Archives de catégorie : Assurance-accidents LAA

Estimation trimestrielle de l’évolution des salaires nominaux – 2e estimation basée sur les données du 1e semestre

Estimation trimestrielle de l’évolution des salaires nominaux – 2e estimation basée sur les données du 1e semestre

 

L’Office fédéral de la statistique (OFS) a publié le 31.08.2021 la 2e estimation 2021 basée sur les données du 1e semestre. Le tableau se trouve ici :

L’estimation de l’évolution des salaires est nécessaire afin d’indexer un revenu à 2021.

Comme mentionné dans le tableau de l’OFS, cette 2e estimation correspond à la variation en % par rapport au trimestre précédent (t-1) au lieu du même trimestre de l’année précédente (t-4).

Il y a donc lieu de tenir compte de la 1e estimation (+0.5%) et de la 2e (-0.8%) pour obtenir l’évolution actuelle des salaires.

L’indexation provisoire pour 2021 est donc de -0.30% [(100 x (100.5/100 x 99.2/100)) – 100 = -0.304%, arrondi à -0.30%].

Exemple : un salaire de CHF 50’000 (valeur 2020) sera indexé de +0.5% puis -0.8%, soit une valeur 2021 de CHF 49’848 (CHF 50’000 x100.5/100 x 99.2/100).

En reprenant l’exemple, avec l’indexation (arrondie) de -0.30%, nous arrivons à CHF 49’850 [CHF 50’000 x (100 – 0.30) / 100].

Cette précision a son importance pour les taux d’invalidité proche de 10% (pour les rentes d’invalidité LAA) ou de 40%-50%-60%-70% (pour l’assurance-invalidité).

 

 

PS : Je profite de l’occasion pour remercier l’affabilité et la disponibilité de l’équipe de l’office fédéral de la statistique, qui a pris le temps de répondre à mes questions.

 

 

 

Evaluation des mécanismes incitant ou limitant le nombre d’interventions chirurgicales – Rapport du Contrôle fédéral des finances

Evaluation des mécanismes incitant ou limitant le nombre d’interventions chirurgicales – Rapport du Contrôle fédéral des finances

 

Résumé du CDF consultable ici

 

La croissance des coûts de la santé est une source de préoccupation importante de la population et du monde politique. Entre 2013 et 2018, les dépenses annuelles ont augmenté en moyenne de 4,3 % pour atteindre 85 milliards de francs. Le Conseil fédéral multiplie les interventions dans l’assurance-maladie pour maîtriser cette évolution. Selon un groupe d’experts mandaté par la Département fédéral de l’Intérieur (DFI), il existerait un potentiel d’économie de quelque 20 % des dépenses.

Le Contrôle fédéral des finances (CDF) a vérifié si les prestations médicales remboursées par l’assurance-maladie sont efficaces, adéquates et économiques (critères légaux EAE). En d’autres termes, s’il existe des incitations financières à produire des prestations au-delà du nécessaire et si ces incitations sont bien maîtrisées. Pour cela, le CDF a examiné trois prestations chirurgicales : l’angioplastie élective (pose de stents), l’ablation de la prostate ainsi que la cyphoplastie / vertébroplastie en cas de tassement des vertèbres. En 2017, le coût de ces interventions frôlait 250 millions de francs, elles concernaient près de 20 000 patients.

Dans cette évaluation, le CDF émet huit recommandations à l’intention de l’Office fédéral de la santé publique. Elles visent à renforcer la connaissance des interventions chirurgicales problématiques et à améliorer les règles présentes dans le catalogue délimitant les prestations non remboursées par la loi fédérale sur l’assurance-maladie (LAMal), ainsi que leur surveillance. Le catalogue des prestations reste le moyen d’action de la Confédération le mieux à même de réguler le recours aux interventions chirurgicales qui ne respectent pas les critères EAE. Enfin, le CDF déplore la rareté des études portant sur les effets des différents mécanismes incitatifs dans ce domaine

 

Des incitations financières importantes aux effets peu connus

Des incitations financières existent dans le système de l’assurance-maladie. La plus importante d’entre elles résulte du lien entre la rémunération des médecins et les revenus du traitement de patients bénéficiaires d’assurances complémentaires. Le CDF a observé une rémunération quatre fois plus élevée dans le cas d’une prostatectomie radicale réalisée sur un patient privé. En cas d’intervention non nécessaire incitée par une rémunération privée élevée, l’assurance de base est aussi impactée puisqu’elle rembourse plus de la moitié du montant fixé par le tarif admis légalement.

Dans un système de marché, tous les hôpitaux doivent dégager des marges bénéficiaires et assurer ainsi leurs investissements. De plus, les hôpitaux privés doivent garantir la rémunération de leurs propriétaires, d’où des objectifs financiers bien supérieurs au secteur public. Ces stratégies génèrent une pression économique indirecte sur les médecins. Ainsi, les facteurs financiers influencent clairement le mode de prise en charge de l’angioplastie en incitant à opérer en ambulatoire les patients en assurance de base, alors que les patients privés le sont en stationnaire.

Il y a peu, le Conseil fédéral a décidé d’agir contre ce type d’incitations financières. Il propose par voie d’ordonnance de retirer d’ici à 2025 les mandats aux hôpitaux avec des incitations financières inadéquates. Ce premier pas important doit être concrétisé.

 

Des différences de prix incompréhensibles pour le matériel à usage courant et les implants

Le CDF a constaté que le même stent (angioplastie) pouvait être facturé à la LAMal à des prix variant de 1200 à 3500 francs, en toute opacité. L’enjeu se chiffre pourtant en plusieurs dizaines de millions de francs.

En ambulatoire, les fournisseurs ne sont pas incités à négocier des prix intéressants, car ils peuvent répercuter le prix d’achat à l’assurance-maladie. La recommandation du surveillant des prix de recourir aux importations parallèles paraît peu appliquée. Il existe aux yeux du CDF un manque de transparence dans ce domaine

 

Absence de contrôle des indications par les acteurs institutionnels

Avec le catalogue de prestations, la Confédération dispose d’un instrument pour limiter la prise en charge par la LAMal de certaines prestations ne remplissant pas les critères EAE. Comme il ne couvre qu’un nombre très réduit de prestations chirurgicales, cet instrument ne joue actuellement qu’un rôle marginal. Par ailleurs, les assureurs peinent à contrôler le respect de certaines limitations, ce qui réduit encore davantage la portée pratique de cet outil.

Les assureurs sont censés contrôler que les prestations individuelles facturées à la LAMal remplissent les conditions fixées par la loi. Or, ces derniers n’ont quasiment pas la possibilité de vérifier la pertinence des indications médicales. Leur activité de contrôle porte avant tout sur la conformité de la facturation des traitements.

Les cantons imposent aux hôpitaux, souvent de manière détaillée, des procédures visant à garantir la qualité des prestations médicales. Ils n’accordent par contre que peu d’attention au contrôle de la nécessité médicale des prestations dans les cas d’espèce.

 

L’autorégulation, des mesures de portée inégale

Le contrôle de la qualité des indications médicales se déroule au niveau des fournisseurs, des médecins et des hôpitaux. Tous les hôpitaux visités par le CDF avec des médecins salariés connaissent des dispositifs délibératifs lors de la pose des indications. Ces systèmes sont le plus souvent élaborés à l’initiative des médecins. Ils prennent des formes très différentes dans les institutions et ne sont pas toujours obligatoires. Ils sont plus rares dans les cliniques, l’indication reposant alors plus souvent sur l’appréciation d’un seul médecin.

Les sociétés médicales jouent aussi un rôle essentiel dans l’harmonisation de la pratique médicale. Elles élaborent des recommandations et en assurent leur diffusion. Si ces recommandations sont de qualité, bien établies et font l’objet d’une large adhésion dans la communauté des spécialistes, elles parviennent à réduire de manière claire la variabilité de la pratique médicale. C’est le constat établit par le CDF dans cette évaluation.

La qualité de l’information reçue par le patient lors du choix des traitements est centrale, car c’est lui qui décide au final. Les retours des patients montrent une situation plutôt positive mais aussi leur dépendance par rapport au médecin. Un second avis médical paraît alors constituer un outil judicieux pour valider les choix. Il n’existe malheureusement aucune information sur sa fréquence, ses modalités et ses effets.

