Archives de catégorie : Assurance-invalidité AI

9C_629/2020 (f) du 06.07.2021 – Refus d’entrer en matière sur une nouvelle demande AI – Plausibilité d’une aggravation de l’état de santé / Un changement de jurisprudence ne constitue pas un motif suffisant pour entrer en matière sur une nouvelle demande

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_629/2020 (f) du 06.07.2021

 

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Refus d’entrer en matière sur une nouvelle demande AI – Plausibilité d’une aggravation de l’état de santé / 17 LPGA – 87 al. 2 et 3 RAI

Un changement de jurisprudence ne constitue pas un motif suffisant pour entrer en matière sur une nouvelle demande

 

Assuré, né en 1983, a déposé une demande de prestations de l’assurance-invalidité au mois de décembre 2009. Après avoir accordé à l’assuré différentes mesures d’intervention précoce et de réadaptation, l’office AI a nié son droit à une rente d’invalidité par décision du 01.03.2013 (taux d’invalidité de 18%).

Par la suite, l’assuré a présenté une nouvelle demande de prestations en avril 2013 que l’office AI a rejetée au terme de l’instruction, par décision du 25.11.2016. En bref, l’administration a considéré, en se fondant notamment sur une expertise d’un spécialiste en psychiatrie et psychothérapie (rapport du 14.07.2016), que l’assuré présentait une toxicomanie primaire et que la situation était inchangée depuis la décision du 01.03.2013, le taux d’invalidité étant toujours de 18%.

En juin 2017, l’assuré a déposé une troisième demande de prestations. L’office AI a refusé d’entrer en matière sur cette demande, considérant que l’assuré n’avait pas rendu plausible une aggravation de son état de santé (décision du 02.03.2018).

 

 

Procédure cantonale

Par jugement du 29.06.2020, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Plausibilité d’une aggravation de l’état de santé

On ne saurait reprocher aux juges cantonaux d’avoir examiné la plausibilité d’une aggravation de son état de santé propre à influencer ses droits en fonction de la situation prévalant à partir du 25.11.2016, et non depuis le 01.03.2013. La décision du 25.11.2016 est en effet la dernière décision entrée en force reposant sur un examen matériel du droit à la rente. Elle constitue donc le point de départ temporel pour examiner si l’assuré a rendu plausible une modification déterminante des faits influant sur le droit aux prestations en cas de nouvelle demande de prestations (ATF 133 V 108 consid. 5; 130 V 71 consid. 3).

Si l’assuré entendait contester les évaluations médicales sur lesquelles l’office AI s’était alors fondé pour rendre sa décision du 25.11.2016, il lui eût appartenu de faire valoir ses griefs en interjetant un recours dans les délais. A défaut, et compte tenu de la force de chose décidée du prononcé du 25.11.2016, les constatations de la juridiction cantonale, selon lesquelles l’office AI avait retenu l’absence de diagnostic psychiatrique incapacitant à cette époque lient le Tribunal fédéral.

Dans un litige portant sur le bien-fondé du refus d’entrer en matière sur une nouvelle demande, le juge doit examiner la situation d’après l’état de fait tel qu’il se présentait à l’administration au moment où celle-ci a statué, en l’espèce, le 02.03.2018, après avoir dûment laissé à l’assuré un délai pour compléter sa demande. Son examen est ainsi d’emblée limité au point de savoir si les pièces déposées en procédure administrative justifiaient ou non l’entrée en matière sur la nouvelle demande, sans prendre en considération les documents médicaux déposés ultérieurement à la décision administrative, notamment au cours de la procédure cantonale de recours (cf. ATF 130 V 64 consid. 5.2.5; arrêt 9C_959/2011 du 6 août 2012 consid. 1.3 et 4.3).

L’hospitalisation de l’assuré du 24.03.2017 au 05.04.2017 ne suffit ensuite pas pour rendre plausible une aggravation de son état de santé depuis novembre 2016. En effet, les diagnostics de schizophrénie sans précision (F20.9) et de troubles mentaux et du comportement liés à l’utilisation de sédatifs ou d’hypnotiques, syndrome de dépendance (F13.2), retenus lors de l’hospitalisation survenue au printemps 2017 avaient déjà été posés dans le cadre d’une précédente hospitalisation dans cet établissement, soit antérieurement à la décision du 25.11.2016 qui a acquis force de chose jugée. Quoi qu’en dise l’assuré, ces diagnostics avaient alors été discutés et exclus de manière motivée par le médecin au Service médical régional de l’AI (SMR), qui avait expliqué, pour nier le diagnostic de schizophrénie, que les symptômes psychotiques présentés par l’intéressé étaient induits par la consommation abusive de substances psychoactives et qu’ils s’étaient résorbés après un régime de substitution sous surveillance médicale (avis du 16.11.2016).

 

Changement de jurisprudence concernant le caractère invalidant des syndromes de dépendance

L’assuré reproche à la juridiction cantonale d’avoir violé le droit en refusant d’appliquer la nouvelle jurisprudence concernant le caractère invalidant des syndromes de dépendance (ATF 145 V 215) et de mettre en œuvre une nouvelle expertise psychiatrique satisfaisant aux exigences de la grille d’évaluation normative et structurée (selon l’ATF 141 V 281). Il fait en substance valoir que ce changement de jurisprudence constituerait un motif de révision (dite procédurale) de la décision du 25.11.2016 (au sens de l’art. 53 al. 1 LPGA).

 

Le grief de l’assuré est mal fondé. Dans un arrêt récent, le Tribunal fédéral a en effet jugé que le changement de jurisprudence selon l’ATF 145 V 215 ne constitue pas un motif suffisant pour déroger au principe selon lequel il n’y a pas à adapter une décision administrative entrée en force à une modification de jurisprudence ni à entrer en matière sur une nouvelle demande (arrêt 9C_132/2020 du 7 juin 2021 consid. 6 destiné à la publication; sur les motifs qui ont guidé le Tribunal fédéral, cf. arrêt précité, consid. 5). Dans ces circonstances, les griefs de l’assuré en relation avec le refus des juges cantonaux de mettre en œuvre de nouveaux moyens de preuve, notamment sous la forme d’une expertise psychiatrique en milieu stationnaire, tombent à faux.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_629/2020 consultable ici

 

 

9C_448/2020 (f) du 01.07.2021 – Assurance-invalidité – Statut de l’assurée (ménagère, mixte, personne active) – Communauté des gens du voyage / Absence d’indices concrets attestant l’existence d’un revenu mais statut mixte retenu par le TF

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_448/2020 (f) du 01.07.2021

 

Consultable ici

 

Statut de l’assurée (ménagère, mixte, personne active) – Communauté des gens du voyage / 28a LAI – 27bis RAI

Absence d’indices concrets attestant l’existence d’un revenu mais statut mixte retenu par le TF

 

Assurée, née en 1971, a déposé une demande de prestations AI le 20.07.2017, en arguant souffrir de différents troubles somatiques et psychiques. Elle indiquait en outre appartenir à la communauté des gens du voyage et être femme au foyer.

Entre autres mesures d’instruction, l’office AI a recueilli l’avis des médecins traitants. Le médecin du Service médical régional de l’office AI (SMR) a déduit de ces avis que l’assurée présentait essentiellement un trouble dépressif récurrent (épisode moyen), ainsi que des cervico-brachialgies et des lombosciatalgies permettant l’exercice d’une activité adaptée à mi-temps dès le 01.01.2017. L’administration a aussi réalisé une enquête ménagère, qui a mis en évidence un taux d’empêchement dans l’accomplissement des travaux domestiques de 10%.

Considérant que l’assurée consacrait l’entier de son temps aux tâches ménagères, l’office AI a rejeté sa demande de prestations sur la base du rapport d’enquête à domicile.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/432/2020 – consultable ici)

Examinant la question du statut de l’assurée, le tribunal cantonal a constaté qu’elle n’avait fait l’objet d’aucune investigation de la part de l’office AI, hormis la production d’une note succincte (indiquant que l’assurée n’avait jamais travaillé en Suisse), ainsi que de l’extrait du compte individuel AVS (mentionnant des cotisations en tant que personne sans activité lucrative).

