Réduire la surcharge des urgences hospitalières par une augmentation ciblée de la participation aux coûts

Réduire la surcharge des urgences hospitalières par une augmentation ciblée de la participation aux coûts

 

Communiqué de presse du Parlement du 12.04.2024 consultable ici

 

La Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national a précisé ses propositions visant à réduire les cas bénins dans les services des urgences des hôpitaux.

Au cours des derniers mois, la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national (CSSS-N) a analysé de manière approfondie plusieurs options visant à mettre en œuvre l’iv. pa. (Weibel) Bäumle. Urgences hospitalières. Taxe pour les cas bénins (17.480). Pour réduire la surcharge des urgences hospitalières, l’initiative prône l’introduction d’une dissuasion financière en mesure de détourner les cas bénins des urgences et de les réorienter vers une prise en charge plus adéquate et économique.

Suite au constat que l’introduction d’une taxe, telle que souhaitée par l’initiative parlementaire, n’est pas conforme à la Constitution, la commission a identifié dans l’augmentation ciblée de la participation aux coûts à la charge du patient en cas de recours non justifié aux urgences une solution pragmatique permettant d’assurer un cadre d’application clair et uniforme. Lors des travaux préparatoires en vue de l’ouverture d’une procédure de consultation, la commission s’est penchée sur deux options. Une première variante prévoit d’augmenter le plafond annuel de la quote-part de 50 francs pour chaque recours non justifié aux urgences hospitalières. Dans la deuxième variante, plus incisive, la participation aux coûts est conçue sous la forme d’un supplément à la quote-part de 50 francs, qui interviendrait donc avant que l’assuré ait atteint le plafond annuel de la quote-part. Un rapport rédigé par l’OFSP a mis en lumière les différences entre les deux variantes, notamment en ce qui concerne leurs effets sur les assurés. Par 13 voix contre 12, la commission a soutenu la première variante. La deuxième sera également soumise à la procédure de consultation en tant que proposition de minorité.

Dans les deux variantes, la commission prévoit d’exempter les enfants, les femmes enceintes, ainsi que les personnes qui se rendent aux urgences hospitalières sur demande écrite d’un médecin, d’un centre de télémédecine ou d’un pharmacien. De plus, elle propose de déléguer aux cantons le choix d’introduire ou non cet instrument. Dans le vote sur l’ensemble, la commission a adopté son avant-projet par 13 voix contre 11 et 1 abstention. Une minorité propose de ne pas entrer en matière.

La procédure de consultation sera ouverte lors du troisième trimestre, une fois que la commission aura adopté également son rapport explicatif.

 

Communiqué de presse du Parlement du 12.04.2024 consultable ici

Comparaison des propositions de mise en œuvre relative à l’initiative parlementaire 17.480 (Weibel) Bäumle « Urgences hospitalières. Taxe pour les cas bénins », rapport de l’OFAS du 26.03.2024 consultable ici

 

Personnes exerçant une activité indépendante : clarification de la situation juridique et amélioration de la couverture sociale

Personnes exerçant une activité indépendante : clarification de la situation juridique et amélioration de la couverture sociale

 

Communiqué de presse du Parlement du 12.04.2024 consultable ici

 

La Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national souhaite augmenter la sécurité du droit pour les personnes exerçant une activité indépendante et pour de nouveaux modèles d’affaires, grâce à des critères clairs permettant de distinguer l’activité indépendante de l’activité salariée. Elle souhaite aussi introduire la possibilité pour les plateformes de verser les cotisations sociales des indépendants avec lesquels elles collaborent.

Par 17 voix contre 8, la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national (CSSS-N) a approuvé son avant-projet de mise en œuvre de l’iv. pa. Grossen Jürg. Accorder la qualité de personne exerçant une activité lucrative indépendante en tenant compte de la volonté des parties (18.455).

Lors de la discussion par article, elle a décidé, par 13 voix contre 12, de prévoir une procédure d’examen en deux étapes pour la distinction entre activité lucrative indépendante et activité salariée («statut de cotisant»). Il s’agira ainsi d’examiner d’abord la situation économique réelle de la personne concernée. Si les conditions économiques ne sont pas suffisamment claires pour déterminer son statut, il faudra se référer aux accords écrits passés entre les parties.

Par 17 voix contre 8, la commission souhaite que le Conseil fédéral règle plus précisément, au niveau de l’ordonnance, les critères appliqués pour déterminer le statut de cotisant, à savoir le degré de subordination d’un point de vue organisationnel, le degré de risque entrepreneurial et les accords passés entre les parties.

Par 13 voix contre 11 et 1 abstention, elle souhaite en outre que les partenaires contractuels des personnes indépendantes, tels que les plateformes numériques, puissent aider celles-ci, sur une base volontaire, à verser leurs cotisations sociales.

La commission a chargé l’administration de finaliser l’avant-projet et de procéder à des clarifications supplémentaires, notamment en ce qui concerne les modalités actuelles d’application et les conséquences pour la Suisse de la nouvelle directive européenne sur le travail via une plateforme. Elle lancera la procédure de consultation sur le projet vraisemblablement au troisième trimestre.

 

Communiqué de presse du Parlement du 12.04.2024 consultable ici

 

LAVI – Le Conseil fédéral adapte au renchérissement les montants de l’aide aux victimes

Le Conseil fédéral adapte au renchérissement les montants de l’aide aux victimes

 

Communiqué de presse de l’Office fédéral de la justice du 10.04.2024 consultable ici

 

Le Conseil fédéral réagit au renchérissement et a décidé, lors de sa séance du 10 avril 2024, de revoir à la hausse les montants maximaux de l’indemnité et de la réparation morale pour les victimes d’infractions. Les nouveaux plafonds seront appliqués dès le 1er janvier 2025.

Toute personne qui a subi en Suisse, du fait d’une infraction, une atteinte à son intégrité physique, psychique ou sexuelle a droit au soutien de l’État. La loi sur l’aide aux victimes (LAVI) donne droit, aux victimes et à leurs proches, à une indemnité pour le dommage financier qu’ils ont subi et à une réparation morale pour la souffrance endurée. La loi fixe à cet effet les montants maximaux.

En raison du renchérissement, le Conseil fédéral a décidé lors de sa séance du 10 avril 2024 de revoir à la hausse ces montants maximaux. Les victimes pourront ainsi recevoir à l’avenir une indemnité maximale de 130 000 fr. (contre 120 000 fr. aujourd’hui) et une réparation morale maximale de 76 000 fr. (contre 70 000 fr. aujourd’hui). Leurs proches auront droit à une réparation morale pouvant atteindre 38 000 fr. (contre 35 000 fr. aujourd’hui). L’évolution de ces plafonds se fonde sur la hausse de l’indice suisse des prix à la consommation. Les nouveaux montants seront appliqués dès le 1er janvier 2025.

 

Communiqué de presse de l’Office fédéral de la justice du 10.04.2024 consultable ici

Ordonnance concernant l’adaptation au renchérissement des montants d’indemnisation et de réparation morale de la loi sur l’aide aux victimes (version provisoire) consultable ici

 

Legge federale concernente l’aiuto alle vittime di reati (LAV), Il Consiglio federale adegua al rincaro l’aiuto alle vittime, communicato stampa dell’Ufficio federale di giustizia, 10.04.2024, disponibile qui

Opferhilfegesetz (OHG), Bundesrat beschliesst Teuerungsausgleich bei der Opferhilfe, Medienmitteilung des Bundesamtes für Justiz, 10.04.2024, hier abrufbar

 

 

Assurance-chômage : accès déjà garanti pour les travailleurs qui occupent une position assimilable à celle d’un employeur

Assurance-chômage : accès déjà garanti pour les travailleurs qui occupent une position assimilable à celle d’un employeur

 

Communiqué de presse du DEFR du 10.04.2024 consultable ici

 

Les travailleurs qui occupent une position assimilable à celle d’un employeur ont accès aujourd’hui déjà à l’indemnité de chômage lorsqu’ils sont au chômage. Le 10 avril 2024, le Conseil fédéral a adopté son avis concernant un rapport de la CSSS-N sur le sujet. D’après lui, le projet de la commission reviendrait à atténuer les risques entrepreneuriaux à l’aide de l’assurance-chômage, ce qui n’est pas l’objectif de l’assurance.

