances objectives et subjectives du cas d’espèce. Pour chaque suspension, le comportement général de la personne assurée doit être pris en compte (cf. Bulletin LACI IC, chiffre marginal D72 et suivants). Il est possible de s’écarter des directives de la grille de suspension si des circonstances particulières justifient une suspension plus sévère ou plus clémente (cf. ATF 130 V 125).

Même en présence d’une situation visée à l’art. 45 al. 4 OACI, il n’y a pas forcément de faute grave. La durée minimale de suspension de 31 jours pour faute grave peut être inférieure s’il existe des raisons excusables pour l’action de la personne assurée. Par motif excusable, on entend ici un motif qui, sans conduire à l’inacceptable, peut faire apparaître la faute comme moyennement grave ou légère. Ici aussi, il convient de tenir compte des circonstances concrètes et de la situation personnelle lors de l’examen de l’existence d’un motif excusable, comme lors de l’évaluation de la durée de la suspension. Une raison excusable peut donc concerner la situation subjective (comme des problèmes de santé, une situation familiale, l’appartenance religieuse) ou une donnée objective (comme un emploi temporaire).

 

Proposition du Conseil fédéral du 04.05.2022

Le Conseil fédéral propose de rejeter la motion.

 

 

Motion Dandrès 22.3162 «Assurance-chômage. Les demandeurs d’emplois ne doivent pas être soumis à un formalisme excessif» consultable ici

Motion Dandrès 22.3162 «Arbeitslosenversicherung. Stellensuchende sollen nicht übertriebenem Formalismus ausgesetzt sein» hier abrufbar

Mozione Dandrès 22.3162 «Assicurazione contro la disoccupazione. No al formalismo eccessivo per le persone in cerca d’impiego» disponibile qui

 

8C_558/2021 (f) du 20.01.2022 – Réduction de l’horaire de travail (RHT) / Mesures dans le domaine de l’assurance-chômage en lien avec le coronavirus / Structures d’accueil de la petite enfance – Entreprises de droit public – Pas de droit aux RHT

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_558/2021 (f) du 20.01.2022

 

Consultable ici

 

Réduction de l’horaire de travail (RHT) / 31 LACI – 32 LACI – 50 OACI

Mesures dans le domaine de l’assurance-chômage en lien avec le coronavirus / Ordonnance COVID-19 assurance-chômage

Structures d’accueil de la petite enfance – Entreprises de droit public – Pas de droit aux RHT

 

Une association sans but lucratif avec siège à Genève a pour but d’accueillir des enfants en âge préscolaire et gère à cette fin six structures d’accueil. Ses ressources proviennent des pensions versées par les parents des enfants, de subventions publiques et privées, des cotisations de ses membres, de dons, legs et autres affectations en espèces ou en nature, des revenus de sa fortune sociale ainsi que des produits de collectes et de ventes et recettes diverses.

Ensuite des mesures officielles prises dans le cadre de la lutte contre la pandémie de coronavirus par le Conseil fédéral et le Conseil d’État genevois, l’association a été contrainte de fermer ses structures d’accueil dès le 16.03.2020, tout en ménageant un service d’accueil minimum.

Le 01.04.2020, l’association a déposé un préavis de réduction de l’horaire de travail (RHT) pour l’ensemble de ses employés, à savoir 176 personnes, en estimant la perte de travail à 80%.

Par décision, confirmée sur opposition, l’Office cantonal de l’emploi (OCE) a fait opposition au paiement de l’indemnité en cas de RHT, au motif que l’association était au bénéfice d’une subvention de la Ville de Genève (ci-après: la Ville) et qu’elle n’assumait dès lors pas de risque entrepreneurial ou de faillite, les pertes résultant de son activité étant couvertes par des moyens publics au sens de la directive 2020/06 du Secrétariat d’État à l’économie (SECO) du 09.04.2020.

