Clarifications concernant les bases légales à la prise en charge par l’AI de mesures médicales pour les enfants atteints d’une infirmité congénitale

Clarifications concernant les bases légales à la prise en charge par l’AI de mesures médicales pour les enfants atteints d’une infirmité congénitale

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 27.04.2023 consultable ici

 

Depuis 2022, le règlement sur l’assurance-invalidité (RAI) exige que l’AI se réfère, pour la prise en charge des moyens et appareils utilisés pour le diagnostic et le traitement d’infirmités congénitales chez les enfants, à la liste des moyens et appareils (LiMA) de l’assurance-maladie obligatoire. L’objectif de cette nouvelle disposition est de garantir un traitement efficace, adéquat et économique des infirmités congénitales. Selon l’évaluation de l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS), il s’avère que les bases légales à cette disposition sont insuffisantes. C’est pourquoi le RAI doit être révisé au plus vite afin de prévoir expressément la prise en charge au cas par cas de prix et prestations divergeant de la LiMA.

Ces dernières semaines, environ 326 familles ont reçu une ou plusieurs factures pour des soins prodigués à leur enfant atteint d’une infirmité congénitale, soins jusque-là pris en charge par l’AI. En effet, un prestataire fournissant des appareils de diagnostic et de traitement refuse d’aligner ses prix sur les montants maximaux de remboursement prévus dans la LiMA. Ce prestataire a facturé aux familles concernées la différence entre ses prix et les montants maximaux en question. Cette pratique a suscité inquiétudes et désagréments chez ces familles, au grand regret de l’OFAS.

L’OFAS a immédiatement réagi en s’assurant que les familles soient déchargées de tout supplément de coût et a fait le nécessaire pour que l’AI continue de prendre en charge la totalité des frais des examens et des soins indispensables à leur enfant. Le 14.04.2023, il a chargé les offices AI de contacter et de rembourser (rétroactivement si nécessaire) les familles devant assumer le supplément de coût mentionné ici. Dans les cas médicalement justifiés, la prise en charge du coût de moyens, d’appareils, de prestations et de fournitures ne figurant pas dans la LiMA est également maintenue.

 

Bases légales à l’utilisation de la LiMA dans l’AI jugées insuffisantes

Un examen du cadre juridique par l’OFAS et l’Office fédéral de la justice (OFJ) a permis d’établir que le renvoi à la LiMA dans le règlement sur l’assurance-invalidité adopté par le Conseil fédéral le 3 novembre 2021 ne constitue pas une base légale suffisante. Si l’utilisation de la LiMA en tant que référence pour l’application des critères d’efficacité, d’adéquation et d’économicité (critères EAE) à la prise en charge du coût des moyens et appareils est justifiée, l’application de la liste est réglementée de manière trop restrictive. Il devrait être possible de procéder à tout moment à un examen au cas par cas dans la décision de prise en charge d’appareils ne figurant pas dans la liste. C’est dans ce sens que l’OFAS prépare une révision du RAI. Par ailleurs, il examine également si une convention tarifaire permettrait de clarifier la réglementation.

 

Liste des moyens et appareils (LiMA)

La LiMA énumère les moyens et appareils prescrits par un médecin, utilisés par l’assuré lui-même, par un intervenant non professionnel impliqué dans l’examen ou le traitement, par une structure de soins de jour, par une organisation d’aide et de soins à domicile ou par une infirmière ou un infirmier dans le cadre de soins au sens de l’art. 25a LAMal, et dont le coût est pris en charge par l’assurance obligatoire des soins (AOS). La LiMA comporte approximativement 750 positions et couvre environ 35 000 produits. Entre 2016 et 2021, elle a fait l’objet d’une révision dans laquelle la conformité aux critères EAE de chaque moyen et appareil a été examinée avec le concours d’un groupe d’experts. Conformément à la procédure fixée par la loi, la modification et l’ajout de positions à la LiMA s’effectuent, après audition de la Commission fédérale des analyses, moyens et appareils (CFAMA), par une décision du Département fédéral de l’intérieur (DFI).

 

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 27.04.2023 consultable ici

Chiarimento della base giuridica per il rimborso da parte dell’AI dei provvedimenti sanitari destinati ai bambini con infermità congenite, Comunicato stampa dell’UFAS del 27.04.2023 disponibile qui

Rechtsgrundlage der IV für die Vergütung von medizinischen Massnahmen bei Kindern mit Geburtsgebrechen geklärt, Medienmitteilung des BSV vom 27.04.2023 hier verfügbar

 

9C_60/2022 (f) du 09.03.2023 – Taux des frais administratifs – 58 al. 4 LAVS – 69 LAVS / Bases légales valables pour la perception des cotisations sociales par la caisse de compensation

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2022 (f) du 09.03.2023

 

Consultable ici

 

Taux des frais administratifs / 58 al. 4 LAVS – 69 LAVS

Bases légales valables pour la perception des cotisations sociales par la caisse de compensation

Procédure simplifiée / 51 LPGA

 

A.__ Sàrl (ci-après: la société) exploite une discothèque. En tant qu’employeur, elle est affiliée à la caisse de compensation pour le paiement des cotisations sociales de ses employés. Outre des acomptes de cotisations pour les années 2013 à 2019, la caisse de compensation a régulièrement adressé à la société (au début de chaque année qui suivait le versement des acomptes) des décomptes annuels indiquant le montant des cotisations encore dues ou versées en trop et les frais administratifs y relatifs. Sur demande de A.__ Sàrl, la caisse de compensation a rendu une décision formelle, confirmée sur opposition, portant exclusivement sur le montant des frais administratifs. Elle a fixé le taux de ces frais à 4,05% pour les années 2013 à 2015 et 2019 ainsi qu’à 2,55% pour les années 2016 à 2018.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 15.12.2021, admission partielle par le tribunal cantonal, réformation la décision en ce sens que le taux des frais administratifs relatif aux années 2015 et 2019 était fixé à 2.55%.

 

TF

Consid. 4.1
Compte tenu des motifs et conclusions du recours, il s’agit d’abord de déterminer si le tribunal cantonal pouvait légitimement conclure que les décomptes relatifs aux années 2013 et 2014 ne pouvaient plus être revus dans le cadre de son examen du recours, ce qui rendait en outre sans objet le grief de la société sur la prescription de la créance de cotisations pour les années citées.

Consid. 4.3.1
Les cotisations dues par l’employeur sont en général encaissées selon la procédure simplifiée prévue à l’art. 51 al. 1 LPGA (art. 14 al. 3 première phrase LAVS). Cela signifie que ces cotisations doivent faire l’objet de la décision écrite prévue à l’art. 49 al. 1 LPGA uniquement si l’intéressé la demande (art. 51 al. 2 LPGA) dans un délai d’examen et de réflexion convenable (ATF 134 V 145 consid. 5.3).

La société soutient avoir contesté le montant facturé à titre de frais administratifs régulièrement depuis le 14 janvier 2014 déjà. Le point de savoir si cette date doit être retenue au lieu de celle de juillet 2015 admise par la juridiction cantonale peut demeurer indécis. Dans l’éventualité où les décomptes de cotisations pour les années 2013 et 2014 seraient bel et bien entrés en force de chose décidée, le tribunal cantonal ne pouvait de toute façon pas se dispenser de les revoir dans le cadre de l’examen du recours pour les motifs qui suivent.

Consid. 4.3.2
Faute de demande de décision formelle dans un délai d’examen et de réflexion convenable, la prise de position de l’assureur selon la procédure simplifiée entre en force et déploie ses effets au même titre qu’une décision. Elle ne peut être modifiée qu’aux conditions de la révision ou de la reconsidération de l’art. 53 LPGA (VALÉRIE DÉFAGO GAUDIN, Commentaire romand, LPGA, 2018, n° 10 ad art. 51 LPGA). L’assureur peut reconsidérer une décision formellement passée en force et sur laquelle une autorité judiciaire ne s’est pas prononcée quant au fond, à condition qu’elle soit manifestement erronée et que sa rectification revête une importance notable (art. 53 al. 2 LPGA). Il n’est pas tenu de reconsidérer les décisions qui remplissent les conditions fixées. Il en a simplement la faculté et ni l’assuré ni le juge ne peuvent l’y contraindre (ATF 133 V 50 consid. 4.1). Cependant, lorsqu’il entre en matière sur une demande de reconsidération et examine si les conditions requises sont remplies, avant de statuer au fond par une nouvelle décision de refus, celle-ci est susceptible d’être attaquée en justice. Le contrôle juridictionnel dans la procédure de recours subséquente se limite alors au point de savoir si les conditions d’une reconsidération (inexactitude manifeste de la décision initiale et importance notable de la rectification) sont réunies (ATF 119 V 475 consid. 1b/cc). En revenant dans ses décisions des 19 mars et 26 juin 2020 sur les décomptes annuels entrés en force pour les années 2013 et 2014, alors qu’elle n’y était pas obligée, la caisse de compensation a en l’occurrence concrètement rendu une décision de reconsidération. La décision sur opposition du 26 juin 2020 pouvait donc être attaquée en justice aussi en tant qu’elle portait sur les années en cause. La juridiction cantonale ne pouvait ainsi pas se dispenser d’examiner les griefs de la société à propos de la prescription de la créance de cotisations et du montant des frais administratifs perçus pour les années 2013 et 2014.

Consid. 4.3.3
En principe, il conviendrait de renvoyer la cause aux juges cantonaux pour qu’ils examinent ces aspects du litige (art. 107 al. 2 LTF). Toutefois, dans la mesure où les faits constatés en première instance permettent d’examiner tant le grief concernant la prescription de la créance de cotisations pour les années 2013 et 2014 que le grief portant sur le montant des frais administratifs pour ces mêmes années, un impératif d’économie de procédure justifie à titre exceptionnel que le Tribunal fédéral renonce à ce renvoi et procède lui-même à un examen au fond (ATF 141 II 14 consid. 1.6).

[…]

Consid. 5.2.3.1
L’art. 69 al. 1 LAVS est la concrétisation légale en matière de contribution aux frais administratifs dans l’AVS du principe de la couverture des frais ou de l’équivalence. Il impose le respect d’une certaine proportion entre le montant desdits frais et la valeur objective de la prestation fournie (à cet égard, cf. ATF 132 II 371 consid. 2.1). Même si elle fait référence à la capacité financière des affiliés, il n’en demeure pas moins que cette norme lie le montant des frais évoqués à ceux engendrés par la facturation des cotisations sociales. La référence à la capacité financière des affiliés vise seulement à limiter le montant maximum des frais pouvant être perçus. Ce montant a été fixé au maximum à 5% de la somme des cotisations que doivent verser les affiliés (art. 1 de l’ordonnance du DFI du 19 octobre 2011 sur le taux maximum des contributions aux frais d’administration dans l’AVS, édicté en vertu de la délégation de compétence prévue à l’art. 157 RAVS, lui-même édicté en vertu de la délégation de compétence inscrite à l’art. 69 al. 1 dernière phrase LAVS). Quoi qu’en dise la société, il apparaît dès lors clairement que les frais administratifs constituent une contribution causale liée aux coûts qu’ils engendrent et non directement à la capacité financière de leurs débiteurs (cf. aussi arrêt H 56/81 du 17 novembre 1983 in: RCC 1984 p. 179).

