Le Conseil fédéral définit les lignes directrices de la réforme AVS2030

Le Conseil fédéral définit les lignes directrices de la réforme AVS2030

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 26.11.2025 consultable ici

 

Le Conseil fédéral veut stabiliser à long terme, pour la période 2030-2040, la situation financière de l’AVS et adapter celle-ci à l’évolution de la société. Lors de sa séance du 26 novembre 2025, il a décidé des lignes directrices qu’il entend poursuivre pour la réforme AVS2030 et chargé le Département fédéral de l’intérieur (DFI) de présenter un avant-projet d’ici au printemps 2026. Le Conseil fédéral a défini des mesures visant, d’une part, à rendre le système plus équitable, d’autre part, à prolonger la vie active. Le Conseil fédéral a également fixé des orientations afin de consolider financièrement l’AVS. Celles-ci dépendent des décisions que prendra le Parlement pour financer la 13e rente de vieillesse AVS. Une augmentation de l’âge de la référence n’est pas envisagée.

Afin de stabiliser l’AVS à long terme et de l’adapter à l’évolution de la société, le Conseil fédéral a adopté, lors de sa séance du 26 novembre 2025, les lignes directrices de la réforme de l’AVS (AVS2030). Celles-ci ont pour objectifs de rendre le système plus équitable en comblant des lacunes de cotisation et de favoriser le maintien d’une activité lucrative jusqu’à et après l’âge de référence. Des mesures pour consolider financièrement l’AVS durant la période 2030-2040 ont également été prises. Selon les perspectives actuelles, un financement supplémentaire ne sera toutefois pas nécessaire si le Parlement adopte une solution durable pour financer la 13e rente de vieillesse.

 

Cotisations plus équitables, moins de lacunes

Le système actuel présente des failles qui peuvent entraîner des lacunes de cotisation et une baisse des rentes. Ces lacunes doivent ensuite être compensées par d’autres institutions sociales, par exemple les prestations complémentaires. Les mesures envisagées par le Conseil fédéral dans le domaine des cotisations visent à rendre le prélèvement des cotisations plus équitable, à éviter les lacunes de cotisation et à améliorer la protection sociale des personnes âgées.

La réforme prévoit ainsi d’aligner, pour les tranches de revenus supérieurs, le taux de cotisation des indépendants (en moyenne 8,1%) sur celui des salariés (8,7%). Sur le principe, le barème dégressif pour les indépendants qui ont un faible revenu sera toutefois maintenu afin de leur éviter une trop forte hausse des cotisations.

Les indemnités journalières en cas de maladie et d’accident ne seront plus exemptées de cotisations AVS, comme c’est déjà le cas pour les indemnités journalières de l’assurance chômage, de l’assurance perte de gain fédérale, de l’assurance-invalidité ou de l’assurance militaire. Cette mesure permettra d’éviter aux personnes malades ou accidentées de payer elles-mêmes leurs cotisations AVS. Leurs droits aux prestations seront donc également améliorés.

Le Conseil fédéral propose également de soumettre à cotisation les dividendes inhabituellement élevés que versent certaines entreprises à leurs salariés actionnaires. Les dividendes ne sont pas soumis aux cotisations AVS ce qui peut inciter à privilégier les dividendes au salaire. Avec cette mesure, le Conseil fédéral entend lutter contre les abus et rendre le système plus équitable entre les salariés actionnaires et les autres salariés.

Ces mesures concernant le domaine des cotisations devraient générer des recettes supplémentaires pour l’AVS d’environ 700 millions de francs d’ici 2040.

 

Mesures pour favoriser le maintien à l’emploi

Le Conseil fédéral souhaite également encourager la poursuite de l’activité professionnelle jusqu’à et après l’âge de référence. Pour ce faire, il envisage de relever la franchise de cotisation (le montant à partir duquel les cotisations AVS sont prélevées) de 16 800 francs par an à 21 800 francs et d’adapter ce montant régulièrement à l’évolution des salaires et des prix. Les revenus sur lesquels des cotisations sont versées après l’âge de référence seront multipliés par un facteur de 1,4 point, permettant ainsi d’améliorer le niveau de la rente jusqu’à l’obtention de la rente maximale. De plus, les taux d’anticipation et d’ajournement seront modulés sur la base de principes désincitatifs ou incitatifs et ne dépendront donc plus de l’espérance de vie.

La réforme prévoit aussi de supprimer l’âge maximal dans l’AVS (70 ans). Au-delà de cet âge, il n’est aujourd’hui pas possible d’améliorer sa rente alors que le travailleur doit continuer à payer des cotisations au-delà de 70 ans.

Des mesures complémentaires dans les 2e et 3e piliers sont également prévues, par exemple une harmonisation avec l’AVS de l’âge minimal auquel les assurés peuvent retirer leur prestation de vieillesse.

Le Conseil fédéral propose également d’adapter les bonifications pour tâches éducatives et d’assistance. Celles-ci visent à valoriser les tâches sociales liées à l’éducation des enfants et la prise en charge d’un proche. Dorénavant, elles seront attribuées individuellement et plus en fonction de l’état civil.

 

Etude de modèles alternatifs

En mai 2025, le Conseil fédéral a décidé de renoncer à relever l’âge de référence de manière générale mais de renforcer les mesures afin de favoriser le maintien à l’emploi. En vue d’une prochaine réforme, il entend toutefois créer les bases pour flexibiliser l’âge de référence en examinant des modèles alternatifs, qui prennent par exemple en considération la pénibilité du travail, la profession ou le niveau de formation. La réalisation de tels modèles nécessite cependant des informations individuelles complémentaires, comme le taux d’occupation ou la profession exercée par les assurés, dont l’AVS ne dispose actuellement pas. AVS2030 prévoit donc que les employeurs déclarent ces informations complémentaires.

 

Financement : trois scénarios

Le besoin de financement de l’AVS pour la période 2030-2040 dépend du financement de la 13e rente de vieillesse. Cette rente sera versée pour la première fois en décembre 2026. Son mode de financement devra être décidé ces prochains mois par le Parlement. Le Conseil fédéral estime toutefois primordial d’aller de l’avant avec différents scénarios, afin de garantir à temps la consolidation financière de l’AVS et sa modernisation. Si le Parlement décide d’un financement durable de la 13e rente de vieillesse, la réforme AVS2030 ne prévoira aucun financement additionnel. Si le Parlement opte pour un financement limité dans le temps, le Conseil fédéral entend combler le besoin de financement restant par une augmentation de la TVA de 0,7 point, en plus des mesures préconisées. Si aucun financement additionnel ne devait être décidé par le Parlement et à condition que les mesures présentées dans le domaine des cotisations et des prestations soient poursuivies, une augmentation de 0,7 point de TVA combinée à 0,2 point de cotisation ou une augmentation de 0,9 point de TVA serait nécessaire pour garantir la stabilité financière de l’AVS. Le Conseil fédéral adaptera le scénario de financement en fonction des décisions définitives du Parlement.

Le Conseil fédéral envisage également l’introduction d’un mécanisme d’intervention politique pour stabiliser l’AVS si la situation du fonds devait se détériorer et qu’une baisse à long terme du niveau du fonds en dessous de 90% se profilait.

Sur la base des lignes directrices adoptées par le Conseil fédéral, le DFI préparera un avant-projet de réforme à soumettre en consultation publique d’ici au printemps 2026.

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 26.11.2025 consultable ici

 

 

Le Tribunal fédéral face aux violences sexuelles sous substances : à propos de l’arrêt 8C_548/2023 et des limites du Schreckereignis

Le Tribunal fédéral face aux violences sexuelles sous substances : à propos de l’arrêt 8C_548/2023 et des limites du Schreckereignis

 

Vous trouverez dans l’édition 6/2025 de la Revue suisse des assurances sociales et de la prévoyance professionnelle ma contribution relative à l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_548/2023 et à la notion de Schreckereignis pour les victimes de violences sexuelles sous soumission chimique ou en état de dissociation.

Résumé

L’arrêt 8C_548/2023 du Tribunal fédéral met en évidence les limites de la jurisprudence sur les traumatismes psychiques : en exigeant une perception consciente et sensorielle immédiate de l’événement, il exclut les victimes de violences sexuelles sous soumission chimique ou en état de dissociation. Cet article analyse les tensions entre le cadre juridique actuel et les réalités neurobiologiques (mémoire implicite, amnésie antérograde) et sociales post-MeToo. Il démontre que l’absence de souvenir explicite, loin d’invalider le vécu traumatique, en est souvent un indice de gravité. Face à ce paradoxe, l’article invite à repenser la jurisprudence pour l’adapter aux réalités cliniques et à l’évolution sociale.

Article consultable ici

 

NB : en raison d’une restriction de la part de l’éditeur, seule la première page peut être mise pour l’instant sur le site.

 

DOSSIER Assurances sociales 2026 – la référence suisse actualisée

DOSSIER Assurances sociales 2026 – la référence suisse actualisée

 

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Assurances sociales : ce qui va changer en 2026

Assurances sociales : ce qui va changer en 2026

 

Article de Mélanie Sauvain, paru in Sécurité sociale CHSS du 25.11.2025 consultable ici

 

Fin 2026, la 13e rente de vieillesse de l’AVS sera versée pour la première fois, en même temps que la rente de vieillesse de décembre. D’autres nouveautés entreront également en vigueur en 2026, comme le nouveau système tarifaire pour les prestations médicales Tardoc.

Plusieurs nouvelles dispositions entrent en vigueur en 2026. Afin que les assurés, les employeurs et les personnes actives dans le domaine social et de la santé aient une vue d’ensemble, le présent article résume les principaux changements, sur la base des informations disponibles à la mi-novembre 2026.

