Archives de catégorie : Prévoyance professionnelle

Un rapport met en lumière le potentiel d’amélioration dans le 2e pilier pour les personnes au service de plusieurs employeurs

Un rapport met en lumière le potentiel d’amélioration dans le 2e pilier pour les personnes au service de plusieurs employeurs

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 22.10.2025 consultable ici

Arianna Lüscher/Astrid von Wyl, Comment améliorer la prévoyance professionnelle des personnes travaillant pour plusieurs employeurs ?, in Sécurité Sociale CHSS du 22.10.2025 disponible ici

 

Les personnes cumulant plusieurs emplois sont généralement moins bien assurées dans la prévoyance professionnelle que celles n’ayant qu’un seul employeur. La solution la plus efficace à ce problème serait d’abaisser le seuil d’entrée et la déduction de coordination, et de rendre obligatoire l’assurance de l’activité lucrative accessoire. Cet ensemble de modifications permettrait d’améliorer la prévoyance des personnes touchant un bas salaire, ainsi que celle des personnes travaillant à temps partiel ou cumulant plusieurs emplois. Tel est le constat que dresse le Conseil fédéral dans un rapport adopté lors de sa séance du 22 octobre 2025.

À revenu égal, les personnes travaillant pour le compte d’un seul employeur sont mieux assurées dans le 2e pilier que celles ayant plusieurs employeurs. En effet, pour la majorité des travailleurs occupant plusieurs postes, seule l’activité principale est couverte par l’assurance obligatoire. Les autres revenus sont considérés comme provenant d’une activité accessoire et ne sont assurés que sur une base volontaire. Les institutions de prévoyance peuvent appliquer aux bas salaires des conditions d’assurance particulières, comme par exemple une déduction de coordination moins élevée que celle prescrite par la loi, ou encore la couverture de salaires inférieurs au seuil d’entrée du 2e pilier.

Dans son postulat 23.4168 (« Améliorer la situation vis-à-vis du deuxième pilier des personnes cumulant plusieurs emplois »), le conseiller national Thomas Rechsteiner a chargé le Conseil fédéral de présenter un rapport indiquant comment améliorer la prévoyance professionnelle des personnes travaillant pour le compte de plusieurs employeurs.

Dans ce rapport, le Conseil fédéral analyse divers modèles visant à améliorer dans le 2e pilier la situation des travailleurs cumulant plusieurs emplois. Cette question avait déjà été abordée dans le cadre de la première réforme de la LPP, de la réforme Prévoyance vieillesse 2020 et de la réforme LPP ; elle a également suscité plusieurs interventions parlementaires. Le rapport relève que la prévoyance professionnelle obligatoire offre peu de possibilités d’améliorer la situation actuellement peu satisfaisante des personnes cumulant plusieurs emplois.

 

Abaisser le seuil d’entrée et réduire la déduction de coordination

Dans son rapport, le Conseil fédéral parvient à la conclusion que le meilleur moyen d’améliorer la prévoyance professionnelle des personnes cumulant plusieurs emplois est d’abaisser le seuil d’entrée, de diminuer la déduction de coordination et d’éliminer la distinction entre activité principale et activité accessoire. Cet ensemble de mesures permettrait d’augmenter tant le nombre des assurés que le salaire assuré.

Le rapport avertit également sur les conséquences d’un tel élargissement de l’obligation d’assurance : si le taux de conversion minimal, actuellement déjà trop élevé, n’est pas simultanément abaissé, le défaut de financement déjà présent dans l’assurance obligatoire est appelé à s’accentuer encore. Le taux de conversion est le paramètre qui sert à déterminer la rente de vieillesse dans le 2e pilier. S’il est trop élevé, cela crée un déséquilibre entre la prestation à verser et son financement. Une des conséquences de ce déséquilibre est l’apparition, au sein des institutions de prévoyance proches du minimum légal, de subventionnements croisés, c’est-à-dire que les assurés actifs financent les rentes des retraités, ce qui réduit leurs propres futures rentes.

Les solutions alternatives ne modifiant ni le seuil d’entrée ni la déduction de coordination sont difficiles à mettre en œuvre. Elles entraîneraient en outre un coût et une charge administrative supplémentaires élevés, mais n’amélioreraient que de façon marginale la prévoyance professionnelle des personnes concernées.

 

Résumé du rapport du Conseil fédéral du 22.10.2025 donnant suite au postulat 23.4168 Rechsteiner

Le projet répond au constat que le système actuel de prévoyance professionnelle obligatoire ne tient pas suffisamment compte des évolutions du marché du travail, notamment la diversification des formes d’emploi avec un recours accru au travail à temps partiel et au cumul d’emplois. La loi datant de 1985 a été conçue pour un salarié unique travaillant à plein temps, ce qui crée des inégalités pour les personnes cumulant plusieurs emplois ou travaillant à temps partiel, majoritairement des femmes.

Aujourd’hui, en Suisse, environ 8,2% des actifs déclarent avoir plus d’un emploi, et un nombre important parmi eux ne bénéficie pas d’une couverture adéquate dans le deuxième pilier (LPP). En effet, pour être assuré, le salaire perçu auprès d’un même employeur doit dépasser un seuil d’entrée fixé à 22 680 francs (2025). Par ailleurs, la prévoyance professionnelle obligatoire n’assure pas la totalité du salaire annuel, mais seulement le salaire coordonné, obtenu par application d’une déduction de coordination. Cette déduction de coordination s’élève dans la LPP à 26 460 francs (montant de 2025) et elle est indépendante du taux d’occupation. Un autre élément important est que le salaire annuel assuré obligatoirement est limité à 90 720 francs (limite supérieure du salaire annuel, montant de 2025). Le salaire coordonné maximal est par conséquent de 64 260 francs (différence entre la limite supérieure du salaire annuel de 90 720 francs et la déduction de coordination de 26 460 francs).

Les conséquences du régime légal actuel dans la prévoyance professionnelle obligatoire peuvent être démontrées à l’aide des exemples suivants :

 

Salarié 1

Salarié 2

Salarié 3

Salaire annuel – employeur 1

CHF 60’000

CHF 40’000

CHF 20’000

Salaire annuel – employeur 2

CHF 20’000

CHF 20’000

Salaire annuel – employeur 3

CHF 20’000

Assujettissement à la prévoyance professionnelle

Oui
(salaire complet)

Oui
(pour CHF 40’000)

Non

Salaire coordonné – employeur 1

CHF 33’540
(60’000 – 26’460)

CHF 13’540
(40’000 – 26’460)

Salaire coordonné total

CHF 33’540

CHF 13’540

Le cumul des salaires de plusieurs employeurs n’est donc pas pris en compte pour l’assurance obligatoire et seule une activité principale est assurée, les revenus accessoires restent souvent non couverts ou assurés sur une base volontaire. Ce traitement différencié crée un traitement inégal pour des salariés percevant un revenu global identique selon qu’ils ont un ou plusieurs employeurs.

Le rapport du Conseil fédéral analyse plusieurs modèles d’amélioration de la couverture du deuxième pilier pour ces personnes. Une modification du seuil d’entrée et des mesures concernant la déduction de coordination produisent le meilleur effet positif sur la prévoyance pour les bas salaires et également en cas de temps partiel et de cumul d’emplois. Ces modèles seraient la plupart du temps réalisables moyennant de faibles charges (ou un faible surcroît de charges) pour les employeurs et les institutions de prévoyance.

Ces changements permettraient à davantage de salariés cumulant plusieurs emplois, à temps partiel, ou ayant des bas salaires d’être assurés dans le cadre obligatoire, avec une meilleure couverture. Cela garantirait une égalité de traitement quel que soit le nombre d’employeurs et supprimerait les lacunes actuelles liées aux critères rigides de seuil et de distinction des activités.

Toutefois, le rapport souligne aussi les risques liés à un élargissement de l’obligation d’assurance sans réformes du taux de conversion minimal, déjà considéré comme trop élevé, ce qui aggraverait le déficit de financement du régime obligatoire. Cela pourrait accentuer des subventionnements croisés entre assurés actifs et bénéficiaires de rentes.

L’étude examine aussi diverses autres propositions, notamment l’extension de l’assurance facultative obligatoire, la totalisation des salaires pour un seul assujettissement, l’introduction d’un plan de prévoyance simplifié pour les bas salaires, ou encore l’intégration du modèle spécifique « Swissstaffing » pour les travailleurs flexibles. Ces alternatives présentent diverses limites, charges administratives accrues et gains moindres.

Le rapport constate que si rien n’est fait, la responsabilité d’une meilleure couverture des personnes concernées reste à la charge des institutions de prévoyance, des employeurs et des partenaires sociaux via des solutions surobligatoires.

Enfin, la réforme s’inscrit dans un contexte de nombreuses interventions parlementaires appelant à une mise à jour législative qui tienne compte des nouvelles réalités du marché du travail et des attentes en matière de prévoyance professionnelle, notamment pour les femmes, majoritairement concernées par la flexibilité et la pluriactivité.

Ce projet législatif représente donc un pas important vers une adaptation nécessaire du deuxième pilier qui puisse mieux couvrir les besoins des travailleurs cumulant plusieurs emplois, à temps partiel ou avec des bas salaires, et offrir ainsi une plus grande équité et sécurité sociale pour ces catégories professionnelles.

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 22.10.2025 consultable ici

Arianna Lüscher/Astrid von Wyl, Comment améliorer la prévoyance professionnelle des personnes travaillant pour plusieurs employeurs ?, in Sécurité Sociale CHSS du 22.10.2025 disponible ici

Rapport du Conseil fédéral du 22.10.2025 donnant suite au postulat 23.4168 Rechsteiner disponible ici

Postulat Rechsteiner 23.4168 « Améliorer la situation vis-à-vis du deuxième pilier des personnes cumulant plusieurs emplois » consultable ici

 

 

9C_577/2024 (f) du 09.07.2025, destiné à la publication – Qualité de bénéficiaires en cas de décès – 15 OLP / Droit aux prestations décès d’une concubine vs de l’ex-épouse

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_577/2024 (f) du 09.07.2025, destiné à la publication

 

Consultable ici

 

Qualité de bénéficiaires en cas de décès / 15 OLP – 19 LPP – 20 OPP 2

Droit aux prestations décès d’une concubine vs de l’ex-épouse – Conditions pour assimiler l’ex-épouse à une veuve / 20 al. 1 OPP 2

Cercle prioritaire des bénéficiaires en vertu des art. 15 al. 1 let. b ch. 1 OLP

 

Résumé
Le Tribunal fédéral a précisé les conditions dans lesquelles une ex-conjointe peut être assimilée à une veuve pour prétendre à une prestation de libre passage après le décès de son ancien époux. Il précise également que l’ordre des bénéficiaires prévu par l’art. 15 OLP doit être respecté : même si l’assuré dispose de la faculté de préciser les droits de chacun et d’inclure d’autres personnes dans le cercle bénéficiaire, il ne peut exclure totalement un bénéficiaire prioritaire. Enfin, la délégation légale permettant au Conseil fédéral de fixer les conditions du droit du conjoint divorcé à des prestations pour survivants ne l’autorise pas à restreindre ou supprimer ce droit par voie réglementaire.

Ainsi, l’ex-épouse et la compagne du défunt appartiennent toutes deux au cercle prioritaire des bénéficiaires au sens de l’ordonnance sur le libre passage et du règlement de la fondation concernée. La cause a été renvoyée à la juridiction cantonale afin qu’elle répartisse entre elles le capital de libre passage contesté.

 

Faits
Assuré, né en 1954, et son épouse, née en 1949, se sont mariés en 1976 et ont eu deux enfants, nés en 1977 et 1980. Leur mariage a été dissous par jugement de divorce du 20 mai 1998, la convention homologuée prévoyant le versement d’une pension mensuelle de 1’800 fr. à l’épouse, augmentée de 500 fr. dès que les enfants auraient acquis leur indépendance financière.

Le 25 juin 2015, l’assuré a demandé à la Banque cantonale de Fribourg (BCF) que le capital de son compte de libre passage soit mis à disposition de sa compagne, avec qui il faisait ménage commun depuis 10 ans, et a désigné celle-ci comme bénéficiaire pour le versement de prestations en cas de décès à 100% du capital-décès auprès de la Fondation de prévoyance de son dernier employeur, la Fondation D.__. Par testament olographe du 20 janvier 2016, il a institué héritiers ses deux enfants pour trois quarts et sa compagne pour un quart.

À la suite du décès de l’assuré survenu le 1er février 2016, ses enfants et sa compagne ont conclu une convention le 26 juin 2016, par laquelle la compagne s’engageait à répudier la succession et à renoncer à ses droits successoraux en faveur des enfants, lesquels renonçaient, en sa faveur, à leurs prétentions relatives au compte auprès de la Fondation de libre passage. La compagne a perçu des prestations de la Fondation D.__, en qualité de bénéficiaire des avoirs, conformément au formulaire transmis par le défunt en juin 2015.

En août et septembre 2016, la BCF l’a informée que l’ex-épouse de l’assuré faisait valoir des prétentions sur le compte de libre passage du défunt, non manifestement injustifiées, de sorte qu’en l’absence de décision judiciaire définitive et exécutoire ou d’un accord écrit entre les intéressées, elle ne pouvait libérer les avoirs litigieux. Malgré les échanges ultérieurs, la BCF a maintenu sa position.

 

Procédure cantonale (arrêt 608 2023 161 – consultable ici)

La compagne a ouvert action contre la Fondation de libre passage. L’ex-épouse a été intégrée à la procédure comme intervenante. Par arrêt du 04.09.2024, la juridiction cantonale a partiellement admis l’action et ordonné à la Fondation de verser la totalité du capital sur le compte indiqué par la compagne, avec intérêts.

 

TF

Consid. 1.2.2
Dans le domaine des assurances sociales, l’institution de l’intervention vise à éviter que des décisions contradictoires ne soient rendues dans la même affaire et vise également une fonction de coordination du droit matériel (arrêts 9C_627/2023 du 25 juin 2024 consid. 6.3.2; 9C_198/2017 et 9C_199/2017 du 29 août 2017 consid. 3.2.1; cf. aussi arrêt 9C_717/2023 du 7 août 2024 consid. 4.4, non publié in ATF 151 III 143). L’intervention de partie n’a pas d’autres effets (ATF 130 V 501 consid. 1.2). Dès lors, les personnes intégrées dans la procédure par le biais de l’intervention n’ont aucune obligation qui découlerait de l’issue de la première procédure; celles-ci devront en revanche se laisser opposer les effets de cette décision dans d’autres procédures ultérieures (cf. arrêt 9C_198/2017 et 9C_199/2017 du 29 août 2017 consid. 3.2.2).

Consid. 1.2.3
En l’espèce, l’ex-épouse a pris part à la procédure en question, certes pas en tant que partie principale, mais en qualité d’intervenante. Comme elle le fait valoir, lui dénier la qualité pour recourir reviendrait à lui opposer les effets de l’arrêt cantonal, en ce que la juridiction cantonale a nié ses prétentions sur le capital litigieux, sans lui laisser la possibilité de faire valoir ses droits dans une autre procédure distincte, ce qui n’est pas compatible avec les garanties de procédure (cf. art. 29 à 30 Cst., art. 6 CEDH; cf. également FLORIAN BRUNNER, Verfahren mit mehreren Parteien im öffentlichen Recht, 2021, n° 460). Par ailleurs, les conclusions de l’ex-épouse ont été rejetées devant la juridiction cantonale, ce qui est une condition supplémentaire pour qu’elle puisse recourir devant le Tribunal fédéral (art. 89 al. 1 let. b et c LTF). Partant, quoi qu’en dise la compagne à cet égard, la recevabilité du recours déposé par l’ex-épouse ne prête pas le flanc à la critique sous l’angle de l’art. 89 al. 1 LTF.

Consid. 3.1
Selon l’art. 15 al. 1 let. b ch. 1 et 2 OLP, ont qualité de bénéficiaires s’agissant du maintien de la prévoyance, en cas de décès, les personnes ci-après dans l’ordre suivant : les survivants au sens des art. 19, 19a et 20 LPP (ch. 1), ainsi que les personnes à l’entretien desquelles l’assuré subvenait de façon substantielle, ou la personne qui avait formé avec lui une communauté de vie ininterrompue d’au moins cinq ans immédiatement avant le décès ou qui doit subvenir à l’entretien d’un ou de plusieurs enfants communs (ch. 2). L’assuré peut préciser dans le contrat les droits de chacun des bénéficiaires et inclure dans le cercle des personnes défini à l’al. 1, let. b, ch. 1, celles qui sont mentionnées au ch. 2 (art. 15 al. 2 OLP).