Consid. 5.2.3.2
En vertu de l’art. 190 Cst., le Tribunal fédéral est lié par la délégation de compétence prévue par le législateur fédéral. On peut cependant ajouter que les critiques de la société à cet égard ne sont pas pertinentes. Le principe de la légalité exige qu’en cas de délégation de compétence à l’organe exécutif, la norme de délégation indique au moins dans les grandes lignes le cercle des contribuables, l’objet et la base de calcul de la contribution afin que l’autorité exécutive ne dispose pas d’une marge de manœuvre excessive et que les citoyens puissent discerner les contours de la contribution qui pourra être prélevée (à cet égard, cf. ATF 143 I 227 consid. 4.2). Le principe de la couverture des frais ou de l’équivalence permet une application moins rigoureuse du principe de la légalité en matière de contributions causales, au point que le législateur pourrait aller jusqu’à déléguer à l’exécutif la compétence d’en fixer le montant (à cet égard, cf. ATF 143 II 283 consid. 3.5). Le législateur n’a en l’occurrence pas délégué la compétence de fixer le montant des frais administratifs au Conseil fédéral mais a choisi de confier cette tâche directement aux comités de direction des caisses de compensation (art. 58 al. 4 let. c LAVS). Il a lui-même ancré le principe de la couverture des frais à l’art. 69 LAVS et n’a laissé au Conseil fédéral que le soin de prendre les mesures nécessaires afin d’empêcher que les taux de contribution aux frais d’administration ne diffèrent trop d’une caisse à l’autre (art. 69 al. 1 dernière phrase LAVS). L’organe exécutif a concrétisé sa compétence par l’intermédiaire du Département fédéral de l’intérieur en fixant le montant maximum des frais administratifs à 5% de la somme des cotisations dues (art. 157 RAVS; art. 1 de l’ordonnance du DFI du 19 octobre 2011 sur le taux maximum des contributions aux frais d’administration dans l’AVS). Le comité de direction de la caisse de compensation a concrétisé la sienne en édictant un règlement prévoyant que le montant des frais administratifs devait correspondre à une certaine proportion en pourcent des cotisations ou en pour-mille de la masse salariale et un document interne en fixant précisément le taux. Le système mis en place par la caisse de compensation correspond donc à la volonté du législateur qui, dans la mesure où il s’agissait de contributions causales susceptibles de contrôle grâce au principe de l’équivalence ou de la couverture des frais, n’avait pas besoin d’être plus précis dans ses délégations de compétence.

Dans ces circonstances, peu importe de savoir si l’art. 57 al. 1 LAVS permettait au Conseil fédéral de déléguer sa compétence d’approuver le règlement de la caisse de compensation à l’OFAS (art. 100 RAVS) dans la mesure où le règlement ne doit contenir que les principes de la perception des contributions aux frais d’administration (art. 57 al. 2 let. f LAVS). Aussi, la juridiction cantonale n’avait pas à examiner plus avant le grief de la société relatif à un éventuel défaut d’approbation par le Conseil fédéral, de sorte que le droit d’être entendu n’a pas été violé. Le point de savoir si la fixation des frais administratifs en fonction de la masse salariale est compatible avec le critère de la capacité financière prévue à l’art. 69 al. 1 LAVS n’est par ailleurs pas une question pertinente dès lors que la référence à cette capacité vise seulement à empêcher que la perception des frais – effectifs – en fonction de la masse salariale ou du volume des cotisations ne mette à contribution le débiteur desdites cotisations de manière excessive.

La perception des cotisations sociales par la caisse de compensation repose donc sur des bases légales valables. On précisera que ce qui précède vaut non seulement pour les années 2015 à 2019 mais aussi pour les années 2013 et 2014.

Consid. 6
La juridiction cantonale a encore examiné le taux sur la base duquel le montant des frais administratifs avait été calculé en l’occurrence. Elle a considéré que le principe d’équivalence n’avait pas été respecté dès lors que ledit taux avait été majoré en raison de poursuites. Elle a constaté que les frais d’administration liés à la procédure de poursuite représentaient près de 40% des frais d’administration annuels alors que la société n’avait fait l’objet que d’une réquisition de poursuite et que la caisse de compensation avait facturé en sus les frais de rappel. Elle a dès lors réformé la décision administrative litigieuse en ce sens que le taux de base de 2,55% était admis et que la majoration de 1,5% en cas de poursuite était proscrite. La société ne critique pas ces considérations. Dans sa réponse du 17.03.2022, la caisse de compensation a déclaré n’avoir rien à ajouter à l’arrêt cantonal. En conséquence, toujours par souci d’économie de procédure, il faut aussi appliquer le raisonnement des juges cantonaux au montant des frais administratifs pour les années 2013 et 2014 dans la mesure où la perception de ceux-ci avait également fait l’objet d’une réquisition de poursuite. Il convient dès lors de modifier l’arrêt attaqué et la décision administrative litigieuse en ce sens que le taux permettant de déterminer le montant des frais administratifs pour les années 2013 et 2014 est de 2,55% et de renvoyer la cause à la caisse de compensation pour qu’elle calcule le montant à restituer à la société. La caisse de compensation devra aussi se prononcer sur les intérêts réclamés par la société.

 

Le TF admet partiellement le recours de la société.

 

 

Arrêt 9C_60/2022 consultable ici

 

8C_321/2022 (f) du 10.03.2023 – Revenu d’invalide d’un assuré de 63 ans –Assuré d’âge avancé – 16 LPGA – 28 al. 4 OLAA / Abattement – Excès du pouvoir d’appréciation du tribunal cantonal

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_321/2022 (f) du 10.03.2023

 

Consultable ici

 

Revenu d’invalide d’un assuré de 63 ans – ESS niv. de compétences 2 – Assuré d’âge avancé / 16 LPGA – 28 al. 4 OLAA

Abattement – Excès du pouvoir d’appréciation du tribunal cantonal

Long éloignement du marché du travail pas facteur d’abattement

 

Assuré, né en 1957, au bénéfice d’une formation de plâtrier-peintre, a travaillé à son compte au sein de l’entreprise B.__ Sàrl en qualité d’entrepreneur du bâtiment. Le 29.02.2008, il est tombé dans les escaliers et s’est blessé au genou droit. Cet événement a nécessité une arthroscopie du genou droit avec méniscectomie partielle interne ainsi qu’une ablation de kyste arthrosynovial par voie externe. L’assuré a repris le travail dès janvier 2009 à 50%, principalement dans une activité de bureau. Le 12.10.2009, l’assurance-accidents a clos le cas et a octroyé à l’assuré une IPAI de 20%.

Le 25.11.2011, l’assuré a glissé sur un escabeau et a chuté sur son genou droit. L’IRM du 30.11.2011 a mis en évidence une gonarthrose et une contusion des tissus mous sans fracture, qui ont d’abord été traitées conservativement. L’évolution ayant été défavorable, l’assuré a notamment subi par la suite une intervention chirurgicale consistant en la pose d’une prothèse totale du genou droit le 25.05.2016 ainsi qu’un changement de cette prothèse le 25.09.2019.

L’assuré a déposé une demande de prestations de l’assurance-invalidité. L’office AI (ci-après : l’OAI) lui a octroyé une mesure de réadaptation sous forme de formation certifiante de gestionnaire de stock, achevée en juin 2015. Par la suite, l’OAI a nié le droit à une rente de l’assurance-invalidité, se fondant sur un taux d’invalidité de 35%.

Le 27.01.2017, l’assuré a chuté dans la rue et est tombé sur son épaule gauche. Cet événement a entrainé une lésion du tendon du sous-scapulaire qui a nécessité une réinsertion chirurgicale le 07.05.2018. Dans son rapport du 27.04.2019, le médecin-conseil a considéré que ce cas était stabilisé et que l’assuré avait une capacité de travail entière, sans baisse de rendement, dans une activité réalisée indifféremment en position assise et debout, avec un port de charges ponctuel limité à 5 kg à gauche, en évitant les mouvements portant en hauteur le membre supérieur gauche ainsi que les mouvements de rotation répétée de l’épaule.

Le 02.06.2020, un second médecin-conseil a procédé à un examen final pour ce qui concerne le genou droit. Il a conclu que le cas serait stabilisé en septembre 2020 et que l’assuré disposait d’une pleine capacité dans une activité adaptée, soit dans un travail totalement sédentaire en position essentiellement assise avec simplement quelques pas de déplacement au sein d’un bureau, sans montée et descente d’escaliers, de piétinement et à fortiori d’échelles. L’atteinte à l’intégrité pour les atteintes au genou et à l’épaule gauche a été estimée à 46%.

Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a alloué à l’assuré une rente d’invalidité fondée sur un taux de 34% à compter du 01.10.2020 ainsi qu’une indemnité pour atteinte à l’intégrité fondée sur un taux de 46%.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/331/2022 – consultable ici)

Par jugement du 12.04.2022, admission du recours par le tribunal cantonal, réformant la décision sur opposition en ce sens que l’assuré avait droit à une rente d’invalidité fondée sur un taux d’invalidité de 45% dès le 01.10.2020.

 

TF

Consid. 4.2
En ce qui concerne l’étendue de l’abattement, on rappellera que la mesure dans laquelle les salaires ressortant des statistiques doivent être réduits dépend de l’ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité/catégorie d’autorisation de séjour et taux d’occupation). Il n’y a pas lieu de procéder à des déductions distinctes pour chacun des facteurs entrant en considération. Il faut bien plutôt procéder à une évaluation globale, dans les limites du pouvoir d’appréciation, des effets de ces facteurs sur le revenu d’invalide, compte tenu de l’ensemble des circonstances du cas concret (ATF 148 V 174 consid. 6.3; 126 V 75 précité consid. 5b/bb; arrêts 8C_175/2020 du 22 septembre 2020 consid. 3.3; 8C_766/2017 du 30 juillet 2018 consid. 8.3.1, in: SVR 2019 UV n° 5 p. 18).

Le point de savoir s’il y a lieu de procéder à un abattement sur le salaire statistique en raison de circonstances particulières (liées au handicap de la personne ou à d’autres facteurs) est une question de droit qui peut être examinée librement par le Tribunal fédéral (ATF 146 V 16 consid. 4.2; 142 V 178 consid. 2.5.9). En revanche, l’étendue de l’abattement sur le salaire statistique dans un cas concret constitue une question relevant du pouvoir d’appréciation, qui est soumise à l’examen du juge de dernière instance uniquement si la juridiction cantonale a exercé son pouvoir d’appréciation de manière contraire au droit, soit a commis un excès positif (« Ermessensüberschreitung ») ou négatif (« Ermessensunterschreitung ») de son pouvoir d’appréciation ou a abusé (« Ermessensmissbrauch ») de celui-ci (ATF 146 V 16 consid. 4.2; 137 V 71 consid. 5.1), notamment en retenant des critères inappropriés, en ne tenant pas compte de circonstances pertinentes, en ne procédant pas à un examen complet des circonstances pertinentes ou en n’usant pas de critères objectifs (ATF 135 III 179 consid. 2.1; 130 III 176 consid. 1.2).

Contrairement au pouvoir d’examen du Tribunal fédéral, celui de l’autorité judiciaire de première instance n’est pas limité dans ce contexte à la violation du droit (y compris l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation), mais s’étend également à l’opportunité de la décision administrative (« Angemessenheitskontrolle »). En ce qui concerne l’opportunité de la décision en cause, l’examen porte sur le point de savoir si une autre solution que celle que l’autorité, dans un cas concret, a adoptée dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation et en respectant les principes généraux du droit n’aurait pas été plus judicieuse quant à son résultat. A cet égard, le tribunal des assurances sociales ne peut pas, sans motif pertinent, substituer sa propre appréciation à celle de l’administration; il doit s’appuyer sur des circonstances de nature à faire apparaître sa propre appréciation comme la mieux appropriée (ATF 137 V 71 précité consid. 5.2 et l’arrêt cité).

 

Consid. 4.3
On ajoutera par ailleurs que si, en raison de son âge, l’assuré ne reprend pas d’activité lucrative après l’accident ou si la diminution de la capacité de gain est due essentiellement à son âge avancé, les revenus de l’activité lucrative déterminants pour l’évaluation du taux d’invalidité sont ceux qu’un assuré d’âge moyen dont la santé a subi une atteinte de même gravité pourrait réaliser, selon les termes de l’art. 28 al. 4 OLAA.