 

 

Résumé du CDF du 12.05.2021 consultable ici

Rapport « Evaluation des mécanismes incitant ou limitant le nombre d’interventions chirurgicales » du CDF du 12.05.2021 disponible ici

Enquête auprès des hôpitaux sur les mécanismes d’incitation et de contrôle, Infras (allemand) disponible ici

Évaluation du rôle des sociétés médicales dans l’élaboration et la diffusion de directives médicales, socialdesign (allemand) disponible ici

 

 

Le Conseil fédéral propose une prise en charge des coûts de certains produits médicaux en provenance de l’étranger

Le Conseil fédéral propose une prise en charge des coûts de certains produits médicaux en provenance de l’étranger

 

Communiqué de presse de l’OFSP du 01.09.2021 consultable ici

 

Si une personne assurée en Suisse par l’assurance obligatoire des soins (AOS) se procure des moyens et des appareils à l’étranger, les coûts ne sont aujourd’hui en principe pas pris en charge (principe de territorialité). Lors de sa séance du 01.09.2021, le Conseil fédéral a décidé que les assureurs-maladie devront à l’avenir rembourser les coûts de certains produits obtenus à l’étranger, tels que le matériel de pansement ou les aides pour l’incontinence. Il a chargé le Département fédéral de l’intérieur (DFI) d’élaborer les bases légales correspondantes.

La proposition du Conseil fédéral se fonde sur le rapport publié aujourd’hui concernant la prise en charge de produits de la liste des moyens et appareils (LiMA) achetés à l’étranger à titre privé. Le principe de territorialité doit à l’avenir être supprimé pour les produits dont les exigences sont basses en matière de remise et d’utilisation. En font notamment partie les fournitures, comme les pansements ou les aides pour l’incontinence, qui représentent environ 60% des produits pris en charge dans la LiMA. La nouvelle réglementation doit s’appliquer au sein de l’Espace économique européen (EEE).

Les produits de la LiMA, comme les prothèses, pour lesquels les exigences en matière d’instructions, d’utilisation et d’adaptations individuelles sont élevées, ne doivent pas non plus être pris en charge par l’AOS lorsqu’ils sont obtenus à l’étranger. Pour ces produits, il existe un risque que l’instruction ou les adaptations soient insuffisantes et qu’ils doivent par conséquent être de nouveau achetés puis remboursés en Suisse. En outre, les assureurs en Suisse ne peuvent pas évaluer sur une base forfaitaire si la remise des produits de la LiMA à l’étranger correspond aux critères d’efficacité et d’adéquation.

Le rapport du Conseil fédéral a été établi sur la base de la motion 16.3169 « Faire obligation aux caisses-maladie de rembourser les moyens et appareils médicaux achetés à l’étranger » de l’ancienne conseillère nationale Bea Heim. L’Office fédéral de la santé publique (OFSP) a été chargé des travaux préparatoires en vue de la suppression du principe de territorialité pour des groupes de produits spécifiques de la LiMA.

 

 

Communiqué de presse de l’OFSP du 01.09.2021 consultable ici

 

 

8C_301/2021 (d) du 23.06.2021 – Rappel de la notion de stabilisation de l’état de santé – Clôture du cas – 19 al. 1 LAA / Revenu d’invalide – Pas d’abattement sur le salaire statistique pour les limitations fonctionnelles (bras/épaule) ni en raison du permis de séjour B – 16 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_301/2021 (d) du 23.06.2021

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi

 

Rappel de la notion de stabilisation de l’état de santé – Clôture du cas / 19 al. 1 LAA

Revenu d’invalide – Pas d’abattement sur le salaire statistique pour les limitations fonctionnelles (bras/épaule) ni en raison du permis de séjour B / 16 LPGA

 

Assuré, né en 1979, était au bénéfice de l’assurance chômage lorsque, le 23.07.2017, il a glissé dans un escalier et est tombé sur l’épaule gauche et la tête. Il a subi un TCC léger et une lésion acromio-claviculaire de type Rockwood III.

Sur la base du rapport de l’examen de son médecin-conseil du 13.06.2019, l’assurance-accidents a informé l’assuré qu’elle mettrait fin à la prise en charge du traitement médical au 31.07.2019 et que l’indemnité journalière serait versée jusqu’au 30.09.2019. Par décision du 01.07.2019, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a nié le droit de l’assuré à une rente d’invalidité, le taux d’invalidité étant de 8%, et lui a octroyé une IPAI de 15%.

 

Procédure cantonale (arrêt UV.2020.00087 – consultable ici)

Par jugement du 27.08.2015, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Stabilisation de l’état de santé – Clôture du cas – 19 al. 1 LAA

Selon la loi et la jurisprudence, l’assureur-accidents doit clôturer le dossier (avec suppression droit au traitement médical et aux indemnités journalières et avec examen du droit à une rente d’invalidité et à une IPAI) s’il n’y a plus lieu d’attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l’état de l’assuré et que les éventuelles mesures de réadaptation de l’assurance-invalidité ont été menées à terme. (art. 19 al. 1 LAA; ATF 144 V 354 consid. 4.1; 134 V 109 consid. 4).

L’amélioration de l’état de santé se détermine notamment en fonction de l’augmentation ou de la récupération probable de la capacité de travail réduite par l’accident. L’utilisation du terme « sensible » à l’art. 19 al. 1 LAA indique donc clairement que l’amélioration que doit amener une poursuite du traitement médical (approprié) doit être significative (ATF 134 V 109 consid. 4.3). Des améliorations mineures ne sont pas suffisantes. Cette question doit être appréciée de manière prospective (RAMA 2005 n° U 557 p. 388, U 244/04 consid. 3.1 ; cf. également arrêt 8C_102/2021 du 26 mars 2021 consid. 6.1 et les références).

Dans le rapport du 26.06.2019 sur lequel se réfère l’assuré, les deux spécialistes en rhumatologie ont justifié la demande de prise en charge d’un traitement multimodal de la douleur. Contrairement à l’avis de l’assuré plaignant, ce n’est pas l’atteinte à la capacité de travail qui était indiquée au premier plan, mais celle de la qualité de vie. Le médecin-conseil ayant également supposé une possible amélioration de la qualité de vie, l’avis des rhumatologues et l’appréciation du médecin-conseil ne sont donc pas contradictoires. En outre, le médecin-conseil a indiqué dans son appréciation du 14.06.2019 que la stabilisation de l’état de santé avait été atteint indépendamment de la mise en œuvre d’une thérapie de la douleur, dans la mesure où la situation ne s’était pas améliorée depuis le dernier examen du médecin-conseil du 07.03.2018.

Le grief de l’assuré selon lequel les deux rhumatologues ont exprimé des doutes sur les déclarations du médecin-conseil n’est pas fondée. L’expérience a montré que les médecins traitants sont parfois plus enclins, en cas de doute, à témoigner en faveur de leurs patients, en raison de la position de confiance découlant du mandat thérapeutique (ATF 135 V 465 consid. 4.5; arrêt 8C_744/2020 du 8 mars 2021 consid. 4.2 et les références). Cela vaut aussi bien pour le médecin généraliste que pour le médecin spécialiste traitant et plus encore pour le médecin spécialiste de la douleur en raison du lien de confiance particulier et l’obligation de prendre en charge de manière inconditionnelle la douleur dont se plaint le patient (arrêt 9C_337/2017 du 27 octobre 2017 consid. 3.3.6 et les références).

 

Revenu d’invalide – Abattement sur le salaire statistique

L’assuré s’est plaint à ses médecins d’une hyposensibilité de tout le bras gauche et une diminution de la force avec l’incapacité de soulever des objets de plus de 3 kg. La cour cantonale a qualifié à juste titre ces plaintes de simple auto-évaluation. Cette limitation du port maximal de charges de 3 kg avec le bras gauche n’est donc pas établie.

Le fait que l’on ne puisse raisonnablement exiger de l’assuré que des travaux légers ne justifie pas un abattement en raison des limitations liées au handicap, d’autant plus que les salaires statistiques de niveau de qualification 1de l’ESS comprennent déjà un grand nombre de travaux légers et moyennement lourds (arrêt 8C_151/2020 du 15 juillet 2020 consid. 6.2 et les références).

Le fait que l’assuré soit titulaire d’un permis B n’est pas pertinent. Les hommes titulaires d’un permis de séjour C sans fonction de cadre gagnent moins que les Suisses (ESS 2016, tableau TA12), mais plus que la valeur centrale utilisée pour l’évaluation de l’invalidité (ESS 2016, tableau TA1; cf. arrêt 9C_702/2020 du 01.02.2021 consid. 6.3.2 et les références).

Dans la mesure où ils sont applicables, les critères ne justifient pas non plus une déduction globale.

C’est ainsi à juste titre que la cour cantonale inférieure n’a pas accordé d’abattement.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_301/2021 consultable ici

Proposition de citation : 8C_301/2021 (d) du 23.06.2021 – Notion de stabilisation de l’état de santé – Revenu d’invalide, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2021/09/8c_301-2021)

 

8C_368/2021 (d) du 22.07.2021 – Revenu sans invalidité selon l’ESS – Prise en compte de l’évolution de la carrière (comme invalide) / Revenu d’invalide – Rappel de la notion du marché équilibré de l’emploi et de l’exigibilité – Capacité de travail et de gain exigible

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_368/2021 (d) du 22.07.2021

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi.