La juridiction cantonale a toutefois considéré que le dossier permettait de conclure au degré de la vraisemblance prépondérante à un statut de personne active. Elle a relevé à cet égard que les travaux de vannerie et d’aiguisage ainsi que le porte à porte évoqués dans le rapport d’enquête économique sur le ménage ressortaient également des déclarations faites par l’assurée lors de l’audience de comparution personnelle des parties et étaient corroborées par la carte de légitimation pour commerçants itinérants produite en cours d’instance. Elle a en outre constaté que les médecins traitants avaient indiqué que leur patiente faisait du porte à porte ou avait toujours travaillé dans le cadre de sa communauté. Elle a considéré que le fait que l’assurée se qualifiait elle-même de femme au foyer dans sa demande de prestations n’était pas déterminant dans la mesure où les activités professionnelles pratiquées par celle-ci étaient parfois assimilées à des activités ménagères. Elle a ajouté que l’exercice d’une activité lucrative était d’autant plus plausible que, selon la jurisprudence (ATF 138 I 205), les gens du voyage travaillaient traditionnellement dans les domaines de la récupération, du commerce forain et de l’artisanat ambulant.

Considérant que l’assurée avait le statut d’une personne active à 100%, les juges cantonaux lui ont reconnu le droit à une demi-rente d’invalidité à partir du 01.01.2018 dès lors qu’elle disposait d’une capacité résiduelle de travail de 50% dans toute activité adaptée, y compris l’activité habituelle.

Par jugement du 02.06.2020, admission du recours par le tribunal cantonal, reconnaissant le droit de l’assurée à une demi-rente d’invalidité à partir du 01.01.2018.

 

TF

Il ressort des éléments de fait constatés par le tribunal cantonal que les déclarations de l’assurée à propos de ses activités ont évolué au cours du temps. Dans sa demande de prestations, l’assurée a d’abord indiqué sous la rubrique « 5.5 Activités non lucratives » être femme au foyer depuis 1994 et sous la rubrique « 5.4 Personnes exerçant une activité lucrative ou accessoire » appartenir à la communauté des gens du voyage sans en retirer des revenus. Elle a en outre annoncé sous la rubrique « 4.1 Domicile et activité lucrative » n’avoir jamais travaillé avant son arrivée en Suisse à l’époque de son mariage, célébré le 12.06.1998. Par la suite, elle a signalé au médecin-traitant qu’elle était femme au foyer et faisait du porte à porte, au psychiatre-traitant qu’elle avait toujours travaillé dans le cadre de sa communauté et à l’enquêtrice de l’administration qu’elle n’avait jamais eu d’activité lucrative mais qu’elle avait effectué des travaux de vannerie, d’aiguisage et du porte à porte pour un revenu allant de 120 à 150 fr. par jour. Plus tard encore, lors de l’audience de comparution personnelle des parties, elle a réaffirmé n’avoir jamais travaillé à l’étranger ou en Suisse en tant que salariée mais avoir fait du porte à porte afin d’aiguiser des couteaux et de vendre des paniers et des balais pour un revenu quotidien allant de 50 à 400 fr.

Ces déclarations successives sont ambiguës. Dans un premier temps, l’assurée semble affirmer se consacrer exclusivement à l’entretien de son ménage mais, dans un second temps, revenir sur son affirmation en prétendant avoir toujours exercé des activités pour un revenu dont le montant, approximatif, a évolué au fil de ses déclarations.

Quoi qu’il en soit, ces déclarations ne permettent pas à elles seules de trancher la question du statut de l’assurée dans le sens retenu par la juridiction cantonale dans son arrêt du 02.06.2020 (statut de personne active à 100%) ou celui retenu par l’office AI dans sa décision (statut de ménagère à 100%). On ne saurait toutefois affirmer que les premières déclarations de l’assurée (interprétées dans le sens où elle se consacrerait exclusivement à l’accomplissement de tâches ménagères) représentent une version plus exacte des faits – exempte de réflexions concernant leurs possibles conséquences juridiques (au sujet des déclarations de la première heure, cf. ATF 121 V 45 consid. 2a) – que les secondes (interprétées dans le sens où elle se consacrerait également à l’exercice d’une activité lucrative). En effet, ces deux versions ont été énoncées avant le prononcé du projet de décision du 08.01.2019, qui correspond concrètement au moment où le statut de ménagère à 100% a été fixé et où les conséquences de ce statut sur le droit aux prestations ont été communiquées à l’assurée.

Ces déclarations rendent en revanche plus vraisemblable l’existence d’une personne qui consacre son temps à des travaux ménagers et exerce aussi une activité à caractère lucratif, ce que corrobore le fait que, dans son recours contre la décision administrative litigieuse, l’assurée revendiquait l’application de la méthode mixte d’évaluation de l’invalidité. De plus, l’assurée a produit en procédure cantonale une carte de légitimation pour commerçants itinérants valable du 02.08.2016 au 01.08.2017 délivrée par le Service du commerce de la République et canton de Genève. Contrairement à ce que suggère l’office AI, cette carte de légitimation rend vraisemblable l’exercice des activités décrites par l’assurée durant l’année pour laquelle elle a été délivrée, même si elle ne permet pas de déterminer le taux auquel ces activités ont été exercées.

On ne saurait en revanche suivre les juges cantonaux en ce qui concerne le statut de personne active à 100%, qu’ils ont retenu de manière arbitraire en se fondant sur les seules déclarations de l’assurée et de son mari lors de leur audition en instance cantonale. Ceux-ci ont indiqué que l’assurée avait travaillé « tous les jours » depuis 2010 et qu' »il s’agissait d’un travail sur toute la journée » qu’elle aurait continué à effectuer sans atteinte à la santé. Ces propos entrent cependant en contradiction avec les déclarations antérieures de l’assurée qui, jusque-là, avait mentionné l’activité au sein de sa communauté accessoirement à celle de femme au foyer, que ce soit au moment où elle a présenté sa demande de prestations, sans indiquer obtenir de revenu, ou au moment de s’entretenir avec l’enquêtrice, lorsqu’elle a mentionné effectuer un travail pour la communauté gitane tout en décrivant les tâches ménagères dont elle s’occupait avant l’atteinte à la santé.

Il reste à déterminer le taux auquel les travaux de vannerie et d’aiguisage ont été pratiqués. La carte de légitimation produite en instance cantonale ne fournit aucun renseignement à cet égard. On ne peut pas davantage inférer la répartition entre activités ménagères et activités lucratives des déclarations de l’assurée ou de son mari, selon lesquelles celle-ci avait travaillé tous les jours depuis 2010 et réalisé un revenu de 120 à 150 fr. ou de 50 à 400 fr. par jour. Outre le fait que ces déclarations sont contradictoires en ce qui concerne les montants indiqués à titre de revenus, elles ne sont corroborées par aucune inscription au compte individuel AVS de l’assurée. Depuis 1998, celle-ci est inscrite à titre de personne sans activité lucrative, aucun changement n’ayant manifestement été annoncé à partir de l’année 2010. Or, s’il peut être tenu compte en matière d’assurances sociales de revenus provenant d’activités aussi bien licites qu’illicites, en particulier d’un « travail au noir » (cf. p. ex. arrêts 8C_676/2007 du 11 mars 2008 consid. 3.3.4; I 402/91 du 3 juin 1992 consid. 3b et les références), encore faut-il que des indices concrets en attestent l’existence. Tel n’est pas le cas en l’occurrence. L’assurée n’a pas fourni le moindre élément objectif, comme des pièces comptables, de simples quittances de paiement ou même des décisions de taxation fiscale, susceptible de confirmer ses déclarations. Il est par ailleurs inutile d’en faire demander la production dès lors que pour prouver l’exercice de l’activité lucrative, elle s’est limitée en instance cantonale à fournir la décision du Service du commerce genevois du 28 juillet 2016, et que le mari de l’assurée a admis qu’il « [était] difficile [pour le couple] d’être en règle avec les affaires administratives ».

Une instruction complémentaire à cet égard est d’autant moins nécessaire que l’application au cas particulier de la méthode mixte d’évaluation de l’invalidité, au sens de l’art. 27bis RAI, ne permettrait de toute évidence pas d’ouvrir le droit de l’assurée à une rente. En effet, compte tenu du taux d’empêchement dans l’accomplissement des activités habituelles, qui a été fixé à 10% à l’occasion de l’enquête économique sur le ménage, dont la valeur probante n’a pas été contestée en instance fédérale, et du taux d’incapacité de travail de 50%, il faudrait que l’assurée soit considérée comme une personne active à 75% au minimum pour qu’elle ait droit à un quart de rente d’invalidité (une capacité résiduelle de travail de 50% dans l’activité habituelle engendre une perte de gain et un taux d’invalidité de 37,5% pour une personne active à 75% et un taux d’empêchement de 10% pour une ménagère à 25% entraîne un taux d’invalidité de 2,5%, de sorte que les deux taux cumulés donnent un taux global d’invalidité de 40%). Or, ainsi que le soutient l’OFAS, il est vraisemblable que l’assurée a travaillé avec un taux d’occupation peu élevé – en tout cas inférieur à 75% – si on tient compte de la description de ses activités ménagères avant l’atteinte à la santé lors de l’enquête à domicile et du fait qu’elle n’a jamais jugé utile de déclarer les revenus de son activité lucrative à la caisse de compensation AVS.

