9C_244/2022 (f) du 30.03.2023 – Début du droit à la rente d’invalidité LPP pour un assuré indépendant – 26 al. 2 LPP – 26 OPP 2

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_244/2022 (f) du 30.03.2023

 

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Début du droit à la rente d’invalidité LPP pour un assuré indépendant / 26 al. 2 LPP – 26 OPP 2

Possibilité réglementaire de différer le versement de la rente dans la situation où d’un assuré salarié percevant des indemnités journalières

Accident puis MOP puis troubles psychiques – Lien de connexité matérielle et temporelle

 

Assuré, né en 1968, exerçait la profession de plâtrier-peintre à titre indépendant depuis le mois de janvier 2005. Chute d’un toit le 24.10.2008, entraînant une fracture du coude droit, opérée puis mise en place d’une prothèse. En incapacité de travail depuis lors, l’assuré a bénéficié d’indemnités journalières perte de gain. Dépôt de la demande AI le 12.06.2009.

La reprise de son ancienne activité n’étant pas exigible, l’assuré a entamé, sous l’égide de l’AI, un apprentissage dans le but d’obtenir un CFC de dessinateur en bâtiment, qui a été interrompu en raison des douleurs dont il souffrait au membre supérieur droit. Dès le 29.11.2010, il a suivi plusieurs stages d’orientation professionnelle, des cours ainsi qu’une formation (AFP) d’employé de bureau, qui s’est achevée le 31.07.2013. L’assuré a complété son cursus par une formation d’employé de commerce (CFC) auprès d’une agence immobilière et a terminé avec succès sa formation durant l’été 2015. Après avoir été placé à l’essai, l’assuré a été engagé au sein de B.__ à partir du 01.06.2016 en qualité de collaborateur au service comptabilité. Du 30.06.2017 au 07.07.2017, il a séjourné en milieu hospitalier en raison de troubles psychiques.

L’office AI a reconnu à l’assuré le droit à une demi-rente d’invalidité du 01.12.2009 au 31.07.2017 et à une rente entière d’invalidité à compter du 01.08.2017, le versement de la rente ayant été suspendu du 01.03.2011 au 30.04.2016 (décision confirmée par le tribunal cantonal et le Tribunal fédéral [9C_790/2020]).

Au moment de l’accident d’octobre 2008, l’assuré était affilié pour la prévoyance professionnelle auprès d’une caisse de retraite. Il y avait été assuré d’abord en tant que salarié du 01.11.1990 au 31.12.2004, puis en tant qu’indépendant du 01.01.2005 au 31.07.2010.

 

Procédure cantonale (arrêt PP 15/19 – 8/2022 – consultable ici)

Par jugement du 28.03.2022, admission partielle de la demande, condamnant la caisse de retraite à verser à l’assuré une rente d’invalidité de 50% dès le jour suivant la fin du droit aux indemnités journalières pour perte de gain, avec intérêt moratoire de 1% l’an dès le 28.06.2019, la caisse étant invitée à fixer le montant des prestations à servir.

 

TF

Consid. 2.1
Selon l’art. 29 ch. 1 du Règlement de la Caisse de retraite et Règlement pour la rente transitoire (dans la version valable dès janvier 2009, applicable en l’occurrence), le droit à la rente temporaire d’invalidité de la caisse prend naissance le jour de l’ouverture du droit à la rente AI, et s’éteint à la fin du mois où cesse le droit à la rente AI, au plus tard toutefois au jour de la retraite réglementaire, l’assuré ayant droit, dès cette date à la rente de retraite. Conformément au ch. 2 de l’art. 29 du règlement, en dérogation au ch. 1, la rente d’invalidité de la caisse n’est pas servie aussi longtemps que l’assuré touche son salaire ou les indemnités qui en tiennent lieu, pour autant que ces dernières représentent 80% au moins du salaire, et qu’elles aient été financées par l’entreprise à raison de 50% au moins.

Consid. 2.4.1
Selon l’art. 26 al. 2 LPP, l’institution de prévoyance peut prévoir, dans ses dispositions réglementaires, que le droit aux prestations est différé aussi longtemps que l’assuré reçoit un salaire entier. D’après l’art. 26 OPP 2, l’institution de prévoyance peut différer le droit aux prestations d’invalidité jusqu’à épuisement des indemnités journalières, lorsque l’assuré reçoit, en lieu et place du salaire entier, des indemnités journalières de l’assurance-maladie équivalant à au moins 80% du salaire dont il est privé (let. a) et que les indemnités journalières ont été financées au moins pour moitié par l’employeur (let. b).

Il s’agit-là d’une règle de coordination temporelle qui autorise l’institution de prévoyance à différer le moment du versement de la prestation afin d’éviter que l’assuré – parce qu’il perçoit son salaire ou des prestations qui, s’y substituant, libèrent l’employeur de le verser – ne dispose de moyens financiers plus importants après qu’avant la survenance de l’invalidité; la prétention à une pension d’invalidité ne peut toutefois être différée que si les dispositions réglementaires de l’institution de prévoyance le prévoient expressément (ATF 128 V 243 consid. 2b). Cette règle ne porte pas sur le moment de la naissance du droit à la rente de l’assurance-invalidité au terme d’un délai d’attente (ATF 142 V 466 consid. 3.3.2).

Consid. 2.4.2
Contrairement à ce qu’a retenu l’instance cantonale, la naissance du droit à la rente d’invalidité de 50% ne correspond pas au jour qui suit le terme du droit aux indemnités journalières perte de gain, puisque l’art. 29 ch. 2 du règlement ne porte pas sur le moment de la naissance de ladite prestation. Sur ce point, il faut appliquer l’art. 29 ch. 1 du règlement (en relation avec l’art. 28 al. 1 du règlement, à teneur duquel l’assuré qui est reconnu invalide par l’AI fédérale est également reconnu invalide par la caisse de retraite, avec effet à la même date et dans la même mesure, pour autant qu’il ait été affilié à la caisse lorsque a débuté l’incapacité de travail dont la cause est à l’origine de l’invalidité). Compte tenu des décisions de rentes de l’AI passées en force, l’assuré a donc droit à une rente d’invalidité de 50% de la caisse de retraite à compter du 01.12.2009.

Concernant la date à partir de laquelle la prestation doit être versée, on constate que l’art. 29 ch. 2 du règlement n’est pas applicable en l’espèce. La possibilité de différer le versement au sens de cette disposition est prévue dans la situation où l’assuré est salarié et où il touche son salaire ou les indemnités qui en tiennent lieu, pour autant que celles-ci correspondent à 80% au moins du salaire et qu’elles aient été financées par l’employeur à raison de 50% au moins. Dès lors que l’assuré était indépendant pendant la période déterminante, il ne tombe pas dans le champ d’application de cette disposition. La caisse de retraite ne le fait du reste pas valoir et a admis, en instance cantonale, le droit de l’assuré à une rente de 50% dès le 01.12.2009 (sous réserve de périodes de suspension du versement non contestées en instance fédérale).

 

Consid. 3.1
Pour la juridiction cantonale, s’il est admis que les atteintes somatiques à l’origine de l’incapacité de gain de 52% sont survenues alors que l’assuré était assuré auprès de la caisse de retraite, il n’est en revanche pas possible de retenir que l’atteinte psychique qui a entraîné l’incapacité totale de travailler à compter du 03.05.2017 serait survenue au cours de la période durant laquelle l’assuré était affilié auprès de la caisse de retraite. Selon l’autorité cantonale, rien au dossier n’indiquait que l’assuré présentait des limitations de nature psychique à l’origine – à tout le moins partiellement – de l’incapacité de travail au moment où la couverture d’assurance avait pris fin, le 31.08.2010 (cf. art. 10 al. 1 et 3 LPP). En l’absence de connexité matérielle entre la pathologie psychique et les atteintes à la santé qui s’étaient manifestées pendant les rapports d’affiliation (cf. art. 23 LPP), un droit à des prestations d’invalidité de la caisse de retraite en relation avec le trouble psychique n’était pas fondé.

Consid. 3.4
Le rapport du docteur D.__ du 23.08.2010, auquel l’assuré se réfère, ne figure pas au dossier de la cause. On y trouve certes plusieurs certificats de ce médecin, spécialiste en chirurgie orthopédique, mais leur auteur y attestait simplement une incapacité de travail sans mentionner d’affection psychique.

Dans ces conditions, l’assuré, qui n’explique pas pour quelle raison il aurait été empêché de se prévaloir du rapport du 23.08.2010 en instance cantonale, ne démontre pas que l’autorité cantonale aurait établi les faits allégués de façon manifestement inexacte ou en violation du droit (cf. art. 97 al. 1 LTF). C’est sans arbitraire que les juges cantonaux ont admis que l’avis du docteur C.__ du 18.03.2022 ne changeait rien à l’issue du litige, en particulier en retenant qu’une relation de causalité entre les troubles psychiques et l’accident survenu en 2008 faisait défaut. Des considérations médicales établies rétroactivement après bien des années ne suffisent pas pour attester d’une incapacité de travail « en temps réel », soit au moment où l’assuré était encore affilié auprès de la caisse de retraite (arrêt 9C_428/2022 du 10 février 2023 consid. 2.2 et les références). Le Tribunal fédéral est ainsi lié par les constatations de faits (art. 105 al. 1 LTF).

Dès lors que l’incapacité de travail liée à des affections psychiques est survenue à une époque où l’assuré n’était plus affilié auprès de la caisse de retraite, il n’incombe pas à cette dernière d’en assumer les conséquences et d’augmenter le taux de la rente d’invalidité (cf. art. 23 let. a LPP).

 

Consid. 4.1
La juridiction cantonale a refusé d’allouer des dépens à l’assuré, car ce dernier l’avait saisie sans interpeller préalablement la caisse de retraite, agissant au mépris du comportement raisonnablement attendu en pareilles circonstances. Comme les conclusions prises par la caisse de retraite dans le cadre de la procédure correspondaient dans une très large mesure à ce qui avait été alloué à l’assuré, il n’y avait pas lieu de faire supporter à la caisse de retraite les coûts d’un procès qui aurait pu être évité dès le départ, en application de l’art. 56 al. 1 de la loi vaudoise du 28 octobre 2008 sur la procédure administrative (RS VD 173.36; LPA-VD). Selon cette disposition, si la partie a inutilement prolongé ou compliqué la procédure, ses dépens peuvent être réduits ou supprimés.

Consid. 4.2
L’assuré allègue que les parties avaient exprimé des positions divergentes en procédure, si bien qu’un procès était inévitable pour trancher le litige. Par ailleurs, il soutient qu’il avait été contraint d’ouvrir action pour préserver ses droits au titre des intérêts moratoires.

Consid. 4.3
Avec l’instance cantonale, on doit admettre qu’on aurait pu attendre de l’assuré, assisté d’un conseil, qu’il interpelât la caisse de retraite préalablement à l’ouverture de l’action, pour connaître sa position, ce qui lui aurait permis de constater qu’elle admettait devoir servir une rente d’invalidité de 50% dès le 01.12.2009. L’argumentation de l’assuré quant à la sauvegarde du droit aux intérêts moratoires ne justifiait pas la saisine directe du tribunal, puisque la décision de l’assurance-invalidité n’avait pas encore été rendue à ce moment-là, de sorte que la caisse de retraite ne pouvait être considérée comme en demeure de verser des prestations (cf. arrêt 9C_222/2014 du 6 mai 2014 consid. 3.2).