Par décisions du 14.09.2020, l’État de Genève a donné une suite favorable à toutes les demandes d’indemnités de l’association pour pertes liées au COVID-19, en octroyant un montant total de 491’173 fr. – compensant l’entier de la perte sur écolage – à cinq de ses structures d’accueil.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/675/2021 [arrêt de principe] – consultable ici)

Par jugement du 17.06.2021, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Réduction de l’horaire de travail (RHT) – Covid-19

Les travailleurs dont la durée normale du travail est réduite ou l’activité suspendue ont droit à l’indemnité en cas de RHT si, entre autres conditions, la perte de travail doit être prise en considération, si la réduction de l’horaire de travail est vraisemblablement temporaire et si l’on peut admettre qu’elle permettra de maintenir les emplois en question (art. 31 al. 1 let. b et d LACI). La perte de travail n’est prise en considération que si elle est due à des facteurs d’ordre économique et qu’elle est inévitable (art. 32 al. 1 let. a LACI). Pour les cas de rigueur, le Conseil fédéral règle la prise en considération de pertes de travail consécutives à des mesures prises par les autorités, à des pertes de clientèle dues aux conditions météorologiques ou à d’autres circonstances non imputables à l’employeur (art. 32 al. 3, première phrase, LACI). Le Conseil fédéral a ainsi notamment prévu à l’art. 51 OACI que les pertes de travail consécutives à des mesures prises par les autorités, ou qui sont dues à d’autres motifs indépendants de la volonté de l’employeur, sont prises en considération lorsque l’employeur ne peut les éviter par des mesures appropriées et économiquement supportables ou faire répondre un tiers du dommage (al. 1).

Parallèlement aux restrictions imposées pour lutter contre la pandémie de coronavirus, le Conseil fédéral a arrêté l’Ordonnance du 20 mars 2020 sur les mesures dans le domaine de l’assurance-chômage en lien avec le coronavirus (Ordonnance COVID-19 assurance-chômage; RS 837.033), entrée en vigueur avec effet rétroactif au 17 mars 2020 et modifiée à plusieurs reprises, qui a introduit des mesures spécifiques dans le domaine des RHT. Le 20 mai 2020, le Conseil fédéral a en outre adopté l’Ordonnance sur l’atténuation des conséquences économiques des mesures destinées à lutter contre le coronavirus sur l’accueil extra-familial institutionnel pour enfants (Ordonnance COVID-19 accueil extra-familial pour enfants; RS 862.1), entrée en vigueur avec effet rétroactif au 17 mars 2020 et abrogée le 17 septembre 2020.

Selon la jurisprudence, l’indemnité en cas de RHT est une mesure préventive au sens large: l’allocation de cette indemnité a pour but d’éviter le chômage complet des travailleurs – soit leurs congés ou leurs licenciements – d’une part et, d’autre part, de maintenir simultanément les emplois dans l’intérêt des employeurs aussi bien que des travailleurs. Or en règle générale, les conditions précitées du droit à l’indemnité en cas de RHT ne sauraient être remplies si l’employeur est une entreprise de droit public, faute pour celui-ci d’assumer un risque propre d’exploitation. Au contraire, les tâches qui lui incombent de par la loi doivent être exécutées indépendamment de la situation économique, et les impasses financières, les excédents de dépenses ou les déficits peuvent être couverts au moyen des deniers publics (recettes des impôts). Bien plus, il n’existe en général aucune menace de perdre son emploi là où les travailleurs ont la possibilité d’être déplacés dans d’autres secteurs, ainsi que cela est le cas dans les communautés ou établissements publics d’une certaine importance. En revanche, compte tenu des formes multiples de l’action étatique, on ne saurait de prime abord exclure que, dans un cas concret, le personnel des services publics remplisse les conditions du droit à l’indemnité en cas de RHT. Ce qui est déterminant en fin de compte, conformément à la finalité du régime de la prestation, c’est de savoir si, par l’allocation de l’indemnité en cas de RHT, un licenciement peut être évité (ATF 121 V 362 consid. 3a et les références).

