Archives par mot-clé : Assurance-accidents

8C_131/2021 (d) du 02.08.2021 – Revenu d’invalide selon l’ESS – 16 LPGA / Niveau de compétences 2 vs 1 – Rappel de la jurisprudence

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_131/2021 (d) du 02.08.2021

 

Consultable ici

NB : Traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi

 

Revenu d’invalide selon l’ESS / 16 LPGA

Niveau de compétences 2 vs 1 – Rappel de la jurisprudence

 

Assuré, né en 1967, employé depuis le 01.10.1991 par la société B.__ (aujourd’hui C.__ SA) comme ferblantier, est victime d’un accident de circulation le 29.04.2014 : en début de soirée, il conduisait sa camionnette lorsque le conducteur d’une voiture arrivant en sens inverse a tenté d’éviter un animal, a traversé la voie en sens inverse et est entré en collision frontale avec son véhicule. L’assuré a subit une fracture luxation de l’articulation métatarso-phalangienne I et II à droite, une contusion sternale, une contusion thoracique à droite, un hématome sous-galéen frontal à droite, des fractures au pied gauche et un « pouce du skieur » à la main gauche. L’assurance-accidents a refusé le lien de causalité naturelle entre un syndrome du sulcus ulnaris au coude gauche et l’accident du 29.04.2014 (refus confirmé par la cour cantonale le 13.02.2018).

Le 02.01.2015, l’assuré a repris son travail à plein temps.

A l’issue de l’examen médical final du 11.06.2018, réalisé par le médecin-conseil, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur, l’assurance-accidents a nié le droit de l’assuré à une rente d’invalidité et à une IPAI.

 

Procédure cantonale

La cour cantonale a déterminé le revenu d’invalide sur la base du niveau de compétences 2, ligne Total, du tableau TA1 de l’ESS 2016. Après correction de l’horaire, indexation et prise en compte d’un abattement de 5%, le revenu d’invalide 2018 s’élève CHF 67’705. Comparé au revenu sans invalidité de CHF 73’364, le droit à la rente d’invalidité n’est pas ouvert.

Par jugement du 07.01.2021, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Comme l’a reconnu à juste titre l’instance cantonale, l’assuré, travaillant depuis le 01.09.2019 comme coursier dans le secteur de la restauration à 50%, n’utilise pas pleinement sa capacité (totale) de travail exigible dans une activité adaptée. Selon la jurisprudence, il convient de recourir aux données statistiques résultant de l’ESS (ATF 135 V 297 consid. 5.2 ; arrêt 9C_206/2021 du 10 juin 2021 consid. 4.4.2).

Il convient d’examiner si le niveau de compétences 1 ou 2 doit être utilisé pour déterminer le revenu d’invalide selon l’ESS. C’est un grief qui n’a pas été soulevé par l’assuré dans la procédure précédente ; il entre dans le cadre de l’objet du litige et se fonde sur les faits établis dans l’arrêt attaqué, raison pour laquelle la conclusion nouvelle est recevable devant le Tribunal fédéral.

L’assuré affirme que, dans le cadre de son travail auprès de ses employeurs, il effectuait des travaux de ferblanterie générale dans le cadre de l’entretien des véhicules depuis octobre 1991. Certains jours, il était «sur la route» en tant que contrôleur de train. Son expérience professionnelle était donc limitée à des activités dans le domaine de l’exploitation ferroviaire, qu’il ne pouvait plus exercer en raison de son invalidité. Il n’avait pas d’autres compétences et connaissances particulières. Par conséquent, le niveau de compétences 1 devait être appliqué.

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, lorsque la personne assurée ne peut pas se réinsérer dans la profession habituelle, l’application du niveau de compétences 2 (ou, jusqu’à l’ESS 2010, du niveau de compétences 3 ; cf. arrêt 8C_534/2019 du 18 décembre 2019 et les références) ne se justifie que si elle dispose de compétences et de connaissances particulières (arrêt 8C_5/2020 du 22 avril 2020 consid. 5.3.2).

Tel a par exemple été le cas pour un ancien sportif de haut niveau qui avait réussi son examen de fin d’études et n’avait que 30 ans au moment de l’accident (arrêt I 779/03 du 22 juin 2004 consid. 4.3.4), dans le cas de l’assuré qui avait déjà exercé diverses professions (chauffeur de camion et d’autobus, démarcheur publicitaire, éditeur indépendant d’un magazine) (arrêt I 822/04 du 21 avril 2005 consid. 5. 2), dans le cas d’un ancien plombier/installateur sanitaire aux compétences manuelles supérieures à la moyenne (arrêt 8C_192/2013 du 16 août 2013 consid. 7.3.2) et dans le cas d’un menuisier de formation ayant achevé une formation de contremaître et de chef de projet, exercé ces fonctions et finalement fondé et dirigé sa propre entreprise dans le secteur de la construction (arrêt 8C_5/2020 du 22 avril 2020 consid. 5.3.2).

Sinon, le Tribunal fédéral fait application du niveau de compétences 1 (ou niveau de qualification 4 jusqu’à l’ESS 2010). Il en a été ainsi, par exemple, dans le cas d’un chauffagiste qui avait travaillé entre-temps comme représentant commercial pour une compagnie d’assurance mais qui n’avait pas de formation commerciale (SVR 2010 IV n° 52 p. 160, 9C_125/2009 consid. 4.3 et 4. 4) ou dans le cas d’un salarié de 45 ans au service du même employeur pendant près de 20 ans, ayant occupé en dernier lieu un poste de direction mais ne disposant dans ledit poste que de la qualification de responsable de la sécurité, qu’il ne pouvait par ailleurs plus exercer en raison de son invalidité (arrêt 8C_386/2013 du 15 octobre 2013 consid. 6.2 et 6.3).

Après avoir suivi la scolarité obligatoire, il a effectué un apprentissage de ferblantier industriel de quatre ans, qu’il a terminé avec succès le 15.04.1988. À partir de 1991, il a travaillé dans l’atelier de l’entreprise B.__ en tant que ferblantier et artisan spécialisé, parfois aussi en tant que contrôleur de train. Le 02.01.2015, l’assuré a repris son travail à plein temps chez C.__ AG. Toutefois, selon l’employeur, il œuvrait comme agent de nettoyage et contrôleur de train. Lors d’un entretien du 02.02.20126 avec un collaborateur de l’assurance-accidents, l’assuré a déclaré qu’il venait de passer l’examen de contrôleur de train en 2015 et qu’il était autorisé à travailler dans ce domaine pendant cinq ans.

Selon l’arrêt cantonal, l’assuré peut utiliser sa capacité résiduelle de travail dans un niveau de revenu plus élevé que celui correspondant aux activités simples du niveau de compétences 1, en raison de ses nombreuses années d’expérience professionnelle. Selon le Tribunal fédéral, ceci n’est pas conforme à la jurisprudence décrite ci-avant.

Selon la décision litigieuse de l’assureur-accidents, la capacité de travail de l’assuré dans son activité habituelle n’est plus entière. L’instance cantonale n’a pas mentionné de circonstances particulières qui pourraient être un avantage particulier dans un emploi autre que celui qu’il occupe habituellement.

Le Tribunal fédéral conclut qu’il n’est pas approprié de se référer au niveau de compétences 2 pour déterminer le revenu d’invalidité ; il faut bien plutôt prendre comme base la valeur centrale du niveau de compétences 1.

Après prise en compte de l’abattement de 5%, accordé par l’assurance-accidents et confirmé par les juges cantonaux, le revenu d’invalide de CHF 64’036. La comparaison des revenus aboutit à un degré d’invalidité d’environ 13%.

 

Le TF admet [sur ce point] le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_131/2021 consultable ici

 

 

Proposition de citation : 8C_131/2021 (d) du 02.08.2021 – ESS – Niveau de compétences 2 vs 1 – Rappel de la jurisprudence, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2021/09/8c_131-2021)

8C_582/2020 (d) du 02.08.2021 – Revenu sans invalidité d’un « assuré âgé » – 16 LPGA – 28 al. 4 OLAA / Détermination de la profession ou de la fonction que l’assuré occupait au moment de l’accident

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_582/2020 (d) du 02.08.2021

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi.

 

Revenu sans invalidité d’un « assuré âgé » (76 ans au moment de l’examen du droit à la rente) / 16 LPGA – 28 al. 4 OLAA

Détermination de la profession ou de la fonction que l’assuré occupait au moment de l’accident

 

Assuré, né en 1941, employé par B.__ Sàrl, a été victime d’un accident le 07.10.2014 : alors qu’il était piéton, il a été percuté par une voiture qui effectuait une marche arrière. Il est tombé et a heurté le sol avec l’arrière de sa tête. Il a subi un TCC et a été en soins intensifs en raison d’un état délirant ; il a été hospitalisé jusqu’au 28.10.2014, date à laquelle il a séjourné, jusqu’au 22.01.2015, dans un autre établissement hospitalier.

Après mise en œuvre une expertise médicale (neurologique, neuropsychologique, psychiatrique), l’assurance-accidents a octroyé une IPAI de 50% (décision du 16.02.2017). Par décision du 13.11.2017, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a reconnu une capacité de travail de 50% dans une activité adaptée et alloué à l’assuré dès le 01.01.2017 une rente d’invalidité (taux d’invalidité de 44%).

 

Procédure cantonale (arrêt UV.2018.00160 – consultable ici)

L’instance cantonale a estimé que l’assuré était encore capable à 50% de travailler dans une activité adaptée. L’âge de l’assuré, qui avait déjà 76 ans au moment de l’accident, a rendu sa réadaptation plus difficile. Afin de déterminer les deux revenus à comparer, la cour cantonale a utilisé les salaires statistiques (ESS), publiés par l’Office fédéral de la statistique, pour les hommes âgés de 30 à 49 ans (T17). Pour ce faire, elle a pris le salaire des cadres du secteur commercial (CHF 10’655.- [T17, ligne 12 « Directeurs/trices de services administratifs et commerciaux »]) comme base du revenu sans invalidité et le salaire des ouvriers non qualifiés (CHF 5366.- [T17, ligne 9 « Professions élémentaires »]) comme base du revenu d’invalide. Après adaptation et indexation des revenus et prise en compte de la capacité de travail exigible de 50% dans une activité adaptée, la comparaison des deux revenus aboutit à un degré d’invalidité de 75%.