Cela étant, on ne saurait suivre la juridiction cantonale lorsqu’elle retient qu’un procès aurait pu être évité dès le départ, puisque la caisse de retraite a refusé d’allouer une rente entière d’invalidité, de sorte que l’assuré n’aurait pas obtenu entièrement ce qu’il souhaitait au terme de discussions préalables entre les parties. Les frais provoqués par le procès en instance cantonale ne peuvent dès lors pas être considérés comme « inutiles » dans leur totalité. L’assuré a certes compliqué la procédure, au sens de l’art. 56 al. 1 LPA-VD, mais n’aurait pas pu éviter de saisir la justice pour faire valoir ses prétentions à la rente entière, le fait qu’il a ensuite succombé sur ce point n’étant pas déterminant. La juridiction cantonale n’était donc pas en droit de refuser toute allocation de dépens pour la procédure cantonale. Il lui appartiendra en conséquence de se prononcer à nouveau sur le droit aux dépens de l’assuré, ce également au regard de l’issue de la procédure fédérale (art. 68 al. 1 et 5 LTF).

 

Le TF admet partiellement le recours de l’assuré.

 

Arrêt 9C_244/2022 consultable ici

 

Motion De Courten 23.4060 «Assurances sociales. Créer une base juridique complète et uniforme pour la procédure électronique (eLPGA)»

Motion De Courten 23.4060 «Assurances sociales. Créer une base juridique complète et uniforme pour la procédure électronique (eLPGA)»

 

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Texte déposé

Le Conseil fédéral est chargé de présenter une modification de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA, RS 830.1) qui crée une base juridique complète et globale instituant une procédure électronique pour toutes les assurances sociales (eLPGA).

 

Développement

Des services numériques modernes dans le domaine des services publics, en particulier dans celui des assurances sociales, sont d’une grande importance pour la Suisse. Les services des assurances sociales devraient également être disponibles sous forme électronique, tant pour les assurés que pour leurs employeurs et tous les autres acteurs de la procédure.

Dans le cadre des débats parlementaires sur le projet «Modernisation de la surveillance dans le 1er pilier» (19.080), le Conseil des États a proposé d’adopter une nouvelle norme pour introduire la procédure électronique. Le Conseil national, en tant que deuxième conseil, a rejeté l’article de loi proposé au motif que cette question ne concernait pas seulement les caisses de compensation, mais bien toutes les assurances sociales. La porte-parole de la commission du Conseil national a indiqué qu’il n’y avait pas de divergence au sein de la commission en ce qui concerne l’intention d’instaurer une communication électronique, mais qu’il s’agissait de mettre en place une solution globale. Elle a aussi indiqué que le Conseil fédéral souhaitait résoudre de manière plus complète et globale la question de la numérisation dans le droit des assurances sociales. L’introduction d’une procédure électronique unique pour toutes les branches des assurances sociales correspond à la volonté déclarée du Parlement.

Le professeur Ueli Kieser, spécialiste du droit de la procédure reconnu dans toute la Suisse, a formulé une proposition qui montre comment il est possible de régler de manière complète et globale la question de la procédure électronique dans les assurances sociales (eLPGA) par une révision partielle, qui remplirait ainsi le mandat politique. Nous chargeons le Conseil fédéral de présenter une révision de la LPGA qui règle de manière complète et globale la question de la communication électronique dans les assurances sociales.

 

Motion De Courten 23.4060 «Assurances sociales. Créer une base juridique complète et uniforme pour la procédure électronique (eLPGA)» consultable ici

 

8C_631/2022 (i) du 24.03.2023 – Délai de recours pour un assuré résidant en Italie – Dépôt du recours à la poste italienne / Notion de résidence selon Règl. n° 883/2004 et 13 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_631/2022 (i) du 24.03.2023

 

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NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi

 

Délai de recours pour un assuré résidant en Italie – Dépôt du recours à la poste italienne / 39 LPGA – 60 LPGA

Pas d’application de l’ALCP ni du Règl. (CE) no 883/2004

Notion de résidence selon Règl. n° 883/2004 et 13 LPGA

 

Assuré, ressortissant italien né en 1983, a travaillé pendant plusieurs années en Suisse en tant qu’ouvrier du bâtiment. Accident le 09.08.2016.

Par décision du 30.12.2020, envoyée directement à l’avocat de l’assuré résidant en Italie, l’assurance-accidents a octroyé une rente d’invalidité de 12% dès le 01.01.2021. Par décision sur opposition du 09.02.2021, notifiée directement à l’avocat de l’assuré le 16.02.2021, l’assurance-accidents a confirmé la décision du 30.12.2020.

 

Procédure cantonale

L’assuré a recouru contre la décision sur opposition auprès du tribunal cantonal. L’acte de recours daté du 16.03.2021 a été remis à la poste italienne le 18.03.2021 et est parvenu au tribunal le 24.03.2021. Dans un arrêt du même jour, le tribunal cantonal n’est pas entré en matière sur le fond du recours en raison de la tardiveté de celui-ci.

Dans son arrêt 8C_307/2021 du 25.08.2021, le Tribunal fédéral a admis le recours formé par l’assuré, annulant le jugement du 24.03.2021 et renvoyant la cause à l’instance cantonale. Le Tribunal fédéral a notamment relevé que le tribunal cantonal avait constaté le domicile de l’assuré – fait déterminant pour la détermination du droit applicable (interne ou international) en matière de computation du délai de recours et de mode de notification des actes – sans procéder aux actes d’instruction nécessaires et sans garantir à l’assuré le droit d’être entendu.

Dans un arrêt du 09.03.2022, le tribunal cantonal n’est pas entré en matière sur le recours du 16.03.2021, le considérant comme tardif.

 

TF

Consid. 4.1
L’assuré reproche à la cour cantonale d’avoir mal interprété l’Accord entre la Confédération suisse, d’une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d’autre part, sur la libre circulation des personnes (ci-après : ALCP [RS 0.142.112.681]) et le Règlement (CE) no 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (ci-après : Règlement n° 883/2004 [RS 0.831.109.268.1]), dans la mesure où, pour déterminer l’applicabilité (ou non) du droit international précité, elle a procédé à l’établissement de l’existence d’un élément transfrontalier du litige, à savoir son lieu de résidence. Selon l’assuré, , se fondant sur l’art. 2 par. 1 du Règlement n° 883/2004, le simple fait qu’il soit ressortissant italien entraînerait automatiquement l’application de ce règlement, selon lequel, en vertu de l’art. 81 (demandes, déclarations ou recours), la remise d’une demande ou d’un recours à la poste d’un État membre – autre que celui qui détermine la loi applicable à l’affaire – sauvegarde le délai de recours à la poste, de sorte que le recours doit être considéré comme opportun.

Consid. 4.2
Dans les considérants de l’arrêt attaqué, la cour cantonale a exposé de manière complète et détaillée les règles de droit et les principes jurisprudentiels nécessaires à la résolution de la cause, en rappelant notamment les délais de recours et les règles de computation et de respect des délais en droit national (en particulier les art. 39 et 60 LPGA), ainsi qu’en droit européen (art. 81 Règlement n° 883/2004). Il est possible de s’y référer et de s’y conformer.

Appelé à se prononcer concrètement sur la législation applicable, le tribunal cantonal a ensuite relevé que, pour que l’assuré puisse invoquer l’ALCP et les règlements européens, il est indispensable que la cause présente un élément transfrontalier. Comme en l’espèce le litige relatif aux prestations sociales contestées était prima facie circonscrit à la Suisse, où il travaillait et vivait depuis de nombreuses années, la cour cantonale a donc procédé à la vérification de son lieu de résidence au moment où il a déposé son recours par l’intermédiaire de ses avocats, ainsi que le Tribunal fédéral l’a expressément indiqué dans son arrêt de renvoi (8C_307/2021 consid. 5.2-5.3).

Consid. 4.3
En ce qui concerne le champ d’application personnel (ratione personae) de l’ALCP et du Règlement n° 883/2004, le Tribunal fédéral a jugé que les éléments déterminants pour cette appréciation sont, d’une part, les conditions de nationalité ou de statut familial de la personne et, d’autre part, l’élément transfrontalier, à savoir l’exercice du droit à la libre circulation, c’est-à-dire le fait de résider ou de travailler dans un État membre de l’UE (ATF 143 V 81 consid. 8.1 et 8.3.2). Selon une jurisprudence constante de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), à laquelle le Tribunal fédéral se réfère généralement pour l’application de l’ALCP (voir ATF 143 II 57 consid. 3.6 ; 139 II 393 consid. 4. 1), les dispositions européennes relatives à la coordination des systèmes de sécurité sociale ne sauraient en effet s’appliquer à des activités qui n’ont de lien avec aucune des situations couvertes par le droit communautaire et dont les éléments pertinents restent dans l’ensemble confinés à l’intérieur d’un seul État membre (arrêt pro multis du 5 mai 2011 C-434/09 McCarthy, consid. 45). Il y a caractère transfrontalier lorsqu’une personne, une affaire ou une demande a une relation juridique avec plusieurs États de l’UE. Dans ce cas, le lieu de résidence ou de travail entre notamment en ligne de compte (ATF 143 V 81 consid. 8.3.1 ; voir BETTINA HUMMER, in Europäisches Sozialrecht, Maximilian Fuch/Constanze Janda [éd.], 8e éd. 2022, no. 16 ad art. 2 du Règlement [CE] no 883/2004). Le seul fait de posséder la nationalité d’un État de l’UE ne suffit donc pas pour appliquer les règlements européens de sécurité sociale si la personne concernée n’a pas exercé son droit à la libre circulation (lien transfrontalier). Par conséquent, l’interprétation faite par le tribunal cantonal est conforme au droit international. L’assuré ne saurait donc être suivie lorsque, ignorant la jurisprudence fédérale constante, elle procède à une réanalyse générale de l’art. 2 par. 1 du Règlement no 883/2004 pour aboutir au résultat que le seul fait de posséder la nationalité d’un État communautaire, indépendamment de l’exercice ou non du droit à la libre circulation, entraînerait l’application personnelle du règlement précité.

 

Consid. 5.1
Le tribunal cantonal a tout d’abord constaté la présence de deux attestations de domicile contradictoires : l’extrait du service de l’état civil du canton des Grisons du 25.03.2021 indiquait que l’assuré était domicilié dans la commune de V.__ depuis 2018, alors que les certificats des 14.04.2021 et 26.11.2021 délivrés par la commune de W.__ (Italie) attestaient qu’il était domicilié dans la commune depuis le 27.10.2020. Les juridictions grisonnes ont également constaté que le contrat de location de l’appartement à V.__ – loué depuis le 01.04.2018 – n’avait pas encore été résilié et que l’assuré avait payé le loyer sans interruption, au moins jusqu’en juin 2021. Le tribunal cantonal a ensuite relevé que l’assuré était un citoyen italien titulaire d’un permis L UE/AELE de séjour temporaire, qu’il avait travaillé en Suisse pendant au moins sept ans en percevant un salaire stable jusqu’à son accident et qu’il était assujetti à l’impôt à la source depuis 2010. L’enquête a ensuite permis d’établir que l’assuré percevait des indemnités de chômage à partir du 01.01.2021, indemnités qui requièrent légalement une résidence effective en Suisse, et que dans le cadre de l’inscription au chômage, tant l’assuré que les autorités communales ont confirmé résider dans la commune de V.__. Pendant la période en question, soit entre février et mars 2021, il avait en outre témoigné de ses efforts personnels pour trouver un emploi en Suisse. La cour cantonale a finalement constaté que l’assuré était titulaire d’un abonnement de téléphonie mobile suisse – en Italie, il ne disposait que d’une carte prépayée – et que ses principales dépenses, constatées sur la base de la documentation bancaire, étaient principalement concentrées en Suisse. Sur la base des éléments du dossier, le tribunal cantonal a donc conclu que le requérant, bien que citoyen italien, non inscrit à l’Anagrafe dei Residenti all’Estero (AIRE) et propriétaire d’un bien immobilier à W.__, n’avait pas établi un lien avec l’Italie de nature à y reconnaître une résidence habituelle, à savoir avec l’intention de la maintenir pendant un certain temps et d’en faire le centre de ses relations personnelles durant cette période.

