Archives de catégorie : Assurance-accidents LAA

8C_122/2019 (f) du 10.09.2019 – Revenu d’invalide / Pas d’abattement pour des travaux légers ne nécessitant pas le port régulier de charges excédant les 3 à 4,5 kg ou de mouvement répétitif de flexion-extension du coude droit / Critère de l’âge en LAA / Evaluation de l’IPAI / Frais d’expertise privée à la charge de l’assurance-accidents

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_122/2019 (f) du 10.09.2019

 

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Revenu d’invalide / 16 LPGA

Pas d’abattement sur le salaire statistique pour des travaux légers ne nécessitant pas le port régulier de charges excédant les 3 à 4,5 kg ou de mouvement répétitif de flexion-extension du coude droit

Critère de l’âge en assurance-accidents – Question encore laissée indécise

Evaluation de l’IPAI / 24 LAA – 25 LAA – Annexe 3 OLAA

Frais d’expertise privée à la charge de l’assurance-accidents

 

Assuré, né en 1966, travaillait comme maçon, lorsque le 08.07.2015, alors qu’il était occupé à des travaux d’aménagement d’une villa, la toiture d’une véranda, sous laquelle il se trouvait, s’est effondrée. Admis en urgence à l’hôpital, il a subi deux interventions chirurgicales les 08.07.2015 et 10.07.2015 en raison de multiples plaies et coupures au niveau des membres supérieurs, principalement du membre droit (avant-bras droit: sections 100% du long extenseur radial et 70% du court extenseur radial du carpe, section 10% du nerf musculo-cutané; bras droit: section du muscle brachio radialis biceps et brachial, section d’un fascicule du nerf radial, section 100% du nerf musculo-cutané; main gauche: section 100% extenseur D3 zone 4 avec arthrotomie, section moins de 50% en zone 4 au niveau de D2 et de D4).

L’assuré, en incapacité totale de travail depuis l’accident, a repris son activité à titre thérapeutique à 50% à compter du 01.02.2016.

Par décision, l’assurance-accidents a reconnu le droit de l’assuré à une rente d’invalidité fondée sur une incapacité de gain de 20% à partir du 01.10.2016 et lui a alloué une indemnité pour atteinte à l’intégrité fondée sur un taux de 5%. A l’appui de son opposition, l’assuré a produit un rapport d’expertise privée d’un spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur. L’assurance-accidents a soumis cet avis médical à sa spécialiste en chirurgie générale et traumatologie. Sur la base du rapport de cette dernière, l’assurance-accidents a admis partiellement l’opposition et a porté le taux d’invalidité à 21% et celui de l’atteinte à l’intégrité à 7,5%.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/13/2019 – consultable ici)

La cour cantonale a considéré que la question de la pertinence des DPT choisies par l’assurance-accidents pouvait rester ouverte. En effet, en se référant au calcul du revenu d’invalide opéré par l’assuré dans son recours au moyen de l’Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS), elle obtenait un taux d’invalidité inférieur à celui fixé par l’assurance-accidents dans sa décision sur opposition. Au sujet de l’abattement, de l’avis de la cour cantonale, les limitations fonctionnelles étaient en effet déjà prises en compte dans le salaire d’invalide et les autres facteurs de réduction que l’assuré proposait de retenir (âge, nationalité et manque de formation) n’entraient pas en ligne de compte.

Par jugement du 14.01.2019, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Revenu d’invalide – Abattement

Le point de savoir s’il y a lieu de procéder à un abattement sur le salaire statistique en raison de circonstances particulières (liées au handicap de la personne ou à d’autres facteurs) est une question de droit qui peut être examinée librement par le Tribunal fédéral (ATF 142 V 178 consid. 2.5.9 p. 191; 137 V 71 consid. 5.1 p. 72).

Dans le rapport d’expertise privée, le spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur indique que l’assuré ne peut plus fléchir complètement son coude droit ; cela provoque des douleurs, des décharges électriques et un manque de force au niveau du biceps brachial. Il considère que l’assuré peut exercer une activité où son membre supérieur droit ne porte pas de charges plus lourdes que 3 kg « dans moins de 10% du temps », sans travail répétitif de ce membre et sans exercice de motricité relativement fine avec la main droite. Il précise ensuite que la force du biceps est mesurée à environ 6-7 kg au test de force maximale et que cette charge ne peut donc pas être répétée plusieurs fois par jour. Pour un travail répétitif, la charge devrait être plutôt aux alentours de 4,5 kg. Quant à la médecin-conseil, elle indique rejoindre partiellement l’avis de l’expert privé quant à l’exigibilité. Elle soutient que, dans l’ancienne activité de l’assuré, il conviendrait de tenir compte d’une perte de rendement de 25%, puisque le port de charges supérieures à 7 kg et les mouvements répétitifs de flexion-extension du coude doivent être évités. Dans ce cas de figure, il serait judicieux, selon elle, que l’assuré alterne les tâches administratives en sa qualité de chef d’entreprise avec les tâches sur le terrain, afin de soulager son membre supérieur droit. Par contre, dans une activité respectant les limitations fonctionnelles précitées, la capacité de travail est totale.

Aussi, les appréciations des deux médecins ne divergent-elles que légèrement sur l’étendue des limitations et ne sont en tout cas pas contradictoires. L’on peut retenir sur la base de ces avis médicaux que les limitations fonctionnelles portent sur les mouvements répétitifs au niveau du coude droit et sur le port de charges de plus de 7 kg et qu’il s’agit là d’une valeur maximale en ce sens que le port de charges, même inférieures à ce seuil, doit être alterné avec des périodes de repos du membre supérieur droit. Cela dit, au regard des activités physiques ou manuelles simples que recouvrent les secteurs de la production et des services (tableau TA1_skill_level ESS), un nombre suffisant d’entre elles correspondent à des travaux légers ne nécessitant pas le port régulier de charges excédant les 3 à 4,5 kg (admis par l’expert privé) ou de mouvement répétitif de flexion-extension du coude droit, comme en particulier les activités de contrôle et de surveillance. Une déduction supplémentaire sur le salaire statistique ne se justifie donc pas pour tenir compte des circonstances liées au handicap de l’assuré. En effet, un abattement n’entre en considération que si, dans un marché du travail équilibré, il n’y a plus un éventail suffisamment large d’activités accessibles à l’assuré (cf. en dernier lieu arrêt 8C_174/2019 du 9 juillet 2019 consid. 5.2.2 et et les arrêts cités).

En ce qui concerne le critère de l’âge, le Tribunal fédéral n’a pas encore tranché le point de savoir si, dans le domaine de l’assurance-accidents obligatoire, il constitue un critère d’abattement ou si l’influence de l’âge sur la capacité de gain doit être prise en compte uniquement dans le cadre de la réglementation particulière de l’art. 28 al. 4 OLAA (voir les arrêts 8C_878/2018 du 21 août 2019 consid. 5.3.1; 8C_227/2017 du 17 mai 2018 consid. 5, in SVR 2018 UV n° 40 p. 145; 8C_439/2017 du 6 octobre 2017 consid. 5.6.4, in SVR 2018 UV n° 15 p. 50). Cette question peut encore demeurer indécise en l’espèce dans la mesure où l’assuré n’expose pas en quoi ses perspectives salariales seraient concrètement réduites sur un marché du travail équilibré à raison de son âge. En outre, il était âgé de 50 ans au moment de la naissance du droit à la rente, soit un âge relativement éloigné de celui de la retraite. Quant à l’absence d’expérience et de formation, elle ne joue pas de rôle lorsque le revenu d’invalide est déterminé en référence au salaire statistique auquel peuvent prétendre les hommes effectuant des activités simples et répétitives de niveau de compétence 1. En effet, ce niveau de compétence de l’ESS concerne une catégorie d’emplois ne nécessitant ni formation ni expérience professionnelle spécifique (arrêt 8C_103/2018 du 25 juillet 2018 consid. 5.2). Au demeurant, si l’assuré allègue être de langue maternelle espagnole et n’avoir suivi aucune autre formation que celle de maçon, il n’en demeure pas moins qu’il admet bien parler le français, étant arrivé en Suisse à l’âge de 17 ans, et qu’après un apprentissage de maçon et une expérience auprès d’un second employeur, il est parvenu à fonder sa propre entreprise au service de laquelle il a travaillé pendant presque vingt ans (cf. à ce sujet le rappel anamnestique du rapport d’expertise).

Compte tenu de ce qui précède, les juges cantonaux étaient fondés à refuser de procéder à un abattement sur le revenu d’invalide.

 

IPAI

La fixation de l’indemnité pour atteinte à l’intégrité dépend uniquement de facteurs médicaux objectifs valables pour tous les assurés, sans égard à des considérations d’ordre subjectif ou personnel ; elle n’est d’aucune manière liée à l’importance de l’incapacité de gain qu’elle est susceptible ou non d’entraîner (ATF 143 V 231 consid. 4.4.5 p. 238; 113 V 218 consid. 4b p. 221 s.). La médecin-conseil explique de manière circonstanciée pour quels motifs elle s’écarte de de l’évaluation de l’expert privé. Elle indique en particulier que la perte de force et le déficit en supination de 20° du coude droit ne peuvent pas être comparés à la perte même partielle d’un membre supérieur. En outre, le coude de l’assuré ne présente pas de blocage ou de déficit en flexion ou extension mais uniquement un déficit de supination, pour lequel pourrait être retenu un taux de 2,5%. Considérant que l’état du coude est plutôt similaire à une arthrose moyenne, laquelle implique une diminution de la force due aux douleurs avec ou sans diminution des amplitudes articulaires, la médecin-conseil s’est référée à la table 5 relative aux atteintes à l’intégrité résultant d’arthroses, laquelle prévoit un taux situé entre 5% et 10% en cas d’arthrose moyenne, et a retenu un taux global de 7,5%. Ces considérations n’apparaissent pas critiquables et ne sont pas d’ailleurs pas critiquées par l’assuré. Il y a lieu de s’y rallier.

 

Frais d’expertise privée à la charge de l’assurance-accidents

Aux termes de l’art. 45 al. 1 LPGA, les frais de l’instruction sont pris en charge par l’assureur qui a ordonné les mesures; à défaut, l’assureur rembourse les frais occasionnés par les mesures indispensables à l’appréciation du cas ou comprises dans les prestations accordées ultérieurement. Selon la jurisprudence, les frais d’expertise font partie des frais de procédure (arrêt 8C_61/2016 du 19 décembre 2016 consid. 6.1 et les arrêts cités, in SVR 2017 n° 19 p. 63). Les frais d’expertise privée peuvent être inclus dans les dépens mis à la charge de l’assureur social lorsque cette expertise était nécessaire à la résolution du litige (ATF 115 V 62 consid. 5c p. 63; arrêts 8C_61/2016 précité consid. 6.1 in fine; 8C_354/2015 du 13 octobre 2015 consid. 6.1 et les arrêt cités, in SVR UV n° 24 p. 75).

En l’espèce, même si la cour cantonale a préféré les conclusions de la médecin-conseil à celles de l’expert privé, il n’en reste pas moins que le rapport d’expertise privée a joué un rôle déterminant dans la résolution du litige. En effet, le rapport de la médecin-conseil consiste essentiellement en une prise de position sur le rapport d’expertise privée et ne peut pas être lu indépendamment de celui-ci. En outre, la médecin-conseil s’est partiellement ralliée aux conclusions de ce médecin, ce qui a conduit l’assurance-accidents à admettre l’opposition de l’assuré. Il y a donc lieu de retenir que l’expertise a été utile à la prise de décision et qu’elle a constitué une mesure indispensable à l’appréciation du cas au sens de l’art. 45 al. 1 LPGA. Dans ces conditions, on ne peut pas partager le point de vue des juges cantonaux en tant qu’ils considèrent la question de la prise en charge des frais d’expertise comme étant exorbitante de l’objet du litige. Compte tenu de la jurisprudence, on ne saurait d’ailleurs reprocher à l’assuré d’avoir attendu l’issue de la procédure d’opposition pour réclamer le remboursement de ces frais (sur le sujet voir ANNE-SYLVIE DUPONT, in Commentaire Romand, Loi sur la partie générale des assurances sociales, 2018, n° 14 ad art. 45 LPGA; UELI KIESER, ATSG-Kommentar, 3 e éd. 2015, n os 19-21 LPGA). Partant, en refusant à l’assuré le remboursement par l’assurance-accidents des frais d’expertise privée, la juridiction cantonale a violé le droit fédéral. Sur ce point, le recours se révèle bien fondé.