 

1er pilier : 13e rente AVS

Les personnes à la retraite toucheront pour la première fois une 13e rente AVS en 2026. Le montant perçu correspondra à un douzième (8,3333%) de l’ensemble des rentes mensuelles de vieillesse effectivement perçues de janvier à décembre 2026 (voir tableaux 1 et 2). La 13e rente sera versée sous forme de supplément en même temps que la rente de vieillesse de décembre. Cela veut dire que seuls les assurés ayant droit à une rente de vieillesse au mois de décembre percevront ce supplément. Les caisses de compensation AVS sont compétentes pour le calcul et le versement de cette 13e rente.

 

Exemple 1 : Calcul de la 13e rente de vieillesse de l’AVS

La personne A prend sa retraite le 1er mars 2026

 

Exemple 2 : Calcul de la 13e rente de vieillesse de l’AVS

La personne B est à la retraite depuis 2020. Son conjoint part à la retraite le 1er juillet 2026. La rente de B est recalculée (plafonnement des rentes des couples mariés) pour juillet 2026.

Les rentes pour enfant, les rentes complémentaires et les suppléments de rente pour les femmes de la génération transitoire AVS 21 sont versées douze fois et ne sont pas pris en compte dans le calcul de la 13e rente. Les rentes de survivants dues aux veuves, aux veufs et aux orphelins, de même que les rentes de l’assurance-invalidité, continueront aussi d’être versées douze fois par année.

La 13e rente de vieillesse ne doit pas conduire à une réduction ou à une suppression des prestations complémentaires (PC). Elle est donc explicitement exclue des revenus déterminants dans le calcul des PC. Le versement d’une 13e rente de vieillesse a été décidé en 2024 par la population suisse.

Le Parlement s’est rapidement mis d’accord sur les modalités de versement. La question du financement est en revanche toujours en cours de discussion (voir Erni, 2024).

 

1er pilier : cotisations AVS

La couverture sociale de personnes employées pour de courtes missions dans quatre secteurs de la culture et des médias est améliorée dès 2026. Leur salaire, même très faible, est désormais soumis à cotisation. Cotiser à l’AVS donne ensuite droit à des prestations de vieillesse et de survivants.

Les salaires qui n’excèdent pas 2500 francs par an ne sont généralement pas soumis à l’obligation de cotiser dans l’AVS, sauf si l’assuré en fait expressément la demande. Ainsi, les personnes qui enchaînent les emplois de courte durée et perçoivent un salaire de minime importance ne sont en principe pas assujetties aux assurances sociales. Pour que ces assurés bénéficient quand même d’une prévoyance vieillesse suffisante, le Conseil fédéral a prévu des exceptions où l’obligation de cotiser à l’AVS s’applique dès le premier franc. Cette règle s’appliquait déjà jusqu’ici aux personnes employées dans des ménages privés et dans certains domaines de la culture (danse, théâtre, orchestres) et des médias (radios, télévision).

Le Conseil fédéral a décidé d’étendre ces exceptions à quatre nouvelles catégories d’employeurs : les chœurs, les entreprises de design, les musées et les médias électroniques et imprimés. Ainsi les personnes engagées ponctuellement dans ces secteurs verront l’entier de leur salaire soumis à l’AVS.

Toujours dans le cadre des cotisations AVS, les personnes indépendantes cessant leur activité verront elles aussi leur situation s’améliorer. Lorsqu’une personne indépendante réalise un bénéfice au moment de liquider son entreprise, elle est tenue de s’acquitter de cotisations. Comme il est souvent difficile d’estimer à l’avance ce bénéfice, la différence entre les acomptes versés et les cotisations définitivement dues peut être très grande. Jusqu’ici, des intérêts moratoires élevés étaient prélevés dans ces cas-là. Dès 2026, la personne indépendante ne devra plus payer d’intérêts moratoires si d’une part, elle communique son bénéfice à sa caisse de compensation au plus tard à la fin de l’année suivant l’année où a été réalisé le bénéfice et si d’autre part, elle paie dans le délai prescrit les acomptes et cotisations dues.

 

AMal : primes-maladie et participation des cantons

Les primes de l’assurance-maladie obligatoire (AMal) augmentent pour toutes les catégories d’âge en 2026. La prime mensuelle moyenne s’élèvera à 393.30 francs, ce qui correspond à une hausse de 4,4 % par rapport à 2025. La prime moyenne est calculée en additionnant toutes les primes payées en Suisse et en les divisant par le nombre total d’assurés. L’augmentation moyenne la plus forte (4,9 %) touche les primes pour enfants.

Le contre-projet à l’initiative populaire « Maximum 10 % du revenu pour les primes d’assurance-maladie » entre en vigueur en 2026. Les cantons sont désormais tenus d’apporter une contribution minimale au financement de la réduction des primes. Le but est de garantir que ces réductions progressent également et de veiller à ce que la charge financière reste soutenable pour les ménages. Les cantons doivent de plus définir un objectif social, soit la charge maximale que les primes doivent représenter par rapport au revenu disponible.

Ils conservent leur marge de manœuvre pour déterminer qui a droit aux réductions et quel en sera le montant.

 

AMal : nouveau système tarifaire global

Le nouveau système tarifaire global (composé de TARDOC et de forfaits ambulatoires) entre en vigueur le 1er janvier 2026 en remplacement de TARMED. La facturation des prestations médicales ambulatoires en Suisse s’effectuera désormais soit via la structure tarifaire à la prestation, soit via les forfaits. Une facturation mixte n’est pas permise.

D’une façon générale, TARDOC simplifie la facturation des prestations à l’acte notamment en diminuant le nombre de positions tarifaires et en améliorant leur hiérarchisation. Il permet une facturation plus précise des durées de consultation et tient mieux compte des spécificités et des besoins de la médecine de famille. Le tarif à la prestation s’appliquera principalement dans les infrastructures simples (par exemple, consultation médicale de base ou ultrasons).

Les forfaits permettent de simplifier les factures et de limiter les incitations à accroître les quantités de prestations facturées. Les forfaits ambulatoires seront principalement appliqués dans des infrastructures à utilisation intensive de ressources (par exemple, interventions chirurgicales ou endoscopies).

Les deux structures tarifaires attribuent à chaque prestation un certain nombre de points tarifaires. Plus une prestation nécessite de ressources en personnel ou en infrastructures, plus haute est sa rémunération.

Le nouveau système doit être globalement neutre au niveau des coûts pour les assureurs. Cela signifie que le changement ne doit pas entraîner de coûts supplémentaires qui lui soient directement imputables. Si l’offre de prestations reste la même (qualité et quantité identiques), il ne doit en principe pas y avoir de hausse des coûts. Le nouveau système entraîne en revanche une redistribution des revenus entre les spécialités médicales. Le changement s’applique dans l’assurance-maladie, mais aura aussi des répercussions dans les tarifs pratiqués dans l’assurance-invalidité, accidents ou militaire.

La nouvelle convention tarifaire régissant la rémunération des pharmaciens entre également en vigueur au 1er janvier 2026. Elle règle notamment la rémunération des prestations de conseil fournies par les pharmacies lors de la délivrance de médicaments soumis à prescription médicale.

Enfin, les principales vaccinations et conseils relatifs sont exemptés de la franchise dans l’assurance de base dès le 1er janvier 2026. Cette mesure s’applique par exemple aux vaccinations contre la diphtérie, le tétanos, les pneumocoques ou les méningocoques et vise à augmenter le taux de vaccination en Suisse. La quote-part reste inchangée pour les assurés.

 

APG : numérisation en marche

Le régime des allocations pour perte de gain (APG) se numérise. À partir de février 2026, les personnes au service de Jeunesse + Sport (J+S) pourront soumettre leurs demandes d’allocations pour perte de gain par voie numérique (voir Frei 2025).

Cette possibilité sera ensuite offerte de manière échelonnée jusqu’à la fin de l’année aux personnes faisant du service civil, de la protection civile ou du service militaire. L’inscription sur papier restera possible pour les personnes effectuant un service.

 

Rachats rétroactifs dans le 3e pilier

Les personnes qui n’ont pas eu les moyens ou qui ont oublié de cotiser au pilier 3a en 2025 peuvent pour la première fois en 2026 rattraper leur cotisation manquante. Elles doivent remplir plusieurs conditions notamment verser l’entier de la cotisation due en 2026 avant de verser en une fois celle de 2025.

En cas de lacune de cotisation au cours d’une année, le rachat peut se faire dans les 10 ans. Ces rachats rétroactifs sont fiscalement déductibles l’année où ils sont effectués. Les personnes salariées et indépendantes peuvent en bénéficier.

 

Adaptation dans le 2e pilier

Les rentes de survivants et d’invalidité de la prévoyance professionnelle obligatoire (LPP) ayant pris naissance en 2022 seront adaptées à l’évolution des prix pour la première fois en 2026. Le taux d’adaptation est de 2,7 %. Les rentes ayant débuté avant 2022 seront adaptées au plus tôt en 2027, en même temps que les rentes AVS. Les rentes de vieillesse de la LPP sont adaptées par les institutions de prévoyance dans les limites de leurs possibilités financières. Le taux d’intérêt minimal dans la LPP reste à 1,25 % en 2026.

 

Article de Mélanie Sauvain, paru in Sécurité sociale CHSS du 25.11.2025 consultable ici

Sozialversicherungen: Was ändert sich 2026?, , Artikel von Mélanie Sauvain, in Soziale Sicherheit CHSS vom 25.11.2025 erschienen, hier abrufbar

 

 

8C_318/2025 (f) du 26.09.2025 – Opposition non motivée de la protection juridique avec une demande d’accès au dossier / Manque de diligence de la mandataire

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_318/2025 (f) du 26.09.2025

 

Consultable ici

 

Opposition non motivée de la protection juridique avec une demande d’accès au dossier / 52 LPGA – 10 al. 5 OPGA – 61 let. b LPGA

Manque de diligence de la mandataire

 

Résumé
Représentée par sa protection juridique, l’assurée a formé opposition à une décision, demandant l’accès à son dossier peu avant l’échéance du délai légal. L’assurance-accidents a déclaré l’opposition irrecevable, estimant que la mandataire avait agi tardivement. La cour cantonale a annulé cette décision et renvoyé la cause à l’assureur-accidents pour qu’elle statue sur le fond.