Consid. 5.2
L’assuré reproche à l’instance cantonale d’avoir déterminé son domicile de manière arbitraire et d’avoir appliqué à cet effet une base légale et des critères erronés. Il reproche en particulier au tribunal cantonal d’avoir retenu à tort la notion de résidence habituelle au sens de l’art. 13 al. 2 LPGA et de l’art. 8 al. 1 lit. c LACI, au lieu de celle de domicile au sens de l’art. 23 CC, pour en déduire les critères de résidence au sens de l’article 1er lit. j Règlement n° 883/2004. En raison de la détention d’un permis L UE/AELE, qui ne peut en aucun cas être assimilé à un séjour en Suisse, il ne devrait également être considéré que comme un résident temporaire. En ce qui concerne les constatations de fait manifestement inexactes, l’assuré soutient que le tribunal cantonal a totalement ignoré le fait qu’au moment du dépôt du recours, il avait la nationalité italienne, n’était pas inscrit auprès de l’AIRE, ne travaillait pas, voyageait fréquemment d’Italie en Suisse et vice versa, qu’il était propriétaire d’un bien immobilier en Italie et titulaire d’un permis L UE/AELE valable pour trois mois seulement. Il ressort de ces éléments qu’il entretenait des relations juridiques avec l’Italie et qu’il ne se rendait en Suisse que pour des raisons professionnelles et administratives, sans avoir l’intention de s’y installer durablement. En conclusion, le requérant reproche à l’instance cantonale d’avoir appliqué à tort le droit fédéral – art. 39 al. 1 et 60 LPGA – au lieu du droit international, déclarant ainsi le recours irrecevable pour tardiveté.

Consid. 5.3
Selon l’art. 1er lit. j du Règl. n° 883/2004 – qui correspond à l’ancien art. 1er lit. h du Règlement [CE] n° 1408/71, abrogé avec effet au 1er avril 2012 -, la résidence est le lieu où une personne réside habituellement. Le terme de résidence constitue, en principe, une notion autonome et propre du droit communautaire européen (arrêt [de la CJUE] du 11 septembre 2014 C-394/13 Ministerstvo práce a sociálních vecí, point 26 ; arrêt 8C_186/2017 du 1er septembre 2017 consid. 7.5). L’art. 11 du Règlement d’exécution [CE] n° 987/2009 (RS 0.831.109.268.11) assimile la résidence au centre des intérêts de la personne concernée, qui est déterminé par une appréciation globale des circonstances. Cet article codifie également les éléments développés par la jurisprudence de la CJUE qui peuvent être pris en compte pour déterminer le centre d’intérêts susmentionné, tels que, par exemple, la durée et la continuité de la présence sur le territoire des États membres concernés, l’exercice d’une activité ou la situation et les liens de la famille (arrêt C-394/13, point 34 ; cf. point 5). Enfin, la définition de la résidence diffère de celle du séjour à l’art. 1er lit. k du Règl. n° 883/2004, qui est défini comme un séjour purement temporaire. Dans le cadre des accords sur la libre circulation des personnes entre la Suisse et l’Union européenne, notamment dans l’application des règlements européens sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, le Tribunal fédéral a déjà constaté, sur la base de la jurisprudence de la CJUE, que le droit communautaire laisse largement ouverte la question de la détermination de la résidence et confie généralement cette notion au droit national respectif (ATF 138 V 533 consid. 4.2, 186 consid. 3.3.1).

Du point de vue du Règl. n° 883/2004, la jurisprudence fédérale a ainsi établi que la résidence est le lieu où se trouve le centre de vie de la personne ; elle peut dépendre à la fois de circonstances subjectives, fondées principalement sur la volonté de la personne concernée, et de circonstances objectives, qui sont déterminées par les conditions de vie extérieures et qui peuvent également diverger de la volonté déclarée (ATF 138 V 186 consid. 3.3.1). Toutefois, ce sont les aspects objectifs et non les aspects subjectifs qui sont déterminants pour le jugement (ATF 148 V 209 consid. 4.3 ; 138 V 533 consid. 4.2). En outre, la simple durée de résidence dans un État membre de l’UE n’est pas décisive pour déterminer le lieu de résidence (HUMMER, op. cit., n° 20 à l’art. 1 du Règl. n° 883/2004 avec les références à la jurisprudence de la CJUE). Ce qui est déterminant, en revanche, c’est de savoir si la personne concernée a localisé (ou non) le centre de ses intérêts dans l’État en question. Pour ce faire, il faut tenir compte de la nature de la profession exercée, du but de l’absence du pays d’origine, de la situation familiale et de l’intention de l’intéressé de retourner au lieu où il était précédemment employé, démontrée par l’ensemble des circonstances (ATF 138 V 186 consid. 3.3.1 ; 133 V 137 consid. 7.2 ; 131 V 222 consid. 7.4). Sur la base de l’art. 11 par. 1 lit. b du Règl. n° 987/2009, la situation de vie de la personne concernée peut également être prise en compte.

Comme l’a relevé à juste titre le tribunal cantonal, la définition de la résidence en droit communautaire correspond, pour l’essentiel, à celle du droit interne (ATF 148 V 209 consid. 4.3). En effet, selon l’art. 13 al. 2 LPGA, une personne a sa résidence habituelle (« propria dimora abituale » ; « gewöhnlicher Aufenthalt ») au lieu où elle vit pendant une période prolongée, même si la durée du séjour est d’emblée limitée. Il s’agit d’une notion créée par la jurisprudence fédérale (cf. ATF 119 V 98 consid. 6c) et propre au droit des assurances sociales. Selon une jurisprudence constante, la résidence habituelle au sens de la disposition précitée suppose donc un séjour effectif en Suisse et l’intention de le maintenir pendant un certain temps, même si la durée du séjour est d’emblée limitée ; en outre, le centre des relations de la personne doit se trouver en Suisse (ATF 141 V 530 consid. 5.3 ; 119 V 98 consid. 6c ; 112 V 164 consid. 1a). Ainsi, du point de vue du droit interne également, le domicile au sens de la résidence habituelle se situe là où se trouve le centre de vie de la personne concernée.

Consid. 5.4
L’assuré, sauf de manière générale, ne démontre pas le caractère insoutenable des constatations de l’instance cantonale. Dans la mesure où il se concentre notamment sur l’appréciation de la cour cantonale au regard des faits de la cause et du but allégué de son séjour en Suisse, il ne démontre pas leur caractère manifestement infondé, mais se contente d’opposer abusivement son opinion à celle des juges cantonaux. En tout état de cause, le raisonnement du tribunal cantonal est convaincant. Les circonstances factuelles évoquées par l’assuré ne suffisent pas à remettre en cause le raisonnement de la cour cantonale.

En effet, les considérants détaillés de la décision attaquée montrent que la cour cantonale a apprécié tous les éléments pertinents pour l’établissement des faits et a examiné de manière approfondie les griefs de l’assuré. Plus précisément, la cour cantonale a relevé que l’absence d’enregistrement AIRE ne prouve pas en soi l’absence de résidence à l’étranger et que la possibilité pour l’assuré d’un renouvellement illimité des permis UE/AELE de type L ne saurait raisonnablement prouver, au vu de tous les autres éléments du dossier, qu’il n’avait pas l’intention de résider durablement en Suisse. D’ailleurs, il est resté en Suisse malgré les blessures qu’il a subies. Même le fait qu’il ait acheté un bien immobilier en Italie ne semble pas déterminant pour admettre le retour de l’assuré dans son pays d’origine, puisque le bail de l’appartement en Suisse est toujours en cours. L’instance cantonale a ensuite pris acte du refus de l’assuré de déclarer le moment du prétendu déménagement en Italie et de produire les documents fiscaux italiens pour les années 2019-2020 et l’éventuelle résiliation du bail de l’appartement en Suisse. Par conséquent, pour la cour cantonale, des éléments plus concrets étaient nécessaires pour conclure à un déménagement en Italie. On ne saurait donc admettre que la cour cantonale ait déterminé le domicile de l’assuré par une interprétation insoutenable et en contradiction flagrante avec les documents de la cause.

Consid. 5.5
A cet égard, l’assuré semble oublier qu’en matière d’assurances sociales, la vraisemblance prépondérante suppose que, d’un point de vue objectif, des motifs importants plaident pour l’exactitude d’une allégation, sans que d’autres possibilités revêtent une importance significative ou entrent raisonnablement en considération (ATF 144 III 264 consid. 5.2). Le juge fonde sa décision sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables (ATF 126 V 353 consid. 5b et les références).

En l’espèce, il est plus vraisemblable que le centre des relations personnelles de l’assuré se trouvait dans le canton des Grisons, où il a travaillé et vécu pendant des années et bénéficié de prestations sociales qui, selon la loi, exigent une résidence effective en Suisse, et non en Italie, où il semble n’avoir fait qu’acquérir un bien immobilier. En outre, le refus de l’assuré de déclarer au tribunal cantonal la date de son prétendu déménagement en Italie est également révélateur. A cet égard, après avoir dûment analysé les éléments de preuve, en particulier le dossier relatif aux prestations de l’assurance-chômage en Suisse, les documents bancaires et les documents relatifs à la location en Suisse, la cour cantonale a estimé, conformément au droit fédéral, que les circonstances invoquées par l’assuré n’étaient pas suffisantes pour établir une résidence habituelle en Italie. Il s’ensuit que les critiques de l’assuré ne sont pas fondées à cet égard. La cour cantonale n’ayant pas constaté arbitrairement la résidence de l’assuré en Suisse, c’est donc à juste titre qu’elle a considéré que le recours déposé était tardif (art. 39 al. 1 et 60 LPGA ; cf. arrêt de renvoi 8C_307/2021 du 25 août 2021 consid. 4).

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_631/2022 consultable ici

 

Proposition de citation : 8C_631/2022 (i) du 24.03.2023, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2023/09/8c_631/2022)

 

La convention de sécurité sociale avec l’Albanie entre en vigueur le 1er octobre 2023

La convention de sécurité sociale avec l’Albanie entre en vigueur le 1er octobre 2023

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 27.09.2023 consultable ici

 

La convention de sécurité sociale entre la Suisse et l’Albanie, signée à Tirana le 18 février 2022 par le conseiller fédéral Alain Berset, entre en vigueur le 1er octobre 2023. Elle coordonne les systèmes de sécurité sociale des deux États contractants dans les domaines vieillesse, décès et invalidité et règle notamment le versement des rentes à l’étranger. Les relations économiques entre la Suisse et l’Albanie s’en trouveront renforcées.

La convention règle les relations entre la Suisse et l’Albanie en matière de sécurité sociale. Elle correspond aux conventions de sécurité sociale déjà conclues par la Suisse et est conforme aux standards internationaux en matière de coordination des systèmes de sécurité sociale. La convention couvre la prévoyance vieillesse, survivants et invalidité, à savoir l’AVS et l’AI pour la Suisse.

Elle garantit aux assurés une large égalité de traitement et un accès facilité aux prestations, et permet le versement des rentes à l’étranger. Enfin, la convention favorise les échanges économiques entre les deux pays et évite les doubles assujettissements en facilitant le détachement de personnel dans l’autre État. Comme toutes les conventions de sécurité sociale conclues ces dernières années par la Suisse, elle contient également une base pour la coopération en matière de lutte contre les abus.

 

Champ d’application matériel

Sur le fond, cette convention correspond à celles que la Suisse a déjà conclues avec d’autres États. Son champ d’application matériel comprend les dispositions légales des deux États contractants en matière d’assurance-vieillesse et survivants et d’assurance-invalidité. Elle offre en outre une base pour la lutte contre les abus.

La convention réglemente en particulier l’égalité de traitement des ressortissants des deux États contractants, l’accès aux prestations de sécurité sociale des États contractants, le versement des rentes ordinaires en cas de domicile à l’étranger ainsi que l’assujettissement à l’assurance des personnes exerçant une activité lucrative. En ce qui concerne ce dernier point, le principe du lieu de travail s’applique, avec la possibilité d’un détachement (voir plus bas «Détachement»). Les ressortissants d’États tiers sont également couverts par les dispositions de la convention sur la législation applicable.