Consid. 4.3.1
Cette disposition vise deux situations: Premièrement, elle s’applique si l’assuré, en raison de son âge, ne reprend plus d’activité lucrative après l’accident (variante I). Les conditions de cette variante sont remplis lorsque l’assuré dispose, au terme du traitement médical, d’une capacité de travail résiduelle au moins partielle, mais ne la met plus en valeur à cause de son âge. La deuxième situation est celle où l’atteinte à la capacité de gain a principalement pour origine l’âge avancé de l’assuré (variante II). Cette variante est également applicable lorsque l’âge avancé n’est pas un facteur qui a une incidence sur l’exigibilité, mais qu’il est malgré tout un obstacle à la mise en valeur de la capacité résiduelle de gain, notamment parce qu’aucun employeur n’est disposé à engager un employé présentant des atteintes à la santé pour un laps de temps très court avant l’ouverture de son droit à une rente de l’AVS (ATF 148 V 419 consid. 7.2 et les références).

Consid. 4.3.2
L’assuré qui remplit l’un ou l’autre cas de figure ne touchera alors une rente d’invalidité que dans la mesure où une telle rente serait octroyée dans les mêmes conditions à un assuré d’âge moyen présentant les mêmes capacités professionnelles et les mêmes aptitudes personnelles. Ce système repose sur la considération qu’une même atteinte à la santé peut entraîner chez une personne âgée des répercussions bien plus importantes sur la capacité de gain que chez une personne d’âge moyen pour diverses raisons (difficultés de reclassement ou de reconversion professionnels, diminution des capacités d’adaptation et d’apprentissage), alors que l’âge en tant que tel n’est pas une atteinte à la santé dont l’assureur-accidents doit répondre (ATF 122 V 418 consid. 3a; arrêt 8C_307/2017 du 26 septembre 2017 consid. 4.1). Il s’agit d’empêcher l’octroi de rentes d’invalidité qui comporteraient, en fait, une composante de prestation de vieillesse, la rente de l’assurance-accidents ayant un caractère viager. L’âge moyen est de 42 ans ou, du moins, se situe entre 40 et 45 ans, tandis que l’âge avancé est d’environ 60 ans; il ne s’agit toutefois que d’un ordre de grandeur et non d’une limite absolue (ATF 122 V 418 consid. 1b; arrêt 8C_205/2016 du 20 juin 2016 consid. 3.4). La comparaison des revenus d’un assuré d’âge moyen comprend aussi bien le revenu sans invalidité que le revenu d’invalide (sur le tout : ATF 148 V 419 consid. 7.2 et les références; arrêt 8C_196/2022 du 20 octobre 2022 consid. 6.2).

Consid. 5.1
Vu l’âge avancé de l’assuré de plus de 63 ans au moment de la naissance du droit à la rente, l’assurance-accidents a appliqué dans sa décision l’art. 28 al. 4 OLAA et a évalué le taux d’invalidité sur la base des revenus que pourrait réaliser un assuré d’âge moyen ayant subi une atteinte à la santé de même gravité. Elle a ainsi retenu un revenu de valide de 98’226 fr. Pour la fixation du revenu d’invalide, elle a pris comme base le niveau de compétence 2 pour un homme de l’ESS 2018 (indexé à 2020 et adapté à l’horaire hebdomadaire normal de travail de la branche économique de 41.7 h), a opéré un abattement de 10% pour tenir compte des limitations fonctionnelles de l’assuré et a ainsi obtenu un gain de 64’752 fr. De la comparaison des deux revenus résultait un taux d’invalidité de 34%. Dans la décision sur opposition, elle a considéré en substance que le taux d’abattement de 10% tenait suffisamment compte des limitations fonctionnelles et de la situation personnelle de l’assuré, un marché du travail équilibré offrant de nombreuses possibilités de mettre en valeur sa capacité de travail résiduelle à un travailleur comme l’assuré, qui disposait d’une expérience et d’une formation qualifiante.

Consid. 5.2.1 à 5.2.3
La cour cantonale a considéré que les limitations fonctionnelles et la situation personnelle de l’assuré auraient des effets pénalisants au niveau salarial aux yeux d’un potentiel employeur. Ce dernier devrait accepter d’engager un homme approchant la retraite, n’ayant plus pu travailler depuis de nombreuses années et n’ayant que peu de formation et d’expérience dans le domaine administratif, étant plâtrier-peintre de formation, ainsi que de nombreuses limitations d’ordre médical. Il se justifiait dès lors de retenir l’abattement maximal de 25%, ce qui menait à un taux d’invalidité de 45%.

 

Consid. 6.1
Par rapport à la question de l’abattement à cause de l’âge, le Tribunal fédéral a retenu dans un arrêt récent qu’un tel abattement ne peut pas être envisagé lorsqu’on est en présence d’un cas d’application de l’art. 28 al. 4 OLAA (ATF 148 V 149 consid. 8.5). Comme l’assuré était âgé de plus de 63 ans et se trouvait ainsi à moins de deux ans de l’âge de la retraite AVS au moment déterminant de la naissance du droit à la rente d’invalidité, l’application de l’art. 28 al. 4 OLAA par l’assurance-accidents n’apparaît pas critiquable en l’espèce. Il en résulte, comme on vient de le dire, qu’un abattement à cause de l’âge ne saurait être retenu.

Consid. 6.2
Concernant les éléments d’expérience et de formation professionnelles, l’assurance-accidents reproche implicitement à la cour cantonale d’avoir établi les faits de manière incomplète voire incorrecte. En effet, les juges cantonaux ont retenu que la formation en tant que gestionnaire de stock octroyée par l’OAI n’aurait duré que du 01.05.2015 au 08.08.2015. Toutefois, l’assurance-accidents fait observer à juste titre que cette formation a commencé en 2014 déjà et a fini en juin 2015. Au vu de cette formation, qui se joint à la longue expérience professionnelle acquise par l’activité administrative au sein de sa propre entreprise, un abattement supplémentaire pour manque d’expérience voire de formation professionnelle s’avère injustifié.

Consid. 6.3
Quant au long éloignement du marché du travail qu’évoquent implicitement les juges cantonaux, il ne s’agit pas là d’un facteur d’abattement au sens de la jurisprudence (cf. arrêts 9C_55/2018 du 30 mai 2019 consid. 4.3; 9C_273/2019 du 18 juillet 2019 consid. 6.3; ATF 126 V 75 consid. 5b/aa et bb).

Consid. 6.4
En conclusion, seules les limitations fonctionnelles de l’assuré justifient un abattement. Or, si l’assuré est limité dans les travaux lourds et moyens, il dispose d’une pleine capacité de travail dans les travaux légers ne nécessitant pas beaucoup de déplacements et le port de charges de plus de 5 kg. De telles limitations sont tout à fait compatibles avec une activité dans le domaine administratif, activité dans laquelle l’assuré dispose d’une formation et d’une longue expérience professionnelle. L’abattement de 10% opéré par l’assurance-accidents ne prête ainsi pas le flanc à la critique et c’est à tort que les juges cantonaux, substituant leur propre appréciation à celle de l’assurance-accidents, ont augmenté ce taux à 25%.

 

Le TF admet le recours de l’assurance-accidents, annule le jugement cantonal et confirme la décision sur opposition.

 

 

Arrêt 8C_321/2022 consultable ici

 

Quelques modifications et avenir du site https://assurances-sociales.info

Quelques modifications et avenir du site https://assurances-sociales.info

 

Chères lectrices, Chers lecteurs,
Chères abonnées, Chers abonnés,

Par ces quelques lignes, je tenais à vous informer de quelques modifications apportées au site https://assurances-sociales.info.

 

La première modification concerne l’export de la page en «pdf». Depuis quelques jours, se trouve en bas des articles un bouton supplémentaire.

 

Après avoir cliqué sur le bouton, vous arrivez sur une page vous permettant quelques modifications.

 

En approchant la souris d’une partie du document, vous pouvez la supprimer. Par exemple, vous pouvez supprimer l’image en cliquant simplement dessus.

 

Après les modifications désirées sur le document, il suffit de cliquer sur « PDF » pour exporter le document dans ce format…

 

… pour ensuite le télécharger.

Exemple de document pdf : Exemple arrêt 8C_415/2022

 

La deuxième modification concerne la fonction recherche, afin d’obtenir des résultats plus pertinents.

 

Il s’agissait des deux souhaits principaux exprimés dans le dernier sondage auquel vous avez eu l’amabilité de répondre. J’espère que ces modifications pourront satisfaire le plus grand nombre. Si tel n’était pas le cas, n’hésitez pas à me le faire savoir en commentaire ou directement par e-mail (ionta@assurances-sociales.info). Je ferai mon possible pour améliorer le site et son utilisation, dans la limite de mes connaissances «webmastiques».

 

S’agissant de l’avenir du site, la question de son arrêt s’est posée. L’administration du site, la veille (lecture des arrêts du Tribunal fédéral ainsi que des nouvelles relatives aux assurances sociales), le résumé et – parfois – la traduction des arrêts demeurent un travail important, surtout pour une seule personne. Des réponses au sondage, il ressort que le site suscite de l’intérêt et a une utilité certaine, ce dont je me réjouis. J’ai ainsi décidé de continuer cette activité.

 

Par ailleurs, n’oubliez pas que le site dispose également d’une section «Liens utiles» – qui porte bien son nom – très utile lors des déplacements à l’extérieur avec votre smartphone ou tablette mais sans avoir son ordinateur portable (avec tous vos liens favoris) à portée de mains. Dans cette section, vous y trouverez les liens pour les législations, les directives ainsi que les données statistiques utiles pour les assurances sociales. Quant à la section «Outils / Aides», se trouvent entre autres toutes les tables IPAI. Le but étant qu’avec le site vous puissiez retrouver les données pertinentes les plus importantes rapidement.

 

Je profite de l’occasion pour vous remercier de votre intérêt et du soutien apporté.

Avec mes cordiales salutations

D.

 

Hausse des salaires nominaux de 0,9% en 2022 et baisse des salaires réels de 1,9%

Hausse des salaires nominaux de 0,9% en 2022 et baisse des salaires réels de 1,9%

 

Communiqué de presse de l’OFS du 24.04.2023 consultable ici

 

L’indice suisse des salaires nominaux a augmenté en moyenne de 0,9% en 2022 par rapport à 2021. Il s’est ainsi établi à 100,7 points (base 2020 = 100). Compte tenu d’un taux d’inflation annuel moyen de +2,8%, les salaires réels ont baissé de 1,9% (97,3 points, base 2020 = 100).

 

Nous vous rappelons l’importance de l’indexation dans la détermination du revenu d’invalide mais également du revenu sans invalidité en cas d’utilisation de l’ESS.

Notre page « Evolution des salaires » a été mise à jour, dans laquelle vous trouverez tous les liens pour l’indexation de 1993 à 2022.

 

 

Communiqué de presse de l’OFS du 24.04.2023 consultable ici

 

8C_415/2022 (f) du 07.02.2023 – Indemnité en cas de RHT pour un cabinet dentaire – Retrait de l’autorisation de pratique du médecin-dentiste – 31 al. 1 LACI / Existence d’une perte de travail – 51 al. 1 OACI

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_415/2022 (f) du 07.02.2023

 

Consultable ici

 

Indemnité en cas de RHT pour un cabinet dentaire – Retrait de l’autorisation de pratique du médecin-dentiste / 31 al. 1 LACI

Existence d’une perte de travail / 51 al. 1 OACI

 

Le 12.04.2021, le cabinet dentaire A.__ Sàrl (ci-après également: le cabinet dentaire ou la société recourante) a déposé auprès du Service de l’emploi (ci-après: le SDE) une demande d’indemnités en cas de réduction de l’horaire de travail (RHT) à partir du 01.04.2021, pour quatre employées sur un effectif total de six personnes, en faisant valoir une perte de travail de 80%. Le cabinet dentaire a précisé qu’il ne s’agissait pas d’une perte de travail liée à la pandémie de Covid-19, mais d’une impossibilité momentanée pour le docteur B.__ – médecin-dentiste et orthodontiste et associé directeur du cabinet dentaire – de travailler, laquelle se répercutait sur ses employées, étant précisé que la recherche d’un dentiste remplaçant était en cours.