 

Le TF admet le recours de l’office AI, annule le jugement cantonal et confirme la décision de l’office AI.

 

 

Arrêt 9C_448/2020 consultable ici

 

 

Motion 21.3487 « Mesures contre l’immigration illégale (2/9). Pas de rente AI pour les sans-papiers. » – Avis du Conseil fédéral du 18.08.2021

Motion 21.3487 « Mesures contre l’immigration illégale (2/9). Pas de rente AI pour les sans-papiers. » – Avis du Conseil fédéral du 18.08.2021

 

Motion 21.3487 consultable ici

 

Texte déposé

Le Conseil fédéral est chargé de soumettre un projet au Parlement afin qu’aucune prestation de l’AI ne soit plus versée aux sans-papiers.

 

Développement

Selon les estimations actuelles, le nombre de sans-papiers qui séjournent en Suisse est d’environ 100 000 personnes. Pour autant qu’ils soient soumis à l’obligation de s’assurer, les sans-papiers ont droit aux prestations de l’AI, et ce malgré le fait qu’ils séjournent et exercent une activité lucrative en Suisse de manière illégale. Le catalogue des prestations couvre une large gamme de services comme des soins médicaux, des mesures d’aide à la recherche d’emploi, ainsi que des rentes et des allocations pour impotent. Cette situation choquante ne peut plus durer. Sans cela, rien n’incite les migrants en situation illégale à faire l’effort d’obtenir un titre de séjour. En même temps, l’exercice illégal d’une activité lucrative en Suisse devient moins attrayant si les sans-papiers sont exclus des prestations de l’AI et doivent assumer eux-mêmes le risque d’une incapacité de travail complète ou partielle, d’une durée longue, voire permanente. L’objectif du projet doit être de pousser les sans-papiers à régulariser leur situation ou à quitter la Suisse.

 

Avis du Conseil fédéral du 18.08.2021

Dans son rapport du mois de décembre 2020 en réponse au postulat CIP-CN 18.3381  » Pour un examen global de la problématique des sans-papiers « , le Conseil fédéral a déjà examiné en détail la situation des sans-papiers en Suisse. Le rapport parvient à la conclusion que l’obligation de s’assurer doit être maintenue pour toutes les personnes vivant en Suisse.

 

Il existe toutefois bel et bien un conflit entre l’accès aux assurances sociales et le droit des étrangers. De manière générale, l’assujettissement à la plupart des assurances sociales, telles que l’AVS, l’AI, l’AMal et l’AA, ne dépend pas du statut de la personne concernée au regard du droit des étrangers, mais avant tout du fait que celle-ci ait son domicile en Suisse. Parallèlement, les mesures de contrôle fondées en particulier sur la loi sur le travail au noir (LTN, RS 822.41) et les dispositions pénales prévues par la loi sur les étrangers et l’intégration (LEI, RS 142.20) visent à lutter contre le séjour illégal de personnes étrangères en Suisse.

Une exclusion générale des sans-papiers des assurances sociales enfreindrait les engagements internationaux de la Suisse (notamment le Pacte I de l’ONU et la Convention relative aux droits de l’enfant) et serait problématique du point de vue de la Convention européenne des droits de l’homme. En outre, une telle exclusion ne respecterait pas les principes énoncés à l’art. 112, al. 2, Cst. relatifs à l’assurance vieillesse, survivants et invalidité, qui garantit une assurance obligatoire pour tous. Elle serait aussi contraire au système actuel des assurances sociales et rendrait l’emploi de sans-papiers encore plus attrayant pour les employeurs, puisque, contrairement aux autres employés, ils seraient exemptés des cotisations sociales. Enfin, l’exclusion des sans-papiers ne contribuerait aucunement à réduire la migration illégale.

En ce qui concerne l’AI, les sans-papiers ont droit à des prestations lorsque les conditions légales sont remplies, à savoir qu’ils doivent être assujettis à cette assurance, ce qui est généralement le cas en raison de leur domicile, et qu’ils doivent verser des cotisations, qu’ils exercent une activité lucrative ou non, au plus tard à partir du 1er janvier de l’année qui suit leurs 20 ans.

Dans les faits, les sans-papiers n’ont sans doute que rarement recours aux prestations de l’AI. En effet, la plupart d’entre eux ne remplissent pas leur obligation en matière de cotisations puisqu’ils n’entrent généralement pas de leur plein gré en contact avec des services officiels, qu’ils ne sont que rarement annoncés par leurs employeurs à la caisse de compensation AVS et que les personnes sans activité lucrative ne s’annoncent pas librement.

 

Proposition du Conseil fédéral du 18.08.2021

Le Conseil fédéral propose de rejeter la motion.

 

 

Motion 21.3487 « Mesures contre l’immigration illégale (2/9). Pas de rente AI pour les sans-papiers. » consultable ici

 

 

Entrée en vigueur de la convention de sécurité sociale avec la Bosnie et Herzégovine au 01.09.2021

Entrée en vigueur de la convention de sécurité sociale avec la Bosnie et Herzégovine au 01.09.2021

 

Bulletin à l’intention des caisses de compensation AVS et des organes d’exécution des PC No 439 du 04.08.2021 consultable ici

Communication concernant l’exécution des allocations familiales no 42 du 04.08.2021 consultable ici

 

Les procédures d’approbation parlementaires ayant été accomplies dans les deux Etats contractants, la convention conclue par la Suisse avec la Bosnie et Herzégovine entre en vigueur le 01.09.2021.

Ce nouvel accord actualise la coordination des assurances sociales entre la Suisse et cet Etat successeur de la Yougoslavie. Il remplace l’accord avec l’ex-Yougoslavie qui était appliqué jusqu’à présent.

Le contenu de l’accord correspond largement à celui de l’accord jusqu’alors applicable avec l’ex-Yougoslavie. De nouvelles dispositions ont été introduites dans le domaine des allocations familiales au titre de la LAFam, concernant la durée du détachement, la coassurance des membres de famille sans activité lucrative et s’agissant de la totalisation de périodes d’assurance pour les rentes AI.

 

Champ d’application matériel (LAFam/LFA)

Les allocations familiales entraient jusqu’à maintenant dans le champ d’application matériel de la convention de sécurité sociale avec l’ex-Yougoslavie.

Dans le cadre de cette convention, les ressortissants suisses avaient droit aux allocations familiales selon la LAFam et selon la LFA pour leurs enfants domiciliés en Bosnie et Herzégovine. Les ressortissants de Bosnie et Herzégovine avaient droit aux allocations familiales selon la LAFam et la LFA pour leurs enfants ayant leur domicile à l’étranger. La nouvelle convention bilatérale règle principalement l’assurance-vieillesse et survivants, l’assurance invalidité et l’assurance accident ainsi que, dans une mesure limitée, l’assurance maladie.

Les allocations familiales selon la LAFam ne sont plus incluses dans le champ d’application matériel de la nouvelle convention. En vertu de celle-ci, les enfants ayant leur domicile en Bosnie et Herzégovine ainsi que dans les autres pays ne donnent désormais plus droit aux allocations familiales pour les ressortissants de Bosnie et Herzégovine et de Suisse. Aucune disposition transitoire n’est prévue.

En revanche, les allocations familiales selon la LFA entrent encore dans le champ d’application de la nouvelle convention. Les ressortissants de Bosnie et Herzégovine continueront ainsi à avoir droit à l’exportation des prestations dans le monde entier, indépendamment du domicile des enfants. Les ressortissants suisses quant à eux n’auront droit à ces allocations que pour les enfants domiciliés en Bosnie et Herzégovine.

 

Détachement

La nouvelle période de détachement en relation avec la Bosnie et Herzégovine est de 24 mois (contre 36 mois auparavant). La durée du détachement peut toujours être prolongée jusqu’à 6 ans au maximum dans le cadre d’un accord particulier entre les autorités compétentes.