 

Revenu sans invalidité – Méthode de la comparaison des revenus vs méthode extraordinaire / 16 LPGA

Détermination du revenu sans invalidité selon l’ESS – Prise en compte de l’évolution de la carrière (comme invalide) pour fixer le revenu sans invalidité

Revenu d’invalide – Rappel de la notion du marché équilibré de l’emploi et de l’exigibilité – Capacité de travail et de gain exigible

Niveau de compétences 2

 

Assurée, née en 1963, serveuse dans le restaurant d’un hôtel depuis novembre 1983 (salaire mensuel de CHF 2’150). A la suite d’une chute, le 09.04.1986, elle subit une fracture trimalléolaire de la cheville droite.

Par décision du 24.04.1989, l’assurance-accidents a octroyé une IPAI de 30% ainsi qu’une invalidité en capital (pour l’invalidité) d’un montant de CHF 10’724. Divers frais médicaux ont, par la suite, été pris en charge (remboursement des frais de traitement médical, adaptation de chaussures orthopédiques).

Depuis décembre 2004, l’assurée est associée gérante, avec signature individuelle, pour l’entreprise en nom collectif Hôtel B.__.

Le 24.06.2018, l’assurée a annoncé des séquelles tardives de l’accident du 09.04.2018. L’assurance-accidents a pris en charge le traitement médical et payé des indemnités journalières.

De l’avis du 03.06.2020 du médecin-conseil, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur, aucune amélioration significative de l’état de santé de l’assurée ne pouvait être attendue d’un traitement médical supplémentaire. L’incapacité de travail dans l’activité habituelle était de 70% ; dans une activité adaptée à l’état de santé, la capacité de travail était pleine et entière.

Par décision du 01.07.2020, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a mis au versement de ces prestations, nié le droit à une rente d’invalidité (taux d’invalidité de 2%) et octroyé une IPAI de CHF 13’920.

 

Procédure cantonale

Le tribunal cantonal n’a pas indexé le dernier salaire perçu avant l’accident du 09.04.1986, en raison du changement professionnel de décembre 2004. Comme elle occupait donc une position professionnelle plus élevée qu’au moment de l’accident, l’activité professionnelle initiale comme serveuse ne pouvait plus servir de base pour le revenu sans invalidité. En raison de cette amélioration de sa situation professionnelle, il fallait présumer que, même sans l’accident, il en aurait été de même. Par conséquent, dans le cas le plus favorable pour l’assurée, le revenu sans invalidité a été déterminé sur la base de l’ESS 2018, branches 55-56 « Hébergement et restauration », niveau de compétences 4 (tâches qui exigent une capacité à résoudre des problèmes complexes et à prendre des décisions fondées sur un vaste ensemble de connaissances théoriques et factuelles dans un domaine spécialisé). Après correction de l’horaire hebdomadaire et de l’évolution des salaires jusqu’en 2019, le revenu sans invalidité a été fixé à CHF 65’651.90.

S’agissant du revenu d’invalide, le tribunal cantonal a constaté qu’il fallait tenir compte du fait que l’assurée pouvait s’appuyer sur l’expérience de son activité habituelle et qu’elle avait acquis au fil des ans des compétences et des connaissances particulières qui pouvaient être utilement utilisées dans les activités qu’on pouvait raisonnablement exiger d’elle. Le revenu d’invalide (CHF 61’291.10) a ainsi été fixé sur la base de l’ESS, ligne Total, niveau de compétences 2. Un abattement sur le revenu statistique n’a pas été retenu.

La comparaison des revenus sans invalidité et d’invalide fait apparaître un taux d’invalidité de 7%, excluant le droit à la rente d’invalidité.

Par jugement du 17.03.2021, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Revenu sans invalidité – Méthode de la comparaison des revenus vs méthode extraordinaire

L’assurée estime que l’activité d’associée d’une société en nom collectif et gérante d’un hôtel s’apparente à un travail comme indépendant. Les conditions dans l’industrie hôtelière étant instables et fluctuantes, il aurait été approprié de déterminer le degré d’invalidité sur la base d’une comparaison des activités.

Selon le TF (consid. 7.2) :

Dans la mesure du possible, le taux d’invalidité doit être déterminé selon la méthode générale de comparaison des revenus (art. 16 LPGA). En règle générale, il faut déterminer aussi précisément que possible les revenus sans invalidité et d’invalide et les comparer entre eux, le taux d’invalidité étant calculé à partir de la différence des revenus. Si le revenu sans invalidité ne peut être déterminé et chiffré de manière exacte, il est estimé selon les circonstances connues et des valeurs approximatives sont comparées entre elles. Conformément à la méthode spécifique relative aux personnes sans activité lucrative (art. 27 RAI), il convient de procéder à une comparaison des activités et déterminer le degré d’invalidité sur la base des effets de la capacité de gain réduite dans la situation professionnelle spécifique (méthode extraordinaire ; ATF 128 V 29 consid. 1; arrêt 8C_228/2020 du 28.05.2020 consid. 4.1.1 et les références).

Les circonstances exceptionnelles permettant d’appliquer la méthode extraordinaire ne sont pas présentes dans le cas d’espèce. L’assurée ne démontre pas en quoi la non-application de la méthode extraordinaire serait contraire au droit fédéral et en quoi l’application de la comparaison des revenus réalisées par la juridiction cantonale lui causerait des désavantages. Le grief est rejeté.

 

Détermination du revenu sans invalidité

L’assurée fait grief qu’en tant qu’associée, elle avait non seulement droit à un salaire, mais également à une part des bénéfices. Son potentiel de gain était donc supérieur au salaire médian, c’est pourquoi le revenu sans invalidité, fixé sur la base du salaire médian des employés du secteur de l’hôtellerie et de la restauration au niveau de compétence 4, a été fixé trop bas.

Selon le TF (consid. 8.1) :

Pour le revenu sans invalidité, est déterminant le salaire qu’aurait effectivement gagné l’assuré, en bonne santé, au moment du début du droit à la rente. En règle générale, on se base sur le dernier salaire perçu, éventuellement corrigé de l’inflation et de l’évolution réelle du revenu, en posant la présomption que l’assuré continué d’exercer son activité sans la survenance de son invalidité. Des exceptions ne sauraient être admises que si elles sont établies au degré de la vraisemblance prépondérante (ATF 139 V 28 consid. 3.3.2).

Dans le cadre de la révision (art. 17 LPGA), il y a une différence par rapport à la fixation initiale de la rente, dans la mesure où l’on connaît la carrière professionnelle de la personne invalide, effectivement poursuivie entre-temps. Une qualification professionnelle particulière réalisée malgré l’invalidité permet de tirer des conclusions quant à l’évolution hypothétique qui se serait produite sans l’atteinte à la santé (liée à l’accident) jusqu’au moment de la révision. Toutefois, une carrière réussie en tant qu’invalide dans un nouveau domaine professionnel ne signifie pas nécessairement que l’assuré aurait atteint – sans invalidité – un poste comparable dans le domaine d’activité initiale (ATF 145 V 141 consid. 5.2.1 et les références).

Selon le TF (consid. 8.2.2) :

Le Tribunal fédéral ne voit pas en quoi l’approche de la cour cantonale serait contraire au droit fédéral lorsqu’elle a fixé le revenu sans invalidité sur la base de l’ESS (branches 55-56, femmes, niv. comp. 4). Par ailleurs, l’assurée ne fournit pas de preuves qu’elle aurait réellement pu réaliser un salaire plus élevé ; à cet égard, la jurisprudence est stricte à cet égard (cf. arrêt 8C_285/2020 du 15.09.2020 consid. 4.3.3).

 

Revenu d’invalide

Capacité de travail et de gain exigible (consid. 9)

L’évaluation du revenu d’invalide selon la situation professionnelle concrète suppose, entre autres, que l’assuré utilise pleinement la capacité de travail exigible restante (ATF 143 V 295 consid. 2.2). Ce n’est pas le cas si, sur le marché équilibré de l’emploi, il pourrait gagner un salaire plus élevé que celui qu’il reçoit effectivement. Par rapport à ce marché de travail équilibré (hypothétique), un changement d’emploi est également exigible s’il est très difficile, voire impossible, pour l’assuré de trouver un emploi correspondant en raison des circonstances économiques sur le marché réel du travail. La prise en compte de ce revenu hypothétiquement plus élevé ne repose donc pas tant sur l’obligation de limiter le dommage que sur le fait que l’assurance-accidents ne doit indemniser que la perte de gain causée par l’atteinte à la santé consécutive à l’accident (SVR 2019 UV Nr. 3 S. 9, 8C_121/2017 consid. 7.4, 2012 UV Nr. 3 S. 9, 8C_237/2011 consid. 2.3).