 

Le TF admet partiellement le recours de l’assuré, reformant le jugement cantonal en ce sens que l’assuré a droit au remboursement par l’assurance-accidents des frais d’expertise privée.

 

 

Arrêt 8C_122/2019 consultable ici

 

 

8C_277/2019 (f) du 22.01.2020 – Troubles psychiques – Causalité adéquate – 6 LAA / Accident de gravité moyenne à la limite des accidents de peu de gravité / Critères du traitement médical, de l’erreur dans le traitement médical, du degré et de la durée de l’incapacité de travail, de la gravité de la lésion (fracture-tassement de L3)

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_277/2019 (f) du 22.01.2020

 

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Troubles psychiques – Causalité adéquate / 6 LAA

Accident de gravité moyenne à la limite des accidents de peu de gravité

Critères du traitement médical, de l’erreur dans le traitement médical, du degré et de la durée de l’incapacité de travail, de la gravité de la lésion (fracture-tassement de L3)

 

Assuré, né en 1969, travaillait en qualité de peintre en bâtiment au service de l’entreprise B.__ SA depuis le 01.09.2015. Le 15.10.2015 suivant, il a été victime d’un accident à son lieu de travail : alors qu’il portait un radiateur, il a trébuché sur des tuyaux en reculant et a fait une chute en arrière. Il a subi une fracture-tassement du plateau supérieur L3 avec inclusion discale, qui a été traitée conservativement. Les examens radiologiques ont également révélé des troubles dégénératifs étagés du rachis. Une incapacité de travail de 100% a été prescrite depuis le jour de l’accident.

Une tentative de reprise de travail à 50% le 14.02.2016 s’est soldée par un échec en raison d’une recrudescence des douleurs. Un des médecins consultés ayant examiné l’assuré a déclaré qu’il était trop tard pour une kyphoplastie – intervention qu’il aurait recommandée immédiatement après l’accident – mais qu’une cémentoplastie était une option envisageable pour solidifier le corps vertébral. L’assuré a aussi été consulté un service hospitalier de chirurgie de la colonne vertébrale, où l’on a constaté que la fracture n’était pas encore guérie et émis des réserves à l’indication d’une cémentoplastie. A l’issue du séjour dans une clinique de réadaptation (05.07.2016-04.08.2016), l’état de l’assuré a été considéré comme encore non stabilisé, tout en observant une évolution favorable ; le scanner lombaire réalisé en cours de séjour montrait un status consolidé de la fracture. En septembre 2016, l’assuré a tenté une nouvelle reprise du travail qui a dû être interrompue après quatre semaines. Des infiltrations facettaires ont alors été pratiquées pour réduire la symptomatologie douloureuse.

Le 13.02.2017, le médecin-conseil a procédé à un examen médical. Il a considéré que l’état de l’assuré était désormais stabilisé et a retenu une capacité de travail entière dans une activité adaptée permettant d’alterner les positions assise et debout, sans port de charges répété de plus de 10 kg et sans mouvements de rotation, de flexion ou de maintien en porte-à-faux du rachis. Le taux d’IPAI a été fixé à 10%.

Du 24.04.2017 au 25.06.2017, l’assuré a bénéficié d’une mesure d’orientation professionnelle de l’AI. La formation prévue à la suite de cette mesure n’a pas été entreprise en raison des douleurs de l’assuré. La médecin-traitant rapporte une évolution défavorable (importantes douleurs lombaires avec, nouvellement, des sciatalgies variables) ainsi que d’une détresse psychologique, nonobstant les traitements prodigués. Le 17.04.2018, l’assuré a été examiné à l’unité de réadaptation psychosomatique, où les médecins ont posé les diagnostics d’épisode dépressif moyen (F32.11) et de douleurs somatoformes chroniques persistantes (F45.4).

L’assurance-accidents a mis fin aux prestations d’assurance avec effet au 31.05.2018, vu la stabilisation de l’état de santé de l’assuré sur le plan organique, et a nié sa responsabilité pour les troubles psychiques annoncés.

 

Procédure cantonale

La cour cantonale a classé l’événement du 15.10.2015 dans la catégorie des accidents de gravité moyenne à la limite des accidents de peu de gravité.

Par jugement du 26.03.2019, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Pour que le caractère adéquat de l’atteinte psychique puisse être retenu dans les cas de gravité moyenne à la limite des accidents de peu de gravité, il faut un cumul de quatre critères au moins parmi les sept consacrés par la jurisprudence ou que l’un des critères se manifeste avec une intensité particulière (arrêt 8C_775/2017 du 13 juin 2018 consid. 5.3 et la référence).

 

Critère du traitement médical

En ce qui concerne le traitement médical, on rappellera que l’aspect temporel n’est pas seul décisif ; sont également à prendre en considération la nature et l’intensité du traitement, et si l’on peut en attendre une amélioration de l’état de santé de l’assuré (arrêt 8C_533/2017 du 17 avril 2018 consid. 3.3 et les références). La prise de médicaments antalgiques et la prescription de traitements par manipulations même pendant une certaine durée ne suffisent pas à fonder ce critère (arrêt 8C_804/2014 du 16 novembre 2015 consid. 5.2.2). La jurisprudence a notamment nié que ce critère fût rempli dans le cas d’un assuré dont le traitement médical du membre supérieur accidenté avait consisté en plusieurs opérations chirurgicales et duré deux ans (arrêt U 37/06 du 22 février 2007 consid. 7.3).

En l’espèce, l’assuré n’a subi aucune intervention chirurgicale et a suivi un traitement conservateur sous la forme de séances de physiothérapie pendant une année. En raison de la persistance d’un syndrome lombaire, dix infiltrations facettaires ont été réalisées entre novembre 2016 et décembre 2017, date à partir de laquelle les médecins ont estimé qu’il convenait de changer d’approche thérapeutique et ont posé l’indication à un traitement stationnaire avec un programme de réadaptation psychosomatique multimodale. Globalement, le traitement médical des seules lésions physiques, qui a duré deux ans, ne peut pas être considéré comme pénible et invasif sur une longue durée (voir a contrario, pour un cas où ce critère a été admis, l’arrêt 8C_818/2015 du 15 novembre 2016 consid. 6.2).

 

Critère de l’erreur dans le traitement médical entraînant une aggravation notable des séquelles de l’accident

On ne saurait admettre le critère de l’erreur dans le traitement médical entraînant une aggravation notable des séquelles de l’accident.

Le seul fait qu’un des médecins consultés a déclaré, dans une lettre adressée au médecin traitant de l’assuré, qu’il était « dommage que la décision d’une intervention chirurgicale [kyphoplastie] n’ait pas été prise rapidement après le traumatisme » ne permet pas encore de conclure que le choix thérapeutique d’un traitement conservateur relèverait d’une erreur médicale. Cela ne ressort en tout cas pas des avis des médecins de l’hôpital. S’y référant, un autre médecin a exprimé les mêmes réserves à l’égard d’un geste chirurgical, précisant que l’indication à une telle mesure en cas de fracture L3 de type A2 selon Magerl (comme chez l’assuré) devait être posée avec prudence et en considération non seulement des éléments anatomiques, mais également du contexte socioprofessionnel et psychologique. Au surplus, l’assuré a déclaré qu’il ne voulait pas se faire opérer et il n’est pas non plus établi que l’absence d’une intervention chirurgicale a conduit à une aggravation de son état.

 

Critère du degré et de la durée de l’incapacité de travail

Quant au critère du degré et de la durée de l’incapacité de travail, il doit se rapporter aux seules lésions physiques et ne se mesure pas uniquement au regard de la profession antérieurement exercée par l’assuré. Ainsi, il n’est pas rempli lorsque l’assuré est apte, même après un certain laps de temps, à exercer à plein temps une activité adaptée aux séquelles accidentelles qu’il présente (p. ex. arrêt 8C_208/2016 du 9 mars 2017 consid. 4.1.2).

En l’espèce, l’appréciation du médecin-conseil selon laquelle l’assuré est objectivement en mesure d’exercer une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles depuis l’examen du 13.02.2017 n’est contredit par aucun autre avis médical. Il correspond par ailleurs au pronostic favorable émis par les médecins de la clinique de réadaptation et de l’hôpital E.__ (rapport du 08.09.2016) avant l’évolution défavorable de l’état de santé psychique de l’assuré. Ce critère ne peut donc pas être retenu.

 

Critère de la gravité de la lésion

S’agissant du degré de gravité de la lésion subie par l’assuré, l’appréciation de la cour cantonale apparaît discutable. Ce n’est en effet que dans certaines circonstances particulières que le Tribunal fédéral a reconnu qu’une atteinte à la colonne vertébrale constitue une lésion grave propre à entraîner des répercussions sur l’état de santé psychique de la personne qui en a été victime (cf. ATF 140 V 356 consid. 5.5.1 p. 261 et les arrêts cités). Dans un cas, l’atteinte en cause avait nécessité trois opérations chirurgicales ; dans l’autre, il s’agissait d’une fracture instable de la colonne vertébrale. Or, selon les constatations médicales au dossier, on ne voit pas que la fracture L3 subie par l’assuré ait présenté des particularités telles qu’il se justifierait de la qualifier de lésion grave au sens de la jurisprudence. Quoi qu’il en soit, ce critère ne s’est pas manifesté d’une manière particulièrement marquante.

 

Critère de la persistance des douleurs physiques

Finalement, le critère de la persistance des douleurs physiques a été à juste titre admis par l’instance précédente. Il n’a toutefois pas non plus revêtu une intensité particulière. En effet, des périodes d’amélioration sont documentées dans le dossier et il ne ressort pas des déclarations de l’assuré au médecin-conseil qu’il aurait été constamment et de manière significative entravé dans sa vie quotidienne en raison de ses douleurs (voir, pour un cas où ce critère a été admis, l’arrêt 8C_493/2017 du 10 juillet 2018 consid. 5.3).

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_277/2019 consultable ici

 

 

8C_631/2019 (d) du 18.12.2019 – Revenu d’invalide effectivement réalisé après mesures AI très inférieur au revenu d’invalide selon l’ESS (valeur centrale ; toute branche confondue) – 16 LPGA / Marché équilibré du travail – Obligation de réduire le dommage

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_631/2019 (d) du 18.12.2019

 

NB : Traduction personnelle ; seul le texte de l’arrêt fait foi.

Consultable ici

 

Revenu d’invalide effectivement réalisé après mesures AI très inférieur au revenu d’invalide selon l’ESS (valeur centrale ; toute branche confondue) / 16 LPGA

Marché équilibré du travail – Obligation de réduire le dommage

 

Assuré, né en 1980, employé comme couvreur depuis le 02.04.2013, est victime d’un accident le 18.04.2013 : alors qu’il skiait, il a subi une fracture multi-fragmentaire et une fracture-compression dans le pied gauche. Il a été opéré le 01.05.2013 (ostéosynthèse).

Du 11.04.2016 au 10.10.2016, l’assuré a bénéficié de mesures AI sous la forme d’un stage chez D.__ AG. Dès le 11.10.2016, il travaille dans cette entreprise à 100% au bureau et à l’atelier (imprimeur publicitaire) pour un revenu annuel de CHF 54’600 (CHF 4’200 par mois).

Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a octroyé une IPAI de 15% et refusé le droit à une rente d’invalidité, le taux d’invalidité n’étant que de 5.87%. L’assurance-accidents a retenu un revenu d’invalide de CHF 64’429 sur la base de l’ESS (niveau de compétences 2, toutes branches confondues, abattement de 10%).