Consid. 3.2
Conformément à l’art. 19 al. 1 LPP, le conjoint survivant a droit à une rente si, au décès de son conjoint, il remplit l’une ou l’autre des conditions suivantes : il a au moins un enfant à charge (let. a) ; il a atteint l’âge de 45 ans et le mariage a duré au moins cinq ans (let. b). L’art. 19 al. 3 LPP précise que le Conseil fédéral définit le droit du conjoint divorcé à des prestations pour survivants. Faisant usage de cette délégation de compétence, le Conseil fédéral a adopté l’art. 20 OPP 2.

Aux termes de l’art. 20 al. 1 OPP 2, dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2016 (RO 2004 4279 et 4653), applicable en l’espèce (ATF 148 V 174 consid. 4.1 et les références), le conjoint divorcé est assimilé au veuf ou à la veuve en cas de décès de son ancien conjoint à la condition que son mariage ait duré dix ans au moins (let. a) et qu’il ait bénéficié, en vertu du jugement de divorce, d’une rente ou d’une indemnité en capital en lieu et place d’une rente viagère (let. b).

Consid. 3.3 [résumé]
Selon l’art. 6 du règlement de la Fondation de libre passage, en vigueur au moment du décès, sont bénéficiaires (art. 15 OLP), dans l’ordre, les survivants visés par les art. 19, 19a et 20 LPP, puis les personnes à l’entretien desquelles le preneur subvenait de manière substantielle ou celles ayant formé avec lui une communauté de vie d’au moins cinq ans avant le décès, ou encore celles chargées de subvenir à l’entretien d’enfants communs. L’assuré peut, par écrit et par courrier recommandé, préciser les droits de chacun et inclure dans le premier cercle les personnes du second. À défaut d’une déclaration écrite reçue par la fondation, le capital est réparti proportionnellement entre les ayants droit selon l’ordre établi.

La version postérieure du règlement (état au 1er septembre 2023) consacre ces principes dans l’art. 8, qui maintient l’ordre de priorité et la faculté d’aménagement des droits des bénéficiaires (art. 8 al. 1 et 2). Elle introduit l’usage d’un formulaire pour modifier cet ordre ou définir plus précisément les droits en cas de décès (art. 8 al. 3) et autorise la fondation à exiger des compléments d’information ou des documents pour vérifier le droit aux prestations (art. 8 al. 8).

Consid. 6.1
Conformément à l’art. 15 al. 1 let. b OLP, les bénéficiaires prioritaires s’agissant du maintien de la prévoyance sont les survivants au sens des art. 19, 19a et 20 LPP. Ces bénéficiaires, qui disposent d’un droit originaire qui leur est conféré par la loi (art. 15 OLP qui renvoie aux art. 19 à 20 LPP; arrêts 9C_52/2024 du 6 mars 2025 consid. 4.2.2; 9C_124/2015 du 19 octobre 2015 consid. 3.3), sont donc identiques aux bénéficiaires de prestations de la prévoyance obligatoire (art. 19, 19a et 20 LPP). Pour les autres rangs (art. 15 al. 1 let. b ch. 2-4 OLP), le cercle des bénéficiaires est exhaustif et correspond à celui de l’art. 20a LPP (cf. Rapport du Conseil fédéral « Analyse de la flexibilisation de l’ordre des bénéficiaires du pilier 3a » du 7 juin 2024 donnant suite au postulat 22.3220 Nantermod du 17 mars 2022, ch. 3.3.2; cf. aussi Message relatif à la révision de la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité [LPP] [1 re révision LPP] du 1er mars 2000, FF 2000 2495, 2541, ch. 2.9.6.3).

Il résulte de l’art. 15 al. 1 let. b ch. 1 et 2 OLP que si le concubin (au sens défini par la disposition) peut se voir reconnaître le droit à la prestation de libre passage, son droit est en principe subordonné à la condition que le défunt n’ait pas de survivants au sens des art. 19, 19a et 20 LPP. Dans la mesure où les fondations de libre passage n’accordent pas de prestations aux survivants selon les art. 19, 19a et 20 LPP, ceux-ci sont en effet des ayants droit prioritaires à la prestation de libre passage (art. 15 al. 1 let. b ch. 1 OLP). Ainsi, lorsque le défunt était marié ou lié par un partenariat enregistré, ou s’il avait des enfants, le concubin n’a droit à la prestation de libre passage que si le défunt l’a inclus dans le cercle des ayants droit prioritaires selon l’art. 15 al. 1 let. b ch. 1 OLP, comme l’y autorise l’art. 15 al. 2 OLP (cf. STÉPHANIE PERRENOUD, Familles et sécurité sociale en Suisse: l’état civil, un critère pertinent ?, 2022, n° 1750; cf. aussi MARC HÜRZELER, Berufliche Vorsorge, Ein Grundriss für Studium und Praxis, 2020, n° 288). Le but de cette dernière disposition est de conférer à l’assuré la possibilité de tenir compte de l’objectif de prévoyance, par exemple en prenant en considération la situation personnelle et financière particulière des bénéficiaires (HÜRZELER, op. cit., n° 289). Cela étant, l’ordre des bénéficiaires prévu par l’art. 15 OLP doit être respecté. Cela signifie que si l’assuré fait usage de la possibilité prévue à l’art. 15 al. 2 OLP – à savoir qu’il peut préciser dans le contrat les droits de chacun des bénéficiaires et inclure dans le cercle des personnes défini à l’art. 15 al. 1 let. b ch. 1 OLP celles qui sont mentionnées à l’art. 15 al. 1 let. b ch. 2 OLP -, il ne peut exclure totalement un des bénéficiaires du ch. 1 de l’art. 15 al. 1 let. b OLP en réduisant sa part à néant (cf. Rapport du Conseil fédéral du 7 juin 2024 précité, ch. 3.3.2; cf. aussi OFAS, Bulletin de la prévoyance professionnelle n° 79 du 27 janvier 2005, ch. 472 p. 9; cf. également HÜRZELER, op. cit., n° 289).

On rappellera au demeurant que selon la jurisprudence, les règles applicables aux bénéficiaires de prestations pour survivants des institutions de prévoyance selon l’art. 20a LPP et aux prestations de libre passage selon l’art. 15 OLP concernent des états de fait différents. L’exclusion du versement de prestations pour survivants aux bénéficiaires de prestations selon l’art. 20a al. 1 LPP (catégorie au sein de laquelle s’inscrit en particulier la personne qui a formé avec le défunt une communauté de vie ininterrompue d’au moins cinq ans immédiatement avant le décès ou qui doit subvenir à l’entretien d’un ou de plusieurs enfants communs) en raison de la perception d’une rente de veuf ou de veuve, comme le prévoit l’art. 20a al. 2 LPP, ne s’applique pas aux prestations de libre passage (ATF 135 V 80 consid. 3.4).

Consid. 6.2
Dans la prévoyance obligatoire, les bénéficiaires de prestations de survivants, qui sont désignés de manière impérative par la loi (cf. art. 19, 19a et 20 LPP), comprennent le conjoint et le partenaire enregistré survivants (art. 19 et 19a LPP), l’ex-conjoint et l’ex-partenaire enregistré survivants (art. 19 al. 3 et 19a LPP et 20 OPP 2), ainsi que les orphelins (art. 20 LPP; cf. PERRENOUD, op. cit., n os 1659 et 1718; de cet avis également, notamment: ESTHER AMSTUTZ, in Basler Kommentar, Berufliche Vorsorge, 2021, n° 1 ad art. 20a LPP; MARC HÜRZELER/ GUSTAVO SCARTAZZINI, in Commentaire LPP et LFLP, 2e éd. 2020, n os 1 et 37 ad art. 20a LPP).

Ainsi, le principe selon lequel le conjoint divorcé a droit à une rente de survivant de la prévoyance professionnelle obligatoire est prévu dans la loi, à l’art. 19 al. 3 LPP. La délégation de compétence que contient cette disposition (consid. 3.2 supra), dont le Conseil fédéral a fait usage en adoptant l’art. 20 OPP 2, ne porte que sur les conditions du droit du conjoint divorcé à des prestations pour survivants; elle n’autorise pas le Conseil fédéral à supprimer, par la voie réglementaire, le droit du conjoint divorcé à de telles prestations (cf. Message à l’appui d’un projet de loi sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité du 19 décembre 1975, FF 1976 I 117, 199, ch. 521.32; cf. aussi Message relatif à la 1re révision LPP précité, FF 2002 2495, 2549, ch. 4.1, selon lequel la nouvelle formulation de l’al. 3 [de l’art. 19] rend possible que l’ex-mari ait droit à une rente de veuf aux mêmes conditions que la femme survivante divorcée).

Consid. 6.3
En définitive, en considérant que les conjoints divorcés ne sont pas inclus dans le cercle des conjoints survivants selon l’art. 19 LPP, auquel renvoient les art. 15 al. 1 let. b ch. 1 OLP et 8 du règlement de la Fondation de libre passage, la juridiction cantonale a violé le droit. Un conjoint divorcé fait partie du cercle prioritaire des ayants droit selon les dispositions précitées, pour autant que soient remplies les conditions auxquelles l’art. 20 OPP 2 subordonne l’assimilation du conjoint divorcé au veuf ou à la veuve.

Consid. 7.1
Il reste à examiner si les conditions posées par l’art. 20 al. 1 OPP 2 sont en l’occurrence réalisées, ce qui permettrait dans l’affirmative à l’ex-épouse d’être assimilée à une veuve et donc, d’être considérée comme un conjoint survivant au sens de l’art. 19 LPP et de faire partie, à ce titre, du cercle prioritaire des ayants droit selon les art. 15 al. 1 let. b ch. 1 OLP et 8 du règlement de la Fondation de libre passage.

Consid. 7.2
Concernant d’abord la condition afférente à la durée du mariage (art. 20 al. 1 let. a OPP 2), il est constant que l’ex-épouse et feu l’assuré se sont mariés le 12 mars 1976 et que la dissolution de leur mariage par le divorce a été prononcée le 20 mai 1998. Ils ont donc été mariés pendant plus de dix ans, comme l’exige l’art. 20 al. 1 let. a OPP 2.

Consid. 7.3 [résumé]

Quant à la seconde condition (art. 20 al. 1 let. b OPP 2, dans sa version applicable jusqu’au 31 décembre 2016; cf. consid. 3.2 supra), la convention de divorce du 20 mai 1998 prévoyait que l’assuré devait verser à son ex-épouse la moitié de sa prestation de sortie LPP acquise pendant le mariage (104’735 fr. 90) et une pension mensuelle de 1’800 fr., augmentée de 500 fr. dès que chaque enfant aurait acquis son indépendance financière. Selon la convention, l’assuré avait renoncé à demander une réduction de la pension tant que les revenus de son ex-épouse restaient inférieurs à 1’500 fr. nets par mois, sous réserve d’une baisse importante et durable de ses propres revenus en dessous de 7’200 fr. nets. A cet égard, la compagne n’allègue pas que feu l’assuré ne versait plus de pension à son ex-épouse au moment de son décès.

En ce qui concerne l’ex-épouse, le décès de son ex-conjoint a ainsi eu pour conséquence la fin du versement de contributions d’entretien, alors qu’elle avait déjà atteint l’âge de la retraite. La condition relative à l’octroi d’une rente, en vertu du jugement de divorce (art. 20 al. 1 let. b OPP 2) est donc remplie. On rappellera à cet égard que la rente, prévue comme condition de l’assimilation du conjoint divorcé au veuf ou à la veuve par l’art. 20 al. 1 let. b OPP 2, peut également être une rente limitée dans le temps (ATF 137 V 373 consid. 2-6). Ce qui importe, c’est que l’obligation alimentaire existe encore au moment du décès de l’ex-conjoint tenu à aliments (cf. OFAS, Bulletin de la prévoyance professionnelle n° 1 du 24 octobre 1986, ch. 2 p. 4 s.; cf. aussi HÜRZELER/SCARTAZZINI, op. cit., n os 18 et 31 ad art. 19 LPP). L’art. 20 OPP 2 vise en effet à indemniser le conjoint divorcé pour la perte de soutien qu’il subit ensuite du décès de son ancien conjoint (ATF 137 V 373 consid. 6.2 et les arrêts cités; cf. aussi arrêts 9C_33/2011 du 14 septembre 2011 consid. 5.2; B 135/06 du 9 novembre 2007 consid. 3.6). Il n’y a dès lors pas lieu d’examiner plus avant le grief de l’ex-épouse recourante tiré de la violation de la maxime inquisitoire par les juges cantonaux, en relation avec la fonction de soutien de la contribution d’entretien.

Consid. 8 [résumé]
En conséquence de ce qui précède, la cause doit être renvoyée à la juridiction cantonale afin qu’elle répartisse le capital litigieux entre l’ex-épouse et la compagne, qui appartiennent toutes deux au cercle prioritaire des bénéficiaires selon les art. 15 al. 1 let. b ch. 1 OLP et 8 du règlement de la Fondation de libre passage (correspondant à l’art. 6 de l’ancien règlement).

 

Le TF admet le recours de l’ex-épouse.

 

Arrêt 9C_577/2024 consultable ici

 

 

 

9C_102/2024 (f) du 30.06.2025 – Versement de la prestation en capital et consentement du conjoint du bénéficiaire – Demande de signature légalisée par un notaire / Recours de l’assuré à la limite de la témérité

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_102/2024 (f) du 30.06.2025

 

Consultable ici

 

Versement de la prestation en capital et consentement du conjoint du bénéficiaire – Demande de signature légalisée par un notaire / 37 LPP – 37a LPP

Fardeau de la preuve du consentement du conjoint

Recours de l’assuré à la limite de la témérité

 

Résumé
Le Tribunal fédéral a confirmé le refus du versement en capital au motif que l’assuré n’avait pas produit le consentement de son épouse (signature légalisée par un notaire). Il a jugé que l’institution de prévoyance était en droit de vérifier l’authenticité de la signature et que cette exigence ne constituait pas un formalisme excessif. Faute de preuve du consentement écrit, le rejet de la demande était justifié, le recours de l’assuré se situant à la limite de la témérité.

 

Faits
Assuré, né en 1954, marié, est séparé de son épouse. Il était affilié pour la prévoyance professionnelle.

En avril 2019, l’institution de prévoyance l’a informé qu’il aurait droit à des prestations de vieillesse dès le 01.06.2019 et qu’il avait la possibilité d’opter pour un versement partiel ou total des prestations de vieillesse sous forme de capital. Si tel était le cas, il était invité à lui retourner avant le début du droit aux prestations le formulaire prévu à cet effet ainsi que le certificat de famille, étant précisé que pour les personnes mariées, un versement en capital ne pouvait intervenir qu’avec le consentement écrit du conjoint dont la signature devait être légalisée par un notaire.

Le 28 mai 2019, l’assuré a demandé le versement sous forme de capital sans la signature de son épouse, puis a continué de travailler jusqu’à sa retraite au 30.06.2020. L’institution de prévoyance lui a rappelé la nécessité d’une autorisation signée et légalisée de son épouse. En octobre 2021, il a réitéré sa demande de versement du capital, en indiquant qu’ils vivaient séparés depuis vingt ans et avaient signé en 2013 une renonciation réciproque à leurs avoirs de prévoyance, qu’il a produite. L’institution de prévoyance a néanmoins maintenu son exigence de signature légalisée.

 

Procédure cantonale (arrêt PP 13/23 – 39/2023 – consultable ici)

Par jugement du 22.11.2023, rejet de la demande par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3.1
Se référant à l’art. 37 LPP, les juges cantonaux ont rappelé que la prévoyance professionnelle ne profite pas seulement au preneur d’assurance mais aussi aux membres de sa famille. En effet, une partie de l’avoir de prévoyance acquis durant le mariage revient au conjoint en cas de divorce (cf. art. 22 LFLP). Or ces expectatives sont réduites en cas de paiement en espèces ou de prestations en capital.