 

Coassurance des membres de famille sans activité lucrative

Les membres de famille sans activité lucrative qui accompagnent p. ex. une personne détachée en Bosnie et Herzégovine, restent désormais assurés à l’AVS/AI/APG. Dans le cas inverse, ils restent assurés dans l’état contractant et sont exemptés de l’AVS/AI/APG suisse.

 

Totalisation de périodes d’assurance pour les rentes AI

Les périodes de cotisation à l’étranger seront désormais prises en compte pour remplir la durée minimale de cotisation de 3 ans pour l’ouverture du droit à une rente AI en relation avec la Bosnie et Herzégovine, à condition qu’elles aient été accomplies dans un pays avec lequel la Suisse a conclu une convention de sécurité sociale prévoyant la totalisation des périodes d’assurance pour le droit à une rente ordinaire de l’assurance-invalidité suisse, et qu’au moins une année de cotisation ait été accomplie en Suisse.

 

 

Bulletin à l’intention des caisses de compensation AVS et des organes d’exécution des PC No 439 du 04.08.2021 consultable ici

Communication concernant l’exécution des allocations familiales no 42 du 04.08.2021 consultable ici

Version allemande du Bulletin No 439 (Inkrafttreten des Sozialversicherungsabkommens mit Bosnien und Herzegowina per 01.09.2021) disponible ici et de la Communication no 42 (Mitteilung über die Durchführung der Familienzulagen Nr. 42) disponible ici

Version italienne du Bulletin No 439  (Entrata in vigore della Convenzione di sicurezza sociale fra la Confederazione Svizzera e la Bosnia ed Erzegovina il 01.09.2021) disponible ici [pas de version italienne de la Communication no 42]

Convention de sécurité sociale entre la Confédération suisse et la Bosnie et Herzégovine parue à la FF 2020 5637

Arrangement administratif concernant l’application de la Convention de sécurité sociale entre la Confédération suisse et la Bosnie et Herzégovine parue in RO 2021 515

 

9C_236/2020 (f) du 02.06.2021 – destiné à la publication – Contribution d’assistance des mineurs – 42quater LAI – 39a RAI / Genèse de la contribution d’assistance – Notion de « classe ordinaire » – 39a lit. a RAI

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_236/2020 (f) du 02.06.2021, destiné à la publication

 

Consultable ici

 

Contribution d’assistance des mineurs / 42quater LAI – 39a RAI

Délégation législative – Inconstitutionnalité de l’art. 39a let. a RAI

Genèse de la contribution d’assistance – Notion de « classe ordinaire » / 39a lit. a RAI

 

Né en 2009, A.A.__ (ci-après : l’assuré) est atteint d’hémiplégie droite et d’une infirmité motrice cérébrale de type spastique. L’office AI a pris en charge des mesures médicales en raison d’une infirmité congénitale. Par la suite, il a alloué à l’assuré une allocation pour impotence de degré faible depuis le 01.01.2012, puis de degré moyen dès le 01.08.2012, ainsi qu’une contribution d’assistance d’un montant maximal de 8’672 fr. 95 par année à partir du 01.10.2012.

A la suite d’un échange de correspondance avec la mère de l’assuré quant au cadre dans lequel celui-ci poursuivait sa scolarité pour l’année 2014-2015, puis 2015-2016, 2016-2017 et 2017-2018, l’office AI a mis en œuvre une enquête à domicile. Dans son rapport du 11.02.2019, la collaboratrice de l’office AI a mentionné que l’assuré était inscrit depuis l’année scolaire 2016-2017 à l’école C.__ qui était une école spécialisée, privée et subventionnée. Informé par l’office AI de son intention de supprimer la contribution d’assistance (préavis du 13.02.2019), l’assuré a fait valoir qu’il fréquentait une classe ordinaire, en produisant une attestation du 28.02.2019 du directeur de l’école C.__. Par décision du 25.03.2019, l’office AI a supprimé la contribution d’assistance à partir de la fin du mois suivant la notification de son prononcé, au motif que l’assuré ne suivait plus une classe ordinaire.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/116/2020 – consultable ici)

La juridiction cantonale a constaté que l’assuré était inscrit à l’école primaire C.__ depuis l’année scolaire 2016-2017. Il s’agissait d’un « externat de pédagogie spécialisé » s’adressant aux enfants présentant des troubles envahissants du développement, des troubles spécifiques du développement du langage ou des troubles du développement des acquisitions scolaires. Destinée aux élèves atteints de troubles psychiques, cette école était subventionnée par l’Etat de Genève, faisait partie du réseau genevois de l’enseignement spécialisé et était placée sous la surveillance de la Direction générale de l’office genevois de l’enfance et de la jeunesse (DGOEJ). Selon les données de l’école, l’assuré suivait le programme scolaire obligatoire pour les élèves du canton de Genève, partageait le même complexe qu’une école régulière et proposait de la logopédie, mais aussi, selon les besoins des élèves, une prise en charge « pédago-thérapeutique ». L’établissement était par ailleurs reconnu depuis 1999 par l’OFAS comme « école spécialisée auprès de l’assurance-invalidité » et était classé, selon le site Internet de l’Etat de Genève, dans la liste des « centres médico-pédagogiques et institutions assimilées », tout en y étant décrit comme « un dispositif d’enseignement spécialisé (ES) du cycle moyen subventionné ». Les juges cantonaux ont déduit de ces éléments que la classe fréquentée par l’assuré ne pouvait pas être considérée comme une classe ordinaire au sens de l’art. 39a let. a RAI et que celui-ci avait été intégré au sein d’un établissement spécialisé. Son droit à la contribution d’assistance s’était dès lors éteint conformément à l’art. 42septies al. 3 let. a LAI.

En outre, le fait de ne pas intégrer dans la notion de « classe ordinaire » les classes dites « inclusives », à l’instar de celle fréquentée par l’assuré, ne constituait pas une inégalité de traitement au sens de l’art. 8 Cst. ou de l’art. 2 al. 2 LHand. Compte tenu du but principal des dispositions légales sur la contribution d’assistance, qui était de favoriser l’autonomie et la responsabilité des personnes handicapées, les conditions de l’art. 39a RAI reposaient sur un motif sérieux et objectif ou n’opéraient pas de distinctions juridiques injustifiées, cette disposition – en relation avec la let. c – ayant été considérée comme conforme au droit par le Tribunal fédéral (cf. ATF 145 V 278).

Par jugement du 30.01.2020, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Selon le premier alinéa de l’art. 42quater LAI, l’assuré a droit à une contribution d’assistance aux conditions suivantes : a) il perçoit une allocation pour impotent de l’AI conformément à l’art. 42 al. 1 à 4; b) il vit chez lui; c) il est majeur. En vertu de l’art. 42quater al. 3 LAI, le Conseil fédéral fixe les conditions auxquelles les mineurs ont droit à la contribution d’assistance.

Conformément à cette délégation de compétence, le Conseil fédéral a édicté l’art. 39a RAI qui prévoit que l’assuré mineur a droit à une contribution d’assistance (notamment) s’il remplit les conditions prévues à l’art. 42quater al. 1 let. a et b LAI et s’il suit de façon régulière l’enseignement scolaire obligatoire dans une classe ordinaire, une formation professionnelle sur le marché ordinaire de l’emploi ou une autre formation du degré secondaire II (let. a).

Le désaccord des parties concerne exclusivement l’application de l’art. 39a let. a RAI (les deux autres éventualités prévues par les let. b et c n’étant pas déterminantes en l’espèce).

 

Délégation législative – Inconstitutionnalité de l’art. 39a let. a RAI

Conformément au texte clair de l’art. 42quater al. 3 LAI, le Conseil fédéral s’est vu déléguer la compétence de fixer les conditions auxquelles les mineurs ont droit à une contribution d’assistance. Le législateur n’a prévu aucune prescription explicite quant au contenu matériel de ces conditions (ATF 145 V 278 consid. 4.2).