Le docteur B.__ avait été en arrêt de travail à 100% du 08.04.2021 au 17.05.2021. Le cabinet avait été fermé du 12.04.2021 au 16.04.2021, ainsi que les 22, 23, 29 et 30 avril, de même que les 6, 7, 13, 14, 20, 21, 26, 27 et 28 mai 2021.

Par décision du 01.07.2021, le SDE a rejeté la demande du 12.04.2021, au motif que la maladie d’un médecin exploitant un cabinet médical était un risque normal d’exploitation à la charge de l’entreprise et que la perte de travail en résultant n’était pas due à des facteurs économiques.

Par courriel du 30.07.2021, le cabinet dentaire a expliqué au SDE que le réel motif de demande de RHT était une décision de mesure provisoire du 09.02.2021, par laquelle la Cheffe du Département de la santé et de l’action sociale (ci-après: le DSAS) avait retiré l’autorisation de pratiquer du docteur B.__. Le cabinet dentaire a précisé que le recours formé devant la Cour de droit administratif et public (ci-après: la CDAP) contre la décision du 06.04.2021 refusant le réexamen de la décision du 09.02.2021 avait été partiellement admis par arrêt du 11.06.2021, en ce sens que la mesure de retrait provisoire de l’autorisation de pratiquer du docteur B.__ avait été annulée et que cette autorisation lui avait été restituée.

Par décision sur opposition du 14.10.2021, le SDE a rejeté l’opposition et a confirmé sa décision du 01.07.2021. Il a ajouté que le retrait de l’autorisation de pratiquer relevait de la responsabilité de l’employeur et ne remplissait pas les conditions d’une perte de travail à prendre en considération.

 

Procédure cantonale (arrêt ACH 283/21 – 87/2022 [non disponible sur le site de la Casso])

Dans son recours, le cabinet dentaire a fait valoir que le retrait de l’autorisation de pratiquer n’était pas une circonstance relevant de la responsabilité de l’employeur, dès lors que la CDAP avait annulé la décision de la cheffe du DSAS et avait dit que l’autorisation de pratiquer devait être restituée au docteur B.__. De plus, l’incapacité de travail présentée par le docteur B.__ pour la période du 08.04.2021 au 17.05.2021 était une conséquence directe de la mesure injustifiée de suspension de son autorisation de pratiquer qui l’avait plongé dans un état dépressif durant plusieurs semaines.

Le tribunal cantonal a constaté, d’une part, que le retrait provisoire de l’autorisation de pratiquer du docteur B.__ n’était pas dû à des circonstances imputables à l’employeur dès lors que cette mesure avait été annulée sur recours par la CDAP le 11.06.2021 et que, d’autre part, cette situation entraînait un risque de licenciement des assistantes travaillant pour le médecin-dentiste, faute de patientèle. Par conséquent, elle a admis l’existence d’une perte de travail au sens de l’art. 51 al. 1 OACI. La juridiction cantonale a cependant considéré que cette perte de travail n’était pas susceptible d’être indemnisée en l’occurrence, dès lors que la société recourante avait pu l’éviter par des mesures appropriées et économiquement supportables; en effet, il ressortait de l’arrêt de la CDAP du 11.06.2021 que le docteur B.__ avait indiqué, lors de son audition par une délégation du Conseil de santé le 15.03.2021, avoir engagé une pédodontiste et un orthodontiste pour le remplacer. La cour cantonale a au demeurant relevé qu’un éventuel dommage lié au retrait provisoire de l’autorisation de pratiquer était susceptible de faire l’objet d’une action en responsabilité fondée sur la loi cantonale vaudoise du 16 mai 1961 sur la responsabilité de l’Etat, des communes et de leur agents (LRECA; BLV 170.11).

Par jugement du 19.05.2022, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 2
Les travailleurs dont la durée normale du travail est réduite ou l’activité suspendue ont droit à l’indemnité en cas de RHT si, entre autres conditions, la perte de travail doit être prise en considération, si la réduction de l’horaire de travail est vraisemblablement temporaire et si l’on peut admettre qu’elle permettra de maintenir les emplois en question (art. 31 al. 1 let. b et d LACI).

La perte de travail n’est prise en considération que si elle est due à des facteurs d’ordre économique et qu’elle est inévitable (art. 32 al. 1 let. a LACI). Pour les cas de rigueur, le Conseil fédéral règle la prise en considération de pertes de travail consécutives à des mesures prises par les autorités, à des pertes de clientèle dues aux conditions météorologiques ou à d’autres circonstances non imputables à l’employeur (art. 32 al. 3, première phrase, LACI). Le Conseil fédéral a ainsi notamment prévu à l’art. 51 OACI que les pertes de travail consécutives à des mesures prises par les autorités, ou qui sont dues à d’autres motifs indépendants de la volonté de l’employeur, sont prises en considération lorsque l’employeur ne peut pas les éviter par des mesures appropriées et économiquement supportables ou faire répondre un tiers du dommage (al. 1).

Selon l’art. 33 al. 1 LACI, la perte de travail n’est pas prise en considération notamment lorsqu’elle est due à des circonstances inhérentes aux risques normaux d’exploitation que l’employeur doit assumer (let. a) ou lorsqu’elle est habituelle dans la branche, la profession ou l’entreprise (let. b). D’après la jurisprudence, les restrictions prévues à l’art. 33 al. 1 let. a et b LACI sont applicables par analogie lorsque la perte de travail est due à l’une des causes mentionnées aux art. 32 al. 3 LACI et 51 OACI (ATF 138 V 333 consid. 4.2.1; 128 V 305 consid. 4b; 121 V 374 consid. 2c).

 

Consid. 5.2
En l’espèce, on ne peut que donner raison à la juridiction cantonale lorsqu’elle constate, d’une part, que le retrait provisoire de l’autorisation de pratiquer du docteur B.__ n’était pas due à des circonstances imputables à l’employeur dès lors que cette mesure avait été annulée sur recours par la CDAP et que, d’autre part, cette situation entraînait un risque de licenciement des assistantes travaillant pour le médecin-dentiste, faute de patientèle. C’est donc à bon droit qu’elle a admis l’existence d’une perte de travail au sens de l’art. 51 al. 1 OACI. La cour des assurances sociales a cependant nié que ces pertes de travail puissent être prises en considération, en se contentant d’affirmer qu’elles étaient évitables au vu des engagements pris par le cabinet dentaire, à savoir l’engagement d’une pédodontiste et d’un orthodontiste.

Ce faisant, la juridiction cantonale n’a pas suffisamment instruit la cause quant aux effets des engagements pris par la recourante sur les pertes de travail litigieuses. Elle n’a en particulier pas examiné à partir de quelle date le cabinet dentaire avait engagé une pédodontiste et un orthodontiste, partant du principe que cette mesure couvrait toute la période durant laquelle la mesure de retrait provisoire de l’autorisation de pratiquer était en vigueur, soit du 06.04.2021 au 11.06.2021. Or il ressort de l’arrêt de la CDAP du 11.06.2021 que la cheffe du DSAS avait retiré l’autorisation de pratiquer du docteur B.__ le 09.02.2021, retirant également l’effet suspensif à un éventuel recours, de sorte que dans les faits, le docteur B.__ a été privé de l’autorisation de pratiquer comme dentiste du 09.02.2021 au 11.06.2021. Il ressort par ailleurs des constatations de fait de l’arrêt entrepris que le cabinet dentaire a été fermé du 12.04.2021 au 16.04.2021 ainsi que les 22, 23, 29 et 30 avril, de même que les 6, 7, 13, 14, 20, 21, 26, 27 et 28 mai 2021, de sorte qu’il y avait lieu de se demander si les remplaçants du docteur B.__ avaient réellement travaillé dans le cabinet dentaire et, si tel avait été le cas, au cours de quelle période. La cour cantonale ne s’est pas non plus enquise des effets de ces engagements sur la perte de travail des assistantes du docteur B.__. Au besoin, elle aurait pu demander à la recourante de lui fournir des preuves sur l’engagement des remplaçants du docteur B.__ et les modalités de travail de ces derniers, ce qu’elle n’a pas fait. Pour le cas où elle serait arrivée à la constatation que la pédodontiste et l’orthodontiste n’avaient pas travaillé ou pas suffisamment pour éviter des pertes de travail chez les assistantes du docteur B.__, la juridiction cantonale aurait dû examiner si l’on pouvait exiger en l’occurrence du cabinet dentaire qu’il prenne d’autres mesures appropriées et économiquement supportables pour éviter les pertes de travail en cause.

 

Le TF admet le recours de A.__ Sàrl, annulant le jugement cantonal et la décision litigieuse, renvoyant la cause à la caisse cantonale de chômage pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

 

Arrêt 8C_415/2022 consultable ici

 

L’assurance-invalidité garantit le remboursement et la qualité des soins aux enfants atteints d’infirmités congénitales

L’assurance-invalidité garantit le remboursement et la qualité des soins aux enfants atteints d’infirmités congénitales

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 20.04.2023 consultable ici

 

Le remboursement par l’assurance-invalidité des moyens et appareils permettant de diagnostiquer et de traiter les infirmités congénitales chez les enfants a récemment suscité un degré d’incertitude. Pour éviter des frais supplémentaires à la charge des familles concernées, l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS) a mis en place une solution transitoire. Les offices AI cantonaux en ont été informés et l’OFAS clarifie à présent les prochaines étapes.

De nombreuses familles ayant un enfant atteint d’une infirmité congénitale ont reçu ces dernières semaines une ou plusieurs factures pour les moyens et appareils utilisés dans le diagnostic et le traitement de la maladie de leur enfant, frais qui étaient jusque-là pris en charge par l’AI. L’explication en est les prix trop élevés d’un prestataire, qui facture des sommes supérieures aux montants maximaux de remboursement.

 

Les produits pris en charge doivent être efficaces, adéquats et économiques

L’assurance-invalidité et l’assurance obligatoire des soins (AOS) prennent en charge les prestations figurant dans la liste des moyens et appareils (LiMA). Cette liste a fait, depuis 2016, l’objet d’une révision complète dans laquelle la conformité aux critères d’efficacité, d’adéquation et d’économicité (critères EAE) de chaque moyen et appareil a été examinée avec le concours d’un groupe d’experts. Les prestations prises en charge par l’AOS et l’AI doivent en effet répondre à ces critères.

Certains moyens et appareils ont été rajoutés à la liste pour les cas de nécessité prouvée chez les enfants. Par ailleurs, certains tarifs étaient trop élevés et les montants maximaux de remboursement correspondants ont été revus à la baisse. Certaines de ces adaptations concernent des moyens et appareils utilisés dans le diagnostic et le traitement d’infirmités congénitales chez les enfants, comme des appareils d’inhalation et de respiration ou des moniteurs de surveillance de la saturation en oxygène et de l’activité cardiaque.

Les prestataires commercialisant de tels appareils doivent donc modifier leurs prix en fonction de ces adaptations. Cependant, un prestataire n’a pas fait le nécessaire et il lui est arrivé à plusieurs reprises de facturer à l’AI le montant maximal de remboursement et aux assurés, la différence entre le montant remboursé et le prix pratiqué. Selon l’OFAS, environ 400 familles sont affectées par cette pratique. L’AI prend actuellement en charge le remboursement de moyens et appareils pour environ 6000 enfants atteints d’une infirmité congénitale.