Le rapport de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national (CSSS-N) porte sur l’initiative parlementaire Silberschmidt intitulée «Les entrepreneurs qui versent des cotisations à l’assurance-chômage doivent être assurés eux aussi contre le chômage». Cette initiative demande une modification de la loi fédérale sur l’assurance-chômage obligatoire et l’indemnité en cas d’insolvabilité (loi sur l’assurance-chômage, LACI).

 

Le Conseil fédéral favorable au maintien de la réglementation actuelle

Le Conseil fédéral est d’avis que la réglementation actuelle de la LACI représente un bon compromis entre le statut particulier, au sein de l’entreprise, des travailleurs ayant une position assimilable à celle d’un employeur et la prise en compte du risque d’abus que cette position entraîne. La LACI permet aujourd’hui déjà à une personne qui occupe une position assimilable à celle d’un employeur d’obtenir l’indemnité de chômage lorsqu’elle est au chômage, et ce dès qu’elle a renoncé définitivement à occuper cette position. Le Conseil fédéral soutient donc l’avis exprimé par la Conférence des chefs des départements cantonaux de l’économie publique (CDEP) et par la majorité des cantons dans le cadre de la consultation, avis selon lequel la réglementation actuelle correspond pleinement au principe d’assurance, autrement dit que l’assurance-chômage n’a pas pour objectif d’atténuer les risques entrepreneuriaux. Le Conseil fédéral est donc favorable au maintien du statu quo.

 

Communiqué de presse du DEFR du 10.04.2024 consultable ici

Rapport du 22 février 2024 de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national (version provisoire) disponible ici

Prise de position de la Commission de surveillance du fonds de compensation de l’assurance-chômage (CS AC) du 23.02.2024 disponible ici

Initiative parlementaire Silberschmidt 20.406 «Les entrepreneurs qui versent des cotisations à l’assurance-chômage doivent être assurés eux aussi contre le chômage» consultable ici

 

I lavoratori in posizione analoga a quella di datore di lavoro hanno già accesso all’AD, communicato stampa del Dipartimento federale dell’economia, della formazione e della ricerca , 10.04.2024, disponibile qui

Arbeitnehmer in arbeitgeberähnlicher Stellung haben bereits Zugang zur ALV, Medienmitteilung des Eidgenössischen Departements für Wirtschaft, Bildung und Forschung, 10.04.2024, hier abrufbar

 

 

9C_291/2023 (f) du 30.01.2024 – Suppression de la rente AI lors du premier octroi à un assuré de plus de 55 ans

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_291/2023 (f) du 30.01.2024

 

Consultable ici

 

Suppression de la rente AI lors du premier octroi à un assuré de plus de 55 ans

 

A la suite d’un premier refus de prestations de l’assurance-invalidité (avril 2017), l’assuré, né en 1965, a déposé une nouvelle demande de prestations en septembre 2019, en relation avec un accident survenu sur son lieu de travail le 11.03.2019. Il exerçait l’activité de monteur en échafaudages. Après avoir notamment fait verser au dossier celui de l’assureur-accidents et sollicité des renseignements auprès des médecins traitants de l’assuré, l’office AI lui a octroyé une rente entière d’invalidité du 01.03.2020 au 30.11.2020.

 

Procédure cantonale (arrêt AI 335/22 ap. TF – 83/2023 – consultable ici)

Par jugement du 23.03.2023, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 6.2.1
Selon la jurisprudence, s’il est vrai que des facteurs tels que l’âge, le manque de formation ou les difficultés linguistiques jouent un rôle non négligeable pour déterminer dans un cas concret les activités que l’on peut encore raisonnablement exiger d’un assuré, ils ne constituent pas, en règle générale, des circonstances supplémentaires qui, à part le caractère raisonnablement exigible d’une activité, sont susceptibles d’influencer l’étendue de l’invalidité, même s’ils rendent parfois difficile, voire impossible la recherche d’une place et, partant, l’utilisation de la capacité de travail résiduelle (arrêt 9C_774/2016 du 30 juin 2017 consid. 5.2 et la référence).

Consid. 6.2.2
En l’espèce, âgé de 55 ans au moment où il a été examiné par les médecins de la clinique de réadaptation en août 2020 (sur le moment où la question de la mise en valeur de la capacité [résiduelle] de travail pour un assuré proche de l’âge de la retraite sur le marché de l’emploi doit être examinée, voir ATF 138 V 457 consid. 3.3), l’assuré n’avait pas encore atteint l’âge à partir duquel la jurisprudence considère généralement qu’il n’existe plus de possibilité réaliste de mise en valeur de la capacité résiduelle de travail sur un marché du travail supposé équilibré (sur ce point, voir ATF 143 V 431 consid. 4.5.2). C’est donc à bon droit que la juridiction cantonale n’a pas appliqué cette jurisprudence en l’occurrence.

Les juges cantonaux ont en revanche expliqué de manière convaincante que les limitations fonctionnelles retenues par les médecins de la clinique de réadaptation (épaule gauche: pas de port de charges lourdes répétitif ni de travail prolongé ou répétitif avec le membre supérieur gauche au-dessus du plan des épaules et en porte-à-faux; rachis: éviter les activités nécessitant le maintien prolongé du tronc en porte-à-faux, les flexions et torsions répétées du tronc et le port de charges lourdes) ne présentaient pas de spécificités telles qu’elles rendraient illusoire l’exercice d’une activité professionnelle. Ils ont exposé à cet égard que le marché du travail offrait un large éventail d’activités légères, dont un certain nombre étaient adaptées aux limitations de l’assuré et accessibles sans aucune formation particulière. Au regard de la liste des activités compatibles avec les limitations fonctionnelles de l’assuré établie par l’office intimé (travail simple et répétitif dans le domaine industriel léger, par exemple montage, contrôle ou surveillance d’un processus de production, ouvrier à l’établi dans des activités simples et légères, ouvrier dans le conditionnement), on constate en effet que la juridiction de première instance n’a pas violé le droit en admettant qu’il existait de réelles possibilités d’embauche sur le marché équilibré de l’emploi (à ce sujet, voir arrêt 9C_286/2015 du 12 janvier 2016 consid. 4.2 et les arrêts cités). Quant à l’absence de formation de l’assuré et à sa maîtrise imparfaite du français, elles ne constituent pas un obstacle à l’exercice des activités adaptées entrant en ligne de compte en l’occurrence (arrêts 9C_344/2015 du 25 novembre 2015 consid. 2.3; 9C_426/2014 du 18 août 2014 consid. 4.2). En conséquence, il n’y a pas lieu de s’écarter des constatations de la juridiction cantonale quant à l’exigibilité d’une capacité de travail totale dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles de l’assuré dès le mois d’août 2020.

Consid. 6.3.1
[…] Par ailleurs, en ce qu’il requiert l’application du TA1_skill_level, total hommes, niveau de compétence 1 dans le secteur de l’industrie manufacturière (ligne 10-33; salaire mensuel de 5’462 fr.), l’assuré perd de vue que dans le domaine de l’assurance-invalidité, il convient de déterminer le revenu avec invalidité en se fondant, en règle générale, sur les salaires mensuels indiqués dans le tableau TA1_tirage_skill_level, à la ligne « total secteur privé » (arrêt 9C_325/2022 du 25 mai 2023 consid. 6.2 et les références), soit un salaire mensuel de 5’261 fr. selon l’ESS 2020, respectivement de 5’417 fr. selon l’ESS 2018. Au demeurant, on ne voit pas en quoi la prise en compte du salaire applicable au secteur de l’industrie manufacturière (ligne 10-33; salaire mensuel de 5’462 fr. selon l’ESS 2020, respectivement de 5’614 fr. selon l’ESS 2018) pour déterminer le revenu avec invalidité serait plus favorable à l’assuré que l’application du salaire correspondant à la ligne « total secteur privé » (salaire mensuel de 5’261 fr. selon l’ESS 2020, respectivement de 5’417 fr. selon l’ESS 2018), dès lors que le salaire mentionné à la ligne 10-33 est supérieur à celui figurant à la ligne « total secteur privé ».