 

Procédure cantonale

Selon le tribunal cantonal, les rapports de travail chez D.__ AG sont stables, que cette activité met pleinement en valeur la capacité de travail résiduelle exigible l’assuré. La capacité de travail à plein temps dans les activités de bureau et d’atelier (imprimeurs de publicité) avait été créée à la suite de la mesure professionnelle de l’AI. Un retour dans l’ancien activité n’était pas possible et la réadaptation en tant que moniteur de conduite n’avait pas eu lieu. La cour cantonale a estimé que l’activité d’imprimeur publicitaire réalisée à plein temps correspondait de manière optimale au profil d’emploi raisonnable, ce qui lui a permis d’utiliser pleinement sa capacité de travail restante. Cela était d’autant plus vrai que l’assuré n’avait pas réussi l’examen de technico-commercial malgré un soutien scolaire financé par l’AI. En outre, il n’y avait pas de salaire social, puisque le revenu annuel de CHF 54’600 correspondait à sa capacité de travail. Il était donc erroné d’utiliser de prendre le salaire ESS, plus élevé, comme revenu d’invalide. La comparaison entre le revenu d’invalide concret de CHF 54’600 et le revenu sans invalidité de CHF 68’375 (non contesté) donne un taux d’invalidité de 20%.

Par jugement du 20.08.2019, acceptation du recours par le tribunal cantonal, annulant la décision et renvoyant la cause à l’assurance-accidents pour le calcul de la rente sur la base d’un degré d’invalidité de 20%.

 

TF

Le revenu d’invalide doit être évalué avant tout en fonction de la situation professionnelle concrète de la personne assurée. La prise en compte du revenu effectivement réalisé est toutefois subordonnée à certaines conditions cumulatives, à savoir : des rapports de travail particulièrement stables, une activité mettant pleinement en valeur la capacité de travail résiduelle exigible et le gain obtenu correspondant au travail effectivement fourni et ne contenant pas d’éléments de salaire social. En l’absence d’un revenu effectivement réalisé – soit lorsque la personne assurée, après la survenance de l’atteinte à la santé, n’a pas repris d’activité lucrative ou alors aucune activité normalement exigible –, le revenu d’invalide peut être évalué sur la base de salaires fondés sur les données statistiques résultant de l’ESS (ATF 143 V 295 consid. 2.2 p. 296).

Pour déterminer le revenu d’invalide, le revenu réel sert de base si, entre autres, l’on peut raisonnablement s’attendre à ce que l’assuré utilise pleinement sa capacité de travail restante. Ce n’est pas le cas si, sur le marché équilibré du travail, il pourrait gagner un salaire plus élevé que celui qu’il reçoit réellement. Sur ce marché du travail hypothétique, un changement d’emploi est également exigible s’il est très difficile, voire impossible, pour l’assuré de trouver un emploi correspondant, en raison des conditions économiques du marché du travail réel. La prise en compte de ce revenu hypothétique plus élevé se fonde moins sur l’obligation de réduire le dommage que sur le fait que l’assurance-accidents ne doit compenser que la perte de salaire causée par l’atteinte à la santé en lien avec l’accident (SVR 2017 UV n° 45 p. 155, 8C_13/2017 consid. 3.3). Lors de l’évaluation de l’invalidité, l’assuré doit tenir compte, comme revenu d’invalide, le salaire qu’il pourrait gagner sur le marché général du travail dans un poste exigible ; même s’il s’abstient de changer de profession ou d’emploi en raison de perspectives favorables au poste qu’il a eu jusqu’à présent, il ne peut pas s’attendre à ce que l’assurance-accidents indemnise la perte de salaire en raison de la renonciation à un revenu raisonnablement exigible (arrêt 8C_109/2018 du 8 novembre 2018 consid. 4.2 et la référence).

Il existe donc une différence importante d’environ CHF 10’000 entre le revenu de CHF 64’429 (selon ESS) et le salaire réel de CHF 54’600. Le Tribunal fédéral conclut que l’assuré ne met pas pleinement en valeur sa capacité de travail résiduelle exigible (voir également l’arrêt 9C_479/2018 du 22 février 2019 consid. 4.2 e contrario, 8C_475/2017 du 5 décembre 2017 consid. 6.3). Lors d’un entretien du 15.03.2017 avec l’office AI, l’assuré a également déclaré que le faible salaire lui causait des problèmes ; on lui avait promis CHF 5’000. Le calcul du revenu d’invalide ne peut donc pas se basé sur les revenus de D.__ AG.

Le Tribunal fédéral ne suit pas le recourant lorsqu’il se réfère à la pratique selon laquelle le revenu d’invalide d’un assuré qui, après des mesures de réadaptation professionnelle réussie dans une nouvelle profession, n’a pas entièrement mis en valeur la capacité de travail résiduelle exigible doit être déterminé sur la base des revenus réels (« projetés à la hausse » [« hochgerechneten »]) et non sur la base des salaires statistiques (arrêt 8C_579/2009 du 6 janvier 2010 consid. 2.3.2). Le Tribunal fédéral rappelle que l’assuré épuise sa capacité de travail en œuvrant à 100% pour D.__ AG, mais reçoit un salaire nettement inférieur à celui qu’on peut obtenir sur le marché du travail équilibré. Par conséquent, le salaire dans cette entreprise ne peut être pris en compte. Cela est d’autant moins vrai que l’assuré ne possède pas de certificat de capacité dans la profession de technicien en publicité, mais qu’il n’a effectué qu’un stage d’une durée de 6 mois.

Par ailleurs, l’office AI a calculé le revenu d’invalide comme l’assurance-accidents.

 

Le TF admet le recours de l’assurance-accidents, annule le jugement cantonal et confirme la décision sur opposition.

 

 

Arrêt 8C_631/2019 consultable ici

 

 

8C_109/2018 (d) du 08.11.2018 – Revenu d’invalide – 16 LPGA / Obligation de réduire le dommage – Exigibilité / Revenu d’invalide effectif vs Revenu d’invalide selon ESS

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_109/2018 (d) du 08.11.2018

 

NB : Traduction personnelle ; seul le texte de l’arrêt fait foi.

Consultable ici

 

Revenu d’invalide / 16 LPGA

Obligation de réduire le dommage – Exigibilité

Revenu d’invalide effectif vs Revenu d’invalide selon ESS

 

Assuré, né en 1951, travaillant comme chef de cuisine depuis le 01.07.1997 au restaurant B.__, est tombé en travaillant le 28.06.2011. Il a notamment souffert d’une rupture de la coiffe des rotateurs droite. Par décision du 16.02.2016, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a mis fin aux indemnités journalières et aux frais médicaux avec effet rétroactif au 01.03.2012, octroyé une IPAI de 20% et refusé le droit à une rente d’invalidité.

 

Procédure cantonale

Sur la d’une expertise réalisée par un spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur, bien que la capacité exigible de travail dans l’activité habituelle de cuisinier soit de 50%, une capacité de travail de 100% dans une activité adaptée à l’état de santé de l’assuré est exigible. L’assuré peut travailler dans une activité physiquement légère à moyennement lourde, effectuée en position assise ou debout, permettant le port de charges jusqu’à 10 kg avec un bras et avec des activités occasionnelles au-dessus de la tête.

Étant donné que l’assuré a été de nouveau employé par son ancien employeur, le restaurant B.__ de la mi-janvier 2012 à la fin mars 2012, puis par une boulangerie en tant que vendeur de mai 2012 à février 2013 et derechef employé par le restaurant B.__ dès décembre 2013 – en fait, seulement 50 % de sa charge de travail tout au long de la période –, il n’a pas pleinement mis à profit sa capacité de travail restante. L’assurance-accidents était ainsi autorisé à déterminer le revenu d’invalide sur la base des ESS, les conditions pour la prise en compte des revenus effectifs n’étant pas remplies.

Par jugement du 24.11.2017, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Le revenu d’invalide doit être évalué avant tout en fonction de la situation professionnelle concrète de la personne assurée. La prise en compte du revenu effectivement réalisé est toutefois subordonnée à certaines conditions cumulatives, à savoir : des rapports de travail particulièrement stables, une activité mettant pleinement en valeur la capacité de travail résiduelle exigible et le gain obtenu correspondant au travail effectivement fourni et ne contenant pas d’éléments de salaire social. En l’absence d’un revenu effectivement réalisé – soit lorsque la personne assurée, après la survenance de l’atteinte à la santé, n’a pas repris d’activité lucrative ou alors aucune activité normalement exigible –, le revenu d’invalide peut être évalué soit sur la base de salaires fondés sur les données statistiques résultant de l’ESS, soit sur la base des DPT (ATF 135 V 297 consid. 5.2 p. 301 ; arrêt 8C_749/2013 du 6 mars 2014 consid. 4.1).

Pour déterminer le revenu d’invalide, le revenu réel sert de base si, entre autres, l’on peut raisonnablement s’attendre à ce que l’assuré utilise pleinement sa capacité de travail restante. Ce n’est pas le cas si, sur le marché équilibré du travail, il pourrait gagner un salaire plus élevé que celui qu’il reçoit réellement. Sur ce marché du travail hypothétique, un changement d’emploi est également exigible s’il est très difficile, voire impossible, pour l’assuré de trouver un emploi correspondant, en raison des conditions économiques du marché du travail réel. La prise en compte de ce revenu hypothétique plus élevé se fonde moins sur l’obligation de réduire le dommage que sur le fait que l’assurance-accidents ne doit compenser que la perte de salaire causée par l’atteinte à la santé en lien avec l’accident (SVR 2017 UV n° 45 p. 155, 8C_13/2017 consid. 3.3). Lors de l’évaluation de l’invalidité, l’assuré doit tenir compte, comme revenu d’invalide, le salaire qu’il pourrait gagner sur le marché général du travail dans un poste exigible ; même s’il s’abstient de changer de profession ou d’emploi en raison de perspectives favorables au poste qu’il a eu jusqu’à présent, il ne peut pas s’attendre à ce que l’assurance-accidents indemnise la perte de salaire en raison de la renonciation à un revenu raisonnablement exigible (arrêt 8C_475/2017 du 5 décembre 2017 consid. 6.1).

Selon le Tribunal fédéral, il ne peut être donner suite aux griefs de l’assuré. Dans la mesure où il souhaite baser le calcul du taux d’invalidité sur les revenus actuels de son emploi de cuisinier (sous-chef) à 50%, il néglige le fait qu’il n’épuise pas sa capacité de travail restante. En effet, dans un emploi adapté à son état de santé, il pourrait travailler à 100% et obtenir des revenus qui ne lui donneraient pas droit à une rente. Aucune réadaptation n’étant nécessaire à cette fin, l’assurance-accidents a déterminé le revenu d’invalide sur la base du tableau TA1 de l’ESS 2012 (Total, hommes, niveau de compétence 1). Les activités selon le niveau de compétences 1 ne requièrent ni formation, ni expérience professionnelle spécifique. Ainsi, lors de la détermination du revenu d’invalide, ce revenu hypothétiquement plus élevé doit être pris en compte, ce d’autant plus qu’on pouvait raisonnablement attendre de l’assuré à ce qu’il change d’emploi. En ce qui concerne l’exigibilité définie par le médecin, il est également clair qu’un large éventail de possibilités d’emploi est encore ouvert à l’assuré sur le marché du travail équilibré.

Par ailleurs, l’assuré ne peut pas tirer profit du fait qu’il perçoit une rente de l’AI (et de la LPP) sur la base d’un taux d’invalidité de 50%. Comme l’a rappelé la juridiction cantonale, l’évaluation de l’invalidité par les organes de l’assurance-invalidité n’a pas de force contraignante pour l’assureur-accidents (ATF 131 V 362 consid. 2.2 p. 366 s). En revanche, les offices AI et les assureurs-accidents doivent évaluer l’invalidité de manière indépendante dans chaque cas individuel (ATF 133 V 549 consid. 6.1 p. 553). Par ailleurs, les rentes de l’AI et de la LPP ne peuvent pas être additionnées avec le revenu actuel provenant de l’activité en tant que sous-chef à 50% pour la détermination du revenu d’invalide.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_109/2018 consultable ici

 

 

8C_13/2017 (d) du 21.06.2017 – Revenu d’invalide – 16 LPGA / Obligation de réduire le dommage – Exigibilité – Retraite anticipée en cas de maintien d’emploi vs Changement d’emploi exigible

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_13/2017 (d) du 21.06.2017

 

NB : Traduction personnelle ; seul le texte de l’arrêt fait foi.