Lors de l’évaluation de l’invalidité, l’assuré doit se voir opposé, comme revenu d’invalide, le revenu qu’il pourrait raisonnablement obtenir sur le marché général du travail dans une activité exigible ; même s’il renonce à changer de profession ou d’emploi en raison de perspectives favorables dans le poste exercé jusqu’ici, il ne peut pas attendre de l’assurance-accidents qu’elle indemnise une diminution du gain due à la renonciation à un revenu exigible (arrêt 8C_631/2019 du 18.12.2019 consid. 6.1).

L’assurée ne prétend pas, et il ne ressort pas du dossier, qu’elle utilise pleinement sa capacité de travail restante exigible dans son emploi actuel. Par conséquent, il n’est pas contraire au droit fédéral que la cour cantonale fonde sa décision sur le salaire statistique de l’ESS. Il est donc indifférent de savoir dans quelle mesure elle est limitée dans son emploi actuel de directrice d’un hôtel en raison de son état de santé. Il n’est pas non plus nécessaire de procéder à une mise en demeure et octroyer un délai de réflexion selon l’art. 21 al. 4 LPGA pour inciter l’assuré à changer d’emploi ou pour lui imputer le revenu d’invalide correspondant (arrêt 9C_771/2017 du 29 mai 2018 consid. 3.5.1 et la référence).

 

Niveau de compétences (consid. 10)

En raison de ses nombreuses années de travail en tant que gérante d’un hôtel, l’assurée dispose d’une expérience professionnelle dans une fonction de direction avec des tâches administratives, qu’elle peut utiliser non seulement dans le secteur de la restauration, mais également dans d’autres secteurs professionnels (cf. également arrêts 8C_534/2019 du 18.12.2019 consid. 5.3.3.2 s. et 8C_732/2018 du 26.03.2019 consid. 8.2.2). Dans ces conditions, il n’est pas contraire au droit fédéral que l’instance cantonale ait retenu le niveau de compétences 2 de la ligne Total de l’ESS.

 

Abattement (consid. 11)

Il n’est pas déterminant de savoir si sa capacité de travail restante est utilisable dans les conditions spécifiques du marché du travail, mais seulement de savoir si l’assurée pourrait encore utiliser économiquement sa capacité de travail restante s’il y avait un équilibre entre l’offre et la demande d’emplois (marché équilibré du travail, art. 16 LPGA ; ATF 138 V 457 consid. 3.1, 110 V 273 E. 4b; arrêt 8C_330/2021 du 08.06.2021 consid. 5.3.1).

La cour cantonale a expliqué pourquoi les limitations fonctionnelles et l’âge, invoqués par l’assurée, ne justifient pas une déduction. La simple référence générale à ces motifs d’abattement ne change rien à ce résultat. En outre, le manque d’expérience professionnelle n’est pas pertinent.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 8C_368/2021 consultable ici

Proposition de citation : 8C_368/2021 (d) du 22.07.2021 – Revenu sans invalidité selon l’ESS – Notion du marché équilibré de l’emploi et de l’exigibilité, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2021/08/8c_368-2021)

 

8C_754/2020 (f) du 11.06.2021 – Restitution de prestations indûment touchées – Délai de péremption de la demande de restitution – 25 LPGA / Indemnités journalières versées en mains de l’employeur – 19 al. 2 LPGA – 49 LAA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_754/2020 (f) du 11.06.2021

 

Consultable ici

 

Restitution de prestations indûment touchées – Délai de péremption de la demande de restitution / 25 LPGA

Indemnités journalières versées en mains de l’employeur / 19 al. 2 LPGA – 49 LAA

L’employeur – et non l’assuré – est obligé de restituer les IJ indûment perçues / 2 al. 1 let. c OPGA

Compensation de créances / 50 LAA

 

Assuré, né en 1977, a travaillé dès le 01.05.2015 pour B.__ Sàrl en tant que monteur de panneaux solaires.

Le 24.09.2015, il a été victime d’un accident de la route et a subi un syndrome cervical et dorsolombaire ainsi qu’une contusion au coude gauche. Le médecin traitant lui a attesté une incapacité de travail entière jusqu’au 18.01.2016. Le 17.02.2016, l’assurance-accidents a adressé à B.__ Sàrl un décompte d’indemnités journalières mentionnant un solde de 20’684 fr. 65 en faveur de cette société, en se réservant le droit de compenser le montant dû avec les créances à venir. Le 22.02.2016, l’assurance-accidents a compensé les primes encore en souffrance pour 2015 (2965 fr. 30) et 2016 (4082 fr. 35) avec le montant dû au titre d’indemnités journalières et a indiqué que le solde (13’637 fr.) serait viré sur le compte de l’employeur. Par pli du 25.02.2016, l’assurance-accidents a informé B.__ Sàrl qu’elle prenait en charge les prestations d’assurance pour les suites de l’accident de A.__ du 24.09.2015 et que celui-ci avait droit à une indemnité journalière de 183 fr. 05 par jour à partir du 27.09.2015.

Le 28.10.2016, l’assuré a été victime d’un nouvel accident en tombant d’un échafaudage et a souffert de contusions lombaires entraînant une incapacité totale de travail. Par courrier du 09.12.2016, l’assurance-accidents a informé B.__ Sàrl qu’elle prenait en charge les suites de cet évènement. Afin de pouvoir se déterminer en pleine connaissance de cause sur les prestations pour ce deuxième accident, l’assurance-accidents a demandé à l’assuré et à l’employeur de lui faire parvenir différents documents. Il ressort des fiches de salaire versées au dossier le 12.01.2017 que l’assuré aurait en octobre 2015 travaillé 205 heures et réalisé un salaire brut, sans les allocations familiales, de 7174 fr. 93; en novembre 2015, il aurait travaillé 199.5 heures pour un salaire brut de 6892 fr. 43 et en décembre 2015 189 heures pour un salaire brut de 6614 fr. 94; depuis janvier 2016, il serait payé au mois (salaire mensuel brut de 7500 fr.).

Après avoir confronté l’assuré avec ces documents le 26.04.2017 et avoir entrepris d’autres investigations, l’assurance-accidents a, par décision du 31.01.2018 confirmée sur opposition, retenu que l’assuré avait repris son travail à plein temps dès le 01.10.2015 au plus tard et qu’il n’avait donc plus droit aux indemnités journalières dès ce moment ; par conséquent, elle a réclamé à l’assuré la restitution des indemnités journalières versées à tort du 01.10.2015 au 17.01.2016, soit 19’952 fr. 45.

 

Procédure cantonale

Les juges cantonaux ont constaté en bref que les fiches de salaires montraient que l’assuré avait reçu des salaires mensuels bruts d’un montant différent en octobre, novembre et décembre 2015, alors qu’il était censé être en incapacité de travail, que des heures de travail (d’une durée mensuelle différente) y étaient mentionnées et que l’employeur lui aurait remboursé les frais de repas. Les explications fournies par l’assuré étaient peu concluantes, sauf si une activité avait été effectivement déployée.

Par jugement du 09.11.2020, admission partielle du recours par le tribunal cantonal, reformant la décision sur opposition en ce sens que l’assuré devait restituer à l’assurance-accidents la somme de 12’904 fr. 80 au titre d’indemnités journalières indues.

 

TF

Restitution de prestations indûment touchées

Selon l’art. 25 al. 1, 1re phrase, LPGA, les prestations indûment touchées doivent être restituées.

L’art. 25 al. 2 LPGA prévoit que le droit de demander la restitution s’éteint un an après le moment où l’institution d’assurance a eu connaissance du fait, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation. Il s’agit de délais (relatif et absolu) de péremption, qui doivent être examinés d’office (ATF 146 V 217 consid. 2.1; 140 V 521 consid. 2.1). Selon la jurisprudence, le délai de péremption relatif d’une année commence à courir dès le moment où l’administration aurait dû connaître les faits fondant l’obligation de restituer, en faisant preuve de l’attention que l’on pouvait raisonnablement exiger d’elle. L’administration doit disposer de tous les éléments qui sont décisifs dans le cas concret et dont la connaissance fonde – quant à son principe et à son étendue – la créance en restitution à l’encontre de la personne tenue à restitution (ATF 146 V 217 consid. 2.1 précité; 140 V 521 consid. 2.1 précité). Si l’administration dispose d’indices laissant supposer l’existence d’une créance en restitution, mais que les éléments disponibles ne suffisent pas encore à en établir le bien-fondé, elle doit procéder, dans un délai raisonnable, aux investigations nécessaires. Si elle omet de le faire, le début du délai de péremption doit être fixé au moment où elle aurait été en mesure de rendre une décision de restitution si elle avait fait preuve de l’attention que l’on pouvait raisonnablement exiger d’elle. En revanche, lorsqu’il résulte d’ores et déjà des éléments au dossier que les prestations en question ont été versées indûment, le délai de péremption commence à courir sans qu’il y ait lieu d’accorder à l’administration du temps pour procéder à des investigations supplémentaires (arrêts 8C_405/2020 du 3 février 2021 consid. 3.2.1; 8C_799/2017 du 11 mars 2019 consid. 5.4; 9C_454/2012 du 18 mars 2013 consid. 4 non publié in ATF 139 V 106 et les références).