Consid. 6.4
En définitive, les considérations des juges cantonaux quant à un taux d’invalidité de 6% (résultant de la comparaison entre un revenu sans invalidité de 69’108 fr. et un revenu avec invalidité de 65’023 fr. 75, tenant compte d’un abattement de 5%) doivent être confirmées. Ce taux est insuffisant pour maintenir le droit à une rente de l’assurance-invalidité.

 

Consid. 7.2
Selon la jurisprudence à laquelle se réfère l’assuré, dûment rappelée par les juges cantonaux, il existe des situations dans lesquelles il convient d’admettre que des mesures d’ordre professionnel sont nécessaires, malgré l’existence d’une capacité de travail médico-théorique. Il s’agit des cas dans lesquels la réduction ou la suppression, par révision (art. 17 al. 1 LPGA) ou reconsidération (art. 53 al. 2 LPGA), du droit à la rente concerne une personne assurée qui est âgée de 55 ans révolus ou qui a bénéficié d’une rente pendant quinze ans au moins. Cette jurisprudence qui est également applicable lorsque l’on statue sur la limitation et/ou l’échelonnement en même temps que sur l’octroi de la rente (ATF 145 V 209 consid. 5), ne signifie pas que la personne assurée peut se prévaloir d’un droit acquis; il est seulement admis qu’une réadaptation par soi-même ne peut, sauf exception, être exigée d’elle en raison de son âge ou de la durée du versement de la rente. Dans de telles situations, les organes de l’assurance-invalidité doivent vérifier dans quelle mesure l’assuré a besoin de la mise en œuvre de mesures d’ordre professionnel, même si ce dernier a recouvré une capacité de travail et indépendamment du taux d’invalidité qui subsiste (cf. arrêts 9C_211/2021 du 5 novembre 2021 consid. 3.1; 9C_276/2020 du 18 décembre 2020 consid. 6 et les arrêts cités). Des exceptions ont déjà été admises lorsque la personne concernée avait maintenu une activité lucrative malgré le versement de la rente – de sorte qu’il n’existait pas une longue période d’éloignement professionnel – ou lorsqu’elle disposait d’emblée de capacités suffisantes lui permettant une réadaptation par soi-même (arrêts 8C_582/2017 du 22 mars 2018 consid. 6.3; 9C_183/2015 du 19 août 2015 consid. 5).

Consid. 7.3
Il est constant que l’assuré, né en 1965, était âgé de plus de 55 ans lorsqu’il a été mis au bénéfice d’une rente entière d’invalidité limitée dans le temps par décision du 27.05.2021 (concernant le moment auquel il convient de déterminer si l’âge de référence de 55 ans est atteint [date de la décision de l’office AI], cf. ATF 148 V 321 consid. 7.3). Il appartient donc à la catégorie d’assurés dont il convient de présumer qu’ils ne peuvent en principe pas entreprendre de leur propre chef tout ce que l’on peut raisonnablement attendre d’eux pour tirer profit de leur capacité résiduelle de travail.

Or en l’espèce, l’office AI n’a pas examiné si l’assuré avait besoin de mesures d’ordre professionnel, ni ne lui en a partant proposées, avant de statuer sur son droit à une rente d’invalidité limitée dans le temps, comme cela ressort du reste de ses déterminations adressées à la juridiction cantonale le 30.11.2021. Dans ce contexte, en présumant que l’intéressé aurait de toute façon refusé de telles mesures à supposer que l’office AI lui en eût proposées, de sorte qu’elles étaient vaines car vouées à l’échec, les juges cantonaux ont commis une violation du droit en ne faisant pas une application correcte de la jurisprudence (consid. 7.2 supra). A cet égard, on rappellera que la motivation de l’assuré par rapport aux mesures de réadaptation doit faire l’objet d’un examen approfondi (arrêt 8C_235/2019 du 20 janvier 2020, consid. 3.2.3). En l’occurrence, un tel examen n’a pas eu lieu, la juridiction cantonale s’étant bornée à déduire une absence de volonté subjective de l’assuré à participer à des mesures d’ordre professionnel de son attitude au cours des thérapies mises en œuvre lors de son séjour à la clinique de réadaptation durant les mois de juillet et août 2020 (difficultés à se mobiliser et participation faible). En l’état, il n’apparaît par ailleurs à première vue pas vraisemblable que l’assuré puisse reprendre du jour au lendemain une activité lucrative à 100% sans que ne soient mises préalablement en œuvre des mesures destinées à l’aider à se réinsérer dans le monde du travail. A ce propos, c’est à bon droit que l’instance précédente a considéré que l’argumentation développée par l’office AI dans son écriture du 30.11.2021, selon laquelle les nombreux métiers exercés par l’assuré sont significatifs d’une « grande capacité d’adaptation », n’était pas déterminante, dès lors que l’intéressé est une personne sans formation professionnelle, qui a exercé en dernier lieu une activité de monteur en échafaudages pendant plus de vingt ans. La cause doit dès lors être renvoyée à l’office AI afin qu’il examine concrètement le besoin de mesures de réadaptation avant la suppression de la rente de l’assuré. Il y a ainsi lieu d’annuler l’arrêt attaqué en tant qu’il porte sur la suppression du droit à la rente d’invalidité au 30.11.2020.

 

Le TF admet partiellement le recours de l’assuré.

 

Arrêt 9C_291/2023 consultable ici

 

 

Remarques :
La jurisprudence relative aux personnes assurées de plus de 55 ans ne concerne que le domaine de l’assurance-invalidité et non l’assurance-accidents.

 

8C_163/2023 (d) du 07.02.2024 – Revenu sans invalidité selon l’ESS – Résiliation du contrat de travail pour des raisons indépendantes à l’état de santé – Employeur ayant fait faillite

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_163/2023 (d) du 07.02.2024

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi

 

Détermination du revenu sans invalidité selon l’ESS – Résiliation du contrat de travail pour des raisons indépendantes à l’état de santé – Employeur ayant fait faillite / 16 LPGA

Allocations familiales non comprises dans le revenu sans invalidité

Niveau de compétences 1 en l’absence de formation professionnelle achevée – Expérience professionnelle écartée

 

Assuré, né en 1975, employé depuis le 01.05.2013 par la société B.__ AG en tant que monteur d’échafaudages, a subi un accident le 18.12.2014 (a sauté au sol depuis une hauteur d’un mètre en démontant un échafaudage). Diagnostic initial : traumatisme en supination de l’articulation talo-calcanéenne supérieure droite.

Le 07.01.2016, l’employeur a licencié l’assuré avec effet immédiat pour des raisons sans rapport avec son état de santé. En septembre de la même année, la société a été déclarée en faillite.

Par décision du 29.04.2021, l’assurance-accidents a octroyé dès le 01.04.2021 une rente d’invalidité fondée sur un taux de 30% et une IPAI de 25%. L’opposition a été admise partiellement, le taux d’invalidité étant porté à 31%.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 01.02.2023, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 2.3
Pour déterminer le revenu hypothétique réalisable sans atteinte à la santé, il est déterminant de savoir ce que la personne assurée aurait gagné au moment déterminant (début de la rente ; cf. ATF 135 V 58 consid. 3.1) sur la base de ses capacités professionnelles et de sa situation personnelle, au degré de la vraisemblance prépondérante (ATF 145 V 141 consid. 5.2.1), et non ce qu’elle pourrait gagner dans le meilleur des cas (ATF 135 V 58 consid. 3.1).

En règle générale, on se fonde sur le dernier salaire réalisé avant l’atteinte à la santé, adapté si nécessaire au renchérissement et à l’évolution réelle du revenu, , en posant la présomption qu’il aurait continué d’exercer son activité sans la survenance de son invalidité. Des exceptions ne sauraient être admises que si elles sont établies au degré de la vraisemblance prépondérante (ATF 139 V 28 consid. 3.3.2 p. 30; 135 V 58 consid. 3.1 p. 59 et la référence). Ce n’est que lorsque les circonstances réelles ne permettent pas de chiffrer le revenu sans invalidité avec suffisamment de précision qu’il est possible de recourir à des valeurs statistiques telles que les enquêtes sur la structure des salaires (ESS) publiées par l’Office fédéral de la statistique, pour autant que les facteurs personnels et professionnels déterminants pour la rémunération dans le cas d’espèce soient pris en compte (ATF 144 I 103 consid. 5.3 ; 139 V 28 consid. 3.3.2). En particulier lorsque la personne assurée, en bonne santé, ne travaillerait plus à son ancien poste, le revenu de valide doit être déterminé, conformément à la pratique, en faisant application des valeurs statistiques moyennes (arrêt 8C_581/2020 du 3 février 2021 consid. 6.3 et les références).