En l’espèce, l’assurance-accidents n’avait pas à transmettre le dossier immédiatement, l’assurée n’ayant pas signalé l’urgence de sa requête et sa mandataire ayant attendu plusieurs jours avant d’agir. Il a considéré qu’un délai de trois jours pour traiter une demande de consultation n’était pas excessif et que la prolongation du délai d’opposition n’était pas justifiée, dès lors que le retard résultait du manque de diligence de la mandataire.

 

Faits
Assurée, victime d’un accident de voiture à l’étranger le 07.03.2019, lui causant un traumatisme crânien, diverses contusions et une fracture à la main droite.

Par décision du 25.03.2024, notifiée le lendemain, l’assurance-accidents a mis fin au versement des prestations avec effet au 31.03.2024. Se fondant notamment sur une expertise médicale du 31.10.2023, transmise à l’assurée par courrier du 22.12.2023 pour qu’elle puisse formuler d’éventuelles questions complémentaires à l’expert ou émettre des remarques sur le contenu du rapport, l’assurance a retenu que la seule atteinte à la santé encore en lien de causalité naturelle avec l’accident était un trouble de stress post-traumatique, lequel n’était pas incapacitant et ne nécessitait plus de traitement médical.

Par courrier A Plus du 02.05.2024, distribué le lendemain matin et anticipé par courriel, l’assurée, représentée par son assurance de protection juridique, a déclaré s’opposer formellement à la décision précitée. Invoquant sa récente constitution, sa mandataire a sollicité une copie du dossier, afin de pouvoir motiver l’opposition. Une procuration datée du 01.05.2024 était jointe au pli.

Par courriel du 13.05.2024, l’assurance-accidents a sollicité des précisions quant à la date à laquelle l’assurée avait annoncé le sinistre à son assurance de protection juridique, afin de déterminer si les conditions de régularisation de l’opposition étaient remplies. Le lendemain, la mandataire de l’assurée a répondu qu’elle avait été mandatée le 01.05.2024. Les bureaux étant fermés ce jour-là, elle avait formé opposition le lendemain, afin de sauvegarder le délai échéant le 07.05.2024. N’ayant en sa possession que la décision du 25.03.2024, elle demeurait dans l’attente du dossier de l’assurée.

Par courriel du 15.05.2024, l’assurance-accidents a requis une copie de l’avis de sinistre envoyé par l’assurée à son assurance de protection juridique, dans un délai échéant le 22.05.2024, en précisant qu’à défaut, elle n’entrerait pas en matière sur l’opposition. Le 16.05.2024, l’assurance de protection juridique a réitéré sa demande d’accès au dossier, en précisant notamment qu’elle avait demandé à recevoir dans les meilleurs délais une copie du dossier complet afin de pouvoir compléter l’opposition, ce qui aurait pu être fait avant la fin du délai légal échéant le 07.05.2024.

Par décision du 27.05.2024, l’assurance-accidents a déclaré l’opposition irrecevable.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/315/2025 – consultable ici)

Par jugement du 02.05.2025, admission partielle du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3.1
Selon l’art. 52 LPGA, les décisions rendues en matière d’assurance sociale peuvent être attaquées dans les trente jours par voie d’opposition auprès de l’assureur qui les a rendues, à l’exception des décisions d’ordonnancement de la procédure. L’art. 10 OPGA, édicté sur la base de la délégation de compétence prévue à l’art. 81 LPGA, prévoit que l’opposition doit contenir des conclusions et être motivée (al. 1); si elle ne satisfait pas à ces exigences ou si elle n’est pas signée, l’assureur impartit un délai convenable pour réparer le vice, avec l’avertissement qu’à défaut, l’opposition ne sera pas recevable (al. 5).

Consid. 3.2
Aux termes de l’art. 61 let. b LPGA, l’acte de recours doit contenir un exposé succinct des faits et des motifs invoqués, ainsi que les conclusions; si l’acte n’est pas conforme à ces règles, le tribunal impartit un délai convenable au recourant pour combler les lacunes, en l’avertissant qu’en cas d’inobservation le recours sera écarté. La règle de l’art. 61 let. b LPGA découle du principe de l’interdiction du formalisme excessif et constitue l’expression du principe de la simplicité de la procédure qui gouverne le droit des assurances sociales (arrêt 8C_245/2022 précité consid. 3.2). C’est pourquoi le juge saisi d’un recours dans ce domaine ne doit pas se montrer trop strict lorsqu’il s’agit d’apprécier la forme et le contenu de l’acte de recours. Il s’agit là d’une prescription formelle, qui oblige le juge de première instance – excepté dans les cas d’abus de droit manifeste – à fixer un délai pour corriger les imperfections du mémoire de recours (ATF 143 V 249 consid. 6.2; 134 V 162 consid. 2). En raison de l’identité grammaticale des art. 61 let. b LPGA et 10 al. 5 OPGA, les principes exposés ci-dessus valent aussi en procédure administrative, l’idée à la base de cette réflexion étant de ne pas prévoir des exigences plus sévères en procédure d’opposition que lors de la procédure de recours subséquente (ATF 142 V 152 consid. 2.3 et les références citées).

Consid. 3.3
Selon la jurisprudence, les art. 61 let. b LPGA et 10 al. 5 OPGA, qui prévoient l’octroi d’un délai supplémentaire pour régulariser un acte de recours respectivement une opposition, visent avant tout à protéger l’assuré sans connaissances juridiques qui, dans l’ignorance des exigences formelles de recevabilité, dépose une écriture dont la motivation est inexistante ou insuffisante peu avant l’échéance du délai de recours ou d’opposition, pour autant qu’il en ressorte clairement que son auteur entend obtenir la modification ou l’annulation d’une décision le concernant et sous réserve de situations relevant de l’abus de droit. Dans ce contexte, on prendra en considération qu’un mandataire professionnel est censé connaître les exigences formelles d’un acte de recours ou d’une opposition et qu’il lui est également connu qu’un délai légal n’est pas prolongeable. En cas de représentation, l’octroi d’un délai supplémentaire en application des dispositions précitées s’impose donc uniquement dans la situation où l’avocat ou le mandataire professionnellement qualifié ne dispose plus de suffisamment de temps avant l’échéance du délai légal de recours ou d’opposition pour motiver ou compléter la motivation de l’écriture initiale. Il s’agit typiquement de la situation dans laquelle un assuré, qui n’est pas en possession du dossier le concernant, mandate tardivement un avocat ou un autre mandataire professionnellement qualifié et qu’il n’est pas possible pour ce dernier, en fonction de la nature de la cause, de prendre connaissance du dossier et de déposer un recours ou une opposition motivés à temps. Il n’y a alors pas de comportement abusif de la part du mandataire professionnel s’il requiert immédiatement la consultation du dossier et motive ultérieurement l’écriture initiale qu’il a déposée dans le délai légal pour sauvegarder les droits de son mandant. En dehors de ce cas de figure, les conditions de l’octroi d’un délai supplémentaire en vertu des art. 61 let. b LPGA et 10 al. 5 OPGA ne sont pas remplies (arrêts 8C_245/2022 précité consid. 3.3; 8C_817/2017 du 31 août 2018 consid. 4 et les références).

Consid. 5.3
Il ressort des constatations du tribunal cantonal que l’assurée a pris contact avec sa mandataire le 19.04.2024, que cette dernière lui a envoyé une procuration pour signature le 30.04.2024, puis qu’elle a adressé à l’assurance-accidents une opposition non motivée, avec une demande d’accès au dossier, le jeudi 02.05.2024, par courrier électronique et par courrier postal reçu par l’assurance-accidents le lendemain, c’est-à-dire trois jours ouvrables avant l’échéance du délai légal le mardi 07.05.2024.

Contrairement à l’avis de la juridiction cantonale, on ne peut pas reprocher à l’assurance-accidents de n’avoir pas immédiatement réagi à ces communications en envoyant le dossier demandé avant l’échéance du délai de recours. Il ne ressort pas des constatations des juges cantonaux que l’assurée aurait mis en évidence d’une quelconque manière le caractère urgent de sa demande en raison de l’échéance très proche du délai d’opposition. Par ailleurs, un délai de traitement de trois jours ouvrables pour une demande de consultation d’un dossier n’a rien d’exceptionnel. La mandataire de l’assurée a elle-même attendu plus de dix jours avant de demander une procuration à sa mandante et plus de douze jours avant de demander le dossier à l’assurance-accidents pour consultation. À défaut d’agir plus rapidement, il lui appartenait au moins de mettre en évidence le caractère urgent de sa demande. Elle ne pouvait pas se limiter aux démarches qu’elle avait elle-même effectuées en prenant bien davantage de temps, laisser le délai d’opposition arriver à échéance sans autre intervention auprès de l’assurance-accidents et ensuite lui faire grief de ne pas lui avoir communiqué le dossier dans les trois jours.

Pour les mêmes motifs, l’assurance-accidents a refusé à juste titre de prolonger le délai pour motiver l’opposition, la mandataire de l’assurée ayant trop tardé avant de faire signer une procuration et de demander à consulter le dossier pour pouvoir déposer une opposition motivée en temps utile. Seul le mandataire professionnel consulté tardivement ou qui n’a pu prendre connaissance du dossier qu’au dernier moment, voire qui n’a pas pu en prendre connaissance en dépit d’une demande présentée avec diligence, peut obtenir un délai pour compléter son opposition.

 

Le TF admet le recours de l’assurance-accidents.