Consultable ici

 

Revenu d’invalide / 16 LPGA

Obligation de réduire le dommage – Exigibilité – Retraite anticipée en cas de maintien d’emploi vs Changement d’emploi exigible

 

Assuré, né en 1958, maçon, a été victime d’une blessure à l’œil le 20.12.2012 causée par une blessure par balle lors de la chasse aux lapins au Portugal (blessure par balle pénétrante à droite). Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents octroie, en plus d’une IPAI de de 28%, une rente d’invalidité de 31% à compter du 01.05.2015.

 

Procédure cantonale

Selon l’exigibilité posée par l’ophtalmologue-conseil, l’assuré serait en mesure de travailler à 100% dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles. Néanmoins, malgré sa blessure à l’œil, il est resté employé comme maçon par son employeur précédent. Le tribunal cantonal n’a pas considéré comme exigible un changement d’emploi, adapté au handicap. La cour cantonale a ainsi retenu le salaire encore perçu dans son activité de maçon auprès de son employeur actuel comme revenu d’invalidité.

La cour cantonale inférieure a pris en considération la durée de l’emploi existant depuis 2007 et la volonté de l’employeur de continuer à employer l’assuré jusqu’à la retraite anticipée à l’âge de 60 ans. En raison de l’atteinte à la santé et de la réduction des performances qui en a résulté, la rémunération a été réduite en conséquence à 60% du salaire qui aurait été versé sans dite atteinte. Le tribunal cantonal a conclu qu’il fallait partir du principe qu’il s’agissait d’une relation de travail particulièrement stable et qu’aucun salaire social n’était versé. Dans un autre emploi, il ne s’attendait pas à une augmentation significative du revenu du travail pour la période d’activité restante de plus de trois ans jusqu’à la retraite anticipée. En ce qui concerne la possibilité de prendre une retraite anticipée et le soutien prévu à cet effet sous la forme d’une rente de transition, la cour cantonale a estimé qu’il n’était pas raisonnable d’abandonner l’activité antérieure au profit d’une activité adaptée, compte tenu des difficultés pour trouver un nouvel emploi en raison de l’invalidité existante.

Par jugement du 15.11.2016, admission du recours par le tribunal cantonal, portant le taux d’invalidité à 40%.

 

TF

Avant de requérir des prestations, entreprendre de son propre chef tout ce qu’on peut raisonnablement attendre d’elle pour atténuer le mieux possible les conséquences de son invalidité. C’est pourquoi un assuré n’a pas droit à une rente lorsqu’il serait en mesure, au besoin en changeant de profession, d’obtenir un revenu excluant une invalidité ouvrant droit à une rente. Le point de savoir si une mesure peut être exigée d’un assuré doit être examiné au regard de l’ensemble des circonstances objectives et subjectives du cas concret. Cela vaut également lorsqu’il s’agit de passer d’une activité rémunérée exercée depuis des années à un emploi sur le marché général du travail qui peut être plus approprié compte tenu des limitations fonctionnelles, ou même de renoncer à une activité exercée en tant qu’indépendant avec sa propre entreprise. Par circonstances subjectives, il faut entendre en premier lieu l’importance de la capacité résiduelle de travail ainsi que les facteurs personnels tels que l’âge, la situation professionnelle concrète ou encore l’attachement au lieu de domicile. Parmi les circonstances objectives doivent notamment être pris en compte l’existence d’un marché du travail équilibré et la durée prévisible des rapports de travail (SVR 2010 IV Nr. 11 S. 35, 9C_236/2009 consid. 4.1 et 4.3; 2007 IV Nr. 1 S. 1, arrêts I 750/04 du 5 avril 2006 consid. 5.3 ; 9C_834/2011 du 2 avril 2012 consid 2 et 8C_482/2010 du 27 septembre 2010 consid. 4.2).

Sur la base des salaires statistiques (ESS) et avec un abattement de 10% pour les troubles oculaires, l’assuré pourrait obtenir un revenu d’invalide de CHF 60’090 s’il exerçait une activité adaptée à son handicap. Comparé au revenu sans invalidité de CHF 86’550, le taux d’invalidité est de 31%. Si l’on prend le revenu d’invalide celui effectivement perçu dans l’activité de maçon, le degré d’invalidité est de 40%.

 

Le marché du travail équilibré offre un éventail d’emplois diversifiés, ce qui permet de trouver un emploi approprié même avec le handicap de l’assuré. Le fait que ce dernier ait – selon ses propres dires – toujours travaillé pendant 31 ans comme maçon et n’ait aucune formation professionnelle ne l’empêche pas de s’orienter vers une nouvelle profession et de procéder aux nécessaires recherches d’emploi. Les difficultés qui peuvent se présenter et qui peuvent entraîner certains inconvénients sont des circonstances qui ne rendent pas un tel changement inexigible. Ils doivent être acceptés dans le cadre de l’obligation de diminuer le dommage qui incombe à l’assuré ayant droit à des prestations d’assurance.

Le refus de l’assuré de changer de profession est compréhensible compte tenu de la possibilité d’une retraite anticipée à l’âge de 60 ans. Toutefois, l’assuré ne peut pas s’attendre à ce que l’assurance-accidents prenne en charge la baisse de salaire par le fait qu’il s’abstienne d’exercer une activité exigible. Cela conduirait à une situation inéquitable par rapport aux assurés qui n’ont pas la possibilité de prendre une retraite anticipée.

 

Le TF admet le recours de l’assurance-accidents, annule le jugement cantonal et confirme la décision sur opposition de l’assurance-accidents.

 

 

Arrêt 8C_13/2017 consultable ici

 

 

8C_475/2017 (d) du 05.12.2017 – Revenu d’invalide effectivement réalisé après mesures AI inférieur au revenu d’invalide exigible possible sur le marché du travail (salaire usuel de la branche) – 16 LPGA / Marché équilibré du travail – Obligation de réduire le dommage

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_475/2017 (d) du 05.12.2017

 

NB : Traduction personnelle ; seul le texte de l’arrêt fait foi.

Consultable ici

 

Revenu d’invalide effectivement réalisé après mesures AI inférieur au revenu d’invalide exigible possible sur le marché du travail (salaire usuel de la branche) / 16 LPGA

Marché équilibré du travail – Obligation de réduire le dommage

 

Assurée, née en 1964, employée de l’hôpital B.__ à partir du 01.04.2001, a annoncé le 04.11.2008 un problème avec un désinfectant, entraînant incapacité totale de travail dès le 29.09.2008. Le 23.11.2009, une décision d’inaptitude a été établie, déclarant l’assurée inapte à effectuer des travaux impliquant une exposition au désinfectant Terralin Protect avec effet rétroactif au 01.11.2009. L’AI a pris en charge un cours de base « Codage médical » et un cours pour débutants, que l’assurée a suivi avec succès. L’office AI a nié le droit à une rente d’invalidité. Le 15.09.2014, l’assurée est entrée en fonction chez C.__. Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a nié le droit à une indemnité pour changement d’occupation dès le 01.03.2014 ainsi qu’à une rente d’invalidité, mais a accordé une IPAI de CHF 9’450.

 

Procédure cantonale

Selon la cour cantonale, il faut tenir compte du revenu perçu dans l’accomplissement du travail actuel, car on peut supposer qu’il s’agit d’une relation de travail stable (emploi d’un an et demi) et que l’assurée met pleinement à profit sa capacité de travail restant ; il n’y a en outre pas d’indication à un salaire sociale. Pour la juridiction cantonale, le fait que le salaire effectif est inférieur au revenu exigible selon l’ESS et que l’assurée obtenir un revenu plus élevé auprès de son ancien employeur ou un autre emploi ne change rien. Étant donné qu’il n’est pas certain que l’assurée puisse actuellement augmenter son pensum à 100%, l’affaire doit être renvoyée à l’assurance-accidents afin qu’elle clarifie ce point et, s’il est possible d’augmenter le pensum, qu’elle prenne en compte le salaire actuel à 100% ; dans la négative, l’assurance-accidents doit déterminer le revenu pour une activité exercée à 30% conformément au tableau T17 de l’ESS et détermine ensuite le droit à la rente.

Par jugement du 17.05.2017, admission du recours par le tribunal cantonal, annulant la décision sur opposition de l’assurance-accidents et renvoyant la cause pour instruction et pour déterminer le droit à la rente au sens des considérants.

 

TF

Le revenu d’invalide doit être évalué avant tout en fonction de la situation professionnelle concrète de la personne assurée à condition, entre autres, que l’activité mette pleinement en valeur la capacité de travail résiduelle exigible. Ce n’est pas le cas si l’assuré pourrait gagner, sur le marché du travail équilibré, un revenu plus élevé que celui effectivement perçu. Sur ce marché du travail hypothétique, un changement d’emploi est également exigible s’il est très difficile, voire impossible, pour l’assuré de trouver un emploi correspondant, en raison des conditions économiques du marché du travail réel. La prise en compte de ce revenu hypothétique plus élevé se fonde moins sur l’obligation de réduire le dommage que sur le fait que l’assurance-accidents ne doit compenser que la perte de salaire causée par l’atteinte à la santé en lien avec l’accident (SVR 2012 UV Nr. 3 p. 9 consid. 2.3, 8C_237/2011 ; cf. aussi Ueli Kieser, ATSG-Kommentar, 3. Aufl. 2015, N. 52 zu Art. 16 ATSG).

La référence par la cour cantonale à l’arrêt 9C_721/2010 du 15 novembre 2010 (publié dans le SVR 2011 IV Nr. 37 p. 109) ne change pas cette situation juridique ; en effet, le consid. 4.1.2 précise que les revenus réels ne peuvent servir de base comme revenu d’invalide que s’ils sont habituels dans l’industrie. Il convient plutôt de rappeler le consid. 3.3 de l’arrêt 8C_13/2017 du 21 juin 2017, selon lequel l’assuré doit tenir compte, comme revenu d’invalide, le salaire qu’il pourrait gagner sur le marché général du travail dans un poste exigible lors de l’évaluation de l’invalidité ; même s’il s’abstient de changer de profession ou d’emploi en raison de perspectives favorables au poste qu’il a eu jusqu’à présent, il ne peut pas s’attendre à ce que l’assurance-accidents indemnise la perte de salaire en raison de la renonciation à un revenu raisonnablement exigible.

Dans son poste actuel exercé à plein temps, l’assuré obtiendrait un salaire de CHF 72’000. Des investigations de l’assurance-accidents auprès de l’ancien employeur (hôpital B.__), il ressort que l’assuré pourrait percevoir un salaire annuel de CHF 95’900 pour le travail qu’elle effectue, sur la base du salaire de départ d’un codeur médical de la tranche salariale 15 avec une fourchette de salaire de CHF 75’893 à CHF 109’276, compte tenu de son expérience professionnelle, ce qui correspond à près de 88% du maximum de la fourchette de salaire. D’autres précisions apportées par l’assurance-accidents ont confirmé ce montant. Par exemple, dans les hôpitaux bernois, la réglementation salariale prévoit une fourchette de salaire de CHF 68’935 à CHF 110’296 pour les femmes débutant comme codeuses médicales et le contrat collectif de travail de l’hôpital de Zoug prévoit une fourchette de salaire de CHF 74’061 à CHF 113’620 pour les femmes. Ainsi, compte tenu des nombreuses années d’expérience professionnelle des assurés dans le système de santé, on peut supposer que ces deux grands employeurs potentiels (comme l’hôpital B.__ et par conséquent les autres hôpitaux cantonaux du canton de Zurich) fixeront également des salaires du même ordre de grandeur. L’hôpital B.__ a indiqué le salaire réalisable précisément en connaissance des limitations fonctionnelles spécifiques.

A l’aune de ce qui précède, il existe un tel écart entre le salaire du poste actuel et le revenu que l’assuré pourrait obtenir sur le marché du travail équilibré compte tenu de sa formation et de sa longue expérience que l’on ne peut pas dire que ce dernier ait un salaire habituel dans le secteur. L’assurée ne fait pas un usage exigible de sa capacité de travail restante, de sorte que le salaire de son employeur actuel ne peut servir pas de base à la détermination du revenu d’invalide. La décision en première instance n’est pas conforme au droit fédéral à cet égard.