La convention règle en outre le versement des indemnités forfaitaires en lieu et place des rentes partielles de l’AVS ou de l’AI dont le montant n’excède pas 20% de la rente ordinaire.

En ce qui concerne le droit des ressortissants albanais à des prestations complémentaires, un délai de carence de cinq ans s’applique.

Les allocations familiales ne sont pas régies par la convention. Il n’existe donc toujours pas de droit aux prestations familiales pour les enfants domiciliés en Albanie, même après l’entrée en vigueur de la convention.

 

Détachement

L’attestation de détachement suisse porte sur l’assurance-vieillesse et survivants ainsi que sur l’assurance-invalidité. La durée maximale du détachement est de 24 mois. Le détachement peut être prolongé jusqu’à une durée de six ans dans le cadre d’un accord particulier entre les autorités compétentes.

 

Coassurance des membres de la famille n’exerçant pas d’activité lucrative

Les membres de la famille qui accompagnent une personne détachée en Albanie restent assurés à l’AVS/AI/APG, pour autant qu’ils n’exercent pas d’activité lucrative dans ce pays. De même, les membres de la famille qui accompagnent une personne détachée en Suisse restent assurés en Albanie et sont dispensés de l’obligation de s’assurer et de cotiser à l’AVS/AI/APG en Suisse.

 

Remboursement des cotisations

Après le 1er octobre 2023, il ne sera plus possible de demander le remboursement des cotisations versées à l’AVS. Les ressortissants albanais dont les cotisations ont été remboursées ainsi que leurs survivants ne peuvent plus faire valoir de droits ni à l’égard de l’assurance-vieillesse et survivants ni à l’égard de l’assurance-invalidité suisse sur la base de ces cotisations et des périodes de cotisation correspondantes.

 

Totalisation des périodes d’assurance pour déterminer la naissance du droit à une rente AI

Dans les relations avec l’Albanie, les périodes d’assurance accomplies à l’étranger sont prises en compte dans le calcul de la durée minimale de cotisation de trois ans requise pour la naissance du droit à une rente AI, à condition qu’il y ait au moins une année de cotisation en Suisse. Seules sont prises en compte les périodes d’assurance accomplies en Albanie ou dans les États tiers avec lesquels la Suisse a conclu des conventions de sécurité sociale qui prévoient aussi la totalisation des périodes d’assurance pour déterminer la naissance du droit à une rente ordinaire de l’assurance-invalidité suisse.

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 27.09.2023 consultable ici

Bulletin à l’intention des caisses de compensation AVS et des organes d’exécution des PC no 474 disponible ici

Lettre circulaire AI n° 431 consultable ici

Convention de sécurité sociale entre la Confédération suisse et la République d’Albanie consultable ici (FF 2022 2195)

 

Entrata in vigore della Convenzione di sicurezza sociale tra la Svizzera e l’Albania con effetto dal 1° ottobre 2023, Informativa n. 474 per le casse di compensa-zione AVS e gli organi esecutivi PC disponibile qui

Inkrafttreten des Sozialversicherungsabkommens mit Albanien per 1. Oktober 2023, Mitteilungen an die AHV-Ausgleichskassen und EL-Durchführungsstellen Nr. 474 hier verfügbar

IV-Rundschreiben Nr. 431 hier verfügbar

 

 

Le Conseil fédéral doit examiner l’introduction d’un congé payé

Le Conseil fédéral doit examiner l’introduction d’un congé payé

 

Communiqué de presse du Parlement du 26.09.2023 consultable ici

 

Les femmes victimes d’une fausse-couche ou de mort périnatale pourraient bénéficier d’un congé payé. Le Conseil des Etats a tacitement chargé mardi le Conseil fédéral d’examiner la possibilité d’introduire un tel congé.

Actuellement, les mères ont droit à l’allocation de maternité à partir de la 23e semaine de grossesse, également en cas de mort périnatale.

Avant cette date, les morts périnatales et les fausses couches sont considérées comme des empêchements de travailler au sens du code des obligations mais ne donnent pas droit à un congé spécifique, a expliqué Josef Dittli (PLR/UR) pour la commission. Les conséquences d’événements aussi marquants doivent être mieux prises en considération.

La commission a décidé de déposer ce postulat après avoir examiné une initiative du canton du Tessin qui demandait l’introduction d’un congé en cas de fausse couche ou de mort périnatale.

La commission soutient sur le principe un tel congé. Toutefois, avant de modifier la loi, plusieurs aspects doivent encore être examinés, notamment les prétentions juridiques selon le droit en vigueur et les conséquences financières éventuelles en cas d’octroi d’un tel congé, a relevé M. Dittli.

Il a été suivi par ses collègues, qui n’ont tacitement pas donné suite à l’initiative tessinoise. Le Conseil national devra encore se prononcer sur cette dernière.

Le Conseil fédéral était aussi d’avis qu’une étude détaillée se justifie.

 

Communiqué de presse du Parlement du 26.09.2023 consultable ici

Initiative TI 22.308 « Un soutien pour les femmes confrontées à une fausse couche ou à une mort périnatale » consultable ici

Postulat CSSS-E 23.3962 « Soutien pour les femmes confrontées à une fausse couche ou à une mort périnatale » consultable ici

Rapport de la CSSS-E du 22.05.2023 disponible ici

 

Davantage de moyens auxiliaires pour les retraités handicapés

Davantage de moyens auxiliaires pour les retraités handicapés

 

Communiqué de presse du Parlement du 26.09.2023 consultable ici

 

Les retraités souffrant d’un handicap devraient bénéficier de davantage de moyens auxiliaires. Le Conseil des Etats a transmis mardi au Conseil fédéral, par 25 voix contre 13, une motion du National visant à promouvoir une vie autonome et à retarder un séjour dans un hôpital ou dans un home.

La différence entre les prestations de l’AVS et de l’Assurance invalidité (AI) est très marquée pour ce qui est des moyens auxiliaires. Les personnes retraitées sont moins bien loties, ce qui se répercute sur leur mobilité et leur autonomie.

Actuellement, la canne blanche ne figure par exemple pas au catalogue de prestations de l’AVS. Une sélection ciblée et « intelligente » des moyens auxiliaires permettrait d’améliorer la qualité de vie des personnes concernées et de retarder ou d’éviter les coûts élevés d’une prise en charge dans une institution, a indiqué Maya Graf (Vert-e-s/BL) au nom de la commission.

Le Conseil fédéral devra réviser l’ordonnance concernant la remise de moyens auxiliaires par l’AVS en conséquence.

 

Coûts potentiellement importants

La question du maintien à domicile est de la responsabilité des cantons. Dans le cadre des prestations complémentaires, ils prennent en charge les frais qui permettent le maintien à domicile des personnes concernées, a opposé Peter Hegglin (C/ZG).

Et d’ajouter que la motion sera difficile à mettre en œuvre car pratiquement toutes les prestations de l’AI pourraient servir les objectifs d’autonomie et de report de placement en institution. Au vu du vieillissement de la population, étendre les prestations de l’AVS auraient d’importantes conséquences financières, a-t-il encore fait valoir, en vain.

C’est vrai que la notion de sélection « intelligente » doit encore être définie, mais l’on parle ici de moyens auxiliaires et pas de modifications de logement, a rétorqué Maya Graf.

Le Conseil fédéral était aussi opposé au texte. L’AVS et l’AI ne poursuivent pas le même objectif, a relevé le ministre des affaires sociales Alain Berset. Les coûts sont difficiles à chiffrer, mais il part du principe qu’ils seront importants.

Une révision de la loi sur les prestations complémentaires est en cours qui prévoit la prise en charge des logements protégés pour les personnes âgées au bénéfice de prestations complémentaires que ce soit à domicile ou dans un logement institutionnalisé. De plus, le Parlement a chargé le Conseil fédéral d’examiner l’introduction d’une contribution d’assistance dans l’AVS afin de retarder l’entrée en EMS. Il serait préférable d’attendre la fin de ses travaux, a encore plaidé, en vain, M. Berset.

 

Communiqué de presse du Parlement du 26.09.2023 consultable ici

Motion CSSS-N 22.4261 « Soins ambulatoires plutôt que stationnaires pour les personnes retraitées atteintes d’un handicap. Sélection intelligente des moyens auxiliaires » consultable ici

Rapport de la CSSS-E du 15.08.2023 disponible ici

 

 

Modification de la loi fédérale sur l’assurance-invalidité LAI (Intervention précoce intensive en cas d’autisme infantile, IPI) – Procédure de consultation

Modification de la loi fédérale sur l’assurance-invalidité LAI (Intervention précoce intensive en cas d’autisme infantile, IPI) – Procédure de consultation

 

La contribution de l’assurance-invalidité (AI) à la prise en charge des coûts de l’intervention précoce intensive auprès d’enfants atteints d’autisme infantile (IPI) fait l’objet d’un projet pilote qui court jusqu’à fin 2026. L’objectif de la modification de la loi sur l’assurance-invalidité est de poursuivre l’octroi par l’AI de forfaits destinés à couvrir les coûts des mesures médicales dispensées dans le cadre de l’IPI au-delà de 2026, eu égard à l’efficacité de ce type d’intervention. Comme les prestations fournies dans le cadre de l’IPI sont financées à la fois par l’AI et par les cantons, il est prévu que la Confédération et les cantons concluent des conventions réglant leur collaboration, les objectifs et les standards de qualité concernant l’IPI, ainsi que les modalités de la participation financière de l’assurance, du contrôle et de l’évaluation.

 

Contexte

La prévalence de l’autisme infantile précoce est d’environ 0,3%, ce qui correspond en Suisse à environ 270 enfants par année (0,3% des 89 600 naissances en 2021).

L’intervention précoce intensive auprès d’enfants atteints d’autisme infantile (IPI) s’adresse aux enfants d’âge préscolaire et associe des mesures médicales et pédagogiques. Son efficacité est largement reconnue sur le plan scientifique et il existe un consensus sur le fait qu’aucune autre approche ne permet pour l’heure d’obtenir de meilleurs résultats. En Suisse, les prestations fournies dans le cadre de l’IPI ne sont cependant pas financées par un seul agent payeur : l’assurance-invalidité (AI) prend en charge les coûts des mesures médicales, alors que les cantons assument les coûts des mesures pédagogiques.

 

Contenu du projet

La modification proposée de la loi sur l’assurance-invalidité (LAI) prévoit que l’assurance peut verser aux cantons des forfaits destinés à couvrir les coûts des mesures médicales effectuées dans le cadre d’une IPI pour les assurés atteints d’autisme infantile. En raison du cofinancement de l’IPI, il est prévu que la Confédération et les cantons règlent leur collaboration dans le cadre de conventions, qui fixent également des objectifs, des conditions et des standards visant à assurer la qualité de l’IPI, les modalités de la participation financière de l’assurance ainsi que le contrôle et l’évaluation. Les conventions se fonderont sur les plans cantonaux relatifs à l’IPI, ce qui permettra de tenir compte de la situation particulière de chaque canton tout en favorisant le maintien ou la diffusion de l’offre d’IPI en Suisse.

Il est prévu que les contributions de l’assurance, prélevées sur le Fonds de compensation de l’assurance-invalidité (art. 79 LAI), soient versées sous forme de forfaits par cas. Les cantons verseront les forfaits aux fournisseurs de prestions d’IPI. La conclusion de contrats de prestations avec les fournisseurs d’IPI sera, le cas échéant, du ressort des cantons, de même que le contrôle du respect par les fournisseurs de prestations des conditions et des standards de qualité.

