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8C_598/2024 (f) du 19.05.2025 – Violation du droit d’être entendu en instance cantonale / Preuve nouvelle (envoi d’une clé USB) autorisée par le TF – 99 LTF

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_598/2024 (f) du 19.05.2025

 

Consultable ici

 

Violation du droit d’être entendu en instance cantonale

Preuve nouvelle (envoi d’une clé USB) autorisée par le TF / 99 LTF

 

Résumé
Le Tribunal fédéral a admis le recours d’une société contre l’arrêt cantonal, en raison d’une violation de son droit d’être entendu. La juridiction cantonale ne lui avait transmis qu’une partie du dossier de la CNA, bien que celle-ci se soit fondée sur des pièces issues de deux dossiers distincts pour statuer. Ce vice procédural, qui ne peut être réparé en instance fédérale, entraîne l’annulation de la décision attaquée et le renvoi de la cause à l’autorité précédente pour nouvelle décision.

 

Faits
B.__ a informé la CNA avoir créé le 01.11.2019 une entreprise active dans l’agencement et la menuiserie sous la raison sociale C.__. Il a rempli un formulaire, reçu par la CNA le 15.11.2021, pour déterminer sa situation en matière d’assurances sociales. Le 09.11.2022, la CNA a été informée que la société A.__ SA avait un sous-traitant en attente de validation de statut. Le 01.12.2022, elle a indiqué que l’activité de B.__ pouvait être reconnue comme indépendante, excluant ainsi une assurance obligatoire contre les accidents. Après réexamen, elle a précisé le 07.02.2023 qu’il présentait un double statut : indépendant pour les travaux réalisés en son nom et pour son propre compte, dépendant lorsqu’il intervenait comme sous-traitant ou pour le compte d’une entreprise de prêt de personnel.

Le 01.03.2023, la CNA a informé A.__ SA qu’elle considérait que B.__ exerçait une activité dépendante à son égard et lui a demandé les montants versés à ce dernier pour les années 2020 à 2022. Le 02.03.2023, la société a transmis une liste de factures établies par B.__, pour un montant total de 255’020 francs. Le 12.05.2023, la CNA a adressé des factures de primes définitives pour la période du 01.01.2020 au 31.12.2022.

Le 17 mai 2023, A.__ SA a formé opposition contre cette décision. Le 18.07.2023, elle a répondu aux questions de la CNA sur sa collaboration avec B.__. Par décision sur opposition du 13.11.2023, la CNA a rejeté l’opposition, estimant que l’intéressé ne remplissait pas les critères pour une activité lucrative indépendante en ce qui concernait son activité de menuiserie pour elle.

Procédure cantonale (arrêt ATAS/679/2024 – consultable ici)

Le 14.12.2023, A.__ SA a recouru contre la décision sur opposition, en sollicitant préalablement l’appel en cause de B.__.

Par courrier du 18.12.2023, la cour cantonale a transmis une copie du recours à la CNA, en lui demandant de faire parvenir sa réponse ainsi que le dossier en version papier et électronique. La CNA a conclu au rejet du recours et a produit les dossiers de A.__ SA (n° yyy) et de C.__ (n° xxx). La cour a invité la recourante à déposer sa réplique d’ici au 7 février 2024 et l’a informée qu’elle pouvait consulter le dossier au greffe ou demander l’envoi d’une version sur CD-Rom. Le 18.01.2024, la cour a envoyé à la recourante le CD-Rom des pièces de la partie intimée, avec prière de le lui retourner sous pli recommandé. Le 19.01.2024, A.__ SA a retourné le CD-Rom original. Dans sa réplique du 07.02.2024, elle a réitéré sa demande d’appel en cause de B.__ et requis que la CNA produise les pièces du dossier n° xxx.

La cour cantonale a appelé en cause B.__ en lui impartissant un délai au 01.03.2024 pour se déterminer, ce qu’il n’a pas fait. Par arrêt du 04.09.2024, la cour a rejeté le recours.

 

TF

Consid. 2
Le litige porte sur la qualification – salariée ou indépendante – de l’activité exercée par B.__ à l’égard de A.__ SA entre le 01.01.2020 et le 31.12.2022. La question litigieuse n’ayant pas comme telle pour objet l’octroi ou le refus de prestations d’assurance, le Tribunal fédéral est lié par les faits établis par l’autorité précédente (art. 97 al. 2 et 105 al. 3 LTF a contrario; art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s’en écarter que si ces faits ont été établis en violation du droit au sens de l’art. 95 LTF ou de manière manifestement inexacte (art. 105 al. 2 LTF), à savoir arbitraire (ATF 149 II 337 consid. 2.3; 148 V 366 consid. 3.3; 145 V 188 consid. 2). Par ailleurs, à teneur de l’art. 99 LTF, aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l’autorité précédente.

Consid. 3.2
La clé USB produite par la recourante constitue une pièce nouvelle que la recourante est exceptionnellement autorisée à produire pour la première fois devant le Tribunal fédéral dans la mesure où elle tend à prouver l’inexactitude d’un fait retenu dans l’arrêt attaqué et à établir la violation de son droit d’être entendu (cf. GRÉGORY BOVEY, in : Commentaire de la LTF, 3e éd. 2022, n° 26 ad art. 99 LTF).

Dans sa réponse au recours en matière de droit public, la CNA fait valoir que le dossier concernant B.__ (dossier n° xxx) a bel et bien été versé au format papier et électronique. Il n’y a aucune raison de mettre en doute cette allégation, d’autant moins que dans les pièces transmises par la juridiction cantonale au Tribunal fédéral figurent deux dossiers de la CNA (n° yyy et n° xxx), tant au format papier qu’au format électronique. Il s’agit en réalité de deux classeurs distincts, contenant chacun un CD-Rom. Le dossier complet de la cause contenait par conséquent deux dossiers, respectivement deux CD-Rom, l’un ayant pour référence le n° yyy et l’autre le n° xxx.

Or, pour une raison inexpliquée, la cour cantonale n’a transmis que le dossier n° yyy à la recourante, comme en atteste son courrier du 18.01.2024 adressé à la recourante, dans lequel elle indiquait lui remettre « le CD-Rom ». Il ressort pourtant clairement de la réplique de la recourante, en procédure cantonale, que celle-ci n’avait pas pu consulter le dossier n° xxx. Contrairement à ce qu’ont retenu les juges cantonaux, une éventuelle violation du droit d’être entendu de la recourante par l’intimée n’a pas pu être guérie par la production du dossier complet en procédure cantonale, une partie de ce dossier n’ayant pas été transmise à la recourante, en dépit de la demande présentée dans ce sens par celle-ci. En procédant ainsi, la juridiction cantonale a elle-même commis une violation du droit d’être entendu. Ce vice ne pouvant pas être réparé devant le Tribunal fédéral (cf. ATF 142 II 218 consid. 2.8; 137 I 195 consid. 2.7), il entraîne l’annulation de la décision attaquée indépendamment des chances de succès du recours sur le fond (ATF 148 IV 22 consid. 5.5.2; 144 I 11 consid. 5.3).

 

Le TF admet le recours.

 

Arrêt 8C_598/2024 consultable ici

 

 

 

8C_82/2020 (f) du 12.03.2021 – Décompte d’indemnités journalières LAA – Décision non formelle – Effets du décompte entré en force de chose décidée / Demande de reconsidération rejetée

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_82/2020 (f) du 12.03.2021

 

Consultable ici

 

Décompte d’indemnités journalières LAA – Décision non formelle – Effets du décompte entré en force de chose décidée / 51 LPGA – 124 OLAA

Reconsidération d’une décision non formelle entrée en force

 

Résumé
L’assuré, administrateur unique et seul employé de sa société, a contesté après son accident de 2009 le montant de l’indemnité journalière fixé à 87 fr. 70 par l’assurance-accidents, invoquant une convention –
en application de l’art. 22 al. 2 let. c OLAA – postérieure prévoyant un gain assuré de 96’000 fr. Le Tribunal fédéral a confirmé que cette communication et le décompte d’indemnités journalières initial, valablement rendus selon la procédure simplifiée de l’art. 51 al. 1 LPGA, étaient entrés en force de chose décidée, faute de contestation dans le délai de 90 jours. Il a jugé que la demande ultérieure ne constituait ni une demande claire de reconsidération ni un motif de révision au sens de l’art. 53 LPGA. Le recours a donc été rejeté.

 

Faits
Fin 2008, A.__ (l’assuré), né en 1950 et ingénieur de profession, a repris l’entreprise B.__ SA, dont il a modifié la raison sociale en C.__ SA, devenant son administrateur unique et seul employé. Le 13.06.2009, il a subi un accident de la circulation ayant nécessité un traitement médical et entraîné une incapacité de travail. L’accident a été annoncé à l’assurance-accidents, qui a pris le cas en charge. La déclaration d’accident mentionnait un salaire annuel de 40’000 fr., avec la précision « salaire à déterminer depuis le 01.01.2009 » et la mention « Membre de la famille, associé(e) » sous la rubrique « Cas spéciaux ». Lors d’un entretien le 27.08.2009, il a remis à un inspecteur une attestation destinée à la caisse AVS indiquant une masse salariale annuelle prévue de 40’000 fr. pour 2009. Par courrier du 19.10.2009 (intitulée « Décision relative à l’accident non professionnel du 13.6.09 »), l’assurance-accidents lui a octroyé une indemnité journalière de 87 fr. 70 dès le 16.06.2009.

En mai 2011, l’assurance-accidents a recalculé les primes d’assurance pour C.__ SA. Par convention du 10.05.2011, le gain assuré de l’assuré a été fixé à 96’000 fr. dès le 01.01.2011, en application de l’art. 22 al. 2 let. c OLAA.

Par lettre du 07.06.2011, l’assuré a confirmé un accord sur une incapacité de travail de 70% dès le 01.12.2009 et a sollicité un décompte récapitulatif des indemnités journalières, demandant aussi une révision du montant de ces indemnités à hauteur de 210 fr. 40 sur la base d’un salaire de 96’000 fr. Le décompte récapitulatif a été transmis le 09.06.2011. S’agissant du deuxième point soulevé, l’assurance-accidents a demandé le 28.02.2012 des documents complémentaires pour évaluer la plausibilité du revenu invoqué. Par lettre du 12.03.2012, l’assuré a précisé qu’il invoquait l’application de la dérogation prévue par l’art. 22 al. 2 let. c OLAA. Il a finalement transmis les documents requis et, dans une lettre du 22.08.2014, a réitéré sa demande de correction à la hausse des indemnités journalières.

Par décision du 19.11.2014, l’assurance-accidents a mis fin aux prestations au 13.07.2014, estimant par ailleurs que la vraisemblance d’une augmentation de revenus n’était pas établie, notamment à la lumière de l’extrait du compte AVS individuel, et que la convention sur une nouvelle base de perception ne changeait rien pour les cas passés. L’assuré a formé opposition. Dans une lettre du 30.01.2015, l’assurance-accidents a justifié son refus en invoquant l’art. 23 al. 7 OLAA, que l’assuré a considéré comme inapplicable, estimant que le litige portait sur l’art. 22 al. 2 let. c OLAA. Le 02.06.2017, l’assurance-accidents a confirmé sa décision en circonscrivant le litige à l’application avec effet ex tunc de cette dernière disposition et a rejeté l’opposition dans la mesure de sa recevabilité.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 85/17 – 159/2019 – consultable ici)

Par jugement du 06.12.2019, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3.1
En vertu de l’art. 51 al. 1 LPGA, les prestations, créances et injonctions qui ne sont pas visées à l’art. 49 al. 1 de cette loi, peuvent être traitées selon une procédure simplifiée. Tel est le cas des indemnités journalières (art. 124 OLAA a contrario; ATF 138 V 140 consid. 5.3.3 p. 144). Une communication effectuée conformément au droit sous la forme simplifiée de l’art. 51 al. 1 LPGA peut produire les mêmes effets qu’une décision entrée en force si l’assuré n’a pas, dans un délai d’examen et de réflexion convenable, manifesté son désaccord avec la solution adoptée par l’assureur social et exprimé sa volonté que celui-ci statue sur ses droits dans un acte administratif susceptible de recours (cf. ATF 134 V 145 consid. 5.2 p. 150 s.; 129 V 110 consid. 1.2.2 p. 111). En matière d’indemnités journalières, la jurisprudence du Tribunal fédéral a fixé le délai d’examen et de réflexion convenable à 3 mois ou 90 jours à compter de la communication d’un décompte d’indemnités journalières (SVR 2007 AlV n° 24 p. 75, consid. 3.2 [arrêt C 119/06 du 24 avril 2007]; arrêt 8C_14/2011 du 13 avril 2011, consid. 5).

Consid. 3.2
Les décisions et les décisions sur opposition formellement passées en force sont soumises à révision si l’assuré ou l’assureur découvre subséquemment des faits nouveaux importants ou trouve des nouveaux moyens de preuve qui ne pouvaient pas être produits auparavant (révision procédurale; art. 53 al. 1 LPGA). Par ailleurs, l’assureur peut revenir sur les décisions ou les décisions sur opposition formellement passées en force lorsqu’elles sont manifestement erronées et que leur rectification revêt une importance notable (reconsidération; art. 53 al. 2 LPGA). Cela vaut aussi pour les prestations qui ont été accordées sans avoir fait l’objet d’une décision formelle, mais d’une décision implicite prise dans le cadre d’une procédure simplifiée au sens de l’art. 51 al. 1 LPGA (cf. arrêt 8C_434/2011 du 8 décembre 2011 consid. 3 et les références).