Consid. 3.2.1
La cour cantonale a reconnu que même sans accident, l’assuré n’aurait plus été employé par son dernier employeur. Par conséquent, le revenu sans invalidité de CHF 70’303.83 a été déterminé au moyen de la table TA1_tirage_skill_level de l’ESS 2018, niveau de compétence 1, hommes, secteur de la construction (ch. 41-43), adapté au temps de travail hebdomadaire moyen dans le secteur de la construction (41,3 heures) ainsi qu’à l’évolution des salaires nominaux en 2021.

Consid. 3.2.2
Le revenu d’invalide 2021 de CHF 48’732.40 a été déterminé sur la base du tableau TA1_tirage_skill_level de l’ESS 2018, ligne Total, hommes, niveau de compétence 1, après adaptation de l’horaire hebdomadaire (41,7 heures), à l’évolution du salaire nominal, et prise en compte de la capacité de travail exigible de 75% et enfin d’un abattement de 5% en raison des limitations fonctionnelles.

Consid. 6.1.1
En premier lieu, il convient de rappeler que la date du début de la rente (en l’occurrence le 01.04.2021) est déterminante pour le calcul du revenu sans invalidité (cf. consid. 2.3 supra). Le grief de l’assuré selon lequel la date de l’accident est déterminante est à cet égard dénué de pertinence. Il n’est pas contesté que l’ancien employeur a été mis en faillite en septembre 2016. A cela s’ajoute le fait que celui-ci avait déjà résilié le contrat de travail de l’assuré en janvier 2016 pour des raisons indépendantes de son état de santé. L’assuré n’aurait donc plus travaillé chez son ancien employeur en avril 2021, et ce pour deux raisons. Il ne peut donc pas se prévaloir du fait qu’il y aurait (hypothétiquement) encore travaillé sans atteinte à la santé. Conformément à la jurisprudence, le revenu sans invalidité doit en principe être déterminé au moyen de valeurs statistiques (cf. consid. 2.3 supra).

Consid. 6.1.2
Pour que l’on puisse malgré tout se fonder sur le salaire obtenu auprès de l’ancien employeur, il faudrait établir, au degré de la vraisemblance prépondérante, que l’assuré aurait continué à l’obtenir dans un autre emploi et que les tables de l’ESS ne sont pas en mesure de fournir à cet égard des résultats plausibles (sur l’ensemble : cf. arrêt 8C_581/2020 du 3 février 2021 consid. 6.1 et 6.3 et les références, in : SVR 2021 UV no 26 p. 123).

Or, l’assuré ne le démontre pas. Il fait valoir qu’il a réalisé en 2014 un revenu de CHF 88’062 auprès de son ancien employeur, revenu qu’il aurait également pu obtenir dans un autre emploi s’il n’y avait pas eu d’accident. Il n’explique pas de manière compréhensible comment il est parvenu à ce salaire pour l’année en question. Quoi qu’il en soit, ce salaire ne ressort pas de l’extrait du compte individuel (CI). Selon ce relevé, il a perçu d’avril à décembre 2014 un salaire de CHF 58’843. Durant les trois autres mois de 2014, il a perçu des indemnités de chômage d’un montant de 12’136 francs.

Dans la mesure où il voudrait se baser, pour le revenu de l’année 2014, sur le gain assuré [ndt : pour la rente] déterminé par l’assurance-accidents, l’assuré oublie d’une part que ce montant a déjà été revalorisé jusqu’en 2020 [ndt : application de l’art. 24 al. 2 OLAA] et ne peut donc pas correspondre au salaire annuel de 2014. D’autre part, les allocations familiales comprises dans le gain assuré ne doivent pas être prises en compte pour le calcul du revenu sans invalidité (arrêt 8C_541/2022 du 8 mai 2023 consid. 3.3 avec référence). Il ne parvient en outre pas à démontrer que son salaire, déduction faite des allocations pour enfants, aurait effectivement augmenté jusqu’en 2021 pour atteindre environ CHF 88’000. En effet, en mars 2018, l’assurance-accidents s’est renseignée auprès de l’ancien employeur sur l’évolution du salaire jusqu’à cette date. Au vu de ses déclarations, le salaire de base qu’elle aurait versé n’aurait augmenté de moins de CHF 1’000 au total entre 2014 et 2018 (salaire de base 2014 par mois : 5’800 francs x 13 ; salaire de base 2018 par mois : 5’848 francs x 13).

L’instance cantonale a démontré de manière convaincante que l’assuré n’aurait pas gagné autant dans un nouvel emploi que chez son ancien employeur. Il ressort de l’extrait du CI qu’avant de travailler pour son dernier employeur, où il était employé depuis le 01.05.2013, il percevait des revenus nettement inférieurs et qu’il avait également été au chômage à plusieurs reprises. A cela s’ajoute le fait que l’assuré ne peut faire état d’une formation professionnelle achevée. Il convient de préciser que ce qui est déterminant en fin de compte n’est pas ce qu’il aurait pu gagner au mieux au moment déterminant en bonne santé, mais ce qu’il aurait pu effectivement gagner au degré de la vraisemblance prépondérante (consid. 2.3 supra). Compte tenu de ce qui précède, la cour cantonale a déterminé le revenu sans invalidité conformément au droit fédéral au moyen de valeurs statistiques basées sur les données de l’ESS (cf. consid. 2.3 et consid. 3.2.1 supra).

L’expérience professionnelle invoquée par l’assuré ne saurait, au regard de l’absence de formation professionnelle achevée, justifier à elle seule le recours au salaire du niveau de compétences 2 (cf. arrêt 8C_728/2016 du 21 décembre 2016 consid. 3.3), comme l’a reconnu à juste titre la cour cantonale.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 8C_163/2023 consultable ici

 

Proposition de citation : 8C_163/2023 (d) du 07.02.2024, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2024/03/8c_163-2023)

 

8C_215/2023 (d) du 01.02.2024 – Revenu d’invalide – Abattement nié (longue absence du marché du travail, âge avancé, connaissances linguistiques insuffisantes, permis B, limitations fonctionnelles)

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_215/2023 (d) du 01.02.2024

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi

 

Revenu d’invalide – Abattement en raison de la longue absence du marché du travail, de l’âge avancé, de connaissances linguistiques insuffisantes, du permis B et des limitations fonctionnelles (activités légères à moyennement lourdes) nié / 16 LPGA

Revenu sans invalidité d’un assuré d’âge moyen (commentaires et remarques personnelles) / 28 al. 4 OLAA

 

Assuré, né en 1960, travaillait depuis le 01.01.2018 en qualité de nettoyeur pour la société B.__ GmbH, qui a entre-temps été déclarée en faillite. Le 23.06.2019, il s’est blessé au genou gauche lors d’une chute.

Stabilisation de l’état de santé décrété le 10.03.2022, avec fin du versement des frais médicaux et des indemnités journalières au 30.04.2022. Décision du 26.04.2022, confirmée sur opposition : octroi d’une IPAI de 20% et droit à une rente d’invalidité nié.