 

Arrêt 8C_318/2025 consultable ici

 

 

 

8C_61/2025 (d) du 09.10.2025 – Versement d’une rente d’invalidité en mains de tiers – Garantie de l’utilisation conforme au but – Pension alimentaire en faveur de l’ex-conjoint – 20 LPGA – 132 CC

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_61/2025 (d) du 09.10.2025

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi.

 

Versement d’une rente d’invalidité en mains de tiers – Garantie de l’utilisation conforme au but – Pension alimentaire en faveur de l’ex-conjoint / 20 LPGA – 132 CC

 

Résumé
Le Tribunal fédéral a jugé qu’un jugement fondé sur l’art. 132 al. 1 CC, ordonnant à l’office AI de verser directement à l’ex-épouse une partie de la rente d’invalidité de son ex-mari correspondant à la contribution d’entretien après divorce, est conforme au droit fédéral. Il a confirmé que cette ordonnance civile produit les mêmes effets qu’une injonction fondée sur les art. 177 ou 291 CC et permet donc le versement en mains de tiers. Dès lors, l’office AI devait exécuter l’ordonnance du tribunal civil, et la décision cantonale annulant le refus de l’office est confirmée.

 

Faits
Par jugement et décision du 16.05.2022, le mariage entre l’assuré et A.__ a été dissous. L’assuré doit verser une pension alimentaire de CHF 800 par mois à son ex-épouse du 01.06.2022 au 31.05.2032.

Par décision du 06.04.2023, l’office AI a accordé à l’assuré une rente entière d’invalidité à compter du 01.07.2022. Par jugement et décision du 22.09.2023, le tribunal de district a ordonné à l’office AI de verser directement à l’ex-épouse, en application de l’art. 132 CC, CHF 800 par mois prélevés sur la rente d’invalidité de l’assuré, avec effet immédiat et jusqu’au 31.05.2032, sous peine de devoir payer le double en cas d’omission (dispositif, ch. 1). Cette décision est entrée en force.

Par décision du 27.10.2023, l’office AI a informé l’ex-épouse qu’il ne donnerait pas suite à l’injonction de paiement du tribunal de district du 22.09.2023.

 

Procédure cantonale (arrêt IV.2023.00637 – consultable ici)

Par jugement du 12.12.2024, admission du recours de l’ex-épouse par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 2.2
Selon l’art. 20 LPGA, l’assureur peut verser tout ou partie des prestations en espèces à un tiers qualifié ou à une autorité ayant une obligation légale ou morale d’entretien à l’égard du bénéficiaire, ou qui l’assiste en permanence, pour autant que les conditions définies dans cette disposition soient remplies. Il est établi et incontesté qu’en l’espèce ces conditions ne le sont pas, puisque l’ex-épouse a un droit à entretien à l’égard de l’assuré et ne supporte pas une obligation d’entretien envers lui.

Consid. 3.1
L’instance cantonale a considéré qu’il ressortait de l’ATF 146 V 265 que le versement à un tiers de prestations relevant du droit des assurances sociales est admissible lorsqu’il repose sur une injonction de payer rendue par un tribunal civil, visant à garantir l’entretien de l’enfant dans le cadre de mesures protectrices de l’union conjugale ou d’une procédure de divorce. À l’instar de l’art. 291 CC, l’injonction de payer pour l’entretien après le divorce selon l’art. 132, al. 1, CC a également pour but de garantir la pension alimentaire ou l’aide financière due à la personne bénéficiaire.

Par conséquent, l’obligation du débiteur prévue par l’art. 132 al. 1 CC constitue un autre cas de versement à un tiers s’ajoutant à celui de l’art. 20 LPGA. L’ex-épouse était ainsi en droit, sur la base du jugement, fondé sur l’art. 132 al. 1 CC, de demander que la rente d’invalidité due à son ex-époux lui soit versée directement, à hauteur de la contribution d’entretien qui lui avait été accordée dans le cadre de la procédure de divorce.

Consid. 3.2
L’OFAS recourant fait valoir, à l’inverse, que la décision contenue dans un jugement de divorce, prescrivant le versement des rentes du conjoint débiteur de l’entretien à l’ex-conjoint bénéficiaire de l’entretien (art. 132 CC), n’est pas contraignante pour les offices cantonaux chargés de l’exécution. Selon lui, l’art. 132 CC est formulé de manière générale et, en l’absence de clause expresse relative à un versement à un tiers, il ne peut être dérogé à l’art. 20 al. 1 LPGA.

S’agissant des fondements de l’ordonnance civile adressée au débiteur, il convient d’opérer une distinction. En ce sens, les ordonnances du juge civil concernant le versement des rentes d’un époux qui n’exécute pas son obligation d’entretien envers sa famille dans le cadre de mesures protectrices de l’union conjugale sont admissibles et obligent la caisse de compensation (art. 177 CC). Il en va de même pour les rentes des parents qui négligent leur devoir d’entretien envers leur enfant (art. 291 CC). En revanche, l’ordonnance civile contenue dans un jugement de divorce prescrivant le versement des rentes du conjoint débiteur à l’ex-conjoint bénéficiaire de l’entretien (art. 132 CC) est irrecevable.

Consid. 4.1
Le Tribunal fédéral a déjà tranché la question soulevée ici dans l’ATF 151 V 137 : une ordonnance rendue par un tribunal civil en vertu de l’art. 132 CC, prescrivant le versement à un tiers d’une partie des prestations dues à l’assuré, doit être traitée, du point de vue du droit des assurances sociales, de la même manière que celles fondées sur les art. 177 ou 291 CC. Ainsi, l’épouse divorcée peut, sur la base d’une telle ordonnance, exiger qu’une partie de la rente de vieillesse due à son ex-mari lui soit versée directement (consid. 2, 4 et 5 de l’arrêt précité).

Le Tribunal fédéral a relevé, au considérant 5.4 de l’arrêt cité, que le droit à l’entretien après divorce constitue précisément l’exemple type d’une conséquence d’un mariage dissous. La fixation des contributions d’entretien après le divorce relève du droit civil (ou, dans un cas concret, du tribunal civil). Le droit civil, conscient du fait que la communauté conjugale prend fin avec le divorce, prévoit à l’art. 132 al. 1 CC que le tribunal civil peut ordonner au débiteur de la personne tenue à l’entretien d’effectuer les paiements, en tout ou partie, directement à la personne bénéficiaire. Aucun motif particulier ne justifie que le droit des assurances sociales s’écarte, dans le contexte examiné, des principes du droit civil. Les objections tirées du droit de la famille concernant la conception des règles en matière familiale ne constituent pas une raison de refuser d’appliquer dans le droit des assurances sociales la solution prévue par le droit civil.

Consid. 4.2
Il n’existe aucun motif de s’écarter de cette jurisprudence récente (sur les conditions d’un revirement de pratique, cf. ATF 148 III 270 consid. 7.1 ; 145 V 304 consid. 4.4).

L’autorité cantonale n’a donc pas violé le droit fédéral lorsqu’elle a, conformément à la jurisprudence issue de l’ATF 151 V 137, annulé la décision de l’office AI du 27.10.2023 et ordonné à celui-ci de se conformer au jugement du juge unique du tribunal de district du 22.09.2023 concernant la mise en demeure du débiteur.

 

Le TF rejette le recours de l’OFAS.

 

Arrêt 8C_61/2025 consultable ici

 

Proposition de citation : 8C_61/2025 (d) du 09.10.2025, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2025/11/8c_61-2025)

 

 

9C_528/2025 (f) du 08.10.2025 – Demande d’anonymisation totale de l’arrêt du Tribunal fédéral refusée – 59 al. 3 LTF – 60 RTF / Notoriété d’une partie vs intérêt public de rendre accessible le rubrum et le dispositif de l’arrêt

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_528/2025 (f) du 08.10.2025

 

Consultable ici

 

Demande d’anonymisation totale de l’arrêt du Tribunal fédéral refusée / 59 al. 3 LTF – 60 RTF

Notoriété d’une partie vs intérêt public de rendre accessible le rubrum et le dispositif de l’arrêt

 

Résumé
Les héritiers de feu l’assuré avaient demandé l’anonymisation complète de l’arrêt du Tribunal fédéral afin d’éviter une atteinte à la personnalité et à la mémoire du défunt en raison de sa notoriété et du contenu financier du dossier. Le Tribunal fédéral a rejeté cette requête, rappelant que le principe de publicité des jugements prime sur l’intérêt privé, sauf en cas d’atteinte particulièrement grave, ce qui n’était pas démontré en l’espèce.

 

Faits
Assuré affilié en tant qu’indépendant auprès de la caisse de compensation. À la suite de communications fiscales rectificatives, la caisse avait rendu, le 24 juillet 2020, des décisions rectificatives de cotisations personnelles pour les années 2007 à 2015, fondées sur les données transmises par l’autorité cantonale de taxation. Le même jour, elle avait aussi rendu des décisions séparées octroyant des intérêts rémunératoires à l’assuré. Celui-ci avait formé opposition à l’ensemble des décisions, tant pour les cotisations arriérées que pour les intérêts moratoires y afférents. Par décision du 25 juillet 2024, la caisse a rejeté son opposition. L’assuré est décédé en 2024.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/593/2025 [non disponible sur le site du tribunal cantonal])

Par jugement du 14.08.2025, admission partielle du recours (interjeté par la succession, ses exécuteurs testamentaires, la fiduciaire D.__ et l’administrateur de cette dernière) par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 5.1
Les recourants demandent l’anonymisation totale de l’arrêt qui sera rendu, notamment par la suppression de toute mention ou élément permettant une identification directe ou indirecte de feu C.__. Alléguant que le présent recours s’inscrit dans une procédure comportant des informations sur la vie privée du prénommé ainsi que des données précises et chiffrées sur ses revenus et sa fortune, ils soutiennent qu’il existe un intérêt à ce qu’ils ne soient pas divulgués. En effet, la mise à la disposition du public de l’arrêt pendant les 30 jours à compter de sa notification exposerait son contenu à une médiatisation plus importante, compte tenu de la notoriété publique de feu C.__. Ils ajoutent qu’il existe un risque accru et réel de diffusion médiatique ou d’exploitation publique de données qui ne présentent aucun intérêt général, d’autant que la succession n’est pas encore terminée, causant ainsi une atteinte extrêmement grave à la personnalité et à la mémoire du défunt.