Consid. 4.1 [résumé]
La cour cantonale a confirmé que la communication du 19.10.2009, fixant l’indemnité journalière à 87 fr. 70, avait été valablement rendue selon la procédure simplifiée de l’art. 51 al. 1 LPGA et était entrée en force, l’assuré ne l’ayant pas contestée dans le délai de réflexion de trois mois. Elle a rejeté l’argument selon lequel le décompte récapitulatif du 09.06.2011, établi à la demande de l’assuré et intégrant une modification du taux d’incapacité de travail, aurait remplacé les précédentes communications. La communication initiale ne pouvait donc être remise en cause que par une révision ou une reconsidération au sens de l’art. 53 LPGA. Constatant que l’assuré avait requis, par courrier du 07.06.2011, une adaptation du montant des prestations fondée sur la convention du 10.05.2011, les juges cantonaux ont examiné cette requête sous l’angle de l’art. 53 al. 1 LPGA et ont nié l’existence de motifs de révision.

Consid. 5.1
Selon la jurisprudence, l’administration n’est pas tenue de reconsidérer les décisions qui remplissent les conditions fixées; elle en a simplement la faculté et ni l’assuré ni le juge ne peuvent l’y contraindre (ATF 133 V 50 consid. 4.1 p. 52; 119 V 475 consid. 1b/cc p. 479; 117 V 8 consid. 2a p. 12 s.; arrêt 8C_866/2009 du 27 avril 2010 consid. 2.2). Cependant, lorsque l’administration entre en matière sur une demande de reconsidération et examine si les conditions requises sont remplies, avant de statuer au fond par une nouvelle décision de refus, celle-ci est susceptible d’être attaquée en justice; le contrôle juridictionnel dans la procédure de recours subséquente se limite alors au point de savoir si les conditions d’une reconsidération – à savoir inexactitude manifeste de la décision initiale et importance notable de la rectification – sont réunies (ATF 119 V 475 consid. 1b/cc p. 479; 117 V 8 consid. 2a p. 13; 116 V 62 consid. 3a p. 63; arrêt 8C_789/2012 du 16 septembre 2013 consid. 4.4.1).

Consid. 5.2
En l’occurrence, à l’inverse de ce que prétend l’assuré, ses références à la règle dérogatoire de l’art. 22 al. 2 let. c OLAA et à la convention du 10.05.2011 dans son courrier du 07.06.2011 ne permettent nullement de se faire une idée claire du cadre juridique dans lequel s’inscrivait sa requête visant à « revoir » le montant des indemnités journalières ni du moment à partir duquel il convenait de « porter [ce montant] à CHF 210.40 ».

En tant que l’assuré, qui était déjà à l’époque représenté par un mandataire professionnel, s’est prévalu de la convention portant le gain assuré à 96’000 fr. à partir du 01.01.2011, l’assurance-accidents a interprété sa démarche comme une demande d’adaptation du montant des prestations pour l’avenir et non pas comme une demande de reconsidération de sa décision informelle du 19.10.2009. Les mots qu’elle a employés dans sa réponse du 28.02.2012 (« Votre client demande, dès le 1.1.2011, une adaptation du salaire assuré à Fr. 96’000.-« ), ainsi que les questions auxquelles elle l’a invité à répondre – dont celle de savoir si l’assuré avait augmenté ses activités et comment il pouvait prétendre un salaire annuel de 96’000 fr. en dépit de son incapacité de travail résultant de l’accident -, ne pouvaient pas être compris autrement par l’assuré. Or ce dernier s’est contenté d’exprimer son étonnement et de réitérer sa demande dans les mêmes termes que précédemment. Par décision du 19.11.2014, l’assurance-accidents, après examen des documents fournis, a refusé de donner suite à la requête de l’assuré, considérant qu’il n’avait pas rendu plausible une augmentation de son salaire déterminant à partir du 01.01.2011. C’est en vain que l’assuré tente de donner une autre portée à cette décision. Sur opposition de celui-ci, l’assurance-accidents a expressément refusé d’entrer en matière sur une reconsidération de sa communication informelle du 19.10.2009, et la cour cantonale ne pouvait pas l’y contraindre (cf. consid. 5.1 supra).

Consid. 5.3
L’assuré ne saurait par ailleurs être suivi lorsqu’il prétend que la force de chose décidée de cette communication serait limitée à la période du 16.06.2009 au 13.07.2009. Comme on l’a dit plus haut (consid. 3.1 supra), à l’échéance du délai de réflexion de 90 jours, la communication d’un décompte d’indemnités journalières non contesté produit les mêmes effets qu’une décision entrée en force, étant précisé que l’entrée en force s’étend également au montant du gain assuré figurant sur le décompte de prestations (arrêt C 7/02 du 14 juillet 2003 consid. 3). Dans la mesure où l’assuré entend, par sa requête du 07.06.2011, remettre en cause la force de chose décidée du décompte initial quant au gain assuré en contestant les décomptes ultérieurs à partir du 01.03.2011, il doit pouvoir se prévaloir d’un titre de révocation. Or l’assurance-accidents lui a signifié son refus d’entrer en matière sur une reconsidération de la communication du 19.10.2009 pour toute la période du droit aux prestations fondées sur l’accident du 13.06.2009.

Consid. 5.4
Il s’ensuit que le jugement n’est pas critiquable et que le recours se révèle mal fondé.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 8C_82/2020 consultable ici

 

 

 

8C_437/2024 (d) du 21.05.2025 – Négligence grave – Causalité naturelle et adéquate entre la faute et l’accident et ses conséquences

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_437/2024 (d) du 21.05.2025

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle, seul l’arrêt fait foi

 

Négligence grave – Causalité naturelle et adéquate entre la faute et l’accident et ses conséquences / 37 al. 2 LAA

Collision camion-vélo électrique – Non-respect du cédez-le-passage par le cycliste et excès de vitesse (+8 km/h) du camion

 

Résumé
Le Tribunal fédéral a admis le recours d’un assureur qui avait réduit de 10% les indemnités journalières versées à un assuré, grièvement blessé lors d’une collision avec un camion, au motif que ce dernier avait, en tant que cycliste, violé les règles de priorité à un passage signalé. Il a considéré que la faute grave de l’assuré, consistant à ne pas avoir cédé le passage au camion prioritaire malgré une signalisation explicite, constituait une cause naturelle et adéquate de l’accident. Il a par ailleurs jugé que les manquements du conducteur du camion, bien que réels, ne revêtaient pas une intensité suffisante pour rompre le lien de causalité adéquate, et que la réduction des prestations au sens de l’art. 37 al. 2 LAA était dès lors justifiée.

 

Faits
Assuré, né en 2004, engagé depuis le 01.08.2020 en tant qu’assistant en soins et santé communautaire en formation (AFP). Le 18.11.2021 matin, en se rendant au travail avec un cyclomoteur léger (vélo électrique), il circulait sur la piste cyclable et piétonne parallèle à la route C.__. Un camion remorque roulait dans la même direction. À hauteur du site de l’entreprise D.__ AG, la piste cyclable et piétonne se terminent devant un passage piéton qui traverse la route C.__. La piste cyclable se poursuit ensuite en direction de la ville de W.__, séparée de la chaussée et située sur le côté gauche de la route dans le sens de la circulation vers W.__. La fin de la piste cyclable au niveau du passage piéton est signalée et marquée par un marquage au sol « Cédez le passage ». Lorsqu’il a traversé la route C.__, une collision s’est produite avec le camion, à la suite de quoi l’assuré a été projeté et a atterri à environ 26 mètres du point d’impact, sur une surface herbeuse. L’assuré a été grièvement blessé, souffrant d’un polytraumatisme. Le vélo électrique a été écrasé par les roues droites du camion avant la fin de la trace de freinage.

L’assurance-accidents a réduit les indemnités journalières de 10% pour faute grave.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 12.06.2024, admission du recours par le tribunal cantonal, annulant la décision sur opposition.

 

TF

Consid. 3.1
Le tribunal cantonal a correctement exposé la disposition de l’art. 37 al. 2 LAA relative à la réduction des prestations en cas de négligence grave et la jurisprudence y relative (cf. ATF 138 V 522 consid. 5.2 ; 118 V 305 consid. 2b ; arrêt 8C_9/2023 du 10 mai 2023 consid. 3.3 et les références).

Consid. 3.2
Une réduction des prestations suppose un lien de causalité naturelle et adéquate entre le comportement gravement fautif et l’événement accidentel ainsi que ses conséquences (cf. ATF 126 V 353 consid. 5c ; 121 V 48 consid. 2c et les références ; cf. également SVR 2013 UV n° 34 p. 120, 8C_263/2013 consid. 4.3 avec d’autres références).

Consid. 3.2.1
Il y a un lien de causalité naturelle lorsque le comportement dommageable constitue une condition nécessaire (condicio sine qua non) à la survenance du dommage, c’est-à-dire que l’on ne peut écarter le comportement en question sans que le résultat survenu ne disparaisse également (ATF 143 II 661 consid. 5.1.1 et les références ; cf. également ATF 142 V 435 consid. 1 avec d’autres références).

Consid. 3.2.2
Il y a un lien de causalité adéquate lorsqu’une circonstance constitue non seulement une condition sine qua non du dommage, mais est également si, d’après le cours ordinaire des choses et l’expérience de la vie, le fait considéré était propre à entraîner un effet du genre de celui qui s’est produit, la survenance de ce résultat paraissant de manière générale favorisée par une telle circonstance (ATF 143 II 661 consid. 5.1.2 ; 139 V 176 consid. 8.4.2 ; 129 V 177 consid. 3.2 ; arrêt 4A_275/2013 du 30 octobre 2013 consid. 5).

Pour admettre le lien de causalité adéquate, il suffit que le comportement gravement fautif de la personne assurée constitue une cause essentielle. Il est en principe sans importance que d’autres circonstances aient également contribué à la réalisation du dommage. Une éventuelle faute d’un tiers n’est donc pas à prendre en compte, sauf si elle revêt une importance causale si intense que le lien de causalité entre la faute de l’assuré et l’accident ou ses conséquences ne paraît plus adéquat (SVR 2003 UV n° 3 p. 7, U 195/01 consid. 4a/bb ; SZS 1986 p. 249, U 91/84 consid. 3c, chacun avec références ; arrêt 8C_9/2023 du 10 mai 2023 consid. 5.5.2 avec références).

Consid. 4 [résumé]
Le tribunal cantonal a retenu qu’il était incontestable tant pour le conducteur du camion, habitué du trajet, que pour l’assuré, qui parcourait quotidiennement depuis près d’un an le même itinéraire à vélo électrique, que tous deux connaissaient parfaitement les conditions locales du lieu de l’accident. L’instance cantonale a constaté que l’assuré, en sa qualité de conducteur de vélo électrique utilisant la piste cyclable, était tenu de céder la priorité avant de s’engager sur la route C.__. Les données du compteur de vélo faisaient état d’une vitesse moyenne de 20 km/h, tandis que l’assuré estimait être à environ 25 km/h au moment des faits.

Selon l’ordonnance pénale du ministère public du 08.11.2022, entrée en force et non contestée, le tachygraphe du camion a enregistré, huit secondes avant l’arrêt du véhicule, un dépassement de la vitesse maximale autorisée de 60 km/h de 8 km/h, après déduction de la marge de sécurité. L’unique témoin, qui suivait le camion, a seulement pu confirmer le déclenchement d’un freinage d’urgence par le camion qui la précédait, sans pouvoir fournir d’indications sur la collision en elle-même. Eu égard aux conséquences de l’accident pour l’assuré, le ministère public avait laissé ouverte, dans sa décision de non-entrée en matière du 18.02.2022, la question de savoir si l’assuré avait commis une infraction au code de la route en omettant de céder la priorité avec son vélo électrique à l’embranchement de la piste cyclable sur une route prioritaire.

Consid. 6.1 [résumé]
En matière d’assurances sociales, s’appliquent le principe d’instruction ainsi que celui de la libre appréciation des preuves (art. 43 al. 1 et art. 61 let. c LPGA ; SVR 2020 UV n° 22 p. 85, 8C_538/2019 consid. 2.3 s. et les références ; arrêt 8C_534/2024 du 13 mars 2025 consid. 2.2 in fine). Le tribunal cantonal était dès lors tenu, avec la collaboration des parties, d’établir les faits pertinents en droit (art. 61 let. c LPGA). Dans les procédures en matière de sécurité sociale, les parties ne supportent en règle générale le fardeau de la preuve que dans la mesure où, en cas d’absence de preuve, la décision est rendue au détriment de la partie qui entendait tirer des droits des faits restés non prouvés. Cette règle en matière de preuve ne s’applique toutefois que s’il s’avère impossible, dans le cadre de la maxime inquisitoire et au terme d’une appréciation des preuves, d’établir un état de fait qui présente au moins une vraisemblance de correspondre à la réalité (ATF 138 V 218 consid. 6 et les références ; SVR 2022 UV n° 41 p. 161, 8C_457/2021 consid. 3.4 et la référence).

Consid. 6.2 [résumé]
Contrairement à l’instance cantonale, la question du lien de causalité naturelle entre le comportement de l’assuré et l’accident ne peut être laissée ouverte en lien avec l’application de l’art. 37 al. 2 LAA. Les faits constatés par l’instance cantonale ne sont pas contestés par l’assurance-accidents sur ce point, de sorte que le Tribunal fédéral peut compléter lui-même la conclusion qui fait défaut (cf. ATF 143 V 177 consid. 4.3 avec références).