 

Procédure cantonale (arrêt VBE.2022.379 – consultable ici)

Par jugement du 06.03.2023, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 4.1
Il n’est pas contesté que tant le revenu d’invalide mais également le revenu sans invalidité – à la suite de la faillite du dernier employeur – doivent être déterminés sur la base de l’ESS 2020. […]

Consid. 4.2
Pour l’année 2022 (début de la rente), l’assurance-accidents a initialement fixé le revenu sans invalidité à CHF 60’558 dans sa décision, en se basant sur le tableau TA1_tirage_skill_level de l’ESS 2018, branches économiques 77-82 « Activités de services admin. et de soutien », niveau de compétences 1, hommes. Elle a évalué le revenu d’invalide à CHF 69’061 sur la base du total du tableau TA1_tirage_skill_level de l’ESS 2018, niveau de compétence 1, hommes, ce qui, comparé au revenu valide, a conduit à un taux d’invalidité de 0%. Dans la décision sur opposition, la Suva a en revanche considéré qu’en raison de l’âge avancé de l’assuré, l’art. 28 al. 4 OLAA s’appliquait, raison pour laquelle il fallait se baser « alternativement » sur le tableau T17 de l’ESS, désormais la plus récente, pour les hommes dans la tranche d’âge entre 30 et 49 ans du groupe professionnel 91 (« aides de ménage »). Il en résulte un revenu sans invalidité de CHF 56’258.65 pour l’année 2022. En ce qui concerne le revenu d’invalide, elle a également procédé à un nouveau calcul sur la base de l’ESS 2020 publiée entre-temps. Sur la base du tableau TA1_tirage_skill_level de l’ESS 2020, ligne Total, il en résulte un revenu annuel de CHF 66’997.15, et sur la base du tableau T17 de l’ESS 2020, secteur 9 « Professions élémentaires », un revenu de CHF 66’548. Sur la base de ces chiffres actualisés, le taux d’invalidité était toutefois toujours de 0%.

L’instance cantonale n’est pas parvenue à une conclusion différente, bien qu’elle n’ait pas été d’accord avec l’assurance-accidents sur tous les points. Pour la comparaison des revenus, elle s’est basée sur le revenu sans invalidité fixé par la Suva dans la décision sur opposition sur la base du tableau T17 de l’ESS 2020 à CHF 56’258.65 et, alternativement, sur un revenu d’invalide de CHF 66’997.15 (sur la base du tableau TA1_tirage_skill_level de l’ESS 2020) ou de CHF 66’548.80 (sur la base du tableau T17 de l’ESS 2020).

Consid. 4.2.1
L’assuré critique les incohérences de l’arrêt cantonal, notamment en ce qui concerne le revenu sans invalidité ; elles sont dues au fait que le tribunal cantonal – contrairement à l’assurance-accidents – a appliqué l’art. 28 al. 4 OLAA dans le cas d’espèce, mais s’est tout de même basé sur un revenu d’un assuré d’âge moyen selon la T17 (alternativement, pour le revenu d’invalide, sur la ligne Total du TA1_tirage_skill_level) pour déterminer les revenus à comparer.

Consid. 4.2.2
La réglementation spéciale de l’art. 28 al. 4 OLAA s’applique dans le domaine de l’assurance-accidents lorsqu’une personne assurée ne reprend plus d’activité lucrative après l’accident en raison de son âge (variante I) ou lorsque la diminution de la capacité de gain est due essentiellement à son âge avancé (d’environ 60 ans) (variante II). Selon l’art. 28 al. 4 OLAA, dans un tel cas, les revenus déterminants pour la fixation du degré d’invalidité sont ceux qu’un assuré d’âge moyen pourrait obtenir s’il présentait une atteinte à la santé de même gravité. Il est ainsi tenu compte, lors de l’évaluation de l’invalidité, du fait que, outre l’invalidité due à l’accident – en principe seule assurée –, l’âge avancé peut également entraîner des répercussions bien plus importantes sur la capacité de gain (sur l’ensemble : ATF 148 V 419 consid. 7.2 et les références).

Dans les cas d’application de l’art. 28 al. 4 OLAA, un abattement en raison de l’âge avancé de la personne assurée n’entre pas en ligne de compte (ATF 148 V 419 consid. 8). La question de savoir si les conditions d’application de la réglementation spéciale de l’art. 28 al. 4 OLAA sont remplies dans le cas présent (selon l’assurance-accidents) ou si leur présence (selon l’instance cantonale) doit être niée (l’assuré lui-même ne s’exprime pas à ce sujet) peut rester ouverte. En effet, comme on le verra plus loin, il n’en résulte pas, d’une manière ou d’une autre, un taux d’invalidité donnant droit à une rente.

Consid. 5.1
Se référant à l’expertise du Bureau BASS SA « Nutzung Tabellenmedianlöhne LSE zur Bestimmung der Vergleichslöhne bei der IV-Rentenbemessung » du 08.01.2021 (ci-après : expertise BASS), l’assuré argue que le revenu d’invalide doit être réduit de 15%. Au vu du profil d’exigibilité défini par le médecin-conseil de l’assurance-accidents et en référence à l’avis de droit du 22.01.2021 (« Grundprobleme der Invaliditätsbemessung in der Invalidenversicherung » [ci-après : avis de droit] et des conclusions in « Fakten oder Fiktion? Die Frage des fairen Zugangs zu Invalidenleistungen. Schlussfolgerungen aus dem Rechtsgutachten »), il faudrait en outre procéder à un abattement en raison des limitations fonctionnelles. Dans le détail, il en résulterait un abattement de 15% en raison des limitations dues à l’état de santé, de 10% en raison des possibilités de travail limitées et moins bien rémunérées au niveau de compétence 1, de 10% en raison de son âge de 62 ans au moment de la décision, de 5% en raison de la désintégration sur le marché du travail, de 12,4% sur la base de son statut de séjour B, de 10% en raison du manque d’expérience professionnelle en Suisse et dans différentes activités ainsi qu’en raison du manque de connaissances linguistiques. Au total, la déduction maximale possible de 25% devrait donc être accordée.

Consid. 5.2.1
Dans l’ATF 148 V 174, le Tribunal fédéral s’est déjà penché sur les expertises et contributions invoquées par l’assuré et a confirmé la jurisprudence actuelle selon laquelle le revenu d’invalide peut toujours être déterminé à partir de la valeur centrale ou médiane de l’ESS (ATF 148 V 174 consid. 9.2.3 et 9.2.4 ; arrêt 8C_682/2021 du 13 avril 2022 consid. 12.1 s.). Il n’y a pas lieu de revenir en l’espèce sur ce résultat, également important dans le domaine de l’assurance-accidents sociale (arrêt 8C_121/2022 du 27 juin 2022 consid. 5.4.2 in fine et les références). L’assuré ne démontre pas de raisons pour un changement de pratique et de telles raisons ne sont d’ailleurs pas visibles (à ce sujet, cf. ATF 145 V 304 consid. 4.4).

Consid. 5.2.2.1
L’assuré cite ensuite l’éloignement du marché du travail comme l’un des motifs d’abattement sur le revenu d’invalide, n’ayant travaillé en Suisse que pendant huit mois jusqu’à l’accident du 23.06.2019 et n’ayant depuis lors plus exercé d’activité lucrative. La longue absence du marché du travail concerne le critère des années de service, dont l’importance diminue, selon la jurisprudence dans le secteur privé, plus le profil d’exigences à prendre en compte est bas (ATF 126 V 75 consid. 5a/cc ; arrêt 8C_383/2022 du 10 novembre 2022 consid. 4.2.7 et les références). A cela s’ajoute le fait que, selon la jurisprudence, une longue absence du marché du travail n’a de toute façon pas nécessairement pour effet de diminuer le salaire (cf. arrêt 8C_111/2021 du 30 avril 2021 consid. 4.3.3 et les références). Contrairement aux allégations de l’assuré, on ne peut pas déduire sans autre de la table T15 de l’ESS 2020 que l’ancienneté dans l’entreprise a une influence à la hausse sur le salaire, même pour un travail non qualifié. D’une part, ce tableau ne couvre pas le secteur privé pertinent, mais le secteur privé et le secteur public ensemble, et d’autre part, il ne différencie pas selon le niveau d’exigences (cf. aussi arrêt 8C_361/2011 du 20 juillet 2011 consid. 6.6 concernant le tableau T15 de l’ESS 2008). Dans l’ensemble, l’assuré ne démontre pas et on ne voit pas en quoi un abattement serait néanmoins approprié à cet égard.