Consid. 5.2
Selon l’art. 59 al. 3 LTF complété par l’art. 60 RTF, les arrêts voient leur rubrum et leur dispositif, avec les noms des parties, mis à la disposition du public pendant 30 jours ouvrables à compter de leur notification au siège du Tribunal fédéral pour autant que la loi n’exige pas qu’ils soient rendus anonymes. L’art. 59 al. 3 LTF, qui concrétise le principe du prononcé public du jugement, revêt un intérêt public important (cf. ATF 133 I 106 consid. 8.2; arrêt 2C_443/2019 du 23 mai 2019 consid. 6.2). D’autres exceptions ne peuvent être admises que de manière très restrictive, lorsque le dispositif non anonymisé serait de nature à porter une atteinte particulièrement grave au droit de la personnalité (arrêts 2C_682/2023 du 29 août 2024 consid. 8.1; 9C_654/2022 du 31 octobre 2023 consid. 6.2; 2C_443/2019 du 23 mai 2019 consid. 6.2). Il appartient à celui qui demande l’anonymisation de justifier et de motiver sa requête (arrêt 1B_176/2019 du 17 septembre 2019 consid. 3).

Consid. 5.3
En l’espèce, la notoriété de feu C.__ ne suffit pas à considérer que le droit au respect de la personnalité et de la sphère privée du prénommé serait prépondérant à l’intérêt public de rendre accessible le rubrum et le dispositif du présent arrêt. Par ailleurs, si on admettait un tel intérêt en l’espèce, cela reviendrait à devoir anonymiser systématiquement tous les rubrums et dispositifs mis à la disposition du public dès qu’une personne ferait l’objet d’une attention particulière de la part des médias. Or la médiatisation ou non d’une affaire ne constitue pas un motif suffisant pour justifier l’anonymisation du rubrum et du dispositif. Par conséquent, les recourants ne démontrent pas l’existence d’une telle atteinte à la personnalité du défunt.

 

Le TF rejette le recours.

 

Arrêt 9C_528/2025 consultable ici

 

9C_460/2024 (f) du 08.09.2025 – Obligation d’assurance et affiliation d’office / Exceptions au principe de l’obligation d’assurance – Nette dégradation de la protection d’assurance ou de la couverture des frais

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_460/2024 (f) du 08.09.2025

 

Consultable ici

 

Obligation d’assurance et affiliation d’office / 3 al. 1 LAMal – 6 LAMal – 1 al. 1 OAMal

Exceptions au principe de l’obligation d’assurance – Nette dégradation de la protection d’assurance ou de la couverture des frais / 3 al. 2 LAMal – 2 al. 8 OAMal

 

Résumé
Le Tribunal fédéral a confirmé le refus de dispenser une ressortissante helvético-allemande de l’obligation de s’assurer en Suisse selon la LAMal. Bien qu’ayant été auparavant couverte via l’assurance du personnel des institutions internationales où travaillaient ses parents, cette couverture avait pris fin lorsqu’elle a atteint l’âge de trente ans. Restée domiciliée en Suisse, elle devait dès lors s’affilier auprès d’un assureur LAMal. Le Tribunal fédéral a jugé que l’exception prévue à l’art. 2 al. 8 OAMal ne trouvait pas à s’appliquer à sa situation.

L’examen des conditions de son assurance a révélé des lacunes de prestations, notamment pour les cures de désintoxication, excluant l’existence d’une couverture plus étendue que celle offerte par l’assurance suisse. Le Tribunal fédéral a en outre écarté tout manquement de l’autorité cantonale à son devoir d’information, relevant que la recourante, domiciliée en Suisse depuis toujours, ne pouvait invoquer ni la bonne foi (art. 9 Cst.) ni l’art. 27 al. 1 LPGA pour justifier sa non-affiliation prolongée.

 

Faits
A.__, ressortissante suisse et allemande domiciliée à U.__ depuis sa naissance en décembre 1981, a – pour la couverture des risques maladie et accident – été affiliée en partie (80%) à l’assurance du personnel des institutions internationales pour lesquelles ses parents travaillaient et en partie (20%) à B.__ AG jusqu’à ses 30 ans.

Dès le 01.01.2012, elle n’a plus été affiliée qu’à B.__ AG. À la suite d’accidents survenus en 2017 et 2018, elle a souffert de rachialgies et de coxalgies et bénéficié de traitements de longue durée d’ostéopathie et de physiothérapie.

Informée de son obligation de s’assurer auprès d’un assureur autorisé à pratiquer l’assurance-maladie sociale, elle a entrepris des démarches pour régulariser sa situation et a demandé au Service de l’assurance-maladie (SAM) de la dispenser de cette obligation (courriel du 03.09.2021). Malgré cette demande, elle a été affiliée d’office à C.__ SA dès le 01.04.2023 par décision du 04.04.2023, affiliation suspendue jusqu’à la décision du SAM. Par décision du 23.05.2023, confirmée sur opposition le 19.10.2023, le SAM a rejeté la dispense, considérant qu’elle ne remplissait pas les conditions de l’art. 2 al. 8 OAMal et qu’elle ne disposait pas d’une couverture plus étendue que celle qu’elle pourrait obtenir auprès d’une assurance suisse.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/514/2024 – consultable ici)

Par jugement du 26.06.2024, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 4
L’arrêt attaqué expose les normes et la jurisprudence indispensables à la résolution du cas, plus particulièrement celles portant sur l’obligation d’assurance (art. 3 al. 1 LAMal et 1 al. 1 OAMal; ATF 129 V 77 consid. 4), son contrôle et l’affiliation d’office (art. 6 LAMal, 4 et 6 de la loi d’application de la République et canton de Genève du 29 mai 1997 de la loi fédérale sur l’assurance-maladie [LaLAMal; rs/GE J 3 05] ainsi que les art. 4 à 6 du règlement d’exécution de la République et canton de Genève du 15 décembre 1997 de la loi d’application de la loi fédérale sur l’assurance-maladie [RaLAMal; rs/GE J 3 05.01]; ATF 126 V 265 consid. 3b). Il en va de même des règles sur les exceptions au principe de l’obligation d’assurance (art. 3 al. 2 LAMal) en lien notamment avec les personnes jouissant de privilèges en vertu du droit international (art. 6 al. 1 et 4 OAMal) ou celles pour lesquelles leurs conditions d’assurance seraient nettement dégradées par l’affiliation à une assurance-maladie suisse (art. 2 al. 8 OAMal; ATF 132 V 310 consid. 8.5.6; arrêt 9C_8/2017 du 20 juin 2017 consid. 2.2.1). Il suffit d’y renvoyer.

On rappellera que, selon l’art. 2 al. 8, première phrase, OAMal, sont exceptées de l’obligation de s’assurer sur requête les personnes dont l’adhésion à l’assurance suisse engendrerait une nette dégradation de la protection d’assurance ou de la couverture des frais et qui, en raison de leur âge et/ou de leur état de santé, ne pourraient pas conclure une assurance complémentaire ayant la même étendue ou ne pourraient le faire qu’à des conditions difficilement acceptables.

Consid. 5.1 [résumé]
Le tribunal cantonal a constaté que la recourante, binationale suisse et allemande, domiciliée en Suisse depuis sa naissance en 1981, avait été assurée par les assurances-maladie de ses parents employés d’organisations internationales, situation justifiant probablement une dispense de l’obligation d’assurance en raison d’une équivalence de couverture. Cette dispense avait toutefois pris fin le 31 décembre 2011, date à laquelle, après ses 30 ans, elle devait s’assurer auprès d’un assureur agréé selon la LAMal, ce qu’elle n’avait pas fait pendant près de dix ans.

Consid. 5.2 [résumé]
La juridiction cantonale a ensuite examiné si une dispense pouvait lui être accordée sous l’angle de l’art. 2 al. 8 OAMal. Elle a laissé ouverte la question de savoir si cette disposition s’appliquait uniquement aux personnes venant de l’étranger ou pouvait aussi viser la recourante, constatant de toute manière que la condition de la «nette dégradation» de la couverture d’assurance n’était pas remplie.

Après examen des conditions générales de B.__ AG, elle a constaté que les mesures de sevrage et les cures de désintoxication n’étaient prises en charge que de manière limitée et que les maladies et accidents causés par des actes de guerre ou de manière intentionnelle étaient exclus de la couverture d’assurance. Elle a considéré que, conformément à ce qu’avait retenu la doctrine (cf. notamment GEBHARD EUGSTER, in Basler Kommentar zum KVG/KVAG, 2020, n° 75-76 ad art. 3 LAMal), le défaut de prestations pour des mesures de sevrage était une lacune importante dans la couverture d’assurance. De plus, même si cette doctrine jugeait peu importante l’exclusion des risques d’atteintes à la santé provoquées par des actes de guerre ou intentionnellement dans le contexte d’une équivalence des couvertures d’assurance, tel n’était pas le cas lorsque, comme en l’occurrence, la couverture d’assurance étrangère devait être plus étendue que celle résultant de l’affiliation à l’assurance suisse. Elle a dès lors confirmé la décision administrative litigieuse au motif que la recourante ne pouvait pas se prévaloir d’une couverture d’assurance plus étendue.