L’assuré maintient avoir eu la priorité sur le camion, argument déjà rejeté à juste titre par la juridiction cantonale, et il n’est ni allégué ni prouvé qu’il se serait arrêté à la fin de la piste cyclable pour traverser la route à pied, en poussant son vélo. Au contraire, il ressort du jugement cantonal que le vélo électrique circulait à une vitesse moyenne de 20 km/h. Selon le rapport de police, le conducteur du camion a déclaré, lors de l’appel d’urgence, qu’un cycliste était venu heurter le flanc de son véhicule. Selon l’ordonnance pénale, le conducteur du camion aurait dû envisager la possibilité que le cycliste ne se comporte pas correctement.

Les faits ne permettent aucune autre conclusion que celle selon laquelle l’assuré, au moment de traverser la route C.__ à la fin de la piste cyclable, en dépit de la signalisation de fin de piste cyclable et de la marque au sol supplémentaire « Cédez le passage », n’a pas cédé la priorité au camion sans motif d’exonération et a ainsi causé l’accident par faute grave.

Il est dès lors établi que la violation de la priorité constitue la condition sine qua non de l’accident, si bien que le lien de causalité naturelle doit être admis. Si l’assuré avait cédé la priorité, l’accident ne se serait pas produit. Ce manquement à l’obligation de céder le passage constitue une violation d’une règle élémentaire de la circulation routière, justifiant, selon la jurisprudence, une réduction pour faute grave au sens de l’art. 37 al. 2 LAA (ATF 121 V 40 consid. 3b et les références ; cf. également ATF 138 V 552 consid. 5.2.1 et la référence). Aucun motif d’exonération subjectif ou objectif pertinent n’est identifiable ni invoqué (arrêt 8C_9/2023 du 10 mai 2023 consid. 3.3 in fine et les références).

Consid. 6.3.1
Il y a une interruption du rapport de causalité adéquate si une cause en soi adéquate s’ajoute une cause concomitante dont l’effet est d’une telle intensité que la première ne paraît plus juridiquement pertinente. Ce qui est déterminant, c’est l’intensité des deux causes (ATF 130 III 182 consid. 5.4 et les références). Le comportement d’un tiers ne peut interrompre le lien de causalité que si cette cause supplémentaire s’écarte à ce point du cours ordinaire des choses, tellement insensée, qu’on ne pouvait raisonnablement s’y attendre (cf. ATF 143 III 242 consid. 3.7 et les références ; 142 IV 237 consid. 1.5.2 et les références).

Consid. 6.3.2
Tout d’abord, il ne fait aucun doute que le refus de priorité, commis par négligence grave, de l’assuré était, selon le cours ordinaire des choses et l’expérience générale de la vie, susceptible d’entraîner une collision avec le camion prioritaire et les conséquences accidentelles sur la santé qui en ont résulté. Contrairement à l’avis de l’instance cantonale, il n’apparaît pas que ce comportement gravement négligent de l’assuré, qui est en lien de causalité adéquate, ne serait plus juridiquement pertinent par rapport à la faute incontestée du conducteur du camion, telle qu’elle ressort de l’ordonnance pénale du 08.11.2022. Ni le jugement attaqué ni l’ordonnance pénale ne permettent de conclure qu’en cas de respect des règles de circulation par le conducteur du camion, la collision avec le vélo électrique – malgré le refus de priorité de l’assuré – aurait été exclue et que le lien de causalité naturelle aurait donc dû être nié.

La juridiction précédente ne prétend d’ailleurs pas, à juste titre, que le conducteur du camion aurait été tenu, malgré la vitesse maximale autorisée à 60 km/h, de céder en tout état de cause la priorité au cycliste non prioritaire à l’endroit de l’accident et, si nécessaire, de freiner jusqu’à l’arrêt complet afin d’exclure avec certitude toute collision avec ce dernier, qui aurait pu enfreindre le code de la route. Au contraire, la cour cantonale a constaté, à juste titre, que, compte tenu des conséquences de l’infraction, le ministère public avait renoncé à établir les faits quant à une éventuelle faute pénale de l’assuré. Il est toutefois établi (consid. 6.2 supra) que ce dernier n’a pas cédé la priorité au camion par négligence grave, sans motif apparent, ce qui constitue une condition sine qua non de l’accident. Dans ces circonstances, le comportement du conducteur du camion – contrairement à l’avis de la cour cantonale – ne revêt en tout état de cause pas l’importance d’une cause concomitante rompant le lien de causalité adéquate, qui serait à ce point en dehors du cours ordinaire des choses qu’elle n’était pas prévisible (cf. consid. 6.3.1 supra).

Consid. 6.3.3
Dans la mesure où la juridiction cantonale a tenté de fonder sa position sur le raisonnement subsidiaire de l’arrêt 8C_9/2023 du 10 mai 2023 consid. 5.5.2, elle semble avoir perdu de vue que la faute d’un tiers est en principe sans pertinence pour l’appréciation du caractère adéquat du lien de causalité (cf. consid. 3.2.2 supra), sauf si cette cause supplémentaire se situe à ce point en dehors du cours ordinaire des choses qu’on ne pouvait raisonnablement s’y attendre (cf. ATF 143 III 242 consid. 3.7 ; 142 IV 237 consid. 1.5.2, chacun avec références). Une telle exception ne peut toutefois être admise que si la faute d’un tiers revêt une importance causale si intense que le lien de causalité entre la faute de l’assuré et l’accident ou ses conséquences ne paraît plus adéquat (cf. arrêt 8C_9/2023 du 10 mai 2023 consid. 5.5.2).

Dans l’arrêt précité, le Tribunal fédéral avait à se prononcer sur un cas dans lequel un cycliste était entré en collision frontale avec une voiture à une intersection. Avant l’accident, le cycliste avait enfreint plusieurs règles de circulation, en particulier le droit de priorité de l’automobiliste impliquée dans l’accident (cf. arrêt 8C_9/2023 du 10 mai 2023 consid. 4.1). Le Tribunal fédéral est parvenu à la conclusion que même si l’on supposait que la conductrice de la voiture avait la priorité, sa faute ne pouvait être considérée comme suffisamment grave pour rendre le comportement fautif du cycliste insignifiant (arrêt 8C_9/2023 du 10 mai 2023 consid. 5.5.3). Ainsi, même la violation du droit de priorité par l’automobiliste ne revêtait pas une importance causale suffisante pour interrompre le lien de causalité adéquate (cf. consid. 3.2.2 supra).

Les infractions aux règles de la circulation commises par le conducteur du camion (léger dépassement de la vitesse maximale autorisée de 60 km/h de 8 km/h, attention insuffisante et champ de vision depuis la cabine de conduite non conforme aux prescriptions légales) ne sont pas, comparées à la cause naturelle et adéquate de l’accident constituée par le refus de priorité de l’assuré, d’une gravité telle que le refus de priorité du cycliste ne devrait plus être pris en compte juridiquement.

Consid. 6.3.4 [résumé]
En résumé, la juridiction cantonale a violé le droit fédéral en attribuant à la faute d’un tiers – en l’occurrence celle du conducteur du camion – une portée propre à interrompre le lien de causalité adéquate entre le refus de priorité de l’assuré et sa collision avec le camion. Le recours est fondé et doit par conséquent être admis. Le jugement cantonal est annulé, la réduction de 10% de l’indemnité journalière pour faute grave est maintenue.

 

Le TF admet le recours de l’assurance-accidents.

 

Arrêt 8C_437/2024 consultable ici

 

Proposition de citation : 8C_437/2024 (d) du 21.05.2025, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2025/07/8c_437-2024)

 

8C_730/2024 (f) du 28.04.2025 – Revenu d’invalide selon ESS – Niveau de compétence 2 / Revenu sans invalidité d’un directeur d’une Sàrl – Pas de prise en compte des bénéfices de la Sàrl non distribués ou versés comme dividendes

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_730/2024 (f) du 28.04.2025

 

Consultable ici

 

Revenu d’invalide selon ESS – Niveau de compétence 2 / 16 LPGA

Revenu sans invalidité d’un directeur d’une Sàrl – Revenus figurant dans l’extrait du compte individuel / 16 LPGA

Pas de prise en compte des bénéfices de la Sàrl non distribués ou versés comme dividendes

 

Résumé
Le revenu d’invalide a été fixé sur la base des données de l’ESS, niveau de compétence 2, compte tenu du parcours professionnel de l’assuré, de son expérience et des tâches assumées, qui excédaient des activités purement manuelles simples. Le revenu sans invalidité de ce directeur de Sàrl (avec le 19/20e des parts au moment de l’accident) a quant à lui été déterminé à partir de la moyenne des revenus soumis à cotisation AVS figurant dans l’extrait du compte individuel pour les années 2010 à 2014, indexée à 2018, en excluant les années atypiques. A l’instar de la cour cantonale, le Tribunal fédéral a considéré que seuls les montants effectivement versés à l’assuré et soumis à cotisation pouvaient être pris en compte, à l’exclusion des bénéfices non distribués ou versés comme dividendes, en l’absence de preuve concrète d’une perception effective.

 

Faits
Assuré, né en 1971, est directeur et employé de la société B.__ Sàrl, qu’il a fondée en 2007 et détenait 19 parts du capital social sur 20 ; il est devenu l’unique associé gérant en novembre 2023 après avoir acquis la dernière part du capital social.

Le 20.09.2013, il a subi une chute sur un chantier, entraînant une incapacité totale de travail. Le spécialiste en rhumatologie consulté a diagnostiqué une entorse cervico-dorsale ainsi que des douleurs post-traumatiques à l’épaule gauche sur arthrose acromio-claviculaire gauche activée et bursite sous-acromio-deltoïdienne. Il a repris progressivement son activité professionnelle jusqu’à atteindre un plein temps en août 2014, à la suite d’une réorganisation de son entreprise.

Le 15.11.2015, alors qu’il courait sur un tapis roulant, il s’est blessé au genou gauche en tentant de se rattraper après avoir perdu l’équilibre, entraînant une nouvelle incapacité totale de travail. Les examens ont révélé une rupture du ligament croisé antérieur et une lésion traumatique du cartilage rétro-rotulien. L’assurance-accidents a pris en charge cet événement.

Le 24.04.2018, le médecin-conseil a estimé que la situation était stabilisée sur le plan médical. Il a en outre considéré que l’assuré disposait d’une pleine capacité de travail dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles (pas de charges moyennes, de station debout prolongée, de longs trajets, notamment en terrain accidenté, ni de positions sollicitant fortement les genoux) et qu’une indemnité pour atteinte à l’intégrité de 10% pouvait lui être allouée en raison d’une gonarthrose.

Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a octroyé une rente fondée sur un taux d’invalidité de 37% dès le 01.06.2018 ainsi qu’une indemnité pour atteinte à l’intégrité de 10%.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 111/19-116/2024 – consultable ici)

Par jugement du 07.11.2024, admission partielle du recours par le tribunal cantonal, réformant la décision en ce sens que l’assuré avait droit à une rente fondée sur un taux d’invalidité de 49% à compter du 01.06.2018.

 

TF

Consid. 4.3 [résumé]
L’assurance-accidents a initialement fixé le taux d’invalidité à 37% en comparant le chiffre d’affaires de la société B.__ Sàrl entre 2015 et 2018. Dans sa décision sur opposition, elle a relevé que l’assuré ne mettait pas pleinement à profit sa capacité résiduelle de travail dans son activité indépendante, bien qu’il disposât d’une pleine capacité de travail dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles. En se fondant sur les données de l’ESS, elle a estimé que le taux d’invalidité était de 25%, mais a renoncé à corriger à la baisse le taux de 37% précédemment retenu.

En procédure cantonale, l’assuré a soutenu que le revenu d’invalide devait être arrêté à 65’232 francs, se fondant sur un certificat de salaire pour l’année 2018, ce que l’assurance-accidents a accepté. Toutefois, l’instance cantonale s’est écartée de ce montant, au motif que l’activité exercée n’était pas adaptée aux limitations fonctionnelles de l’assuré, et s’est fondée sur l’ESS pour déterminer le revenu d’invalide.

Étant donné que le litige portait uniquement sur le droit à une rente et que l’assuré, représenté par un avocat, avait dû adapter son activité en raison de son état de santé, il pouvait s’attendre à ce que l’instance cantonale recoure aux salaires statistiques de l’ESS, d’autant plus que l’assurance-accidents avait elle-même procédé ainsi dans sa décision sur opposition. Dès lors, les juges cantonaux n’ont pas violé son droit d’être entendu en se fondant sur l’ESS sans l’avoir invité à se prononcer préalablement. Ils n’ont pas davantage porté atteinte à ce droit en lui allouant une rente fondée sur un taux d’invalidité de 49%, alors que l’assurance-accidents avait conclu à un taux de 53% dans sa détermination du 30.11.2023. Le taux de 37% retenu dans la décision sur opposition étant plus bas, le tribunal cantonal n’a pas procédé à une reformatio in pejus. Il n’était par ailleurs pas lié par la conclusion de l’assurance-accidents tendant à une rente fondée sur un taux de 53%. Les griefs soulevés par l’assuré se révèlent infondés.