En l’espèce, la seule raison pour laquelle le revenu effectivement gagné n’est pas pris en compte est que l’assuré n’utilise pas pleinement sa capacité de travail restante, en ce sens qu’elle exerce l’activité raisonnablement exigible, mais dans un emploi où elle ne gagne pas un salaire usuel dans la branche, se contentant d’un revenu très inférieur. Dans ces circonstances, l’utilisation du salaire normal de la branche de CHF 95’900 tel que calculé par l’assurance-accident n’est pas contestable. En particulier, cela répond également au principe selon lequel le revenu d’invalide doit être déterminée de la manière la plus concrète possible.

Si l’on compare le revenu sans invalidité de CHF 103’887 avec le revenu d’invalide raisonnablement exigible de CHF 95’900, on obtient un degré d’invalidité de 7,7%. Sur la base des éléments obtenus dans les cantons de Berne ou de Zoug, le taux d’invalidité serait encore plus faible. L’assuré n’a pas droit à une rente d’invalidité, le seuil de 10% n’étant pas atteint.

 

Le TF admet le recours de l’assurance-accidents et annule le jugement cantonal.

 

 

Arrêt 8C_475/2017 consultable ici

 

 

8C_523/2019 (d) du 21.01.2020 – destiné à la publication – Surindemnisation – Genèse et interprétation de l’art. 69 al. 2 LPGA / Notion des frais supplémentaires et des éventuelles diminutions de revenu subies par les proches

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_523/2019 (d) du 21.01.2020, destiné à la publication

 

NB : traduction personnelle, seul le texte de l’arrêt fait foi.

Consultable ici

 

Surindemnisation – Genèse et interprétation de l’art. 69 al. 2 LPGA

Notion des frais supplémentaires et des éventuelles diminutions de revenu subies par les proches / 69 al. 2 LPGA

 

En résumé

Le Tribunal fédéral a procédé à une interprétation de l’art. 69 LPGA selon sa lettre (interprétation littérale). Il a également recherché la véritable portée de la norme au regard notamment de la volonté du législateur telle qu’elle ressort notamment des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l’intérêt protégé (interprétation téléologique), ou encore de sa relation avec d’autres dispositions légales (interprétation systématique).

Des documents relatifs à l’art. 69 al. 2 LPGA, il ressort que le législateur avait à l’esprit les pertes de revenus des proches résultant des soins médicalement nécessaires prodigués à l’assuré. Le Tribunal fédéral conclut qu’il faut exclure que le législateur ait voulu inclure dans le calcul de la surindemnisation toute perte de revenus des proches causée par l’accident et ait voulu une réglementation similaire au droit de la responsabilité. Il n’est donc pas nécessaire d’examiner si la perte de revenus de l’épouse de l’assuré doit être traitée comme un « dommage par choc » (« Schockschaden ») en vertu du droit de la responsabilité civile et incluse dans le calcul de la surindemnisation. En outre, il ressort clairement des documents que le législateur a délibérément voulu s’écarter de la méthode de la congruence prévue à l’article 69 al. 1, 2e phrase, LPGA, en ce qui concerne la « congruence personnelle » des pertes de revenus des proches en litige ici, en ce sens que les pertes de revenus peuvent également être prises en compte comme des frais supplémentaires qui ne sont pas survenus pour l’assuré lui-même. Compte tenu de la percée du législateur en matière de « congruence personnelle « , qui est contraire au système, il n’est pas nécessaire d’aller plus loin dans l’interprétation. Enfin, il n’y a aucun élément pour une compréhension différente, même dans le contexte d’une interprétation systématique, historique ou téléologique.

 

 

En détail

Assuré, né en 1962, mécanicien a été victime d’un accident du travail le 22.04.2010. A la suite d’une explosion de gaz et d’une chute de 8 mètres de haut, il a subi des brûlures sur environ 60% de sa surface corporelle, une fracture du bassin, des côtes et de vertèbres et diverses blessures internes. L’assurance-accidents a octroyé les prestations d’assurance. Le 28.03.2013, l’office AI a accordé une rente entière d’invalidité dès le 01.04.2011. Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a octroyé une rente d’invalidité de 100% et une indemnité pour atteinte à l’intégrité de 87,5%.

Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a déterminé que, compte tenu de ses prestations et de celles de l’assurance-invalidité, il restait un droit (rétroactif) à l’indemnité journalière de CHF 2’569.65, en raison d’une surindemnisation de CHF 185’537.70.

 

Procédure cantonale

Selon le tribunal cantonal, il fallait examiner si la perte de revenus de l’épouse de l’assuré avait été causée par l’accident du 22.04.2010. L’épouse n’avait pas assisté à l’accident, c’est pourquoi les dommages directs causés par l’accident lui-même ou la vue de l’accident doivent être refusés. En ce qui concerne le lien de causalité, l’assuré invoque la jurisprudence relative aux « dommages par choc » [Schockschaden]. La perte de revenus de l’épouse était basée sur son incapacité à travailler, causée entre autres par un trouble de stress post-traumatique. Aucun autre traumatisme suffisamment grave autre que l’accident de l’assuré n’a pu être déduit du dossier AI de l’épouse, de sorte qu’un lien de causalité naturelle a pu être retenu. Toutefois, un lien de causalité adéquate doit également exister pour que la responsabilité soit admise. L’incapacité de travail de la femme n’est pas due à l’accident, mais à l’expérience quotidienne de la lutte de l’assuré pour survivre ainsi qu’aux multiples charges de son entreprise et des soins familiaux et ménagers.

Selon le tribunal cantonal, il n’y a pas eu de choc soudain, mais un développement au long cours du trouble psychique. La perte de revenus de l’épouse au sens de l’art. 69 al. 2 LPGA a été refusée.

Par jugement des 26.06.2019 et 15.07.2019, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Selon l’art. 69 LPGA, le concours de prestations des différentes assurances sociales ne doit pas conduire à une surindemnisation de l’ayant droit. Ne sont prises en compte dans le calcul de la surindemnisation que des prestations de nature et de but identiques qui sont accordées à l’assuré en raison de l’événement dommageable (al. 1). Il y a surindemnisation dans la mesure où les prestations sociales légalement dues dépassent, du fait de la réalisation du risque, à la fois le gain dont l’assuré est présumé avoir été privé, les frais supplémentaires et les éventuelles diminutions de revenu subies par les proches (al. 2).

L’art. 69 al. 2 LPGA que des « frais supplémentaires et les éventuelles diminutions de revenu subies par les proches » (« durch den Versicherungsfall verursachten Mehrkosten und allfälliger Einkommenseinbussen von Angehörigen » ; « incluse le spese supplementari provocate dallo stesso evento ed eventuali diminuzioni di reddito subite da congiunti »). La formulation est relativement ouverte. Cela ne signifie pas nécessairement que la perte de revenus des proches doit avoir été causée par la prise en charge des soins et de l’entretien ou par d’autres dépenses en faveur de l’assuré.

Les documents relatifs à l’art. 69 al. 2 LPGA (correspondant à l’art. 76 al. 2 du projet de la LPGA [ci-après : P-LPGA]) montrent que la question de la surindemnisation a subi des modifications au cours des délibérations parlementaires (cf. par exemple BBl 1999 IV 4639 [en allemand ; pour la version française : FF 1999 IV 4290]). Lors de la réunion de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil des Etats (CSSS-CE) du 20.02.1989, il a été déclaré que le revenu de l’assuré doit être ajouté au revenu de la famille proche pour le calcul des prestations d’assurance. Il arrivait souvent que des membres de la famille de personnes invalides quittent leur emploi et restent à la maison pour prodiguer des soins. Cette disposition visait à en tenir compte (procès-verbal de la séance du 20 février 1989, p. 38).

Le rapport de la CSSS-CE du 27.09.1990 indiquait que, pour évaluer la surindemnisation, il convient, comme le prévoit l’art. 76 al. 2 P-LPGA – et comme il en va dans la plupart des branches des assurances sociales – de se fonder sur le gain dont l’assuré est présumé avoir été privé. Pour la détermination de ce gain, le revenu obtenu avant la réalisation du risque assuré constitue naturellement un indice important. Il a été renoncé à calculer le revenu global, y compris celui des proches faisant ménage commun avec l’assuré. C’est seulement lorsque les proches subissent une diminution de revenu, parce qu’ils doivent, par exemple, soigner un invalide, que le montant de cet amoindrissement du gain sera, à l’instar des frais supplémentaires éventuels dus au traitement ou à la surveillance dont l’assuré a besoin, ajouté au gain dont ce dernier a été privé et pris en compte aux fins de voir si la limite de surindemnisation a ou n’a pas été atteinte (BBl 1991 II 267 [en allemand ; pour la version française : FF 1991 II 263]).

Dans sa avis approfondi du 17.08.1994, le Conseil fédéral a estimé qu’une personne qui s’occupe uniquement des travaux ménagers et qui dispense des soins à des proches, une épouse ou un époux qui sacrifie ses vacances pour assurer des soins, quelqu’un qui utilise un moment de ses loisirs pour transporter des proches en voiture auprès d’un médecin dont le cabinet est situé à une distance assez éloignée ont également droit à ce que l’on tienne compte du temps consacré à cette tâche même s’ils ne subissent pas une diminution de revenu. Leur travail décharge en effet aussi les hôpitaux. En conséquence, le Conseil fédéral a demandé l’ajout suivant à l’alinéa 2 : « Les prestations de travail apportées par les proches sont considérées comme des frais supplémentaires même si elles n’entraînent pas de diminution de revenu » (BBI 1994 V 955 [en allemand ; pour la version française : FF 1994 V 933 s.]).

Lors des réunions de la sous-commission LPGA de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national (CSSS-CN), il a toujours été question des soins et soutiens fournis par les proches pour ces services. La question a été abordée de savoir si, dans le cadre de l’art. 76 al. 2 P-LPGA, le travail effectué par les proches dans le cadre des soins et de l’assistance à la personne assurée devait être inclus dans la surindemnisation. Le rapport entre la responsabilité et le droit de la sécurité sociale a également été discuté (procès-verbal du 15 août 1995, p. 21 ss). Il a également été souligné que le Conseil des États n’avait voulu prendre en compte que les pertes de revenus réelles (procès-verbal du 12 septembre 1995, p. 53 ss). La CSSS-CN a déclaré que l’alinéa 2 portait sur la question de savoir quels services de soins et d’assistance fournis par les proches devraient donner droit à une indemnisation (procès-verbal du 17 novembre 1995, p. 32). Enfin, il a été expliqué qu’il s’agissait principalement de services fournis gratuitement par des femmes. S’elles n’étaient plus en mesure de travailler en raison de l’événement assuré, elles subiraient une perte de revenus ou devraient s’organiser différemment. En ce qui concerne la prise en compte des pertes de revenus des proches, il a été fait référence à la réglementation en matière d’assurance militaire et d’assurance maladie (procès-verbal du 15 janvier 1999, p. 33 ss).

Selon le rapport de la CSSS-CN du 26.03.1999, la majorité de la Commission a suivi le Conseil des États. Il a rejeté la proposition du Conseil fédéral selon laquelle le travail effectué par les proches qui n’entraîne pas de perte de revenus doit être considéré comme des frais supplémentaires. Une minorité est d’avis que les pertes de revenus des proches causées par l’événement assuré ne doivent pas être prises en compte.

Comme la formulation étendue proposée par le Conseil fédéral n’a pas été retenue, il est clair que les prestations de travail des proches ne sont pas à prendre-en considération dans la mesure où elles n’ont pas pour conséquence une diminution de revenu (exemple : transports d’un invalide pendant les loisirs, soins prodigués pendant les vacances des proches). La prise en compte des diminutions de revenu des proches trouve déjà son application dans le droit actuel dans l’art 29 al. 1 OAM [Ordonnance sur l’assurance militaire]. La question de savoir quelles diminutions de revenu subies par les proches sont à prendre en considération dans le calcul de la surindemnisation devra trouver sa réponse dans l’application du droit. Il importe ici de citer, dans le rapport du Conseil des Etats, la prise en charge des soins et des diminutions de revenu qui en découlent à titre d’exemple de prise en compte (BBl 1999 IV 4641 ss [en allemand ; pour la version française : FF 1999 IV 4292 s.).