Consid. 5.2.2.2
Dans la mesure où l’assuré invoque à nouveau son âge comme facteur d’abattement, la question de savoir si – en dehors du champ d’application de l’art. 28 al. 4 OLAA – un abattement en raison de l’âge avancé est admissible peut rester ouverte (ATF 148 V 419 consid. 8.3 et les références). A cet égard, il convient de noter avec l’instance cantonale que ce sont précisément les travaux non qualifiés qui sont demandés sur le marché équilibré du travail déterminant, indépendamment de l’âge, et que pour ces activités, un âge avancé n’a pas nécessairement pour effet de diminuer le salaire (ATF 146 V 16 consid. 7.2.1 et les références ; arrêt 8C_128/2022 du 15 décembre 2022 consid. 6.2.3).

De même, des connaissances linguistiques insuffisantes ne justifient pas, en règle générale, un abattement sur le salaire statistique pour le niveau de compétence 1 applicable en l’espèce (arrêt 8C_703/2021 du 28 juin 2022 consid. 5.3 et la référence). L’assuré n’invoque pas de raisons pour une exception à ce principe. En ce qui concerne le statut d’étranger (permis de séjour B), il n’apparaît pas que celui-ci réduirait considérablement la possibilité pour l’assuré de pouvoir obtenir un salaire moyen sur le marché équilibré du travail qui entre en ligne de compte (cf. également les arrêts 8C_339/2022 du 9 novembre 2022 consid. 6.4.2 et 8C_314/2019 du 10 septembre 2019 consid. 6.2, tous deux avec référence à la table TA12).

Consid. 5.2.2.3
Ce ne sont pas seulement des activités légères qui peuvent être raisonnablement exigées de l’assuré, mais des activités légères à moyennement lourdes, raison pour laquelle aucun abattement sur le revenu statistique n’est en principe justifiée à cet égard (cf. arrêt 9C_449/2015 du 21 octobre 2015 consid. 4.2.4 avec référence). Les limitations qualitatives de la capacité de travail, qui restreignent encore l’éventail des activités pouvant être raisonnablement exigées de lui, ne donnent pas lieu à un abattement de façon systématique (cf. arrêt 9C_312/2022 du 5 janvier 2023 consid. 5.5.2 avec référence à l’ATF 148 V 174). La question de savoir dans quelle mesure les troubles liés à la lésion au genou pourraient avoir des conséquences économiques plus importantes dans le cadre d’une activité adaptée (notamment sans travaux sur terrain accidenté, sur des échelles ou des échafaudages, sans travaux à genoux ou accroupi, sans monter des escaliers de manière répétitive), dans le sens où l’assuré devrait d’emblée s’attendre à une discrimination salariale par rapport à une personne en bonne santé exerçant la même activité, n’est pas exposée de manière substantielle dans le recours et n’est pas non plus facilement identifiable.

Consid. 5.3
En résumé, l’instance cantonale n’a pas violé le droit fédéral en refusant une « déduction préalable » forfaitaire et un abattement supplémentaire sur le revenu d’invalide. Si aucun abattement n’entre en ligne de compte pour le revenu d’invalide, la comparaison avec le revenu sans invalidité aboutit, dans toutes les variantes de calcul envisagées jusqu’ici (cf. consid. 4.2 supra), à un taux d’invalidité excluant l’octroi d’une rente.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_215/2023 consultable ici

 

Remarques/Commentaires

S’agissant du revenu sans invalidité d’un assuré d’âge moyen (art. 28 al. 4 OLAA), le recours au tableau T17 semble critiquable. En effet, cette table se rapporte au secteur privé et secteur public ensemble, contrairement à la table TA1_tirage_skill_level (secteur privé uniquement). Puisque le revenu d’invalide est déterminé sur la base du secteur privé uniquement (TA1_tirage_skill_level), il semble plus approprié de recourir au même secteur économique pour évaluer le revenu sans invalidité. Ainsi, à mon sens, le revenu sans invalidité dans la décision initiale me semble moins critiquable (TA1_tirage_skill_level, branches 77-82 « Activités de services admin. et de soutien », niveau de compétences 1). De surcroît, comme le Tribunal fédéral le relève lui-même au consid. 5.2.2.1, seul le secteur privé pertinent.

Dans un souci de cohérence, soit la personne assurée a accès au secteur privé et au secteur public et il convient de déterminer le revenu sans invalidité sur la base de la T17 et le revenu d’invalide sur la base de la T1_tirage_skill_level (secteur privé et secteur public ensemble), soit elle n’a accès qu’au secteur privé et les revenus à comparer sont déterminés sur la base du seul secteur privé (TA1_tirage_skill_level).

On rappellera encore que les revenus statistiques des hommes et des femmes ressortant de la table TA1_tirage_skill_level correspondent à ceux obtenus par l’ensemble des travailleurs, respectivement des travailleuses, quel que soit leur âge. On peut admettre que les revenus par niveau de compétences et branches économiques correspondent à ceux d’un·e travailleur·euse d’âge moyen.

Pour l’abattement sur le revenu d’invalide, le critère de la nationalité et l’autorisation de séjour mériterait à l’occasion une appréciation claire de la part du Tribunal fédéral. Comme l’a encore relevé l’OFS dans son communiqué de presse pour les premiers résultats de l’ESS 2022, les salaires varient fortement selon les permis de séjour. Pour les postes de travail n’exigeant pas de responsabilité hiérarchique, la rémunération des salariés de nationalité suisse (CHF 6’496) est supérieure aux salaires versés à la main-d’œuvre étrangère (CHF 5’300 pour les permis B, CHF 5’787 pour les permis C et CHF 5’859 pour les permis G). La différence atteignant au moins 5% (cf. a contrario l’ATF 146 V 16), cet élément statistique devrait être pris en compte. Cela étant, il est probable que notre Haute Cour rappelle que le permis de séjour et/ou la nationalité de la personne assurée ne constituent pas per se un facteur de réduction du salaire statistique. L’effet du critère «nationalité / autorisation de séjour» doit faire l’objet d’un examen dans le cas concret, les possibles effets pénalisants au niveau salarial induits par cette constellation aux yeux d’un potentiel employeur pouvant être compensés par d’autres éléments personnels ou professionnels, tels que la formation et l’expérience professionnelle de la personne assurée concernée (cf. David Ionta, Revenu d’invalide selon l’ESS – une mise à jour, in : Jusletter 21 novembre 2022, ch. 255).

 

Proposition de citation : 8C_215/2023 (d) du 01.02.2024, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2024/03/8c_215-2023)

 

8C_548/2023 (d) du 21.02.2024 – Notion d’accident – Acte d’ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance – 4 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_548/2023 (d) du 21.02.2024

 

Consultable ici (arrêt à 5 juges, non pulié)

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi

 

Notion d’accident – Acte d’ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance / 4 LPGA

Traumatisme psychique – Effroi – Schreckereignis – Absence de souvenirs

Evénement d’une grande violence survenu en présence de la personne assurée

 

Assurée, née en 1993, a déposé une plainte pénale contre inconnu le 25.10.2021 pour acte d’ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance («Schändung»), en indiquant avoir été victime d’une agression sexuelle le 24.10.2021 par un homme qu’elle ne connaissait pas. Par décision du 28.03.2022, le ministère public a suspendu la procédure pénale, l’auteur n’ayant pas pu être identifié malgré d’importants efforts.

L’assurée a déclaré l’accident le 29.11.2021 en raison de l’agression sexuelle dénoncée. Par décision du 26.07.2022, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a nié l’existence d’un accident.