Consid. 5.2 [résumé]
Depuis la dixième édition de l’ESS (2012), les professions sont classées par l’Office fédéral de la statistique selon le type de travail généralement effectué, en tenant compte des niveaux et de la spécialisation des compétences requis. Quatre niveaux de compétence sont définis, allant du niveau 1 (tâches physiques et manuelles simples) au niveau 4 (résolution de problèmes complexes et prise de décisions fondées sur des connaissances étendues dans un domaine spécialisé, incluant les directeurs, cadres de direction, gérants, professions intellectuelles et scientifiques), en passant par les niveaux intermédiaires 3 (tâches pratiques complexes, comme celles des techniciens, superviseurs, courtiers, personnel infirmier) et 2 (tâches pratiques telles que la vente, les soins, le traitement de données, les tâches administratives, la conduite de véhicules, etc.).

L’application du niveau 2 nécessite que l’assuré possède des compétences ou connaissances particulières, l’évaluation se fondant sur le type de tâches susceptibles d’être assumées plutôt que sur les qualifications elles-mêmes. Par ailleurs, l’expérience professionnelle de plusieurs années dont peut se prévaloir un assuré – sans formation commerciale ni autre qualification particulière acquise pendant l’exercice de la profession – ne justifie pas à elle seule un classement supérieur au niveau de compétence 2, dès lors que dans la plupart des secteurs professionnels un diplôme ou du moins des formations et des perfectionnements (formalisés) sont exigés (ATF 150 V 354 consid. 6.1 et les arrêts cités).

Consid. 5.3 [résumé]
Selon son curriculum vitae, l’assuré a obtenu un CFC en 1990, puis exercé comme dessinateur en génie civil durant quatre ans, avant d’occuper des fonctions de chef d’équipe pendant trois ans. Il a ensuite dirigé un bowling de 1997 à 2001, repris son activité précédente de 2001 à 2003, puis tenu un bar durant quatre ans jusqu’à la fondation de B.__ Sàrl en 2007.

Bien qu’il n’ait plus exercé son métier de base depuis près de 25 ans au moment de la naissance du droit à la rente (01.06.2018), il a occupé sans interruption depuis 1994 des postes à responsabilités dans les secteurs secondaire et tertiaire, dépassant le cadre de simples tâches physiques et manuelles. Au travers de ses activités successives, qui révèlent une très bonne capacité d’adaptation, il a pu développer de nombreuses compétences dans des domaines variés. Dans ces conditions, les juges cantonaux ont considéré à juste titre que la formation et l’expérience de l’assuré justifiaient l’application du niveau de compétence 2. Son grief doit être écarté.

Consid. 6.2
Pour déterminer le revenu sans invalidité, il faut établir quel salaire l’assuré aurait, au degré de la vraisemblance prépondérante, réellement pu obtenir au moment déterminant s’il n’était pas devenu invalide. Le revenu sans invalidité doit être évalué de la manière la plus concrète possible. C’est pourquoi il se déduit en principe du salaire réalisé en dernier lieu par l’assuré avant l’atteinte à la santé, en posant la présomption qu’il aurait continué d’exercer son activité sans la survenance de son invalidité (ATF 139 V 28 consid. 3.3.2; arrêts 8C_2/2023 du 7 septembre 2023 consid. 3.2 et 8C_39/2022 précité consid. 3.2). Il est toutefois possible de s’en écarter lorsqu’on ne peut le déterminer sûrement, notamment lorsqu’il est soumis à des fluctuations importantes; il faut alors procéder à une moyenne des gains réalisés sur une période relativement longue (arrêt 8C_121/2024 du 6 août 2024 consid. 2.2 et les arrêts cités).

Pour les personnes de condition indépendante, on peut se référer aux revenus figurant dans l’extrait du compte individuel de l’AVS. En effet, l’art. 25 al. 1 RAI établit un parallèle entre le revenu soumis à cotisation à l’AVS et le revenu à prendre en considération pour l’évaluation de l’invalidité; le parallèle n’a toutefois pas valeur absolue (arrêt 8C_39/2022 précité consid. 3.2 et les arrêts cités). Cette réglementation est applicable par analogie dans le domaine de l’assurance-accidents, dès lors que la notion d’invalidité y est la même que dans l’assurance-invalidité (cf. ATF 133 V 549 consid. 6.1).

Consid. 6.3.1 [résumé]
Pour fixer le revenu sans invalidité, la cour cantonale s’est fondée sur les montants figurant dans l’extrait du CI relatifs à l’activité de l’assuré au sein de B.__ Sàrl. Elle a exclu l’année 2015, marquée par une incapacité de travail en raison de l’accident, ainsi que les années 2008 et 2009, jugées trop proches de la création de la société en 2007. Elle a retenu les années 2010 à 2014, calculé la moyenne des revenus inscrits pour cette période, puis indexé le résultat à l’année 2018. Elle a précisé que le bénéfice net représente le solde du chiffre d’affaires après déduction de toutes les charges, y compris les salaires du directeur. Lorsqu’une société reverse une partie de son bénéfice à un employé, ce montant est soumis à cotisation AVS, ce qui avait vraisemblablement été le cas de l’assuré en 2013 et 2014, comme le laissent supposer les montants complémentaires de 110’957 francs et 94’000 francs inscrits dans l’extrait du CI. En revanche, si la société décidait de verser tout ou partie de son bénéfice à ses associés, il s’agissait d’un dividende sans lien avec l’exercice d’une activité lucrative. Le bénéfice net pouvait aussi être réinvesti dans l’entreprise. Par conséquent, il n’y avait pas lieu en l’espèce d’ajouter aux revenus soumis à cotisation le bénéfice net de la société, que celle-ci l’ait conservé comme réserve ou versé à l’assuré comme dividende.

Consid. 6.3.2
L’assuré ne conteste pas que les montants de 110’957 fr. et 94’000 fr. relatifs aux années 2013 et 2014 correspondent bien à des parts du bénéfice net, lequel lui a donc été en partie ou totalement reversé comme salaire. La juridiction cantonale a pris en compte ces montants au titre de revenus pour déterminer le revenu sans invalidité. En revanche, aucun montant complémentaire pouvant être assimilé à des parts de bénéfice distribué ne figure sur l’extrait du CI pour les années 2010 à 2012. Se référant à une évaluation économique pour les indépendants faite par l’assurance-invalidité en 2020, l’assuré soutient que sa société a réalisé ces années-là des bénéfices nets de 13’244 fr., 10’716 fr. et 20’156 fr., dont il conviendrait de tenir compte dans le calcul du revenu sans invalidité. Il n’expose toutefois pas concrètement à quoi ces bénéfices ont été affectés, se limitant à affirmer qu’en sa qualité d’associé gérant largement majoritaire, il était de manière générale « en mesure de se verser des dividendes dont il profitait ». À défaut de toute précision à ce propos et de moyens de preuve dont il se prévaudrait attestant qu’il a perçu ces montants sous la forme d’un salaire ou de dividendes, il n’y a pas lieu de les ajouter au revenu sans invalidité fixé par l’instance cantonale. On ajoutera que l’arrêt qu’il cite (8C_346/2012 du 24 août 2012) ne lui est d’aucun secours, dès lors qu’il n’en ressort pas que le revenu sans invalidité devrait en toute circonstance comprendre l’intégralité du bénéfice net d’une société dirigée par un assuré, indépendamment de l’usage qui en a été fait. Le dernier grief de l’assuré s’avère donc également infondé.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 8C_730/2024 consultable ici

 

 

8C_81/2025 (i) du 15.04.2025 – Notion d’accident – Infection d’un doigt – Manucure vs Morsure d’araignée / Vraisemblance prépondérante – Premières déclarations de l’assuré aux urgences

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_81/2025 (i) du 15.04.2025

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle, seul l’arrêt fait foi

 

Notion d’accident – Infection d’un doigt – Manucure vs Morsure d’araignée / 4 LPGA

Vraisemblance prépondérante – Premières déclarations de l’assuré aux urgences

 

Résumé
Le Tribunal fédéral a confirmé le refus de prestations de l’assureur-accidents, retenant que l’infection au doigt survenue chez un assuré ne résultait pas d’un accident au sens de l’art. 6 LAA, ni d’une lésion assimilée. Il a jugé, avec la cour cantonale, que l’hypothèse d’une morsure d’araignée n’était apparue qu’à partir de la troisième consultation médicale, sans être objectivée par les premières constatations cliniques. En l’absence de preuve suffisante quant à une origine accidentelle, l’événement ne peut être qualifié d’accident.

 

Faits
Déclaration d’accident du 04.12.2023 par l’employeur pour l’événement survenu le 04.11.2023 : « Je marchais dans la forêt avec mon chien, je me suis penché pour ramasser des excréments avec la main gauche et j’ai ressenti une piqûre à la main droite. Dans les jours suivants, la main a enflé et était très douloureuse. Je suis allé une première fois aux urgences le 07.11, où ils m’ont incisé le doigt. Les jours suivants, la douleur et le gonflement ont empiré, et je suis retourné aux urgences le 13.11, où ils ont décidé de m’hospitaliser, car je risquais de perdre le doigt en raison d’un risque d’amputation ».

Le rapport des urgences du 07.11.2023 faisait état d’un diagnostic de panaris au troisième doigt de la main droite. Le 15.11.2023, l’assuré a subi une intervention de révision chirurgicale, un débridement et des lavages au troisième doigt de la main droite, en présence d’un phlegmon sur une plaie attribuée à une morsure d’araignée.

Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a nié tout droit aux prestations, motif pris que, d’une part, les troubles à la main droite ne résultaient pas d’un accident au sens de la loi, et, d’autre part, qu’ils ne constituaient pas non plus une lésion assimilée aux séquelles d’un accident.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 30.12.2024, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 4 [résumé]
Il convient de souligner qu’un dommage à la santé causé par une infection constitue en principe une maladie. Toutefois, une infection peut revêtir un caractère accidentel lorsque les germes pathogènes ont pénétré dans l’organisme à travers une blessure ou une plaie d’origine accidentelle. Dans ce cas, il est nécessaire que l’existence d’une blessure d’origine accidentelle ait été dûment établie et que la pénétration des germes ou bactéries par une autre voie puisse être considérée comme improbable. Il ne suffit pas que l’agent pathogène ait pu pénétrer dans le corps humain par de petites abrasions, égratignures ou écorchures banales et insignifiantes comme il en survient quotidiennement. La pénétration dans l’organisme doit s’être produite par une lésion déterminée ou du moins dans des circonstances telles qu’elles représentent un fait typiquement « accidentel » et reconnaissable comme tel (ATF 150 V 229 consid. 4.1.2; 122 V 230 consid. 3).

Consid. 5.1
Le tribunal cantonal a relevé que les rapports des deux premières consultations auprès des urgences (07.11.2023 et 13.11.2023) ne contenaient aucune mention selon laquelle le troisième doigt de la main droite aurait été mordu par un insecte. Cette circonstance est apparue, pour la première fois, dans le rapport relatif à la consultation du 14.11.2023. L’assuré ne peut être suivi lorsqu’il soutient qu’il avait déjà indiqué lors de la première consultation avoir été mordu par un insecte, ce que le médecin aurait omis de rapporter dans son compte-rendu. Aux yeux des juges cantonaux, il était clair que, lors de la phase de l’anamnèse, le médecin des urgences avait demandé à l’assuré s’il se souvenait d’un événement pouvant être mis en relation avec le problème affectant le majeur. Il ne faisait aucun doute que, si l’assuré lui avait effectivement rapporté avoir été mordu par un insecte, cette circonstance aurait été consignée dans le rapport de consultation, compte tenu de ses implications pour la suite du diagnostic et du traitement. Par ailleurs, il paraît peu vraisemblable que deux médecins, chacun indépendamment de l’autre, aient commis l’erreur de ne pas consigner ce que le patient leur aurait rapporté. Enfin, en marge de la consultation du 07.11.2023, le médecin a constaté (et diagnostiqué) la présence d’un panaris de la taille d’un pignon, intéressant la phalange distale péri-unguéale du troisième doigt, constatation compatible en soi avec l’indication anamnésique alors donnée par l’assuré, à savoir l’exécution d’une manucure la semaine précédente. Le médecin n’a rapporté aucun signe objectif qu’il aurait attribué (selon lui) à une morsure d’insecte.

Consid. 5.2 [résumé]
Il en allait de même pour les rapports ultérieurs, dans lesquels les auteurs respectifs n’ont jamais affirmé que les constatations objectives (y compris celles figurant sur les photographies produites par l’assuré) étaient, de par leur nature et leurs caractéristiques, imputables à une morsure d’insecte. Le tribunal cantonal a donc jugé plausible l’appréciation du Dr H.__, selon laquelle « compte tenu de la documentation médicale, de la localisation anatomique [du point] d’entrée de l’infection et de l’évolution clinique, il s’agissait d’un panaris du troisième doigt survenu sans blessure traumatique, avec une extension ultérieure de l’infection et formation de phlegmon chez un patient diabétique. Une piqûre ou morsure d’insecte à l’origine de l’infection du troisième doigt est donc plutôt improbable ». Il n’était ainsi pas établi, du moins pas avec le degré de vraisemblance requis, que le 04.11.2023, l’assuré avait été mordu par un insecte, spécifiquement une araignée, au majeur de la main droite.

Consid. 5.3
Enfin, le caractère accidentel a également été nié même si l’on retenait comme établi que l’infection du majeur droit trouvait son origine dans la manucure pratiquée par l’assuré. En effet, pour qu’une origine traumatique d’une infection soit admise, il faut que la pénétration de l’agent pathogène se soit produite à travers une véritable blessure, ou dans des circonstances constituant un événement typiquement accidentel et reconnaissable comme tel, ce qui n’est manifestement pas le cas en l’espèce s’agissant de lésions cutanées insignifiantes survenues dans le contexte d’une manucure.