Consid. 7.1 [résumé]
Les critiques de la recourante à l’encontre de l’appréciation de la cour cantonale concernant la comparaison des couvertures d’assurance au sens de l’art. 2 al. 8 OAMal semblent fondées. la cour cantonale s’est limitée à examiner la stricte concordance des prestations prises en charge ou des risques couverts, se fondant de surcroît sur des éléments jugés marginaux (en fonction de la situation personnelle de l’intéressée; maladies et accidents causés intentionnellement ou résultant d’actes de guerre; cf. notamment arrêt 9C_510/2011 du 12 septembre 2011 consid. 4.4.3), sans examiner si d’éventuelles prestations plus favorables offertes par B.__ AG, notamment en matière d’hospitalisation ou de soins dentaires, pouvaient compenser les lacunes constatées, lesquelles ne semblaient pas d’emblée significatives.

Consid. 7.2
Il n’est toutefois pas nécessaire d’approfondir cette question en l’occurrence ni de renvoyer la cause à la juridiction cantonale pour qu’elle le fasse dans la mesure où l’art. 2 al. 8 OAMal ne s’applique effectivement pas à la situation de la recourante. Contrairement à ce que celle-ci soutient, le tribunal cantonal n’a pas admis qu’en raison de son statut, elle entrait dans le champ d’application de la disposition mentionnée. Il a laissé ouverte la question de savoir si, en raison de son statut, la recourante pouvait être assimilée à une personne venant de l’étranger et pouvait ainsi bénéficier de la dispense requise. Or il n’est pas nécessaire de déterminer si la recourante peut être assimilée à une personne venant de l’étranger avec sa propre assurance dès lors qu’au moment de la naissance de l’obligation d’assurance, elle était de toute façon domiciliée en Suisse (depuis toujours) et ne bénéficiait plus d’une couverture d’assurance. Sa couverture d’assurance auprès de l’assurance du personnel des institutions internationales pour lesquelles ses parents travaillaient (80%) et de B.__ AG (20%) avait effectivement expiré le 31.12.2011 et une nouvelle assurance auprès de B.__ AG (100%, avec changement de tarif) avait été conclue pour la suite. Cette assurance a pris effet le 01.01.2012. Dans ces circonstances, la recourante ne pouvait donc pas se prévaloir de l’exception prévue à l’art. 2 al. 8 OAMal.

Consid. 7.3
La recourante ne peut par ailleurs pas invoquer la protection de la bonne foi (art. 9 Cst.). L’art. 5 al. 1 RaLAMal prévoit certes que l’intimé doit informer toute personne tenue de s’assurer. Cependant, conformément à l’art. 4 RaLAMal, ce devoir dépend de communications de l’Office cantonal de la population et des migrations concernant les départs, décès, arrivées et naissances ainsi que les types de permis et leurs modifications. Or, comme indiqué, la recourante, de nationalité suisse, était domiciliée à U.__ au moment de la naissance de l’obligation d’assurance et l’avait toujours été. L’Office genevois de la population et des migrations n’avait dès lors aucun moyen de connaître le changement de statut de la recourante vis-à-vis de l’assurance-maladie ni n’était tenu d’en informer l’intimé pour qu’il contrôlât le respect de l’obligation d’assurance. De surcroît, sans information de la part de la recourante, l’intimé ne pouvait pas savoir que la dispense dont celle-ci disposait en vertu de l’art. 6 al. 1 et 4 OAMal avait expiré. En effet, l’art. 20 al. 1 let. d et al. 2 let. c de l’ordonnance du 7 décembre 2007 relative à la loi fédérale sur les privilèges, les immunités et les facilités, ainsi que sur les aides financières accordés par la Suisse en tant qu’État hôte (OLEH; RS 192.121) en lien avec l’art. 2 al. 2 let. c de la loi fédérale du 22 juin 2007 sur les privilèges, les immunités et les facilités, ainsi que sur les aides financières accordés par la Suisse en tant qu’État hôte (LEH; RS 192.12) prévoit que la dispense prévue pour les enfants de fonctionnaires internationaux au sens de l’art. 6 al. 4 OAMal peut ne pas être limitée dans le temps et perdurer aussi longtemps que les enfants célibataires âgés de plus de vingt-cinq ans sont entièrement à la charge de leurs parents. Dans ces circonstances, la recourante ne saurait valablement reprocher à la cour cantonale d’avoir estimé que l’intimé n’a pas violé son devoir d’information.

Consid. 7.4
On ajoutera encore que l’art. 27 al. 1 LPGA, également invoqué par la recourante, ne change rien à ce qui précède. Cette disposition impose effectivement aux assureurs et organes d’exécution des diverses assurances sociales une obligation – générale – de renseigner les personnes intéressées sur leurs droits et obligations. Elle ne saurait dès lors imposer en l’occurrence à l’intimé un devoir d’information plus étendu que celui de l’art. 5 al. 1 RaLAMal, qui porte spécifiquement sur ce devoir en lien avec l’obligation d’assurance auprès d’un assureur-maladie en Suisse.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

Arrêt 9C_460/2024 consultable ici

 

 

 

8C_689/2024 (d) du 04.09.2025 – Versement des arrérages de rente en mains de tiers / Notion d’ « institution d’aide sociale privée » et d’ « organisme d’assistance privé » / L’extension de la notion d’assistance privée aux bailleurs serait contraire à la loi

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_689/2024 (d) du 04.09.2025

 

Consultable ici (arrêt à 5 juges, non publié)

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi

 

Versement des arrérages de rente en mains de tiers / 22 LPGA – 85bis RAI

Notion d’ »institution d’aide sociale privée » et d’ »organisme d’assistance privé »

L’extension de la notion d’assistance privée aux bailleurs serait contraire à la loi

 

Résumé
Le Tribunal fédéral a confirmé qu’une bailleresse ne pouvait être considérée comme un organisme d’assistance privé au sens de la loi et donc prétendre à un versement en mains de tiers des arrérages de rente AI. Il a relevé que la relation entre la locataire et la bailleresse reposait sur un contrat de bail, sans caractère d’aide ou de prestation volontaire, et qu’une telle extension du concept d’assistance privée aux bailleurs irait à l’encontre de la finalité protectrice du droit aux prestations sociales. Par ailleurs, le sursis accordé au paiement des loyers ne pouvait pas être reconnu comme une avance au sens des art. 22 LPGA et 85bis RAI.

 

Faits
Assurée ayant déposé une demande AI en octobre 2020.

Par projet de décision du 24.11.2022, l’office AI l’a informée qu’il envisageait lui octroyer une rente entière, avec effet rétroactif au 01.04.2021.

Le 02.056.2023, C.__, agissant en sa qualité de gérant de la société A.__ GmbH, bailleresse de l’assuré, a demandé le versement de la rente d’invalidité à un tiers et a produit une cession signée par l’assurée portant sur les arrérages de rente. Le 05.09.2023, l’office AI a statué conformément au projet et a compensé une partie des arriérés de rente, à hauteur de CHF 31’155.55, avec les avances versées par le service social. Par une décision du même jour, l’office AI a rejeté la demande de la A.__ GmbH relative au versement en mains de tiers de la rente et des arriérés de rente.

 

Procédure cantonale (arrêt IV 2023/178 – consultable ici)

Par jugement du 23.10.2024, rejet du recours de A.__ GmbH par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3
Selon l’art. 22 al. 1 LPGA, le droit aux prestations est incessible ; il ne peut être donné en gage. Toute cession ou mise en gage est nulle. Selon l’al. 2 de cette même disposition, les prestations accordées rétroactivement par l’assureur social peuvent en revanche être cédées à l’employeur ou à une institution d’aide sociale publique ou privée dans la mesure où ceux-ci ont consenti des avances (let. a) ou à l’assureur qui a pris provisoirement à sa charge des prestations (let. b).

La possibilité, en l’espèce, d’un versement à un tiers en faveur du recourant se détermine selon l’art. 85bis RAI, lequel trouve sa base légale à l’art. 22 al. 2 LPGA. L’al. 1 de cette disposition réglementaire prévoit que les employeurs, les institutions de prévoyance professionnelle, les assurances-maladie, les organismes d’assistance publics ou privés ou les assurances en responsabilité civile ayant leur siège en Suisse qui, en vue de l’octroi d’une rente de l’assurance-invalidité, ont fait une avance peuvent exiger qu’on leur verse l’arriéré de cette rente en compensation de leur avance et jusqu’à concurrence de celle-ci (première phrase). Les organismes ayant consenti une avance doivent faire valoir leurs droits au moyen d’un formulaire spécial, au plus tôt lors de la demande de rente et, au plus tard au moment de la décision de l’office AI (troisième phrase).

Au sens de l’art. 85bis al. 2 RAI, Sont considérées comme une avance, les prestations librement consenties, que l’assuré s’est engagé à rembourser, pour autant qu’il ait convenu par écrit que l’arriéré serait versé au tiers ayant effectué l’avance (let. a) et les prestations versées contractuellement ou légalement, pour autant que le droit au remboursement, en cas de paiement d’une rente, puisse être déduit sans équivoque du contrat ou de la loi (let. b).

Les arrérages de rente peuvent être versés à l’organisme ayant consenti une avance jusqu’à concurrence, au plus, du montant de celle-ci et pour la période à laquelle se rapportent les rentes (art. 85bis al. 3 RAI).

Consid. 5.1
Comme la recourante n’est manifestement ni une assurance ni un employeur, et qu’elle n’appartient pas non plus à l’assistance publique, elle peut tout au plus être examiné, au regard des griefs qu’elle soulève, si elle relève de la notion d’institution d’aide sociale privée ou d’organisme d’assistance privé au sens de l’art. 22 al. 2 LPGA et de l’art. 85bis RAI, et s’il pourrait, à ce titre, prétendre à un versement à un tiers des arriérés de rente.