Un plafond des coûts à charge de l’AI est fixé à 25% des coûts moyens estimés de l’intervention. Le Conseil fédéral règle le calcul des forfaits au niveau de l’ordonnance. Il règle les éléments essentiels de l’IPI, les conditions applicables aux fournisseurs de mesures médicales, les conditions liées à la santé des assurés et à leur âge, de sorte à harmoniser la qualité des interventions et les modalités d’accès à l’IPI. Il fixe également les modalités de la surveillance ainsi que les critères pour évaluer l’efficacité de l’IPI, afin d’assurer la comparabilité des résultats obtenus dans les différentes institutions.

 

Le 22 septembre 2023, le Conseil fédéral a chargé le DFI de consulter les cantons, les partis politiques, les associations faîtières des communes, des villes et des régions de montagne qui œuvrent au niveau national, les associations faîtières de l’économie qui œuvrent au niveau national et les autres milieux intéressés sur le projet de modification de la loi fédérale sur l’assurance-invalidité (Intervention précoce intensive en cas d’autisme infantile). Le délai imparti à la consultation court jusqu’au 22 décembre 2023.

 

 

Rapport explicatif relatif à l’ouverture de la procédure de consultation, septembre 2023, disponible ici

Modification de la LAI (projet mis en consultation) disponible ici

 

Modifica della legge federale sull’assicurazione per l’invalidità LAI (Intervento precoce intensivo in caso di autismo infantile, IPI), Rapporto esplicativo disponibile qui

Änderung des Bundesgesetzes über die Invalidenversicherung IVG (Intensive Frühintervention bei frühkindlichem Autismus, IFI), erläuternder Bericht hier verfügbar

 

8C_399/2022 (f) du 21.08.2023 – Réduction de l’horaire de travail (RHT) / Réfection et à la rénovation dans un restaurant pendant la période Covid-19 – Risques normaux d’exploitation

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_399/2022 (f) du 21.08.2023

 

Consultable ici

 

Réduction de l’horaire de travail (RHT) / 31 LACI – 32 LACI – 51 OACI

Réfection et à la rénovation dans un restaurant pendant la période Covid-19 – Risques normaux d’exploitation

 

La société A.__ Sàrl (ci-après: la société) a pour but l’exploitation d’un hôtel-restaurant. Depuis le mois de mars 2020, elle a adressé plusieurs préavis de réduction de l’horaire de travail (RHT) au Service de l’emploi du canton de Vaud (ci-après: le SDE). Celui-ci a régulièrement autorisé la Caisse cantonale de chômage (ci-après: la caisse), pour autant que les autres conditions du droit à la prestation soient remplies, à lui verser les indemnités en cas de RHT, et ce jusqu’au 28.02.2021.

Ensuite du dépôt, le 15.01.2021, d’un nouveau préavis de RHT, le SDE a rendu, le 01.02.2021, une décision par laquelle il a une nouvelle fois autorisé la caisse à allouer ladite prestation à la société, pour autant que les autres conditions du droit soient remplies, pour la période allant du 01.03.2021 au 31.05.2021.

Par courriel du 03.06.2021, la caisse a indiqué au SDE qu’elle avait été informée que des travaux étaient en cours au sein des locaux dans lesquels la société déployait son activité, situation qui empêchait l’exploitation du restaurant; les informations trouvées sur Internet attestaient de la fermeture des locaux jusqu’en juillet 2021 pour cause de travaux. Interpellée, la société a expliqué que des travaux concernant les locaux où elle exploitait le restaurant (l’exploitation de l’hôtel ayant été abandonnée) devaient se dérouler du 11.05.2021 au 30.06.2021, la réouverture de son établissement étant prévue pour juillet 2021. Elle a précisé que le propriétaire du bâtiment avait profité de la fermeture ordonnée par les autorités en lien avec le Covid-19 pour procéder à la réfection et à la rénovation des lieux.

Par décision rectificative du 29.06.2021, confirmée sur opposition, annulant la décision du 01.02.2021, le SDE a autorisé la caisse à octroyer à la société l’indemnité en cas de RHT du 01.03.2021 au 10.05.2021, pour autant que les autres conditions du droit soient remplies.

 

Procédure cantonale (arrêt ACH 294/21 – 84/2022 – consultable ici)

Par jugement du 16.05.2022, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 4.1
Selon l’art. 31 al. 1 LACI, les travailleurs dont la durée normale du travail est réduite ou l’activité suspendue ont droit à l’indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail lorsque: ils sont tenus de cotiser à l’assurance ou qu’ils n’ont pas encore atteint l’âge minimum de l’assujettissement aux cotisations AVS (let. a); la perte de travail doit être prise en considération (art. 32 LACI; let. b); le congé n’a pas été donné (let. c); la réduction de l’horaire de travail est vraisemblablement temporaire, et si l’on peut admettre qu’elle permettra de maintenir les emplois en question (let. d).

Consid. 4.2
L’art. 32 al. 1 let. a et b LACI précise que la perte de travail est prise en considération lorsqu’elle est due à des facteurs d’ordre économique et est inévitable et qu’elle est d’au moins 10% de l’ensemble des heures normalement effectuées par les travailleurs de l’entreprise. Pour les cas de rigueur, le Conseil fédéral règle la prise en considération de pertes de travail consécutives à des mesures prises par les autorités, à des pertes de clientèle dues aux conditions météorologiques ou à d’autres circonstances non imputables à l’employeur (art. 32 al. 3, première phrase, LACI). Le Conseil fédéral a ainsi notamment prévu à l’art. 51 al. 1 OACI que les pertes de travail consécutives à des mesures prises par les autorités, ou qui sont dues à d’autres motifs indépendants de la volonté de l’employeur, sont prises en considération lorsque l’employeur ne peut pas les éviter par des mesures appropriées et économiquement supportables ou faire répondre un tiers du dommage.

Consid. 4.3
Aux termes de l’art. 33 al. 1 let. a LACI, une perte de travail n’est pas prise en considération lorsqu’elle est due à des mesures touchant l’organisation de l’entreprise, tels que travaux de nettoyage, de réparation ou d’entretien, ou à d’autres interruptions habituelles et réitérées de l’exploitation, ou encore à des circonstances inhérentes aux risques normaux d’exploitation que l’employeur doit assumer. Doivent être considérés comme des risques normaux d’exploitation au sens de cette disposition les pertes de travail habituelles, c’est-à-dire celles qui, d’après l’expérience de la vie, surviennent périodiquement et qui, par conséquent, peuvent faire l’objet de calculs prévisionnels. Les pertes de travail susceptibles de toucher chaque employeur sont des circonstances inhérentes aux risques d’exploitation généralement assumés par une entreprise. Ce n’est que lorsqu’elles présentent un caractère exceptionnel ou extraordinaire qu’elles ouvrent le droit à une indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail. La question du risque d’exploitation ne saurait par ailleurs être tranchée de manière identique pour tous les genres d’entreprises, ce risque devant au contraire être apprécié dans chaque cas particulier, compte tenu de toutes les circonstances liées à l’activité spécifique de l’exploitation en cause (ATF 138 V 333 consid. 4.2.2; 119 V 498 consid. 1; arrêt C 283/01 du 8 octobre 2003 consid. 3).

L’exception de l’art. 33 al. 1 let. a LACI ne vaut pas seulement pour les pertes de travail dues à des facteurs d’ordre économique selon l’art. 32 al. 1 LACI, mais s’applique également aux cas de rigueur au sens des art. 32 al. 3 LACI et 51 OACI (ATF 138 V 333 consid. 4.2.1; 128 V 305 consid. 4b; 121 V 371 consid. 2c et les références).

Consid. 5.3
Le Tribunal fédéral a confirmé à plusieurs reprises que lorsqu’un motif de non-prise en considération de la perte de travail, au sens de l’art. 33 al. 1 LACI, est donné, il importe peu que l’état de fait dans lequel s’inscrit la perte de travail relève en soi des situations visées par les art. 32 al. 1 ou al. 3 LACI (cf. consid. 4.3 supra). Partant, le fait que, parallèlement aux travaux de rénovation, une mesure des autorités au sens de l’art. 32 al. 3 LACI était, en tant que telle, susceptible de justifier la perte de travail n’est pas décisif, tout comme le point de savoir quand ont été décidés les travaux. En se prévalant du caractère inédit de la pandémie, la société n’expose pas valablement en quoi les conditions d’un revirement de jurisprudence seraient remplies (à ce sujet voir ATF 144 V 72 consid. 5.3.2 et l’arrêt cité). En tout état de cause, on ne saurait se prévaloir du caractère exceptionnel de la pandémie de coronavirus pour remettre en cause ladite jurisprudence, étant rappelé, d’une part, que l’institution de l’indemnité en cas de RHT vise précisément à faire face à certaines situations présentant un caractère exceptionnel ou extraordinaire (cf. consid. 4.3 supra) et, d’autre part, qu’en raison de l’ampleur de la pandémie, le Conseil fédéral a pu édicter des dispositions dérogeant à la LACI (art. 17 loi Covid-19). La société ne prétend pas à cet égard que le Conseil fédéral aurait suspendu l’application de l’art. 33 al. 1 let. a LACI. En outre, lorsqu’elle évoque les difficultés liées aux longs mois de fermeture, la société perd du vue qu’elle a régulièrement été mise au bénéfice des indemnités depuis sa première demande en mars 2020 jusqu’au 10.05.2021.

Enfin, ses critiques relatives à l’égalité de traitement ne peuvent pas être suivies. En effet, en procédant à la rénovation du restaurant pendant la période litigieuse, la société ne pouvait certes pas toucher les indemnités requises, mais elle a pu profiter d’une fermeture générale de tous les établissements du secteur concerné. Si elle avait attendu la fin de la mesure – ce qui lui était loisible -, elle aurait dû fermer son restaurant au profit des autres établissements et n’aurait pas non plus touché les indemnités en cas de RHT pendant les travaux de rénovation. Elle n’est donc pas pénalisée. Comme l’ont relevé à juste titre les premiers juges, l’octroi des indemnités requises à la société entraînerait au contraire une inégalité de traitement vis-à-vis de l’entreprise qui aurait planifié des travaux de rénovation ultérieurement et n’aurait pas la possibilité de les anticiper pendant la pandémie, respectivement pendant les mesures prises par les autorités.

 

Le TF rejette le recours de A.__ Sàrl.

 

 

Arrêt 8C_399/2022 consultable ici

 

8C_646/2022 (f) du 23.08.2023, destiné à la publication – Accident survenu après l’âge ordinaire de la retraite pour une assurée facultative – Rente d’invalidité – 18 al. 1 LAA – 4 LAA – 5 LAA – 136 OLAA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_646/2022 (f) du 23.08.2023, destiné à la publication

 

Consultable ici

 

Accident survenu après l’âge ordinaire de la retraite pour une assurée facultative – Rente d’invalidité / 18 al. 1 LAA – 4 LAA – 5 LAA – 136 OLAA

Interprétation d’un contrat de droit administratif

Il ne peut être dérogé à l’art. 18 al. 1 in fine LAA dans le cadre de la conclusion d’un contrat d’assurance-accidents facultative

Pas de protection de la bonne foi, l’assurée n’ayant pas rendu vraisemblable avoir subi un quelconque préjudice / 27 LPGA – 9 Cst.