À cet égard, l’instance cantonale a rappelé que l’art. 37a LPP protège les expectatives en ce sens qu’il empêche que le preneur d’assurance puisse mettre fin à la prévoyance professionnelle en percevant les fonds de prévoyance sans le consentement du conjoint bénéficiaire (THOMAS GEISER/CHRISTOPH SENTI in: Commentaire LPP et LFLP, 2e éd. 2020, n° 1 ss ad art. 37a LPP). Ainsi, sous le titre marginal « Consentement au versement de la prestation en capital », il est prévu à l’art. 37a LPP que lorsque l’assuré est marié ou lié par un partenariat enregistré, le versement de la prestation en capital selon l’art. 37, al. 2 et 4, n’est autorisé que si le conjoint ou le partenaire enregistré donne son consentement écrit. S’il n’est pas possible de recueillir ce consentement ou s’il est refusé, l’assuré peut en appeler au tribunal civil (al. 1). On rappellera à ce sujet que l’exigence du « consentement écrit de l’autre conjoint », « désormais nécessaire », prévue dans le Message du 1er mars 2000 relatif à la 1re révision de la LPP (FF 2000 2495, 2552), avait été introduite au 1er janvier 2005 (art. 37 al. 5 aLPP; RO 2004 1677, 1700) et qu’elle avait été étendue au partenaire enregistré dès le 1er janvier 2007 (ch. 29 de l’annexe à la loi sur le partenariat du 18 juin 2004, RO 2005 5685, 5718; FF 2003 1192).

Consid. 3.2
Dans l’ATF 130 V 103, cité par les juges cantonaux, le Tribunal fédéral a examiné le point de savoir si l’institution de prévoyance pouvait être tenue de verser une seconde fois le montant de la prestation de libre passage lorsque celle-ci avait été versée à l’assuré en violation de l’art. 5 al. 2 LFLP (soit sans le consentement écrit du conjoint de l’assuré dans les situations visées par l’art. 5 al. 1 LFLP). Il a considéré que, dans ces conditions, le versement en question n’était pas nul à la différence de ce que prévoyaient d’autres dispositions apparentées, telles que l’art. 494 al. 1 et 3 CO, où l’absence de consentement valable conduisait à la nullité de l’acte juridique, sans que la partie contractante ne puisse se prévaloir de sa bonne foi (cf. consid. 3.2). Il a alors fondé la prétention en cause sur les art. 97 ss CO et a retenu que l’institution de prévoyance est tenue de prester si elle n’a pas fait preuve de la diligence requise pour vérifier le consentement du conjoint (cf. consid. 3.3). Il a toutefois exclu que, dans la situation alors jugée, l’institution de prévoyance ait manqué à son devoir de diligence lors de la vérification du consentement des ayants droit et doive réparer le dommage en résultant (cf. consid. 3.4 et 3.5). Cette jurisprudence a été confirmée et appliquée à de nombreuses reprises (cf. ATF 133 V 205 consid. 4.4; arrêt 9C_52/2024 du 6 mars 2025 consid. 4.3.2; arrêt B 126/04 du 20 mars 2006 consid. 2.3 et les cas d’application mentionnés; cf. en particulier arrêt B 58/01 du 7 janvier 2004; voir aussi THOMAS GEISER/CHRISTOPH SENTI, op. cit., n° 59 ss ad art. 5 LFLP; Hans-Ulrich Stauffer, Berufliche Vorsorge, 3e éd. 2019, p. 472 n° 1465).

En particulier, dans le cadre de l’art. 37 al. 5 aLPP, le Tribunal fédéral a confirmé les principes relatifs à l’exigence du consentement écrit du conjoint en cas de versement en capital des avoirs de vieillesse, le règlement de l’institution de prévoyance concerné prévoyant l’exigence de la légalisation de la signature du conjoint (arrêt 9C_495/2015 du 17 juin 2016).

Consid. 4.1
Au consid. 7 de son jugement, auquel il suffit de renvoyer, l’autorité précédente a retenu que plusieurs éléments au dossier ne permettaient pas de lever le doute sur l’authenticité de la signature de l’épouse de l’assuré.

Consid. 4.2
Ce dernier fait grief aux juges cantonaux d’avoir versé dans l’arbitraire en admettant l’existence de tels doutes. Il soutient qu’il n’a pas été établi que la signature de son épouse aurait été contrefaite. En outre, il allègue que l’instance cantonale lui a fait supporter le fardeau d’une preuve qu’il ne devait pas apporter. À son avis, en cas de doute, il incombait aux juges cantonaux d’instruire en conséquence, en vertu de la maxime inquisitoire (art. 61 let. c LPGA).

Consid. 4.3
Contrairement à l’opinion de l’assuré, il lui appartient de prouver les faits justifiant le versement de la prestation en capital qu’il réclame en produisant le consentement de son épouse (cf. art. 37a LPP), le cas échéant en saisissant le tribunal civil (al. 1), de telles démarches n’incombant pas au juge des assurances.

Quant aux vérifications auxquelles l’institution de prévoyance entendait procéder, elles ne constituent nullement un cas de « formalisme renforcé » compte tenu de l’importance des intérêts en jeu, étant rappelé qu’un manque de diligence de l’institution de prévoyance pourrait l’exposer à supporter les conséquences d’une preuve insuffisante de la signature du conjoint, s’il devait s’avérer que le versement était indu (cf. arrêt 9C_52/2024 précité, consid. 4.3). Au regard des règles exposées ci-avant (consid. 3 supra) et quand bien même la loi et le règlement de l’institution de prévoyance prévoient la simple forme écrite pour le consentement, l’institution de prévoyance était légitimée à vérifier l’authenticité de la signature de l’épouse, d’autant plus que l’assuré ne démontre pas en quoi la juridiction cantonale aurait arbitrairement retenu l’existence de doutes. L’institution de prévoyance pouvait ainsi requérir la légalisation de la signature de l’épouse par un notaire ou lui proposer de passer personnellement dans ses bureaux, sans que cela constitue de surcroît un cas de formalisme excessif.

À défaut d’avoir produit le consentement légalisé de son épouse, l’assuré s’est exposé au rejet de sa demande par l’instance cantonale. Le jugement attaqué ne prête pas le flanc à la critique et le recours, qui se situe à la limite de la témérité, est donc infondé.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 9C_102/2024 consultable ici

 

 

9C_430/2023 (f) du 07.07.2025, destiné à la publication – Somme de rachat annuelle versée par les personnes arrivant de l’étranger qui n’avaient jamais été affiliées à une institution de prévoyance en Suisse / Inégalité de traitement résultant de l’application de l’art. 60b al. 1 OPP 2 justifiée visant à garantir la cohérence du système fiscal

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_430/2023 (f) du 07.07.2025, destiné à la publication

 

Consultable ici

 

Somme de rachat annuelle versée par les personnes arrivant de l’étranger qui n’avaient jamais été affiliées à une institution de prévoyance en Suisse / 79b LPP – 60b OPP 2

Raison impérieuse d’intérêt général justifiant une entrave à la libre circulation / 21 par. 3 ALCP

Inégalité de traitement résultant de l’application de l’art. 60b al. 1 OPP 2 justifiée visant à garantir la cohérence du système fiscal

 

Résumé
Le Tribunal fédéral a examiné la situation d’un ressortissant français installé en Suisse en 2020, qui avait procédé à plusieurs rachats d’années de prévoyance auprès de l’institution de son employeur. L’institution avait refusé d’accepter un rachat supérieur à 20% du salaire assuré pendant les cinq premières années d’affiliation, conformément à l’art. 60b al. 1 OPP2. L’assuré contestait cette limitation qu’il considérait comme une discrimination contraire à l’Accord sur la libre circulation des personnes.

Le Tribunal fédéral a admis que la règle pouvait induire une différence de traitement principalement défavorable aux ressortissants étrangers arrivant en Suisse. Toutefois, il a jugé que cette restriction se justifie par la nécessité de préserver la cohérence du système fiscal suisse, en évitant que des personnes à revenu élevé ne puissent déduire de manière importante leurs rachats sans que la Suisse n’ait ensuite la possibilité d’imposer les prestations de prévoyance lors d’un départ à l’étranger. Le recours de l’assuré a été rejeté.

 

Faits
Assuré, ressortissant français né en 1964, s’est installé en Suisse en septembre 2020 au moment d’entrer au service de la société B.__ SA en qualité de directeur financier. Depuis lors, il est affilié pour la prévoyance professionnelle auprès de la Fondation de B.__ SA. Le prénommé a effectué deux rachats d’années d’assurance auprès de la Fondation, à hauteur de 160’000 fr. le 11.12.2020 puis de 172’080 fr. le 29.10.2021. Au 01.01.2022, les possibilités de rachats s’élevaient encore à 11’086’197 fr. 70.

Le 22.07.2022, l’assuré a effectué un nouveau rachat d’un montant de 250’000 fr. Le 04.08.2022, la Fondation lui a indiqué ne pas pouvoir accepter un rachat annuel supérieur à 172’080 fr. en 2022, car cette limite correspondait au 20% de son salaire assuré maximum qui s’élevait à 860’040 fr. en cette même année. Elle a précisé que la somme de rachat annuelle versée par les personnes arrivant de l’étranger qui n’avaient jamais été affiliées à une institution de prévoyance en Suisse ne devait pas dépasser, pendant les cinq années qui suivaient leur entrée dans l’institution de prévoyance suisse, 20% du salaire assuré tel qu’il était défini par son règlement. La Fondation a dès lors invité l’assuré à lui communiquer ses coordonnées bancaires en vue de la restitution du trop-perçu. Le 30.08.2022, l’assuré lui a répondu ne pas partager son point de vue et lui a demandé de garder le montant versé en trop pour l’affecter à sa prévoyance jusqu’à l’issue du désaccord.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/536/2023 – consultable ici)

Par jugement du 30.06.2023, rejet de la demande par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3.2.1 [résumé]
L’art. 79b LPP, en vigueur depuis le 1er janvier 2006, limite les possibilités de rachat aux seules prestations réglementaires (al. 1) et prévoit que le Conseil fédéral règle la question du rachat pour les personnes n’ayant jamais été affiliées à une institution de prévoyance au moment où elles exercent cette faculté (al. 2).

En application de ce mandat, le Conseil fédéral a édicté l’art. 60b OPP 2, également en vigueur depuis le 1er janvier 2006 (dans sa teneur applicable dès le 1er janvier 2011). Cette disposition prévoit que, pour les personnes arrivant de l’étranger et n’ayant jamais été affiliées en Suisse, la somme de rachat annuelle ne peut excéder, durant les cinq premières années d’affiliation, 20% du salaire assuré défini par le règlement. Après ce délai, le rachat complet devient possible. L’art. 60b al. 2 OPP 2 prévoit en outre une exception lorsque l’assuré transfère directement des avoirs de prévoyance professionnelle étrangère dans une institution de prévoyance suisse, sous certaines conditions (transfert direct [let. a], admission par l’institution d’un tel transfert [let. b] et absence de déduction fiscale en Suisse [let. c]).

Consid. 3.2.2
Entrent également en ligne de compte pour la solution du litige, comme l’a retenu à juste titre la juridiction cantonale, deux dispositions de l’Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d’une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d’autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP; RS 0.142.112.681), soit les art. 2 et 21 par. 3.

Selon l’art. 2 ALCP, les ressortissants d’une partie contractante qui séjournent légalement sur le territoire d’une autre partie contractante ne sont pas, dans l’application et conformément aux dispositions des annexes I, II et III de cet accord, discriminés en raison de leur nationalité. Ce principe de l’égalité de traitement est repris à l’art. 9 de l’annexe I de l’ALCP, qui énonce, à son par. 2 une règle spécifique visant à faire bénéficier le travailleur salarié et les membres de sa famille des mêmes avantages fiscaux et sociaux que ceux dont disposent les travailleurs salariés nationaux et les membres de leur famille.

En vertu de l’art. 21 par. 3 ALCP, aucune disposition du présent accord ne fait obstacle à l’adoption ou l’application par les parties contractantes d’une mesure destinée à assurer l’imposition, le paiement et le recouvrement effectif des impôts ou à éviter l’évasion fiscale conformément aux dispositions de la législation fiscale nationale d’une partie contractante ou aux accords visant à éviter la double imposition liant la Suisse, d’une part, et un ou plusieurs États membres de la Communauté européenne, d’autre part, ou d’autres arrangements fiscaux.

Consid. 4 [résumé]
La juridiction cantonale a rappelé que l’art. 60b OPP 2 trouvait son origine dans la volonté du législateur de lutter contre les abus fiscaux liés aux rachats de prévoyance. Les personnes arrivant en Suisse pour y exercer une activité lucrative présentaient d’importantes lacunes dans le deuxième pilier, par comparaison avec celles ayant uniquement un « passé de prévoyance suisse ». Dès lors, ces lacunes, pouvant être comblées par des rachats exonérés d’impôt, présentaient un risque d’utilisation abusive à des fins fiscales.

Après la suppression de la limitation de l’ancien art. 79a LPP (en vigueur jusqu’au 31 décembre 2005) et l’impossibilité pratique de vérifier l’existence à l’étranger de régimes comparables, le législateur avait confié au Conseil fédéral, par l’art. 79b al. 2 LPP (en vigueur dès le 1er janvier 2006), la tâche d’édicter une disposition anti-abus. L’art. 60b OPP 2, conçu comme une norme de nature fiscale, visait ainsi les personnes venant temporairement en Suisse, réduisant leur revenu imposable par des rachats, puis quittant le pays en retirant leur avoir de prévoyance en espèces selon l’art. 5 al. 1 let. a LFLP. Comme la plupart des conventions de double imposition attribuaient à l’État de résidence le droit d’imposer ces prestations, la Suisse en sortait défavorisée fiscalement. Le plafonnement instauré par l’art. 60b al. 1 OPP 2 visait donc à éviter qu’un contribuable à revenu élevé et de séjour limité n’élude largement l’impôt en Suisse.

Tout en laissant indécise la question de savoir si ce plafonnement constituait une discrimination indirecte envers les ressortissants de l’Union européenne prohibée par l’ALCP, les juges cantonaux ont retenu que la mesure demeurait compatible avec cet accord. Ils ont souligné qu’elle constituait une mesure « visant à assurer l’imposition » au sens de l’art. 21 par. 3 ALCP, norme permettant de justifier une restriction afin de lutter contre l’évasion fiscale. Enfin, ils ont jugé que la limitation à 20% du salaire assuré pendant cinq ans apparaissait proportionnée.

Consid. 6.1 [résumé]
Il est incontesté que l’assuré, ressortissant français arrivé en Suisse en 2020 pour y exercer une activité lucrative, entre dans le champ d’application personnel de l’ALCP (art. 1 ALCP et art. 1 annexe I ALCP).

Il n’est pas non plus litigieux que la faculté de rachat d’années de prévoyance non pas au moment de l’entrée dans l’institution (art. 9 LFLP en lien avec l’art. 79b LPP), mais en cours d’assurance, relève de la prévoyance plus étendue (arrêt 9C_813/2014 du 26 mai 2015 consid. 2.3.2, in SVR 2016 BVG n° 23 p. 98; STÉPHANIE Perrenoud/Marc Hürzeler, in Commentaire bâlois, Berufliche Vorsorge, 2021, n° 7 ad art. 9 LFLP). Celle-ci n’entre pas dans le champ d’application du Règl. (CE) n° 883/2004 (RS 0.831.109.268), mais dans celui de la Directive 98/49 CE du Conseil européen du 29 juin 1998 relative à la sauvegarde des droits à pension complémentaire des travailleurs salariés et non salariés qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté (ci-après: Directive 98/49), à laquelle renvoie le ch. 5 section A de l’annexe II ALCP (ATF 140 II 364 consid. 4.3 et les références; 137 V 181 consid. 2.1; Basile Cardinaux, in Commentaire bâlois, Berufliche Vorsorge, 2021, n° 18 ad art. 89a LPP; ROLAND MÜLLER/ Gertrud Bollier, in LPP et LFLP, 2e éd. 2020, n° 18 ad Rem. prél. art. 89a-89d LPP). Cette directive n’a toutefois pas de portée plus large que l’art. 2 ALCP en matière de non-discrimination. De plus, il n’y a pas lieu de revenir sur la qualification, admise par la juridiction cantonale et non contestée, du rachat en cause comme avantage fiscal et social au sens de l’art. 9 par. 2 annexe I ALCP.