La notion d’«assistance» correspond à la dénomination aujourd’hui plus usuelle d’«aide sociale». L’«assistance publique» désigne ainsi l’aide sociale étatique régie au niveau cantonal, tandis qu’il demeure largement indéterminé ce qu’il faut entendre par «assistance privée» ou «aide sociale privée» (Remo Dolf, in : Basler Kommentar, Allgemeiner Teil des Sozialversicherungsrechts, 2e éd. 2025, n° 17 ad Art. 22 ATSG). Le Tribunal fédéral n’a, jusqu’à présent et pour autant que l’on puisse en juger, pas eu l’occasion d’examiner cette question de manière approfondie.

Il faut avant tout comprendre par «assistance privée» des institutions ou organismes d’utilité publique, tels qu’une fondation (cf. à ce sujet Remo Dolf, op. cit., n° 17 ad Art. 22 ATSG, qui se réfère lui-même à l’art. 94 al. LACI, contenant une expression identique, ainsi qu’à la directive correspondante du SECO figurant dans AVIG-Praxis ALE ch. E24, et à la jurisprudence du Tribunal administratif fédéral).

Consid. 5.2
Le sens et le but de l’art. 22 LPGA résident dans la garantie du droit à la prestation, comme le laisse déjà entendre le titre de cette disposition. L’interprétation de l’art. 22 al. 2 LPGA doit également se conformer à cet objectif : cette disposition admet certes la cession des arriérés de prestations versés par les assureurs sociaux, mais uniquement dans des limites strictement définies. D’après les travaux préparatoires de l’art. 22 al. 2 LPGA, le législateur a voulu, d’une part, restreindre la possibilité du versement à un tiers aux seuls arriérés de prestations d’assurances sociales et, d’autre part, créer une base légale complète pour les versements à un tiers dans le cadre de l’assurance-invalidité conformément à l’art. 85bis RAI (ATF 136 V 286 consid. 5.2 et les références citées).

Les versements à un tiers ne sont admis que dans les cas exceptionnels expressément prévus, puisqu’ils vont à l’encontre de la protection des prestations de la sécurité sociale. Une interprétation trop large de la notion d’assistance privée contredirait ainsi le sens et le but de l’article 22 LPGA (cf. Remo Dolf, op. cit., n° 17 ad Art. 22 ATSG).

Consid. 5.3
En l’espèce, une interprétation exhaustive de la notion d’«organisme d’assistance privé» (ou d’«institution d’aide sociale privée») utilisée dans les dispositions applicables n’est pas nécessaire, car il est manifeste que la recourante ne peut de toute manière pas être qualifiée comme telle.

Le fait qu’une bailleresse soit considérée comme une institution d’aide sociale privée est d’emblée exclu en raison de sa qualité de créancière, qui ne renonce pas à une contre-prestation, mais cherche à garantir sa créance de loyer par le biais du versement de prestations relevant du droit des assurances sociales. La mise à disposition du logement par la recourante ne reposait nullement sur une idée d’assistance, mais sur un contrat de bail. Le sursis accordé au paiement du loyer peut certes être perçu comme un geste conciliant, mais il ne constitue pas pour autant une prestation d’assistance. La suspension du paiement du loyer n’est intervenue que parce que les prestations d’aide sociale publique versées à la future bénéficiaire d’une rente AI — qui couvraient aussi les frais de logement — n’ont pas été utilisées conformément à leur but pour le paiement du loyer. Dans cette configuration, il ne saurait être question d’une prestation volontaire accordée sans attente d’une contre-prestation, ce qui, fondamentalement, caractériserait une assistance privée. L’argument soulevé par la recourante selon lequel l’« assistance privée » fournie en l’espèce ne se distinguerait pas de l’aide sociale publique, ne résiste pas à l’examen.

En outre, qualifier une bailleresse d’institution d’assistance privée habilitée à recevoir des versements à un tiers ouvrirait la voie à une multitude d’autres créanciers fournissant des biens ou services de première nécessité, en compromettant la protection des prestations d’assurances sociales. Ainsi, outre les bailleurs, les commerçants en denrées alimentaires qui ne sont pas payés par les bénéficiaires de rentes AI pourraient également exiger des paiements en mains de tiers. Cela est clairement contraire à l’esprit et à l’objectif des dispositions applicables (cf. consid. 5.2 supra). L’extension de la notion d’assistance privée aux bailleurs est dès lors contraire à la loi.

Consid. 5.4
L’éventuelle lacune alléguée par la recourante concernant les bailleresses ne peut être constatée au regard de l’objectif de sécurité qui sous-tend l’art. 22 LPGA, mentionné plus haut.

Consid. 5.5
Il est en outre douteux que le tribunal cantonal puisse admettre l’existence d’une lacune apparente dans les art. 22 LPGA et 85bis RAI pour les bailleresses. Une clarification plus approfondie de cette question n’est toutefois pas nécessaire en l’espèce, car, dans un cas comme dans l’autre, la conclusion demeure que le droit à un versement à un tiers des arriérés de rente a été nié à juste titre.

Consid. 5.6
Il n’est dès lors pas nécessaire d’examiner si le sursis accordé au paiement du loyer peut être considéré comme une avance au sens des art. 22 al. 2 let. a LPGA ou 85bis al. 2 RAI, et si les autres conditions requises pour un versement à un tiers seraient également remplies. Il n’y a pas lieu non plus d’aborder les autres arguments de la recourante, en particulier l’allégation de violation du principe d’instruction et du droit d’être entendu en lien avec la demande de versement à un tiers.

 

Le TF rejette le recours de la bailleresse.

 

Arrêt 8C_689/2024 consultable ici

 

Proposition de citation : 8C_689/2024 (d) du 04.09.2025, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2025/11/8c_689-2024)

 

 

9C_24/2025 (d) du 29.08.2025 – Décision incidente de l’AI réglant les modalités de la consultation du dossier et de l’enregistrement sonore – Pas préjudice irréparable – 46 PA / Limitation de l’étendue du droit de consulter le dossier vs modalités de cette consultation

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_24/2025 (d) du 29.08.2025

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle, seul l’arrêt fait foi

 

Décision incidente de l’AI réglant les modalités de la consultation du dossier et de l’enregistrement sonore – Pas préjudice irréparable / 46 al. 1 let. a PA

Limitation de l’étendue du droit de consulter le dossier vs modalités de cette consultation / 47 LPGA

 

Résumé
Le Tribunal fédéral a confirmé le jugement du tribunal cantonal, qui avait refusé d’entrer en matière sur le recours de l’assuré dirigé contre le refus de l’office AI de lui accorder un accès sans restriction à l’enregistrement sonore de son expertise médicale. Il a jugé que la décision de l’office AI, qui portait uniquement sur les modalités d’accès au dossier – à savoir l’écoute de l’enregistrement par un lien temporaire sans possibilité de téléchargement –, constituait une décision incidente ne causant aucun préjudice irréparable.

Le Tribunal fédéral a retenu que les droits de l’assuré, et en particulier son droit d’être entendu, n’étaient pas atteints dès lors qu’il disposait d’un accès complet au contenu du dossier, qu’il pouvait à tout moment renouveler sa demande de consultation, et qu’aucune restriction matérielle ni atteinte effective à la défense de ses intérêts n’était démontrée. En conséquence, il a confirmé le rejet du recours et l’absence de violation de la garantie de la voie de droit.

 

Faits
Assuré, né 1962, a déposé en septembre 2021 une deuxième demande AI (première demande de 2009 ayant conduit à un refus).

L’office AI a mis en œuvre une expertise bidisciplinaire (rapport du 20.07.2023). Par projet de décision du 17 octobre 2023, la demande est rejetée.

Par courriels des 24.10.2023 et 30.10.2023, l’avocat de l’assuré a demandé la consultation du dossier. Par lettre du 20.11.2023, il a en outre sollicité la transmission de l’enregistrement sonore de l’expertise et une prolongation du délai pour déposer ses observations.

L’office AI a accordé plusieurs prolongations et a invité le mandataire à communiquer un numéro de téléphone mobile afin d’y transmettre un code provisoire donnant accès à l’enregistrement stocké sur une plateforme. L’avocat a déclaré ne pas disposer d’un téléphone portable pouvant être utilisé à cette fin et a demandé à recevoir l’enregistrement sonore sur un support de données ou par courrier électronique sécurisé ; à défaut, il faudrait rendre une décision l’obligeant à communiquer son numéro de téléphone portable. Par courriel du 19.04.2024, l’office AI l’a informé qu’il ne lui était pas permis de lui transmettre l’enregistrement sonore de cette manière.

Le 17.07.2024, l’office AI lui a imparti un ultime délai pour compléter ses objections, précisant qu’il n’avait pas droit à la remise d’un CD ni à une disponibilité illimitée de l’enregistrement sonore. Si la durée de validité du lien n’était pas suffisante, une nouvelle demande de consultation du dossier pouvait être déposée. Il était également possible d’écouter l’enregistrement sonore au siège de la SVA Zurich [Sozialversicherungsanstalt des Kantons Zürich].

Par courriel du 05.08.2024, l’office AI a également informé le représentant légal qu’il pouvait également indiquer le numéro de téléphone portable de l’assuré. Dans un e-mail daté du 04.09.2024, elle lui a finalement fait savoir qu’elle ne rendrait aucune décision susceptible de recours concernant l’enregistrement sonore.

 

Procédure cantonale (arrêt IV.2024.00505 – consultable ici)

Par jugement du 26.11.2024, le tribunal cantonal a rejeté le recours dans la mesure où il était recevable.

 

TF

Consid. 4.1
Est d’abord contesté le refus d’entrer en matière du tribunal cantonal sur la conclusion principale, selon laquelle le droit d’être entendu dans la procédure de préavis et un accès illimité aux enregistrements sonores devraient être garantis. Ce litige repose sur le fait que le représentant légal de l’assuré avait refusé de consulter en ligne ou dans les locaux de l’office AI (comme cela lui avait été proposé) l’enregistrement des entretiens réalisés dans le cadre de l’expertise bidisciplinaire et qu’il avait, sans succès, demandé à l’office AI de rendre à ce sujet une décision susceptible de recours.