 

A.A.__, née en 1946, et son époux B.A.__ né en 1945, ont fondé une entreprise de décoration d’intérieur et de nettoyage en 1989. Le 06.11.2017, l’assurance-accidents leur a soumis une offre de prolongation de contrat – lequel était renouvelable tacitement d’année en année – pour l’assurance des chefs d’entreprise pour l’année 2018. L’offre comprenait notamment, sous la rubrique «aperçu des prestations», une «rente d’invalidité à vie: 90% avec la rente AVS/AI en cas d’invalidité totale». Pour l’époux A.__, l’offre mentionnait, pour un taux d’occupation de 40%, un gain assuré de 30’000 fr. par an (2’500 fr. par mois), des indemnités journalières jusqu’à concurrence de 24’000 fr. par an (2’000 fr. par mois) et une rente d’invalidité de 27’000 fr. par an (2’250 fr. par mois) pour un taux d’invalidité de 100%, rente de l’assurance-invalidité comprise. La prime annuelle s’élevait à 1’203 fr. 70. La proposition établie pour Madame A.__ était structurée de la même manière et indiquait également le taux d’occupation, le gain assuré ainsi que les montants annuels et mensuels des indemnités journalières et de la rente d’invalidité. Les époux A.__ ont tous deux souscrit la proposition d’assurance. L’assurance-accidents a notamment établi une police d’assurance pour chefs d’entreprise en faveur de Madame A.__ pour la période du 01.01.2018 au 31.12.2018, avec renouvellement tacite, prévoyant une prime annuelle de 1’092 fr. 55 pour un gain assuré de 30’000 fr. et un taux d’occupation de 40%. La police d’assurance, datée du 01.02.2018, renvoyait aux « Conditions de l’assurance des chefs d’entreprise, édition 04.2017 » (ci-après: les conditions de l’assurance), censées faire partie intégrante du contrat, lequel a été tacitement renouvelé pour l’année 2019.

Le 04.12.2019, Madame A.__ (ci-après : l’assurée) a chuté alors qu’elle effectuait des nettoyages dans les combles d’un immeuble, occasionnant une fracture tassement de D11 instable, un TCC sans perte de connaissance, une fracture du sacrum dans sa partie S3, une fracture du bord postérieur du sternum 1/3 inférieur et une plaie longitudinale en lambeau de deux centimètres prenant le tissu sous-cutané du bord radial de l’interphalangienne distale de l’annulaire gauche. Une opération de stabilisation par ostéosynthèse de la colonne vertébrale de D9 à L1 a été pratiquée.

Par décision du 25.02.2021, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a nié le droit de l’assurée à une rente d’invalidité, au motif que l’accident du 04.12.2019 était survenu après l’âge ordinaire de la retraite de l’assurée. En revanche, une IPAI de 37’050 fr., correspondant à un taux de 25%, lui a été octroyée en raison d’un « status après fracture instable de D11 ayant nécessité une fixation interne de D9-L1 ».

 

Procédure cantonale (arrêt AA 60/21 – 123/2022 – consultable ici)

Par jugement du 26.09.2022, admission partielle du recours par le tribunal cantonal, annulant la décision sur opposition en tant qu’elle portait sur le droit à une IPAI et renvoyant la cause à l’assurance-accidents pour instruction complémentaire et nouvelle décision. Le recours a été rejeté, dans la mesure de sa recevabilité, en tant qu’il portait sur le droit à une rente d’invalidité.

 

TF

Consid. 4.1.1
Selon l’art. 6 al. 1 LAA, les prestations d’assurance sont allouées en cas d’accident professionnel, d’accident non professionnel et de maladie professionnelle. Si l’assuré est invalide (art. 8 LPGA) à 10% au moins ensuite d’un accident, il a droit à une rente d’invalidité, pour autant que l’accident soit survenu avant l’âge ordinaire de la retraite (art. 18 al. 1 LAA). Selon l’art. 4 al. 1 LAA, les personnes exerçant une activité lucrative indépendante et domiciliées en Suisse, ainsi que les membres de leur famille qui collaborent à l’entreprise, peuvent s’assurer à titre facultatif, s’ils ne sont pas assurés à titre obligatoire. Selon l’art. 5 LAA, les dispositions sur l’assurance obligatoire s’appliquent par analogie à l’assurance facultative (al. 1); le Conseil fédéral édicte des prescriptions complémentaires sur l’assurance facultative (al. 2, première phrase); il réglemente notamment l’adhésion, la démission et l’exclusion ainsi que le calcul des primes (al. 2, seconde phrase). Le Conseil fédéral a fait usage de cette compétence en édictant les art. 134 à 140 OLAA.

Dans l’assurance facultative, le rapport d’assurance se fonde sur un contrat écrit qui fixe notamment le début, la durée minimale et la fin du rapport d’assurance (art. 136 OLAA). Il s’agit d’un contrat d’assurance de droit public qui doit être interprété, dans le cadre des limites fixées par la loi, de la même manière qu’un contrat de droit privé, à savoir selon la réelle et commune intention des parties, respectivement selon le principe de la confiance (arrêt 8C_200/2017 du 2 mars 2018 consid. 3.2 et les références citées).

Consid. 4.1.2
Lorsqu’il s’agit d’interpréter un contrat de droit administratif, le juge doit, comme pour un contrat de droit privé, rechercher d’abord la réelle et commune intention des parties au moment de la conclusion du contrat (interprétation subjective; ATF 148 V 70 consid. 5.1.1; 144 V 84 consid. 6.2.1). S’il ne parvient pas à déterminer la volonté réelle et commune des parties – parce que les preuves font défaut ou ne sont pas concluantes – ou s’il constate qu’une partie n’a pas compris la volonté exprimée par l’autre à l’époque de la conclusion du contrat – ce qui ne ressort pas déjà du simple fait qu’elle l’affirme en procédure, mais doit résulter de l’administration des preuves -, il doit recourir à l’interprétation normative (ou objective), à savoir rechercher leur volonté objective, en déterminant le sens que, d’après les règles de la bonne foi, chacune d’elles pouvait et devait raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l’autre (principe de la confiance; ATF 148 V 70 consid. 5.1.1; 144 V 84 consid. 6.2.1; 144 III 93 consid. 5.2.3).

D’après le principe de la confiance, la volonté interne de s’engager du déclarant n’est pas seule déterminante; une obligation à sa charge peut découler de son comportement, dont l’autre partie pouvait, de bonne foi, déduire une volonté de s’engager. Ce principe permet ainsi d’imputer à une partie le sens objectif de sa déclaration ou de son comportement, même si celui-ci ne correspond pas à sa volonté intime (ATF 144 III 93 consid. 5.2.3; 130 III 417 consid. 3.2). L’interprétation objective permet de protéger la partie destinataire dans la compréhension qu’elle avait de la volonté manifestée par la partie adverse. Cette protection est accordée si la partie a donné à la déclaration de volonté reçue la signification qu’elle pouvait lui accorder de bonne foi selon les circonstances qu’elle connaissait ou aurait dû connaître (BÉNÉDICT WINIGER, in: Commentaire romand, Code des obligations I, 3 e éd. 2021, n° 135 ad art. 18 CO et les arrêts cités).

Si l’interprétation selon le principe de la confiance ne permet pas de dégager le sens de clauses ambiguës, celles-ci sont à interpréter en défaveur de celui qui les a rédigées, en vertu de la règle «in dubio contra stipulatorem» (ATF 148 III 57 consid. 2.2.2; 133 III 61 consid. 2.2.2.3; 124 III 155 consid. 1b). En droit des assurances, conformément au principe de la confiance, c’est en effet à l’assureur qu’il incombe de délimiter la portée de l’engagement qu’il entend prendre et le preneur n’a pas à supposer des restrictions qui ne lui ont pas été clairement présentées (ATF 133 III 675 consid. 3.3; sous une forme résumée: ATF 148 III 57 consid. 2.2.2 in fine; 135 III 410 consid. 3.2; arrêt 4A_92/2020 du 5 août 2020 consid. 3.2.2).

Dans l’interprétation de contrats de droit administratif, il y a lieu de présumer que l’administration n’est pas prête à convenir de quelque chose qui serait en contradiction avec l’intérêt public qu’elle doit préserver ou avec la législation topique (ATF 144 V 84 consid. 6.2.1; 135 V 237 consid. 3.6; 122 I 328 consid. 4e). Ainsi, en cas de doute, le contrat de droit administratif doit être interprété de manière conforme à la loi (ATF 139 V 82 consid. 3.1.2; 135 V 237 consid. 3.6).

 

Consid. 4.5
Une volonté réelle et commune des parties sur le point litigieux n’ayant pas pu être établie, il convient d’interpréter le contrat selon le principe de la confiance (cf. consid. 4.1.2 supra). La police d’assurance pour l’année 2018 remise à l’assurée ensuite de la signature de la prolongation du contrat pour l’année 2018 – renouvelé tacitement pour l’année 2019 – indique que les conditions de l’assurance « font partie intégrante de la présente police ». Selon l’art. 1 desdites conditions de l’assurance, « les prescriptions de la LAA concernant l’assurance obligatoire sont applicables par analogie à l’assurance facultative des chefs d’entreprise dans la mesure où les présentes conditions et la police ne prévoient pas d’autres dispositions ». Or le contrat signé par l’assurée, sur la base duquel la police a été établie, contient de manière explicite une clause s’écartant du prescrit de l’art. 18 al. 1 in fine LAA, en tant qu’un droit à une rente d’invalidité est prévu quand bien même l’assurée avait déjà dépassé l’âge ordinaire de la retraite au moment de la conclusion du contrat. Il n’est en effet pas contesté que l’offre de prolongation de contrat du 6 novembre 2017 soumise à l’assurée par l’assurance-accidents – dont la spécialisation dans le domaine de l’assurance-accidents en Suisse est largement reconnue – mentionnait explicitement, sous la rubrique « aperçu des prestations », le droit à une rente d’invalidité à vie (90% avec la rente AVS/AI en cas d’invalidité totale) et que cette offre de prolongation précisait les montants (annuels et mensuels) d’une éventuelle rente en cas d’accident. L’assurance-accidents, qui a elle-même rédigé l’ensemble des clauses contractuelles, ne pouvait au demeurant pas ignorer que l’assurée avait largement dépassé l’âge ordinaire de la retraite au moment où l’offre de prolongation de contrat du 6 novembre 2017 a été faite; l’assurée était alors âgée de 71 ans, soit bien au-delà de 64 ans. Au vu de ces éléments, l’assurée pouvait de bonne foi déduire de la lecture de l’offre de prolongation de contrat, de la police et des conditions de l’assurance que l’assurance-accidents s’engageait à lui verser une rente d’invalidité en cas d’accident. Par conséquent, en application du principe de la confiance, on doit conclure que le contrat liant les parties prévoit un droit à une rente d’invalidité au bénéfice de l’assurée, même si celle-ci avait dépassé l’âge ordinaire de la retraite au moment de l’accident.

 

Consid. 4.6
Il reste encore à déterminer s’il peut être dérogé à l’art. 18 al. 1 in fine LAA dans le cadre de la conclusion d’un contrat d’assurance-accidents facultative.

Consid. 4.6.1
Selon le Message additionnel du 19 septembre 2014 relatif à la modification de la LAA (FF 2014 7691), le droit à une rente d’invalidité pour les accidents survenant après l’âge ordinaire de la retraite a été supprimé – avec entrée en vigueur au 1er janvier 2017 – pour éviter toute surindemnisation; au-delà de cet âge, la prévoyance professionnelle obligatoire (à savoir les prestations prévues par la LAVS et la LPP) est en principe entièrement constituée, si bien qu’il ne peut plus y avoir de dommage de rente que l’assurance-accidents devrait compenser (FF 2014 7691, p. 7703 à 7705).

Consid. 4.6.2
Dans son Message du 18 août 1976 à l’appui du projet de la LAA (FF 1976 III 143), le Conseil fédéral soulignait, s’agissant de l’assurance-accidents facultative, qu’il convenait de donner la possibilité aux employeurs et autres personnes de condition indépendante, à l’exception des personnes sans activité lucrative occupant des employés de maison, de s’assurer facultativement aux mêmes conditions que les travailleurs (FF 1976 III 143, p. 166). Concernant l’art. 5 LAA (cf. consid. 4.1.1 supra), il précisait que le genre et la durée de l’assurance obéissaient aux règles de l’assurance obligatoire pour les personnes qui pouvaient adhérer facultativement à l’assurance selon la loi. Il en allait notamment ainsi pour le droit aux prestations, les primes, la prévention des accidents, les rapports entre les assureurs et les personnes exerçant une activité dans le domaine médical, les questions tarifaires, le contentieux et les dispositions pénales. S’agissant de l’art. 5 al. 2 LAA, le Conseil fédéral relevait que s’il en était besoin, il édicterait des prescriptions spéciales pour l’assurance facultative, avant tout quant à l’adhésion et à la démission, quant à l’exclusion, par exemple lorsque cesse l’activité lucrative, et quant au calcul des primes; ces prescriptions devaient empêcher que l’on abuse des avantages de l’assurance facultative (FF 1976 III 143, p. 188 et 189). Sur la base de cet alinéa 2, le Conseil fédéral a édicté les art. 134 à 140 OLAA.