 

Les personnes concernées ne doivent subir aucune conséquence qualitative ni pécuniaire

Pour l’AI, il est primordial que les enfants concernés continuent de bénéficier des soins appropriés et que les familles ne subissent aucune conséquence qualitative ni pécuniaire. C’est pourquoi l’OFAS a adopté vendredi 14 avril 2023 des mesures réglementaires garantissant la prise en charge par l’AI et la qualité des soins aux enfants concernés par cette situation.

L’AI continuera jusqu’à nouvel avis de prendre en charge les coûts excédant le montant maximal de remboursement. Les décisions existantes de l’AI restent en vigueur. Dans les cas de nécessité médicalement prouvée, l’AI prendra également en charge les moyens et appareils, services et fournitures ne figurant pas sur la LiMA, ainsi que la mise à disposition rapide d’appareils de remplacement en cas de panne, lorsque leur nécessité est attestée par un médecin spécialiste.

 

Les familles concernées seront contactées par leur office AI

L’OFAS a demandé aux offices AI de contacter les familles concernées dans les jours qui viennent pour les informer de cette pratique. Les offices AI apporteront aux familles le soutien nécessaire pour passer à un prestataire offrant les produits ou services requis et pratiquant des tarifs en ligne avec les montants maximaux de remboursement de l’AI. Selon les investigations menées par l’OFAS, des moyens et appareils de qualité équivalente et conformes à la tarification de la LiMA sont disponibles sur le marché. Les familles concernées peuvent adresser leurs questions directement à leur office AI.

L’OFAS se chargera maintenant de clarifier différentes questions, telles que l’application de la LiMA dans les cas d’infirmités congénitales ainsi que les tarifs pratiqués par certains prestataires.

 

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 20.04.2023 consultable ici

L’assicurazione invalidità garantisce il rimborso e la qualità dei mezzi e degli apparecchi forniti ai bambini con infermità congenite, Comunicato stampa dell’UFAS del 20.04.2023 disponibile qui

Die IV sichert die Vergütung und Qualität der Versorgung von Kindern mit Geburtsgebrechen, Medienmitteilung des BSV vom 20.04.2023 hier verfügbar

 

8C_479/2022 (f) du 22.02.2023 – Revenu d’invalide pour un assuré tétraplégique incomplet – 16 LPGA / ESS – Niveau de compétences 4 – Capacité de travail exigible de 60% – Abattement de 5% confirmé par le TF

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_479/2022 (f) du 22.02.2023

 

Consultable ici

 

Revenu d’invalide pour un assuré tétraplégique incomplet / 16 LPGA

ESS – Niveau de compétences 4 – Capacité de travail exigible de 60% – Abattement de 5% confirmé par le TF

 

Assuré, né en 1964, a travaillé à plein temps en tant que directeur régional auprès de B.__ SA (ci-après: B.__) à compter du 01.11.2001. Le 06.04.2011, il a subi une fracture et une luxation cervicales C6-C7. Diagnostics : tétraplégie sensorimotrice incomplète C6, troubles dysautonomiques vésicaux, intestinaux et sexuels, douleurs lombaires chroniques, paralysie récurrentielle droite. L’assuré a repris son travail chez B.__ à 20% le 01.10.2011, augmentant progressivement son taux jusqu’à 60% à partir du 01.10.2014.

Ensuite de la conclusion d’un nouveau contrat de travail avec B.__, l’intéressé a occupé le poste de « Key account manager » à 60% dès le 01.05.2016, jusqu’à son licenciement avec effet au 30.04.2018 pour cause de réorganisation interne. A compter du 07.08.2018, il a travaillé à 60% pour F.__ AG (actuellement G.__ AG), active dans l’immobilier, en qualité de responsable des ventes pour la Suisse romande. Le 01.02.2019, son taux d’activité a été réduit à 20% en raison de difficultés financières de la société. Après la fin de son contrat avec F.__ AG le 31.07.2019, il a été engagé à partir du 01.09.2019 comme secrétaire général par H.__ à un taux de 40%; il était à la recherche d’une activité supplémentaire à 20%.

Par décision du 06.10.2015, confirmée sur opposition le 21.08.2020, l’assurance-accidents a octroyé à l’assuré une rente d’invalidité fondée sur un taux de 40% dès le 01.06.2015 et une IPAI de 60%.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 90/20 – 65/2022 – consultable ici)

Par jugement du 13.06.2022, admission du recours par le tribunal cantonal, réformant la décision sur opposition en ce sens qu’une rente d’invalidité fondée sur des taux de 55% du 01.06.2015 au 30.04.2018 et de 65% dès le 01.05.2018 est allouée à l’assuré. S’agissant de l’lPAI, la décision sur opposition a été annulée et la cause renvoyée à l’assurance-accidents pour instruction complémentaire et nouvelle décision.

 

TF

Consid. 3.2
Le revenu d’invalide doit être évalué avant tout en fonction de la situation professionnelle concrète de l’assuré. En l’absence d’un revenu effectivement réalisé, soit lorsque la personne assurée, après la survenance de l’atteinte à la santé, n’a pas repris d’activité lucrative ou alors aucune activité normalement exigible, le revenu d’invalide peut être évalué sur la base de salaires fondés sur les données statistiques résultant de l’Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS) (ATF 148 V 174 consid. 6.2; 139 V 592 consid. 2.3; 135 V 297 consid. 5.2). Aux fins de déterminer le revenu d’invalide, le salaire fixé sur cette base peut à certaines conditions faire l’objet d’un abattement de 25% au plus (ATF 148 V 174 consid. 6.3; 129 V 472 consid. 4.2.3; 126 V 75 consid. 5b/aa-cc).

Consid. 3.3
Aux termes de l’art. 17 al. 1 LPGA (dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021 et donc applicable ratione temporis au cas d’espèce [cf. ATF 148 V 174 consid. 4.1 et les arrêts cités]), si le taux d’invalidité du bénéficiaire de la rente subit une modification notable, la rente est, d’office ou sur demande, révisée pour l’avenir, à savoir augmentée ou réduite en conséquence, ou encore supprimée. Dans le domaine de l’assurance-accidents, le caractère notable de la modification est admis lorsque le degré d’invalidité diffère d’au moins de 5% du taux initial (ATF 140 V 85 consid. 4.3; 133 V 545 consid. 6.2).

 

Consid. 4.1
Depuis la dixième édition de l’ESS (ESS 2012), les emplois sont classés par l’Office fédéral de la statistique (OFS) par profession en fonction du type de travail qui est généralement effectué. Les critères de base utilisés pour définir le système des différents groupes de profession sont les niveaux et la spécialisation des compétences requis pour effectuer les tâches inhérentes à la profession. Quatre niveaux de compétence ont été définis en fonction de neuf grands groupes de professions (voir tableau T17 de l’ESS 2012 p. 44) et du type de travail, de la formation nécessaire à la pratique de la profession et de l’expérience professionnelle (voir tableau TA1_skill_level de l’ESS 2012; ATF 142 V 178 consid. 2.5.3). Le niveau 1 est le plus bas et correspond aux tâches physiques et manuelles simples, tandis que le niveau 4 est le plus élevé et regroupe les professions qui exigent une capacité à résoudre des problèmes complexes et à prendre des décisions fondées sur un vaste ensemble de connaissances théoriques et factuelles dans un domaine spécialisé (on y trouve par exemple les directeurs/trices, les cadres de direction et les gérant[e]s, ainsi que les professions intellectuelles et scientifiques). Entre ces deux extrêmes figurent les professions dites intermédiaires (niveaux 3 et 2). Le niveau 3 implique des tâches pratiques complexes qui nécessitent un vaste ensemble de connaissances dans un domaine spécialisé (notamment les techniciens, les superviseurs, les courtiers ou encore le personnel infirmier). Le niveau 2 se réfère aux tâches pratiques telles que la vente, les soins, le traitement des données, les tâches administratives, l’utilisation de machines et d’appareils électroniques, les services de sécurité et la conduite de véhicules (arrêt 8C_444/2021 du 29 avril 2022 consid. 4.2.3 et les arrêts cités).

Consid. 4.2
Les juges cantonaux ont relevé qu’entre le 01.06.2015 et le 30.04.2016, l’assuré avait conservé son activité de directeur régional auprès de B.__, à un taux de 60%. Le revenu d’invalide pour cette période était donc celui de 86’915 fr. 40 réalisé auprès de cet employeur. Mis en rapport avec le revenu sans invalidité fixé à 191’320 fr., il en résultait un taux d’invalidité de 55%. Constatant que la poursuite par l’assuré de son activité habituelle de direction était incompatible avec son état de santé, les juges cantonaux ont retenu que sa nouvelle fonction de « Key account manager » à 60% auprès de B.__ n’impliquait pas, selon l’employeur, de direction d’équipe, d’effort administratif ou de représentation. Toujours selon l’employeur, l’assuré était en outre moins exposé à la pression et au stress. Le nouveau revenu (d’invalide) réalisé dans la fonction de « Key account manager », par 87’750 fr., aboutissait à un taux d’invalidité de 57%, compte tenu d’un revenu sans invalidité après indexation de 203’889 fr. 56. La différence de 2% ne constituant pas une modification de l’état de fait sensible ou notable au sens de l’art. 17 al. 1 LPGA, il n’y avait pas lieu de modifier le taux de 55% entre le 01.05.2016 et le 30.04.2018.

La cour cantonale a ensuite constaté que la situation professionnelle de l’assuré avait perdu en stabilité ensuite de son licenciement par B.__ pour le 30.04.2018. Quand bien même sa capacité de travail dans son activité habituelle était toujours de 60%, ses revenus avaient diminué ensuite de son départ de cette société. Il n’était ainsi pas possible de se fonder sur les revenus effectifs – variables et instables – de l’assuré pour calculer le taux d’invalidité. Sa formation et son expérience professionnelle démontraient cependant que la poursuite d’une activité dans son domaine de compétence lui demeurait accessible. Il convenait donc de calculer le revenu d’invalide en se référant aux données de l’ESS. Se basant sur le tableau TA1_skill_level, rubrique 68 (activités immobilières), de l’ESS 2018, les juges cantonaux ont pris en compte le salaire mensuel de référence correspondant au niveau de compétence 4, lequel était en adéquation avec le profil de l’assuré qui exerçait une activité de direction. Il en résultait un revenu d’invalide de 72’871 fr. 72, compte tenu d’un abattement de 5%. Le revenu sans invalidité s’élevant après indexation à 207’775 fr. 70, le taux d’invalidité était de 65%. La rente devait être portée à ce taux à compter du 01.05.2018, la différence de 10% constituant une modification de l’état de fait selon l’art. 17 al. 1 LPGA.

 

Consid. 5.2
Les juges cantonaux ont estimé qu’un abattement de 5% se justifiait à un double titre. Il s’agissait d’une part de tenir compte des empêchements et obstacles liés à la tétraplégie sensorimotrice incomplète, dès lors que le docteur D.__ avait fait état de difficultés dans les déplacements ainsi que de la nécessité d’un accès rapide aux toilettes. D’autre part, le taux d’occupation de 60% pour un poste à responsabilités limitait les possibilités d’emploi, les postes de cadres à des taux inférieurs à 80% étant notoirement inusuels.

Consid. 5.3
L’assuré soutient que la cour cantonale aurait exercé son pouvoir d’appréciation de manière contraire au droit. Un abattement de seulement 5% ne serait pas compatible avec les handicaps résultant de la tétraplégie, les difficultés de déplacement et surtout la nécessité de l’accès aux toilettes n’ayant pas été suffisamment prises en compte. En outre, selon la jurisprudence (cf. arrêt 8C_74/2022 du 22 septembre 2022), une diminution de salaire résultant du seul fait qu’une activité supposée exigible ne peut être exercée qu’à temps partiel justifierait un abattement d’au moins 10%. Un abattement global de 15% serait justifié dans le cas d’espèce.