Consid. 6.2.1
Il ne peut être reproché aux juges cantonaux d’avoir retenu, au degré de vraisemblance prépondérante, que la notion de morsure d’insecte ou d’araignée n’est apparue qu’à l’occasion de la troisième consultation de l’assuré aux urgences, et non lors des précédentes. Il apparaît en effet improbable que, si elle avait effectivement été mentionnée, la circonstance invoquée par le patient n’aurait pas été consignée dans les rapports de sortie respectifs des urgences, compte tenu en particulier des conséquences que cela aurait entraînées pour les examens et traitements ultérieurs à entreprendre. Cela d’autant plus que, comme l’a justement relevé le tribunal cantonal, les deux médecins — chacun indépendamment de l’autre — qui ont examiné l’assuré et rédigé les rapports de sortie respectifs, n’ont pas mentionné de morsure d’insecte ou d’araignée.

À cet égard, l’existence d’erreurs ou d’omissions dans la transcription, en l’absence d’éléments allant en ce sens, est uniquement alléguée dans le recours. Du reste, bien que la charge de la preuve lui incombe, l’assuré ne prétend pas avoir réagi immédiatement au contenu des rapports de sortie concernés dès qu’ils lui ont été communiqués, ni avoir été dans l’impossibilité de le faire. En réalité, il fonde essentiellement sa contestation sur le rapport opératoire du 15.11.2023. Certes, ce dernier mentionne dans son diagnostic un « phlegmon au 3e doigt de la main droite sur blessure due à une morsure d’araignée », ajoutant dans les indications : « Patient atteint de cardiopathie et diabétique insulinodépendant qui, le 4.11.23, rapporte une blessure par morsure d’araignée à la 2e phalange du 3e doigt de la main droite », tout en décrivant dans l’anamnèse de la lettre de sortie du 16.11.2023 que l’assuré « signale une piqûre suspecte non spécifiée au doigt en date du 4.11.2023 ». Indépendamment du moment exact auquel la prétendue morsure aurait eu lieu (en tout cas incertain : le rapport du 7 novembre 2023 la situerait deux jours avant la consultation, soit le 5 novembre 2023), ces constatations — prises isolément — ne suffisent pas à s’écarter du contexte qui vient d’être résumé, ni de l’absence de documentation au dossier établissant directement l’existence d’une morsure d’insecte ou d’araignée, comme cela a été justement relevé par le Dr H.__. En effet, dans les autres rapports médicaux, cet élément ressort uniquement des déclarations de l’assuré, ou provient du rapport de sortie du 14.11.2023 relatif à la troisième consultation aux urgences.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 8C_81/2025 consultable ici

 

Proposition de citation : 8C_81/2025 (i) du 15.04.2025, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2025/06/8c_81-2025)

 

8C_664/2024 (d) du 07.05.2025 – TCC léger (mTBI) – Causalité naturelle – Vraisemblance d’une lésion cérébrale organique objectivable / Vraisemblance admise en l’absence de lésions constatées à l’IRM cérébrale mais en présence d’un nystagmus

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_664/2024 (d) du 07.05.2025

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle, seul l’arrêt fait foi

 

TCC léger (mTBI) – Causalité naturelle – Vraisemblance d’une lésion cérébrale organique objectivable / 6 LAA

Vraisemblance admise en l’absence de lésions constatées à l’IRM cérébrale mais en présence d’un nystagmus

Expertise pluridisciplinaire – Avis de l’expert neuropsychologue confirmé par l’expert neurologue

 

Résumé
Le tribunal cantonal a refusé d’admettre un lien de causalité naturelle entre les troubles neuropsychologiques de l’assurée et l’accident de vélo survenu deux ans plus tôt, se fondant sur sa propre interprétation de l’expertise pluridisciplinaire et de son complément. L’avis de l’instance cantonale n’a pas été suivi par le Tribunal fédéral, qui a rappelé que l’expert neurologue avait confirmé les conclusions de l’expert neuropsychologue, notamment quant à l’existence d’un trouble fonctionnel en lien avec l’accident, au degré de la vraisemblance prépondérante. En l’absence de lésions visibles à la neuroimagerie, la présence d’un nystagmus ascendant objectivé et de troubles cognitifs persistants permettait néanmoins de conclure à une lésion cérébrale structurelle objectivable, imputable à l’accident.

 

Faits
Assurée, née en 1984, exerçait dès le 01.03.2017 à 100% comme avocate.

Le 12.07.2020, elle a chuté à vélo. Dans le rapport du 13.07.2020 de l’hôpital, les diagnostics de traumatisme cranio-cérébral léger et de multiples contusions et excoriations ont été retenus. Une expertise pluridisciplinaire (orthopédique, ORL, neurologique, neuropsychologique et psychiatrique) a été mise en œuvre. Par décision, l’assurance-accidents a mis un terme aux prestations avec effet au 30.09.2022, les troubles de l’assurée n’étant plus, selon elle, en lien de causalité naturelle et adéquate avec l’accident. Elle renonça à réclamer le remboursement des prestations versées en trop du 01.06.2022 au 30.09.2022. Après avoir soumis des questions complémentaires au centre d’expertise, l’assurance-accidents a rejeté l’opposition.

 

Procédure cantonale

Les recours formés par l’assurée et sa caisse-maladie contre la décision sur opposition ont été rejetés par le tribunal cantonal par jugement du 25.09.2024.

 

TF

Consid. 3.2 [résumé]
Le tribunal cantonal a constaté que l’expertise pluridisciplinaire du 25.07.2022 avait établi deux diagnostics principaux : un trouble léger des fonctions neuropsychologiques avec incidence sur la capacité de travail (évalué selon les critères de l’Association suisse des neuropsychologues) ; un traumatisme crânien léger (mTBI catégorie I ; lignes directrices de la Fédération européenne des sociétés de neurologie), consécutif à la chute à vélo de juillet 2020. Les examens (IRM cérébrale T2 du 18.08.2020, IRM cervicale du 27.04.2021 et vidéonystagmographie du 19.07.2021) n’ont révélé aucune séquelle traumatique, micro-saignement (« Microbleeds ») ou déficit neurologique focal, hormis un nystagmus ascendant discret.

Les médecins-experts ont retenu une capacité de travail à 100%, du point de vue neurologique, dans son métier d’avocate sans diminution de rendement ; une capacité de 60%, du point de vue neuropsychologique, en raison de troubles exécutifs et d’une fatigabilité entraînant des difficultés à traiter des dossiers complexes. Dans une activité adaptée à son état de santé, la capacité de travail est de 100% (neurologique) et de 90% (neuropsychologique).

Consid. 4.1
Selon l’instance cantonale, le complément d’expertise a été rédigé par l’expert neurologue et l’expert neuropsychologue. Le neurologue a notamment constaté que les lésions organiques du système nerveux central mentionnées dans l’expertise neuropsychologique étaient très probablement causées par l’accident.

La mise en évidence de modifications à l’IRM cérébrale pondérée (microhémorragies) [ndt : au consid. 3.2, il est bien noté absence de micro-saignements (im zerebralen MRI keine Microbleeds)] rendait plus probable l’existence de troubles cognitifs persistants liés au traumatisme, mais n’était ni probante ni exclusive de l’existence d’un trouble cérébral d’origine traumatique. Dans le cas de l’assurée, la détection par appareil du trouble des mouvements oculaires (nystagmus vers le haut) constituait un indice d’une lésion cérébrale structurelle. L’expert neuropsychologue a notamment constaté que les réseaux fonctionnels exécutifs étaient particulièrement sensibles aux modifications ou aux perturbations.

De tels dysfonctionnements sont fréquemment observés après un traumatisme crânio-cérébral. Selon une publication de SCHEID et VON CRAMON (Klinische Befunde im chronischen Stadium nach Schädel-Hirn-Trauma, Deutsches Ärzteblatt Jahrgang 107 [12] 2010, 199-205 [consultable ici], des troubles chroniques de nature affective et cognitive (notamment la fatigue et d’autres troubles du comportement) au sens d’un syndrome post-commotionnel peuvent également être constatés après un traumatisme crânien léger. Ces troubles font l’objet de controverses. Les instruments de diagnostic neuroradiologique sont souvent peu utiles. Les auteurs ont souligné l’absence de corrélation linéaire entre les observations cliniques et les résultats d’imagerie (tels que GCS, localisation des lésions cérébrales, contusions, microhémorragies).

Au vu de l’ensemble des résultats et compte tenu de la parfaite coopération ainsi que de l’absence de facteurs de causalité alternatifs, les troubles décrits ont été retenu sur le plan neuropsychologique comme étant en lien de causalité naturelle avec l’accident.

Consid. 4.2.1
Il s’agit plutôt de déterminer si le léger nystagmus vers le haut (trouble des mouvements oculaires) constaté permet de conclure au degré de la vraisemblance prépondérante qu’il a été causé par une lésion cérébrale traumatique, mais non détectable par imagerie, et qu’il a entraîné la limitation de la capacité de travail formulée d’un point de vue neuropsychologique. Les experts n’ont pu que démontrer la vraisemblance d’un tel lien. Le fait que la participation de l’assurée aux examens neuropsychologiques n’ait donné lieu à aucune critique n’y change rien.

Consid. 4.2.2
L’avis de l’instance cantonale ne peut être suivi. En effet, dans le complément à son rapport d’expertise, l’expert neurologue a constaté que la détection par appareil du trouble des mouvements oculaires constituait un marqueur de substitution d’une lésion cérébrale structurelle chez l’assurée. Il existe un léger trouble neuropsychologique qui est très probablement en lien avec l’accident du 12.07.2020. Il y a une réduction de 40% des performances dans l’activité habituelle et une réduction de 10% des performances dans une activité adaptée. Cela ressortait déjà de manière concluante du rapport de l’expertise pluridisciplinaire. Contrairement à l’instance cantonale, on ne peut donc pas parler d’une simple possibilité de lésion cérébrale structurelle causée par l’accident chez l’assurée.

Consid. 4.2.3
Le renvoi du tribunal cantonal à la jurisprudence selon laquelle, en l’état actuel des connaissances, un-e neuropsychologue ne peut se prononcer de manière autonome et définitive sur la genèse d’un trouble de santé prétendument lié à un accident (BGE 119 V 335 E. 2b/bb) n’est pas pertinent. En effet, un spécialiste en neurologie a participé – comme déjà mentionné – à l’expertise pluridisciplinaire ainsi qu’à son complément (cf. également arrêt 8C_526/2021 du 10 novembre 2021 consid. 4.2.1).

Consid. 4.3
En résumé, sur la base de l’expertise pluridisciplinaire et du complément d’expertise, il est établi qu’au moment de la clôture du dossier, le 30.09.2022, l’assurée présentait une lésion cérébrale organique objectivable, en lien de causalité naturelle avec l’accident du 12 juillet 2020, laquelle entraînait un trouble des fonctions neuropsychologiques et une incapacité de travail qui en découle. En le niant, la cour cantonale n’a pas procédé à une libre appréciation des preuves, mais a elle-même interprété l’expertise, respectivement son complément, sur des questions médicales spécifiques, ce qui est contraire au droit fédéral (cf. également arrêts 8C_516/2024 du 25 février 2025, consid. 4.2.2, et 8C_6/2024 du 8 mai 2024, consid. 6.3 et les références). L’affaire doit dès lors être renvoyée à l’instance cantonale afin qu’elle rende une nouvelle décision sur le droit aux prestations de l’assurée.

 

Le TF admet le recours de l’assurée.

 

Arrêt 8C_664/2024 consultable ici

 

Proposition de citation : 8C_664/2024 (d) du 07.05.2025, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2025/06/8c_664-2024)

 

 

Le National comble enfin une lacune pour les accidents de jeunesse

Le National comble enfin une lacune pour les accidents de jeunesse

 

Communiqué de presse du Parlement du 03.06.2025 consultable ici

 

Les personnes accidentées avant l’âge de 25 ans toucheront des indemnités journalières pour perte de gain durant 720 jours au plus en cas de rechute ou de séquelles tardives. Le National a adopté mardi par 101 voix contre 81 un projet, malgré de fortes réticences.

Lorsqu’un jeune qui n’exerce pas encore d’activité professionnelle est victime d’un accident, les frais médicaux sont pris en charge par sa caisse-maladie. Plus tard, s’il souffre d’une rechute ou de séquelles tardives alors qu’il a intégré le monde du travail, il ne peut pas se tourner vers l’assurance-accident (LAA), étant donné que l’accident initial n’était pas couvert par cette assurance.

Il doit se tourner vers son assurance maladie pour prendre en charge les frais médicaux et vers son employeur qui prend en charge la perte de gain, mais seulement pour une durée déterminée. Il en résulte souvent une lacune de plusieurs mois dans le versement du salaire.

« Il est indéniable que cette réforme comble une vraie lacune, certes peu fréquente, mais aux conséquences sociales désastreuses », a déclaré Cyril Aellen (PLR/GE) pour la commission. Benjamin Roduit (Centre/VS) a chiffré le nombre de cas à 1380, ajoutant que le coût, minime, s’élèvera au maximum à 17 millions de francs par année. « Pour chaque personne individuelle touchée, ça peut par contre coûter très cher », a complété Barbara Gysi (PS/SG).