Au Conseil national, il a été expliqué que la minorité des membres de la Commission a demandé que les pertes de revenus des proches ne soient pas incluses dans le calcul de la surindemnisation. Toutefois, la majorité a souhaité qu’il soit pris en compte, ce qui constituerait une extension matérielle du niveau des prestations. Actuellement, les pertes de revenus des proches ne sont prises en compte que dans la loi fédérale sur l’assurance militaire. Avec cette motion sur l’art. 76 al. 2 P-LPGA, la majorité a violé le principe de la méthode de la congruence (AB 1999 N 1250 Votum Hochreutener). Le rapporteur de la Commission a expliqué que la différence à traiter était celle entre le Conseil des Etats, le Conseil fédéral et la majorité de la Commission d’une part, et la minorité de la Commission d’autre part. Conformément aux dispositions du droit de la responsabilité, le Conseil fédéral a voulu inclure le travail effectué par les proches même s’il n’entraîne pas de perte de revenus. La majorité de la Commission avait suivi la version du Conseil des États, selon laquelle seules les pertes de revenus effectivement réalisées par les proches devaient être prises en compte. Il s’agit d’une réglementation modérée, qui correspond à celle de l’assurance militaire (AB 1999 N 1250 Votum Rechsteiner). Le rapporteur francophone a indiqué qu’il pourrait s’agir de pertes de revenus subies par les proches en raison des soins apportés à la personne invalide. Il a cité l’exemple du mari qui s’est abstenu d’exercer un emploi rémunéré afin de s’occuper de sa femme invalide. Des solutions comparables ont déjà été trouvées dans le domaine de l’assurance maladie et de l’assurance militaire (AB 1999 N 1251, Votum Suter). Par la suite, la motion de la majorité a été acceptée (AB 1999 N 1252, vote Suter).

Lors de la séance de la CSSS-CE, il a également été précisé qu’il s’agit de cas dans lesquels les proches de l’assuré renoncent à un emploi en tout ou en partie afin de prendre soin de l’assuré. Le travail effectué par les proches doit être pris en compte si cela entraîne une perte de revenus (procès-verbal de la réunion du 6 septembre 1999, p. 23).

Au Conseil des États, le rapporteur a expliqué que le Conseil fédéral avait voulu établir une réglementation « large » ; le travail effectué par les proches aurait dû être considéré comme des frais supplémentaires, même sans perte de revenus. D’autre part, le milieu économique des assurances, et avec lui une minorité de la Commission du Conseil national, avait exigé que toute perte de revenus des proches causée par l’événement assuré ne soit pas incluse dans le calcul de la surindemnisation. Cette motion minoritaire avait quelque chose à dire d’elle-même en ce sens que le règlement maintenant adopté par le Conseil national enfreignait la méthode de congruence consacrée par l’art. 76 al. 1 P-LPGA. Les représentants de la motion de la minorité au Conseil national avaient également souligné le danger de l’insécurité juridique qui en résultait. Cependant, le Conseil national avait suivi la motion de la majorité de la commission et donc la décision du Conseil des États (AB 2000 S 186 Votum Schiesser). Par la suite, le Conseil des États a approuvé la résolution du Conseil national (AB 2000 S 186).

Les documents montrent également que le législateur a voulu suivre les dispositions de l’assurance militaire et de l’assurance maladie. L’art. 72 al. 3 aLAM (abrogé au 01.01.2003 par le ch. 13 de l’annexe à la LPGA ; RO 2002 3437 [en allemand ; pour la version française : RO 2002 3434]), était libellé comme suit « Les prestations de l’assurance militaire sont réduites jusqu’à concurrence du montant constituant la surindemnisation. La réduction peut être diminuée dans la mesure où le cas d’assurance entraîne un surcroît de frais pour l’assuré ou une perte de revenu pour ses proches. Le Conseil fédéral règle les détails. »

Le commentateur Jürg Maeschi explique, sur la base de la norme de délégation de l’art. 72 al. 3, 3e phrase, aLAM, le Conseil fédéral a édicté les dispositions à l’art. 29 OAM : « La réduction opérée suite une surindemnisation selon l’article 72, 3e alinéa, de la loi est diminuée jusqu’à concurrence du montant constituant la surindemnisation, dans la mesure où le cas d’assurance entraîne un surcroît de frais résultant d’un traitement et de soins pour l’assuré ou d’une perte de revenu pour ses proches et pour autant que ces frais et cette perte ne soient pas déjà couverts par d’autres prestations de l’assurance militaire ».

En ce qui concerne la réglementation dans le domaine de l’assurance maladie, le Tribunal fédéral a précisé que dans le cadre de l’art. 122 al. 1 let. b OAMal, les pertes de revenu effectives des proches aidants pouvaient également être prises en compte comme « frais non couverts dus à la maladie » si et dans la mesure où elles étaient dues à un traitement et à des soins. Toutefois, l’art. 69 al. 2 LPGA exige une perte de revenus effective, c’est pourquoi le travail effectué par les proches qui n’entraîne pas de perte de revenus ne doit pas être pris en compte lors de la « répartition » de la surindemnisation sur les frais supplémentaires non couverts (SVR 2013 KV Nr. 3 S. 6, 9C_43/2012 consid. 4.2, avec référence à l’arrêt 9C_332/2007 du 29 mai 2008 consid. 8 und FRANZ SCHLAURI, Die Leistungskoordination im neuen Krankenversicherungsrecht, in: LAMal – KVG : Recueil des travaux en l’honneur de la Société suisse de droit des assurances, 1997, p. 655).

Conformément au ch. 2.4 de la recommandation n° 3/92 de la Commission ad hoc Sinistres LAA, en cas de surindemnisation, il n’est possible de tenir compte que des diminutions de revenu subies en raison de l’événement assuré de par le traitement et les soins nécessaires au plan médical, dans la mesure où il n’existe pas de couverture afférente de l’assurance sociale (par exemple, allocation pour impotent). . Certes, il s’agit d’une simple recommandation administrative, qui n’est pas contraignante pour le Tribunal fédéral (ATF 139 V 108 consid. 5.3 p. 112 et les références). Néanmoins, il peut être utilisé dans le cas présent pour étayer l’interprétation présentée.

 

Il ressort donc des documents relatifs à l’art. 69 al. 2 LPGA que le législateur avait à l’esprit les pertes de revenus des proches résultant des soins médicalement nécessaires prodigués à l’assuré. Sur la base des éléments cités, il faut exclure que le législateur ait voulu inclure dans le calcul de la surindemnisation toute perte de revenus des proches causée par l’accident et ait voulu une réglementation similaire au droit de la responsabilité. Cela s’applique d’autant plus que la relation entre la sécurité sociale et le droit de la responsabilité est abordée dans cette question, mais que la perspective du droit de la responsabilité n’a pas été adoptée. Il n’est donc pas nécessaire d’examiner si la perte de revenus de l’épouse de l’assuré doit être traitée comme un « dommage par choc » (« Schockschaden ») en vertu du droit de la responsabilité civile et incluse dans le calcul de la surindemnisation. En outre, il ressort clairement des documents que le législateur a délibérément voulu s’écarter de la méthode de la congruence prévue à l’article 69 al. 1, 2e phrase, LPGA, en ce qui concerne la « congruence personnelle » des pertes de revenus des proches en litige ici, en ce sens que les pertes de revenus peuvent également être prises en compte comme des frais supplémentaires qui ne sont pas survenus pour l’assuré lui-même. Compte tenu de la percée du législateur en matière de « congruence personnelle », qui est contraire au système, il n’est pas nécessaire d’aller plus loin dans l’interprétation. Enfin, il n’y a aucun élément pour une compréhension différente, même dans le contexte d’une interprétation systématique, historique ou téléologique.

 

Cette interprétation est conforme à l’opinion de la doctrine. Selon ADRIAN ROTHENBERGER, le calcul de la surindemnisation tient compte de toute perte de revenus des proches qui survient à la suite des soins et de l’assistance fournis à la personne blessée et qui n’est pas déjà couverte par d’autres prestations de sécurité sociale – en particulier l’allocation pour impotent. Un manque à gagner réel était requis (Das Spannungsfeld von Überentschädigungsverbot und Kongruenzgrundsatz, 2015, Rz. 198). GHISLAINE FRÉSARD-FELLAY/JEAN-MAURICE FRÉSARD déclarent que le législateur a examiné la situation dans laquelle une proche réduit son occupation pour s’occuper de l’assuré. Ils se réfèrent à la genèse de la norme pour souligner que la perte de revenus à prendre en compte doit être liée au traitement et aux soins prodigués à l’assuré (in: Commentaire romand, Loi sur la partie générale des assurances sociales, 2018, N. 45 s. ad Art. 69 LPGA ; cf. également GHISLAINE FRÉSARD-FELLAY, Le recours subrogatoire de l’assurance-accidents sociale contre le tiers responsable ou son assureur, 2007, Rz. 1448, où il est indiqué que le législateur avait prévu des pertes de revenus pour les proches résultant de la renonciation à l’exercice d’une activité lucrative afin de fournir à l’assuré les soins nécessaires. Ces coûts sont connus sous le nom de « frais d’assistance » [Betreuungskosten]). Selon GABRIELA RIEMER-KAFKA, il s’agit également de la perte de revenus des proches qui s’occupent de l’assuré (Schweizerisches Sozialversicherungsrecht, 6. Aufl. 2018, Rz. 5.369). En outre, on peut se référer à l’opinion exprimée par UELI KIESER, selon laquelle toute perte de revenus doit être prise en compte si elle est liée au travail effectué par des proches, ce qui implique une perte de revenus réelle. À cet égard, il existe un parallèle avec la considération du droit de la responsabilité, selon laquelle le manque à gagner réel doit être compensé si la personne concernée a renoncé à une activité rémunérée afin de s’occuper de la personne nécessitant des soins. Dans la mesure où les prestations prévues par la législation sur la sécurité sociale couvraient déjà les pertes de revenus ou compensaient le travail en question (par exemple, l’allocation pour impotent), elles ne pouvaient pas être prises en compte à nouveau dans le cadre d’une surindemnisation (ATSG-Kommentar, 3. Aufl. 2015, N. 47 ff. zu Art. 69 ATSG). En outre, KIESER souligne que le législateur s’est écarté du principe de la « congruence personnelle » lorsqu’il a examiné la perte de revenus des proches (op. cit., N. 23 zu Art. 69 ATSG). JEAN-MAURICE FRÉSARD/MARGIT MOSER-SZELESS indiquent que la principale préoccupation du législateur était la renonciation par le proche à l’exercice d’une activité lucrative afin de prodiguer à l’assuré les soins nécessaires (L’assurance-accidents obligatoire in: Soziale Sicherheit, SBVR Bd. XIV, 3. Aufl. 2016, S. 1056 Rz. 571).

 

L’ATF 139 V 108 traite des frais d’avocat qui servent à faire valoir la propre créance de l’assuré et non des pertes de revenus qui touchent les proches de l’assuré et donc un tiers. Cet arrêt n’est donc pas pertinent, puisqu’il s’agissait d’évaluer un préjudice direct subi par l’assuré, alors que la présente affaire concerne un préjudice indirect. C’est pourquoi ce qui est dit dans l’ATF 139 V 108 concernant les frais d’avocat ne peut être appliqué à la perte de revenus des proches. Comme expliqué ci-dessus, la perte de revenus des proches a été examinée séparément lors de la consultation législative et non pas en même temps que les frais supplémentaires affectant directement la personne assurée.

 

En résumé, en référence à l’art. 69 al. 2 LPGA, il convient de procéder à une interprétation réservée de la perte de revenus en ce sens qu’elle ne couvre que la perte de revenus des proches qui réduisent ou abandonnent leur activité lucrative afin de prodiguer des soins à la personne assurée.