Consid. 5.4
Les limitations fonctionnelles de l’assuré ont été prises en considération pour déterminer sa capacité de travail dans une activité adaptée à son état de santé. Or, lorsque comme en l’espèce, un nombre suffisant d’activités correspondent à des travaux respectant les limitations fonctionnelles de l’assuré, une déduction supplémentaire sur le salaire statistique ne se justifie en principe pas pour tenir compte des circonstances liées au handicap. En effet, un abattement n’entre en considération que si, sur un marché du travail équilibré, il n’y a plus un éventail suffisamment large d’activités accessibles à l’assuré (cf. arrêt 8C_659/2021 du 17 février 2022 consid. 4.3.1 et l’arrêt cité). Dans l’arrêt 8C_74/2022 invoqué par l’assuré (cf. en particulier les consid. 4.4.1 et 4.4.2), le Tribunal fédéral a retenu que l’activité adaptée exigible de l’assuré (à savoir, en substance, une activité très légère, en position assise, sans nécessité de se pencher en avant, sans rotations fréquentes du rachis et sans maintien forcé de la position des pieds) était caractérisée par d’importantes limitations également dans des emplois non qualifiés incluant des tâches physiques légères; en outre, l’activité adaptée n’était exigible qu’à temps partiel et le poste à temps partiel impliquait statistiquement une baisse de salaire d’en tout cas 4%; en définitive, le cumul de ces facteurs devait conduire à un abattement d’au moins 10%. Dans le cas d’espèce, les limitations fonctionnelles de l’assuré – qui a conservé sa capacité de travail, certes à temps partiel, dans son domaine d’activité habituel – sont sans commune mesure avec celles de l’assuré concerné par l’arrêt précité. Un abattement de 5% prend suffisamment en compte les limitations fonctionnelles de l’assuré – étant entendu que l’accès à des toilettes ne devrait pas poser problème dans une activité de bureau – ainsi que les désavantages liés à l’exercice d’une activité à 60%.

L’arrêt entrepris échappe ainsi à la critique et le recours, mal fondé, doit être rejeté.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 8C_479/2022 consultable ici

 

4A_219/2021 (f) du 25.01.2023 – Poursuites – Commandement de payer – Acte de poursuite interruptif de la prescription – 135 CO – 138 CO / Suspension de la prescription à l’égard des créances des époux l’un contre l’autre, pendant le mariage – Dies a quo de la reprise du cours de la prescription – 134 CO

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_219/2021 (f) du 25.01.2023

 

Consultable ici

 

Poursuites – Commandement de payer – Acte de poursuite interruptif de la prescription / 135 CO – 138 CO

Suspension de la prescription à l’égard des créances des époux l’un contre l’autre, pendant le mariage – Dies a quo de la reprise du cours de la prescription / 134 CO

 

A.__ et C.__ se sont mariés en janvier 1995. C.__ était alors copropriétaire avec un tiers d’un bateau à moteur, assuré en responsabilité civile auprès de D.__, qui deviendra B.__ SA (ci-après: B.__ ou la compagnie d’assurance).

Le 29.05.1999, les époux naviguaient sur le lac Léman avec des amis afin d’y pratiquer le ski nautique. C.__ pilotait le bateau. Alors qu’elle se trouvait à l’avant, A.__ est tombée par-dessus bord après le passage d’une vague. Le pilote, qui observait le skieur qu’il traînait, n’a pas vu sa compagne chuter. Il a effectué un virage à droite. A.__ a alors passé sous le bateau et sa jambe gauche a été happée par l’hélice au niveau du genou, lui causant de graves lésions. Elle a subi de nombreuses opérations et une longue rééducation.

A.__ et C.__ se sont séparés en juin 2000. Leur divorce a été prononcé le 25.04.2012 par le Tribunal d’arrondissement de l’Est vaudois, dont le jugement est devenu définitif et exécutoire le 29.05.2012.

Le 17.12.2003, B.__ a fait opposition au commandement de payer la somme de 500’000 fr., notifié sur requête de A.__.

Le 27.05.2004, A.__ a déposé une plainte pénale contre son époux. Le 13.01.2006, le Tribunal correctionnel a condamné C.__ pour lésions corporelles graves par négligence à 200 fr. d’amende et donné acte à A.__ de ses réserves civiles.

Le 09.11.2004, la compagnie d’assurance a renoncé à se prévaloir de la prescription, sous réserve que celle-ci n’ait pas été d’ores et déjà acquise. Entre le 19.12.2005 et le 06.09.2011, elle renoncera à se prévaloir de la prescription à huit reprises. Le 23.12.2011, elle a renoncé à se prévaloir de la prescription jusqu’au 29.02.2012.

Le 29.02.2012, A.__ a déposé une réquisition de poursuite pour un montant de 4’000’000 fr. contre B.__, laquelle a fait opposition au commandement de payer notifié le 16.03.2012.

Le 11.03.2013, elle a déposé une réquisition de poursuite contre B.__, laquelle a fait opposition au commandement de payer notifié le 13.03.2013.

Le 25.02.2014, le 26.02.2015, le 22.02.2016, en janvier 2017 à une date indéterminée et le 17.01.2018, la lésée a introduit des poursuites contre la compagnie d’assurance, laquelle a fait opposition aux commandements de payer qui lui avaient été notifiés le 28.02.2014, le 02.03.2015, le 22.02.2016, le 26.01.2017 et le 22.01.2018.

Le 13.04.2017, A.__ a déposé une réquisition de poursuite contre C.__, lequel a fait opposition le 28.04.2017 au commandement de payer qui lui avait été notifié le 25.04.2017.

Le 18.04.2018, la lésée a déposé une réquisition de poursuite contre son ex-époux.

 

Procédures cantonales

Le 31.05.2018, A.__ a déposé une requête de conciliation à l’encontre de B.__ et de C.__.

Après l’échec de la conciliation, elle a, par demande du 17.12.2018, conclu, sur action partielle, à ce que les défendeurs soient condamnés, conjointement et solidairement, subsidiairement B.__ seule et plus subsidiairement C.__ seul, à lui payer 15’000 fr. avec intérêts à 5% dès le 31.12.2008 et 15’000 fr. avec intérêts à 5% dès le 29.11.2008, et à ce que le solde de ses prétentions à leur égard en lien avec l’accident du 29.05.1999 et ses suites soit réservé. C.__ et B.__ ont conclu au déboutement de la demanderesse, soulevant notamment l’exception de prescription.

Par jugement du 11.05.2020, le Tribunal de première instance a admis l’exception de prescription soulevée par chaque défendeur, a constaté que les créances objets de la demande en paiement étaient prescrites et a débouté A.__ de toutes ses conclusions.

Statuant le 23.02.2021 sur appel de la demanderesse, la Chambre civile de la Cour de justice a confirmé le jugement de première instance.

 

TF

Consid. 5
Aux termes de l’art. 135 ch. 2 CO, la prescription est interrompue lorsque le créancier fait valoir ses droits par des poursuites (« durch Schuldbetreibung »; « mediante atti di esecuzione »), par une requête de conciliation, par une action ou une exception devant un tribunal ou un tribunal arbitral ou par une intervention dans une faillite. Un nouveau délai commence à courir dès l’interruption (art. 137 al. 1 CO). Sous le titre marginal « Fait du créancier » (« Bei Handlungen des Gläubigers »; « In caso di atti del creditore »), l’art. 138 CO prévoit, à son alinéa 2, que si l’interruption résulte de poursuites (« Schuldbetreibung »; « esecuzione per debiti »), la prescription reprend son cours à compter de chaque acte de poursuite (« mit jedem Betreibungsakt »; « ad ogni singolo atto esecutivo »).

Consid. 5.1
Déterminer à quelles conditions une poursuite pour dettes a pour effet d’interrompre la prescription est une question de droit matériel à trancher par le juge (ATF 144 III 425 consid. 2.1). Selon une jurisprudence ancienne et constante, la réquisition de poursuite remplissant les conditions posées à l’art. 67 LP est un acte interruptif de prescription au sens de l’art. 135 ch. 2 CO; le Tribunal fédéral n’a ainsi pas pris en compte l’art. 38 al. 2 LP aux termes duquel la poursuite commence par la notification du commandement de payer (ATF 39 II 66 consid. 2 [sous l’empire de l’art. 154 aCO analogue à l’art. 135 CO]; 51 II 563 consid. 1 p. 566; 57 II 462 consid. 2; 101 II 77 consid. 2c in fine; 104 III 20 consid. 2; 114 II 261 consid. 2a; cf. également ATF 138 III 328 consid. 4.1). Le moment déterminant est celui de la remise à la poste ou à l’office des poursuites de la réquisition de poursuite (ATF 49 II 38 consid. 2 p. 42; 114 II 261 consid. 2a; arrêt 2C_426/2008 du 18 février 2009 consid. 6.6.1; pour la transmission électronique: cf. art. 143 al. 2 CPC; ROBERT K. DÄPPEN, in Basler Kommentar, Obligationenrecht I, 7e éd. 2020, n° 6 ad art. 135 CO; GAUCH/SCHLUEP/EMMENEGGER, OR AT Schweizerisches Obligationenrecht Allgemeiner Teil, tome II, 11e éd. 2020, n. 3345 p. 276; ALFRED KOLLER, OR AT Schweizerisches Obligationenrecht Allgemeiner Teil, 4e éd. 2017, n. 69.04 p. 1215).

Consid. 5.2
En l’espèce, le litige porte sur le point de savoir si la prescription est interrompue une nouvelle fois lors de la notification du commandement de payer.

Selon STOFFEL/CHABLOZ, auxquels la cour cantonale se réfère, l’interruption de la prescription par la poursuite, au sens de l’art. 135 ch. 2 CO, suppose un commandement de payer valablement notifié, lequel n’a donc d’autre effet que de faire rétroagir l’interruption au moment du dépôt de la réquisition de poursuite (Voies d’exécution, 3e éd. 2016, n. 28 p. 109 et n. 42 p. 111).

Une telle manière de voir se heurte à la jurisprudence. Le Tribunal fédéral a jugé plusieurs fois qu’il n’était pas nécessaire qu’un commandement de payer soit notifié pour que la réquisition de poursuite interrompe la prescription (ATF 104 III 20 consid. 2; 101 II 77 consid. 2c in fine; 57 II 462 consid. 2; arrêt 5P.339/2000 du 13 novembre 2000 consid. 3c; cf. également ATF 114 II 261 consid. a; cf. toutefois ATF 83 II 41 consid. 5 et 69 II 162 consid. 2b p. 175 [une réquisition de poursuite adressée à un office incompétent ratione loci interrompt la prescription pour autant que le commandement de payer soit finalement notifié au débiteur et ne soit pas annulé sur plainte]).

Cela étant, il s’agit ici de déterminer si le commandement de payer est un acte de poursuite interruptif de la prescription au sens de l’art. 138 al. 2 CO.

Il convient d’emblée d’écarter la thèse des intimés selon laquelle le titre marginal de l’art. 138 CO exclurait tout acte de poursuite n’émanant pas du créancier. La référence au « fait du créancier » établit simplement le lien avec l’art. 135 ch. 2 CO, qui décrit les actes interruptifs du créancier après l’énumération, à l’art. 135 ch. 1 CO, des actes interruptifs du débiteur. Il est ainsi largement admis que l’acte de poursuite mentionné à l’art. 138 al. 2 CO peut émaner du créancier comme de l’office des poursuites (ATF 81 II 135 consid. 1; WILDHABER/DEDE, Berner Kommentar, 2021, n° 34 ad art. 138 CO; GAUCH/SCHLUEP/EMMENEGGER, op. cit., n. 3346 p. 276; ALFRED KOLLER, op. cit., n. 69.07 p. 1216; PETER NABHOLZ, Verjährung und Verwirkung als Rechtsuntergangsgründe infolge Zeitablaufs, 1958, p. 117).