 

Par jugement du 27.07.2020, admission partielle du recours par le tribunal cantonal, reconnaissant le droit de l’assuré à une rente d’invalidité fondée sur un taux d’invalidité de 75%.

 

TF

L’assurance-accidents (recourante) fait valoir que l’instance cantonale a imputé à tort comme revenu sans invalidité le salaire statistique d’un cadre dans le secteur commercial, soit le salaire statistique maximal. La perte de revenu calculée par la cour cantonale correspond à environ une fois et demie ce que l’assuré a effectivement gagné avant l’accident. À cette époque, il n’avait plus travaillé en tant que directeur général.

Selon l’art. 28 al. 4 OLAA, relative aux assurés d’âge avancé, si un assuré, en raison de son âge, ne reprend plus d’activité lucrative après l’accident (variante I) ou si l’atteinte à la capacité de gain a principalement pour origine l’âge avancé de l’assuré (variante II), les revenus de l’activité lucrative déterminants pour l’évaluation du degré d’invalidité sont ceux qu’un assuré d’âge moyen (c’est-à-dire de 41 à 42 ans ou de 40 à 45 ans ; ATF 122 V 418 consid. 1b ; RAMA 1990 n° U 115 p. 389 consid. 4d) dont la santé a subi une atteinte de même gra­vité pourrait réaliser (ATF 122 V 418 consid. 3. ; arrêt 8C_799/2019 du 17 mars 2020 consid. 2.3).

Selon le Tribunal fédéral : La cour cantonale a fondé sa détermination du revenu sans invalidité sur les chiffres statistiques concernant les cadres masculins du secteur commercial. Ce faisant, elle a méconnu qu’en application de l’art. 28 al. 4 OLAA, le salaire pertinent est celui qu’un assuré d’âge moyen pourrait gagner dans la profession ou la fonction qu’il occupait au moment de l’accident. Les juges cantonaux ne se sont pas prononcés sur le type d’emploi ou la fonction en cause.

La déclaration d’accident indique que l’assuré était employé par B.__ Sàrl en tant que directeur général. Toutefois, on ne peut pas supposer qu’il occupait encore réellement ce poste dans la société qu’il a fondée. D’une part, il avait déjà quitté l’entreprise en 2010 en tant qu’associé et président de la direction de cette société, dont le but était de fournir des services dans le domaine du courtage d’affaires internationales, comprenant notamment le conseil en gestion, le marketing et le soutien de projets. Deuxièmement, selon les informations salariales de l’employeur, l’assuré aurait gagné CHF 60’000 plus les commissions pour chacune des années de 2014 à 2017. Or, selon l’extrait du compte individuel (CI), le salaire n’a jamais été d’une telle importance (années 2011 à 2014 : CHF 61’355.- chacune), contrairement aux informations fournies par la fille de l’assuré qui avait repris la gestion.

Sur cette base, il n’est en tout cas pas possible de conclure, comme l’a fait le tribunal cantonal, que l’assuré assumait une fonction de direction justifiant la prise en compte du salaire moyen le plus élevé figurant dans le tableau T17.

Il convient également de noter que, selon le relevé du CI, l’assuré, né en 1941, a exercé une activité professionnelle jusqu’en 1984, année où il a gagné environ CHF 50’000. Au cours des premières années d’activité indépendante, à partir de 1985, les revenus versés étaient encore plus faibles qu’auparavant. Ainsi, à l’âge de 40 à 45 ans, il n’a effectivement pas atteint, et de loin, le revenu sur lequel la juridiction cantonale a fondé sa décision.

Il n’y a aucune preuve que l’assuré n’a pas été rémunéré en fonction de ses performances réelles. Même s’il s’est retiré de la gestion en raison de son âge, on ne peut supposer qu’il aurait été moins payé pour son dernier emploi qu’un employé d’âge moyen ayant les qualifications et les tâches correspondantes en raison de son âge. Il n’est donc pas nécessaire de déterminer le revenu sans invalidité d’un salarié de la catégorie d’âge correspondante sur une base statistique.

 

Le TF admet le recours de l’assurance-accidents, annule le jugement cantonal et confirme la décision de l’assureur.

 

Arrêt 8C_582/2020 consultable ici

 

Proposition de citation : 8C_582/2020 (d) du 02.08.2021 – Revenu sans invalidité d’un « assuré âgé », in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2021/09/8c_582-2020)

8C_205/2021 (f) du 04.08.2021 – Revenu d’invalide selon l’ESS – TA1 (règle générale) et non T17 (exception) – 16 LPGA / Ligne Total de l’ESS et non Secteur 3 « Services »

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_205/2021 (f) du 04.08.2021

 

Consultable ici

 

Revenu d’invalide selon l’ESS – TA1 (règle générale) et non T17 (exception) / 16 LPGA

Ligne Total de l’ESS et non Secteur 3 « Services »

 

Assuré, né en 1968, a travaillé depuis 2005 à 90% en tant qu’animateur socio-culturel. Le 20.02.2011, il a été victime d’une chute à ski avec notamment pour conséquence une fracture cervicale au niveau C6. Dans les semaines suivant l’accident, un trouble dépressif récurrent (épisode sévère) et des hernies discales à différents étages ont été diagnostiqués chez l’assuré.

L’assurance-accidents a mis en œuvre une expertise médicale. L’expert, spécialiste en neurologie, a notamment estimé que compte tenu de la seule atteinte en lien de causalité avec l’accident du 20.02.2011 (à savoir l’atteinte cervicale), l’assuré disposait d’une pleine capacité dans un travail sans exigence de rendement physique, dans lequel il pouvait organiser son travail et sa position de travail selon ses limitations et qui était principalement administratif ou organisationnel et soustrait au stress de la gestion d’adolescents.

Par décision du 25.07.2019, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a mis un terme au paiement de l’indemnité journalière et du traitement médical à compter du 01.06.2019. Elle a octroyé à l’assuré une rente d’invalidité fondée sur un taux de 29%, calculé en tenant compte d’un revenu d’invalide de 79’885 fr. 97 fixé sur la base de la rubrique 4 (« employé[e]s de type administratif ») de la table T17 de l’ESS 2016, et a refusé de lui allouer une indemnité pour atteinte à l’intégrité.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/60/2021 – consultable ici)

La juridiction cantonale a rappelé que selon le médecin-expert, l’assuré pouvait exercer une activité de type administratif ou organisationnel soustraite au stress des enfants et sans exigence de rendement physique, sans port de charges de plus de trois kilos, de porte-à-faux cervical ou de vibrations et dans laquelle il pouvait organiser son travail et sa position de travail. Les médecins traitants de l’assuré avaient également relevé des difficultés à garder une posture statique (assise ou debout) et à exercer une activité sédentaire ou devant un écran. Or les employés mentionnés sous la rubrique 4 de la table T17 de l’ESS 2016 ne jouissaient pas d’une réelle liberté d’organisation dans leur travail et leur posture. En effet, un travail derrière un guichet ou à une réception allait de pair avec une position assise ou debout de longue durée et pour laquelle l’employé ne pouvait pas organiser son temps ou n’était pas libre de modifier sa position à sa guise. En outre, les employés de bureau ou de service comptable étaient la majeure partie de leur temps statiques, possiblement en porte-à-faux devant un écran. Par conséquent, les postes décrits dans la rubrique 4 de la table T17 ne répondaient pas aux limitations de l’assuré. Il en allait de même des postes mentionnés dans les autres rubriques de la table T17. Il convenait dès lors de se référer au secteur 3 (« services ») de la table TA1 de l’ESS 2016, qui comprenait des domaines d’activité simples compatibles avec les limitations de l’assuré et qui indiquait un revenu médian de 4967 fr. par mois. Après prise en compte du renchérissement, le revenu d’invalide s’élevait à 64’080 fr. 84 par an. Mis en rapport avec le revenu sans invalidité de 113’207 fr., il en découlait un taux d’invalidité de 44%.

Par jugement du 02.02.2021, admission du recours par le tribunal cantonal, réformant la décision sur opposition en ce sens que l’assuré avait droit à une rente d’invalidité fondée sur un taux de 44%, compte tenu d’un revenu d’invalide de 64’080 fr. 84.

 

TF

TA1 vs T17

Lorsque les tables de l’ESS sont appliquées, il convient de se fonder, en règle générale, sur les salaires mensuels indiqués dans la table TA1, à la ligne « total secteur privé »; on se réfère alors à la statistique des salaires bruts standardisés, en se fondant toujours sur la valeur médiane ou centrale (ATF 124 V 321 consid. 3b), étant précisé que, depuis l’ESS 2012, il y a lieu d’appliquer le tableau TA1_skill_ level et non pas le tableau TA1_b (ATF 142 V 178). Lorsque cela apparaît indiqué dans un cas concret pour permettre à l’assuré de mettre pleinement à profit sa capacité résiduelle de travail, il y a lieu parfois de se référer aux salaires mensuels de secteurs particuliers (secteur 2 [production] ou 3 [services]), voire à des branches particulières; tel est notamment le cas lorsqu’avant l’atteinte à la santé, l’assuré a travaillé dans un domaine pendant de nombreuses années et qu’une activité dans un autre domaine n’entre pas en ligne de compte (arrêt 8C_66/2020 du 14 avril 2020 consid. 4.2.2 et les arrêts cités).

En outre, lorsque les circonstances du cas concret le justifient, on peut s’écarter de la table TA1 (salaire mensuel brut [valeur centrale] selon les branches économiques dans le secteur privé) pour se référer à la table TA7 (salaire mensuel brut [valeur centrale] selon le domaine d’activité dans les secteurs privé et public ensemble), si cela permet de fixer plus précisément le revenu d’invalide et que le secteur en question est adapté et exigible (arrêt 8C_66/2020 consid. 4.2.2 précité et les arrêts cités). C’est le lieu de préciser que les tables TA1, T1 et TA7 des ESS publiées jusqu’en 2010 correspondent respectivement aux tables TA1_skill_level, T1_tirage_skill_level et T17 des ESS publiées depuis 2012 (voir l’Annexe de la lettre circulaire AI n° 328 du 22 octobre 2014).

La correcte application des tables de l’ESS, notamment le choix de la table et du niveau de compétence applicable, est une question de droit que le Tribunal fédéral revoit librement (ATF 143 V 295 consid. 2.4; 132 V 393 consid. 3.3).