L’art. 39a RAI (fondé sur l’art. 42quater al. 3 LAI) constitue une règle relevant d’une ordonnance dépendante, non pas d’exécution mais de substitution (sur cette notion, voir AUER/MALINVERNI/HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. I, 3e éd., 2013, p. 539 ss n° 1594 ss; HÄFELIN/MÜLLER/UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 8e éd. 2020, p. 22 ss n° 93 ss). En présence d’une telle ordonnance, le Tribunal fédéral examine si l’autorité exécutive est restée dans les limites des pouvoirs qui lui ont été conférés par la loi. Dans la mesure où la délégation législative ne l’autorise pas à déroger à la Constitution fédérale, le Tribunal fédéral est également habilité à revoir la constitutionnalité des règles contenues dans l’ordonnance en cause. Lorsque la délégation législative accorde à l’autorité exécutive un très large pouvoir d’appréciation pour fixer les dispositions d’exécution, cette clause lie le Tribunal fédéral en vertu de l’art. 190 Cst. Dans un tel cas, le Tribunal fédéral ne saurait substituer sa propre appréciation à celle du Conseil fédéral et doit se borner à examiner si l’ordonnance en question sort manifestement du cadre de la délégation législative octroyée à l’autorité exécutive ou si, pour d’autres raisons, elle apparaît contraire à la loi ou à la Constitution fédérale. Il ne revient pas au Tribunal fédéral d’examiner l’opportunité de l’ordonnance ou de prendre position au sujet de l’adéquation politique, économique ou autre d’une disposition d’une ordonnance (ATF 146 II 56 consid. 6.2.2 et les références; 145 V 278 consid. 4.1 et les références).

En relation tout d’abord avec la délégation législative de l’art. 42quater al. 3 LAI, l’assuré indique dans son recours qu’il ne soulève pas le grief d’inconstitutionnalité de l’art. 39a let. a RAI ni ne conteste que cette disposition repose sur une délégation législative valable. Il revient toutefois sur ce point dans ses observations sur la détermination de l’autorité de surveillance, en faisant valoir que la « question du respect de la délégation législative » prévue par l’art. 42quater al. 3 LAI se poserait si l’interprétation de l’art. 39a RAI préconisée par la juridiction cantonale, l’office AI et l’OFAS « devait s’imposer ».

En l’espèce, la question du cadre de la délégation législative octroyée au Conseil fédéral pour édicter l’art. 39a let. a RAI a fait l’objet d’un développement (en relation avec l’ATF 145 V 278) dans l’arrêt attaqué, de sorte qu’il appartenait à l’assuré de la critiquer d’emblée et pas uniquement au stade de la réplique.

 

Genèse de la contribution d’assistance

Introduite par la 6e révision de la LAI (premier volet) au 01.01.2012 à la suite du projet pilote « Budget d’assistance » (cf. RO 2005 3529), la contribution d’assistance constitue une prestation en complément de l’allocation pour impotent et de l’aide prodiguée par les proches, conçue comme une alternative à l’aide institutionnelle et permettant à des handicapés d’engager eux-mêmes des personnes leur fournissant l’aide dont ils ont besoin et de gérer leur besoin d’assistance de manière plus autonome et responsable. L’accent mis sur les besoins a pour objectif d’améliorer la qualité de vie de l’assuré, d’augmenter la probabilité qu’il puisse rester à domicile malgré son handicap et de faciliter son intégration sociale et professionnelle ; parallèlement, la contribution d’assistance permet de décharger les proches qui prodiguent des soins (ATF 145 V 278 consid. 2.2; Message du 24 février 2010 relatif à la modification de la loi fédérale sur l’assurance-invalidité, 6e révision, premier volet, FF 2010 1692 ch. 1.3.4).

Initialement, le Conseil fédéral a proposé de soumettre le droit à la contribution d’assistance à la condition que l’assuré ait l’exercice des droits civils au sens de l’art. 13 CC (al. 1 let. c de l’art. 42quater P-LAI; FF 2010 1771); là où cette condition fait défaut – ainsi pour les mineurs et les personnes dont la capacité de discernement est restreinte -, le droit à la prestation doit être lié à l’exigence que, par ce moyen, l’intéressé puisse mener une vie autonome et responsable, la décision dépendant de l’importance des limites à l’exercice des droits civils et des domaines concernés par ces limites. Selon le Conseil fédéral, la délégation de compétence en sa faveur lui permet d’édicter des « critères sur mesure et applicables en pratique, en vertu desquels les mineurs et les personnes dont l’exercice des droits civils est partiellement limité pourront bénéficier de la nouvelle prestation » (message cité, FF 2010 1727 ch. 2, ad art. 42quater al. 2 P-LAI).

Au terme des délibérations parlementaires, suivant l’avis de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil des Etats qui entendait supprimer la discrimination des personnes dont la capacité d’exercer les droits civils est restreinte, les Chambres fédérales ont adopté les modifications proposées de l’art. 42quater al. 1 let. c et des al. 2 et 3 (BO 2010 CE 658 s.; BO 2010 CN 2102 ss). La compétence de régler les conditions auxquelles les personnes dont la capacité d’exercer les droits civils est restreinte n’ont droit à aucune contribution d’assistance a été déléguée au Conseil fédéral (art. 42quater al. 2), de même que celle de fixer les conditions auxquelles les personnes mineures ont droit à une contribution d’assistance (art. 42quater al. 3).

En ce qui concerne en particulier les mineurs, un exemple concret du besoin d’assistance a été évoqué pendant les débats au Conseil des Etats. Le Conseiller aux Etats David a mentionné le cas d’un jeune homme, entre 15 et 18 ans, qui suivrait un apprentissage ou l’école et nécessiterait de l’aide (par exemple pour se rendre aux toilettes) : le point central est qu’une personne l’assiste pour une aide relativement modeste également au lieu d’apprentissage ou à l’école, que les parents ne pourraient pas forcément fournir. Selon le Conseiller aux Etats, la voie doit être ouverte le plus possible pour de tels jeunes, qui pourraient effectivement entrer dans le processus du travail, afin de leur permettre d’avoir accès à une vie indépendante (BO 2010 CE 659). Le Chef du Département concerné (le Conseiller fédéral Burkhalter) a attiré l’attention des députés sur les conditions financières, qui nécessitent une « ouverture » de la disposition par étapes (« commencer avec l’alinéa 1 [de l’art. 42quater LAI] et [é]largir la disposition, dans la mesure du possible, à mesure que les conséquences deviennent clairement visibles »), l’intention étant de « mettre en place un monitoring et avancer par étapes » (BO 2010 CE 659; cf. aussi ATF 145 V 278 consid. 4.3.2).

En amont, lors des discussions au sein des deux Commissions de la sécurité sociale et de la santé publique, la possibilité pour le Conseil fédéral de définir les conditions du droit à la contribution d’assistance pour les mineurs a été évoquée en relation avec la nécessité de rester restrictif – pour maintenir les objectifs fixés en termes financiers -, avec l’idée d’étendre progressivement ces conditions en fonction de l’évolution de l’assurance-invalidité et du projet même de la contribution d’assistance (procès-verbaux de la séance des 19 et 20 mai 2010 de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil des Etats [p. 43, 45 et 56 s.] et de la séance des 4 et 5 novembre 2010 de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national [p. 56 s.]).

Comme l’a déjà rappelé la juridiction cantonale, en relation avec la situation des personnes disposant d’une capacité d’exercer les droits civils restreinte et des mineurs, la discussion au cours des débats parlementaires a aussi porté sur la possibilité d’introduire la contribution d’assistance sans exigence supplémentaire par rapport aux assurés majeurs. Une minorité de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national (Prelicz-Huber et autres) a proposé d’ouvrir le droit à la contribution d’assistance à toute personne avec un handicap, indépendamment du point de savoir si elle a l’exercice des droits civils ou si l’exercice d’une activité lucrative respectivement l’intégration dans le marché du travail est envisageable, une intégration sociale et avant tout plus d’autodétermination étant toujours possibles (BO 2010 CN 2102 s. et 2108; cf. en particulier aussi la déclaration de la Conseillère nationale Weber-Gobet, BO 2010 CN 2104 s.). Une telle extension de la prestation, qui aurait lié le droit à celle-ci uniquement à la perception d’une allocation pour impotent et au fait de vivre chez soi, a été refusée par la majorité de la Commission – suivie ensuite par la majorité du Conseil national – pour des raisons financières; elle aurait entraîné une augmentation du cercle des bénéficiaires de 20’000 à 38’000 et une augmentation des coûts de près du double, ce qui n’aurait pas été compatible avec le but de l’ensemble de la révision (« rééquilibrer les finances de l’AI »; déclaration du Conseiller national Cassis, BO 2010 CN 2108; cf. aussi la déclaration du Conseiller national Bortoluzzi, BO 2010 CN 2105 s.).