 

Procédure cantonale (nb : arrêt non disponible sur le site du tribunal cantonal)

Par jugement du 25.07.2023, admission du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3.1
Comme l’a exposé à juste titre l’instance cantonale, est réputée accident toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort (art. 4 LPGA). La jurisprudence et la doctrine ont toujours reconnu les influences soudaines sur le psychisme dues à la peur comme des atteintes au corps humain (au sens de la notion d’accident en vigueur) et ont développé des règles particulières pour leur traitement dans le cadre de l’assurance-accidents. Selon ces règles, la présomption d’un accident présuppose qu’il s’agisse d’un événement extraordinairement effrayant, lié à un choc psychique correspondant ; le traumatisme psychique doit être le résultat d’un événement d’une grande violence survenu en présence de la personne assurée et que l’événement dramatique est propre à provoquer des effets de peur et d’effroi typiques (tels que paralyses, battements de cœur, etc.) même chez une personne moins capable de supporter certains chocs nerveux (ATF 129 V 177 consid. 2.1 ; SVR 2020 UV NR. 21 p. 83, 8C_600/2019 consid. 3.1 ; SVR 2019 UV Nr. 20 S. 71, 8C_609/2018 consid. 2.2). L’ancien Tribunal fédéral des assurances, respectivement l’actuel Tribunal fédéral, a confirmé cette jurisprudence à plusieurs reprises et l’a précisée en ce sens que, même en cas de frayeur («Schreckereignis»), la réaction d’une personne en bonne santé (psychique) ne peut pas servir de critère de comparaison, mais que, dans ce contexte, il faut également se baser sur un «cercle plus large» d’assurés. En même temps, le Tribunal fédéral a souligné, en se référant à la notion d’accident (ATF 118 V 59 consid. 2b et 2a; cf. ATF 122 V 230 consid. 1 et les références), que le caractère extraordinaire de l’atteinte ne concerne pas les effets du facteur extérieur, mais seulement ce facteur lui-même. Dès lors il importe peu que le facteur extérieur ait entraîné des conséquences graves ou inattendues (ATF 129 V 177 consid. 2.1 ; SVR 2019 UV Nr. 20 S. 71, 8C_609/2018 consid. 2.2.2). Entrent par exemple dans cette catégorie les catastrophes dues à un incendie ou à un tremblement de terre, les accidents de chemin de fer ou d’avion, les graves collisions de voitures, les effondrements de ponts, les bombardements, les brigandages ou autres dangers de mort subite ainsi que les raz-de-marée, dans lesquels, contrairement à ce qui se passe dans le cadre des accidents « habituels », la situation de stress psychique est au premier plan, alors qu’aucune importance (décisive) ne peut être accordée aux conséquences somatiques. Des exigences strictes doivent être posées en ce qui concerne la preuve des faits qui ont déclenché le traumatisme psychique («Schreckereignis»), le caractère exceptionnel de cet événement ainsi que le choc psychique subi (SVR 2019 UV Nr. 20 S. 71, 8C_609/2018 E. 2.2; SVR 2016 UV Nr. 29 S. 95, 8C_167/2016 E. 2.2 et les références ; cf. également ANDRÉ NABOLD in: Kommentar zum Schweizerischen Sozialversicherungsrecht, UVG, 2018, N. 35 zu Art. 6 et les références).

Consid. 3.2
Dans l’arrêt 8C_412/2015 du 5 novembre 2015, le Tribunal fédéral a eu à juger d’un délit sexuel au cours duquel l’assurée a dû subir des actes sexuels (caresses sur les seins, pénétration répétée du vagin avec un doigt et baisers sur la bouche, le cou et la poitrine) de la part de l’auteur dans le compartiment des couchettes d’un train de nuit, sa résistance ayant été maîtrisée par la force. L’auteur a été définitivement condamné pour viol en Allemagne. Le Tribunal fédéral a considéré qu’il importait peu que l’agression sexuelle tombe sous le coup de la norme de l’art. 189 CP (contrainte sexuelle) en droit pénal suisse, d’autant plus qu’une contrainte sexuelle peut également représenter pour la victime une atteinte aussi grave qu’un viol. Il est donc sans importance que l’assurée ait dû ou non s’attendre à ce que le rapport sexuel soit consommé et que l’acte ait été accompagné de blessures physiques. Un tel acte a incontestablement déclenché une réaction immédiate de peur et d’effroi. Il s’agit – également au regard de la question soulevée par la cour cantonale de la soudaineté – d’un événement extraordinaire propre à susciter l’effroi répondant à la notion d’accident (SVR 2016 UV n° 11 p. 33, 8C_412/2015 consid. 6.1 ; cf. également U 193/06 du 20 octobre 2006 concernant une contrainte sexuelle ; cf. sur le viol en tant qu’accident : MYRIAM SCHWENDENER, Sexuelle Gewalt als Unfall, in: Jusletter vom 5. März 2007; MYRIAM SCHWENDENER, Vergewaltigung, Eine opferhilferechtlich relevante Straftat als sozialversicherungsrechtlicher Unfall, in: Martin Eckner/Tina Kempin [Hrsg.], Recht des Stärkeren – Recht des Schwächeren, 2005, S. 337 ff.).

Consid. 3.3
En ce qui concerne le critère – contesté en l’espèce – de l’événement survenu en présence de la personne assurée, il convient de se référer aux jugements suivants : Un événement terrifiant («Schreckereignis») a par exemple été nié dans un cas où la mère a retrouvé son fils qui avait été victime d’un homicide. Le fait que l’homicide ne s’était pas déroulé en sa présence immédiate était déterminant (RKUV 2000 n° U 365 p. 89, U 24/98 consid. 3). Dans l’arrêt U 273/02, l’ancien Tribunal fédéral des assurances a jugé que l’assuré soit dans la centrale de commande d’une usine d’incinération et que la chute d’un collègue de travail soit survenue dans le four de la chambre de combustion de l’usine d’incinération des déchets ne répondait pas à la notion d’accident, en l’absence de la présence immédiate de l’assuré (RAMA 2004 n° U 497 p. 153, U 273/02 consid. 3.2). Dans l’arrêt 8C_376/2013, le Tribunal fédéral a eu à juger le cas d’un conducteur de locomotive qui, tôt le matin, a remarqué depuis sa cabine de conduite un objet gris allongé sur la voie ferrée qu’il a pris pour un tuyau ou quelque chose de similaire et qui, après avoir ressenti un léger grondement («leichten Rumpeln»), a été informé qu’il était entré en collision avec une personne allongée au sol qui avait subi des blessures mortelles. Le Tribunal fédéral a également nié l’immédiateté requise pour la reconnaissance d’un traumatisme psychique en tant qu’accident, au motif qu’il n’y avait pas de danger pour l’assuré lui-même ni de perception d’un événement effrayant ou de ses conséquences. Selon le Tribunal fédéral, il s’avère ainsi que l’incident en soi n’a pas eu d’effet psychique violent sur l’assuré. L’effroi aurait été provoqué uniquement par l’idée et la conscience ultérieure d’avoir renversé une personne allongée sur les rails (arrêt 8C_376/2013 du 9 octobre 2013 consid. 4.2). Dans l’arrêt 8C_609/2018, le Tribunal fédéral a nié l’existence d’un traumatisme psychique répondant à la notion d’accident, car l’assuré, qui s’était trouvé devant un « beach club » à l’occasion de l’attentat terroriste à Nice, n’avait pas été blessé et n’avait ni vu directement l’attentat ni assisté à la fusillade qui s’en était suivie entre la police et l’auteur de l’attentat. Au contraire, il avait seulement remarqué que quelque chose avait dû se passer lorsque des personnes sur la plage s’étaient précipitées vers le « beach club » devant lequel il se trouvait et avaient poussé des cris (SVR 2019 UV n° 20 p. 71, 8C_609/2018 consid. 3.2).

Consid. 4.1
En l’espèce, selon le rapport de police du 05.01.2022, l’assurée a porté plainte le 25.10.2021 contre inconnu pour acte d’ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance («Schändung»). Elle a indiqué que le samedi soir 23.10.2021, elle s’était rendue en ville de Zurich avec les transports publics pour sortir. Après minuit, elle s’est rendue dans un club avec un collègue. Son compagnon serait parti vers 04h00. Elle aurait quitté le club probablement seule vers 07h00 et se serait rendue dans la rue U.__. Elle ne se souvient pas d’autres détails et s’est réveillée quelques heures plus tard dans son propre lit, dans son appartement, vêtue seulement d’un T-shirt. Un homme qu’elle ne connaissait pas se trouvait à côté d’elle dans le lit. Lorsque celui-ci s’est réveillé en même temps qu’elle, il s’est habillé et a quitté l’appartement. Elle n’avait aucun souvenir des heures précédentes. Ensuite, en se douchant, elle a remarqué des résidus de préservatif dans son vagin. Cette description a fait naître le soupçon que l’auteur inconnu avait eu des rapports sexuels avec elle, après l’avoir probablement rendue inapte à la résistance avec des gouttes «KO».