 

Le rapport complémentaire du médecin-expert est le seul avis médical décrivant les limitations fonctionnelles de l’assuré en tenant compte de la seule affection de ce dernier en lien de causalité avec l’accident du 20.02.2011. Il convient donc de se fonder exclusivement sur ledit rapport pour déterminer les limitations fonctionnelles de l’assuré, sans prendre en considération les autres avis médicaux au dossier, en particulier ceux des médecins traitants. A cet égard, c’est à tort que les juges cantonaux ont retenu que l’activité adaptée à prendre en considération devait être exempte de vibrations et de port de charges de plus de trois kilos, et que l’assuré avait des difficultés à exercer une activité devant un écran. Le rapport complémentaire de l’expert fait toutefois effectivement état d’une activité sans exigence de rendement physique excluant le port de charges (sans précision quant à un poids maximal), les positions de porte-à-faux cervical, les longues stations prolongées dans la même position, ainsi que les interactions physiques avec des adolescents. Une activité dans laquelle l’assuré peut organiser son travail et sa position de travail, dans un travail principalement administratif ou organisationnel soustrait au stress de la gestion d’adolescents, est en outre préconisée.

Au vu de ces limitations fonctionnelles, on ne voit pas que les activités citées sous la rubrique 4 de la table T17 (employé[e]s de bureau; employé[e]s de réception, guichetiers et assimilés; employé[e]s des services comptables et d’approvisionnement; autres employé[e]s de type administratif) seraient particulièrement adaptées à la situation de l’assuré au point de justifier de faire exception à l’usage de la table TA1, qui s’applique généralement. On notera que certaines des activités en question sont difficilement compatibles avec une organisation libre du travail et de la position de travail et qu’elles consistent toutes en des emplois de bureau s’exerçant en position essentiellement statique, quand bien même des alternances entre position assise et debout sont envisageables. Par ailleurs, le médecin-expert n’a pas évoqué un travail exclusivement de bureau, mais de type administratif ou organisationnel. C’est donc à bon droit que les juges cantonaux ont fait application de la table TA1 et non de la table T17.

 

Ligne « Total » vs secteur « Services »

La cour cantonale n’a pas expliqué et on ne voit pas en quoi les activités décrites au secteur 3 (« services ») de la table TA1 permettraient à l’assuré – par opposition aux activités du secteur 2 (« production ») – de mettre au mieux sa capacité de travail résiduelle à profit compte tenu de ses limitations fonctionnelles. Bien au contraire, les fonctions du secteur 3 comprennent notamment des activités administratives et de bureau impliquant des positions statiques de longue durée, lesquelles sont déconseillées par le médecin-expert. Dans ces conditions, la juridiction cantonale n’était pas fondée à faire application de la table TA1 « services », laquelle est vouée à s’appliquer en lieu et place de la table TA1 « total » uniquement lorsque la situation concrète de l’assuré l’exige.

Le revenu médian de 5340 fr. de la table TA1 « total » doit donc être pris en compte, et non celui de 4967 fr. de la table TA1 « services ». Après indexation tenant compte de l’évolution des salaires (0.4% en 2017, 0.5% en 2018 et 0.9% en 2019), il en résulte un revenu d’invalide de 68’012 fr. 61 ([5340:40 x 41.7 x 12] + 0.4, 0.5 et 0.9%). Mis en rapport avec le revenu sans invalidité de 113’207 fr., il en découle un taux d’invalidité de 39.92%, arrondi à 40%.

 

 

Le TF admet partiellement le recours de l’assurance-accidents, réformant l’arrêt cantonal en ce sens que l’assuré a droit à une rente d’invalidité fondée sur un taux de 40%.

 

 

Arrêt 8C_205/2021 consultable ici

 

 

Motion Gysi 21.3716 « Pertes de gain pour cause de maladie ou d’accident. Mettre en place une assurance indemnités journalières obligatoire pour tous les travailleurs » – Avis du Conseil fédéral du 08.09.2021

Motion Gysi 21.3716 « Pertes de gain pour cause de maladie ou d’accident. Mettre en place une assurance indemnités journalières obligatoire pour tous les travailleurs » – Avis du Conseil fédéral du 08.09.2021

 

Motion Gysi 21.3716 consultable ici

 

Texte déposé

Le Conseil fédéral est chargé de mettre en place une assurance indemnités journalières obligatoire pour toutes les personnes exerçant une activité lucrative, qu’elles soient salariées ou indépendantes, qui permettra de couvrir les pertes de gain dues à une maladie ou à un accident. Son champ d’application sera clairement défini. En outre, la transparence, la solidarité et l’orientation sociale du système actuel seront renforcées.

 

Développement

La couverture insuffisante des travailleurs en cas de maladie et, parfois, d’accident, se traduit par des difficultés sociales et même des situations de détresse. La crise du coronavirus a non seulement mis en évidence les lacunes qui touchent les assurances sociales, mais elle les a même aggravées.

Le caractère facultatif de l’assurance indemnités journalières entraîne des carences dans cette couverture, qui peuvent notamment se faire sentir en cas d’absence prolongée pour cause de maladie ou, pour les travailleurs indépendants, à la suite d’un accident. Il peut également être à l’origine de discriminations sur le marché du travail, frappant par exemple les salariés âgés. La solidarité n’est pas garantie.

L’étude SUPSI Gli indipendenti in Svizzera – Composizione, protezione sociale, crisi pandemica montre les lacunes que présentent les assurances sociales des travailleurs indépendants, notamment en ce qui concerne la couverture maladie et accident. Rares sont en effet les indépendants à souscrire une assurance facultative. Or, une perte de gain qui se prolonge entraîne des problèmes financiers graves et affecte la prévoyance vieillesse.

Le droit actuel prévoit que l’assurance facultative d’indemnités journalières pour maladie peut être conclue soit selon la loi sur l’assurance-maladie, soit selon la loi sur le contrat d’assurance. La couverture accident est régie de son côté par la loi sur l’assurance-accidents : obligatoire pour les salariés, elle est facultative pour les indépendants. Ces réglementations sont dans l’ensemble insuffisantes et devraient donc être complétées.

Un autre problème réside actuellement dans les écarts de primes importants, tant entre sexes qu’entre branches d’activité, qui résultent notamment de l’absence de règles, d’un manque de transparence et du caractère facultatif du système, et qui entraînent des injustices supplémentaires. Il existe ainsi des branches d’activité où il n’est pas possible de s’assurer auprès de certaines compagnies d’assurance, ou alors très difficilement.

 

Avis du Conseil fédéral du 08.09.2021

Le Conseil fédéral s’est récemment penché sur la question d’une assurance d’indemnités journalières obligatoire à différentes occasions : notamment en juin 2017, dans le rapport rédigé en réponse au postulat Nordmann 12.3087 ; en mai 2018, dans sa réponse à l’interpellation Carobbio 18.3126 ; et en mai 2020, de manière marginale, dans sa réponse à l’interpellation Prelicz-Huber 20.3341. Dans le rapport mentionné, il a conclu que rien n’indiquait que les principaux obstacles à l’introduction d’une telle assurance obligatoire, à savoir les raisons financières et l’environnement politique, aient changé de manière significative depuis la publication le 30 septembre 2009 du rapport « Evaluation du système d’assurance d’indemnités journalières en cas de maladie et propositions de réforme » (www.ofsp.admin.ch > L’OFSP > Publications > Rapports du Conseil fédéral > Rapports du Conseil fédéral de 2006 à 2015), rédigé en réponse au postulat 04.3000 de la CSSS-N. En mai 2018, il estimait en outre que  » l’aspect financier [fait] obstacle à l’instauration d’une assurance d’indemnités journalières obligatoire  » (prise de position à l’interpellation Carobbio 18.3126). Le système actuel, qui repose surtout sur des solutions négociées entre les partenaires sociaux, a fait ses preuves. L’assurance facultative offre une protection suffisante pour la plupart des indépendants et des salariés. Le Conseil fédéral ne dispose d’aucune donnée indiquant que cette situation a changé entre-temps. C’est pourquoi, comme il l’a exprimé à plusieurs reprises (dans ses prises de position aux motions Humbel 14.3861 et 10.3821, à la motion Poggia 12.3072, dans le rapport susmentionné rédigé en réponse au postulat Nordmann 12.3087 et dernièrement dans sa réponse à l’interpellation Carobbio 18.3126), il préfère encore aujourd’hui maintenir la réglementation en vigueur, fondée principalement sur des solutions négociées entre les partenaires sociaux, plutôt que d’introduire une obligation légale. De plus, il convient de noter que la plupart des pertes de revenu survenues durant la crise du coronavirus ne sont pas dues à une maladie ou à un accident, mais à des mesures étatiques, comme des fermetures ou des mises en quarantaine, qui ne sont pas couvertes par les assurances d’indemnités journalières.

Le Conseil fédéral n’estime pas non plus nécessaire d’introduire une obligation pour les indépendants dans l’assurance-accidents. En revanche, le rapport  » Numérisation – Examen d’une flexibilisation dans le droit des assurances sociales (« Flexi-Test ») « , actuellement en cours d’élaboration, se penche sur la manière de simplifier l’accès à l’assurance-accidents facultative pour les indépendants à faible revenu.

 

Proposition du Conseil fédéral du 08.09.2021

Le Conseil fédéral propose de rejeter la motion.

 

 

 

Motion Gysi 21.3716 « Pertes de gain pour cause de maladie ou d’accident. Mettre en place une assurance indemnités journalières obligatoire pour tous les travailleurs » consultable ici

Version italienne (Introdurre un’assicurazione obbligatoria d’indennità giornaliera in caso di perdita di guadagno dovuta a malattia o infortunio per tutti coloro che esercitano un’attività lucrativa) disponible ici

Version allemande (Einführung einer obligatorischen Taggeldversicherung bei Erwerbsausfall durch Krankheit oder Unfall für alle Erwerbstätigen) disponible ici

 

 

8C_462/2010 (d) du 22.10.2010 – ATF 136 V 419 – Amiante – Rente de veuve – 29 LAA / Retraite anticipée partielle (50%) avant la retraite ordinaire – Eclosion de la maladie professionnelle postérieure à la retraite AVS / Gain assuré pour la rente de survivants – 15 LAA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_462/2010 (d) du 22.10.2010 [ATF 136 V 419]

 

Consultable ici

Publié aux ATF 136 V 419

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi

 

Amiante – Rente de veuve / 29 LAA

Retraite anticipée partielle (50%) avant la retraite ordinaire – Eclosion de la maladie professionnelle postérieure à la retraite AVS

Gain assuré pour la rente de survivants / 15 LAA – 24 al. 1 OLAA

Renchérissement de la rente

 

Assuré, né en 1935, a travaillé comme ajusteur de machines chez S.__ AG de 1963 jusqu’à sa retraite ordinaire fin mai 2000. Après avoir pris une retraite partielle (50%) en 1996 pour des raisons économiques, il n’a travaillé que 30% du temps au cours des années suivantes ; pour le 20% restant, il était considéré comme chômeur.