Consid. 6.2 [résumé]
Conformément à l’analyse des juges cantonaux, l’art. 60b al. 1 OPP 2 est une norme à caractère fiscal. Selon l’OFAS, son objectif est de prévenir les utilisations abusives des rachats à des fins fiscales et non pour améliorer la prévoyance professionnelle, le législateur ayant confié au Conseil fédéral la mission d’adopter une telle disposition après la suppression de l’art. 79a aLPP. L’OFAS considère par ailleurs que la règle respecte l’égalité de traitement internationale, puisqu’elle s’applique indifféremment aux ressortissants suisses et étrangers (Bulletin de la prévoyance professionnelle n° 83 du 16 juin 2005, ch. 484, p. 22). L’assuré fait toutefois valoir qu’elle entraîne, dans son cas, une discrimination indirecte au sens de l’ALCP, grief qu’il convient d’examiner.

Consid. 6.2.1
Selon la jurisprudence, le principe de non-discrimination déduit de l’art. 2 ALCP (ainsi que des art. 9 al. 2 et 15 al. 2 annexe I ALCP) prohibe non seulement les discriminations ostensibles fondées sur la nationalité (discriminations directes), mais encore toutes formes dissimulées de discrimination qui, par application d’autres critères de distinction, aboutissent en fait au même résultat (discriminations indirectes). Dans le domaine de la fiscalité directe, qui relève de leur compétence, les États doivent ainsi s’abstenir de toute discrimination ostensible ou déguisée fondée sur la nationalité (ATF 140 II 141 consid. 7.1.1 et les références; arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne [CJUE] – précédemment Cour de justice des Communautés européennes [CJCE] – du 30 mai 2024 C-627/22 Finanzamt Köln-Süd, point 83).

Consid. 6.2.2
En l’occurrence, l’application de l’art. 60b al. 1 OPP 2 à l’assuré constitue une différence de traitement avec quiconque est déjà établi en Suisse et qui est affilié à une institution de prévoyance de par son activité lucrative. En effet, ainsi que l’a constaté de manière pertinente la cour cantonale, s’il est vrai que cette disposition s’applique indistinctement aux ressortissants suisses et étrangers, il n’en demeure pas moins qu’en pratique, les ressortissants européens arrivant en Suisse où ils s’établissent n’ont, pour la plupart d’entre eux, jamais été affiliés à une institution de prévoyance en Suisse. L’assuré subit donc, dans les faits, une différence de traitement par rapport à une personne habitant en Suisse, qui a déjà en principe préalablement cotisé à la prévoyance professionnelle. À la différence de la situation de cette personne, l’assuré est limité dans ses possibilités de rachats d’années d’assurance pendant les cinq années suivant son entrée dans l’institution de prévoyance suisse. Il ne peut donc pas pleinement bénéficier des avantages fiscaux liés à la déduction des cotisations de la prévoyance professionnelle dans la même mesure qu’une personne habitant en Suisse et qui est affiliée à une institution de prévoyance. En effet, puisque les primes, cotisations et montants légaux, statutaires ou réglementaires versés à des institutions de la prévoyance professionnelle sont déductibles du revenu (cf. art. 33 al. 1 let. d LIFD [RS 642.11] et 9 al. 2 let. d LHID [RS 642.14]), l’assuré subit dans le contexte de la prévoyance professionnelle un désavantage de trésorerie en raison de la limitation prévue par l’art. 60b al. 1 OPP 2. Partant, la réglementation en cause est de nature à le dissuader de faire effectivement usage de son droit de circulation tiré de l’ALCP.

Consid. 7
Puisque la réglementation prévue par l’art. 60b al. 1 OPP 2est susceptible d’induire une discrimination (indirecte), il convient maintenant d’examiner si celle-ci peut être justifiée en application de l’art. 21 par. 3 ALCP (étant précisé que l’éventualité de l’art. 21 par. 2 ALCP n’entre pas en considération). On rappellera que cette disposition permet aux parties contractantes d’adopter ou appliquer une mesure destinée à assurer l’imposition, le paiement et le recouvrement effectif des impôts ou à éviter l’évasion fiscale, sans qu’on puisse leur opposer notamment le principe de non discrimination prévu par l’ALCP (consid. 3.2.2 supra).

Consid. 7.1.1
Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, l’art. 21 par. 3 ALCP ne contient pas de notions de droit communautaire, de sorte qu’il convient d’interpréter cette disposition selon l’art. 31 al. 1 de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités (CV; 0.111; cf. ATF 140 II 167 consid. 5.5.2). Outre les mesures visant à lutter contre l’évasion fiscale, le Tribunal fédéral a jugé que l’art. 21 par. 3 ALCP permettait de justifier une inégalité de traitement par une législation visant à garantir la « cohérence du système » (« Systemkohärenz »; ATF 140 II 167 consid. 4.1 et 5.5.3).

Quand bien même les motifs justificatifs figurant à l’art. 21 par. 3 ALCP ne se recoupent pas avec ceux développés par la CJUE dans sa jurisprudence relative à la libre circulation des personnes à l’intérieur de l’Union, celle-ci a néanmoins considéré que les mesures de l’art. 21 par. 3 ALCP correspondaient aux « raisons impérieuses d’intérêt général » (arrêts de la CJUE du 30 mai 2024 C-627/22 Finanzamt Köln-Süd, point 104 et du 26 février 2019 C-581/17 Wächtler, point 63; qui peuvent être pris en considération dans le but d’assurer une situation juridique parallèle entre les États membres de l’Union européenne, d’une part, et entre ceux-ci et la Suisse, d’autre part [« Beachtungsgebot »; cf. ATF 149 I 248 consid. 6.7 et les références; arrêt 2C_162/2024 du 30 janvier 2025 consid. 5.2 et les références]). À titre d’exemple, constituent une « raison impérieuse d’intérêt général » qui justifie une entrave à la libre circulation la sauvegarde de la cohérence des systèmes fiscaux, ainsi que la volonté d’exclure d’un avantage fiscal les montages purement artificiels (soit d’exclure les cas d’évasion fiscale; cf. ALEXANDRE MAITROT DE LA MOTTE, Droit fiscal de l’Union européenne, 3e éd. 2022, n° 174 p. 305). De telles mesures doivent, en tout état de cause, respecter le principe de proportionnalité, à savoir qu’elles doivent être propres à réaliser les objectifs (de la législation nationale en cause) et qu’elles ne doivent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour les atteindre (arrêt de la CJUE du 30 mai 2024 C-627/22 Finanzamt Köln-Süd, point 104; arrêt de la CJUE du 26 février 2019 C-581/17 Wächtler, point 63).

Consid. 7.1.2
En définitive, on constate que l’art. 21 par. 3 ALCP permet à un État contractant de justifier une discrimination par des mesures qui visent soit à garantir la cohérence du système fiscal, soit à éviter l’évasion fiscale. Il convient dès lors d’examiner si l’art. 60b al. 1 OPP 2 s’inscrit dans ce cadre.

Consid. 7.2.1
En ce qui concerne la justification fondée sur le risque d’évasion fiscale, on rappellera que la CJCE a considéré que le caractère entravant (aux libertés de circulations) de certaines législations fiscales nationales destinées à lutter contre la fraude fiscale internationale pouvait être justifié par la volonté de mettre en échec « les montages purement artificiels dont le but serait de contourner la loi fiscale » d’un État membre (cf. arrêt de la CJCE du 16 juillet 1988 C-264/96 Imperial Chemical Industries / Colmer, Rec. p. I-4695, point 26; ALEXANDRE MAITROT DE LA MOTTE, op. cit, n° 176 p. 307). La CJUE a précisé dans sa jurisprudence ultérieure qu’il n’était cependant possible de justifier l’entrave d’une liberté de circulation en lien avec l’existence de tels montages qu’à la condition qu »‘ils soient dépourvus de réalité économique » et qu’ils poursuivent « le but d’éluder l’impôt normalement dû sur les bénéfices générés par des activités réalisées sur le territoire national » (arrêt de la CJUE du 12 septembre 2006 C-196/04 Cadbury Schweppes et Cadbury Schweppes Overseas, Rec. p. I-7995 point 55). Partant, la justification ne vaut que pour autant que la réglementation d’un État membre vise uniquement à éviter les montages purement artificiels (ALEXANDRE MAITROT DE LA MOTTE, op. cit., n° 176 p. 309).

Consid. 7.2.2
Dans le contexte de l’évasion fiscale, il paraît utile de rappeler qu’en droit interne suisse, le Tribunal fédéral considère que, dans le cadre des rachats dans la prévoyance professionnelle, l’utilisation du 2e pilier comme « compte-courant fiscalement avantageux » peut typiquement constituer un cas d’évasion fiscale (cf. ATF 142 II 399 consid. 3.3.4; arrêt 9C_206/2024 du 30 janvier 2025 consid. 3.4 et les références).

Consid. 7.2.3
À la lumière des développements précédents sur l’art. 21 par. 3 ALCP, l’avis de la juridiction cantonale selon lequel l’art. 60b al. 1 OPP 2 fait partie des instruments fiscaux réservés par l’art. 21 par. 3 ALCP en tant qu’il vise à lutter contre l’optimisation fiscale abusive peut être suivi dans son principe (cf. également JACQUES-ANDRÉ SCHNEIDER/NICOLAS MERLINO/DIDIER MANGE, in LPP et LFLP, 2e éd. 2020, n° 88 ad art. 79b al. 2 LPP; HANS-PETER CONRAD/PETER LANG, in Commentaire bâlois, Berufliche Vorsorge, 2021, n° 32 ad art. 79b LPP). Il n’est en effet pas exclu que l’institution du 2e pilier soit utilisée comme un « compte-courant fiscalement avantageux » dans une constellation telle que celle du cas d’espèce.

Cela étant, et dans la mesure où l’art. 21 par. 3 ALCP exigerait que les mesures prévues par le droit national respectent le principe de proportionnalité (ce qui a été reconnu par la CJUE, supra consid. 7.1.1; sur cette question sous l’angle du droit suisse, STEFAN OESTERHELT/MORITZ SEILER, in Internationales Steuerrecht der Schweiz, 2e éd. 2023, p. 709), on peut toutefois douter que la limitation prévue par l’art. 60b al. 1 OPP 2 respecte un tel principe sous l’angle de la lutte contre l’évasion fiscale. En effet, on ne saurait retenir que cette disposition s’appliquerait surtout à des cas dans lesquels un ressortissant de l’Union européenne, qui vient s’établir en Suisse, procède à des rachats de la prévoyance professionnelle dans le seul but d’éluder l’impôt. Il n’est en effet pas exclu qu’un tel ressortissant souhaite effectuer des rachats en vue d’améliorer sa prévoyance professionnelle ou de procéder à des rattrapages de cotisation qui soient en adéquation avec son salaire en Suisse, sans penser à un départ à relativement court terme, et qui donc, seraient économiquement justifiés. En d’autres termes, la limitation posée par la disposition en cause de l’OPP 2, bien qu’elle puisse s’appliquer aux cas d’évasion fiscale, a pour vocation à régir toutes les situations dans lesquelles une personne venant de l’étranger vient s’établir en Suisse et procède à des versements dans la prévoyance professionnelle qui peuvent se justifier pour des raisons d’amélioration d’une telle prévoyance. Dans cette mesure et en s’appliquant de manière indifférenciée aux cas d’évasion fiscale et aux situations ne présentant pas une telle composante (soit celle du cas de rachats effectués dans le but d’amélioration de la prévoyance professionnelle et qui sont économiquement justifiés), l’art. 60b al. 1 OPP 2 ne vise pas uniquement les situations dans lesquelles les conditions pour admettre une évasion fiscale seraient réunies. À cet égard, une partie de la doctrine considère que l’art. 60b OPP 2 constitue une mesure disproportionnée au regard de l’art. 21 par. 3 ALCP (BASILE CARDINAUX, Das Personenfreizügigkeitsabkommen und die schweizerische berufliche Vorsorge, 2008, p. 564). Toutefois, tant la question de savoir si une mesure au sens de l’art. 21 par. 3 ALCP doit respecter l’exigence de proportionnalité que le point de savoir si l’art. 60b al. 1 OPP 2 respecte effectivement ce principe dans le cas d’espèce peuvent souffrir de demeurer indécis, vu ce qui suit.

Consid. 7.3.1 [résumé]
Tant selon la jurisprudence du Tribunal fédéral que selon celle de la CJUE (supra consid. 7.1), la cohérence du système fiscal peut être invoquée afin de justifier une différence de traitement interdite, en principe, par l’art. 9 par. 2 de l’annexe I de l’ALCP. Encore faut-il, selon la CJUE, pour qu’un argument fondé sur une telle justification puisse être admis, que l’existence d’un lien direct entre l’avantage fiscal concerné et la compensation de cet avantage par un prélèvement fiscal déterminé soit établie (arrêt de la CJUE du 30 mai 2024 C-627/22 Finanzamt Köln-Süd, point 108).

Une telle justification a été reconnue dans l’affaire Commission c. Belgique, où la CJCE a jugé conforme au droit communautaire une législation belge conditionnant la déductibilité des cotisations d’assurance complémentaire au versement de celles-ci à des assureurs établis en Belgique. La CJCE a considéré que la déduction de ces primes était liée à l’imposition future des prestations servies, de telle sorte que la cohérence du régime fiscal belge devait être sauvegardée (arrêt de la CJCE du 28 janvier 1992 C-300/90 Commission / Belgique, Rec. 1992 I p. 305 point 21).

Consid. 7.3.2.1 [résumé]
Sous l’angle du système fiscal suisse, l’art. 33 al. 1 let. d LIFD permet de déduire les cotisations versées aux institutions de prévoyance alors que l’art. 22 al. 1 LIFD rend imposables toutes les prestations de prévoyance, y compris les prestations en capital. Toutefois, l’art. 38 al. 3 LIFD prévoit un taux privilégié pour ces prestations en capital, celles-ci étant imposées séparément et soumises à un impôt annuel entier calculé sur la base du taux représentant le cinquième des barèmes ordinaires inscrits à l’art. 36 LIFD (ATF 145 II 2 consid. 4.1).

Ainsi, en l’absence d’élément d’extranéité, la perte fiscale due aux déductions (cf. art. 33 al. 1 let. d LIFD) est compensée, même partiellement, par l’imposition des prestations futures. Le régime est analogue aux niveaux cantonal et communal (art. 9 al. 2 let. d et 11 al. 3 LHID).

Consid. 7.3.2.2 [résumé]
En revanche, dans un cas présentant un élément d’extranéité, soit par exemple celui d’un ressortissant français établi en Suisse, qui quitte ce pays et se fait verser sa prestation de libre passage, la situation se présente de manière différente.

Conformément à l’art. 96 al. 1 LIFD, les prestations restent imposables même si le bénéficiaire est à l’étranger. Toutefois l’art. 20 par. 1 de la Convention franco-suisse du 9 septembre 1966 en vue d’éliminer les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir la fraude et l’évasion fiscales (CDI CH-FR; RS 0.672.934.91) confère le droit exclusif d’imposition à l’État de résidence. Il découle donc de cette disposition conventionnelle et de l’effet négatif des conventions de double imposition (sur ce principe, cf. ATF 143 II 65 consid. 3.5) que le droit d’imposer les prestations de libre passage en cas de départ à l’étranger d’un ressortissant français ayant travaillé en Suisse, puis retournant s’établir en France, revient exclusivement à la France (comp. ATF 143 II 65 consid. 3.1; arrêt 2C_436/2011 du 13 décembre 2011 consid. 2.4 et 4.1.2).

Même si un impôt à la source est retenu en Suisse, il est restitué, sans intérêt, sur requête du contribuable dans les trois ans dès l’échéance de la prestation et de la production d’une attestation de l’État de domicile confirmant qu’il a connaissance du versement de la prestation (cf. art. 19 de l’ordonnance du 11 avril 2018 du DFF sur l’imposition à la source dans le cadre de l’impôt fédéral direct [OIS; RS 642.118.2]). Nonobstant cette procédure, le droit d’imposer le capital de libre passage revient uniquement à la France. Un système similaire existe en droit cantonal genevois s’agissant des impôts cantonal et communal.