 

Contribution d’assistance des mineurs – Notion de « classe ordinaire »

Au regard de la procédure législative et des débats parlementaires exposés, il y a lieu de constater que la compétence déléguée au Conseil fédéral de régler les conditions du droit à la contribution d’entretien pour les mineurs lui confère une marge de manœuvre très étendue (cf. ATF 145 V 278 consid. 5.2), alors que le législateur a fait le choix explicite de ne pas ouvrir cette nouvelle prestation à l’ensemble des assurés mineurs percevant une allocation pour impotent et vivant chez eux, mais de laisser place à une ouverture par étapes.

Le choix du législateur de soumettre le droit à la contribution d’assistance des mineurs à des conditions supplémentaires à celles de l’art. 42quater al. 1 let. a et b LAI implique forcément que l’organe compétent pour édicter celles-ci détermine certaines exigences quant à l’autonomie ou à la responsabilité nécessaire pour bénéficier de la prestation.

Or en posant la condition que l’assuré mineur doive suivre de façon régulière l’enseignement obligatoire dans une classe ordinaire, l’auteur de l’ordonnance a prévu un critère qui s’inscrit dans le cadre du but de la contribution d’assistance, à savoir améliorer la qualité de vie de l’assuré, augmenter la probabilité qu’il puisse rester à domicile malgré son handicap et faciliter son intégration sociale et professionnelle. Il s’agit par ailleurs d’un critère de délimitation clair et objectif qui permet d’admettre un degré d’autonomie et de capacité de se responsabiliser de l’assuré mineur concerné. Quoi qu’en dise l’assuré, il ne s’agit en effet pas de reconnaître le droit à la prestation en fonction du « type » ou du « statut » de l’établissement scolaire, mais de s’assurer que l’intéressé dispose d’une autonomie et de capacités nécessaires en vue d’une vie la plus indépendante et responsable possible, d’un point de vue objectif (cf. aussi Commentaire de la modification du RAI du 16 novembre 2011, OFAS, ad art. 39a [nouveau] RAI, p. 12 s.). Ce critère ne saurait être remplacé par « un examen concret des conditions de scolarisation » de l’intéressé, qui supposerait au préalable de définir le seuil d’autonomie en cause autrement qu’au regard de « l’aptitude à suivre l’école normale », laquelle correspond précisément à une délimitation objective et praticable. Lorsqu’un enfant est intégré dans une classe ordinaire, on peut en effet partir de l’idée qu’il dispose d’un degré d’autonomie certain, des besoins éducatifs particuliers nécessitant un soutien pédagogique spécialisé n’étant alors pas avérés. L’argument de l’assuré selon lequel sa sœur jumelle est inscrite dans le même établissement n’y change rien. Si l’école C.__ n’accueille pas exclusivement des enfants nécessitant des besoins particuliers, il n’en demeure pas moins que l’assuré n’est pas intégré dans une classe ordinaire au sens de la disposition en cause.

L’exigence prévue par l’art. 39a let. a RAI quant au suivi de l’enseignement scolaire obligatoire dans une classe ordinaire ne contrevient pas au principe de l’égalité de traitement (art. 8 al. 1 Cst.). Un enfant qui fréquente une école spécialisée se trouve dans une situation différente de celui qui suit l’enseignement dans une classe ordinaire, puisque la prise en charge dans une structure ou institution de pédagogie spécialisée vise à apporter des réponses pédagogiques aux élèves qui ont des besoins éducatifs particuliers ou présentent un handicap (cf. par exemple art. 33 de la loi cantonale genevoise du 17 septembre 2015 sur l’instruction publique [LIP; RSG C 1 10]).

On ajoutera que la question d’une éventuelle extension du droit à la contribution d’assistance a été déposée au Conseil national, l’auteur de l’interpellation admettant cependant que « le critère en matière d’assistance est, à juste titre, la fréquentation de l’école ordinaire » (19.3682 Interpellation Quadranti du 19 juin 2019, Contribution d’assistance – Éliminer les incohérences dans la réglementation scolaire ; état « non encore traité au conseil », consulté le 20 avril 2021). Une telle ouverture du droit à la contribution d’entretien relève d’un choix politique sur lequel le Tribunal fédéral n’a pas à se prononcer.

 

En conséquence de ce qui précède, la juridiction cantonale était en droit de nier le maintien du droit de l’assuré à une contribution d’assistance au-delà du 30.04.2019.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_236/2020 consultable ici

 

 

Lignes directrices pour l’expertise en médecine d’assurance (neurologie)

Lignes directrices pour l’expertise en médecine d’assurance (neurologie)

 

Article de Gantenbein et al. paru in Forum Med Suisse. 2021;21(2526):435-440, consultable librement ici

 

Introduction

La Société Suisse de Neurologie (SSN) a été l’initiatrice de l’élaboration d’une partie générale des «Lignes ­directrices pour l’expertise en médecine d’assurance», dans laquelle elle a également joué un rôle de premier plan. Ainsi, la partie générale des lignes directrices pour l’expertise représente déjà dans une large mesure le point de vue spécialisé de la neurologie, raison pour laquelle elle est considérée comme faisant partie intégrante de la partie spécifique à la neurologie désormais présentée ici.

Les messages déterminants relevant de la médecine d’assurance, qui sont décisifs pour la qualité d’une expertise médicale, sont présentés dans la partie générale. Cette partie spécifique doit uniquement être considérée comme un complément et il est dès lors ­vivement recommandé de consulter la partie générale. Les deux parties des lignes directrices pour l’expertise sont approuvées par la SSN et sont publiées sur son site internet (www.swissneuro.ch). Dans l’espace germanophone, il existe en outre des lignes directrices exhaustives pour l’expertise qui ont été émises par la Société allemande de neurologie («Deutsche Gesellschaft für Neurologie» [DGN]).

 

Pour le détail, nous vous renvoyons à l’article de Gantenbein et al., Lignes directrices pour l’expertise en médecine d’assurance, in Forum Med Suisse.

 

 

Gantenbein et al., Lignes directrices pour l’expertise en médecine d’assurance, in Forum Med Suisse. 2021;21(2526):435-440 consultable librement ici

 

Voir également :

 

 

8C_96/2021 (f) du 27.05.2021 – Evaluation de la capacité de travail exigible – 6 LPGA / Rapport du médecin-traitant fondé sur les douleurs de l’assurée – Evaluation de l’incapacité de gain (invalidité) – 7 LPGA – 8 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_96/2021 (f) du 27.05.2021

 

Consultable ici

 

Evaluation de la capacité de travail exigible / 6 LPGA

Rapport du médecin-traitant fondé sur les douleurs de l’assurée

Evaluation de l’incapacité de gain (invalidité) / 7 LPGA – 8 LPGA

 

Assurée, née en 1970, employée depuis le 09.10.2010 comme ouvrière polyvalente, victime d’une chute dans un escalier le 03.01.2017, entraînant une fracture-luxation trimalléolaire de la cheville gauche. Dépôt de la demande AI le 09.10.2017.

Après avoir pris connaissance du dossier de l’assurance-accidents, notamment du rapport de sortie de la Clinique de réadaptation et du rapport d’examen final du médecin-conseil, l’office AI a rendu un projet de décision refusant à l’assurée le droit à des prestations de l’assurance-invalidité (rente d’invalidité et mesures de reclassement). Les objections formulées par l’assurée n’ont pas permis à l’administration de revenir sur sa position, de sorte que le projet a été confirmé par décision.

Entre-temps, l’assurance-accidents a mis fin aux prestations avec effet au 30.06.2018 et a nié le droit de l’assurée à une rente d’invalidité, lui reconnaissant cependant le droit à une indemnité pour atteinte à l’intégrité de 10%.

 

Procédure cantonale (arrêt AI 61/19 – 405/2020 – consultable ici)

La cour cantonale a reconnu une pleine valeur probante au rapport d’examen final du médecin-conseil de l’assurance-accidents ainsi qu’au rapport de sortie de la Clinique de réadaptation, dont il ressortait que la capacité de travail résiduelle de l’assurée était de 100% dans une activité adaptée, c’est-à-dire une activité permettant d’éviter la marche prolongée, en particulier en terrain irrégulier, les montées et descentes répétitives d’escaliers, la position accroupie prolongée et le port de charge supérieur à un port de charge léger entre 5 et 10 kg.