Un mésothéliome pleural a été diagnostiqué le 21.10.2002, vraisemblablement contracté à la suite d’une exposition à l’amiante dans le cadre de son travail entre 1963 et 1978. Il est décédé le 04.01.2005 des suites de cette maladie.

L’assurance-accidents a octroyé une rente de veuve de CHF 1’103.20 ou – dès le 01.01.2007 – de CHF 1’112.05 par mois avec effet rétroactif au 01.02.2005 ; le gain assuré déterminant était basé sur le revenu que l’assuré aurait pu obtenir d’un emploi à 50% chez son ancien employeur avant sa retraite ordinaire sans chômage.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 06.04.2010, admission du recours par le tribunal cantonal, renvoyant la cause à l’assurance-accidents pour nouvelle décision au sens des considérants. La cour cantonale a notamment considéré que l’assureur-accidents avait à juste titre fondé la rente de veuve sur le salaire que le défunt avait gagné en dernier lieu avant la retraite ordinaire dans le cadre d’un rapport de travail à 50% – sans chômage partiel ; toutefois, le revenu ainsi calculé devrait également être adapté au renchérissement pour la période comprise entre la retraite du défunt fin mai 2000 et le début de la rente le 01.02.2005.

 

TF

Il est incontesté que l’assuré est décédé des suites d’une maladie professionnelle au sens de l’art. 9 LAA. Il s’agissait d’une conséquence de substances nocives (amiante) auxquelles il avait été exposé entre 1963 et 1978, lors de son emploi dans la société S.__ AG.

Dans l’ATF 135 V 279, le Tribunal fédéral a reconnu que, sur la base des normes pertinentes (art. 15 al. 1-3 et art. 34 al. 1 LAA; art. 22 al. 2 et 4, art. 23 s. ainsi qu’art. 44 s. OLAA) aucune solution spécifique n’est prévue pour la constellation à apprécier en l’espèce – l’assuré avait quitté la vie active lors de l’éclosion de la maladie professionnelle parce qu’il avait atteint l’âge de la retraite AVS et n’est donc plus (plus) assuré.

Le concept de la LAA repose sur l’hypothèse que l’événement assuré s’est produit à un moment où l’assuré exerce encore une activité professionnelle.

Dans des cas comme celui qui nous occupe, l’assurance-accidents constitue, à titre exceptionnel, une assurance pour les personnes n’exerçant pas d’activité professionnelle et pour lesquelles il n’existe aucune réglementation pertinente en matière de calcul de rente (cf. ALFRED MAURER, Schweizerisches Unfallversicherungsrecht, 1985, p. 362).

La règle de base pour le calcul de la rente est que le dernier salaire avant la survenance de l’événement assuré, c’est-à-dire en l’occurrence le début de la maladie professionnelle (octobre 2002 ; cf. art. 9 al. 3 LAA), est déterminant. Comme ce n’est généralement pas le cas pour les retraités AVS [absence de salaire avant la survenance de la maladie professionnelle], les revenus que l’assuré a perçus en dernier lieu alors qu’il était encore assuré sont considérés comme déterminants (ATF 135 V 279 consid. 4.1 et 4.2.1 p. 281 ss et références à MAURER, loc. cit. p. 220 ci-dessus ; le même, Recht und Praxis der Schweizerischen obligatorischen Unfallversicherung, 1963, p. 133).

Dans ce contexte, c’est à juste titre que la cour cantonale a retenu comme élément déterminant pour le calcul du gain assuré le salaire que le défunt aurait gagné en tant qu’employé assuré avant la retraite ordinaire le 31.05.2000 dans le cadre d’un pensum de 50% auprès de l’ancien employeur. La décision sur opposition est, sur ce point, correcte.

En ce qui concerne la question du renchérissement, il a été jugé dans l’ATF 135 V 279 (en particulier consid. 5 p. 283 ss.) que la rente de survivant fictive – in casu calculée hypothétiquement du de la retraite ordinaire de l’assuré décédé à la fin du mois de mai 2000 – (et non le gain assuré sur lequel elle était basée) devait être renchérie jusqu’au début effectif de la rente le 01.02.2005. Cette conclusion résulte sans équivoque de l’ATF 135 V 279 consid. 5.3.1 et 5.3.2 (p. 285 et suivantes), alors que le regest correspondant publié dans le Recueil officiel ne reflète certes pas tout à fait clairement le contenu essentiel du dispositif.

 

Le TF admet le recours de l’assurance-accidents.

 

Arrêt 8C_462/2010 consultable ici – ATF 136 V 419 consultable ici

Proposition de citation : Arrêt du Tribunal fédéral 8C_462/2010 (d) du 22.10.2010 [ATF 136 V 419] – Amiante – Rente de veuve, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2021/09/8c_462-2010-atf-136-v-419)

 

8C_443/2013 (f) du 24.06.2014 – Amiante – Rente de veuve – 29 LAA / Invalidité totale [non LAA] avant la retraite AVS – Eclosion de la maladie professionnelle postérieure à la retraite AVS / Gain assuré pour la rente de survivants – 15 LAA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_443/2013 (f) du 24.06.2014

 

NB : arrêt à 5 juges non publié

Consultable ici

 

Amiante – Rente de veuve / 29 LAA

Invalidité totale [non LAA] avant la retraite AVS – Eclosion de la maladie professionnelle postérieure à la retraite AVS

Gain assuré pour la rente de survivants / 15 LAA

 

L’assuré a travaillé comme maçon au service de plusieurs entreprises en Suisse entre 1962 et 1994. A partir du 01.10.1994, il a été mis au bénéfice d’une rente entière de l’assurance-invalidité en raison d’affections dorsales. A l’âge terme, le droit à une rente de vieillesse de l’AVS lui a été reconnu.

A la suite d’un contrôle médical le 25.01.2008, le médecin-traitant a constaté la présence d’une fibrose pulmonaire possiblement sur toxicité à la Cordarone. Après diverses investigations, l’assurance-accidents a admis sa responsabilité au titre d’une maladie professionnelle, dont elle a fixé la survenance au 25.01.2008.

L’assuré est décédé le 24.05.2010. Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a refusé d’allouer une rente de survivante à la veuve de l’assuré. Elle a considéré qu’aucun gain assuré ne pouvait être pris en considération pour le calcul de la rente (théorique) à laquelle l’intéressée pouvait prétendre. En effet, avant que la maladie professionnelle ne se manifeste, l’assuré décédé avait bénéficié, successivement, d’une rente de l’assurance-invalidité, puis d’une rente de l’AVS, de sorte qu’il n’avait réalisé aucun revenu déterminant au sens du droit de l’AVS.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 103/12 – 35/2013 – consultable ici)

Par jugement du 07.05.2013, admission du recours par le tribunal cantonal, renvoyant la cause à l’assurance-accidents pour nouvelle décision au sens des considérants.

 

TF

Il est admis en l’espèce que l’assuré est décédé des suites d’une maladie professionnelle causée par une exposition à des poussières d’amiante et qui s’est déclarée en janvier 2008.

Le droit à une rente de conjoint survivant (art. 29 LAA) en faveur de la veuve n’est pas contesté en tant que tel par l’assurance-accidents. Celle-ci se prévaut toutefois de l’absence d’un gain susceptible d’être pris en compte au titre de gain assuré en faisant valoir que le défunt était au bénéfice d’une rente entière de l’assurance-invalidité à partir de 1994.

Les principaux risques pour la santé associés à l’exposition à l’amiante sont le développement de fibroses (asbestose, lésions pleurales) et de cancers (essentiellement carcinome bronchique et mésothéliome). Le risque de développement d’une maladie en raison d’une exposition à l’amiante dépend en particulier de l’intensité et de la durée d’exposition. Le temps de latence avant l’apparition de la maladie est important et peut s’étendre sur plusieurs décennies (cf. ATF 133 V 421 consid. 5.1 p. 426; cf. aussi ATF 140 II 7). Ce laps de temps n’a toutefois pas d’incidence sur le droit aux prestations de l’assurance-accidents – notamment la rente de conjoint survivant – qui sont dues indépendamment de l’existence d’un rapport d’assurance au moment où la maladie s’est déclarée. Ce qui importe, c’est que l’intéressé ait été assuré pendant la durée de l’exposition (Alfred Maurer, Schweizerisches Unfallversicherungsrecht, 2e éd. 1989, p. 219).

Conformément à l’art. 15 LAA, les rentes sont calculées d’après le gain assuré (al. 1). Est réputé gain assuré pour le calcul des rentes le salaire que l’assuré a gagné durant l’année qui a précédé l’accident (al. 2). Le Conseil fédéral édicte des prescriptions sur le gain assuré pris en considération dans des cas spéciaux, notamment en cas de maladie professionnelle (art. 15 al. 3 let. b LAA). A ce jour, le Conseil fédéral n’a toutefois pas fait usage de cette délégation de compétence (voir les art. 22 et 24 OLAA). En principe, et comme cela résulte de l’art. 9 al. 3 LAA précité, le gain assuré pour le calcul des rentes en cas de maladie professionnelle correspond au gain que l’assuré a obtenu dans l’année qui a précédé le déclenchement de la maladie professionnelle. Cette réglementation ne tient toutefois pas compte du fait que certaines maladies professionnelles ont, comme on l’a vu, un temps de latence très important; elles peuvent donc se déclarer bien après que l’assuré a atteint l’âge d’ouverture du droit à une rente de l’AVS, et, par conséquent, à une époque où il n’est depuis longtemps plus assuré contre les accidents et les maladies professionnelles.