Consid. 7.3.3
Compte tenu du système fiscal décrit ci-avant, on constate qu’en l’absence du mécanisme de limitation prévu par l’art. 60b al. 1 OPP 2, l’assuré, ou toute autre personne arrivée de l’étranger bénéficiant d’un revenu élevé et travaillant en Suisse où elle est domiciliée, aurait la possibilité de réduire son revenu imposable de manière non négligeable par l’affectation d’une partie de celui-ci au rachat d’années de prévoyance. Ainsi, l’assuré pourrait affecter une partie du montant de ses revenus s’élevant à 860’040 fr. au rachat d’années de prévoyance (soit de 250’000 fr. projeté en 2022). Or, si par hypothèse l’assuré devait retourner s’établir en France avant le délai de cinq ans suivant son arrivée en Suisse, il lui serait possible de déduire entièrement les cotisations de ses revenus, sans toutefois que les avoirs de libre passage ne puissent être soumis à la souveraineté fiscale suisse lors du départ. Dès lors, l’art. 60b al. 1 OPP 2 permet de préserver (du moins partiellement) la cohérence du système fiscal en conservant une forme d’équilibre entre la déduction de cotisations permise dans une certaine mesure et l’imposition de l’assuré durant son séjour en Suisse. Par ailleurs, la durée de cinq ans telle que choisie par l’auteur de l’ordonnance est admissible, de même que le plafond (20 % du salaire assuré), afin de ménager l’équilibre du système fiscal entre les déductions permises et l’imposition d’un contribuable. Sous cet angle, le principe de la proportionnalité, dût-il être applicable, serait respecté.

Consid. 7.4
Il découle de ce qui précède que, contrairement à ce que prétend l’assuré, l’inégalité de traitement résultant de l’application de l’art. 60b al. 1 OPP 2 à sa situation est justifiée en application de l’art. 21 par. 3 ALCP, en tant que le mécanisme prévu par la disposition de l’ordonnance vise à garantir la cohérence du système fiscal. Partant, il n’y a pas besoin d’examiner le grief lié à la possibilité d’introduire des mesures moins incisives qui selon lui seraient possibles (soit la production de preuves liées à la constitution de sa prévoyance professionnelle en France), puisqu’un tel grief se réfère à une autre justification encore fondée sur l’art. 21 par. 3 ALCP, soit celle des « contrôles fiscaux efficaces ».

En définitive, la juridiction cantonale a rejeté à bon droit la demande du 13 septembre 2022. Le recours est mal fondé.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 9C_430/2023 consultable ici

 

 

 

4A_301/2024 (f) du 24.06.2025, arrêt destiné à la publication – Contrat de prévoyance liée (pilier 3a) – Quid de la compétence rationae materiae du Tribunal civil sur le litige / Litiges appréhendés par l’art. 73 LPP

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_301/2024 (f) du 24.06.2025, arrêt destiné à la publication

 

Consultable ici

 

Contrat de prévoyance liée (pilier 3a) – Quid de la compétence rationae materiae du Tribunal civil sur le litige (libération du paiement des primes, vice du consentement, réticence dans le cadre de la conclusion de la police d’assurance, prescription)

Litiges appréhendés par l’art. 73 LPP

 

Résumé
Assuré, musicien, a conclu en 2001 une police 3a avec libération des primes en cas d’incapacité, puis a signé en 2006 un avenant supprimant cette garantie; mis au bénéfice d’une rente AI dès 2003, il a réclamé en 2017 la restitution des primes versées de 2003 à 2019 pour enrichissement illégitime en invoquant un vice du consentement, tandis que l’assureur a opposé prescription et réticence. Le Tribunal civil a partiellement admis la demande, puis la Cour d’appel a déclaré l’action irrecevable contre l’assureur pour incompétence ratione materiae. Le Tribunal fédéral a été retenu que le litige a relevé de la prévoyance liée (pilier 3a) et a résulté du contrat, de sorte qu’il a relevé de la juridiction spécialisée de l’art. 73 LPP, indépendamment du fondement en enrichissement illégitime, de l’application de la LCA/CO ou de la forme sociale de l’assureur. L’irrecevabilité a été confirmée et la compétence a été attribuée à la Cour des assurances sociales, les conclusions contre les codéfendeurs demeurant traitées séparément au niveau cantonal.

 

Faits
Assuré, musicien, exploitait une école de musique à titre indépendant. Début 2001, il a souhaité conclure un contrat de prévoyance 3a et s’est adressé à son beau-frère, C.__, administrateur du bureau de courtage D.__. Le 26.01.2001, il a signé un document intitulé « B.__ Assurances – Offre d’assurances de capitaux – vie individuelle », comportant en pied de page la mention « Agence D.__ SA. ». À la même date, une « Proposition d’assurance liée sur la vie avec couverture provisoire » a été signée conjointement par l’assuré et C.__ – présent pour l’assister – sur un document timbré « E.__ SA […] », société qui était alors agent général indépendant pour les sociétés de l’ancienne B.__.

Cette proposition comprenait un questionnaire de santé. À la question 6.5 (« Avez-vous déjà souffert ou souffrez-vous actuellement de : Affections du cerveau ou du système nerveux : vertiges, évanouissements, épilepsie, convulsions, paralysie, dépression, maladie mentale, etc. ? »), l’assuré a répondu par la négative. Il a donné la même réponse à la question 6.12 relative à la consommation de stupéfiants. À la question 8 sur la cause d’une éventuelle inaptitude au travail à l’heure actuelle et durant les cinq dernières années, il a indiqué souffrir d’une affection aux ligaments de l’épaule gauche et d’une diminution de la vue.

Le 2 mai 2001, l’assuré a contracté une police de prévoyance liée auprès de B.__ SA (à l’époque, B.__ compagnie d’assurances sur la vie) d’une durée de 19 ans échéant le 01.01.2020. La police prévoyait le versement d’un capital en cas de vie à l’échéance ou en cas de décès de 71’752 fr. Elle comprenait une assurance complémentaire prévoyant la libération du paiement des primes en cas d’incapacité de gain par suite de maladie ou d’accident (durée 19 ans) après un délai d’attente de 90 jours, sous réserve notamment d’une incapacité de gain partielle ou totale liée aux séquelles de l’entorse de l’épaule gauche, laquelle ne donnerait droit à aucune prestation. Les conditions générales d’assurances prévoyaient qu’en cas de décès par maladie ou accident ou en cas d’incapacité de gain, le bénéficiaire était tenu d’avertir sans tarder la société d’assurance. Cette police était établie sur un papier à en-tête imprimé des logos « B.__ Assurances », « D.__ S.A., C.__ » et « E.__ S.A. ».

Depuis le 01.05.2003, l’assuré est au bénéfice d’une rente entière de l’assurance-invalidité basée sur un degré d’invalidité de 76%. Par courrier recommandé du 19.04.2006 adressé à « B.__ Assurances » – l’adresse étant celle du siège de E.__ S.A. – et après en avoir discuté avec C.__, il a sollicité la suppression, dès le 01.05.2006, de la garantie complémentaire de libération du paiement des primes en cas d’incapacité de travail. Cette correspondance a été transmise à la société d’assurances par E.__ S.A. Le 26.06.2006, la société d’assurances a fait parvenir à l’assuré un avenant prévoyant la suppression de cette couverture à compter du 01.05.2006, en abaissement la prime annuelle à compter de cette date; elle y faisait mention de l’ancien art. 12 al. 1 LCA (rectification dans les quatre semaines). L’assuré n’a pas contesté cet avenant et s’est acquitté de la prime ainsi modifiée pendant plus de dix ans.

Par courrier du 08.02.2016 adressé à B.__, l’assuré a transmis une attestation du 01.02.2016 de l’assurance-invalidité indiquant qu’il bénéficiait d’une rente entière basée sur un degré d’invalidité de 76% depuis le mois de juillet 2003, versée depuis le 01.05.2003. Le 22.03.2016, la société d’assurances a indiqué qu’aucune prestation d’incapacité de gain ne lui était due et a refusé d’entrer en matière sur la libération des primes, en se référant à l’avenant du 26.06.2006; elle a en outre invoqué la prescription. Le 29.04.2016, l’assuré a invoqué un vice du consentement. Le 20.06.2016, son médecin traitant a attesté un trouble bipolaire de type I présentant depuis 2004 « une évolution progressive de plus en plus sévère », de sorte « qu’en 2006, le patient était dans un état psychologique catastrophique et que sa capacité de discernement était certainement altérée à ce moment ».

Par courrier du 2 février 2021, la société d’assurances a invoqué la réticence relativement à la police de prévoyance litigieuse. Elle a notamment fait valoir qu’il ressortait d’un rapport d’expertise judiciaire que l’assuré avait séjourné à de multiples reprises en milieu hospitalier en raison de troubles psychiques entre 1984 et 1988, qu’il avait perçu une rente AI de 1984 à 1990 et qu’il avait ensuite dû bénéficier d’un traitement aigu et être hospitalisé du 10 au 28 février 2001, de sorte que lors de la signature de la proposition, il n’était ni en parfaite santé ni apte au travail.

 

Procédures cantonales

Par jugement du 28 mars 2023, le Tribunal civil a admis partiellement la demande. Le tribunal a admis sa compétence, estimant que, malgré le contrat de prévoyance liée conclu entre les parties, le fondement de la demande reposait davantage sur le droit des obligations, plus spécifiquement les dispositions relatives aux vices du consentement, à l’enrichissement illégitime, voire à la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle. Par ailleurs, les prétentions du demandeur étaient dirigées non seulement contre la défenderesse, mais également à l’encontre de codéfendeurs auxquels l’art. 73 LPP ne s’étendait pas, si bien que la demande était recevable.

Par arrêt du 15 avril 2024 (arrêt PT17.017006-230657 161 – consultable ici), la Cour d’appel civile a admis l’appel de la défenderesse et déclaré la demande irrecevable, dans la mesure où elle était dirigée contre cette même défenderesse. La cour cantonale a en revanche déclarée recevable la demande dans la mesure où elle concernait les codéfendeurs.

 

TF

Consid. 3.1 [résumé]
L’arrêt entrepris prononce l’irrecevabilité de la demande en paiement dirigée contre la société d’assurances intimée (ci-après: la demande) ; le litige porte sur la compétence rationae materiae du Tribunal civil. Il s’ensuit que les développements consacrés au fond sont à ce stade superfétatoires, puisque, si la demande était jugée recevable, il ne pourrait pas être statué sur son bien-fondé et il devrait être renvoyé à la cour cantonale (ATF 138 III 46 consid. 1.2; arrêt 4A_516/2023 du 8 octobre 2024 consid. 1.2). Par ailleurs, dès lors que le prononcé relatif aux codéfendeurs n’a pas été remis en cause, ce point du dispositif est entré en force (art. 107 al. 1 LTF), de sorte que, comme observé, les codéfendeurs ne sont pas intimés dans la présente procédure.

Consid. 3.2 [résumé]
Le litige se présente ainsi : selon la cour cantonale, la demande relève de la compétence rationae materiae de la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud, en vertu de l’art. 73 al. 1 let. b LPP en relation avec l’art. 93 al. 1 let. c LPA-VD (RSV 173.36) et l’art. 83b LOJV (RSV 173.01). Les juges cantonaux ont considéré que, le demandeur et la défenderesse étant parties à un contrat de prévoyance liée, le litige tombait sous l’art. 73 al. 1 let. b LPP. Le demandeur avait certes requis la restitution de primes versées à tort – en se fondant sur l’enrichissement illégitime et en invoquant un vice du consentement quant à l’avenant du 26.06.2006 –, mais la source des paiements (les primes) résidait dans le contrat de prévoyance liée et l’avenant n’était qu’un accessoire de ce contrat. Le fait que l’action ait été ouverte contre plusieurs défendeurs ne faisait pas échec à l’application de l’art. 73 LPP, en ce sens que cela ne créait pas d’attraction de compétence en faveur du juge civil. La règle de compétence de l’art. 73 LPP était impérative et ne pouvait être contournée par l’ajout de codéfendeurs non visés par cette disposition. Enfin, le fait que la défenderesse ait excipé de l’incompétence au stade des plaidoiries finales ne pouvait valoir admission de compétence, aucun abus de droit ne pouvant lui être reproché. Il en résultait l’incompétence du tribunal civil.

L’assuré recourant estime que la cour cantonale s’est fourvoyée. En résumé, à l’en croire, le tribunal saisi serait compétent rationae materiae pour connaître de la demande.

Consid. 4.1
L’art. 73 al. 1, 1re phrase, LPP prévoit que chaque canton désigne un tribunal qui connaît, en dernière instance cantonale, des contestations opposant institutions de prévoyance, employeurs et ayants droit.

Consid. 4.1.1
Selon la jurisprudence, la compétence des autorités visées par l’art. 73 LPP est doublement définie. Elle l’est, tout d’abord, quant à la nature du litige: il faut que la contestation entre les parties porte sur des questions spécifiques de la prévoyance professionnelle, au sens étroit ou au sens large. Ce sont donc principalement des litiges qui portent sur des prestations d’assurance, des prestations de libre passage et des cotisations. Ainsi, avant l’entrée en vigueur de l’art. 35a LPP, la jurisprudence avait établi que le tribunal prévu à l’art. 73 LPP était compétent pour trancher les demandes de restitution des prestations de prévoyance professionnelle, que les institutions de prévoyance ne pouvaient alors fonder, à défaut de norme statutaire ou réglementaire, que sur les art. 62 ss CO (ATF 133 V 205 consid. 2.1 et 3; 128 V 50 consid. 1a et 3a). Cette compétence s’étendait aux contestations touchant à la restitution de prestations de libre passage, dont la correction ultérieure à leur versement n’a pas d’incidence en droit de la prévoyance (arrêt du Tribunal fédéral des assurances B 41/99 du 20 mars 2000 consid. 3b, publié in RSAS 2001 p. 485). En revanche, les voies de droit de l’art. 73 LPP ne sont pas ouvertes lorsque la contestation a un fondement juridique autre que le droit de la prévoyance professionnelle, même si elle devait avoir des effets relevant du droit de ladite prévoyance (ATF 141 V 170 consid. 3; 130 V 103 consid. 1.1; 128 V 254 consid. 2a; arrêts 9C_695/2019 du 14 septembre 2020 consid. 2.1; 9C_130/2017 du 20 novembre 2017 consid. 3.1; HÜRZELER/BRÜHWILER, Obligatorische berufliche Vorsorge, in Soziale Sicherheit, SBVR vol. XIV, 2016, p. 2159 s. n. 250 ss; MEYER/UTTINGER, in Commentaire LPP et LFLP, 2e éd. 2020, n os 24, 54, 59 et 61 ad art. 73 LPP).

Cette compétence est également limitée par le fait que la loi désigne de manière non équivoque les parties pouvant être liées à une contestation, à savoir, à l’origine, uniquement les institutions de prévoyance, les employeurs et les ayants droit. Lorsque la compétence matérielle entre les juridictions civiles et les autorités visées par l’art. 73 LPP prête à discussion, le point de savoir si une question spécifique de la prévoyance professionnelle se pose doit être résolu – conformément à la nature juridique de la demande – en se fondant sur les conclusions de la demande et sur les faits invoqués à l’appui de ces conclusions; le fondement de la demande est alors un critère décisif de distinction (ATF 141 V 170 consid. 3; 128 V 254 consid. 2a; arrêts 9C_695/2019 précité consid. 2.1; 9C_130/2017 précité consid. 3.1; MEYER/UTTINGER, op. cit., n o 24 ad art. 73 LPP).

Consid. 4.1.2
Depuis le 1er janvier 2005, la compétence du tribunal cantonal de dernière instance s’étend également aux contestations avec des institutions lorsque ces contestations résultent de l’application de l’art. 82 al. 2 LPP (art. 73 al. 1 let. b LPP). Sont notamment visés, les litiges relatifs aux contrats de prévoyance liée (pilier 3a), c’est-à-dire les contrats spéciaux d’assurance de capital et de rentes sur la vie ou en cas d’invalidité ou de décès, y compris d’éventuelles assurances complémentaires en cas de décès par accident ou d’invalidité, qui sont conclus avec une institution d’assurance soumise à la surveillance des assurances ou avec une institution d’assurance de droit public satisfaisant aux exigences fixées à l’art. 67 al. 1 LPP et qui sont affectés exclusivement et irrévocablement à la prévoyance (art. 82 al. 2 LPP cum art. 1 al. 2 de l’ordonnance du 13 novembre 1985 sur les déductions admises fiscalement pour les cotisations versées à des formes reconnues de prévoyance [OPP 3]).