C’est à brève échéance que le versement de l’indemnité en cas de RHT doit pouvoir éviter un licenciement. En effet, ces indemnités ont un caractère préventif. Il s’agit de mesures temporaires. Le statut du personnel touché par la réduction de l’horaire de travail est dès lors décisif pour l’allocation de l’indemnité. Ainsi, là où ce personnel est au bénéfice d’un statut de fonctionnaire ou d’un statut analogue limitant les possibilités de licenciement que connaît le contrat de travail, ce statut fait échec à court terme – éventuellement à moyen terme – à la suppression d’emploi. Dans ce cas, les conditions du droit à l’indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail ne sont pas remplies. L’exigence d’un risque économique à court ou moyen terme concerne aussi l’entreprise. Cela ressort notamment de l’art. 32 al. 1 let. a LACI, selon lequel la perte de travail n’est prise en considération que si elle est due à des facteurs d’ordre économique et qu’elle est inévitable. A l’évidence, cette condition ne saurait être remplie si l’entreprise ne court aucun risque propre d’exploitation, à savoir un risque économique où l’existence même de l’entreprise est en jeu, par exemple le risque de faillite ou le risque de fermeture de l’exploitation. Or si l’entreprise privée risque l’exécution forcée, il n’en va pas de même du service public, dont l’existence n’est pas menacée par un exercice déficitaire (ATF 121 V 362 précité consid. 3b et les références).

 

La recourante et la Ville ont signé le 26.11.2019 un contrat de prestations. Selon l’art. 10 al. 2 de ce contrat de prestations, après acceptation des comptes annuels de l’association, la Ville s’engage à verser à l’association le montant de l’éventuelle perte annuelle comptabilisée. L’art. 8 al. 1 prévoit que les comptes sont remis au plus tard six mois après la date de clôture du dernier exercice. L’art. 13 dispose que la Ville verse à l’association une subvention d’exploitation calculée sur son budget annuel, préalablement approuvé par le SDPE (al. 1); sur demande de l’association et selon les modalités fixées par le SDPE, la Ville peut verser exceptionnellement des montants supplémentaires (al. 3).

En l’espèce, la cour cantonale a retenu que la recourante était une association de droit privé, subventionnée à plus de 50% par la Ville selon le contrat de prestations du 26.11.2019 liant les deux parties. En application de l’Ordonnance COVID-19 accueil extra-familial pour enfants, l’État de Genève avait, par décisions du 14.09.2020, accordé à la recourante un soutien financier couvrant l’entier de sa perte sur écolage subie en raison de la fermeture de ses structures d’accueil à compter du 16.03.2020. Dès lors que conformément à l’art. 1 al. 3 de l’Ordonnance COVID-19 accueil extra-familial pour enfants, les décisions précitées précisaient que l’indemnisation était subsidiaire à toutes les autres prestations publiques visant à atténuer les conséquences économiques du coronavirus et qu’elles pouvaient être révoquées en tout temps, la recourante disposait toutefois d’un intérêt actuel à recourir contre la décision de l’OCE lui refusant l’indemnité en cas de RHT.

 

Les juges cantonaux ont ensuite examiné la validité de la directive 2020/06 du SECO, qui indique notamment que le risque de disparition d’emplois constitue une condition essentielle du droit à l’indemnité en cas de RHT et qu’en ce sens, les entreprises de droit public, comme les associations ou les employeurs privés qui exploitent une entreprise ou fournissent des prestations sur mandat d’une institution publique, doivent démontrer qu’ils sont confrontés à un risque immédiat de disparition d’emplois malgré les accords existants avec l’institution publique qui les mandate. Relevant que les dispositions légales en matière de RHT ne prévoyaient pas de réglementation particulière concernant les entreprises de droit public et les secteurs privatisés fournissant des prestations sur mandat d’une institution publique, la juridiction cantonale a constaté que cette problématique avait toutefois été abordée par le Tribunal fédéral, en particulier à l’ATF 121 V 362, et que la directive 2020/06 ne faisait que préciser les principes dégagés par la jurisprudence et repris par la doctrine. Il n’y avait dès lors aucune raison de considérer que ladite directive était contraire à la loi, le litige pouvant néanmoins être résolu sans qu’il fût nécessaire de s’y référer.