Constatant que l’assurée n’avait soulevé aucun grief s’agissant de la comparaison des revenus et de l’évaluation du taux d’invalidité, les juges cantonaux ont confirmé le calcul auquel avait procédé l’office AI, en précisant pour le revenu d’invalide que même s’il fallait admettre un abattement de 10%, cela ne conduirait manifestement pas à un taux d’invalidité ouvrant droit aux prestations litigieuses.

 

Par jugement du 10.12.2020, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Evaluation de la(l’) (in)capacité de travail

L’assurée fait d’abord valoir qu’elle aurait de la peine à travailler, même en position assise, ce qui serait confirmé par le rapport des ateliers professionnels de la Clinique de réadaptation. Ce faisant, elle ne parvient pas à démontrer que la juridiction cantonale aurait fait preuve d’arbitraire dans l’établissement des faits ou dans l’appréciation des preuves. En effet, on rappellera que la capacité de travail est une question qui doit être évaluée en premier lieu par un médecin (cf. ATF 140 V 193 consid. 3.2). Le rôle de celui-ci est d’indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités la personne assurée est incapable de travailler, en se fondant sur des constatations médicales et objectives, soit des observations cliniques qui ne dépendent pas uniquement des déclarations de l’intéressé, mais sont confirmées par le résultat des examens cliniques et paracliniques (MARGIT MOSER-SZELESS in: Commentaire romand, Loi sur la partie générale des assurances sociales [Dupont/Moser-Szeless éd.], 2018, n° 24 ad art. 6 LPGA). Dans ces conditions, c’est sans tomber dans l’arbitraire que la cour cantonale a déterminé la capacité de travail résiduelle de l’assurée en se référant au rapport du médecin-conseil de l’assurance-accidents. Celui-ci a retenu une pleine capacité de travail de l’assurée dans une activité adaptée, en précisant que si une impossibilité de reprendre l’activité habituelle avait été admise à la Clinique de réadaptation, cela résultait essentiellement de facteurs non médicaux.

 

Rapport du médecin-traitant fondé sur les douleurs de l’assurée

Contrairement à l’allégation de l’assurée, le médecin-traitant, spécialiste FMH en médecine interne générale, n’a pas indiqué dans son rapport qu’une activité adaptée serait uniquement envisageable à temps partiel. Il a seulement relevé qu’une telle activité ne pouvait pas d’emblée être exercée à plein temps. Or, dans la mesure où ce praticien n’explique pas pour quel motif un temps d’adaptation serait indispensable pour que l’assurée puisse exercer une activité adaptée ne nécessitant pas de manière accrue la sollicitation de la cheville gauche, c’est sans arbitraire que la cour cantonale n’a pas tenu compte de cette remarque. S’agissant de la détermination de ce médecin, produite en cours de procédure cantonale, dans laquelle il atteste désormais une incapacité de travail totale dans toute activité, force est de constater que ses conclusions n’emportent pas la conviction. Outre le fait qu’il est admis de jurisprudence constante que le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l’unit à ce dernier (ATF 135 V 465 consid. 4.5; 125 V 351 consid. 3a/cc), on relèvera qu’il s’est essentiellement fondé sur les douleurs de l’assurée et n’a pas mis en évidence un élément objectif nouveau par rapport à l’examen final du médecin-conseil de l’assurance-accidents.

Quant au rapport du 4 septembre 2019 du Prof. E.__ et de la doctoresse F.__, respectivement médecin chef et médecin associée au Département de l’appareil locomoteur du Service d’orthopédie et traumatologie de l’Hôpital G.__, duquel il ressort que l’assurée n’est plus en mesure d’exercer son ancien métier il n’est pas pertinent pour la question litigieuse. En effet, le droit à une rente d’invalidité présuppose une diminution totale ou partielle des possibilités de gain de la personne assurée sur le marché du travail équilibré qu’entre en considération (art. 7 al. 1 et 8 al. 1 LPGA). Or, comme on l’a vu, les juges cantonaux ont constaté que l’assurée avait une capacité de travail résiduelle de 100% dans une activité adaptée. C’est aussi en conformité avec le droit fédéral qu’ils ont évalué l’existence d’une invalidité potentielle en tenant compte de toutes les possibilités de gain de l’assurée sur un marché de travail équilibré.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 8C_96/2021 consultable ici

 

Cf. arrêt 8C_95/2021 du 27.05.2021 pour le volet AA du dossier.

 

 

Motion Crottaz 21.3863 « Scandale de la Depakine : De la nécessité d’un fonds d’indemnisation pour les victimes »

Motion Crottaz 21.3863 « Scandale de la Depakine : De la nécessité d’un fonds d’indemnisation pour les victimes »

 

Motion consultable ici

 

Texte déposé

Le Conseil fédéral est chargé de proposer un mécanisme pour financer un fonds d’indemnisation pour les enfants souffrant d’une embryo-foetopathie au Valproate.

 

Développement

En décembre 2019, le rapport du Conseil fédéral en réponse au postulat 18.3092 fait état de 39 cas diagnostiqués d’embryo-foetopathies au Valproate en Suisse, ce qui est probablement sous-estimé. Ces enfants ne jouissent d’aucune une reconnaissance officielle de victimes d’effets secondaires médicamenteux et leurs parents se battent pour leur offrir une existence correcte, sans autre moyen financier que l’aide de l’assurance invalidité.

L’OFAS a intenté une action en justice contre l’une des entreprises pharmaceutiques pour assurer les intérêts de l’AI, mais, les victimes ne bénéficiant d’aucune protection juridique, de nombreux parents renoncent à recourir à un avocat.

Les conséquences dramatiques pour les enfants nés de mères exposées au Valproate durant leur grossesse sont clairement établies. Si 10 % des nouveaux-nés présentent des malformations congénitales, les troubles neuro-développementaux et troubles des apprentissages observés dans 30 à 40 % des cas n’ont pas toujours été identifiés avant que les effets secondaires du Valproate ne soient connus du grand public parce que révélés par les média.

En France, un protocole national de diagnostic et de soin de l’embryo-foetopathie au Valproate a été créé et un questionnaire médical détaillé permet aux neuro-pédiatres de corroborer les liens entre la prise de Valproate par la mère et les troubles développementaux des enfants. Les procès intentés au fabricant de ce médicament n’ayant pour l’instant pas permis d’obtenir une indemnisation de ces jeunes victimes, un fonds d’indemnisation national a été créé pour aider les parents à faire face aux frais engendrés par la gestion de ces handicaps.

En Suisse, les parents de plusieurs victimes ont initié des démarches juridiques pour obtenir une indemnisation, mais les neuro-pédiatres suisses ont souvent des réticences à s’exprimer sur les liens de cause à effet entre la prise de Valproate par la mère et les problèmes de l’enfant, ce qui complique la procédure des avocats chargés de défendre ces familles.

En référence au fonds d’indemnisation créé en 2016 pour les victimes de l’amiante, il est nécessaire de créer un fonds d’indemnisation pour les enfants victimes du Valproate pris par leur mère durant la grossesse.

 

 

Motion Crottaz 21.3863 « Scandale de la Depakine : De la nécessité d’un fonds d’indemnisation pour les victimes » consultable ici

Version allemande du rapport du Conseil fédéral du 06.12.2019 : « Depakine-Skandal. Untersuchung der Situation in der Schweiz – Bericht des Bundesrates in Erfüllung des Postulates 18.3092 » disponible ici

 

 

9C_98/2021 (f) du 31.05.2021 – Capacité de travail exigible – Revenu d’invalide – 16 LPGA / Facteurs tels que âge, manque de formation ou difficultés linguistiques ne constituent pas des circonstances supplémentaires qui sont susceptibles d’influencer l’étendue de l’invalidité

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_98/2021 (f) du 31.05.2021

 

Consultable ici

 

Capacité de travail exigible – Revenu d’invalide / 16 LPGA

Facteurs tels que âge, manque de formation ou difficultés linguistiques ne constituent pas des circonstances supplémentaires qui sont susceptibles d’influencer l’étendue de l’invalidité

Absence de formation et maîtrise imparfaite du français ne constituent pas un obstacle à l’exercice d’une activité professionnelle non qualifiée

 

Le 09.06.2015, assuré, né en 1962 et employé dans une entreprise de production de verre, a été victime d’un accident. En octobre 2015, l’assuré a présenté une demande de prestations de l’assurance-invalidité.