Le Message du 1er mars 2000 relatif à la 1re révision de la LPP (FF 2000 2540 ch. 2.9.5) rend compte de ce que l’extension de la compétence de l’autorité cantonale désignée pour connaître des contestations opposant fondations ou institutions de prévoyance, employeurs et ayants droit aux litiges relevant de la prévoyance liée procède d’une volonté d’unifier la compétence matérielle, afin qu’une seule juridiction soit saisie du contentieux en matière de prévoyance professionnelle, de libre passage et de prévoyance individuelle liée.

Ainsi, bien que les contrats de prévoyance liée soient matériellement régis par la LCA et, au surplus, par le Code des obligations, les contestations résultant de leur application, et qui opposent les ayants droit, les établissements d’assurance ou les fondations bancaires, relèvent de la compétence matérielle des tribunaux de la prévoyance professionnelle (ATF 141 V 439 consid. 1.1; arrêts 9C_62/2022 du 22 novembre 2022 consid. 1.1; 9C_380/2018 du 14 novembre 2018 consid. 1.1; 9C_44/2013 du 24 avril 2013 consid. 2; 9C_1092/2009 du 29 avril 2011 consid. 2.2; 9C_557/2008 du 3 avril 2009 consid. 1, non publié in ATF 135 III 289; 9C_944/2008 du 30 mars 2009 consid. 2.2; HÜRZELER/BRÜHWILER, op. cit., p. 2160 s. n. 254 ss; MEYER/UTTINGER, op. cit., n os 18 et 67 ad art. 73 LPP; GHISLAINE FRÉSARD-FELLAY, in Frésard-Fellay et al. [éd.], Droit suisse de la sécurité sociale, vol. II, 2015, n. 226 p. 566).

Consid. 4.1.3
Les règles de compétence prévues à l’art. 73 LPP ont un caractère impératif; en d’autres termes, il n’est pas possible d’y déroger (ATF 132 V 404 consid. 4.3; FABIENNE HOHL, Procédure civile, t. II, 2e éd. 2010, p. 43 n. 130).

Consid. 4.2
(…) Il est constant que le présent litige se rattache au pilier 3a, soit une autre forme de prévoyance au sens de l’art. 82 LPP. Cela étant, si l’art. 73 LPP avait à l’origine un champ d’application limité aux litiges et acteurs du 2e pilier, le législateur, dans un souci d’unifier la compétence matérielle pour ce qui a trait à la prévoyance professionnelle au sens large, a précisément étendu, à l’art. 73 al. 1 let. b LPP, la compétence de l’autorité cantonale aux contestations relatives à la prévoyance liée et à ses participants (cf. supra consid. 4.1.2). Le fait que les contrats d’assurance de prévoyance liée soient matériellement régis par la LCA et, au surplus, par le CO n’a pas d’incidence, n’en déplaise au recourant. Que la société d’assurances intimée revête la forme d’une société anonyme ne la fait pas plus sortir du cadre de l’art. 73 LPP. Bien au contraire, l’art. 7 LSA, à laquelle renvoie l’art. 1 al. 2 OPP 3, impose que les entreprises d’assurance soient constituées en sociétés anonymes ou en sociétés coopératives. Ceci répond à deux des griefs du recourant.

Quant au dernier d’entre eux, relatif au fondement des prétentions émises contre la défenderesse, il ne résiste pas non plus à l’examen. Certes, l’affaire concerne le remboursement de primes que l’assuré estime avoir payées à tort (art. 62 ss CO) et non pas le versement de rentes ou d’un capital auxquels l’assuré estime avoir droit (art. 3 OPP 3). Toutefois, dans l’un comme dans l’autre cas, le fait générateur de la prétention de l’assuré réside dans un contrat d’assurance liée, en tant que l’issue du litige dépend de l’absence, respectivement de la validité de cette cause juridique. Il serait dès lors contraire au droit de traiter différemment les deux aspects d’une même chose, la lettre et l’esprit de l’art. 73 al. 1 let. b LPP (cf. supra consid. 4.1.2) imposant au demeurant de soumettre au même juge de la prévoyance professionnelle l’une comme l’autre des contestations, puisqu’elles « résultent » du contrat de prévoyance liée. Le Tribunal fédéral a d’ailleurs déjà eu à connaître plusieurs affaires concernant des prétentions en restitution de primes de la prévoyance individuelle liée, traitées par les juridictions instituées en vertu de l’art. 73 LPP, dont il a implicitement reconnu la compétence, ce point n’ayant donné lieu à aucun débat (cf. arrêts 9C_380/2018 du 14 novembre 2018; 9C_557/2008 du 3 avril 2009, publié in ATF 135 III 289). Cette appréciation est d’ailleurs conforme à la jurisprudence rendue dans le domaine du 2e pilier avant l’entrée en vigueur de la 1re révision de la LPP (cf. supra consid. 4.1.1). En effet, du moment que l’on admet que l’art. 73 al. 1 LPP couvre des demandes de restitution de prestations fondées sur l’enrichissement illégitime, résultant dans certains cas de corrections sans incidence en droit de la prévoyance, on doit pareillement soumettre au juge de la prévoyance professionnelle les demandes de restitution de primes dérivant d’un contrat de prévoyance liée, fondées, elles aussi, sur l’enrichissement illégitime.

Au regard de ces éléments, il n’apparaît pas que les juges cantonaux aient violé le droit fédéral en considérant que le présent litige ressortait à l’art. 73 al. 1 let. b LPP. C’est donc à bon droit qu’ils ont frappé la demande du recourant du sceau de l’irrecevabilité.

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 4A_301/2024 consultable ici

 

 

9C_60/2024 (f) du 04.07.2025 – Police de prévoyance liée et assurance-vie mixte – Participation aux excédents – Vérification par la FINMA des valeurs excédentaires déterminées par la compagnie d’assurance

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2024 (f) du 04.07.2025

 

Consultable ici

 

Police de prévoyance liée et assurance-vie mixte – Participation aux excédents / 82 LPP – 136 OS – 137 OS – 94 LCA

Vérification par la FINMA des valeurs excédentaires déterminées par la compagnie d’assurance

 

Résumé
Assurée ayant conclu en 2002 une police de prévoyance liée avec droit à participation aux excédents, elle s’est plainte à l’échéance auprès de la FINMA du montant de la participation aux excédents de 315 fr. 20, très inférieur aux projections, et a demandé une décision formelle. Après examen, la FINMA a indiqué que le calcul était conforme aux plans d’excédents de l’entreprise d’assurance approuvés par l’OFAP. Le tribunal cantonal et le Tribunal fédéral ont retenu que les explications de la FINMA étaient suffisantes, que le preneur n’avait pas droit à la documentation complète, que les projections ne constituaient pas des garanties et que les excédents ne visaient que les complémentaires. Le recours a été rejeté par le TF.

 

Faits
Architecte indépendante née en 1958, l’assurée a signé le 18.04.2002 une proposition d’assurance portant sur une police de prévoyance liée, comprenant notamment une assurance-vie mixte conclue pour vingt ans (01.06.2002 au 31.05.2022). Le contrat donnait droit à une participation aux excédents.

Le 29.08.2022, elle s’est adressée à la FINMA pour qu’elle contrôle la participation aux excédents de 315 fr. 20 figurant au décompte d’échéance du 3 août 2022. Elle relevait que ce montant ne correspondait pas aux projections annoncées (14’300 à 33’300 fr.) et a invité la FINMA à rendre une décision formelle. Par courriel du 02.09.2022, la FINMA a informé qu’elle ne rendait pas de décision sur les demandes de vérification des preneurs d’assurance mais les informait du résultat. Dans le cas d’espèce, elle a indiqué qu’aucune participation n’avait été attribuée pour l’assurance principale (assurance liée à des parts de fonds), tandis que, pour les assurances complémentaires (rente d’incapacité de gain, exonération des primes), une participation avait été attribuée en 2003 mais qu’à partir de 2004 aucune participation n’avait été attribuée. Le montant de 315 fr. 20 résultait de l’attribution des excédents, intérêts compris, et avait été calculé correctement.

Le 28.09.2022, l’assurée a invité la FINMA à expliquer les éléments fondant sa conviction quant à la régularité des calculs.

Le 20.12.2022, la FINMA a précisé que la participation aux excédents avait été calculée selon les plans d’excédents de l’entreprise d’assurance approuvés par l’ancien Office fédéral des assurances privées jusqu’en 2005 et que l’assureur avait respecté les dispositions réglementaires. Elle a ajouté que l’assurance avait procédé à la distribution des parts d’excédents selon des méthodes actuarielles reconnues sans que cela ne conduisît à une inégalité de traitement abusive, en versant une participation aux excédents pour les assurances ayant réalisé un bénéfice sur le marché et en ne versant pas de participation aux excédents pour les assurances ayant enregistré des pertes sur le marché.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/968/2023 – consultable ici)

Par jugement du 11.12.2023, rejet de la demande par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 4.1
La juridiction cantonale a exposé de manière complète les règles applicables à la participation du preneur d’assurance aux excédents en matière d’assurance-vie, en particulier à l’obligation de l’assureur de renseigner sur les méthodes, les principes et les bases de calcul régissant la distribution des excédents et la participation aux excédents (cf. art. 3 al. 1 let. e et f LCA dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021; art. 36 al. 2 de la loi fédérale du 17 décembre 2004 sur la surveillance des entreprises d’assurance [RS 961.01]; art. 136 et 137 de l’Ordonnance sur la surveillance des entreprises d’assurance privées du 9 novembre 2005 [OS; RS 961.011]).

À la suite de l’instance précédente, on rappellera que l’établissement d’assurance doit établir un décompte annuel compréhensible pour les preneurs d’assurance qui les renseigne sur la participation aux excédents (cf. ATF 148 IIII 201 consid. 3.3). Ce décompte doit mentionner les bases du calcul du bénéfice, la partie du bénéfice utilisée pour l’accroissement des provisions techniques et la clé de répartition du bénéfice restant. Il permet au preneur d’assurance de se faire une idée sur le développement de la participation aux excédents et, en cas de doute, d’exiger la vérification des valeurs auprès de la FINMA. En ce qui concerne plus spécifiquement la production des comptes détaillés de l’assurance, les juges cantonaux ont rappelé que la jurisprudence ne reconnaît pas ce droit au preneur d’assurance (cf. ATF 148 III 201 consid. 5.3 et 5.4). Le législateur a accordé au preneur d’assurance qui doute de l’exactitude des valeurs déterminées le droit d’exiger de la FINMA, en tant qu’autorité de surveillance (ou, jusqu’au 31 décembre 2008, de l’Office fédéral des assurances privées), qu’elle vérifie gratuitement si les valeurs excédentaires déterminées par la compagnie d’assurance correspondent aux bases actuarielles et au plan d’excédents (art. 92 al. 2 en relation avec l’art. 94 LCA; JACQUES-ANDRÉ SCHNEIDER/CÉLINE MOULLET, Loi sur le contrat d’assurance, Commentaire romand, 2022, n° 5 ad art. 92, n° 3 et 4 ad art. 94 LCA; ANDREA PFLEIDERER, Versicherungsvertragsgesetz, Basler Kommentar, 2e éd. 2023, n° 8 ad art. 92 LCA; ANDREA PFLEIDERER, Die Überschussbeteiligung in der Lebensversicherung, thèse 2006, p. 39 [ci-après: Überschussbeteiligung]).

Consid. 4.2
En particulier, ce droit à l’information ne permet toutefois pas au preneur d’assurance d’obtenir des données complètes ou une présentation des comptes telle qu’elle serait nécessaire pour vérifier les parts d’excédents qui lui reviennent ; une telle vérification supposerait des informations complètes sur le plan de distribution des excédents (y compris la clé de répartition), d’autres informations concernant l’exécution de la participation aux excédents (constitution de groupes d’excédents, etc.) ainsi qu’une édition complète des comptes (PFLEIDERER, Überschussbeteiligung, p. 96). Le fait que le droit à l’information du preneur d’assurance soit limité en ce sens est atténué par le fait que l’autorité de surveillance veille à un équilibre entre les intérêts légitimes des preneurs d’assurance à obtenir des informations et les intérêts légitimes de la compagnie d’assurance à préserver la confidentialité. Elle doit préserver les intérêts des preneurs d’assurance, mais elle est également neutre à l’égard des données confidentielles qui lui sont confiées par les compagnies d’assurance (PFLEIDERER, Überschussbeteiligung, p. 100 ss).

Consid. 5 [résumé]
L’assurée se prévaut de l’absence d’un contrôle satisfaisant par la FINMA de la conformité des excédents aux règles de la comptabilité, aux bases actuarielles et au plan d’excédents. Elle met en doute le sérieux du contrôle, jugé sommaire au vu de la rapidité de la réponse et insuffisant au regard des exigences jurisprudentielles (cf. ATF 148 III 201), reproche à la FINMA de se limiter au résultat sans en expliciter les raisons, et en déduit qu’une expertise actuarielle aurait dû être mise en œuvre.

Consid. 6 [résumé]
Les explications données par la FINMA sont suffisantes. Le tribunal cantonal a admis à juste titre qu’on ne saurait déduire de l’absence d’explications et de calculs détaillés que la FINMA n’aurait pas opéré les vérifications qui lui incombent. Rappelant que le preneur d’assurance n’a pas le droit de se voir communiquer la documentation complète recueillie par la FINMA, les juges cantonaux ont retenu que l’autorité de surveillance ne s’était pas contentée de constater l’absence de versement d’excédents, mais avait confirmé la conformité de cette absence aux exigences légales et réglementaires, le caractère succinct des réponses ne justifiant pas qu’on s’en écartât (cf. consid. 4.1). Les divergences entre projections initiales et capital à l’échéance ne démontrent aucune erreur (pas de garantie, simulations liées aux marchés), les excédents ne visant par ailleurs que les assurances complémentaires et non la part épargne du contrat d’assurance-vie.

Les griefs ne permettent pas de déduire que le tribunal cantonal aurait versé dans l’arbitraire en admettant que la FINMA avait procédé aux vérifications qui lui incombaient et sur la base desquelles elle avait conclu que le calcul de la participation de la recourante aux excédents était correct. Si l’on suivait l’argumentation de l’assurée, chaque preneur d’assurance insatisfait des réponses apportées se verrait accorder le droit de faire vérifier la qualité du contrôle que la FINMA avait effectué, notamment par le biais d’une expertise actuarielle. Ce faisant, non seulement les données confidentielles de l’assurance pourraient être accessibles à des tiers, mais cela irait à l’encontre de ce que prévoit la jurisprudence rappelée au consid. 4 ci-dessus (cf. ATF 148 III 201 consid. 5.4).

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

Arrêt 9C_60/2024 consultable ici

 

Remarque :

Je recommande vivement la lecture de l’arrêt cantonal, particulièrement fouillé et pédagogique sur une problématique rarement traitée par les tribunaux. Il offre une présentation structurée du cadre légal de la participation aux excédents en assurance-vie, précise la portée du droit à l’information du preneur et le rôle de la FINMA dans la vérification des valeurs, et distingue clairement projections commerciales et garanties contractuelles. Sa motivation détaillée éclaire aussi les limites d’accès aux documents comptables de l’assureur. L’ensemble constitue un repère utile pour la pratique, tant pour apprécier la conformité des décomptes d’excédents que pour calibrer les attentes des assurés et de leurs conseils.

 

9C_107/2024 (f) du 24.06.2025 – Rente d’invalidité LPP – Survenance de l’incapacité de travail – Connexité matérielle et temporelle – Eléments tangibles établis en temps réel

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_107/2024 (f) du 24.06.2025

 

Consultable ici

 

Rente d’invalidité LPP – Incapacité de travail dont la cause est à l’origine de l’invalidité / 23 LPP

Survenance de l’incapacité de travail – Connexité matérielle et temporelle – Eléments tangibles établis en temps réel

 

Résumé
Le Tribunal fédéral a confirmé le rejet de la demande de l’assurée tendant à obtenir une rente de la prévoyance professionnelle. Bien qu’elle ait souffert de troubles psychiques puis de douleurs articulaires et qu’une rente AI entière a été octroyée dès le 01.08.2020, il n’a pas été établi qu’une incapacité de travail d’au moins 20% liée à son atteinte rhumatologique se soit concrètement manifestée avant la fin de son affiliation à la caisse de pension, le 31.01.2020. L’aggravation déterminante de son état de santé n’était survenue qu’à partir de février 2020, soit après la période d’affiliation.