Consid. 4.2
L’assuré fait valoir qu’il avait soumis dans la procédure cantonale, comme objet du litige, la lettre du 17.07.2024, dont l’autorité précédente aurait à tort nié le caractère de décision. Son refus d’entrer en matière violerait le droit à ce que le différend juridique soit tranché par une autorité judiciaire (art. 29a al. 1 Cst.).

Consid. 4.3
La violation alléguée par l’assuré de la garantie de la voie de droit suppose que la décision correspondante de l’office AI soit elle-même susceptible de recours à titre indépendant. Toutefois, une décision relative à la consultation du dossier (art. 47 LPGA) constitue une décision incidente au sens de l’art. 55 al. 1 LPGA en lien avec les art. 5 al. 2 et 46 PA. Par conséquent, un recours dirigé contre une telle décision (art. 56 LPGA) n’est recevable qu’en présence d’un préjudice irréparable (art. 46 al. 1 let. a PA ; cf. également § 13 al. 2 de la loi zurichoise du 7 mars 1993 sur le tribunal des assurances sociales [GSVGer ; RS 212.81]). Le préjudice n’a pas besoin d’être de nature juridique ; un intérêt de fait digne de protection à la suppression ou à la modification immédiate de la décision incidente suffit déjà (cf. ATF 130 II 149 consid. 1.1 ; arrêts 8C_130/2018 du 31 août 2018 consid. 5.2 ; 2C_86/2008 du 23 avril 2008 consid. 3.2 ; Felix Uhlmann/Simone Wälle-Bär, in: Praxiskommentar Verwaltungsverfahrensgesetz [VwVG], 3. Aufl. 2023, N. 6 f. zu Art. 46 VwVG; Melchior Volz, in: Kommentar zum Gesetz über das Sozialversicherungsgericht des Kantons Zürich, 3. Aufl. 2024, S. 160 Rz. 94c). En revanche, le simple intérêt à éviter une prolongation de la procédure ou un accroissement des frais de celle-ci n’est en principe pas suffisant (UELI KIESER, Kommentar zum ATSG, 4. Aufl. 2020, N. 21 zu Art. 56 ATSG). Un refus du droit de consulter le dossier ne constitue pas non plus un préjudice irréparable lorsque les moyens de preuve ne sont pas mis en péril et qu’il ne s’agit que d’un éventuel prolongement inutile de la procédure (UHLMANN/WÄLLE-BÄR, a.a.O., N. 17 zu Art. 46 VwVG).

Consid. 4.4
L’instance cantonale a considéré que la transmission de l’enregistrement sonore au moyen d’un lien permettant uniquement l’écoute des entretiens pendant une certaine période, mais pas de les télécharger pour les rendre disponibles sans restriction, pouvait certes apparaître comme une complication administrative pour l’assuré ou son représentant. Toutefois, il n’y avait en tout état de cause pas de préjudice irréparable dans la mesure où cette modalité de consultation du dossier ne pouvait en aucun cas porter atteinte à son contenu matériel et donc au droit d’être entendu du demandeur. D’autres circonstances susceptibles d’avoir des effets préjudiciables irréparables n’étaient ni apparentes ni invoquées. Dans la mesure où le représentant légal a fait valoir auprès de l’office AI qu’il ne disposait pas d’un téléphone portable pouvant être utilisé à cette fin, il convient de lui opposer que, compte tenu de la garantie donnée selon laquelle le numéro ne serait utilisé que pour la transmission de l’enregistrement sonore puis supprimé, il n’y avait aucun inconvénient ni risque d’abus à craindre en ce qui concerne son numéro de téléphone portable.

En outre, il était également possible d’indiquer le numéro de l’assuré, ce qui, contrairement à l’avis de son représentant légal, ne signifie pas qu’il doive écouter l’intégralité de l’enregistrement sonore, puisque le représentant pouvait simplement obtenir le code d’accès par l’intermédiaire de l’assuré. Enfin, une nouvelle demande de consultation du dossier pouvait être déposée à tout moment si la durée de validité du lien (généralement 90 jours) n’était pas suffisante.

Consid. 4.5.1 [résumé]
L’assuré soutient notamment qu’il était erroné de considérer que l’existence d’un préjudice irréparable dépendrait uniquement de la possibilité d’écouter l’intégralité de l’enregistrement sonore. Il estimait que son droit d’être entendu était violé dès lors qu’il ne pouvait pas rendre cet enregistrement accessible à son psychiatre traitant, ou seulement de manière difficile. Enfin, il s’en prend au raisonnement de la juridiction cantonale selon lequel la transmission de l’enregistrement sonore par un lien ne permettant qu’une écoute limitée dans le temps ne portait pas atteinte à l’étendue matérielle du droit de consulter le dossier ni, partant, au droit d’être entendu.

Consid. 4.5.2
Comme l’a justement constaté l’autorité précédente, il n’est pas question d’une limitation matérielle du droit de consulter le dossier et, partant, d’une violation du droit d’être entendu, mais uniquement de la réglementation des modalités de cette consultation. Le droit de l’assuré à un accès complet au contenu de l’enregistrement sonore n’est remis en cause par aucune des parties. Selon les constatations non contestées, une nouvelle demande de consultation du dossier peut être introduite à tout moment après l’expiration du délai de validité du lien d’accès, en principe de 90 jours (délai qui vise à renforcer la sécurité des données) (cf. jugement cantonal, consid. 3.2.2). Il n’existe donc aucune restriction temporelle susceptible d’entraver de manière significative le droit de consultation. Le seul fait que l’assuré ou son représentant préfère un autre mode d’accès à l’enregistrement que ceux qui lui ont été proposés ne saurait constituer un préjudice irréparable.

La situation est similaire à celle examinée dans l’ATF 139 V 492 et dans l’ATF 100 V 126 (concernant l’art. 45 al. 1 PA, dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2006). Dans la première affaire, la personne assurée (ou son représentant) avait souhaité obtenir une copie du dossier au lieu de consulter les originaux (voir en particulier le consid. 4.1 de cet arrêt). Dans la seconde, l’administration n’avait accordé la consultation du dossier qu’au représentant légal, et non à la personne assurée elle-même. Dans les deux cas, l’existence d’un préjudice irréparable avait été niée. Il n’apparaît donc pas davantage en l’espèce pour quelle raison la violation alléguée du droit à un accès illimité à l’enregistrement ne pourrait pas être réparée par une décision favorable à l’assuré sur le fond. Si la décision matérielle à rendre devait au contraire se fonder sur l’expertise bidisciplinaire de juillet 2023 et être défavorable à l’assuré, celui-ci pourrait alors faire valoir efficacement ce grief dans le cadre du recours contre cette décision (art. 46 al. 2 PA). Le fait qu’une éventuelle prolongation inutile de la procédure pourrait être évitée ne suffit pas à admettre l’existence d’un préjudice irréparable (cf. consid. 4.3 supra).

Consid. 4.5.3
Dès lors que la décision de l’office AI réglant les modalités de la consultation du dossier revêt le caractère d’une décision incidente, qui n’est pas susceptible de recours faute de préjudice irréparable au sens de l’art. 46 al. 1 let. a PA, le refus d’entrer en matière de l’autorité précédente se révèle conforme au droit, et une violation de la garantie de la voie de droit est d’emblée exclue.

Consid. 4.6
Contrairement à ce que semble supposer l’assuré, l’instance cantonale ne pouvait pas non plus renoncer à l’exigence d’un préjudice irréparable. Pour appuyer sa position, l’assuré se réfère à l’ATF 135 II 430, dont le considérant 2.2 traite de l’intérêt pratique actuel. En se fondant sur les conditions mentionnées dans cet arrêt, il soutient que la question du droit d’accès à l’enregistrement sonore pourrait se représenter à tout moment et dans des circonstances identiques ou semblables, de sorte que sa résolution serait d’importance fondamentale et relèverait de l’intérêt public.

Il n’y a toutefois aucune raison de déroger ici à la condition de recevabilité tenant au préjudice irréparable, car – comme cela a été exposé (consid. 4.5.2) – il ne s’agit pas d’une limitation de l’étendue du droit de consulter le dossier, mais uniquement des modalités de cette consultation. À cet égard également, le tribunal cantonal a constaté à juste titre, en se référant à ce qui a été dit dans l’ATF 139 V 492 consid. 4.2, qu’une voie de droit exceptionnelle ne s’imposait pas dans une telle situation, les litiges relatifs aux modalités du droit de consultation du dossier ne concernant pas la participation d’une partie à la procédure, mais seulement des questions touchant à la bonne administration – susceptibles, le cas échéant, d’être tranchées dans le cadre d’une plainte auprès de l’autorité de surveillance – et à la manière dont celle-ci traite les personnes assurées et leurs représentants. En d’autres termes, le tribunal cantonal n’a eu aucune raison d’entrer en matière sur le recours à titre exceptionnel sans que soient remplies les conditions de recevabilité applicables aux décisions incidentes.

Consid. 4.7
En l’absence d’un préjudice irréparable au sens de l’art. 46 al. 1 let. a PA, la décision attaquée serait valable sur le point de la non-entrée en matière même si l’instance précédente avait nié à tort le caractère décisionnel de la lettre du 17.07.2024.

Consid. 4.8
Dans ces circonstances, il est également conforme au droit que l’instance cantonale ait rejeté, dans la mesure où elle est entrée en matière, la conclusion subsidiaire tendant à ce que l’intimée soit enjointe de rendre une décision procédurale.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 9C_24/2025 consultable ici

 

Proposition de citation : 9C_24/2025 (d) du 29.08.2025, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2025/11/9c_24-2025)