Dans son courriel à l’assurance-accidents du 26 mars 2018, le représentant légal a expressément indiqué que la perte de revenus de l’épouse n’était pas due au traitement et aux soins de l’assuré. Il est donc clair qu’en l’espèce, la perte de revenus de l’épouse de l’assuré n’a pas été causée par la prise en charge de soins et d’assistance fournis à l’assuré ou par d’autres dépenses en sa faveur. Elle a plutôt renoncé à un emploi rémunéré en raison de sa maladie. Pour cette raison, sa perte de revenus ne peut pas être prise en compte dans la surindemnisation prévue à l’art. 69 al. 2 LPGA.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_523/2019 consultable ici

 

 

Le Conseil fédéral veut améliorer la planification hospitalière et la fixation des tarifs hospitaliers / Modification du remboursement des coûts à l’hôpital par l’assurance-accidents

Le Conseil fédéral veut améliorer la planification hospitalière et la fixation des tarifs hospitaliers / Modification du remboursement des coûts à l’hôpital par l’assurance-accidents

 

Communiqué de presse de l’OFSP du 12.02.2020 consultable ici

 

Les patients doivent avoir accès à des prestations stationnaires efficientes et de qualité sur l’ensemble du territoire suisse. Lors de sa séance du 12 février 2020, le Conseil fédéral a décidé d’uniformiser davantage les critères de planification des hôpitaux et des établissements médico-sociaux. En outre, les tarifs du secteur stationnaire devraient, à l’avenir, être déterminés de la même manière dans toute la Suisse. Ces mesures visent à accroître la qualité des soins et à maîtriser les coûts dans ce secteur. La consultation relative à la modification de l’ordonnance sur l’assurance-maladie (OAMal) durera jusqu’au 20 mai 2020.

Le Conseil fédéral continue d’uniformiser les critères appliqués par les cantons pour la planification des hôpitaux, des maisons de naissance et des établissements médico-sociaux. Les exigences relatives à la présence des médecins, aux unités de soins intensifs, aux nombres minimaux de cas et au contrôle de l’économicité sont spécifiques aux hôpitaux ; les exigences en matière de qualité, elles, s’appliquent à toutes les institutions.

Les cantons doivent mieux coordonner la planification des hôpitaux et des établissements médico-sociaux. Par ailleurs, les hôpitaux qui figurent sur les listes cantonales ne sont plus autorisés à offrir des rémunérations ou des bonus liés au volume. L’objectif consiste à lutter contre la multiplication des prestations non justifiées du point de vue médical.

 

Calcul des tarifs : réglementation uniforme

Le Conseil fédéral prévoit en outre d’uniformiser les règles sur lesquelles se basent les partenaires tarifaires et les cantons pour fixer les tarifs des prestations hospitalières stationnaires. Actuellement, la méthode de calcul de ces forfaits par cas varie selon les cantons. La nouvelle réglementation, uniforme au niveau fédéral, s’applique aux modèles de rémunération de type DRG (Diagnosis Related Groups) ; elle garantit qu’à l’avenir, les tarifs seront déterminés de façon économique et transparente.

 

Remboursement des coûts à l’hôpital par l’assurance-accidents

La collaboration et les tarifs sont fixés sous la forme d’accords conventionnels entre les assureurs et les fournisseurs de prestations dans l’assurance-accidents obligatoire ; la primauté des contrats s’applique (art. 56, al. 1, LAA). Cela signifie que les assureurs-accidents déterminent, dans le cadre de la garantie d’une prise en charge suffisante, avec quels hôpitaux ils concluent une convention tarifaire et quels hôpitaux ils reconnaissent ainsi comme fournisseurs de prestations à la charge de l’assurance-accidents obligatoire. Le libre choix de l’hôpital par la personne assurée évoqué à l’art. 10, al. 2, LAA n’est pas illimité, mais se réfère au cercle des hôpitaux conventionnés des assureurs-accidents. L’art. 15, al. 1, OLAA dispose ainsi que la personne assurée a droit au traitement, à la nourriture et au logement dans la division commune d’un hôpital avec lequel une convention réglant les tarifs a été conclue. L’assurance-accidents obligatoire se fonde en outre sur le principe de la prestation en nature. Celui-ci prévoit que l’assureur accorde à la personne assurée un traitement complet, économique, approprié et efficace. La prestation médicale est mandatée par l’assureur et représente une prestation en nature de sa part, ce qui lui permet d’influer sur le déroulement ainsi que sur l’évolution des traitements et des mesures médicales. D’un autre côté, l’assureur est le débiteur du fournisseur de prestations.

Des problèmes se posent actuellement dans la pratique, parce que les interprétations du tarif applicable par analogie à l’art. 15, al. 2, OLAA diffèrent. Ainsi, les cas où des traitements sont effectués dans un hôpital non conventionné sans garantie de prise en charge des coûts préalable de l’assureur-accidents se multiplient. L’hôpital traitant adresse ensuite une facture à l’assureur compétent et invoque la règle relative au tarif applicable par analogie et réclame la même rémunération que l’hôpital conventionné le plus proche. Or, ce n’est pas le principe de la prestation en nature qui s’applique lors de la réalisation d’un traitement dans un hôpital non conventionné sans garantie de prise en charge des coûts préalable, mais le principe de la prise en charge des coûts. L’hôpital n’a par conséquent pas de droit direct à la rémunération vis-à-vis de l’assureur, mais uniquement envers la personne assurée. Il ne peut en outre revendiquer sans autre le même tarif que l’hôpital conventionné le plus proche.

 

Modification de l’art. 15, al. 2, OLAA

Il n’existe pas de libre choix illimité de l’hôpital dans l’assurance-accidents obligatoire. Un tel choix aurait pour conséquence que les assureurs seraient tenus de rembourser le traitement dans tous les hôpitaux et pas seulement dans ceux avec lesquels ils ont conclu une convention réglant la collaboration et les tarifs, comme le prévoient la loi (art. 56, al. 1, LAA) et l’ordonnance (art. 68, al. 3, OLAA). Les principes de la primauté des contrats et de la prestation en nature, fondamentaux pour le droit de l’assurance-accidents, seraient totalement sapés, si l’institution non conventionnée n’était pas tenue de respecter des obligations contractuelles, mais pouvait néanmoins exiger une rémunération tarifaire à l’instar d’un hôpital conventionné en vertu du tarif applicable par analogie. L’intérêt des hôpitaux de respecter des conventions avec la Commission des tarifs médicaux LAA (CTM) serait faible, car les patients au bénéfice d’une assurance-accidents pourraient être traités dans tous les cas. Les assureurs perdraient alors l’influence dans le cadre du principe de la prestation en nature au profit des fournisseurs de prestations ; de plus, ils ne seraient plus en mesure de lier leur obligation de paiement selon le tarif au respect des exigences d’adéquation (art. 48, LAA) et d’économicité (art. 54, LAA) des prestations et à la garantie de la qualité.

L’art. 15, al. 2, OLAA doit être amendé en conséquence afin de préciser que les patients au bénéfice d’une assurance-accidents doivent en principe se faire soigner dans un hôpital conventionné et qu’il n’est possible de déroger à ce principe que pour des raisons médicales. La notion de raisons médicales est définie dans le nouvel art. 15, al. 2bis, OLAA. Une exception au traitement dans un hôpital conventionné n’est donc expressément autorisée que dans une situation d’urgence médicale et en l’absence d’une offre de soins médicaux.

 

 

Communiqué de presse de l’OFSP du 12.02.2020 consultable ici

Projet de modifications de l’OAMal, de l’OCP et de l’OLAA consultables ici

Rapport explicatif de la modification OAMal, OCP et OLAA disponible ici

 

 

8C_743/2019 (f) du 20.12.2019 – Demande de restitution du délai de recours rejetée – Rappel des obligations faites au mandataire / 50 LTF

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_743/2019 (f) du 20.12.2019

 

Consultable ici

 

Demande de restitution du délai de recours rejetée – Rappel des obligations faites au mandataire / 50 LTF

 

Procédure cantonale

Par jugement du 23.08.2019, le tribunal cantonal a rejeté le recours formé par l’assuré contre une décision sur opposition de l’assurance-accidents du 08.06.2017.

 

TF

D’après les informations d’acheminement des services postaux, la mandataire de l’assuré n’a pas retiré l’envoi recommandé contenant le jugement du 23.08.2019, de sorte que celui-ci a été retourné à la juridiction cantonale avec la mention « non réclamé » après l’expiration du délai garde fixé au 02.09.2019. Le délai de recours contre le jugement attaqué a commencé à courir le 03.09.2019 et a expiré le mercredi 02.10.2019. Dans la mesure où il a été déposé le 04.11.2019, le recours est en principe tardif.

 

D’après l’art. 50 al. 1 LTF, si, pour un autre motif qu’une notification irrégulière, la partie ou son mandataire a été empêché d’agir dans le délai fixé sans avoir commis de faute, le délai est restitué pour autant que la partie en fasse la demande, avec indication du motif, dans les 30 jours à compter de celui où l’empêchement a cessé ; l’acte omis doit être exécuté dans ce délai.

En l’espèce, l’assuré fait valoir, par l’intermédiaire de sa mandataire, qu’en raison de ses connaissances rudimentaires du français, il a confié la gestion de l’affaire en cause à une personne de confiance, à savoir B.__, auquel la mandataire et lui auraient convenu d’adresser tout courrier concernant l’affaire. Or celui-ci se trouvait en vacances à l’étranger – où il était injoignable – entre le 20.09.2019 et le 03.10.2019 et n’aurait pris connaissance du courrier de la mandataire lui acheminant notamment une copie du jugement cantonal que le 04.10.2019. Le jugement en question n’aurait en outre pas pu lui être transmis immédiatement en raison de congés pris par la mandataire de l’assuré. Enfin, de l’avis de l’assuré, B.__ ne pouvait pas s’attendre à recevoir le jugement entrepris durant ses vacances, étant donné que le recours avait été formé depuis l’été 2017 et que, contacté à plusieurs reprises, le greffe du Tribunal cantonal n’avait jamais fourni d’indication sur la date à laquelle une décision serait rendue.

Selon la jurisprudence, l’empêchement non fautif d’accomplir un acte de procédure correspond non seulement à l’impossibilité objective, comme le cas de force majeure, mais également à l’impossibilité subjective due à des circonstances personnelles ou une erreur excusables (arrêts 4F_15/2017 du 30 novembre 2017 consid. 3.2.1; 8C_915/2014 du 26 février 2015 consid. 4.1; 2C_319/2009 du 26 janvier 2010 consid. 4.1, non publié in ATF 136 II 241; 8C_50/2007 du 4 septembre 2007 consid. 5.1). La restitution d’un délai au sens de l’art. 50 al. 1 LTF n’entre pas en considération dans l’éventualité où la partie ou son mandataire n’ont pas été empêchés d’agir à temps ; c’est le cas notamment lorsque l’inaction résulte d’une faute, d’un choix délibéré ou d’une erreur qui leur est imputable (arrêt 9C_541/2009 du 12 mai 2010 consid. 4 et les références citées; AMSTUTZ/ARNOLD, in Basler Kommentar, Bundesgerichtsgesetz, 3e éd. 2018, n° 3 ss ad art. 50 LTF; JEAN-MAURICE FRÉSARD, Commentaire de la LTF, 2 e éd. 2014, n° 11 in fine ad art. 50 LTF). En d’autres termes, il y a empêchement d’agir dans le délai lorsqu’aucun reproche ne peut être formulé à l’encontre de la partie ou de son mandataire (arrêt 8C_15/2012 du 30 avril 2012 consid. 1).

Le Tribunal fédéral a également précisé que les actes et omissions d’un avocat sont imputables à son client (ATF 143 I 284 consid. 1.3 p. 288 et les arrêts cités) et que lorsque l’assuré ou le mandataire fait usage des services d’un auxiliaire, il répond du comportement de celui-ci comme de ses propres actes (cf. ATF 107 Ia 168; arrêts 2C_177/2019 du 22 juillet 2019 consid. 4.2.2; 2C_734/2012 du 25 mars 2013 consid. 3.3).

L’assuré ne fait valoir aucune circonstance valable qui aurait empêchée sa mandataire de déposer un recours motivé dans le délai utile. En effet, l’absence de communication entre la mandataire et la « personne de confiance » de l’assuré, en raison des vacances de cette dernière, relève d’un problème d’organisation dans l’exercice du mandat qui lie l’assuré et son avocate, soit une situation qui n’est pas visée par l’art. 50 LTF (cf. ATF 143 I 284 précité; 114 II 181 consid. 2 p. 182 s.). En outre, on ne voit pas que les connaissances rudimentaires du français de l’assuré empêcheraient tout tentative de contact par sa mandataire. On rappellera dans ce contexte qu’il incombe notamment à l’avocat de s’assurer que la communication qu’il adresse, d’une manière ou d’une autre, à son client lui est bien parvenue et que celui-ci renonce effectivement à recourir (ATF 145 II 201 consid. 5.1 p. 204; 110 Ib 94 consid. 2 p. 94; 106 II 173). Enfin, s’il y a péril en la demeure, l’avocat doit en principe entreprendre les démarches nécessaires à l’accomplissement de l’affaire confiée, même s’il n’a pas pu obtenir préalablement l’aval de son mandant (ATF 145 II 201 précité; arrêt 4A_558/2017 du 29 mai 2018 consid. 5.3.2 et la référence).