 

Délai de péremption de la demande de restitution

La cour cantonale a considéré que la demande de restitution du 31.01.2018 était intervenue en temps utile, vu que les fiches de salaire des mois d’octobre 2015 à février 2016, qui étaient à l’origine des soupçons de l’assurance-accidents, lui avaient été transmises le 12.01.2017 et que ces fiches avaient nécessité des investigations complémentaires qui avaient été exécutées dans un délai raisonnable.

Contrairement à ce que prétend l’assuré, le fait que l’assurance-accidents avait reçu les fiches de salaire le 12.01.2017 et l’avait invité le 24.01.2017 à produire ses relevés bancaires des mois de janvier à octobre 2016 ne suffisait pas encore à déclencher le délai péremptoire relatif d’un an. En effet, tant la demande de verser les fiches salariales que l’invitation à produire les relevés bancaires sont intervenues dans le cadre de l’investigation concernant l’accident du 28.10.2016, la gestion du sinistre du 24.09.2015 étant close. Toujours dans le cadre de ce second accident, l’assurance-accidents a interrogé l’assuré le 13.02.2017 sur l’augmentation de son salaire entre 2015 et 2016. Ensuite, l’assurance-accidents a entrepris diverses mesures d’instruction, aussi par rapport aux suites de l’accident du 24.09.2015. Elle a notamment demandé, par courrier du 03.04.2017, l’envoi des certificats de salaire des années 2015 et 2016 de l’administration fiscale, et a procédé le 26.04.2017 à l’audition de l’assuré. Afin de vérifier ses indications lors de cette audition et pour pouvoir se prononcer sur le droit litigieux, l’assurance-accidents a poursuivi les investigations auprès de la fiduciaire de l’employeur, de l’assuré lui-même, de la Caisse cantonale d’allocations vaudoise et du Centre patronal, service des allocations familiales. Ainsi, force est de constater que la cour cantonale a considéré à juste titre que la demande de restitution du 31.01.2018 était intervenue en temps utile.

 

Bénéficiaire des prestations obligé de restituer les prestations indûment perçues

L’assuré soutient que son employeur lui aurait versé son salaire sans attendre le paiement des indemnités journalières et qu’en conséquence, l’obligation de les rembourser incomberait à l’employeur.

En vertu de l’art. 2 al. 1 OPGA, l’obligation de restituer incombe au bénéficiaire des prestations allouées indûment ou à ses héritiers (let. a), aux tiers ou aux autorités à qui ont été versées des prestations en espèces pour qu’elles soient utilisées conformément à leur but, au sens de l’art. 20 LPGA ou des dispositions des lois spéciales, à l’exception du tuteur (let. b), et aux tiers ou aux autorités à qui ont été versées après coup des prestations indues, à l’exception du tuteur (let. c). Selon cette disposition réglementaire, l’obligation de restituer incombe en principe à celui qui a effectivement perçu les prestations (cf. arrêt 9C_564/2009 du 22 janvier 2010 consid. 6.5, in SVR 2010 IV n° 45 p. 141), à savoir en premier lieu la personne assurée et ses survivants. Toutefois, des autorités ou des tiers peuvent également avoir perçu à tort des prestations (cf. SYLVIE PÉTREMAND, in Commentaire romand, Loi sur la partie générale des assurances sociales, 2018, n° 34 ad art. 25 LPGA).

Pour retenir une obligation de restitution d’un tiers, il faut examiner si celui-ci avait un droit propre aux prestations en question, découlant du rapport de prestation, et pouvait être considéré comme le bénéficiaire des prestations allouées indûment (ATF 142 V 43 consid. 3.1; arrêt 9C_211/2009 du 26 février 2010 consid. 4.3, in SVR 2010 EL n° 10 p. 27; UELI KIESER, ATSG-Kommentar, 4e éd. 2020, n° 51 ad art. 25 LPGA). Selon l’art. 19 al. 2 LPGA, les indemnités journalières et les prestations analogues sont versées à l’employeur dans la mesure où il continue à verser un salaire à l’assuré malgré son droit à des indemnités journalières (cf. art. 324a CO). Il s’ensuit que si ces prestations – accordées après coup ou courantes – sont indues, il incombe conformément à l’art. 2 al. 1 let. c OPGA à l’employeur de les rembourser. Il en va différemment si l’employeur agit en tant que simple organisme de paiement, par exemple dans le domaine des allocations familiales (cf. ATF 142 V 43 consid. 3.1; 140 V 233 consid. 3.3 et 4.2; arrêt 8C_432/2012 du 13 novembre 2011 consid. 5.1; JOHANNA DORMANN, in Basler Kommentar, Allgemeiner Teil des Sozialversicherungsrechts [ATSG], 2020, n° 36 ad art. 25 LPGA; KIESER, op. cit., n° 54 ad art. 25 LPGA). Concernant l’allocation pour perte de gain pour les personnes faisant du service et en cas de maternité, le Tribunal fédéral a statué que l’employeur, qui versait le salaire à la personne assurée pendant le service, ne faisait pas office de simple organisme de paiement et pouvait ainsi être tenu à restitution d’allocations pour perte de gain payées en trop (ATF 142 V 43 consid. 3.1). Dans l’arrêt 8C_432/2012 du 13 novembre 2012, les circonstances du cas d’espèce ont amené le Tribunal fédéral à conclure que l’employée, qui avait été condamnée pénalement pour escroquerie (art. 146 CP), était aussi la destinataire des indemnités journalières excessives versées par la CNA et qu’elle pouvait donc être personnellement tenue à restitution (consid. 5.2).

En complément à l’art. 19 al. 2 LPGA, l’art. 49 LAA autorise les assureurs-accidents à confier le versement des indemnités journalières à l’employeur. Il constitue ainsi la base légale pour le versement des indemnités journalières à l’employeur au lieu de l’assuré ; toutefois, le versement est limité au montant du salaire payé par l’employeur. L’art. 19 al. 2 LPGA s’inscrit dans la continuité de l’obligation de payer le salaire en cas d’empêchement sans faute du travailleur selon l’art. 324a CO. Dans la mesure des paiements de salaire qu’il effectue, l’employeur a droit aux prestations journalières dues à cause de l’incapacité de travail assurée et est ainsi subrogé à l’assuré dans son droit aux indemnités journalières (cession légale; arrêts 8C_241/2019 du 8 juillet 2019 consid. 5.1; U 266/06 du 28 décembre 2006 consid. 2.3, non publié aux ATF 133 V 196; MARC HÜRZELER, in Basler Kommentar UVG, n° 6 s. ad art. 49 LAA). Par conséquent, l’employeur est également habilité à recourir contre les décisions correspondantes de l’administration et du tribunal cantonal des assurances sociales (arrêt U 266/06 du 28 décembre 2006 consid. 2.4 est les références, non publié aux ATF 133 V 196; HÜRZELER, op. cit., n° 12 ad art. 49 LAA).

Il arrive que les tiers ou les autorités soumis à restitution fassent valoir une prétention récursoire contre la personne assurée en remboursement des prestations indues qu’ils ont dû restituer. Il s’agit dans ce cas d’un rapport juridique autonome, par exemple d’un rapport de droit civil entre l’employeur et l’employé si l’employeur a versé le salaire pendant la période de perception des indemnités journalières et est obligé de les restituer (DORMANN, op. cit. n° 41 ad art. 25 ATSG; KIESER, op. cit., n° 56 ad art. 25 LPGA; PÉTREMAND, op. cit., n° 41 ad art..25 ATSG).

 

Il ressort du jugement attaqué que la cour cantonale n’a pas examiné le point de savoir si l’obligation de restitution des prestations d’assurance versées à tort incombe à l’assuré ou à son employeur, bien que l’assuré ait soulevé cette question déjà en instance cantonale. Par conséquent, elle n’a pas non plus fait de constatations explicites à ce sujet. Or, à l’instar de l’assurance-accidents, elle a retenu que l’assuré avait continué à déployer son activité professionnelle alors qu’il était en incapacité de travail, et qu’il avait reçu un salaire de la part de son employeur. Il ressort en outre de l’état de fait du jugement attaqué que l’assurance-accidents a informé l’employeur de l’octroi des prestations d’assurance (notamment de l’indemnité journalière de 183 fr. 05) par lettre du 25.02.2016 et que ces prestations pour la période du 24.09.2015 jusqu’au 17.01.2016 ont effectivement été versées le 24.02.2016 (après compensation avec les arriérés de primes). Il appert donc que l’employeur a continué d’effectuer des paiements au titre de salaire et que les prestations de l’assurance n’ont été versées qu’après coup. A priori, les conditions de l’art. 2 al. 1 let. b OPGA semblent donc être remplies.