 

L’UDC contre

Le projet prévoit de considérer dorénavant les rechutes ou les séquelles tardives d’un accident pas couvert par la LAA et qui est survenu avant l’âge de 25 ans comme des accidents non professionnels. L’assuré aura droit à des indemnités journalières durant un maximum de 720 jours, versées subsidiairement aux allocations pour perte de gain dues par l’employeur.

L’udc et quelques élus PLR et du Centre n’étaient pas convaincus. « Bad cases make bad law » a lancé Rémy Wyssmann (UDC/SO). Pour lui, le Parlement adopte sur la base d’un cas rapporté par la télévision, une loi qui déroge au principe de non-rétroactivité des assurances sociales. Une luxation de l’épaule enfant pose aussi le problème des preuves médicales à apporter plus tard pour prétendre aux prestations d’assurance.

 

Avis très partagés en consultation

En consultation, le projet a reçu un accueil très partagé. Les représentants des employeurs et les assureurs s’y sont opposés craignant une augmentation de la charge administrative.

Le Conseil fédéral est aussi opposé au changement de système. Avec ce projet, il répond à la volonté du Parlement, mais continue d’émettre des réserves. Il craint que cette nouvelle loi fasse ressortir d’autres inégalités.

Cette modification de la LAA découle d’une motion déposée en 2011 par l’ancien conseiller national Christophe Darbellay (Centre/VS).

Le Conseil des Etats doit encore se prononcer.

 

Commentaire

Je recommande vivement aux parlementaires de prendre connaissance de mon analyse parue dans Jusletter du 17 février 2025, afin de mieux cerner les défis pratiques et juridiques liés à la mise en œuvre de la réforme récemment discutée au Parlement (séance du 3 juin 2025, cf. Bulletin officiel). Malgré l’objectif louable de combler une lacune, je reste sceptique quant à la viabilité concrète de la solution proposée par le Conseil fédéral. En effet, cette réforme soulève des problématiques complexes telles que l’administration des preuves médicales nécessaires à la reconnaissance des rechutes ou séquelles tardives, la coordination entre les différents régimes d’assurances et les risques potentiels d’inégalités de traitement entre assurés.

À mon sens, la proposition formulée par le conseiller aux États Paul Rechsteiner lors des séances des 19 mars 2014 et 2 mars 2022, qui suggère d’utiliser la caisse supplétive comme modèle pour traiter les cas particuliers des travailleurs confrontés à des rechutes ou des séquelles tardives d’accidents initialement non couverts par la LAA, apparaît plus juste et mieux adaptée aux réalités du terrain. Ce modèle, plus pragmatique, permettrait une prise en charge efficace tout en évitant de surcharger inutilement le système administratif et en respectant davantage les principes fondamentaux des assurances sociales, notamment l’équité et la solidarité entre assurés.

 

Communiqué de presse du Parlement du 03.06.2025 consultable ici

Motion Darbellay 11.3811 « Pour combler les lacunes de l’assurance-accidents » consultable ici

Objet du Conseil fédéral 24.056 « LAA (Mise en œuvre de la motion 11.3811 Darbellay « Pour combler les lacunes de l’assurance-accidents »). Modification » consultable ici

 

8C_686/2024 (f) du 04.04.2025 – Causalité naturelle – Déchirure du ménisque / Avis divergent du médecin-conseil et du chirurgien orthopédique traitant

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_686/2024 (f) du 04.04.2025

 

Consultable ici

 

Causalité naturelle – Déchirure du ménisque / 6 LAA – 36 LAA

Avis divergent du médecin-conseil et du chirurgien orthopédique traitant

 

Assurée, née en 1966 et exerçant comme consultante prévente, qui, le 03.04.2022, s’est tordu la cheville gauche au bas d’un escalier puis est tombée en avant sur les genoux, sur le carrelage.

Une IRM du genou droit réalisée le 12.04.2022 a révélé une fine bursite infra-patellaire superficielle et une déchirure horizontale oblique du ménisque interne. L’IRM du genou gauche du 11.05.2022 n’a mis en évidence aucune lésion traumatique. Le 19.09.2022, le chirurgien orthopédique traitant a pratiqué une arthroscopie du genou droit avec méniscectomie externe partielle, résection de synovite antérieure et antéro-interne puis suture du ménisque interne. Dans son rapport du 16.11.2022, le chirurgien orthopédique a attribué ces lésions à l’accident du 03.04.2022, mentionnant également un antécédent d’arthroscopie du genou gauche en 2010. Dans son avis du 23.12.2022, le médecin-conseil a estimé que l’assurée présentait une déchirure du ménisque dégénérative préexistante. Selon lui, l’assurée avait subi une contusion des genoux – qui n’avait pas provoqué la déchirure du ménisque – et le statu quo sine était atteint à six semaines de l’accident.

Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a mis fin au versement des prestations d’assurance avec effet au 15.05.2022, au motif que les troubles qui subsistaient au genou droit n’étaient plus dus à l’accident du 03.04.2022.

 

Procédure cantonale (arrêt 605 2023 170 – consultable ici)

Par jugement du 16.10.2024, admission du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3.1.1
Le droit à des prestations découlant d’un accident assuré suppose notamment, entre l’événement dommageable de caractère accidentel et l’atteinte à la santé, un lien de causalité naturelle et adéquate. Dans le domaine de l’assurance-accidents obligatoire, en cas d’atteinte à la santé physique, la causalité adéquate se recoupe largement avec la causalité naturelle, de sorte qu’elle ne joue pratiquement pas de rôle (ATF 123 V 102; 122 V 417; 118 V 286 consid. 3a; 117 V 359 consid. 5d/bb). Un rapport de causalité naturelle doit être admis lorsque le dommage ne se serait pas produit du tout ou ne serait pas survenu de la même manière. Il n’est pas nécessaire que cet événement soit la cause unique, prépondérante ou immédiate de l’atteinte à la santé. Il suffit qu’associé éventuellement à d’autres facteurs, il ait provoqué l’atteinte à la santé, c’est-à-dire qu’il se présente comme la condition sine qua non de cette atteinte (ATF 148 V 356 consid. 3; 148 V 138 consid. 5.1.1; 142 V 435 consid. 1).

Consid. 3.1.2
En vertu de l’art. 36 al. 1 LAA, les prestations pour soins, les remboursements de frais ainsi que les indemnités journalières et les allocations pour impotent ne sont pas réduits lorsque l’atteinte à la santé n’est que partiellement imputable à l’accident. Lorsqu’un état maladif préexistant est aggravé ou, de manière générale, apparaît consécutivement à un accident, le devoir de l’assurance-accidents d’allouer des prestations cesse si l’accident ne constitue pas la cause naturelle (et adéquate) du dommage, soit lorsque ce dernier résulte exclusivement de causes étrangères à l’accident. Tel est le cas lorsque l’état de santé de l’intéressé est similaire à celui qui existait immédiatement avant l’accident (statu quo ante) ou à celui qui existerait même sans l’accident par suite d’un développement ordinaire (statu quo sine). A contrario, aussi longtemps que le statu quo sine vel ante n’est pas rétabli, l’assureur-accidents doit prendre à sa charge le traitement de l’état maladif préexistant, dans la mesure où il s’est manifesté à l’occasion de l’accident ou a été aggravé par ce dernier (ATF 146 V 51 consid. 5.1 et les arrêts cités). En principe, on examinera si l’atteinte à la santé est encore imputable à l’accident ou ne l’est plus (statu quo ante ou statu quo sine) sur le critère de la vraisemblance prépondérante, usuel en matière de preuve dans le domaine des assurances sociales (ATF 129 V 177 consid. 3.1), étant précisé que le fardeau de la preuve de la disparition du lien de causalité appartient à la partie qui invoque la suppression du droit (ATF 146 V 51 consid. 5.1 in fine; arrêt 8C_675/2023 du 22 mai 2024 consid. 3).

Consid. 3.1.3
Lorsqu’une décision administrative s’appuie exclusivement sur l’appréciation d’un médecin interne à l’assureur social et que l’avis motivé d’un médecin traitant ou d’un expert privé auquel on peut également attribuer un caractère probant laisse subsister des doutes même faibles quant à la fiabilité et la pertinence de cette appréciation, la cause ne saurait être tranchée en se fondant sur l’un ou sur l’autre de ces avis et il y a lieu de mettre en oeuvre une expertise par un médecin indépendant selon la procédure de l’art. 44 LPGA ou une expertise judiciaire (ATF 135 V 465 consid. 4.5 et 4.6).

Consid. 3.2
Dans un arrêt publié aux ATF 146 V 51, le Tribunal fédéral a examiné les répercussions de la modification législative relative aux lésions corporelles assimilées à un accident (art. 6 al. 2 LAA dans sa teneur en vigueur dès le 1 er janvier 2017). Il s’est notamment penché sur la question de savoir quelle disposition était désormais applicable lorsque l’assureur-accidents avait admis l’existence d’un accident au sens de l’art. 4 LPGA et que l’assuré souffrait d’une lésion corporelle comprise dans la liste de l’art. 6 al. 2 LAA. Le Tribunal fédéral a admis que dans l’hypothèse où une telle lésion est imputable à un accident, l’assureur-accidents doit prendre en charge les suites de la lésion en cause sur la base de l’art. 6 al. 1 LAA, c’est-à-dire jusqu’à ce qu’il soit établi, au degré de la vraisemblance prépondérante, que l’accident ne constitue plus, même très partiellement, la cause naturelle et adéquate de la lésion. En revanche, en l’absence d’un accident au sens de l’art. 4 LPGA, l’assureur-accidents est en principe tenu de verser des prestations pour une lésion corporelle comprise dans la liste de l’art. 6 al. 2 LAA, à moins qu’il ne prouve que cette lésion est due principalement à l’usure ou à une maladie. Cela étant, lorsque l’assureur-accidents fournit la preuve qu’un accident n’est pas une cause, même très partielle, d’une lésion corporelle de la liste et qu’il n’existe par ailleurs pas d’indice qu’un événement survenu après l’accident pourrait constituer une cause possible de cette lésion, la preuve que celle-ci est due de manière prépondérante à l’usure ou à une maladie est par là-même apportée (ATF 146 V 51 consid. 9.1 et 9.2).

Consid. 4.1 [résumé]
La cour cantonale a qualifié l’événement du 03.04.2022 d’accident au sens de l’art. 4 LPGA, point non contesté par les parties, et a admis le lien de causalité entre les contusions aux genoux et cet accident. Elle s’est ensuite penchée sur l’origine traumatique de la déchirure méniscale droite, en s’appuyant sur l’IRM du 12.04.2022, un test de Lachman positif qui révélait, selon les juges cantonaux, une probable rupture (partielle) du ligament croisé antérieur (LCA) confirmée lors de l’arthroscopie du 19.09.2022.

Les juges cantonaux ont retenu que les images IRM et les explications du chirurgien traitant démontraient l’origine accidentelle des lésions (déchirures du ménisque interne/externe et du LCA), malgré des signes dégénératifs chroniques. Ils ont souligné que le chirurgien traitant avait rapidement procédé à une méniscectomie avec suture plutôt que d’avoir recours à un traitement conservateur.

Le tribunal cantonal a encore souligné que le fait que le médecin-conseil mettait en avant des signes dégénératifs préexistants ne suffisait pas à expliquer la déchirure extrêmement complexe de la corne antérieure du ménisque interne et la déchirure partielle du LCA, surtout chez une assurée encore jeune. Sur la base de son évaluation, la cour cantonale a considéré que la déchirure du ménisque du genou droit était due à l’accident. Elle est parvenue à la conclusion que l’assureur-accidents était tenu de verser des prestations au-delà du délai de six semaines.

Consid. 4.3.1
Pour le chirurgien orthopédique traitant – dont les explications sont convaincantes selon la juridiction cantonale -, le traumatisme du 03.04.2022 est à l’origine de la déchirure du ménisque interne du genou droit. Ce spécialiste relève qu’à l’IRM du 12.04.2022 le radiologue n’a, à aucun moment, décrit une lésion dégénérative de ce genou mais uniquement une déchirure méniscale. L’assurée présente une déchirure grave du ménisque interne avec un arrachement de la corne antérieure secondaire à l’accident, sans évidence d’un état antérieur. De surcroît, selon lui, on ne suture pas les ménisques dans le cadre de lésions dégénératives. Le chirurgien énonce également suivre l’assurée depuis octobre 2009, laquelle ne s’est jamais plainte d’un quelconque problème de son genou droit.

Consid. 4.3.2
Selon le médecin-conseil, l’assurée présentait déjà une lésion méniscale du genou droit avant l’événement du 03.04.2022. En effet, l’IRM réalisée le 12.04.2022 mettait en évidence une lésion linéaire, horizontale oblique, soit une lésion dégénérative, qui évolue sur deux à quatre ans. Selon le rapport du radiologue, la contusion du genou n’avait provoqué qu’une fine bursite prépatellaire, sans épanchement, sans lésion ligamentaire ni oedème osseux. Une contusion ne provoquait pas de déchirure méniscale ni de chondropathie. Les images de l’arthroscopie du 19.09.2022 confirmaient également l’état dégénératif du ménisque interne et la chondropathie. Le médecin-conseil a maintenu que la bursite due à la contusion guérissait habituellement en six semaines.

Consid. 4.3.3 [résumé]
En l’état, les opinions du médecin-conseil et du chirurgien traitant divergent quant à l’interprétation des imageries et l’existence d’un état dégénératif préexistant. Le premier fonde son analyse sur sa propre lecture commentée de l’IRM du 12.04.2022 et de l’arthroscopie du 19.09.2022, tandis que le second s’en tient strictement au rapport radiologique initial, soulignant que ni lui ni le médecin-conseil ne sont radiologues.