 

Le TF rejette la demande de restitution du délai de recours.

 

 

Arrêt 8C_743/2019 consultable ici

 

 

8C_650/2018 (f) du 23.10.2019 – Tendinopathie chronique (dégénérative) de la coiffe des rotateurs – Causalité naturelle – Statu quo sine / 6 LAA – 36 LAA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_650/2018 (f) du 23.10.2019

 

Consultable ici

 

Tendinopathie chronique (dégénérative) de la coiffe des rotateurs – Causalité naturelle – Statu quo sine / 6 LAA – 36 LAA

 

Assuré, né en 1973, jardinier paysagiste, tombe, le 14.12.2013, contre un mur avec son épaule droite qui a lâché, en transportant une caisse de bois.

Le spécialiste FMH en chirurgie orthopédique a diagnostiqué une rupture subtotale du tendon du sous-scapulaire avec luxation médiane hors de la gouttière bicipitale du tendon du long chef du biceps, une déchirure partielle du sus-épineux et une discrète contusion du trochiter. Le chirurgien a opéré l’épaule droite de l’assuré le 04.03.2014. Une arthro-IRM réalisée le 13.10.2014 a mis en évidence une re-déchirure post-réparation de la coiffe sans rétraction tendineuse visible ainsi qu’une importante bursite sous-acromio-deltoïdienne réactionnelle. Le chirurgien a prescrit une injection de PRP (plasma riche en plaquettes).

L’assurance-accidents a adressé l’assuré à un chef de service du service d’orthopédie et traumatologie d’un hôpital universitaire. Ce praticien a conclu, au terme de son examen du 15.04.2015, qu’il était difficile d’expliquer par les éléments objectifs l’importance du syndrome douloureux résiduel ainsi que l’impossibilité de réaliser une abduction active ; dans ce contexte, il était peu probable qu’une révision chirurgicale avec complément de réparation du sous-scapulaire permette d’améliorer significativement la situation sur le plan subjectif.

L’assurance-accidents a mis en œuvre une expertise médicale, mandatant à cet effet un spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et précisant qu’elle suspendait ses prestations jusqu’à connaissance des conclusions de l’expert. Dans son rapport d’expertise du 22.03.2016, le médecin-expert a conclu que l’assuré présentait une tendinopathie chronique (dégénérative) de la coiffe des rotateurs aux deux épaules. Du côté droit, il existait un doute quant à une péjoration aiguë de cette tendinopathie lors de l’événement survenu le 14.12.2013. La supputée lésion traumatique avait été traitée correctement et ne montrait pas de complication majeure. Habituellement, un délai de 6 à 12 mois paraissait nécessaire pour récupérer d’une telle chirurgie. Au-delà, le cursus de l’épaule droite de l’assuré était manifestement régi par le potentiel évolutif de sa coiffe des rotateurs dégénérative (argument prévalant aussi pour l’épaule controlatérale).

Le médecin-conseil de l’assurance-accidents a relevé que ni le bilan radiologique de l’assuré ni le protocole opératoire du chirurgien ne permettaient d’objectiver les signes d’une luxation ; par ailleurs, l’assuré présentait tous les facteurs de risques d’une tendinopathie, et la fixation du statu quo sine une année après l’intervention chirurgicale paraissait correcte.

Par lettre du 19.04.2016, l’assurance-accidents a informé l’assuré qu’elle retenait le 20 avril 2015 comme « date de fin de causalité » entre ses troubles à l’épaule droite et l’accident, laquelle correspondait au dernier versement d’indemnités journalières effectué. Elle renonçait toutefois à demander la restitution des autres prestations (frais de traitements médicaux, frais de transport, médicaments, etc.) déjà versées du 21.04.2015 à ce jour. L’assurance-accidents a confirmé cette prise de position par décision du 05.07.2016, confirmée sur opposition.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 24/17 – 93/2018 – consultable ici)

Se fondant sur le rapport d’expertise, lequel remplissait tous les critères jurisprudentiels en matière de valeur probante, les juges cantonaux ont retenu qu’avant l’événement du 14.12.2013, l’assuré présentait, selon toute vraisemblance, des lésions de la coiffe des rotateurs dégénératives asymptomatiques des deux épaules et que l’accident avait entraîné, au moins possiblement, une aggravation d’une tendinopathie préexistante. A cet égard, une impotence fonctionnelle de l’épaule avait été constatée immédiatement après l’accident et pouvait refléter une lésion surajoutée du tendon sus-épineux, compte tenu de la présence d’un œdème sur son site d’insertion sur le trochiter. Au vu de ce constat, la cour cantonale a considéré que c’était à juste titre que l’assurance-accidents avait pris en charge les suites de l’accident mais qu’au-delà du 20.04.2015, l’origine maladive et dégénérative des troubles présentés par l’assuré était clairement établie.

Par jugement du 14.08.2018, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Le 1er janvier 2017 est entrée en vigueur la modification du 25 septembre 2015 de la LAA. Dans la mesure où l’événement litigieux est survenu avant cette date, le droit de l’assuré aux prestations d’assurance est soumis à l’ancien droit (cf. dispositions transitoires relatives à la modification du 25 septembre 2015). Les dispositions visées seront citées ci-après dans leur teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2016.

L’art. 6 al. 1 LAA prévoit que les prestations de l’assurance-accidents obligatoire sont allouées en cas d’accident professionnel, d’accident non professionnel et de maladie professionnelle. Par accident au sens de cette disposition, on entend toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique, ou qui entraîne la mort (art. 4 LPGA). Le droit à des prestations découlant d’un accident assuré suppose notamment entre l’événement dommageable de caractère accidentel et l’atteinte à la santé, un lien de causalité naturelle. Cette exigence est remplie lorsqu’il y a lieu d’admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout, ou qu’il ne serait pas survenu de la même manière. Pour admettre l’existence d’un lien de causalité naturelle, il n’est pas nécessaire que l’accident soit la cause unique ou immédiate de l’atteinte à la santé; il faut et il suffit que l’événement dommageable, associé éventuellement à d’autres facteurs, ait provoqué l’atteinte à la santé physique ou psychique de l’assuré, c’est-à-dire qu’il se présente comme la condition sine qua non de celle-ci (ATF 142 V 435 consid. 1 p. 438; 129 V 177 consid. 3.1 p. 181 et les références).

En vertu de l’art. 36 al. 1 LAA, les prestations pour soins, les remboursements de frais ainsi que les indemnités journalières et les allocations pour impotent ne sont pas réduits lorsque l’atteinte à la santé n’est que partiellement imputable à l’accident. Lorsqu’un état maladif préexistant est aggravé ou, de manière générale, apparaît consécutivement à un accident, le devoir de l’assurance-accidents d’allouer des prestations cesse si l’accident ne constitue pas la cause naturelle (et adéquate) du dommage, soit lorsque ce dernier résulte exclusivement de causes étrangères à l’accident. Tel est le cas lorsque l’état de santé de l’intéressé est similaire à celui qui existait immédiatement avant l’accident (statu quo ante) ou à celui qui existerait même sans l’accident par suite d’un développement ordinaire (statu quo sine). A contrario, aussi longtemps que le statu quo sine vel ante n’est pas rétabli, l’assureur-accidents doit prendre à sa charge le traitement de l’état maladif préexistant, dans la mesure où il s’est manifesté à l’occasion de l’accident ou a été aggravé par ce dernier (cf. arrêts 8C_781/2017 du 21 septembre 2018 consid. 5.1, in SVR 2019 UV n° 18 p. 64; 8C_657/2017 du 14 mai 2018 consid. 3.2 et les références, in SVR 2018 UV n° 39 p. 141). En principe, on examinera si l’atteinte à la santé est encore imputable à l’accident ou ne l’est plus (statu quo ante ou statu quo sine) sur le critère de la vraisemblance prépondérante, usuel en matière de preuve dans le domaine des assurances sociales (ATF 129 V 177 consid. 3.1 p. 181).

 

Le fait que dans son rapport d’expertise, le médecin-expert ait fait un bref rappel de la pathologie dégénérative de la coiffe des rotateurs et qu’il n’ait pas cité ses sources en se référant à la « théorie de la prédisposition génétique » – laquelle semblait s’imposer par rapport à celle postulant l’usure des tendons de la coiffe des rotateurs résultant principalement de contraintes répétées, exagérées, responsables au cours du temps de micro-déchirures tendineuses – ne remet pas en cause l’objectivité de ses conclusions. On relèvera qu’à l’instar du médecin-expert, le médecin-conseil de l’assurance-accidents a également mentionné l’importance des facteurs biologiques dans l’évolution de la lésion de la coiffe des rotateurs ; l’assuré présentait des lésions tendineuses pratiquement aussi importantes à l’épaule gauche – qui n’avait pas subi de traumatisme – qu’à l’épaule droite.

Le médecin-expert a expliqué qu’une lésion supputée aiguë de la coiffe des rotateurs, une fois réparée chirurgicalement, évoluait favorablement à moins que surgissent des complications, telles qu’un lâchage de suture des tendons supputés lésés puis réparés, un conflit sous-acromial majeur ou une capsulite/arthrofibrose, voire une surinfection, éventuellement une lésion neurologique. Lorsque l’évolution n’était pas bonne en l’absence des complications mentionnées, comme c’était le cas en l’espèce, il fallait penser à une évolution naturelle d’une pathologie dégénérative préexistante. Dans le cas de l’assuré, cette progression ne pouvait pas être niée ; elle pouvait être constatée sur la dernière IRM, l’atteinte touchant désormais, de manière préférentielle, le sous-épineux, lequel montrait déjà des stigmates d’une surcharge chronique (altération micro-kystique sous-chondrale à son site d’insertion sur le trochiter, aspect tendineux hétérogène en zone critique) sur les images IRM de janvier 2014. Désormais, ce tendon montrait une dégénérescence claire en son corps, allant jusqu’à la solution de continuité d’une partie de ses fibres. Une dégénérescence similaire prévalait également sur l’épaule controlatérale. Les autres changements, mineurs (discrète atrophie du sus-épineux, légère progression de l’atrophie avec infiltrats graisseux du sous-scapulaire), observés sur les dernières images de l’épaule droite, rentraient aussi, avec une très haute vraisemblance, dans le cadre de la progression lente de la maladie de la coiffe des rotateurs. En définitive, l’assuré présentait une tendinopathie chronique dégénérative de la coiffe des rotateurs aux deux épaules. Du côté droit, il existait un doute quant à une péjoration aiguë de cette tendinopathie lors de l’événement survenu le 14.12.2013. Cette lésion avait été traitée correctement et ne montrait pas de complication majeure. Habituellement, un délai de 6 à 12 mois était nécessaire pour récupérer d’une telle chirurgie, permettant un retour à un status fonctionnel usuel (statu quo sine). Si l’on prenait encore en considération le bilan orthopédique universitaire réalisé le 15.04.2015, à l’issue duquel les lésions – supputées en lien avec le traumatisme du 14.12.2013 – ne pouvaient pas rendre compte des plaintes résiduelles, il convenait de considérer qu’au-delà de cette date, le cursus de l’épaule droite de l’assuré était manifestement régi par le potentiel évolutif de sa coiffe des rotateurs dégénérative.

Cela étant, l’expert ne laisse planer aucun doute sur un retour au statu quo sine au plus tard le 20.04.2015 en ce qui concerne les troubles au niveau de l’épaule droite. Il en découle que la juridiction cantonale n’a pas violé le droit fédéral en confirmant la suppression du droit de l’assuré aux indemnités journalières ainsi qu’à la prise en charge du traitement médical au 20.04.2015. Le grief tiré de la violation des art. 6 et 36 LAA et de l’art. 9 al. 2 OLAA tombe dès lors à faux.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_650/2018 consultable ici