Le Tribunal fédéral a précisé que l’acte interruptif devait introduire une nouvelle phase dans la poursuite, ce qui n’était pas le cas de la communication prévue à l’art. 76 LP, lorsque l’office des poursuites remet au créancier un exemplaire du commandement de payer attestant de l’opposition ou de l’absence d’opposition; il en a déduit dans le cas particulier que la prescription avait été interrompue la dernière fois lors de la notification du commandement de payer (ATF 81 II 135 consid. 1; cf. également arrêt 2C.1/1998 du 21 février 2000 consid. 2c).

Déjà dans l’ATF 39 II 66, le Tribunal fédéral avait indiqué expressément que la prescription interrompue une première fois par le dépôt de la réquisition de poursuite l’était une deuxième fois par la notification du commandement de payer (consid. 2). La possibilité d’une double interruption de la prescription au début des poursuites est également rendue par la formule selon laquelle la remise de la réquisition de poursuite – et non seulement (« nicht erst ») la notification du commandement de payer – est un acte interruptif (ATF 51 II 563 consid. 1). A d’autres reprises, le nouveau délai de prescription a simplement été calculé à partir de la notification du commandement de payer (ATF 70 II 85 consid. 3; arrêt 4A_513/2010 du 30 août 2011 consid. 4.1 non publié in ATF 137 III 453).

La notification du commandement de payer est également citée en doctrine à titre d’exemple d’acte de poursuite interruptif de la prescription au sens de l’art. 138 al. 2 CO (IVO SCHWANDER, in OR Kommentar, Kren Kostkiewicz et al. [éd.], 4e éd. 2023, n° 2 ad art. 138 CO; WILDHABER/DEDE, op. cit., n° 34 ad art. 138 CO; PASCAL PICHONNAZ, in Commentaire romand, Code des obligations I, 3e éd. 2021, n° 9 ad art. 138 CO; DÄPPEN, op. cit., n° 5 ad art. 138 CO; BLAISE CARRON et NIELS FAVRE, La révision de la prescription dans la partie générale du Code des obligations, in Le nouveau droit de la prescription, François Bohnet et Anne-Sylvie Dupont [éd.], 2019, n. 129 p. 50; FRÉDÉRIC KRAUSKOPF, Das Management der privatrechtlichen Verjährung, in Le insidie della prescrizione, 2019, p. 29; DANIEL WUFFLI, Verjährungsunterbrechung durch Betreibung, in Die Verjährung – Antworten auf brennende Fragen zum alten und neuen Verjährungsrecht, Frédéric Krauskopf [éd.], 2018, p. 168; KOLLER, op. cit., n. 69.07 p. 1216; STEPHEN BERTI, Zürcher Kommentar, 3e éd. 2002, n° 40 ad art. 138 CO; PIERRE-ROBERT GILLIÉRON, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, Articles 1-88, 1999, n° 135 ad art. 67 LP; LE MÊME, in Poursuite pour dettes, faillite et concordat, 5e éd. 2012, n. 665 p. 161, paraît toutefois exclure que le commandement de payer interrompe la prescription.).

Consid. 5.3
Il apparaît ainsi que la jurisprudence, approuvée par la doctrine, a attribué de longue date un effet interruptif de la prescription à la notification du commandement de payer.

Ni les considérants de l’arrêt attaqué, ni la motivation développée par les intimés ne recèlent de motifs sérieux justifiant un changement de jurisprudence (cf. ATF 147 III 14 consid. 8.2), lequel porterait manifestement atteinte à la sécurité juridique requise par le régime de la prescription (cf. ATF 137 III 16 consid. 2.1).

Il s’ensuit que, contrairement à ce que la cour cantonale a jugé, la réquisition de poursuite déposée le 11.03.2013 contre l’intimée a interrompu la prescription dès lors qu’elle est intervenue moins d’une année après la notification d’un commandement de payer en date du 16.03.2012; tel est également l’effet des réquisitions de poursuite du 26.02.2015 et du 17.01.2018, déposées plus d’un an après les réquisitions précédentes, mais moins d’un an après la notification de commandements de payer le 28.02.2014, respectivement le 26.01.2017.

En conclusion, la cour cantonale a violé le droit fédéral en jugeant prescrites les créances envers les intimés au motif que la recourante avait laissé passer plus d’une année entre le dépôt de deux réquisitions de poursuite.

 

Consid. 6.2
Aux termes de l’art. 134 al. 1 ch. 3 CO, la prescription ne court point et, si elle avait commencé à courir, elle est suspendue à l’égard des créances des époux l’un contre l’autre, pendant le mariage. La prescription commence à courir, ou reprend son cours, dès l’expiration du jour où cessent les causes qui la suspendent (art. 134 al. 2 CO).

La recourante et l’intimé étaient mariés lors de l’accident du 29.05.1999. Le délai de prescription n’a dès lors commencé de courir qu’à partir du jour où le jugement de divorce est devenu définitif et exécutoire, soit le 29.05.2012.

Est en jeu le délai de prescription extraordinaire applicable aux créances découlant d’actes punissables, calculé selon l’art. 60 al. 2 CO dans sa version en vigueur jusqu’au 31.12.2019. Par exception aux principes posés à l’art. 60 al. 1 aCO, l’art. 60 al. 2 aCO prévoit que, si les dommages-intérêts dérivent d’un acte punissable soumis par les lois pénales à une prescription de plus longue durée, cette prescription s’applique à l’action civile. Le droit pénal ne sert qu’à déterminer le point de départ et la durée de la prescription de la prétention civile; pour le reste, les règles du droit civil s’appliquent (cf. art. 127 ss CO) (ATF 101 II 321 consid. 3).

En l’espèce, le délit de lésions corporelles graves par négligence (art. 125 al. 2 CP) retenu par le juge pénal à l’encontre de l’intimé se prescrivait par cinq ans selon l’ancien art. 70 CP, applicable en vertu de la lex mitior dès lors que l’infraction avait été commise avant l’entrée en vigueur de la nouvelle version de cette disposition le 01.10.2002. Si la recourante et l’intimé n’avaient pas été mariés, le délai de cinq ans, déterminant pour la prescription de l’action civile, aurait commencé de courir à partir du jour de l’accident. C’est donc ce délai qui, au sens de l’art. 134 al. 1 et 2 CO, a été « empêché » de s’écouler durant le mariage et qui a pris son cours dès que le jugement de divorce est devenu définitif et exécutoire.

L’art. 60 al. 2 aCO tend à harmoniser la prescription du droit civil avec celle du droit pénal, dans l’idée qu’il serait choquant que le lésé ne puisse plus agir contre le responsable à un moment où celui-ci demeure exposé à une poursuite pénale (ATF 137 III 481 consid. 2.3; 131 III 430 consid. 1.2; 127 III 538 consid. 4c). Eu égard à ce but, il n’y a certes, comme l’intimé le fait observer, aucune nécessité de faire partir un délai pénal de plus longue durée à un moment où la prescription pénale est acquise. Le Tribunal fédéral l’a reconnu en jugeant que les actes interruptifs de prescription au sens des art. 135 ou 138 CO survenant après l’expiration de la prescription pénale ne pouvaient faire partir que le délai de prescription de droit civil de l’art. 60 al. 1 CO (ATF 131 III 430 consid. 1.4). Cependant, la jurisprudence constante, fondée sur l’interprétation littérale de l’art. 60 al. 2 aCO, a été maintenue sur le principe lorsque l’acte interruptif se produit avant que la prescription de l’action pénale soit acquise: l’interruption de la prescription fait partir, en vertu de l’art. 137 CO, un nouveau délai égal à la durée initiale prévue par le droit pénal (ATF 131 III 430 consid. 1.2; 127 III 538 consid. 4c et 4d).

Mutatis mutandis le même raisonnement peut être tenu en l’espèce. La condamnation pénale de l’intimé et la prescription pénale absolue intervenues pendant la durée du mariage sont sans incidence sur le délai de prescription applicable dès la fin de la cause de suspension, puisque la durée de ce délai est déterminée au jour de l’acte punissable, soit à un moment par définition antérieur à l’acquisition de la prescription pénale.

C’est dès lors bien un délai de cinq ans qui a commencé de courir à partir du 29.05.2012, de sorte que la recourante a interrompu la prescription en déposant une réquisition de poursuite le 13.04.2017.

 

Le TF admet le recours de A.__.

 

Arrêt 4A_219/2021 consultable ici

 

4A_22/2022 (f) du 21.02.2023, destiné à la publication – Conseils juridiques par l’assureur de protection juridique – Violation du devoir de diligence causant un préjudice à l’assuré / Délai de prescription de la prétention en responsabilité de l’assuré / Interprétation de l’art. 46 al. 1 aLCA et 46 al. 1 LCA par le TF

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_22/2022 (f) du 21.02.2023, destiné à la publication

 

Consultable ici

 

Conseils juridiques par l’assureur de protection juridique – Violation du devoir de diligence causant un préjudice à l’assuré

Délai de prescription de la prétention en responsabilité de l’assuré – 46 al. 1 aLCA vs 127 CO

Interprétation de l’art. 46 al. 1 aLCA et 46 al. 1 LCA par le TF

 

Assuré a contracté auprès de B.__ SA une assurance de protection juridique.

Suite à la réception d’un préavis du 05.06.2015 de l’Office AI prévoyant de lui octroyer trois quarts de rente invalidité, il a fait appel à son assureur pour l’assister dans ses démarches auprès dudit office. Représenté par l’entreprise d’assurance, l’assuré a émis des objections à l’encontre dudit préavis le 21.07.2015. L’Office AI a alors rendu un nouveau préavis remplaçant et annulant le précédent et indiquant qu’il n’existait finalement aucun droit à une rente invalidité. Toujours représenté par l’entreprise d’assurance, l’assuré a formulé des objections à l’encontre de ce préavis. Par décision du 14.12.2015, l’Office AI a refusé d’octroyer une rente invalidité à l’assuré. Il a indiqué avoir procédé à des investigations supplémentaires suite aux objections formulées et être arrivé à la conclusion que les conditions d’octroi d’une rente invalidité n’étaient pas remplies. Par jugement du 21.06.2016, le Tribunal administratif du canton de Berne a rejeté le recours formé par l’assuré, représenté par l’entreprise d’assurance, à l’encontre de cette décision.

 

Procédures cantonales

Après que la tentative de conciliation a échoué, l’assuré a déposé sa demande auprès du Tribunal régional le 26.06.2020, concluant à ce que l’entreprise d’assurance fût condamnée à lui payer la somme de 30’000 fr., intérêts en sus. En substance, l’assuré reproche à l’entreprise d’assurance d’avoir manqué de diligence dans les conseils prodigués et estime qu’elle aurait dû le rendre attentif aux risques que comportait la formulation d’objections suite au premier préavis.

Après avoir limité la procédure à la question de la prescription, le tribunal a rejeté la demande par décision du 29.03.2021. Il a considéré que le fait générateur de responsabilité résidait dans le dommage que l’assuré aurait subi suite à un manque de diligence de l’entreprise d’assurance, que ledit dommage était intervenu lors de l’entrée en force de chose jugée formelle de la décision de refus d’octroi de rente assurance-invalidité, soit avec la décision du Tribunal administratif du 21.06.2016, que la prescription avait été interrompue par requête de conciliation du 14.05.2020 et que la prétention éventuelle de l’assuré était dès lors prescrite en vertu de l’art. 46 al. 1 LCA.

Par décision du 03.12.2021 rendue en français, la 2e Chambre civile de la Cour suprême du canton de Berne a rejeté l’appel formé par l’assuré.

 

TF

Consid. 5
Est litigieuse la question de savoir si, lorsque l’assureur de protection juridique donne des conseils juridiques et qu’il viole à cette occasion son devoir de diligence et cause un préjudice à l’assuré, le délai de prescription de la prétention en responsabilité de l’assuré est régi par le délai plus court de l’art. 46 al. 1 LCA ou par le délai de dix ans de l’art. 127 CO.