Le désaccord porte également sur le mécanisme lésionnel : le médecin-conseil exclut qu’un choc direct puisse provoquer une déchirure méniscale, alors que le chirurgien affirme son origine nécessairement traumatique. Ce dernier a toutefois nuancé sa position, en procédure cantonale, en reconnaissant l’incertitude sur le mécanisme exact (choc direct ou rotation) lors de la chute.

Cela étant, la juridiction cantonale ne pouvait, sans autre mesure d’instruction, interpréter elle-même les clichés de l’IRM du 12.04.2022 pour en déduire les signes dégénératifs et les signes traumatiques. Elle ne pouvait par ailleurs se fier sans autre à l’avis du chirurgien orthopédique traitant, dès lors qu’il fait état de considérations juridiques en énonçant que lorsqu’il y a une chute et une déchirure du ménisque, il s’agit toujours d’un accident selon l’art. 6 LAA. Enfin, on rappellera que la manifestation de symptômes douloureux après la survenance d’un accident ne suffit pas, à elle seule, à établir un rapport de causalité naturelle avec l’accident (raisonnement « post hoc, ergo propter hoc »; ATF 142 V 325 consid. 2.3.2.2; 119 V 335 consid. 2b/bb).

Consid. 4.3.4
Les avis contradictoires – et impossibles à départager sans connaissances médicales spécialisées – du médecin-conseil et du chirurgien orthopédique traitant ne permettent pas de se prononcer quant à l’existence d’un lien de causalité naturelle entre la déchirure méniscale du genou droit et l’accident du 03.04.2022. La cause doit être examinée plus en détail, de sorte qu’elle sera renvoyée à l’assurance-accidents pour mise en œuvre d’une expertise auprès d’un spécialiste en chirurgie orthopédique, qui s’adjoindra s’il l’estime nécessaire l’aide d’un spécialiste en radiologie. Il appartiendra à l’expert de déterminer si l’événement du 03.04.2022 est une cause, même très partielle, de la déchirure du ménisque interne du genou droit, au degré de la vraisemblance prépondérante, ou si cette atteinte est exclusivement dégénérative. L’assurance-accidents rendra ensuite une nouvelle décision sur le droit aux prestations de l’assurée au-delà du 15.05.2022. En ce sens, le recours se révèle bien fondé.

 

Le TF admet le recours de l’assurance-accidents, annule le jugement cantonal et la décision sur opposition.

 

Arrêt 8C_686/2024 consultable ici

 

8C_461/2024 (f) du 26.03.2025 – Gain assuré pour l’indemnité journalière LAA / Salaire déterminant pour les associés, des actionnaires ou des membres de sociétés coopératives / Associé d’une Sàrl après l’accident

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_461/2024 (f) du 26.03.2025

 

Consultable ici

 

Gain assuré pour l’indemnité journalière LAA / 15 LAA

Salaire déterminant pour les associés, des actionnaires ou des membres de sociétés coopératives / 22 al. 2 let. c OLAA

Associé d’une Sàrl après l’accident – Vraisemblance de la qualité d’associé de la Sàrl au moment de l’accident

 

L’assuré, né en 1972, occupait un emploi à 90% comme gérant d’immeubles chez B.__. À la suite d’un accident de ski survenu le 13.02.2022 entraînant une tétraplégie complète, il a demandé le 19.05.2022 à son assurance-accidents une majoration de son gain assuré. Cette demande concernait un revenu hypothétique de 22’425 fr. 60 lié à son activité parallèle depuis l’été 2020 au sein de la société C.__ Sàrl (exploitant un bar à vin dont les associés inscrits au registre du commerce étaient alors D.__ et E.__), bien qu’aucun salaire n’ait été effectivement perçu,

L’assuré a invoqué l’art. 22 al. 2 let. c OLAA, soutenant avoir travaillé environ 80 heures mensuelles comme co-gérant. Il a produit une attestation de D.__ (10.05.2022) mentionnant un versement de 40’000 fr. en juillet 2020 pour l’acquisition de parts sociales, ainsi qu’une déclaration de E.__ (11.05.2022) confirmant l’assuré avait régulièrement travaillé en qualité de co-gérant de la société C.__ Sàrl à hauteur d’environ 80 heures par mois depuis le mois de juillet 2020.

L’assurance-accidents a rejeté sa demande le 10.06.2022, soulignant que l’assuré n’était ni inscrit au registre du commerce comme associé-gérant, ni déclaré à l’AVS pour cette activité, et absent de la police d’assurance de C.__ Sàrl. Malgré l’argumentation de l’assuré le 15.06.2022 sur son acquisition de parts sociales et le rapport particulier avec l’employeur, les décisions du 09.08.2022 et 21.10.2022 ont confirmé le refus de majoration du gain assuré.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 130/22 – 75/2024 – consultable ici)

Par jugement du 02.07.2024, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3
Selon l’art. 15 LAA, les indemnités journalières et les rentes sont calculées d’après le gain assuré (al. 1). Est réputé tel, pour le calcul des indemnités journalières, le dernier salaire que l’assuré a reçu avant l’accident (al. 2). L’alinéa 3 lettre c de cette disposition confère au Conseil fédéral la compétence d’édicter des prescriptions sur le gain assuré pris en considération lorsque l’assuré ne gagne pas, ou pas encore, le salaire usuel dans sa profession.

Selon l’art. 22 al. 2 OLAA, est réputé gain assuré le salaire déterminant au sens de la législation sur l’AVS, sous réserve, en particulier, des membres de la famille de l’employeur travaillant dans l’entreprise, des associés, des actionnaires ou des membres de sociétés coopératives, pour lesquels il est au moins tenu compte du salaire correspondant aux usages professionnels et locaux (art. 22 al. 2 let. c OLAA). Le but de cette réglementation est d’éviter que les assurés qui se trouvent dans un rapport particulier avec leur employeur et, de ce fait, perçoivent un gain inférieur à celui qu’ils pourraient réaliser normalement sur le marché du travail, ne soient désavantagés lorsqu’ils ont droit à des prestations de l’assurance-accidents (arrêt 8C_14/2016 du 21 décembre 2016 consid. 3.3).

Consid. 4 [résumé]
La juridiction cantonale a refusé de reconnaître l’existence d’une activité régulière du recourant au sein de C.__ Sàrl avant l’accident du 13.02.2022, faute de preuves atteignant le degré de vraisemblance prépondérante. Elle a relevé l’absence totale de cotisations AVS déclarées pour cette société sur le compte individuel de l’assuré, le fait que ce dernier n’avait jamais été déclaré par le biais de la police d’assurance-accidents de cette société et qu’aucune annonce n’ayant au demeurant été faite à la caisse supplétive.

Aucun document probant (emploi du temps, correspondance, etc.) n’a été produit pour étayer les 80 heures mensuelles alléguées. L’assuré n’a notamment pas fourni les enregistrements horaires requis par l’art. 21 CCNT pour les hôtels/restaurants, convention qu’il invoquait paradoxalement pour calculer son salaire hypothétique. Les juges cantonaux ont précisé que cette disposition ne prévoit aucune exception pour les cadres.

Les difficultés financières liées à la pandémie avancées pour justifier l’absence de rémunération n’ont été corroborées par aucun document comptable. La qualification de stagiaire a été écartée dès lors qu’il n’expliquait pas quel métier ou titre il visait, et en l’absence de patente conforme à l’art. 8 de la loi cantonale sur les débits de boissons. En outre, la CCNT prévoyait une rémunération obligatoire des stagiaires, laquelle faisait défaut chez l’assuré.

L’assuré ne disposait par ailleurs pas de la qualité d’associé-gérant à la date de l’accident. La cession des parts sociales n’est intervenue que le 01.06.2023 (avec approbation de l’assemblée à cette date), et l’inscription au registre du commerce seulement le 13.12.2023. Le tribunal cantonal a souligné que la cession requérait un écrit et une validation collective, conditions non remplies avant l’accident. Enfin, aucun lien familial avec les associés n’a été établi.

En définitive, les juges cantonaux ont considéré que les éléments versés au dossier ne permettaient pas d’établir, au degré de la vraisemblance prépondérante, que l’assuré était gérant, associé ou employé de C.__ Sàrl au moment de l’accident, ni qu’un lien familial ne fût établi avec l’un des gérants ou associés de cette société.

Consid. 5.2.1 [résumé]
L’assuré invoque une violation de son droit d’être entendu (art. 29 al. 2 Cst.) et du principe inquisitoire, reprochant à la juridiction cantonale d’avoir mené une instruction incomplète sur son activité présumée au sein de C.__ Sàrl. Il estime que la cour cantonale aurait dû solliciter des preuves complémentaires si elle doutait de cette activité, d’autant que l’assureur n’avait pas contesté son existence lors de la décision sur opposition.

Consid. 5.2.2
Le droit d’être entendu découlant de l’art. 29 al. 2 Cst. comprend notamment le droit pour le justiciable de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 167 consid. 4.1). Selon la maxime inquisitoire, il appartient au juge qui dirige la procédure de dire quels sont les faits pertinents et d’administrer les preuves propres à les établir. Il peut ainsi renoncer à procéder à des mesures d’instruction lorsqu’il parvient à la conclusion qu’elles ne sont pas décisives pour la solution du litige ou qu’elles ne pourraient l’amener à modifier son opinion. Ce refus d’instruire ne viole le droit d’être entendu des parties que si l’appréciation anticipée de la pertinence du moyen de preuve offert à laquelle le juge a ainsi procédé est entachée d’arbitraire (cf. sur cette notion, ATF 148 II 465 consid. 8.1; 148 I 145 consid. 6.1). Le principe de la maxime inquisitoire ne lui interdit donc pas de procéder à une appréciation anticipée des preuves déjà recueillies pour évaluer la nécessité d’en administrer d’autres (ATF 130 III 734 consid. 2.2.3; arrêt 1P.145/1999 du 5 octobre 1999 consid. 3a).

Consid. 5.2.3 [résumé]
La cour cantonale a justifié son refus d’auditionner E.__ en estimant disposer d’éléments suffisants pour trancher. Elle a relevé que ce témoin s’était déjà exprimé par écrit et que son audition n’aurait pas modifié l’appréciation des faits, déjà dûment établi par les pièces du dossier. Les juges cantonaux ont ainsi procédé à une appréciation anticipée des preuves.

Pour ce qui a trait à l’instruction de la cause, la juge instructrice a requis de l’assuré un certain nombre de documents destinés à étayer ses allégations relatives à son activité pour le compte de la société C.__ Sàrl. On ne voit pas à quelle mesure d’instruction supplémentaire aurait dû ou pu procéder la cour cantonale. Les faits déterminants pour l’issue du litige ont été établis. Que la juridiction cantonale n’ait finalement pas suivi la version de l’assuré ne dénote pas un défaut d’instruction. On ne discerne ainsi aucune violation du droit d’être entendu ou de la maxime inquisitoire. Le grief est rejeté.

Consid. 6.1 [résumé]
L’assuré conteste la définition restrictive de la qualité d’associé retenue par la cour cantonale, qui conditionne celle-ci à l’inscription au registre du commerce. Il invoque l’art. 22 al. 2 let. c OLAA, soutenant que sa participation économique effective à la société C.__ Sàrl depuis juillet 2020. Par ailleurs, l’exigence de l’inscription au registre du commerce ne ressort pas de l’art. 22 al. 2 let. c OLAA.

Il souligne avoir notamment agi comme co-gérant et endossé le risque économique de l’entreprise. Il était donc bel et bien dans une relation spéciale avec son employeur, raison pour laquelle il avait accepté de travailler sans percevoir de salaire en raison des mauvais résultats économiques de la société.

Il relève aussi une inégalité de traitement inadmissible entre les associés déjà inscrits au registre du commerce et ceux qui ne le sont pas encore, alors qu’ils seraient matériellement dans la même situation (prise de décisions, gestion de la société, fardeau du risque économique).

Consid. 6.2
On ne saurait suivre l’assuré lorsqu’il affirme qu’il devait être reconnu comme associé de la société C.__ Sàrl depuis juillet 2020. Il ressort en effet des constatations de la juridiction cantonale que la cession des parts sociales de la société C.__ Sàrl achetées par l’assuré à D.__ en 2020 n’a eu lieu que le 01.06.2023, selon le contrat de cession de parts sociales du même jour. Une telle cession requiert en outre l’approbation de l’assemblée des associés (art. 786 CO), laquelle n’a été donnée que lors de l’assemblée du 01.06.2023, soit postérieurement à la date de l’accident. La cession des parts sociales n’a donc pas pu déployer ses effets avant cette date, étant par ailleurs observé que l’assuré n’a été inscrit au registre du commerce que six mois plus tard, le 13.12.2023. Vu ce qui précède, c’est à juste titre que la cour cantonale a retenu que l’assuré n’était pas un associé de la société C.__ Sàrl au moment de l’accident, de sorte que l’art. 22 al. 2 let. c OLAA ne lui était pas applicable pour ce motif déjà.