Comme ni la LAA ni ses dispositions d’exécution ne règlent cette situation particulière, le Tribunal fédéral a comblé cette lacune par voie jurisprudentielle. Le gain assuré déterminant pour le montant d’une rente de survivant doit être calculé en fonction du salaire que le bénéficiaire d’une rente de vieillesse décédé – des suites d’une maladie professionnelle – a perçu en dernier lieu lorsqu’il était assuré conformément à la LAA. Ce gain est ensuite adapté à l’évolution nominale des salaires dans la branche professionnelle initiale jusqu’à l’âge donnant droit à une rente de vieillesse de l’AVS. La rente (fictive) de survivant ainsi obtenue doit encore être adaptée au renchérissement pour la période comprise entre la mise à la retraite du défunt et le moment de la naissance du droit à la rente de l’époux survivant (ATF 136 V 419; 135 V 279; voir aussi André Pierre Holzer, Der versicherte Verdienst in der obligatorischen Unfallversicherung, RSAS 2010 p. 201 ss, plus spécialement p. 228 sv.).

L’ATF 135 V 279 concernait un assuré né en 1929 qui avait travaillé comme salarié (et soumis à ce titre à l’assurance-accidents obligatoire) jusqu’en 1953. Il avait ensuite travaillé comme indépendant et n’avait donc plus de couverture d’assurance obligatoire. Il n’avait pas été assuré à titre facultatif. En 1994, il avait pris sa retraite. Il est décédé en 2005 des suites d’une infection pulmonaire découverte en février de la même année et causée par une exposition à l’amiante au cours de son activité salariée. Quant à l’ATF 136 V 419, il concernait un assuré né en 1935 qui avait travaillé de 1963 jusqu’en mai de l’année 2000 dans une entreprise où il avait été exposé à l’amiante. A partir de l’année 1996, il avait été mis à la retraite anticipée à 50 % pour raisons économiques. A l’occasion d’une visite médicale le 21 octobre 2002, un mésothéliome pleural avait été diagnostiqué et attribué à une exposition à l’amiante dans son activité professionnelle antérieure. Il était décédé le 4 janvier 2005.

Les règles jurisprudentielles susmentionnées, relatives au gain assuré, ont ensuite été appliquées dans un cas où comme en l’espèce l’assuré avait travaillé comme salarié (dans une activité exposée). Il avait ensuite été mis au bénéfice d’une rente entière de l’assurance-invalidité jusqu’à l’âge de la retraite. Il était décédé (après sa retraite) des suites d’une maladie professionnelle liée à son activité salariée antérieure (arrêt 8C_689/2013 du 24 janvier 2014).

Il n’y a pas lieu de revenir sur cette jurisprudence.

C’est en vain que l’assurance-accidents soutient qu’elle n’est pas applicable dans des situations où l’assuré, en raison d’une invalidité totale, ne subissait aucune perte de gain avant d’avoir atteint l’âge ouvrant droit à une rente de vieillesse. La reconnaissance d’un droit à une rente de conjoint survivant, tout en le niant faute de gain assuré déterminant pour son calcul, créerait une incohérence dans le système.

Certes, le gain annuel déterminant pour le calcul des rentes de survivants pourrait se trouver réduit si le défunt, pour raison de santé, sans lien avec la maladie professionnelle, a exercé dans le passé une activité assurée à temps partiel seulement. Ses survivants seraient désavantagés par rapport à ceux d’une personne qui est devenue entièrement invalide dans les mêmes circonstances, mais après avoir exercé une activité salariée à plein temps. Compte tenu des taux d’activité respectifs, le gain assuré serait en effet plus élevé dans le second cas que dans le premier. L’assurance-accidents y voit une inégalité de traitement.

La différence critiquée découle toutefois du régime légal qui prescrit l’allocation de rentes de survivants même pour une affection qui se manifeste après une très longue période de latence, ainsi que du choix du législateur de fonder les rentes sur le dernier gain assuré. Renoncer, dans la présente constellation, à prendre en considération le gain assuré antérieur engendrerait une autre inégalité. Il n’y aurait aucun motif valable d’y renoncer dans ce cas mais non dans le cas d’un assuré qui a cessé son activité salariée avant l’âge de la retraite, pour exercer une activité indépendante (non assurée; situation de l’ATF 135 V 279) ou qui l’a abandonnée (ou simplement réduite) par pure convenance personnelle. Comme on l’a vu, le droit aux prestations en cas de maladie professionnelle n’est pas subordonné à la condition que l’assuré ait été obligatoirement assuré jusqu’à l’âge auquel il peut prétendre une rente de vieillesse. Peu importent en définitive les raisons pour lesquelles l’assuré n’a plus été assujetti à l’assurance postérieurement à la période d’exposition dans une activité salariée.

 

Le TF rejette le recours de l’assurance-accidents.

 

 

Arrêt 8C_443/2013 consultable ici

 

 

8C_301/2021 (d) du 23.06.2021 – Rappel de la notion de stabilisation de l’état de santé – Clôture du cas – 19 al. 1 LAA / Revenu d’invalide – Pas d’abattement sur le salaire statistique pour les limitations fonctionnelles (bras/épaule) ni en raison du permis de séjour B – 16 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_301/2021 (d) du 23.06.2021

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi

 

Rappel de la notion de stabilisation de l’état de santé – Clôture du cas / 19 al. 1 LAA

Revenu d’invalide – Pas d’abattement sur le salaire statistique pour les limitations fonctionnelles (bras/épaule) ni en raison du permis de séjour B / 16 LPGA

 

Assuré, né en 1979, était au bénéfice de l’assurance chômage lorsque, le 23.07.2017, il a glissé dans un escalier et est tombé sur l’épaule gauche et la tête. Il a subi un TCC léger et une lésion acromio-claviculaire de type Rockwood III.

Sur la base du rapport de l’examen de son médecin-conseil du 13.06.2019, l’assurance-accidents a informé l’assuré qu’elle mettrait fin à la prise en charge du traitement médical au 31.07.2019 et que l’indemnité journalière serait versée jusqu’au 30.09.2019. Par décision du 01.07.2019, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a nié le droit de l’assuré à une rente d’invalidité, le taux d’invalidité étant de 8%, et lui a octroyé une IPAI de 15%.

 

Procédure cantonale (arrêt UV.2020.00087 – consultable ici)

Par jugement du 27.08.2015, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Stabilisation de l’état de santé – Clôture du cas – 19 al. 1 LAA

Selon la loi et la jurisprudence, l’assureur-accidents doit clôturer le dossier (avec suppression droit au traitement médical et aux indemnités journalières et avec examen du droit à une rente d’invalidité et à une IPAI) s’il n’y a plus lieu d’attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l’état de l’assuré et que les éventuelles mesures de réadaptation de l’assurance-invalidité ont été menées à terme. (art. 19 al. 1 LAA; ATF 144 V 354 consid. 4.1; 134 V 109 consid. 4).

L’amélioration de l’état de santé se détermine notamment en fonction de l’augmentation ou de la récupération probable de la capacité de travail réduite par l’accident. L’utilisation du terme « sensible » à l’art. 19 al. 1 LAA indique donc clairement que l’amélioration que doit amener une poursuite du traitement médical (approprié) doit être significative (ATF 134 V 109 consid. 4.3). Des améliorations mineures ne sont pas suffisantes. Cette question doit être appréciée de manière prospective (RAMA 2005 n° U 557 p. 388, U 244/04 consid. 3.1 ; cf. également arrêt 8C_102/2021 du 26 mars 2021 consid. 6.1 et les références).

Dans le rapport du 26.06.2019 sur lequel se réfère l’assuré, les deux spécialistes en rhumatologie ont justifié la demande de prise en charge d’un traitement multimodal de la douleur. Contrairement à l’avis de l’assuré plaignant, ce n’est pas l’atteinte à la capacité de travail qui était indiquée au premier plan, mais celle de la qualité de vie. Le médecin-conseil ayant également supposé une possible amélioration de la qualité de vie, l’avis des rhumatologues et l’appréciation du médecin-conseil ne sont donc pas contradictoires. En outre, le médecin-conseil a indiqué dans son appréciation du 14.06.2019 que la stabilisation de l’état de santé avait été atteint indépendamment de la mise en œuvre d’une thérapie de la douleur, dans la mesure où la situation ne s’était pas améliorée depuis le dernier examen du médecin-conseil du 07.03.2018.

Le grief de l’assuré selon lequel les deux rhumatologues ont exprimé des doutes sur les déclarations du médecin-conseil n’est pas fondée. L’expérience a montré que les médecins traitants sont parfois plus enclins, en cas de doute, à témoigner en faveur de leurs patients, en raison de la position de confiance découlant du mandat thérapeutique (ATF 135 V 465 consid. 4.5; arrêt 8C_744/2020 du 8 mars 2021 consid. 4.2 et les références). Cela vaut aussi bien pour le médecin généraliste que pour le médecin spécialiste traitant et plus encore pour le médecin spécialiste de la douleur en raison du lien de confiance particulier et l’obligation de prendre en charge de manière inconditionnelle la douleur dont se plaint le patient (arrêt 9C_337/2017 du 27 octobre 2017 consid. 3.3.6 et les références).

 

Revenu d’invalide – Abattement sur le salaire statistique

L’assuré s’est plaint à ses médecins d’une hyposensibilité de tout le bras gauche et une diminution de la force avec l’incapacité de soulever des objets de plus de 3 kg. La cour cantonale a qualifié à juste titre ces plaintes de simple auto-évaluation. Cette limitation du port maximal de charges de 3 kg avec le bras gauche n’est donc pas établie.

Le fait que l’on ne puisse raisonnablement exiger de l’assuré que des travaux légers ne justifie pas un abattement en raison des limitations liées au handicap, d’autant plus que les salaires statistiques de niveau de qualification 1de l’ESS comprennent déjà un grand nombre de travaux légers et moyennement lourds (arrêt 8C_151/2020 du 15 juillet 2020 consid. 6.2 et les références).

Le fait que l’assuré soit titulaire d’un permis B n’est pas pertinent. Les hommes titulaires d’un permis de séjour C sans fonction de cadre gagnent moins que les Suisses (ESS 2016, tableau TA12), mais plus que la valeur centrale utilisée pour l’évaluation de l’invalidité (ESS 2016, tableau TA1; cf. arrêt 9C_702/2020 du 01.02.2021 consid. 6.3.2 et les références).

Dans la mesure où ils sont applicables, les critères ne justifient pas non plus une déduction globale.