Pour résoudre cette question, il y a lieu de procéder à l’interprétation de l’art. 46 al. 1 LCA, l’art. 127 CO n’entrant en considération que si l’art. 46 al. 1 LCA n’est pas applicable (art. 100 al. 1 LCA).

Consid. 5.1
La loi s’interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte se prête à plusieurs interprétations, s’il y a de sérieuses raisons de penser qu’il ne correspond pas à la volonté du législateur, il convient de rechercher sa véritable portée au regard notamment des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l’intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d’autres dispositions légales (interprétation systématique) (arrêt 4A_531/2021 du 18 juillet 2022 consid. 5.2, destiné à la publication; ATF 147 III 78 consid. 6.4; 138 III 166 consid. 3.2; 136 III 283 consid. 2.3.1; 135 III 640 consid. 2.3.1). Lorsqu’il est appelé à interpréter une loi, le Tribunal fédéral adopte une position pragmatique en suivant ces différentes interprétations, sans les soumettre à un ordre de priorité (arrêt 4A_531/2021 précité consid. 5.2, destiné à la publication; ATF 147 III 78 consid. 6.4; 137 III 344 consid. 5.1; 133 III 257 consid. 2.4; 131 III 623 consid. 2.4.4 et les références citées).

Consid. 5.2
Selon l’art. 46 al. 1, 1e phrase, LCA, entré en vigueur le 01.01.2022, les créances qui découlent du contrat d’assurance se prescrivent par cinq ans à compter de la survenance du fait duquel naît l’obligation (« Die Forderungen aus dem Versicherungsvertrag verjähren […] fünf Jahre nach Eintritt der Tatsache, welche die Leistungspflicht begründet. »; « […] i crediti derivanti dal contratto di assicurazione si prescrivono in cinque anni dal fatto su cui è fondato l’obbligo di fornire la prestazione »). À part la durée du délai de prescription, qui a été portée de deux ans à cinq ans, la réserve de l’al. 3 et des modifications rédactionnelles, la nouvelle teneur n’a rien changé à la disposition précédemment en vigueur dans leurs versions en français et en allemand et applicable en l’espèce. Outre la réserve de l’al. 3 et la prolongation du délai de prescription, la version en italien a, quant à elle, précisé que ledit délai commence à courir non plus « dal fatto su cui è fondata l’obbligazione », mais « dal fatto su cui è fondato l’obbligo di fornire la prestazione ».

Pour répondre à la question litigieuse, il faut tenir compte non seulement des termes « créances qui découlent du contrat d’assurance », mais également de la précision apportée s’agissant du point de départ de la prescription de ces créances, à savoir les termes « fait duquel naît l’obligation », « Tatsache, welche die Leistungspflicht begründet » et « fatto su cui è fondato l’obbligo di fornire la prestazione ».

Consid. 5.2.1
Comme l’indiquent plus précisément les versions en allemand et en italien de l’art. 46 al. 1 LCA, l’ « obligation » visée par cette disposition est celle de l’assureur de fournir les prestations prévues dans le contrat d’assurance, par exemple, dans l’assurance-accidents, de verser les prestations convenues à raison de l’événement assuré (ATF 119 II 468 consid. 2a; 118 II 447 consid. 2b). Le « fait » est la réalisation du risque qui donne naissance à cette obligation de l’assureur. Ce « fait » n’est pas le même pour les prétentions issues des diverses catégories d’assurances (ATF 118 II 447 consid. 2b).

Consid. 5.2.2
Dans l’assurance de protection juridique, l’assureur fournit, d’une part, un service sous forme d’assistance juridique et, d’autre part, une prestation pécuniaire, ainsi que, dès le début du litige, l’obligation de garantir à son assuré le paiement des frais du litige (ATF 119 II 468 consid. 2c).

Selon la jurisprudence, dans cette assurance, le « fait » duquel naît l’obligation de l’assureur correspond à la réalisation du risque, à savoir l’apparition du besoin d’assistance juridique (ATF 126 III 278 consid. 7a; 119 II 468 consid. 2c; arrêt 4A_609/2010 du 7 février 2011 consid. 1.2.1). Le point de départ (dies a quo) du délai de prescription de l’art. 46 al. 1 LCA court donc dès ce moment-là, et non dès le début du litige avec celui qui est appelé à devenir la partie adverse au procès, ni dès la fin du procès, par jugement définitif ou transaction (ATF 119 II 468 consid. 2c; arrêt 4A_609/2010 précité consid. 1.2.1). Ainsi, notamment, dès la survenance du besoin d’assistance, l’assuré peut prétendre à une garantie de couverture; si l’assureur accorde sa garantie pour une partie du litige, cela équivaut au paiement d’un acompte (art. 135 ch. 1 CO), qui interrompt la prescription pour l’entier de la créance de l’assuré; si l’assureur refuse de garantir les frais de défense de son assuré, celui-ci peut ouvrir, aux fins de l’y contraindre, une action, qui est interruptive de la prescription. Une fois le litige clos, le paiement ne constitue que l’exécution d’un engagement préexistant (ATF 119 II 468 consid. 2c).

Les « créances [de l’assuré] qui découlent du contrat d’assurance » sont donc seulement celles dont l’assureur assume l’obligation en raison (née du fait) de la survenance du risque couvert, qui est le besoin d’assistance juridique, soit concrètement l’obligation de couvrir les frais d’un litige et/ou l’obligation de fournir des conseils. Il s’ensuit que la créance en dommages-intérêts, fondée sur la responsabilité contractuelle, qui est subséquente à la prestation d’assurance – les conseils fournis – et découle de la violation du devoir de diligence de l’assureur de protection juridique qui a fourni ces conseils, n’est pas visée par la lettre de l’art. 46 al. 1 LCA.

Consid. 5.3
On ne peut rien déduire des travaux préparatoires en ce qui concerne les créances visées par cette disposition.

Selon le Message du Conseil fédéral, la brièveté du délai (de deux ans) correspond avant tout à un besoin pressant de la pratique des affaires; il faut qu’après un laps de temps assez court, l’assureur puisse être au clair sur sa situation pécuniaire (Message du 2 février 1904 sur le projet d’une loi fédérale concernant le contrat d’assurance, FF 1904 I 292 ad art. 43).

La révision de la LCA du 19 juin 2020 n’apporte pas d’élément nouveau. Certes, le Conseil fédéral a considéré que la proposition d’un allongement du délai de prescription à dix ans paraissait problématique du point de vue de la sécurité du droit, car des besoins spécifiques à l’assurance en matière de surveillance de la situation financière de l’entreprise d’assurance ne seraient pas suffisamment pris en considération, raison pour laquelle il a proposé une prolongation du délai de prescription à cinq ans, les parties pouvant prévoir contractuellement un délai plus long (Message du 28 juin 2017 concernant la révision de la loi fédérale sur le contrat d’assurance, FF 2017 4781 ch. 1.6.3; cf. VINCENT BRULHART, Droit des assurances privées, 2e éd. 2017, p. 543 s. n. 1124; DIDIER ELSIG, in Commentaire romand, Loi sur le contrat d’assurance, 2022, no 1 ad art. 46 LCA).

Consid. 5.4
Admettre le délai de prescription de dix ans de l’art. 127 CO, dès lors que l’art. 46 al. 1 LCA n’est pas applicable (art. 100 al. 1 LCA), n’entre pas en conflit avec le but de l’art. 46 al. 1 LCA. En effet, contrairement aux prétentions de l’assuré nées du risque couvert au sens de l’art. 46 al. 1 LCA et ignorées de l’assureur tant que l’assuré ne les fait pas valoir, la créance en dommages-intérêts est fondée sur des faits dont l’assureur a connaissance.

Consid. 5.5
La soumission de la créance en dommages-intérêts au délai de prescription de dix ans de l’art. 127 CO est d’ailleurs approuvée par une partie de la doctrine qui s’est prononcée sur cette question.

Ainsi, KRAUSKOPF/MÄRKI considèrent que, puisque les conditions de la prétention en dommages-intérêts trouvent leur fondement dans le Code des obligations (art. 398 et 97 CO), il y a lieu de donner la préférence à l’art. 127 CO. En outre, l’art. 46 al. 1 LCA n’est pas adapté aux prétentions contractuelles en dommages-intérêts puisqu’il ne tient pas compte de moments subjectifs, tel que celui de la connaissance du dommage, de sorte que ces prétentions pourraient se prescrire avant même que l’assuré lésé ne connaisse ou puisse connaître son dommage. Par ailleurs, le but de tenir compte des besoins des entreprises d’assurance visé par l’art. 46 al. 1 LCA ne vaut pas pour les prétentions en dommages-intérêts qui découlent de la violation du contrat d’assurance et qui doivent se prescrire, comme pour les prétentions contre un avocat, selon l’art. 127 CO (KRAUSKOPF/MÄRKI, Juristische Dienstleistungen des Rechtsschutzversicherers, in Rechtsschutzversicherung und Anwalt, 2017, p. 179 s.).

ANDREA EISNER-KIEFER, qui cite ces premiers auteurs, estime que l’appréciation de la violation du devoir de diligence s’apprécie selon les règles du mandat, de sorte qu’il paraît plus adapté d’appliquer l’art. 127 CO, et qu’il n’y a pas de motif fondé de prévoir que le délai de prescription serait plus court pour l’assureur que pour tous les autres débiteurs (ANDREA EISNER-KIEFER, Verjährung in der Privatversicherung, in Die Verjährung, 2018, p. 108 s.).

Au contraire, d’autres auteurs soutiennent que l’art. 46 al. 1 LCA est applicable. Dès lors qu’ils ne prennent en considération que les termes « créances qui découlent du contrat d’assurance » et font abstraction de la fin de l’alinéa et/ou ne discutent pas spécialement des créances en dommages-intérêts pour les conseils en matière d’assurance de protection juridique, leur position ne convainc pas.

Il en va ainsi de CHRISTOPH K. GRABER, qui considère que la prétention en dommages-intérêts pour violation du devoir de diligence constitue bien une prétention contractuelle découlant du rapport d’assurance (CHRISTOPH K. GRABER, in Basler Kommentar, Versicherungsvertragsgesetz, 2e éd. 2022, no 9 ad art. 46 LCA), de PASCAL PICHONNAZ, qui affirme que l’art. 46 al. 1 LCA est applicable (PASCAL PICHONNAZ, in Commentaire romand, Code des obligations, 3 e éd. 2021, n o 28 ad art. 127 CO p. 1116), de DIDIER ELSIG, qui mentionne uniquement les « prétentions en dommages-intérêts découlant du contrat d’assurance » (ELSIG, op. cit., no 12 ad art. 46 LCA), et de KELLER/ROELLI, qui se contentent de mentionner les prétentions contractuelles en dommages-intérêts dans une liste de prétentions qui sont, selon eux, soumises à l’art. 46 al. 1 LCA (KELLER/ROELLI, Kommentar zum Schweizerischen Bundesgesetz über den Versicherungsvertrag, t. I, 2 e éd. 1968, p. 665).

Consid. 5.6
En conclusion, dès lors que la créance litigieuse est fondée sur le prétendu dommage qu’aurait causé l’entreprise d’assurance intimée en prodiguant à l’assuré recourant des conseils juridiques et en violant prétendument à cette occasion son devoir de diligence, c’est à tort que la cour cantonale a appliqué le délai de prescription de l’art. 46 al. 1 aLCA. La question de savoir si, comme elle l’affirme, l’entreprise d’assurance est assurée en responsabilité civile n’est pas déterminante, pas plus que ne l’est la constitution d’une provision spécifique au présent litige, dès lors que le délai de prescription n’influe ici ni sur la durée de la procédure judiciaire ni sur celle de la provision. Le délai de prescription décennal de l’art. 127 CO étant applicable, la prétention invoquée par le demandeur recourant n’est pas prescrite.

 

Le TF admet le recours de l’assuré.

 

Arrêt 4A_22/2022 consultable ici