On relèvera encore que tel qu’il est formulé par l’assuré, le grief tiré d’une violation du principe de l’égalité de traitement ne satisfait manifestement pas aux exigences accrues de motivation imposées par l’art. 106 al. 2 LTF en matière de griefs constitutionnels (ATF 146 I 62 consid. 3; 143 IV 500 consid. 1.1; 142 III 364 consid. 2.4). En effet, c’est justement parce qu’il n’avait pas encore acquis la qualité d’associé conformément aux art. 785 ss CO que l’assuré ne pouvait pas être considéré comme tel au sens de l’art. 22 al. 2 let. c OLAA, indépendamment de son inscription ou non au registre du commerce. L’assuré admet qu’il n’a perçu aucun salaire soumis à cotisation et n’a produit aucune pièce propre à démontrer qu’un tel salaire aurait au moins été convenu. Un salaire ne peut donc pas être pris en considération dans le gain assuré – l’art. 22 al. 2 let. c OLAA n’étant pas applicable – indépendamment du point de savoir si l’assuré a ou non exercé une activité pour C.__ Sàrl. Il n’est donc pas nécessaire d’examiner les griefs de l’assuré relatifs aux constatations de faits du jugement cantonal sur ce point.

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 8C_461/2024 consultable ici

 

8C_347/2024 (f) du 07.01.2025 – Indemnités journalières LAA et rente AI – Surindemnisation – Frais d’avocat nécessaires à l’obtention des prestations d’assurances sociales déterminantes pour le calcul de la surindemnisation – 69 al. 2 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_347/2024 (f) du 07.01.2025

 

Consultable ici

 

Indemnités journalières LAA et rente AI – Surindemnisation / 68 LPGA – 69 LPGA

Frais supplémentaires – Frais d’avocat nécessaires à l’obtention des prestations d’assurances sociales déterminantes pour le calcul de la surindemnisation / 69 al. 2 LPGA

 

Assuré, né en 1973, a subi des accidents de la circulation routière en janvier 2007 et en février 2014, qui ont entraîné des lésions au fémur droit et à la hanche droite. L’assurance-accidents a pris en charge ces deux accidents et a versé des indemnités journalières du 24.05.2007 au 17.09.2007, puis du 17.09.2014 au 31.05.2017. L’assuré a par ailleurs été mis au bénéfice d’une rente entière d’invalidité de l’assurance-invalidité du 01.07.2015 au 31.05.2017. Le 22.05.2017, il est décédé, laissant pour héritiers légaux son épouse B.__ ainsi que leurs deux enfants mineurs.

Statuant le 27.08.2020, l’assurance-accidents a reconnu une surindemnisation de 42’571 fr. 70 en faveur de l’assuré pour la période du 17.09.2014 au 31.05.2017, ce montant devant être compensé avec les arrérages de l’assurance-invalidité. Par décision sur opposition du 18.08.2022, l’assurance-accidents a partiellement admis l’opposition de B.__ et fixé le montant de la surindemnisation à 36’287 fr. 70.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 107/22 – 45/2024 – consultable ici)

Par jugement du 07.05.2024, admission partielle du recours par le tribunal cantonal, réformant la décision sur opposition en ce sens que le montant de la surindemnisation a été fixé à 33’025 fr. 75.

 

TF

Consid. 3.2.1
L’art. 69 al. 1 LPGA pose le principe de la concordance des droits (« Kongruenzprinzip »). Selon ce principe, qui a une portée générale dans l’assurance sociale (ATF 142 V 75 consid. 6.3.1), les prestations sociales concomitantes concordent lorsque les assureurs sociaux sont tenus à verser des prestations de même nature et but, pour la même période, pour la même personne et pour le même événement dommageable (arrêt 8C_748/2023 du 6 juin 2024 consid. 4.1.2 et les références citées).

Consid. 3.2.2
Les frais supplémentaires au sens de l’art. 69 al. 2 LPGA sont des frais qui ne peuvent pas être couverts par des prestations sociales. En font notamment partie les frais d’avocat engagés par un assuré, pour autant qu’ils aient été occasionnés par le cas d’assurance. Concrètement, il s’agit des frais d’avocat nécessaires à l’obtention des prestations d’assurances sociales déterminantes pour le calcul de la surindemnisation. Les frais visant à obtenir des prestations d’une assurance responsabilité civile, par exemple, en sont exclus. En outre, seules les dépenses nécessaires doivent être prises en compte, de sorte que les frais d’avocat dépassant le cadre habituel ne peuvent pas être pris en considération; cela vaut aussi bien pour les frais avant le procès que pour les frais causés par une procédure judiciaire, ces derniers pouvant être pris en compte uniquement dans la mesure où ils n’ont pas été couverts par une indemnité de partie (ATF 139 V 108 consid. 5.7 et 6).

Consid. 3.2.3
L’art. 69 al. 2 LPGA fixe une limite de surindemnisation, laquelle est augmentée en tenant compte de certains postes de dommage et de frais non assurés. Ces postes n’étant pas assurés, ils ne sont pas, par la force des choses, congruents avec les prestations d’assurances sociales prises en compte dans le calcul de la surindemnisation. L’art. 69 al. 2 LPGA a uniquement pour objet la limite de surindemnisation et n’a aucun effet sur le point de savoir quelles prestations sont, selon le principe de la concordance des droits, en concours au sens de l’art. 69 al. 1 LPGA. En d’autres termes, l’extension de la limite de surindemnisation à des éléments non assurés ne remet pas en cause le principe de la concordance des droits (arrêt 9C_480/2022 du 29 août 2024, destiné à la publication, consid. 8.3.2).

Consid. 4 [résumé]
Les juges cantonaux ont confirmé que seuls les frais d’avocats nécessaires à l’obtention des prestations d’assurances sociales influant sur le calcul de la surindemnisation étaient pris en compte. Les listes de frais liées à des procédures pénales et privées indépendantes ont été écartées.

Concernant la liste n° 1637 (« Procès – hernies inguinales »), les opérations jusqu’au 23.09.2015 avaient déjà été indemnisées dans le cadre de l’assistance judiciaire à hauteur de 2’396 fr. 50. Le solde s’élevait à 340 fr. 20, TVA comprise. Ce montant devait être inclus dans le calcul de surindemnisation. Concernant la liste n° 1094 (« Litige LAA et complémentaire LAA »), il y avait lieu de tenir compte uniquement des opérations qui, au degré de la vraisemblance prépondérante, pouvaient être rattachées à la procédure menée par l’assurance-accidents, soit un montant de 1’235 fr. 56.

Concernant les frais liés à l’office AI, le temps facturé (8 heures et 20 minutes) était excessif et devait être réduit à deux heures, représentant un montant de 646 fr. 20. Seules étaient admises les démarches effectuées auprès de l’OAI ayant un impact direct sur la procédure d’assurance-accidents et sur le calcul de surindemnisation. Enfin, pour la période du 9 juin 2020 au 22 août 2022, les frais admissibles (création de listes, analyses, entretiens téléphoniques et correspondances avec l’assurance-accidents, opposition et examen de la décision sur opposition) s’élevaient à 1’040 fr. Au total, les frais d’avocat retenus étaient ainsi de 3’261 fr. 95, ramenant la surindemnisation à 33’025 fr. 75 (36’287 fr. 70 moins 3’261 fr. 95 [arrondis]).

Le tribunal cantonal a précisé que les frais postérieurs au décès de l’assuré (mai 2017) pouvaient être considérés s’ils concernaient la procédure d’assurance-accidents. Enfin, l’aide apportée par l’épouse avant le décès n’a pas été retenue, faute de perte concrète de revenus.

Consid. 5.1
L’assurance-accidents soutient que l’activité du conseil de l’épouse de l’assuré aurait visé à obtenir des prestations correspondant à la période de référence allant du 17.09.2014 au 31.05.2017, de sorte que les démarches effectuées en dehors de ce cadre temporel ne devraient pas faire partie des frais supplémentaires au sens de l’art. 69 al. 2 LPGA. Il serait contraire à cette disposition et au principe de la concordance des droits de faire abstraction de cette période de référence, en considérant que les frais d’avocat antérieurs et postérieurs à celle-ci et au décès de l’assuré peuvent être pris en compte dans le calcul de surindemnisation.

Consid. 5.2
Cette critique est mal fondée. Faute d’être couverts par des prestations sociales, les frais supplémentaires selon l’art. 69 al. 2 LPGA ne peuvent pas, par définition, être soumis au principe de la concordance des droits ancré à l’art. 69 al. 1 LPGA (cf. consid. 3.2.2 in initio et 3.2.3 supra). Dans ces conditions, on ne saurait limiter les frais d’avocat inclus dans le calcul de surindemnisation à ceux relatifs au travail accompli durant la période correspondant à l’octroi des prestations d’assurances. Seul est décisif le point de savoir si les frais d’avocat – qu’ils soient antérieurs, contemporains ou postérieurs à la période d’indemnisation – étaient ou non nécessaires à l’obtention des prestations d’assurances sociales déterminantes pour le calcul de la surindemnisation (cf. consid. 3.2.2 supra).

Consid. 6.1 [résumé]
L’assurance-accidents, invoquant une violation de l’art. 69 al. 2 LPGA ainsi qu’une appréciation arbitraire des preuves, reproche aux juges cantonaux d’avoir inclus dans le calcul de surindemnisation des frais d’avocat non nécessaires à l’obtention des prestations sociales déterminantes.

Consid. 6.2.1
Les frais d’avocat portant sur la période entre le 9 juin 2020 et le 22 août 2022 (« création listes opérations et courrier [assureur LAA] », « analyse calcul surindemnisation [assureur LAA] et entretien tél. [assureur LAA] », « opposition [assureur LAA] », « courrier [assureur LAA] » et « examen décision sur opposition et dossier, détermination cliente »), totalisant un montant de 1’040 fr., se rapportent à la procédure de surindemnisation. Or cette procédure ne visait pas en tant que telle à obtenir les prestations d’assurances à prendre en compte dans le calcul de surindemnisation, à savoir les indemnités journalières de l’assurance-accidents et la rente d’invalidité de l’assurance-invalidité. Les frais d’avocat qui y sont liés sortent du cadre défini par la jurisprudence, selon laquelle les frais d’avocat inclus dans le calcul de surindemnisation se limitent aux dépenses nécessaires à l’obtention des prestations d’assurances déterminantes pour le calcul de surindemnisation (cf. consid. 3.2.2 supra). C’est donc en violation de l’art. 69 al. 2 LPGA que le tribunal cantonal a comptabilisé dans ce calcul le montant de 1’040 fr. relatif aux frais d’avocat engagés dans le cadre de la procédure de surindemnisation. Bien fondé, le grief de l’assurance-accidents portant sur ce montant doit être admis.

Consid. 6.2.2
S’agissant de la liste n° 1094 (« Litige [assureur LAA] et [complémentaire LAA] »), la juridiction cantonale n’a pris en considération que les opérations en lien avec la procédure auprès de l’assurance-accidents. Celle-ci ne conteste pas que les opérations retenues à ce titre par les juges cantonaux, pour un montant total de 1’235 fr. 56, portent bien sur cette procédure. Elle n’expose pas – et on ne voit pas – en quoi ces opérations n’auraient pas été nécessaires à l’obtention des indemnités journalières. Contrairement à ce qu’elle semble penser, le fait que les frais d’avocat aient été engagés avant un procès ou en vue d’un procès ne constitue pas en soi une raison de les exclure du calcul de surindemnisation; le point décisif est de savoir si les démarches de l’avocat dépassent le cadre habituel (cf. consid. 3.2.2 supra), ce que l’assurance-accidents ne soutient pas. L’instance précédente a donc inclus à bon droit le montant de 1’235 fr. 56 dans les frais supplémentaires au sens de l’art. 69 al. 2 LPGA.

Consid. 6.2.3
Il en va de même du montant de 340 fr. 20 correspondant à la liste n° 1637 (« Procès – hernies inguinales »). L’assurance-accidents se limite à indiquer que « rien ne permet de penser que les opérations effectuées […] correspondaient effectivement à des démarches visant à obtenir les prestations d’assurances sociales déterminantes pour le calcul de surindemnisation », sans expliquer précisément en quoi les opérations effectuées entre le 20 juin 2016 et le 19 décembre 2017 auraient été étrangères à un tel but ou en quoi l’avocat de l’épouse de l’assuré aurait exécuté son mandat en excédant le cadre habituel.

Consid. 6.2.4
Enfin, le raisonnement des juges cantonaux, qui les a amenés à retenir un montant de 646 fr. 20 en lien avec les opérations auprès de l’OAI, ressort clairement de l’arrêt entrepris. Ils ont en effet expliqué pour quelle raison le temps indiqué par le conseil de l’épouse de l’assuré devait être ramené de 8 heures et 20 minutes à deux heures, en précisant que le montant de 646 fr. 20 correspondait à deux heures au tarif horaire de 300 fr., à quoi s’ajoutait la TVA. Le grief tiré d’une violation de l’obligation de motiver (sur cette notion, cf. arrêt 8C_388/2023 du 10 avril 2024 consid. 7.2 et les arrêts cités) s’avère mal fondé. Pour le reste, l’assurance-accidents n’expose pas en quoi les opérations comptabilisées par la cour cantonale n’auraient pas été nécessaires à l’obtention de prestations déterminantes dans le calcul de surindemnisation.

Consid. 6.3
Au vu de ce qui précède, le montant de la surindemnisation fixé par les premiers juges doit être augmenté de 1’040 fr., passant ainsi de 33’025 fr. 75 à 34’065 fr. 75. Le recours doit donc être partiellement admis et l’arrêt cantonal ainsi que la décision sur opposition du 18 août 2022 réformés en ce sens que le montant de la surindemnisation est fixé à 34’065 fr. 75. Le recours est rejeté pour le surplus.

 

Le TF admet partiellement le recours de l’assurance-accidents.

 

Arrêt 8C_347/2024 consultable ici