C’est ainsi à juste titre que la cour cantonale inférieure n’a pas accordé d’abattement.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_301/2021 consultable ici

Proposition de citation : 8C_301/2021 (d) du 23.06.2021 – Notion de stabilisation de l’état de santé – Revenu d’invalide, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2021/09/8c_301-2021)

 

8C_368/2021 (d) du 22.07.2021 – Revenu sans invalidité selon l’ESS – Prise en compte de l’évolution de la carrière (comme invalide) / Revenu d’invalide – Rappel de la notion du marché équilibré de l’emploi et de l’exigibilité – Capacité de travail et de gain exigible

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_368/2021 (d) du 22.07.2021

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi.

 

Revenu sans invalidité – Méthode de la comparaison des revenus vs méthode extraordinaire / 16 LPGA

Détermination du revenu sans invalidité selon l’ESS – Prise en compte de l’évolution de la carrière (comme invalide) pour fixer le revenu sans invalidité

Revenu d’invalide – Rappel de la notion du marché équilibré de l’emploi et de l’exigibilité – Capacité de travail et de gain exigible

Niveau de compétences 2

 

Assurée, née en 1963, serveuse dans le restaurant d’un hôtel depuis novembre 1983 (salaire mensuel de CHF 2’150). A la suite d’une chute, le 09.04.1986, elle subit une fracture trimalléolaire de la cheville droite.

Par décision du 24.04.1989, l’assurance-accidents a octroyé une IPAI de 30% ainsi qu’une invalidité en capital (pour l’invalidité) d’un montant de CHF 10’724. Divers frais médicaux ont, par la suite, été pris en charge (remboursement des frais de traitement médical, adaptation de chaussures orthopédiques).

Depuis décembre 2004, l’assurée est associée gérante, avec signature individuelle, pour l’entreprise en nom collectif Hôtel B.__.

Le 24.06.2018, l’assurée a annoncé des séquelles tardives de l’accident du 09.04.2018. L’assurance-accidents a pris en charge le traitement médical et payé des indemnités journalières.

De l’avis du 03.06.2020 du médecin-conseil, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur, aucune amélioration significative de l’état de santé de l’assurée ne pouvait être attendue d’un traitement médical supplémentaire. L’incapacité de travail dans l’activité habituelle était de 70% ; dans une activité adaptée à l’état de santé, la capacité de travail était pleine et entière.

Par décision du 01.07.2020, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a mis au versement de ces prestations, nié le droit à une rente d’invalidité (taux d’invalidité de 2%) et octroyé une IPAI de CHF 13’920.

 

Procédure cantonale

Le tribunal cantonal n’a pas indexé le dernier salaire perçu avant l’accident du 09.04.1986, en raison du changement professionnel de décembre 2004. Comme elle occupait donc une position professionnelle plus élevée qu’au moment de l’accident, l’activité professionnelle initiale comme serveuse ne pouvait plus servir de base pour le revenu sans invalidité. En raison de cette amélioration de sa situation professionnelle, il fallait présumer que, même sans l’accident, il en aurait été de même. Par conséquent, dans le cas le plus favorable pour l’assurée, le revenu sans invalidité a été déterminé sur la base de l’ESS 2018, branches 55-56 « Hébergement et restauration », niveau de compétences 4 (tâches qui exigent une capacité à résoudre des problèmes complexes et à prendre des décisions fondées sur un vaste ensemble de connaissances théoriques et factuelles dans un domaine spécialisé). Après correction de l’horaire hebdomadaire et de l’évolution des salaires jusqu’en 2019, le revenu sans invalidité a été fixé à CHF 65’651.90.

S’agissant du revenu d’invalide, le tribunal cantonal a constaté qu’il fallait tenir compte du fait que l’assurée pouvait s’appuyer sur l’expérience de son activité habituelle et qu’elle avait acquis au fil des ans des compétences et des connaissances particulières qui pouvaient être utilement utilisées dans les activités qu’on pouvait raisonnablement exiger d’elle. Le revenu d’invalide (CHF 61’291.10) a ainsi été fixé sur la base de l’ESS, ligne Total, niveau de compétences 2. Un abattement sur le revenu statistique n’a pas été retenu.

La comparaison des revenus sans invalidité et d’invalide fait apparaître un taux d’invalidité de 7%, excluant le droit à la rente d’invalidité.

Par jugement du 17.03.2021, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Revenu sans invalidité – Méthode de la comparaison des revenus vs méthode extraordinaire

L’assurée estime que l’activité d’associée d’une société en nom collectif et gérante d’un hôtel s’apparente à un travail comme indépendant. Les conditions dans l’industrie hôtelière étant instables et fluctuantes, il aurait été approprié de déterminer le degré d’invalidité sur la base d’une comparaison des activités.

Selon le TF (consid. 7.2) :

Dans la mesure du possible, le taux d’invalidité doit être déterminé selon la méthode générale de comparaison des revenus (art. 16 LPGA). En règle générale, il faut déterminer aussi précisément que possible les revenus sans invalidité et d’invalide et les comparer entre eux, le taux d’invalidité étant calculé à partir de la différence des revenus. Si le revenu sans invalidité ne peut être déterminé et chiffré de manière exacte, il est estimé selon les circonstances connues et des valeurs approximatives sont comparées entre elles. Conformément à la méthode spécifique relative aux personnes sans activité lucrative (art. 27 RAI), il convient de procéder à une comparaison des activités et déterminer le degré d’invalidité sur la base des effets de la capacité de gain réduite dans la situation professionnelle spécifique (méthode extraordinaire ; ATF 128 V 29 consid. 1; arrêt 8C_228/2020 du 28.05.2020 consid. 4.1.1 et les références).

Les circonstances exceptionnelles permettant d’appliquer la méthode extraordinaire ne sont pas présentes dans le cas d’espèce. L’assurée ne démontre pas en quoi la non-application de la méthode extraordinaire serait contraire au droit fédéral et en quoi l’application de la comparaison des revenus réalisées par la juridiction cantonale lui causerait des désavantages. Le grief est rejeté.

 

Détermination du revenu sans invalidité

L’assurée fait grief qu’en tant qu’associée, elle avait non seulement droit à un salaire, mais également à une part des bénéfices. Son potentiel de gain était donc supérieur au salaire médian, c’est pourquoi le revenu sans invalidité, fixé sur la base du salaire médian des employés du secteur de l’hôtellerie et de la restauration au niveau de compétence 4, a été fixé trop bas.

Selon le TF (consid. 8.1) :

Pour le revenu sans invalidité, est déterminant le salaire qu’aurait effectivement gagné l’assuré, en bonne santé, au moment du début du droit à la rente. En règle générale, on se base sur le dernier salaire perçu, éventuellement corrigé de l’inflation et de l’évolution réelle du revenu, en posant la présomption que l’assuré continué d’exercer son activité sans la survenance de son invalidité. Des exceptions ne sauraient être admises que si elles sont établies au degré de la vraisemblance prépondérante (ATF 139 V 28 consid. 3.3.2).

Dans le cadre de la révision (art. 17 LPGA), il y a une différence par rapport à la fixation initiale de la rente, dans la mesure où l’on connaît la carrière professionnelle de la personne invalide, effectivement poursuivie entre-temps. Une qualification professionnelle particulière réalisée malgré l’invalidité permet de tirer des conclusions quant à l’évolution hypothétique qui se serait produite sans l’atteinte à la santé (liée à l’accident) jusqu’au moment de la révision. Toutefois, une carrière réussie en tant qu’invalide dans un nouveau domaine professionnel ne signifie pas nécessairement que l’assuré aurait atteint – sans invalidité – un poste comparable dans le domaine d’activité initiale (ATF 145 V 141 consid. 5.2.1 et les références).

Selon le TF (consid. 8.2.2) :

Le Tribunal fédéral ne voit pas en quoi l’approche de la cour cantonale serait contraire au droit fédéral lorsqu’elle a fixé le revenu sans invalidité sur la base de l’ESS (branches 55-56, femmes, niv. comp. 4). Par ailleurs, l’assurée ne fournit pas de preuves qu’elle aurait réellement pu réaliser un salaire plus élevé ; à cet égard, la jurisprudence est stricte à cet égard (cf. arrêt 8C_285/2020 du 15.09.2020 consid. 4.3.3).

 

Revenu d’invalide

Capacité de travail et de gain exigible (consid. 9)

L’évaluation du revenu d’invalide selon la situation professionnelle concrète suppose, entre autres, que l’assuré utilise pleinement la capacité de travail exigible restante (ATF 143 V 295 consid. 2.2). Ce n’est pas le cas si, sur le marché équilibré de l’emploi, il pourrait gagner un salaire plus élevé que celui qu’il reçoit effectivement. Par rapport à ce marché de travail équilibré (hypothétique), un changement d’emploi est également exigible s’il est très difficile, voire impossible, pour l’assuré de trouver un emploi correspondant en raison des circonstances économiques sur le marché réel du travail. La prise en compte de ce revenu hypothétiquement plus élevé ne repose donc pas tant sur l’obligation de limiter le dommage que sur le fait que l’assurance-accidents ne doit indemniser que la perte de gain causée par l’atteinte à la santé consécutive à l’accident (SVR 2019 UV Nr. 3 S. 9, 8C_121/2017 consid. 7.4, 2012 UV Nr. 3 S. 9, 8C_237/2011 consid. 2.3).

Lors de l’évaluation de l’invalidité, l’assuré doit se voir opposé, comme revenu d’invalide, le revenu qu’il pourrait raisonnablement obtenir sur le marché général du travail dans une activité exigible ; même s’il renonce à changer de profession ou d’emploi en raison de perspectives favorables dans le poste exercé jusqu’ici, il ne peut pas attendre de l’assurance-accidents qu’elle indemnise une diminution du gain due à la renonciation à un revenu exigible (arrêt 8C_631/2019 du 18.12.2019 consid. 6.1).

L’assurée ne prétend pas, et il ne ressort pas du dossier, qu’elle utilise pleinement sa capacité de travail restante exigible dans son emploi actuel. Par conséquent, il n’est pas contraire au droit fédéral que la cour cantonale fonde sa décision sur le salaire statistique de l’ESS. Il est donc indifférent de savoir dans quelle mesure elle est limitée dans son emploi actuel de directrice d’un hôtel en raison de son état de santé. Il n’est pas non plus nécessaire de procéder à une mise en demeure et octroyer un délai de réflexion selon l’art. 21 al. 4 LPGA pour inciter l’assuré à changer d’emploi ou pour lui imputer le revenu d’invalide correspondant (arrêt 9C_771/2017 du 29 mai 2018 consid. 3.5.1 et la référence).