Cependant, ni les constatations du jugement attaqué ni les éléments au dossier ne permettent de déterminer au degré de la vraisemblance prépondérante si l’assuré doit être considéré comme ayant été aussi le destinataire des indemnités journalières indues, de sorte qu’il pourrait être obligé de les rembourser (cf. l’arrêt 8C_432/2012 cité supra). Contrairement à ce que prétend l’assurance-accidents, le fait que l’associé-gérant de l’employeur soit le frère de l’assuré constitue certes un indice en ce sens, toutefois insuffisant à lui seul. Par conséquent, il convient d’annuler le jugement entrepris et de renvoyer la cause au tribunal cantonal pour qu’il complète l’instruction sur ce point et rende un nouveau jugement.

 

Montant à restituer

Concernant le montant à restituer, les juges cantonaux ont constaté que l’assurance-accidents avait compensé les primes restées impayées et dues par l’employeur avec les indemnités journalières (avant de verser le solde de celles-ci). Comme l’employeur était le débiteur des primes de l’assurance-accident professionnel et qu’il avait procédé à des retenues sur les salaires de son employé pour l’assurance des accidents non professionnels, il n’y avait pas lieu de faire supporter la charge de ces primes à l’assuré. De plus, comme l’assurance-accidents avait déjà procédé à la compensation desdites primes sur les indemnités journalières versées, elle ne saurait prétendre à se voir restituer d’avantage que ce qu’elle avait effectivement versé au titre d’indemnités journalières. Partant, après déduction de ces primes, l’assuré n’avait pas à restituer 19’952 fr. 45, mais 12’904 fr. 80.

L’assurance-accidents remarque qu’elle n’aurait pas obtenu une restitution d’une partie des indemnités journalières litigieuses par la compensation effectuée le 22.02.2016. Elle aurait compensé le montant qu’elle devait à l’employeur au titre d’indemnités journalières (20’684 fr. 65) avec des créances dont elle disposait à l’encontre de celui-ci, soit des arriérés des primes (7047 fr. 65). Les dettes de l’employeur envers elle s’en seraient trouvées réduites d’autant. Par conséquent, elle aurait bien alloué la somme de 20’684 fr. 65 au titre d’indemnités journalières et on ne constatait ainsi pas d’enrichissement illégitime. Vu que la compensation de créances (réglée pour l’assurance-accidents à l’art. 50 LAA) suppose que le débiteur de la créance principale soit la même personne que le créancier de la créance invoquée en compensation (ATF 125 V 317 consid. 4a; JEAN-MAURICE FRÉSARD/MARGIT MOSER-SZELESS, L’assurance-accidents obligatoire, in Soziale Sicherheit, SBVR vol. XIV, 3e éd. 2016, p. 1067, n° 613; cf. également art. 120 al. 1 CO), et que la compensation a pour effet que les deux dettes sont réputées éteintes jusqu’à concurrence du montant de la plus faible (cf. art. 124 al. 2 CO), cette argumentation ne paraît pas sans fondement. Compte tenu de l’interdiction de la reformatio in peius devant le Tribunal fédéral (cf. art. 107 al. 1 LTF; cf. ATF 141 II 353 consid. 2; arrêt 8C_419/2018 du 11 décembre 2018 consid. 4.5 avec les références), et du fait que l’assurance-accidents n’a pas recouru contre le jugement cantonal, il n’y a toutefois pas lieu de vérifier le bien-fondé de l’argumentation de l’instance cantonale, qui est favorable à l’assuré.

 

Le TF admet le recours de l’assuré, annule le jugement cantonal et renvoie la cause au tribunal cantonal pour nouveau jugement.

 

 

Arrêt 8C_754/2020 consultable ici

 

 

8C_578/2020 (f) du 11.06.2021 – Fausse déclaration – Mention d’un 13e salaire de CHF 9000 par mois dans la déclaration d’accident – 46 al. 2 LAA / Simple tromperie suffisante pour application de l’art. 46 al. 2, 2e phrase, LAA – Pas de nécessité que la tromperie soit astucieuse comme en matière d’escroquerie

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_578/2020 (f) du 11.06.2021

 

Consultable ici

 

Fausse déclaration – Mention d’un 13e salaire de CHF 9000 par mois dans la déclaration d’accident / 46 al. 2 LAA

Simple tromperie suffisante pour application de l’art. 46 al. 2, 2e phrase, LAA – Pas de nécessité que la tromperie soit astucieuse comme en matière d’escroquerie

Rappel quant au 13e salaire pas convenu contractuellement et caractère hypothétique car tributaire des résultats de la société – Pas revenu à prendre en compte pour le calcul des indemnités journalières

 

Assuré, né en 1977, a travaillé à plein temps en tant qu’agent d’assurance depuis 2011 pour la société A.__ Sàrl (ci-après: A.__ Sàrl), dont il est associé gérant avec signature individuelle.

Par déclaration de sinistre du 19.12.2017, l’assuré a annoncé à l’assurance-accidents que le 29.11.2017, il s’était blessé au niveau de l’épaule gauche en chutant dans les escaliers ; son salaire de base était de 9000 fr. par mois, auquel s’ajoutaient des allocations familiales de 500 fr. par mois et un 13e salaire de « 9000 fr. par mois« . L’assurance-accidents a pris en charge le cas et a versé des indemnités journalières jusqu’au 19 janvier 2018 sur la base du salaire annuel maximal assuré de 148’200 fr.

Par déclaration de sinistre du 11.06.2018, l’assuré a annoncé à l’assurance-accidents avoir glissé et chuté dans sa baignoire le 22.05.2018 ; son salaire de base était de 9000 fr. par mois, auquel s’ajoutaient des allocations familiales de 500 fr. par mois et un 13e salaire de « 9000 fr. par mois« .

Selon l’extrait du compte AVS individuel produit à la demande de l’assurance-accidents, l’assuré a perçu un salaire annuel de 108’000 fr. pour les années 2015, 2016 et 2017. Le 15.08.2018, AXA a demandé à A.__ Sàrl de lui transmettre une copie des fiches de salaires remises à l’assuré pour les années 2017 et 2018, une copie de la preuve des versements des salaires à l’assuré pour la même période ainsi qu’une copie de la déclaration des salaires 2017 pour le compte de A.__ Sàrl auprès de la caisse de compensation. A.__ Sàrl a transmis à l’assurance-accidents un extrait de son relevé de compte AVS pour la période du 01.01.2018 au 17.08.2018, s’étonnant de devoir remettre des documents supplémentaires. Le 30.08.2018, l’assurance-accidents a justifié sa demande de production de documents par le fait que le salaire annuel déclaré par l’assuré dans sa déclaration de sinistre ne correspondait pas à la réalité des informations en sa possession. A.__ Sàrl a indiqué que l’assuré touchait un salaire mensuel de 9000 fr., ainsi qu’un 13e salaire de 9000 fr. et que les mentions figurant dans les déclarations d’accident concernant un 13e salaire de « 9000 fr. par mois » relevaient manifestement d’une erreur. Le 14.09.2018, A.__ Sàrl a indiqué à l’assurance-accidents qu’il convenait de se baser sur une rémunération annuelle de « 12 x 9000 fr., le 13e fai[san]t partie d’une autre sous-société de A.__ Sàrl ». L’assurance-accidents ayant demandé à l’assuré s’il avait un deuxième employeur, ce dernier a répondu que A.__ Sàrl était son seul employeur et qu’il existait une « sous-entité qui compren[ait] la même adresse et le même compte mais se différenci[ait] car elle ne fai[sai]t que du conseil et du service ».

Par décision du 26.11.2018, l’assurance-accidents a statué sur le volet LAA des sinistres des 29.11.2017 et 22.05.2018. Dans ce cadre, elle a arrêté le salaire assuré à 108’000 fr. et, pour le cas annoncé en 2018, fixé le statu quo sine au 19.06.2018 en se fondant sur l’avis de son médecin-conseil. Elle a en outre compensé le montant à restituer pour le trop-perçu en 2017 – dans le cadre duquel elle s’était basée sur le salaire déclaré de 216’000 fr., limité à 148’000 fr., en lieu et place du gain réel de 108’000 fr. – avec le montant alloué dans le cadre du sinistre de 2018.