Examinant tout d’abord la question du statut du personnel de la recourante, plus particulièrement celle de la condition d’un risque de licenciement à brève échéance, l’autorité cantonale a retenu qu’un éventuel licenciement aurait été prononcé par la recourante en raison de sa situation économique et des pertes qu’elle aurait subies du fait de la fermeture des crèches; que l’on retienne les principes applicables en matière de droit public ou de droit privé, elle aurait ainsi procédé à une suppression de poste. Il s’agissait donc de savoir si un tel licenciement aurait pu intervenir à brève échéance, conformément aux délais de congé prévus par l’art. 335c CO, ou si les dispositions légales ainsi que la CCT du personnel prévoyaient des délais plus longs. Relevant que les rapports de travail entre la recourante et ses employés étaient régis par le droit privé, la cour cantonale a considéré que l’art. 335c CO n’était toutefois pas applicable, dès lors qu’une procédure spéciale en cas de suppression de poste était prévue par l’art. 18 du règlement et l’art. 10 CCT du personnel. Selon cette procédure, similaire à celle de reclassement existant pour les fonctionnaires, la recourante devait favoriser le réengagement de l’employé dont le poste était supprimé auprès d’une autre structure d’accueil, le licenciement ne pouvant être prononcé qu’en l’absence de réengagement moyennant un délai de congé de quatre mois pour la fin d’un mois, après avoir obtenu le préavis du SDPE. Les points de savoir si les employés de la recourante bénéficiaient d’un statut analogue à celui des fonctionnaires et si la condition du risque de licenciement à brève échéance était remplie pouvaient toutefois rester ouverts, dès lors que la recourante était de toute manière exposée à un risque restreint de fermeture, comme cela ressortait des considérants suivants.

 

Si la jurisprudence en question a bien été développée pour déterminer si le personnel des services publics remplissait les conditions du droit à l’indemnité en cas de RHT, elle n’a introduit aucune condition supplémentaire pour les entités publiques par rapport aux entités privées. Les conditions du risque de licenciement à brève échéance des employés ainsi que du risque propre d’exploitation encouru par l’entreprise – qui sont détaillées à l’ATF 121 V 362 en rapport avec les entreprises de droit public – doivent être remplies par tout employeur, public ou privé, requérant l’indemnité en cas de RHT. La juridiction cantonale était ainsi fondée à se référer à cette jurisprudence pour trancher le litige. Ce faisant, elle n’a, quoi qu’en dise la recourante, nullement fondé sa décision sur la directive 2020/06 du SECO, de sorte que les questions soulevées par la recourante par rapport à cette directive peuvent rester indécises.

 

La jurisprudence à laquelle le tribunal cantonal s’est référé – à juste titre – précise que c’est à brève échéance que le versement de l’indemnité en cas de RHT doit pouvoir éviter un licenciement. On ne voit donc pas que les juges cantonaux aient violé le droit fédéral, comme le soutient la recourante, en considérant que le risque de licenciement devait être imminent pour que le droit à l’indemnité soit reconnu.

 

Dès lors que des mesures limitant les licenciements – favorisant notamment le reclassement au sein de l’entreprise – existent également dans certains secteurs privés, on peut effectivement se demander si le fait que la CCT du personnel prévoit une procédure de réengagement similaire à celle de reclassement existant pour les fonctionnaires peut faire obstacle au versement de l’indemnité en cas de RHT en faveur de la recourante. La juridiction cantonale a toutefois laissé ouverts les points de savoir si les employés de la recourante avaient un statut analogue à celui des fonctionnaires et si ceux-ci couraient un risque de licenciement à brève échéance. Ces questions peuvent demeurer indécises, les juges cantonaux ayant retenu à bon droit que la recourante n’était pas exposée à un risque de fermeture.

 

Il n’est pas contesté que le contrat de prestations conclu entre la Ville et la recourante garantit à cette dernière le versement d’une subvention d’exploitation, que des montants supplémentaires peuvent exceptionnellement être versés sur demande de la recourante et que la Ville s’engage à verser à la recourante le montant de l’éventuelle perte annuelle comptabilisée. Compte tenu en particulier de cette garantie de couverture de perte, on ne saurait considérer que la recourante court un risque propre d’exploitation, à savoir un risque économique où son existence même est en jeu.

 

Le TF rejette le recours de l’association.

 

 

Arrêt 8C_558/2021 consultable ici

 

Cf. également l’arrêt 8C_559/2021 du 20.01.2022 (jugement cantonal ATAS/676/2021 [arrêt de principe] du 17.06.2021) traitant de la même problématique.