 

Niveau de compétences (consid. 10)

En raison de ses nombreuses années de travail en tant que gérante d’un hôtel, l’assurée dispose d’une expérience professionnelle dans une fonction de direction avec des tâches administratives, qu’elle peut utiliser non seulement dans le secteur de la restauration, mais également dans d’autres secteurs professionnels (cf. également arrêts 8C_534/2019 du 18.12.2019 consid. 5.3.3.2 s. et 8C_732/2018 du 26.03.2019 consid. 8.2.2). Dans ces conditions, il n’est pas contraire au droit fédéral que l’instance cantonale ait retenu le niveau de compétences 2 de la ligne Total de l’ESS.

 

Abattement (consid. 11)

Il n’est pas déterminant de savoir si sa capacité de travail restante est utilisable dans les conditions spécifiques du marché du travail, mais seulement de savoir si l’assurée pourrait encore utiliser économiquement sa capacité de travail restante s’il y avait un équilibre entre l’offre et la demande d’emplois (marché équilibré du travail, art. 16 LPGA ; ATF 138 V 457 consid. 3.1, 110 V 273 E. 4b; arrêt 8C_330/2021 du 08.06.2021 consid. 5.3.1).

La cour cantonale a expliqué pourquoi les limitations fonctionnelles et l’âge, invoqués par l’assurée, ne justifient pas une déduction. La simple référence générale à ces motifs d’abattement ne change rien à ce résultat. En outre, le manque d’expérience professionnelle n’est pas pertinent.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 8C_368/2021 consultable ici

Proposition de citation : 8C_368/2021 (d) du 22.07.2021 – Revenu sans invalidité selon l’ESS – Notion du marché équilibré de l’emploi et de l’exigibilité, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2021/08/8c_368-2021)

 

8C_578/2020 (f) du 11.06.2021 – Fausse déclaration – Mention d’un 13e salaire de CHF 9000 par mois dans la déclaration d’accident – 46 al. 2 LAA / Simple tromperie suffisante pour application de l’art. 46 al. 2, 2e phrase, LAA – Pas de nécessité que la tromperie soit astucieuse comme en matière d’escroquerie

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_578/2020 (f) du 11.06.2021

 

Consultable ici

 

Fausse déclaration – Mention d’un 13e salaire de CHF 9000 par mois dans la déclaration d’accident / 46 al. 2 LAA

Simple tromperie suffisante pour application de l’art. 46 al. 2, 2e phrase, LAA – Pas de nécessité que la tromperie soit astucieuse comme en matière d’escroquerie

Rappel quant au 13e salaire pas convenu contractuellement et caractère hypothétique car tributaire des résultats de la société – Pas revenu à prendre en compte pour le calcul des indemnités journalières

 

Assuré, né en 1977, a travaillé à plein temps en tant qu’agent d’assurance depuis 2011 pour la société A.__ Sàrl (ci-après: A.__ Sàrl), dont il est associé gérant avec signature individuelle.

Par déclaration de sinistre du 19.12.2017, l’assuré a annoncé à l’assurance-accidents que le 29.11.2017, il s’était blessé au niveau de l’épaule gauche en chutant dans les escaliers ; son salaire de base était de 9000 fr. par mois, auquel s’ajoutaient des allocations familiales de 500 fr. par mois et un 13e salaire de « 9000 fr. par mois« . L’assurance-accidents a pris en charge le cas et a versé des indemnités journalières jusqu’au 19 janvier 2018 sur la base du salaire annuel maximal assuré de 148’200 fr.

Par déclaration de sinistre du 11.06.2018, l’assuré a annoncé à l’assurance-accidents avoir glissé et chuté dans sa baignoire le 22.05.2018 ; son salaire de base était de 9000 fr. par mois, auquel s’ajoutaient des allocations familiales de 500 fr. par mois et un 13e salaire de « 9000 fr. par mois« .

Selon l’extrait du compte AVS individuel produit à la demande de l’assurance-accidents, l’assuré a perçu un salaire annuel de 108’000 fr. pour les années 2015, 2016 et 2017. Le 15.08.2018, AXA a demandé à A.__ Sàrl de lui transmettre une copie des fiches de salaires remises à l’assuré pour les années 2017 et 2018, une copie de la preuve des versements des salaires à l’assuré pour la même période ainsi qu’une copie de la déclaration des salaires 2017 pour le compte de A.__ Sàrl auprès de la caisse de compensation. A.__ Sàrl a transmis à l’assurance-accidents un extrait de son relevé de compte AVS pour la période du 01.01.2018 au 17.08.2018, s’étonnant de devoir remettre des documents supplémentaires. Le 30.08.2018, l’assurance-accidents a justifié sa demande de production de documents par le fait que le salaire annuel déclaré par l’assuré dans sa déclaration de sinistre ne correspondait pas à la réalité des informations en sa possession. A.__ Sàrl a indiqué que l’assuré touchait un salaire mensuel de 9000 fr., ainsi qu’un 13e salaire de 9000 fr. et que les mentions figurant dans les déclarations d’accident concernant un 13e salaire de « 9000 fr. par mois » relevaient manifestement d’une erreur. Le 14.09.2018, A.__ Sàrl a indiqué à l’assurance-accidents qu’il convenait de se baser sur une rémunération annuelle de « 12 x 9000 fr., le 13e fai[san]t partie d’une autre sous-société de A.__ Sàrl ». L’assurance-accidents ayant demandé à l’assuré s’il avait un deuxième employeur, ce dernier a répondu que A.__ Sàrl était son seul employeur et qu’il existait une « sous-entité qui compren[ait] la même adresse et le même compte mais se différenci[ait] car elle ne fai[sai]t que du conseil et du service ».

Par décision du 26.11.2018, l’assurance-accidents a statué sur le volet LAA des sinistres des 29.11.2017 et 22.05.2018. Dans ce cadre, elle a arrêté le salaire assuré à 108’000 fr. et, pour le cas annoncé en 2018, fixé le statu quo sine au 19.06.2018 en se fondant sur l’avis de son médecin-conseil. Elle a en outre compensé le montant à restituer pour le trop-perçu en 2017 – dans le cadre duquel elle s’était basée sur le salaire déclaré de 216’000 fr., limité à 148’000 fr., en lieu et place du gain réel de 108’000 fr. – avec le montant alloué dans le cadre du sinistre de 2018.

L’assuré a fait opposition contre la décision. Par courrier du 25.01.2019, l’assurance-accidents a annoncé à l’assuré qu’elle entendait procéder à une reformatio in pejus de la décision du 26.11.2018, impliquant le refus des prestations et le remboursement des indemnités journalières payées, compte tenu des fausses déclarations de l’assuré quant au salaire qu’il avait perçu. Par décision sur opposition du 16.05.2019, l’assurance-accidents a modifié sa décision du 26.11.2018 en ce sens que le cas d’assurance était refusé pour fausse déclaration, les prestations versées devant être remboursées.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 84/19 – 114/2020 – consultable ici)

Les juges cantonaux ont retenu qu’en alléguant percevoir un salaire annuel brut permettant une indemnisation basée sur le montant maximum du gain assuré de 148’200 fr. (art. 22 al. 1 OLAA), alors même qu’il percevait en réalité un salaire de 108’000 fr., l’assuré s’était fait l’auteur d’une fausse déclaration destinée à obtenir des prestations d’assurance auquel il ne pouvait raisonnablement pas prétendre, justifiant ainsi l’application de l’art. 46 al. 2 LAA. A cet égard, la cour cantonale a retenu que les montants annoncés par l’assuré dans la déclaration d’accident, en particulier celui du 13e salaire, ne pouvaient pas être imputables à une simple erreur. En effet, le système informatique de l’assurance-accidents permettait de choisir facilement si la rémunération déclarée était mensuelle ou annuelle. La juridiction cantonale a encore retenu que l’assuré, en tant que professionnel de la branche, aurait dû être à même de remplir correctement une déclaration d’accident et se rendre compte que le montant des indemnités journalières perçues était trop élevé par rapport à ses revenus habituels. Par ailleurs, le caractère volontaire des fausses déclarations était renforcé par les variations de versions proposées et le fait que l’assuré n’avait finalement jamais perçu de 13e salaire, ce qu’il avait du reste fini par admettre après avoir vainement tenté d’apporter des explications pour le moins hasardeuses à ce sujet. Au vu de ce qui précède, la juridiction cantonale a retenu que l’assurance-accidents pouvait à juste titre refuser de prester.

Par jugement du 17.08.2020, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Selon l’art. 46 al. 2 LAA, l’assureur peut réduire de moitié toute prestation si, par suite d’un retard inexcusable dû à l’assuré ou à ses survivants, il n’a pas été avisé dans les trois mois de l’accident ou du décès de l’assuré ; il peut refuser la prestation lorsqu’une fausse déclaration d’accident lui a été remise intentionnellement.

Cette disposition vise à réprimer un comportement dolosif tendant à obtenir de l’assurance plus que ce à quoi l’on aurait droit (JEAN-MAURICE FRÉSARD/MARGIT MOSER-SZELESS, L’assurance-accidents obligatoire, in: Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Soziale Sicherheit, 3e éd., Bâle 2016, n° 594 p. 1063). L’établissement de l’intention dolosive est une question de fait, que le juge tranchera le cas échéant. L’assureur n’a pas besoin de rendre vraisemblable que la fausse déclaration a entraîné des complications importantes, ni même qu’un quelconque dommage lui a été causé (GHÉLEW/RAMELET/RITTER, Commentaire de la loi sur l’assurance-accidents [LAA], 1992, p. 176). N’importe quelle fausse déclaration contenue dans la déclaration d’accident suffit, dès lors qu’elle conduit à l’octroi de prestations d’assurance plus élevées que celles auxquelles la personne assurée aurait droit conformément à la situation effective. Tombe sous le coup de cette disposition la déclaration intentionnelle d’un salaire trop élevé, lorsque cela conduit au versement de prestations en espèces fixées sur la base d’un gain assuré trop élevé. L’assureur doit examiner une telle éventualité pour chaque prestation en particulier en respectant l’interdiction de l’arbitraire, ainsi que les principes de l’égalité de traitement et de la proportionnalité (ATF 143 V 393 consid. 6.2; arrêt 8C_68/2017 du 4 septembre 2017 consid. 4.3).