 

Faits
Assurée, née en 1996, a travaillé en dernier lieu comme employée polyvalente à 100% du 01.04.2018 au 31.12.2019.

En arrêt de travail depuis le 12.08.2019, l’assurée a déposé une demande de prestations de l’assurance-invalidité le 13.12.2019. L’office AI a recueilli notamment l’avis du spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, du médecin traitant et du spécialiste en rhumatologie. Le 16.07.2021, le médecin du SMR a retenu que l’assurée était totalement incapable de travailler depuis août 2019, tout d’abord en raison d’une réaction anxiodépressive à la suite d’une situation professionnelle conflictuelle, puis de manifestations d’un rhumatisme psoriasique rebelle à toutes les thérapies tentées. Par décisions des 08.10.2021 et 02.11.2021, l’office AI a octroyé à l’assurée une rente entière de l’assurance-invalidité dès le 01.08.2020.

Sollicitée par l’assurée, la caisse de pension a refusé de prester. Elle a retenu que la survenance de l’incapacité de travail déterminante était postérieure à la fin du rapport d’assurance, le 31.01.2020. À l’invitation de la caisse de pension, le rhumatologue traitant a indiqué que l’assurée était en incapacité de travail totale pour des motifs rhumatologiques depuis le 21.04.2020, mais que la symptomatologie était antérieure à cette date. Par la suite, la caisse de pension a maintenu son refus de prester, la dernière fois le 24.01.2023.

 

Procédure cantonale (arrêt PP 7/23 – 1/2024 – consultable ici)

Par jugement du 10.01.2024, rejet de la demande par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 2.1 [résumé]
La question est celle de savoir si l’incapacité de travail à l’origine de l’invalidité est survenue durant la période d’affiliation de l’assurée auprès de la caisse de prévoyance, soit entre le 01.04.2018 et le 31.01.2020 (art. 10 al. 3 LPP). L’arrêt entrepris expose de manière complète les dispositions légales et les principes jurisprudentiels relatifs notamment au droit à des prestations d’invalidité de la prévoyance professionnelle (art. 23 LPP) et à la notion de survenance de l’incapacité de travail, en relation avec la double condition de la connexité matérielle et temporelle nécessaire pour fonder l’obligation de prester d’une institution de prévoyance (ATF 135 V 13 consid. 2.6; 134 V 20 consid. 3.2.1 et 5.3 et les références). Il suffit d’y renvoyer.

Consid. 2.2
On rappellera que la preuve suffisante d’une limitation de la capacité fonctionnelle de travail déterminante sous l’angle du droit de la prévoyance professionnelle (ATF 134 V 20 consid. 3.2.2) ne suppose pas forcément l’attestation médicale d’une incapacité de travail « en temps réel » (« echtzeitlich »). Toutefois, des considérations subséquentes et des suppositions spéculatives, comme une incapacité médico-théorique établie rétroactivement après bien des années, ne suffisent pas. L’atteinte à la santé doit avoir eu des effets significatifs sur les rapports de travail; en d’autres termes, la diminution de la capacité fonctionnelle de travail doit s’être manifestée sous l’angle du droit du travail, notamment par une baisse des prestations dûment constatée, un avertissement de l’employeur ou une accumulation d’absences du travail liées à l’état de santé (arrêt 9C_556/2019 du 4 novembre 2019 consid. 4.3 et la référence).

Consid. 2.3
Dans le domaine des assurances sociales, le juge fonde généralement sa décision sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible; la vraisemblance prépondérante suppose que, d’un point de vue objectif, des motifs importants plaident pour l’exactitude d’une allégation, sans que d’autres possibilités revêtent une importance significative ou entrent raisonnablement en considération. Il n’existe par conséquent pas de principe selon lequel le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de la personne assurée (ATF 144 V 427 consid. 3.2; 139 V 176 consid. 5.3).

 

Consid. 5.1
En l’espèce, l’absence de consultation spécifique pour des douleurs rhumatologiques pendant les rapports d’assurance ne permet pas de conclure de manière automatique à l’inexistence de douleurs articulaires ni, a fortiori, à l’absence de diminution de la capacité de travail en lien avec celles-ci. Les troubles somatiques chroniques, en particulier lorsqu’ils s’inscrivent dans un contexte de souffrance psychique marquée, peuvent être tus, minimisés ou interprétés à travers un prisme psychologique, tant par les patients que par les médecins. Le fait que l’assurée a été en arrêt de travail pour un état dépressif et un épuisement professionnel dès août 2019 ne signifie pas que des symptômes physiques – tels que des douleurs articulaires – étaient absents. Il est au contraire fréquent que ces symptômes soient intégrés au tableau par exemple de l’épuisement, sans faire l’objet d’un diagnostic différencié immédiat, en particulier en l’absence d’une orientation vers un spécialiste en rhumatologie ou en médecine interne. Dès lors, la preuve d’une limitation de la capacité fonctionnelle de travail ne suppose pas forcément l’attestation médicale d’une incapacité de travail « en temps réel » pour une atteinte rhumatologique (consid. 2.2 supra).

Cependant, à l’inverse de ce que souhaiterait l’assurée, la problématique ne peut être réduite à la question de savoir si le diagnostic de spondylarthrite a été diagnostiqué tardivement ou s’il existe un lien « patent » entre une spondylarthrite et une incapacité de travail antérieure reconnue à l’époque d’origine psychiatrique. En effet, il est constant que l’assurée présentait déjà des symptômes pouvant s’inscrire dans un tableau différentiel, comprenant plusieurs hypothèses diagnostiques dont celle d’une spondylarthrite, y compris déjà avant son affiliation à la caisse de pension intimée (arthralgies aux mains, aux coudes, avant-pieds et chevilles). Ces symptômes ne l’ont toutefois pas empêchée de travailler à 100%.

Dès lors, la question n’est pas celle de savoir si l’assurée souffrait déjà d’une spondylarthrite avant le 01.02.2020, mais celle de savoir si une diminution de la capacité fonctionnelle de travail pour des raisons rhumatologiques d’au moins 20% s’était manifestée concrètement pendant les rapports d’assurance (ATF 144 V 58 consid. 4.4 et les références). Autrement dit, l’enjeu du litige réside dans la démonstration par l’assurée que la juridiction cantonale aurait arbitrairement omis de constater un retentissement fonctionnel – pour des raisons rhumatologiques – sur sa capacité de travail d’au moins 20% entre le 01.04.2018 et le 31.01.2020, et non dans l’établissement rétrospectif d’un diagnostic.

Consid. 5.2 [résumé]
Selon les faits constatés par la juridiction cantonale, le médecin traitant a mentionné que l’assurée ne l’avait pas consulté entre le 19.08.2019 et le 02.03.2020, date de l’établissement de l’avis médical. Rien n’indique que l’assurée aurait par ailleurs été empêchée de consulter son médecin traitant avant le 02.03.2020 en raison de l’épidémie de COVID-19. Le médecin traitant indique au contraire qu’il l’avait reçue à sa consultation début mars, puis avait annulé tous les rendez-vous non urgents à partir du 16.03.2020. L’assurée n’a donc pas consulté un médecin pour des douleurs articulaires entre août 2019 et mars 2020.

Consid. 5.3 [résumé]
L’assurée avait entamé un suivi psychologique en août 2019 pour des difficultés professionnelles. Dans son avis du 18.11.2019, la psychiatre a noté une anxiété avec tristesse, troubles du sommeil, anticipation anxieuse, anxiété physique et sentiment de dévalorisation. La seule mention d’ »anxiété physique » ne suffit pas à attester, en temps réel, de douleurs rhumatologiques justifiant un arrêt d’au moins 20%, faute de détails spécifiques ou d’orientation vers la médecine interne ou la rhumatologie.

Dans son mémoire, l’assurée objecte que la psychiatre traitante, ainsi que des médecins du Service de rhumatologie de l’Hôpital G.__, ont indiqué qu’il était plus que probable, sans qu’il ne soit possible de quantifier ce pourcentage (mais supérieur à 90%), que la spondylarthrite périphérique fût déjà présente en août 2019 et qu’elle se plaignait déjà de douleurs articulaires aux poignets à l’époque. De telles considérations subséquentes, fondées sur des suppositions (comp. arrêt 9C_605/2023 du 22 août 2024 consid. 7.2), ne permettent pas d’établir une diminution de la capacité fonctionnelle de travail pour des raisons rhumatologiques d’au moins 20% dès 2019. L’atteinte à la santé doit avoir eu des effets significatifs sur la capacité de travail en temps réel, ce que ne permettent pas d’attester des spéculations ultérieures (supra consid. 2.2). Il manque au dossier des éléments tangibles établis en temps réel.

Consid. 5.4 [résumé]
Le rhumatologue traitant a indiqué une symptomatologie de longue date aggravée depuis février 2020 et un arrêt de travail à 100% dès le 21.04.2020. Le 28.01.2022, il a confirmé le début de l’incapacité au 21.04.2020, tout en précisant des symptômes déjà diffus avant. Le médecin traitant a relevé le 11.03.2020 des douleurs « depuis un moment » aux mains, aggravées depuis deux semaines, avec raideur matinale. Le gestionnaire AI a noté le 03.03.2020 l’apparition récente d’une problématique physique avec douleurs importantes, puis a précisé le 04.06.2020 une consultation récente chez le rhumatologue pour une atteinte inconnue lors de la demande AI du 13.12.2019. Ces constatations montrent, en temps réel, une dégradation en février 2020. Quant à l’échange de message SMS du 16 janvier 2020, dans lequel l’assurée confiait à son ami qu’elle ne pouvait pas sortir du lit, était un peu rouillée ce matin-là et avait perdu 1.1 kg depuis la veille, il ne saurait, par sa teneur non corroborée médicalement, ébranler la chronologie objective et documentée des faits médicaux retenue par les juges cantonaux. Il est constant que des symptômes diffus existaient, mais rien n’accrédite un retentissement fonctionnel de la spondylarthrite d’au moins 20% entre août 2019 et fin janvier 2020. En février 2020, le rapport de prévoyance avait pris fin (art. 10 al. 3 LPP), de sorte que l’assurée n’était plus couverte par la caisse intimée.

Consid. 5.5
Au vu des éléments qui précèdent, les juges cantonaux pouvaient retenir sans arbitraire qu’il n’était pas établi, au degré de la vraisemblance prépondérante, que la survenance de l’incapacité de travail dont la cause est à l’origine de l’invalidité de l’assurée fût survenue avant la fin de sa couverture d’assurance auprès de la caisse de pension intimée.

En refusant les offres de preuve de l’assurée, ils n’ont pas violé son droit d’être entendue sous l’angle de l’appréciation anticipée des preuves (à ce sujet, voir ATF 145 I 167 consid. 4.1).

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

Arrêt 9C_107/2024 consultable ici

 

 

9C_84/2024+9C_92/2024 (f) du 15.04.2025 – Objet du litige en procédure cantonale – 73 LPP / Calcul de l’avoir projeté vs avoir de vieillesse constitué – Critère de calcul du salaire assuré

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_84/2024+9C_92/2024 (f) du 15.04.2025

 

Consultable ici

 

Objet du litige en procédure cantonale / 73 LPP

Calcul de l’avoir projeté vs avoir de vieillesse constitué – Critère de calcul du salaire assuré / 24 LPP

 

Résumé
Le Tribunal fédéral a partiellement admis le recours de l’assuré relatif au calcul de sa rente d’invalidité LPP. Il a jugé que les juges cantonaux avaient violé le droit en refusant de déterminer le salaire assuré de l’assuré au motif que des cotisations antérieures étaient prescrites. S’agissant d’un avoir de vieillesse projeté – pertinent pour le calcul d’une rente d’invalidité selon l’art. 24 LPP – le TF a rappelé qu’il s’agit d’un montant hypothétique indépendant de la prescription des cotisations passées. Il a ainsi renvoyé la cause à l’instance cantonale pour examiner la prise en compte du salaire variable et des frais de représentation dans le salaire assuré et pour statuer sur une éventuelle surindemnisation.

 

Faits

Assuré, né en 1970, marié et père de quatre enfants nés en 2004, 2006, 2007 et 2010, avait exercé une activité pour B.__ Asset Management SA (ci-après : l’ex-employeuse) du 01.01.2007 au 31.12.2015. À ce titre, il était affilié à la Caisse de retraite du groupe B.__ (ci-après: la caisse de pensions) pour la prévoyance professionnelle, ainsi qu’à la Fondation de prévoyance complémentaire du même groupe (ci-après: la Fondation complémentaire ou la FPC).

L’office AI lui a reconnu le droit à une rente entière d’invalidité, assortie de quatre rentes complémentaires pour enfant, avec effet au 01.06.2015.

La caisse de pensions a informé l’assuré qu’il avait droit, dès le 01.06.2015, à une rente entière d’invalidité professionnelle et à des rentes pour enfants, prestations qui seraient versées dès le 01.05.2016, en raison du maintien du salaire jusqu’au 31.12.2015, puis du versement d’indemnités journalières jusqu’au 13.05.2016. Le montant annuel de la rente d’invalidité était fixé à 146’388 francs et celui de chaque rente pour enfant à 36’600 francs, soit un total de 292’788 francs. Toutefois, pour éviter que le cumul des prestations n’excède le 100% du dernier salaire déterminant de l’assuré, ces montants étaient réduits à 56’748 francs pour la rente principale et à 14’196 francs pour chaque rente d’enfant, compte tenu des prestations de l’AI. Le salaire annuel présumé perdu était estimé à 186’804 francs, soit le dernier salaire déterminant de 170’004 francs, augmenté des allocations familiales. La caisse a en outre versé un capital invalidité de 340’008 francs, le montant du compte de préfinancement de retraite anticipée (206’795 fr. 65) ainsi que le remboursement des cotisations pour la période du 01.06.2015 au 31.12.2015 (7’933 fr. 45). L’assuré a contesté la réduction fondée sur la surindemnisation, mais la caisse a maintenu sa position.

Quant à la Fondation complémentaire, elle a octroyé une rente d’invalidité de 100’000 francs par an dès le 14.05.2016, ainsi que son capital de retraite, d’un montant de 630’239 fr. 95.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/1041/2023 – consultable ici)

Le 22.12.2020, l’assuré a ouvert action contre la caisse de pensions, concluant initialement au paiement de 821’590 francs, intérêts en sus, ainsi qu’à des rentes annuelles dès 2021. Il a ensuite élargi ses conclusions, notamment en demandant l’appel en cause de son ex-employeuse et la reconstitution de son avoir de retraite. La juridiction cantonale a partiellement admis la demande le 19.12.2023 : elle a reconnu le droit de l’assuré à percevoir, dès le 01.05.2016, une rente annuelle totale de 292’788 francs, condamné la caisse de pensions à lui verser 837’248 francs (pour 2016–2020) et 538’308 francs (pour 2021–2023), avec intérêts, ainsi qu’à poursuivre le versement des rentes dès janvier 2024.

 

TF

Consid. 4.1
À la suite des premiers juges, on rappellera que lorsque le litige porte sur une contestation opposant un ayant droit à une institution de prévoyance (art. 73 al. 1 LPP), l’action est ouverte à l’initiative du premier nommé par une écriture qui doit désigner l’institution de prévoyance visée et contenir des conclusions ainsi qu’une motivation ; c’est elle qui déclenche l’ouverture de la procédure et détermine l’objet du litige et les parties en cause (maxime de disposition). L’état de fait doit être établi d’office selon l’art. 73 al. 2 LPP seulement dans le cadre de l’objet du litige déterminé par la partie demanderesse. La maxime inquisitoire ne permet pas d’étendre l’objet du litige à des questions qui ne sont pas invoquées (ATF 129 V 450 consid. 3.2; cf. aussi arrêt B 72/04 du 31 janvier 2006 consid. 1.1). Dans les limites de l’objet du litige tel qu’il a été déterminé par les conclusions de la demande et les faits invoqués à l’appui de celle-ci, le juge de première instance n’est toutefois pas lié par les prétentions des parties ; il peut ainsi adjuger plus ou moins que demandé à condition de respecter leur droit d’être entendues (ATF 139 V 176 consid. 5.1 et les arrêts cités ; cf. aussi arrêt 9C_496/2022 du 18 juin 2024 consid. 5.1.2).