Consid. 4.6.3
L’ancien Tribunal fédéral des assurances a précisé que l’assurance facultative n’est pas, de par la loi, conçue de manière différente de l’assurance obligatoire. Il est toutefois possible de déroger aux dispositions relatives à l’assurance obligatoire, applicables «par analogie» («sinngemäss» dans la version allemande et «per analogia» dans la version italienne) selon l’art. 5 al. 1 LAA, dans la mesure où la nature et la structure de l’assurance facultative le justifient. La volonté du législateur n’était en effet pas de mettre systématiquement sur un pied d’égalité les assurés volontaires et les assurés obligatoires (cf. ATF 148 V 236 consid. 7.1 et les références); il a au contraire été prévu que le Conseil fédéral puisse édicter des prescriptions particulières dans la mesure où l’assurance facultative le requérait. Selon une correcte interprétation de l’art. 5 LAA, les dispositions de l’assurance obligatoire ne doivent être appliquées à l’assurance facultative que si cela paraît judicieux («wenn dies sinnvoll erscheint»). En d’autres termes, des dérogations à la LAA sont autorisées si elles sont justifiées par le caractère différent de l’assurance obligatoire et de l’assurance facultative (arrêts U 41/05 du 13 juin 2006 consid. 3, in: RAMA 5/2006 p. 403 s.; U 358/98 du 9 décembre 1999 consid. 4a, in: RAMA 3/2000 p. 172 s.; cf. aussi VOLKER PRIBNOW, in: Frésard-Fellay/Leuzinger/Pärli [éd.], Basler Kommentar, Unfallversicherungsgesetz, 2019, n° 2 ad art. 5 LAA; MARCO CHEVALIER, in: Marc Hürzeler/Ueli Kieser [éd.], Kommentar zum schweizerischen Sozialversicherungsrecht, UVG, 2018, n ° 1 à 3 ad art. 5 LAA). Les dérogations à l’assurance obligatoire ne se limitent ainsi pas aux dispositions particulières des art. 134 ss OLAA (cf. VOLKER PRIBNOW, op. cit., n° 2 ad art. 5 LAA). Le travailleur indépendant doit toutefois pouvoir partir du principe qu’il obtiendra, grâce à l’assurance facultative, la même protection que celle dont bénéficient ses salariés (ibidem, n° 6 in fine ad art. 5 LAA).

Consid. 4.6.4
L’assurance-accidents facultative au sens de la LAA est à distinguer de l’assurance-accidents facultative complémentaire («Unfallzusatzversicherung»), qui en tant qu’assurance privée est soumise à la LCA et ne tombe pas sous le coup de la LAA. La CNA ne peut pas proposer des assurances-accidents facultatives complémentaires; les employeurs assurés auprès de la CNA qui souhaitent une couverture d’assurance-accidents plus complète pour leurs employés (peuvent et) doivent s’adresser à d’autres assureurs au sens des art. 68 ss LAA. Aux termes de l’art. 70 al. 1 LAA, ces assureurs sont tenus d’allouer au moins les prestations d’assurance prévues dans la LAA aux personnes assurées à titre obligatoire ou facultatif (cf. MARC HÜRZELER / BETTINA BÜRGI, in: Frésard-Fellay/Leuzinger/Pärli [éd.], Basler Kommentar, op. cit., n° 3 et 4 ad art. 70 LAA; HARDY LANDOLT, in: René Schaffhauser/Ueli Kieser [éd.], Invalidität von Selbstsändigerwerbenden, 2007, p. 68). L’art. 70 al. 1 LAA ne porte pas sur le rapport entre l’assurance obligatoire et l’assurance facultative (arrêt U 358/98 du 9 décembre 1999 précité consid. 4b).

Consid. 4.6.5
L’OLAA ne contient aucune prescription spéciale faisant exception à l’art. 18 al. 1 in fine LAA, en cohérence avec le Message du 18 août 1976, dans lequel le Conseil fédéral indiquait que le droit aux prestations des personnes assurées facultativement obéissait aux règles de l’assurance obligatoire (cf. consid. 4.6.2 supra). Or on ne voit pas qu’une dérogation à cette disposition légale dans le domaine de l’assurance facultative puisse être entérinée par la jurisprudence, dès lors qu’une telle dérogation ne se justifierait pas par le caractère différent des deux types d’assurances. Certes, certaines personnes de condition indépendante peuvent être contraintes de travailler au-delà de l’âge ordinaire de la retraite pour des motifs économiques. Tel peut toutefois aussi être le cas de salariés qui ne se sont pas constitué une épargne suffisante. En outre, les indépendants ont la possibilité de se constituer volontairement un deuxième pilier ainsi qu’un troisième pilier, de sorte que leur situation est également sur ce point comparable à celle des salariés. Le risque de surindemnisation (cf. consid. 4.6.1 supra) concerne donc aussi les indépendants. Pour revenir aux salariés, on notera que l’art. 18 al. 1 in fine LAA s’applique aux personnes assurées obligatoirement contre le risque d’accidents indépendamment du fait qu’ils continuent ou non de travailler après l’âge ordinaire de la retraite ainsi que de l’état de leur prévoyance retraite. On rappellera encore que les prescriptions spéciales en matière d’assurance facultative ont pour but d’empêcher que l’on abuse des avantages de cette assurance (cf. consid. 4.6.2 in fine supra). Or admettre un droit à la rente d’invalidité en faveur des personnes assurées facultativement en cas d’accident au-delà de l’âge ordinaire de la retraite – en dérogation à l’art. 18 al. 1 in fine LAA – reviendrait à procurer un avantage aux assurés soumis au régime facultatif.

Consid. 4.7
Il découle de ce qui précède qu’il ne peut pas être dérogé à l’art. 18 al. 1 in fine LAA dans le cadre de la conclusion d’un contrat d’assurance-accidents facultative. Par conséquent, le contrat liant les parties doit être interprété conformément à cette disposition légale. Malgré la volonté objective des parties de prévoir un droit à une rente d’invalidité en cas d’accident après l’âge ordinaire de la retraite de l’assurée (cf. consid. 4.5 in fine supra), celle-ci ne peut pas prétendre à l’octroi d’une rente d’invalidité sur une base contractuelle. Il reste ainsi à examiner ci-après si tel pourrait être le cas sur la base des principes relatifs à la protection de la bonne foi.

 

Consid. 5.1
Aux termes de l’art. 27 LPGA, dans les limites de leur domaine de compétence, les assureurs et les organes d’exécution des diverses assurances sociales sont tenus de renseigner les personnes intéressées sur leurs droits et obligations (al. 1); chacun a le droit d’être conseillé, en principe gratuitement, sur ses droits et obligations (al. 2, première phrase); sont compétents pour cela les assureurs à l’égard desquels les intéressés doivent faire valoir leurs droits ou remplir leurs obligations (al. 2, deuxième phrase).

Découlant directement de l’art. 9 Cst. et valant pour l’ensemble de l’activité étatique, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu’il met dans les assurances reçues des autorités, lorsqu’il a réglé sa conduite d’après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l’administration. Selon la jurisprudence, un renseignement ou une décision erronés de l’administration peuvent obliger celle-ci à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur, à condition que (1) l’autorité soit intervenue dans une situation concrète à l’égard de personnes déterminées, (2) qu’elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de ses compétences et (3) que l’administré n’ait pas pu se rendre compte immédiatement de l’inexactitude du renseignement obtenu. Il faut encore (4) que l’administré se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice, (5) que la réglementation n’ait pas changé depuis le moment où l’assurance a été donnée et (6) que l’intérêt à l’application du droit n’apparaisse pas prépondérant (ATF 146 I 105 consid. 5.1.1; 143 V 95 consid. 3.6.2; 137 I 69 consid. 2.5.1; arrêt 9C_252/2022 du 15 mai 2023 consid. 7.2 et l’arrêt cité). Ces principes s’appliquent par analogie au défaut de renseignement, la condition (3) devant toutefois être formulée de la façon suivante: que l’administré n’ait pas eu connaissance du contenu du renseignement omis ou que ce contenu était tellement évident qu’il n’avait pas à s’attendre à une autre information (ATF 143 V 341 consid. 5.2.1; 131 V 472 consid. 5).

Consid. 5.2
La cour cantonale
a retenu que l’assurée ne pouvait pas prétendre au versement de la rente litigieuse malgré le renseignement erroné qui lui avait été communiqué par l’assurance-accidents. En effet, la preuve d’un comportement préjudiciable à ses intérêts en raison de ce renseignement n’avait pas été apportée. L’assurée n’avait allégué que très vaguement le fait qu’elle n’avait pas constitué de prévoyance professionnelle et qu’elle comptait sur son activité indépendante pour financer sa retraite. On voyait toutefois mal comment elle aurait encore pu financer une telle retraite entre le moment de la conclusion du contrat d’assurance et celui de la survenance de l’accident, dans l’hypothèse où elle aurait été informée du fait qu’une invalidité résultant d’un accident n’ouvrirait pas le droit à une rente. Cette lacune aurait de toute façon dû être comblée en relation avec le risque de maladie invalidante, ce qui n’avait apparemment pas été fait. Il était par ailleurs peu vraisemblable que l’assurée ait trouvé, après l’âge de la retraite, auprès d’une compagnie d’assurance privée, un contrat d’assurance de rente en cas de réalisation du risque d’accident, voire un contrat d’assurance de somme couvrant ce risque de manière équivalente pour un prix abordable. Enfin, le contrat conclu était tout de même globalement favorable pour l’assurée, les indemnités journalières (28’000 fr.) et l’IPAI (37’050 fr.) versées par l’assurance-accidents excédant largement les cotisations payées (20’000 à 25’000 fr.), sans compter la prise en charge des frais médicaux.

Consid. 5.4
Quand bien même la perspective d’un droit à une rente d’invalidité en cas d’hypothétique accident aurait conduit l’assurée à conclure le contrat litigieux, elle n’a pas rendu vraisemblable avoir subi un quelconque préjudice. Comme retenu à juste titre par les premiers juges, on ne voit pas – et l’assurée n’expose pas – quelles mesures elle aurait pu prendre au titre de la prévoyance professionnelle entre le moment où l’offre de prolongation du contrat lui a été soumise – alors qu’elle était âgée de 71 ans – et l’accident quelques mois plus tard. Elle ne soutient notamment pas qu’elle aurait travaillé davantage pour combler une prévoyance retraite insuffisante. Par ailleurs, l’intéressée ne rend toujours pas plausible qu’elle aurait pu, à 71 ans, conclure auprès d’une assurance privée un contrat qui aurait prévu le droit à une rente d’invalidité en cas d’accident au-delà de l’âge ordinaire de la retraite ou, plus généralement, qui lui aurait permis d’obtenir des prestations nettes – soit en tenant compte des primes versées – plus élevées que celles reçues de l’assurance-accidents (cf. consid. 5.2 in fine supra).

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 8C_646/2022 consultable ici

 

8C_396/2022 (d) du 21.04.2023 – Revenu sans invalidité d’un indépendant – Vraisemblance de la poursuite ou de la cessation de l’activité en bonne santé – Revenu précédant l’atteinte à la santé relativement bas – 16 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_396/2022 (d) du 21.04.2023

 

Consultable ici

NB : Traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi

 

Revenu sans invalidité d’un indépendant – Vraisemblance de la poursuite ou de la cessation de l’activité en bonne santé – Revenu précédant l’atteinte à la santé relativement bas / 16 LPGA

 

Assuré, né en 1982, a exercé une activité indépendante en tant que propriétaire de l’entreprise individuelle B.__ à partir du 01.03.2010. Troubles dès janvier 2016 en lien avec une sclérose en plaques (diagnostic posé en septembre 2016). Dépôt de la demande AI : 08.03.2017. Expertise neurologique en octobre 2018 et expertises psychiatriques en janvier 2019 et mai 2021. Décision de refus de prestations AI le 05.10.2021.