Il n’appartenait pas à l’assureur-accidents de vérifier la justesse des déclarations de l’assuré. En effet, pour que l’art. 46 al. 2, 2e phrase, LAA s’applique, une simple tromperie suffit. Il n’est pas nécessaire que cette tromperie soit astucieuse comme en matière d’escroquerie (art. 146 al. 1 CP), où l’astuce n’est pas réalisée si la dupe pouvait se protéger avec un minimum d’attention ou éviter l’erreur avec le minimum de prudence que l’on pouvait attendre d’elle (arrêt 6B_488/2020 du 3 septembre 2020, consid. 1.1; KURT PÄRLI/LAURA KUNZ in: Commentaire bâlois, Unfallversicherungsgesetz, 2019, n° 15 ad art. 46 LAA). Du reste, selon la jurisprudence, une condamnation pour escroquerie n’est pas une condition nécessaire pour faire usage de l’art. 46 al. 2 LAA (ATF 143 V 393 consid. 7.3). Or en soutenant que l’assurance-accidents aurait dû vérifier les données salariales annoncées par les recourants et remarquer elle-même qu’il y avait une erreur quant au montant du salaire annoncé, à défaut de quoi l’art. 46 al. 2, 2e phrase, LAA ne trouverait pas application en l’espèce, les recourants argumentent comme en matière d’escroquerie. Pour que l’art. 46 al. 2, 2e phrase, LAA s’applique, il n’y a pas d’exigence de prudence minimale ou de vérifications élémentaires de la part de l’assureur, ce qui ne serait pas réaliste dans le cadre d’une administration de masse. Aussi, l’argumentation des recourants qui tentent de mettre leur erreur sur le compte de l’assurance-accidents tombe à faux.

Par ailleurs, si l’on peut admettre que l’assuré ait pu se tromper une première fois dans ses déclarations parce qu’il n’avait pas prêté suffisamment attention au fait que la bande déroulante à côté de la rubrique « 13e mois » était paramétrée par défaut sur une base mensuelle et non pas annuelle, il aurait à tout le moins dû se rendre compte de son erreur au plus tard au moment de la perception des indemnités journalières. En effet, dans le décompte de prestations qu’il a reçu pour le sinistre survenu en 2017 figurait le montant du salaire annuel sur lequel était calculée l’indemnité journalière. Indépendamment du montant de celle-ci, il ne pouvait pas échapper à l’assuré, en sa qualité d’agent d’assurance, que le salaire annuel de 148’200 fr. sur la base duquel était calculée l’indemnité journalière, et qui correspondait au demeurant au montant maximum du gain assuré, était beaucoup plus élevé que le salaire de 108’000 fr. – respectivement 123’000 fr. si l’on y ajoute un 13e salaire de 9000 fr. et des allocations familiales de 500 fr. par mois – annoncé dans sa déclaration d’accident. On doit dès lors en déduire que l’assuré s’est accommodé de son « erreur », sans quoi il n’aurait pas refait la même erreur une seconde fois dans sa déclaration de sinistre de 2018.

 

En tout état de cause et quoi qu’en disent au demeurant les recourants, la déclaration d’un 13e salaire constituait déjà en soi une fausse déclaration, indépendamment d’une erreur quant à sa perception mensuelle ou annuelle, dès lors que l’assuré n’a jamais perçu de 13e salaire au cours des années 2017 et 2018, ce qu’il avait fini par admettre après avoir varié dans ses déclarations à ce sujet. En effet, dans les déclarations de sinistres de 2017 et 2018, les recourants ont annoncé un 13e salaire de 9000 fr. (par mois). Après que l’assurance-accidents eut demandé aux recourants de produire un extrait du compte individuel AVS et qu’elle eut remarqué qu’il ressortait de ce dernier que le salaire annuel de l’assuré était de 108’000 fr. (soit 9000 fr. x 12) en 2017, elle a demandé des explications. L’assuré a persisté à indiquer percevoir un 13e salaire mais a soutenu que celui-ci ne lui avait pas été versé par son employeur habituel A.__ Sàrl mais par une sous-société de ce dernier. Ce n’est que sur nouvelle demande de l’assurance-accidents que l’assuré a par la suite précisé qu’il ne s’agissait pas d’une autre société ou d’un autre employeur mais simplement d’une autre « entité » faisant partie de la même société. Ses explications à ce sujet sont toutefois sans pertinence. En effet, l’assuré a fini par admettre dans son mémoire de recours devant le Tribunal fédéral qu’il avait déclaré un 13e salaire pour les sinistres survenus en 2017 et 2018 alors qu’il s’était finalement avéré que les résultats de la société ne lui avaient pas permis de s’en octroyer un. Or si un 13e salaire n’avait pas été convenu contractuellement et n’avait qu’un caractère hypothétique car tributaire des résultats de la société A.__ Sàrl, il ne constituait pas un revenu à prendre en compte pour le calcul des indemnités journalières (cf. JEAN-MAURICE FRÉSARD/MARGIT MOSER-SZELESS, op. cit., n° 179 p. 956), ce que les recourants ne pouvaient pas ignorer.

 

Aussi, doit-on admettre qu’en annonçant un 13e salaire pour les années 2017 et 2018, et ce quel qu’en soit le montant, les recourants ont fait intentionnellement une fausse déclaration, justifiant l’application de l’art. 46 al. 2, 2e phrase, LAA.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré et de l’employeur.

 

 

Arrêt 8C_578/2020 consultable ici

 

 

Commentaire / Remarques

Une erreur peut se produire lorsque l’employeur remplit la déclaration d’accidents.

Dans une situation telle que rencontrée par l’assurance-accidents, il aurait été judicieux de demander à l’employeur, lors de la réception de la 1e déclaration d’accident, si la personne employée percevait bien un 13e salaire de CHF 9’000 par mois ou s’il s’agissait d’une erreur. Cela n’aurait toutefois pas changé l’application de l’art. 46 al. 2, 2e phrase, LAA. Dans la pratique, il arrive qu’un 13e salaire soit inséré dans la mauvaise colonne (sur déclaration papier ou électronique). Cela étant, comme cela a été relevé par les instances judiciaires, l’erreur s’est produite deux fois, pour la même composante du salaire, avant d’arriver à la conclusion que le 13e salaire est inexistant.

Toujours dans la pratique, lorsqu’un employeur constate une éventuelle erreur dans le calcul de l’indemnité journalière ou, à tout le moins, dans le versement (1 mois d’indemnité journalière [pourtant à 80% en LAA] égal ou supérieur au salaire normal de l’employé), il devrait prendre langue avec l’assureur et éclaircir la situation. Une preuve écrite (par exemple un e-mail envoyé au gestionnaire reprenant les termes de la discussion) permet de prouver l’entretien téléphonique et son contenu.

 

 

8C_40/2021 (i) du 27.05.2021 – Troubles psychiques – Causalité adéquate niée – 6 LAA / Causalité naturelle et troubles somatiques

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_40/2021 (i) du 27.05.2021

 

Consultable ici

 

Troubles psychiques – Causalité adéquate niée / 6 LAA

Causalité naturelle et troubles somatiques

 

Le 04.06.2013, assuré, né en 1980, ferronnier d’art de profession, tombe en arrière alors qu’il s’apprêtait à descendre du toit de sa maison depuis une échelle, tapant l’épaule gauche contre le rebord métallique de la terrasse de l’étage inférieur puis heurtant le sol en position assise, se cognant les lombaires.

Les examens médicaux n’ont montré aucune lésion osseuse, mais des phénomènes dégénératifs ainsi qu’une lésion d’un tendon de l’épaule gauche. Il a subi deux opérations de cette épaule. L’assurance-accidents a pris en charge l’événement.

Dans une décision, confirmée sur opposition le 03.06.2016, l’assurance-accidents a nié le lien de causalité naturelle entre les troubles lombo-vertébraux et l’accident et a constaté la stabilisation de l’affection de l’épaule gauche. Le versement des prestations a pris fin le 31.12.2015. Une IPAI de 15% a en outre été reconnu. La décision sur opposition n’a pas fait l’objet d’un recours.

Le 17.06.2019, l’assuré a annoncé une rechute de l’accident du 04.06.2013. Par décision confirmée sur opposition le 01.05.2020, l’assurance-accidents a nié le droit aux prestations pour la rechute annoncée.

 

Procédure cantonale

Le tribunal cantonal a rappelé que les hernies discales ont généralement une cause dégénérative et que ce n’est que dans des cas exceptionnels qu’un accident peut en être la cause. Dans le cas présent, il n’y a aucune preuve que l’assuré se soit plaint de symptômes cervico-brachiaux immédiatement après l’accident. Au contraire, l’assuré a lui-même déclaré que la douleur est apparue plus tard.

S’agissant des troubles lombaires, la cour cantonale a indiqué que la décision sur opposition du 03.06.2016 avait déjà statué définitivement sur cette question et exclu les motifs de révision ou de reconsidération.

Quant aux troubles psychiques, les juges cantonaux ont laissé ouverte la question de la causalité naturelle : après avoir qualifié l’accident du 04.06.2013 comme accident moyen stricto sensu, le lien de causalité adéquate a été nié, le nombre de critères requis par la jurisprudence n’étant pas atteint.

S’agissant d’un éventuel droit à une rente d’invalidité, le tribunal cantonal a constaté un degré d’invalidité arrondi à 2%.

Par jugement du 14.12.2020, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Bien qu’il y ait eu un certain caractère spectaculaire, ce qui est inhérent à tout accident, on ne peut donc pas conclure que l’assuré a été victime d’un accident grave, car il n’a pas subi de graves lésions (pour la casuistique des accidents graves, cf. ALEXANDRA RUMO-JUNGO/ANDRÉ P. HOLZER, Bundesgesetz über die Unfallversicherung, 2012, p. 62 ss et les références).

Contrairement à l’opinion de l’assuré, il n’y a pas de contradiction dans l’arrêt cantonal. En tout état de cause, le fait qu’un trouble soit apparu après un accident ne suffit toujours pas à conclure à l’existence d’un lien de causalité (ATF 119 V 335 consid. 2b/bb ; cf. également l’arrêt 8C_16/2014 du 3 novembre 2014 consid. 4.2 et la référence).

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_40/2021 consultable ici

Proposition de citation : 8C_40/2021 (i) du 27.05.2021 – Troubles psychiques – Causalité adéquate niée – Causalité naturelle et troubles somatiques, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2021/07/8c_40-2021)