L’assuré a fait opposition contre la décision. Par courrier du 25.01.2019, l’assurance-accidents a annoncé à l’assuré qu’elle entendait procéder à une reformatio in pejus de la décision du 26.11.2018, impliquant le refus des prestations et le remboursement des indemnités journalières payées, compte tenu des fausses déclarations de l’assuré quant au salaire qu’il avait perçu. Par décision sur opposition du 16.05.2019, l’assurance-accidents a modifié sa décision du 26.11.2018 en ce sens que le cas d’assurance était refusé pour fausse déclaration, les prestations versées devant être remboursées.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 84/19 – 114/2020 – consultable ici)

Les juges cantonaux ont retenu qu’en alléguant percevoir un salaire annuel brut permettant une indemnisation basée sur le montant maximum du gain assuré de 148’200 fr. (art. 22 al. 1 OLAA), alors même qu’il percevait en réalité un salaire de 108’000 fr., l’assuré s’était fait l’auteur d’une fausse déclaration destinée à obtenir des prestations d’assurance auquel il ne pouvait raisonnablement pas prétendre, justifiant ainsi l’application de l’art. 46 al. 2 LAA. A cet égard, la cour cantonale a retenu que les montants annoncés par l’assuré dans la déclaration d’accident, en particulier celui du 13e salaire, ne pouvaient pas être imputables à une simple erreur. En effet, le système informatique de l’assurance-accidents permettait de choisir facilement si la rémunération déclarée était mensuelle ou annuelle. La juridiction cantonale a encore retenu que l’assuré, en tant que professionnel de la branche, aurait dû être à même de remplir correctement une déclaration d’accident et se rendre compte que le montant des indemnités journalières perçues était trop élevé par rapport à ses revenus habituels. Par ailleurs, le caractère volontaire des fausses déclarations était renforcé par les variations de versions proposées et le fait que l’assuré n’avait finalement jamais perçu de 13e salaire, ce qu’il avait du reste fini par admettre après avoir vainement tenté d’apporter des explications pour le moins hasardeuses à ce sujet. Au vu de ce qui précède, la juridiction cantonale a retenu que l’assurance-accidents pouvait à juste titre refuser de prester.

Par jugement du 17.08.2020, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Selon l’art. 46 al. 2 LAA, l’assureur peut réduire de moitié toute prestation si, par suite d’un retard inexcusable dû à l’assuré ou à ses survivants, il n’a pas été avisé dans les trois mois de l’accident ou du décès de l’assuré ; il peut refuser la prestation lorsqu’une fausse déclaration d’accident lui a été remise intentionnellement.

Cette disposition vise à réprimer un comportement dolosif tendant à obtenir de l’assurance plus que ce à quoi l’on aurait droit (JEAN-MAURICE FRÉSARD/MARGIT MOSER-SZELESS, L’assurance-accidents obligatoire, in: Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Soziale Sicherheit, 3e éd., Bâle 2016, n° 594 p. 1063). L’établissement de l’intention dolosive est une question de fait, que le juge tranchera le cas échéant. L’assureur n’a pas besoin de rendre vraisemblable que la fausse déclaration a entraîné des complications importantes, ni même qu’un quelconque dommage lui a été causé (GHÉLEW/RAMELET/RITTER, Commentaire de la loi sur l’assurance-accidents [LAA], 1992, p. 176). N’importe quelle fausse déclaration contenue dans la déclaration d’accident suffit, dès lors qu’elle conduit à l’octroi de prestations d’assurance plus élevées que celles auxquelles la personne assurée aurait droit conformément à la situation effective. Tombe sous le coup de cette disposition la déclaration intentionnelle d’un salaire trop élevé, lorsque cela conduit au versement de prestations en espèces fixées sur la base d’un gain assuré trop élevé. L’assureur doit examiner une telle éventualité pour chaque prestation en particulier en respectant l’interdiction de l’arbitraire, ainsi que les principes de l’égalité de traitement et de la proportionnalité (ATF 143 V 393 consid. 6.2; arrêt 8C_68/2017 du 4 septembre 2017 consid. 4.3).

Il n’appartenait pas à l’assureur-accidents de vérifier la justesse des déclarations de l’assuré. En effet, pour que l’art. 46 al. 2, 2e phrase, LAA s’applique, une simple tromperie suffit. Il n’est pas nécessaire que cette tromperie soit astucieuse comme en matière d’escroquerie (art. 146 al. 1 CP), où l’astuce n’est pas réalisée si la dupe pouvait se protéger avec un minimum d’attention ou éviter l’erreur avec le minimum de prudence que l’on pouvait attendre d’elle (arrêt 6B_488/2020 du 3 septembre 2020, consid. 1.1; KURT PÄRLI/LAURA KUNZ in: Commentaire bâlois, Unfallversicherungsgesetz, 2019, n° 15 ad art. 46 LAA). Du reste, selon la jurisprudence, une condamnation pour escroquerie n’est pas une condition nécessaire pour faire usage de l’art. 46 al. 2 LAA (ATF 143 V 393 consid. 7.3). Or en soutenant que l’assurance-accidents aurait dû vérifier les données salariales annoncées par les recourants et remarquer elle-même qu’il y avait une erreur quant au montant du salaire annoncé, à défaut de quoi l’art. 46 al. 2, 2e phrase, LAA ne trouverait pas application en l’espèce, les recourants argumentent comme en matière d’escroquerie. Pour que l’art. 46 al. 2, 2e phrase, LAA s’applique, il n’y a pas d’exigence de prudence minimale ou de vérifications élémentaires de la part de l’assureur, ce qui ne serait pas réaliste dans le cadre d’une administration de masse. Aussi, l’argumentation des recourants qui tentent de mettre leur erreur sur le compte de l’assurance-accidents tombe à faux.

Par ailleurs, si l’on peut admettre que l’assuré ait pu se tromper une première fois dans ses déclarations parce qu’il n’avait pas prêté suffisamment attention au fait que la bande déroulante à côté de la rubrique « 13e mois » était paramétrée par défaut sur une base mensuelle et non pas annuelle, il aurait à tout le moins dû se rendre compte de son erreur au plus tard au moment de la perception des indemnités journalières. En effet, dans le décompte de prestations qu’il a reçu pour le sinistre survenu en 2017 figurait le montant du salaire annuel sur lequel était calculée l’indemnité journalière. Indépendamment du montant de celle-ci, il ne pouvait pas échapper à l’assuré, en sa qualité d’agent d’assurance, que le salaire annuel de 148’200 fr. sur la base duquel était calculée l’indemnité journalière, et qui correspondait au demeurant au montant maximum du gain assuré, était beaucoup plus élevé que le salaire de 108’000 fr. – respectivement 123’000 fr. si l’on y ajoute un 13e salaire de 9000 fr. et des allocations familiales de 500 fr. par mois – annoncé dans sa déclaration d’accident. On doit dès lors en déduire que l’assuré s’est accommodé de son « erreur », sans quoi il n’aurait pas refait la même erreur une seconde fois dans sa déclaration de sinistre de 2018.

 

En tout état de cause et quoi qu’en disent au demeurant les recourants, la déclaration d’un 13e salaire constituait déjà en soi une fausse déclaration, indépendamment d’une erreur quant à sa perception mensuelle ou annuelle, dès lors que l’assuré n’a jamais perçu de 13e salaire au cours des années 2017 et 2018, ce qu’il avait fini par admettre après avoir varié dans ses déclarations à ce sujet. En effet, dans les déclarations de sinistres de 2017 et 2018, les recourants ont annoncé un 13e salaire de 9000 fr. (par mois). Après que l’assurance-accidents eut demandé aux recourants de produire un extrait du compte individuel AVS et qu’elle eut remarqué qu’il ressortait de ce dernier que le salaire annuel de l’assuré était de 108’000 fr. (soit 9000 fr. x 12) en 2017, elle a demandé des explications. L’assuré a persisté à indiquer percevoir un 13e salaire mais a soutenu que celui-ci ne lui avait pas été versé par son employeur habituel A.__ Sàrl mais par une sous-société de ce dernier. Ce n’est que sur nouvelle demande de l’assurance-accidents que l’assuré a par la suite précisé qu’il ne s’agissait pas d’une autre société ou d’un autre employeur mais simplement d’une autre « entité » faisant partie de la même société. Ses explications à ce sujet sont toutefois sans pertinence. En effet, l’assuré a fini par admettre dans son mémoire de recours devant le Tribunal fédéral qu’il avait déclaré un 13e salaire pour les sinistres survenus en 2017 et 2018 alors qu’il s’était finalement avéré que les résultats de la société ne lui avaient pas permis de s’en octroyer un. Or si un 13e salaire n’avait pas été convenu contractuellement et n’avait qu’un caractère hypothétique car tributaire des résultats de la société A.__ Sàrl, il ne constituait pas un revenu à prendre en compte pour le calcul des indemnités journalières (cf. JEAN-MAURICE FRÉSARD/MARGIT MOSER-SZELESS, op. cit., n° 179 p. 956), ce que les recourants ne pouvaient pas ignorer.