Après avoir octroyé à l’assuré des mesures d’intervention précoce sous la forme d’un stage d’évaluation brève du 05.09.2016 au 02.10.2016, l’office AI a, entre autres mesures d’instruction, mandaté un spécialiste en médecine interne générale et en rhumatologie pour une expertise (rapport du 16.01.2018). Il a ensuite diligenté une expertise pluridisciplinaire. Dans leur rapport du 29.04.2019, les médecins-experts (spécialistes en médecine interne générale, en psychiatrie et psychothérapie en médecine physique et réadaptation et en rhumatologie) ont conclu à une incapacité totale de travail dans l’activité habituelle de manutentionnaire et de vitrier et à une capacité de travail entière dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles somatiques de l’assuré, sans diminution de rendement, depuis l’accident du 09.06.2015. Par décision, l’office AI a nié le droit de l’assuré à une rente d’invalidité.

 

Procédure cantonale (arrêt 608 2019 232 – consultable ici)

Par jugement du 14.12.2020, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Capacité de travail exigible – Revenu d’invalide (consid. 5)

Selon la jurisprudence, dûment rappelée par la juridiction de première instance, s’il est vrai que des facteurs tels que l’âge, le manque de formation ou les difficultés linguistiques jouent un rôle non négligeable pour déterminer dans un cas concret les activités que l’on peut encore raisonnablement exiger d’un assuré, ils ne constituent pas, en règle générale, des circonstances supplémentaires qui, à part le caractère raisonnablement exigible d’une activité, sont susceptibles d’influencer l’étendue de l’invalidité, même s’ils rendent parfois difficile, voire impossible la recherche d’une place et, partant, l’utilisation de la capacité de travail résiduelle (arrêt 9C_774/2016 du 30 juin 2017 consid. 5.2 et la référence).

En l’espèce, au vu de son âge, presque 57 ans au moment de l’expertise pluridisciplinaire effectuée en 2019 (sur le moment où la question de la mise en valeur de la capacité [résiduelle] de travail pour un assuré proche de l’âge de la retraite sur le marché de l’emploi doit être examinée, voir ATF 138 V 457 consid. 3.3), l’assuré n’avait pas encore atteint l’âge à partir duquel le Tribunal fédéral admet qu’il peut être plus difficile de se réinsérer sur le marché du travail (sur ce point, voir ATF 143 V 431 consid. 4.5.2), comme l’ont dûment exposé les juges cantonaux. La juridiction cantonale a ensuite expliqué de manière convaincante que l’absence de formation de l’assuré et sa maîtrise imparfaite du français ne constituaient pas un obstacle à l’exercice d’une activité professionnelle non qualifiée, en rappelant du reste que ces circonstances ne l’avaient pas entravé avant d’être atteint dans sa santé puisqu’il avait travaillé durant près d’une vingtaine d’années en Suisse dans différents domaines (bâtiment, agriculture et industrie). Quant aux limitations fonctionnelles retenues par les experts, les juges cantonaux ont considéré qu’elles n’étaient pas contraignantes au point d’exclure l’engagement de l’assuré par un employeur potentiel, notamment dans le secteur de la production industrielle légère. Au regard de la liste des activités compatibles avec les limitations fonctionnelles établie par l’office AI (activités comme ouvrier dans la production industrielle légère ou les services, telles que le montage à l’établi, le contrôle des produits finis, la conduite de machines semi-automatiques, l’usinage de pièces légères ou le conditionnement léger), on constate en effet que la juridiction de première instance n’a pas violé le droit en admettant qu’il existait de réelles possibilités d’embauche sur le marché équilibré de l’emploi (à ce sujet, voir arrêt 9C_286/2015 du 12 janvier 2016 consid. 4.2 et les arrêts cités). En conséquence, il n’y a pas lieu de s’écarter des constatations de la juridiction cantonale quant à l’exigibilité d’une capacité de travail totale dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles de l’assuré dès le 09.06.2015.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_98/2021 consultable ici

 

 

9C_414/2020 (f) du 11.05.2021 – Rattrapage de cotisation après refus de la demande AI pour période de cotisation insuffisante / Rectification des inscriptions au compte individuel une fois la réalisation du risque assuré – Renversement de la présomption d’exactitude des inscriptions au compte individuel – 141 RAVS

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_414/2020 (f) du 11.05.2021

 

Consultable ici

 

Rattrapage de cotisation après refus de la demande AI pour période de cotisation insuffisante – Condition d’assurance / 36 al. 1 LAI

Rectification des inscriptions au compte individuel une fois la réalisation du risque assuré – Renversement de la présomption d’exactitude des inscriptions au compte individuel / 141 RAVS

 

Assurée, ressortissante brésilienne née en 1985, a sollicité des prestations de l’assurance-invalidité le 12.02.2016. Elle indiquait être arrivée en Suisse en décembre 2013 et se consacrer exclusivement à l’entretien de son ménage. Au terme de la procédure, l’office AI a déduit de l’extrait du compte individuel de l’assurée (qui ne mentionnait aucune année de cotisations) et des avis médicaux réunis que l’intéressée était totalement incapable de travailler quelle que soit l’activité envisagée depuis le mois de juillet 2015 en raison des séquelles de pathologies psychiques mais n’avait pas cotisé au moins trois ans au moment de la survenance de l’invalidité. Il a dès lors rejeté la demande de prestations au motif que l’intéressée ne remplissait pas les conditions générales d’assurance.

L’assurée a informé l’administration le 24.06.2019 qu’elle avait entrepris des démarches pour corriger son compte individuel (rattrapage de cotisations) et lui a demandé de réexaminer son cas. Cette écriture a été communiquée au tribunal cantonal pour qu’elle soit traitée comme un recours.

 

Procédure cantonale (arrêt AI 351/19 – 151/2020 – consultable ici)

Par jugement du 14.05.2020, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Durant la procédure de recours, la juridiction cantonale a reçu l’extrait – corrigé – du compte individuel de l’assurée mentionnant trois années complètes de cotisations entre 2012 et 2014. Le tribunal cantonal a néanmoins considéré que cette correction était douteuse dans la mesure où l’employeur qui s’était acquitté rétroactivement de l’arriéré des cotisations non déclarées à l’époque était le conjoint de l’assurée. Il en a déduit que, conformément à ses propres déclarations, l’assurée n’avait pas travaillé les années en question et, par conséquent, pas cotisé.

Selon l’art. 141 al. 3 RAVS, relatif aux extraits de compte individuel, lorsque n’est demandé ni extrait de compte ni rectification ou lorsqu’une demande de rectification a été rejetée, la rectification des inscriptions ne peut être exigée, lors de la réalisation du risque assuré, que si l’inexactitude des inscriptions est manifeste ou si elle a été pleinement prouvée. Cette disposition institue une présomption d’exactitude des inscriptions au compte individuel et définit les conditions auxquelles cette présomption peut être renversée lors de la réalisation du risque assuré : l’inexactitude doit être manifeste ou pleinement prouvée.

Or, en l’espèce, la rectification du compte individuel a été admise sans aucune restriction par la caisse cantonale de compensation AVS. Cette rectification a pu intervenir en raison du paiement par le mari de l’assurée de l’arriéré de cotisations non déclarées à l’époque. Elle laisse supposer que l’assurée avait travaillé « au noir » pour le compte de son conjoint mais est présumée exacte. Les juges cantonaux ne pouvaient dès lors pas l’ignorer en invoquant un simple doute quant à l’exercice effectif d’une activité lucrative durant les années en question au seul motif que le paiement rétroactif avait été effectué par le conjoint de l’assurée. Un tel doute ne suffit pas pour renverser la présomption mentionnée dans la mesure où il ne constitue pas une inexactitude manifeste ni ne prouve pleinement une telle inexactitude. Il suggère cependant que le montant versé par le conjoint de l’assurée pourrait relever d’un abus de droit (sur cette notion, cf. notamment ATF 143 III 279 consid. 3.1) dès lors qu’il est contraire aux premières déclarations de l’assurée. Celle-ci avait en effet indiqué n’avoir jamais exercé d’activité lucrative depuis son arrivée en Suisse le 19.12.2013, en particulier pas dans l’entreprise de son époux. Aucun élément au dossier ne permet de trancher cette question nécessaire à la résolution du litige.

 

Le TF admet partiellement le recours de l’assurée, annule le jugement cantonal et renvoie la cause au tribunal cantonal pour instruction complémentaire et nouveau jugement dans le sens des considérants.

 

 

Arrêt 9C_414/2020 consultable ici