Consid. 4.2 [résumé]
L’assuré reproche aux juges cantonaux d’avoir déterminé l’objet du litige sur la base d’un examen superficiel et lacunaire de ses écritures, en déclarant irrecevables une partie de ses conclusions, soit celles portant sur la période du 01.06.2015 au 30.04.2016. L’argumentation de l’assuré est mal fondée.

Contrairement à ce qu’allègue l’assuré, les juges cantonaux se sont fondés sur ses propres écritures du 22.12.2020, dans lesquelles il sollicitait le versement de rentes d’invalidité à compter de cette date seulement. Ce n’est que dans ses écritures du 22.05.2023 qu’il a pour la première fois étendu ses prétentions à la période du 01.06.2015 au 30.04.2016. Dès lors, la juridiction cantonale a à juste titre déclaré irrecevables ces conclusions nouvelles, postérieures à la détermination initiale de l’objet du litige. Conformément à la jurisprudence précédemment rappelée (consid. 4.1 supra), c’est en principe la demande de l’assuré du 22.12.2020 qui détermine l’objet du litige et non les écritures qu’il a déposées ultérieurement. Le Tribunal fédéral constate qu’aucune demande relative à des prestations dues avant le 01.05.2016 n’a été formulée dans les écritures du 02.09.2021, contrairement à ce que soutient à tort l’assuré.

Consid. 5 [résumé]
La Caisse de retraite du groupe B.__ est une institution de prévoyance de droit privé pratiquant une prévoyance dite enveloppante, soit couvrant à la fois la part obligatoire et surobligatoire. Ses prestations dépassent celles minimales prévues par la LPP, notamment par un traitement déterminant supérieur au salaire coordonné et un seuil de surindemnisation fixé à 100% du traitement annuel brut. La caisse de pension dispose d’une large liberté dans la définition de son régime, sous réserve du respect des principes d’égalité, de proportionnalité et de non-arbitraire. Elle applique un plan en primauté de cotisations, conformément à la LFLP.

Consid. 6 [résumé]
Les juges cantonaux ont d’abord écarté toute augmentation du salaire assuré, retenant que les cotisations antérieures au 02.09.2016 étaient prescrites et qu’aucun salaire n’avait été versé après le licenciement au 31.12.2015. En conséquence, aucune modification de l’avoir de vieillesse ni des rentes d’invalidité n’était possible. En matière de surindemnisation, ils ont intégré la part variable du salaire et les frais de représentation au gain présumé perdu, estimé à 379’064 fr. 50. Les prestations versées par la Fondation complémentaire n’ont pas été prises en compte, car financées par l’assuré. Constatant que les rentes perçues ne dépassaient pas ce montant, les juges ont nié l’existence d’une surindemnisation et condamné la caisse de pensions à verser 1’375’556 fr. pour 2016–2023, puis 292’788 fr. par an dès 2024.

Consid. 8.1 [résumé]
À la suite de l’instance précédente, on rappellera que, selon l’art. 24 LPP (dans sa version applicable jusqu’au 31 décembre 2021), la rente d’invalidité est calculée sur la base de l’avoir de vieillesse accumulé jusqu’à la survenance de l’invalidité, augmenté des bonifications futures calculées sur le dernier salaire coordonné. Ce salaire correspond à la part du revenu comprise dans une fourchette déterminée, sur laquelle les cotisations LPP sont prélevées et partagées entre employeur et employé.

Consid. 8.2 [résumé]
Selon le règlement de prévoyance 2016 (art. 33) et celui de 2012 (art. 32), la rente complète d’invalidité est obtenue en multipliant l’avoir projeté à la retraite par le taux de conversion. L’avoir projeté inclut l’avoir constitué à la date de l’invalidité, augmenté des bonifications (avec intérêts) qui auraient été versées jusqu’à l’âge ordinaire de retraite si l’assuré était resté en service avec son dernier traitement. Ce dernier, déterminant pour le calcul, a été fixé à 186’804 fr. (170’004 fr. de salaire fixe plus 16’800 fr. d’allocations familiales).

Consid. 8.3
En l’occurrence, le litige concerne une part salariale qui dépasse incontestablement le montant du salaire coordonné prévu à l’art. 8 al. 1 LPP, si bien qu’il relève exclusivement de la prévoyance plus étendue (cf. ATF 140 V 145 consid. 3). S’agissant d’une contestation opposant un affilié à une institution de prévoyance de droit privé, les parties sont liées par un contrat innommé (sui generis) dit de prévoyance. Le règlement de prévoyance constitue le contenu préformé de ce contrat, à savoir ses conditions générales, auxquelles l’assuré se soumet expressément ou par actes concluants. Il doit ainsi être interprété selon les règles générales sur l’interprétation des contrats (ATF 140 V 145 consid. 3.3 et les arrêts cités).

Consid. 8.4.1
Dans la mesure où la rente d’invalidité de la prévoyance professionnelle est calculée en fonction d’un avoir de vieillesse hypothétique, qui se compose de l’avoir de vieillesse déjà épargné par l’assuré jusqu’à la survenance de l’invalidité et des bonifications de vieillesse qui s’y seraient ajoutées en cas de poursuite du travail jusqu’à l’âge ordinaire de la retraite (cf. règlement de prévoyance ; s’agissant de la prévoyance obligatoire, art. 24 al. 2-4 LPP; consid. 8.1 et 8.2 supra), il est en l’occurrence nécessaire de connaître le montant du salaire assuré de l’assuré au titre de la prévoyance professionnelle auprès de la Caisse de retraite du groupe B.__. Les bonifications de vieillesse afférentes aux années futures sont en effet calculées sur la base du dernier traitement cotisant. L’argumentation de l’assuré, selon laquelle la juridiction cantonale devait déterminer le montant de son salaire assuré auprès de la caisse de pensions, indépendamment du point de savoir si les prétentions qu’il avait faites valoir à l’encontre de son ex-employeuse étaient ou non prescrites, est dès lors bien fondée. Certes, si la détermination de l’avoir de vieillesse constitué au jour de la reconnaissance de l’invalidité peut théoriquement se heurter à une hypothétique prescription (que la juridiction cantonale a admise et que l’assuré conteste) – dès lors que le montant de l’avoir de vieillesse dépend du caractère recouvrable ou non de créances de cotisations échues -, le calcul de la part de l’avoir de prévoyance projeté correspondant aux bonifications de vieillesse afférentes aux années futures, en revanche, échappe par définition à une quelconque problématique de prescription. Il s’agit en effet d’un aspect qui ne dépend pas du caractère par hypothèse recouvrable ou non de créances de cotisations échues, mais de la détermination, théorique, d’un avoir de prévoyance projeté, donc futur, comme le fait valoir l’assuré.

Consid. 8.4.2
Partant, en considérant que la prescription des cotisations dues par l’ex-employeuse de l’assuré avait pour conséquence que l’avoir de vieillesse et par conséquent le montant des rentes d’invalidité demeuraient inchangés, les juges cantonaux ont violé le droit.

En particulier, la jurisprudence à laquelle ils se sont référés, à savoir l’ATF 140 V 154 consid. 7.3, n’est pas applicable au calcul d’une rente d’invalidité, comme c’est le cas en l’occurrence. Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral a en effet considéré qu’au regard de la relation étroite entre les cotisations et le montant des prestations de vieillesse de la prévoyance obligatoire, on ne saurait admettre le droit à des prestations de vieillesse calculées en fonction de bonifications de vieillesse afférentes à une période d’assurance pendant laquelle des cotisations correspondantes n’ont pas été et ne doivent plus être versées (consid. 7). À cet égard, la rente de vieillesse est calculée en pour-cent de l’avoir de vieillesse acquis par l’assuré au moment où celui-ci atteint l’âge ouvrant le droit à la rente (cf. art. 14 al. 1 LPP, ainsi que, s’agissant du régime mis en place par la caisse de pensions); un avoir de vieillesse hypothétique n’entre dès lors pas en ligne de compte, contrairement à ce qui est le cas pour le calcul d’une rente d’invalidité (cf. art. 24 al. 3 let. b et al. 4 LPP). La notion d’avoir de vieillesse hypothétique (ou « avoir de retraite projeté » selon le règlement de prévoyance) n’a de sens, en effet, que si le cas d’assurance (décès ou invalidité) survient avant l’âge terme de la vieillesse. Dans un tel cas, on prend en compte la période future pendant laquelle l’assuré et son employeur n’ont pas été en mesure de verser des cotisations (voir par analogie, en matière de prévoyance obligatoire, l’art. 24 al. 3 let. b LPP [relatif au montant de la rente d’invalidité], auquel renvoie l’art. 21 al. 1 LPP [relatif au montant de la rente de veuve et de la rente d’orphelin]; cf. arrêt B 51/02 du 13 septembre 2002 consid. 2.4).

Consid. 8.5
Compte tenu de ce qui précède, la cause doit être renvoyée aux juges cantonaux afin qu’ils examinent le montant du salaire assuré de l’assuré au titre de la prévoyance professionnelle auprès de la caisse de pensions, singulièrement le point de savoir si, et le cas échéant dans quelle mesure, la part variable de la rémunération et les frais de représentation doivent être inclus dans le salaire assuré du prénommé. Ce n’est qu’ultérieurement qu’ils pourront statuer sur le montant du gain présumé perdu de l’assuré, en relation avec la question d’une éventuelle surindemnisation. Il convient dès lors d’admettre partiellement le recours de l’assuré (cause 9C_84/2024), dans la mesure où la cause n’est pas en état d’être jugée et nécessite un renvoi à l’instance précédente; l’arrêt entrepris doit être annulé en conséquence. Dans cette mesure, la conclusion subsidiaire de la caisse de pensions en renvoi de la cause à la juridiction précédente pour nouvelle décision ou complément d’instruction (cause 9C_92/2024) se révèle bien fondée.

Le TF admet partiellement le recours de l’assuré.

 

Arrêt 9C_84/2024+9C_92/2024 consultable ici

 

5A_336/2023 (d) du 17.07.2024 – Mariage conclu sous le régime de la séparation de biens – Partage de la prévoyance – Prise en compte des retraits EPL – Indemnité équitable / 123 CC – 124e al. 1 CC – 207 al. 1 CC

Arrêt du Tribunal fédéral 5A_336/2023 (d) du 17.07.2024, publié aux ATF 150 III 353

 

Arrêt 5A_336/2023 consultable ici et ATF 150 III 353

Résumé issu du Bulletin de la prévoyance professionnelle n° 166 ch. 1155

 

Mariage conclu sous le régime de la séparation de biens – Partage de la prévoyance – Prise en compte des retraits EPL – Indemnité équitable / 123 CC – 124e al. 1 CC – 207 al. 1 CC

 

Le retrait anticipé au titre de l’encouragement à la propriété du logement (EPL) est soumis au partage de la prévoyance. Lorsque, à la dissolution d’un mariage conclu sous le régime de la séparation de biens, un des deux conjoints a atteint l’âge de référence et perçoit une rente de vieillesse au moment du dépôt de la demande de divorce, le montant du retrait EPL ne peut être partagé par moitié du fait de la séparation de biens, mais donne droit à une indemnité équitable en vertu de l’art. 124e CC. Le montant du retrait EPL ne peut toutefois pas être simplement partagé par moitié, car il faut tenir compte de la part dont il a été fait théoriquement usage pendant le mariage.

Dans la présente affaire, il s’agit de déterminer si un retrait anticipé pour la propriété du logement effectué pendant le mariage est soumis au partage de la prévoyance lorsque les conjoints ont choisi le régime matrimonial de la séparation de biens et que le conjoint tenu de fournir une compensation a déjà atteint l’âge de référence.

En principe, le retrait EPL sort du circuit de la prévoyance dès la survenance du cas de prévoyance vieillesse, et l’avoir retiré devient un élément de la fortune du preneur de prévoyance. Dans la liquidation du régime matrimonial, un tel retrait est généralement partagé entre les conjoints. Cependant, lorsque, comme en l’espèce, le régime de la séparation des biens ne permet pas un tel partage, une indemnité équitable est due (art. 124e CC). Selon le TF, cette indemnité représente une compensation pour le fait que la rente de vieillesse à partager est, en raison du retrait EPL, inférieure à celle qui aurait été versée si le divorce avait été prononcé avant la survenance du cas de prévoyance.

Le TF parvient à la conclusion qu’un retrait EPL ne peut pas être simplement partagé par moitié, car une partie a théoriquement déjà été utilisée pendant le mariage. Pour calculer le montant de l’indemnité prévue à l’art. 124e CC, le TF détermine la rente qui aurait résulté du montant du retrait EPL si celui-ci était resté dans le circuit de la prévoyance. Le montant de cette rente hypothétique est capitalisé jusqu’à l’entrée en force du divorce. La différence entre la rente capitalisée et le montant du retrait initial constitue la valeur à prendre en compte pour déterminer l’indemnité équitable. Le point de départ dans la détermination de l’indemnité équitable est le partage par moitié de l’avoir de prévoyance (art. 124e CC en relation avec l’art. 123 CC). Le TF renvoie l’affaire à l’instance précédente en lui demandant de fixer le montant de l’indemnité équitable conformément à l’arrêt.

 

Arrêt 5A_336/2023 consultable ici et ATF 150 III 353

 

EPL : mise en location d’un premier logement suivie de l’acquisition d’un nouveau logement – Prise de position de l’OFAS

EPL : mise en location d’un premier logement suivie de l’acquisition d’un nouveau logement – Prise de position de l’OFAS

 

Prise de position de l’OFAS dans le Bulletin de la prévoyance professionnelle n° 166 ch. 1152 (consultable ici)

 

En principe, une personne assurée qui a déjà acquis la propriété d’un premier logement au moyen de l’EPL et qui l’a mis en location ultérieurement ne peut plus acquérir la propriété d’un nouveau logement au moyen de l’EPL, sauf si elle revend son premier logement ou rembourse son premier retrait EPL.

Suite à des questions, l’OFAS apporte la précision suivante :

Lorsqu’une personne assurée a déjà effectué un premier retrait EPL pour acquérir la propriété de son logement et qu’elle a mis en location celui-ci ultérieurement tout en restant propriétaire, il n’y a en principe pas d’obligation de rembourser le montant de ce premier retrait, comme indiqué dans les Bulletins de la prévoyance professionnelle n° 55 ch. 329 p. 12, n° 135 ch. 889 p. 7 et n° 157 ch. 1073 p. 4.

Toutefois, si la personne assurée souhaite acquérir la propriété d’un nouveau logement, elle ne pourra en principe plus recourir à l’EPL, sauf si elle revend son premier logement et qu’elle réinvestit le produit de la vente dans un délai de 2 ans dans un nouveau logement en propriété (art. 30d al. 4 LPP). Si la personne ne souhaitait pas revendre son premier logement, elle pourrait alors rembourser par ses propres moyens financiers le montant de son premier retrait EPL. En cas d’achat-revente dudit logement, il faut radier la mention de la restriction du droit d’aliéner existante dans le registre foncier et y saisir celle liée au nouveau bien. Au-delà de ce délai de 2 ans après la vente du premier logement, la personne assurée devra procéder au remboursement du premier retrait EPL grâce au produit de cette vente immobilière.

En effet, l’EPL ne peut pas servir à financer l’acquisition de deux ou plusieurs objets immobiliers mais doit servir uniquement à financer l’acquisition d’un seul logement (art. 1 al. 2 OEPL) pour ses propres besoins (art. 30c al. 1 LPP et 4 OEPL). Sinon, il y aurait le risque que l’EPL ne serve plus à financer l’accession à la propriété du logement occupé personnellement par l’assuré et sa famille mais qu’il soit utilisé à des fins purement lucratives par l’acquisition et la mise en location de différents biens immobiliers. Le présent cas de mise en location d’un premier logement suivi de l’acquisition d’un nouveau logement est donc différent du cas « simple » (objet des Bulletins susmentionnés) où la personne se limite seulement à mettre en location le logement dont elle reste propriétaire, cela sans envisager une nouvelle acquisition immobilière au moyen de l’EPL et sans exclure la possibilité de retourner habiter dans ce même logement.

 

Prise de position de l’OFAS dans le Bulletin de la prévoyance professionnelle n° 166 ch. 1152 (consultable ici)