 

Aussi, doit-on admettre qu’en annonçant un 13e salaire pour les années 2017 et 2018, et ce quel qu’en soit le montant, les recourants ont fait intentionnellement une fausse déclaration, justifiant l’application de l’art. 46 al. 2, 2e phrase, LAA.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré et de l’employeur.

 

 

Arrêt 8C_578/2020 consultable ici

 

 

Commentaire / Remarques

Une erreur peut se produire lorsque l’employeur remplit la déclaration d’accidents.

Dans une situation telle que rencontrée par l’assurance-accidents, il aurait été judicieux de demander à l’employeur, lors de la réception de la 1e déclaration d’accident, si la personne employée percevait bien un 13e salaire de CHF 9’000 par mois ou s’il s’agissait d’une erreur. Cela n’aurait toutefois pas changé l’application de l’art. 46 al. 2, 2e phrase, LAA. Dans la pratique, il arrive qu’un 13e salaire soit inséré dans la mauvaise colonne (sur déclaration papier ou électronique). Cela étant, comme cela a été relevé par les instances judiciaires, l’erreur s’est produite deux fois, pour la même composante du salaire, avant d’arriver à la conclusion que le 13e salaire est inexistant.

Toujours dans la pratique, lorsqu’un employeur constate une éventuelle erreur dans le calcul de l’indemnité journalière ou, à tout le moins, dans le versement (1 mois d’indemnité journalière [pourtant à 80% en LAA] égal ou supérieur au salaire normal de l’employé), il devrait prendre langue avec l’assureur et éclaircir la situation. Une preuve écrite (par exemple un e-mail envoyé au gestionnaire reprenant les termes de la discussion) permet de prouver l’entretien téléphonique et son contenu.

 

 

8C_40/2021 (i) du 27.05.2021 – Troubles psychiques – Causalité adéquate niée – 6 LAA / Causalité naturelle et troubles somatiques

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_40/2021 (i) du 27.05.2021

 

Consultable ici

 

Troubles psychiques – Causalité adéquate niée / 6 LAA

Causalité naturelle et troubles somatiques

 

Le 04.06.2013, assuré, né en 1980, ferronnier d’art de profession, tombe en arrière alors qu’il s’apprêtait à descendre du toit de sa maison depuis une échelle, tapant l’épaule gauche contre le rebord métallique de la terrasse de l’étage inférieur puis heurtant le sol en position assise, se cognant les lombaires.

Les examens médicaux n’ont montré aucune lésion osseuse, mais des phénomènes dégénératifs ainsi qu’une lésion d’un tendon de l’épaule gauche. Il a subi deux opérations de cette épaule. L’assurance-accidents a pris en charge l’événement.

Dans une décision, confirmée sur opposition le 03.06.2016, l’assurance-accidents a nié le lien de causalité naturelle entre les troubles lombo-vertébraux et l’accident et a constaté la stabilisation de l’affection de l’épaule gauche. Le versement des prestations a pris fin le 31.12.2015. Une IPAI de 15% a en outre été reconnu. La décision sur opposition n’a pas fait l’objet d’un recours.

Le 17.06.2019, l’assuré a annoncé une rechute de l’accident du 04.06.2013. Par décision confirmée sur opposition le 01.05.2020, l’assurance-accidents a nié le droit aux prestations pour la rechute annoncée.

 

Procédure cantonale

Le tribunal cantonal a rappelé que les hernies discales ont généralement une cause dégénérative et que ce n’est que dans des cas exceptionnels qu’un accident peut en être la cause. Dans le cas présent, il n’y a aucune preuve que l’assuré se soit plaint de symptômes cervico-brachiaux immédiatement après l’accident. Au contraire, l’assuré a lui-même déclaré que la douleur est apparue plus tard.

S’agissant des troubles lombaires, la cour cantonale a indiqué que la décision sur opposition du 03.06.2016 avait déjà statué définitivement sur cette question et exclu les motifs de révision ou de reconsidération.

Quant aux troubles psychiques, les juges cantonaux ont laissé ouverte la question de la causalité naturelle : après avoir qualifié l’accident du 04.06.2013 comme accident moyen stricto sensu, le lien de causalité adéquate a été nié, le nombre de critères requis par la jurisprudence n’étant pas atteint.

S’agissant d’un éventuel droit à une rente d’invalidité, le tribunal cantonal a constaté un degré d’invalidité arrondi à 2%.

Par jugement du 14.12.2020, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Bien qu’il y ait eu un certain caractère spectaculaire, ce qui est inhérent à tout accident, on ne peut donc pas conclure que l’assuré a été victime d’un accident grave, car il n’a pas subi de graves lésions (pour la casuistique des accidents graves, cf. ALEXANDRA RUMO-JUNGO/ANDRÉ P. HOLZER, Bundesgesetz über die Unfallversicherung, 2012, p. 62 ss et les références).

Contrairement à l’opinion de l’assuré, il n’y a pas de contradiction dans l’arrêt cantonal. En tout état de cause, le fait qu’un trouble soit apparu après un accident ne suffit toujours pas à conclure à l’existence d’un lien de causalité (ATF 119 V 335 consid. 2b/bb ; cf. également l’arrêt 8C_16/2014 du 3 novembre 2014 consid. 4.2 et la référence).

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_40/2021 consultable ici

Proposition de citation : 8C_40/2021 (i) du 27.05.2021 – Troubles psychiques – Causalité adéquate niée – Causalité naturelle et troubles somatiques, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2021/07/8c_40-2021)

 

Lignes directrices pour l’expertise en médecine d’assurance (neurologie)

Lignes directrices pour l’expertise en médecine d’assurance (neurologie)

 

Article de Gantenbein et al. paru in Forum Med Suisse. 2021;21(2526):435-440, consultable librement ici

 

Introduction

La Société Suisse de Neurologie (SSN) a été l’initiatrice de l’élaboration d’une partie générale des «Lignes ­directrices pour l’expertise en médecine d’assurance», dans laquelle elle a également joué un rôle de premier plan. Ainsi, la partie générale des lignes directrices pour l’expertise représente déjà dans une large mesure le point de vue spécialisé de la neurologie, raison pour laquelle elle est considérée comme faisant partie intégrante de la partie spécifique à la neurologie désormais présentée ici.

Les messages déterminants relevant de la médecine d’assurance, qui sont décisifs pour la qualité d’une expertise médicale, sont présentés dans la partie générale. Cette partie spécifique doit uniquement être considérée comme un complément et il est dès lors ­vivement recommandé de consulter la partie générale. Les deux parties des lignes directrices pour l’expertise sont approuvées par la SSN et sont publiées sur son site internet (www.swissneuro.ch). Dans l’espace germanophone, il existe en outre des lignes directrices exhaustives pour l’expertise qui ont été émises par la Société allemande de neurologie («Deutsche Gesellschaft für Neurologie» [DGN]).

 

Pour le détail, nous vous renvoyons à l’article de Gantenbein et al., Lignes directrices pour l’expertise en médecine d’assurance, in Forum Med Suisse.

 

 

Gantenbein et al., Lignes directrices pour l’expertise en médecine d’assurance, in Forum Med Suisse. 2021;21(2526):435-440 consultable librement ici

 

Voir également :

 

 

Diagnostics selon la liste [anciennement lésions assimilées] – art. 6 al. 2 LAA

Diagnostics selon la liste – art. 6 al. 2 LAA

 

Article du Dr Hannjörg Koch et de Me Sandro Henseler, paru in Suva Medical 2021 (article 05), consultable ici

 

Diagnostics selon la liste – art. 6 al. 2 LAA

 

Avec la loi fédérale sur l’assurance-accidents révisée est entré en vigueur l’art. 6 al. 2, qui définit l’obligation pour l’assurance-accidents d’allouer des prestations aussi pour les «diagnostics selon la liste», à moins qu’ils ne soient dus de manière prépondérante à l’usure ou à une maladie. En particulier, les déchirures du ménisque et des tendons incluses dans la liste font l’objet de controverses. Le fondement des réclamations, qui avait déjà été qualifié de dommages corporels de type accidentel avant la révision, est désormais passé de l’ordonnance au niveau légal, avec des modifications de la formulation. Le motif désigné déjà avant la révision par le terme «lésion corporelle assimilée à un accident» est désormais passé de l’ordonnance à la loi fédérale avec quelques modifications dans la formulation.

 

Pour le détail, nous vous renvoyons à l’article du Dr Hannjörg Koch et de Me Sandro Henseler, paru in Suva Medical 2021 (article 05), disponible ici.