 

Procédure cantonale (arrêt IV.2021.178 – consultable ici)

Par jugement du 30.03.2022, admission du recours par le tribunal cantonal (droit à une demi-rente AI dès septembre 2017 et à un quart de rente dès avril 2021).

 

TF

Consid. 3.2.1
Pour déterminer le revenu sans invalidité, il est déterminant de savoir ce que la personne assurée aurait gagné au moment déterminant sur la base de ses capacités professionnelles et de ses circonstances personnelles, au degré de la vraisemblance prépondérante (ATF 145 V 141 consid. 5.2.1). Partant de la présomption que l’assuré aurait continué d’exercer son activité sans la survenance de son invalidité, ce revenu se déduit en principe du salaire réalisé en dernier lieu par l’assuré avant l’atteinte à la santé, en prenant en compte également l’évolution des salaires jusqu’au moment de la naissance du droit à la rente ; les exceptions doivent être établies au degré de la vraisemblance prépondérante (ATF 144 I 103 consid. 5.3 avec référence). Ce n’est que lorsque les circonstances réelles ne permettent pas de chiffrer le revenu sans invalidité avec une précision suffisante que l’on peut recourir à des valeurs statistiques telles que les enquêtes sur la structure des salaires (ESS) publiées par l’Office fédéral de la statistique (OFS) (arrêts 8C_236/2022 du 4 octobre 2022 consid. 9.4 ; 8C_177/2022 du 13 juillet 2022 consid. 8.1).

Consid. 3.2.2
Le revenu sans invalidité des indépendants peut en principe être déterminé sur la base des inscriptions au compte individuel (CI) (SVR 2017 IV no 6 p. 15, 9C_644/2015 consid. 4.6.2 ; arrêt 8C_738/2021 du 8 février 2023 consid. 3.4.2.2 et les références). Si le dernier revenu réalisé présente des fluctuations importantes et relativement brèves, il faut se baser sur le gain moyen réalisé sur une période plus longue (SVR 2021 UV n° 26 p. 123, 8C_581/2020 E. 6.1 ; arrêt 9C_341/2022 du 8 novembre 2022 consid. 4.3). La jurisprudence du Tribunal fédéral n’exclut toutefois pas que, même pour les personnes exerçant une activité lucrative, on ne se base pas, dans certaines circonstances, sur le dernier revenu réalisé. C’est notamment le cas pour les indépendants lorsque les circonstances permettent de supposer au degré de la vraisemblance prépondérante que la personne assurée aurait, en cas d’atteinte à la santé, abandonné son activité indépendante et accepté une autre activité mieux rémunérée. Il en va de même lorsque l’activité indépendante exercée avant l’atteinte à la santé ne constitue pas, en raison de sa courte durée, une base suffisante pour la détermination du revenu sans invalidité, d’autant plus que les bénéfices d’exploitation sont habituellement faibles au cours des premières années suivant le début de l’activité indépendante, et ce pour diverses raisons (taux d’amortissement élevé sur les nouveaux investissements, etc. ; ATF 135 V 58 consid. 3.4.6; arrêt 8C_572/2021 du 19 janvier 2022 consid. 3.2 et les références; 9C_153/2020 du 9 octobre 2020 consid. 2 et les références; cf. CHRISTOPH FREY/NATHALIE LANG, in: Basler Kommentar, Allgemeiner Teil des Sozialversicherungsrechts, 2020, N. 44 f. zu Art. 16 ATSG). Si la personne assurée, même lorsque sa capacité de travail n’était pas encore réduite, s’est toutefois contentée pendant plusieurs années d’un revenu modeste provenant d’une activité indépendante, c’est ce revenu qui est déterminant pour la fixation du revenu de valide (ATF 135 V 58 consid. 3.4.6 et les références; arrêt 8C_738/2021 du 8 février 2023 consid. 3.4.2.3).

Consid. 3.2.3
La question de savoir quelle serait l’activité professionnelle de la personne assurée si elle n’était pas atteinte dans sa santé est une question de fait que le Tribunal fédéral ne peut examiner que sous un angle restreint (art. 105 al. 1 et 2 LTF), dans la mesure où elle repose sur l’appréciation des preuves, même si elle prend également en compte des conclusions tirées de l’expérience générale de la vie (arrêts 9C_52/2021 du 15 mars 2021 consid. 4.3 et les références; 8C_784/2020 du 18 février 2021 consid. 2.3 et les références). Les constatations du tribunal cantonal à ce sujet lient donc en principe le Tribunal fédéral, sauf si elles sont manifestement inexactes ou si elles reposent sur une violation du droit au sens de l’art. 95 LTF.

 

Consid. 4.1
Dans sa décision, l’office AI a constaté que l’assuré était limité dans sa capacité de travail depuis septembre 2016. A l’échéance du délai d’attente en septembre 2017, il n’était plus en mesure d’exercer son ancienne activité d’indépendant. Des activités adaptées à son état de santé auraient toutefois pu être exigées de lui à un taux d’occupation de 50%. A partir de janvier 2019, sa capacité de travail dans des activités adaptées est passée à 60%. Pour calculer les revenus sans invalidité, l’office AI s’est basé sur la moyenne des revenus des années 2012 (32’300 francs), 2013 (32’700 francs) et 2014 (46’200 francs) inscrit au CI de l’assuré, adaptée à l’évolution des salaires nominaux jusqu’en 2017 et 2019. Pour l’année 2017, il en résulte un revenu d’invalidité de 37’776 francs, pour l’année 2019 de 38’494 francs. L’office AI a déterminé le revenu d’invalide sur la base des salaires statistiques de l’ESS (valeur totale de la table TA1, niveau de compétence 1, hommes, ESS 2016 ou 2018), ce qui a donné pour l’année 2017 un revenu d’invalide de 33’551 francs pour un taux d’occupation raisonnable de 50% et pour l’année 2019 un revenu d’invalide de 41’026 francs en supposant un taux d’occupation de 60%. Les comparaisons de revenus ont abouti à des taux d’invalidité de 11 % (2017) et de 0 % (2019) ne donnant pas droit à une rente.

Consid. 5.1
La cour cantonale a d’abord retenu à ce sujet qu’il semblait en soi correct que l’office AI n’ait pas pris en compte les revenus des années 2010 (29’400 francs) et 2011 (9’094 francs) mentionnés dans l’extrait du CI de l’assuré, étant donné que l’entreprise était encore en phase de développement durant ces années. […] En raison de la chute massive du revenu en 2015 à 9’333 francs – que l’office AI n’a pas prise en compte dans le calcul de la valeur moyenne en faveur de l’assuré – la question se pose toutefois de savoir si, relativement peu d’années après la création de l’entreprise, il aurait continué à exercer cette activité même sans atteinte à la santé. Il est frappant de constater qu’au cours des cinq années qui se sont écoulées entre l’ouverture de son commerce et le début des symptômes de la sclérose en plaques en janvier 2016, il n’a réalisé qu’un revenu relativement faible. Il est concevable que l’assuré ait espéré une nette amélioration en raison de la tendance à la hausse à partir de l’année 2012 et du revenu réalisé en 2014. Toutefois, il n’apparaît pas comme étant vraisemblable qu’il aurait continué à exercer l’activité indépendante après la baisse massive de revenus en 2015, alors qu’il était en bonne santé, d’autant plus qu’en l’absence d’indices correspondants, on ne peut pas non plus supposer que les affaires se seraient rétablies. Il faut plutôt partir du principe que l’assuré aurait abandonné l’activité indépendante, car un revenu aussi bas n’aurait pas permis de vivre à long terme.

 

Consid. 5.2.2.1
Pour conclure que l’assuré aurait cessé d’exercer une activité indépendante même s’il était en bonne santé, l’instance cantonale s’est appuyée sur les revenus qu’il a perçus, en accordant notamment une importance décisive à la chute des revenus en 2015. On ne peut toutefois pas suivre son point de vue. Comme l’a objecté à juste titre l’office AI, les fluctuations de revenus sont inhérentes à une activité lucrative indépendante. L’arrêt attaqué ne fait d’ailleurs pas état d’éléments concrets qui plaideraient en faveur de l’hypothèse de l’instance cantonale selon laquelle la situation économique de l’assuré ne se serait probablement pas rétablie dans les années suivant 2015 ; il s’agit donc d’une simple spéculation sur ce point. En ce qui concerne la baisse de revenu subie en 2015 et la nature modeste des revenus obtenus auparavant, la cour cantonale ne tient pas compte du fait que l’assuré a malgré tout exercé son activité pendant plus de cinq ans et n’a finalement cessé son activité qu’en septembre 2017, c’est-à-dire un an après le début de son incapacité de travail pour raisons de santé. Dans cette situation initiale, un revenu modeste ne revêt pas en soi une importance telle qu’il faille déroger à la règle lors de la détermination du revenu sans invalidité et recourir exceptionnellement aux valeurs statistiques (cf. sur l’ensemble consid. 3.2.1 supra).

Consid. 5.2.2.2
Le tribunal cantonal n’a pas mentionné d’indices pertinents permettant de conclure que l’assuré ne se serait pas contenté d’un revenu modeste, mais qu’il aurait cherché un travail mieux rémunéré. Au contraire, la cour cantonale s’est contentée de supposer qu’il était « concevable qu’il ait espéré une nette amélioration de son revenu en raison de la tendance à la hausse à partir de l’année 2012 ». Dans la mesure où elle a néanmoins conclu, dans ce contexte, que l’assuré aurait abandonné son activité indépendante même s’il était en bonne santé, cette conclusion est manifestement insoutenable.

Consid. 5.2.2.3
On peut renoncer à un renvoi de l’affaire à la cour cantonale pour un examen plus approfondi de l’activité hypothétique de l’assuré (cf. art. 107 al. 2 LTF), les faits pouvant être complétés sans autre sur la base du dossier de procédure (art. 105 al. 2 LTF). Selon le rapport d’enquête du 21 novembre 2017, l’assuré a justifié l’abandon de l’affaire en septembre 2017 auprès de l’office AI en raison de son état de santé. Il en va de même de divers rapports médicaux. En revanche, aucun indice ne plaide en faveur de l’hypothèse des juges cantonaux. Contrairement à l’avis de ces derniers, l’office AI a donc à juste titre basé les revenus sans invalidité déterminants sur la base des revenus provenant d’une activité lucrative indépendante.

Consid. 5.2.3
En ce qui concerne le calcul concret des revenus sans invalidité la décision de l’office AI (consid. 4.1 supra-dessus) doit également être confirmée. La cour cantonale avait déjà constaté à cet égard qu’il semblait en soi correct que l’office AI n’ait pas tenu compte des revenus de la phase de développement commercial 2010 et 2011 mentionnés dans l’extrait CI de l’assuré et qu’il se soit également basé sur la valeur moyenne correspondante des revenus de ces trois années en raison des grandes différences de revenus entre 2012 et 2014. Cela peut être suivi sans autre (cf. consid. 3.2.2 supra). Les revenus sans invalidité de 37’776 francs (2017) et de 38’494 francs (2019) calculés par l’office AI s’avèrent globalement conformes au droit fédéral. […] Le recours de l’office AI est fondé.

 

Le TF admet le recours de l’office AI, annule le jugement cantonal et confirme la décision de l’office AI.

 

 

Arrêt 8C_396/2022 consultable ici

 

Proposition de citation : 8C_396/2022 (d) du 21.04.2023, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2023/09/8c_396-2022)