Consid. 4.2
Sur la base de l’appréciation des moyens de preuve disponibles, la cour cantonale est arrivée à la conclusion qu’il ne faisait aucun doute que l’assurée, en état d’incapacité de résistance, avait dû subir un acte sexuel par un inconnu lors de l’événement en question du 24.10.2021 et qu’elle avait donc été victime d’un acte d’ordre sexuel en étant incapable de discernement ou de résistance («Schändung»). L’assurance-accidents ne peut pas être suivie lorsqu’elle estime que l’événement en question n’était pas un événement effrayant au sens de la jurisprudence, car il faut partir du principe que l’incident violent au sens d’une agression sexuelle ne s’est pas produit en sa présence immédiate. Selon le tribunal cantonal, l’assurée ne se souvient certes plus des détails, mais a tout de même de quelques images de l’événement. Il faut donc partir du principe que l’agression sexuelle a été vécue au moins en partie consciemment. En résumé, la cour cantonale a considéré que l’assurée avait été atteinte dans son autodétermination sexuelle et son intégrité psychique et sexuelle par l’acte d’ordre sexuel commis sur elle en étant incapable de discernement ou de résistance («Schändung»). Cet événement a déclenché chez elle une réaction immédiate de peur et d’effroi et a donc eu un effet soudain sur son psychisme, raison pour laquelle l’événement du 24.10.2021 est un événement extraordinairement effrayant qui remplit la notion d’accident. Le tribunal cantonal a donc renvoyé l’affaire à l’assurance-accidents afin qu’elle procède à une instruction complémentaire s’agissant de la question de savoir si les troubles dont se plaint l’assurée sont en relation de causalité naturelle et adéquate avec l’événement accidentel du 24.10.2021 et qu’elle statue ensuite à nouveau sur le droit aux prestations.

Consid. 4.3
En ce qui concerne le déroulement présumé des faits, l’assurance-accidents ne conteste pas la description faite dans l’arrêt attaqué, selon laquelle l’assurée aurait été victime d’une agression sexuelle. Elle conteste toutefois l’existence d’un événement effrayant («Schreckereignis»), étant donné que l’assurée n’a pas pris conscience de l’événement et que le critère de la soudaineté n’est donc pas rempli.

Consid. 5
Comme l’assurance-accidents part également du principe que l’assurée a été victime d’un acte d’ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance, il n’est pas nécessaire de s’étendre sur ce point. En revanche, il est contesté que l’assurée ait eu connaissance ou non de cet acte.

Consid. 5.1
Selon la règle dite des « premières déclarations ou des déclarations de la première heure », les déclarations spontanées de la personne assurée semblent plus fiables que les descriptions ultérieures qui peuvent être influencées – consciemment ou non – par des considérations de droit des assurances ou autres, raison pour laquelle la préférence doit être accordée aux premières (cf. ATF 143 V 168 consid. 5.2.2 ; 121 V 45 consid. 2a ; arrêt 8C_249/2023 du 6 octobre 2023 consid. 4.3.2 et les références).

Consid. 5.2
Comme le fait valoir à juste titre l’assurance-accidents, l’assurée a indiqué à plusieurs reprises lors de l’audition du 25.10.2021 par la police qu’elle ne se souvenait plus de rien. Elle n’avait aucun souvenir des heures précédentes et ne pouvait donner aucune indication sur les agressions sexuelles. Interrogée sur ce dont elle se souvenait, l’assurée a expliqué qu’elle s’était réveillée dans son lit le dimanche 24.10.2021, vers 12h00, qu’elle portait le t-shirt de la veille et qu’elle n’avait plus aucun autre vêtement sur elle. Un homme nu, qu’elle ne connaissait pas, était allongé sur son côté gauche. Lorsqu’elle l’a regardé, il s’est réveillé. Il se serait alors levé, se serait habillé et serait parti. Elle a alors pris une douche et a trouvé des morceaux de préservatif dans son vagin. Cela lui a fait tellement peur de ne plus se souvenir de rien, pas même « du sexe ». Le lendemain, elle a appelé son gynécologue, car elle s’inquiétait de sa santé et des risques de maladie. Elle aurait voulu se faire examiner parce qu’elle avait apparemment eu des rapports sexuels et que le préservatif s’était déchiré. L’assurée a également indiqué au médecin qu’elle ne savait pas ce qui s’était passé, car elle ne s’en souvenait pas. Selon le rapport de la clinique de gynécologie de l’hôpital C.__ du 26.10.2021, on ne savait pas avec certitude « quel type de rapport » a eu lieu. A la psychologue D.__, l’assurée a également mentionné qu’elle ne savait pas ce qui s’était passé pendant la nuit. En raison des morceaux de préservatif, il a dû se passer quelque chose, raison pour laquelle elle s’est fait examiner. L’assurée a fait valoir pour la première fois dans son opposition du 17.08.2022 qu’elle se souvenait par bribes des événements et de l’agression, par exemple de l’image de l’inconnu qui s’était penché sur elle, et de l’impuissance et de l’incapacité d’agir qu’elle avait ressenties à ce moment-là. Elle se réfère à cet égard au rapport d’évolution des Drs D.__ et E.__ du 12.07.2022. L’assurée s’en est tenue à cette descriptions dans ses écritures ultérieures.

Consid. 5.3
Selon la règle dite des « premières déclarations ou des déclarations de la première heure » (consid. 5.1 supra) et compte tenu de l’ensemble du dossier, on ne peut pas considérer, contrairement à l’avis de l’instance cantonale, que l’assurée se souvienne par bribes de certaines images de l’événement et qu’elle ait vécu l’acte d’ordre sexuel («Schändung») au moins en partie consciemment. Comme le relève à juste titre l’assurance-accidents, la cour cantonale a fait abstraction des déclarations de l’assurée, faites à réitérées reprises dans le cadre de l’interrogatoire de police et auprès de médecins et de la psychologue, selon lesquelles elle ne se souvenait de rien, même pas « du sexe », qu’elle ne se souvenait pas de ce qui s’était passé, mais qu’elle avait trouvé un préservatif dans son vagin, qu’elle n’était pas sûre de savoir « quel genre de rapport » avait eu lieu et qu’elle n’avait pas réalisé ce qui s’était passé cette nuit-là, mais qu’elle avait pris conscience, en voyant les restes du préservatif, qu’il avait dû se passer quelque chose. Sur la base de ces déclarations, il faut plutôt considérer comme établi que l’assurée n’avait pas perçu l’acte criminel. Les déclarations qu’elle a faites à ce sujet semblent crédibles et on ne voit pas pourquoi elle aurait fait de fausses déclarations à plusieurs reprises. Les descriptions ne peuvent pas être mises en doute par les souvenirs fragmentaires de l’événement, mentionnés pour la première fois dans le rapport d’évolution du 12.07.2022, environ neuf mois après l’événement en question, et auxquels se réfère l’instance cantonale.

Consid. 6.1
D’un point de vue juridique, il faut partir du principe qu’en l’absence de souvenir de l’assurée de ce qui s’est passé, celle-ci n’a pas perçu directement, c’est-à-dire avec ses propres sens, l’acte d’ordre sexuel («Schändung») commise en raison de son état. Elle n’a réalisé les événements que quelques heures plus tard, lorsqu’elle a remarqué des résidus de préservatif dans son vagin en prenant une douche et qu’elle a supposé – selon ses propres dires – qu’il y avait eu un rapport sexuel. Il est tout à fait compréhensible que l’assurée ait subi un choc psychique. Toutefois, le simple fait d’imaginer ce qui aurait pu se passer ne permet pas de remplir la condition de la présence immédiate, au sens de la perception consciente d’un incident violent, nécessaire pour qu’un événement effrayant («Schreckereignis») soit qualifié d’accident. Le Tribunal fédéral s’en tient toutefois à cette règle dans sa jurisprudence constante, comme indiqué au considérant 3.3 ci-dessus. Il l’a encore fait récemment en indiquant que renoncer à l’exigence d’un incident violent se déroulant en présence directe de la personne assurée conduirait à une extension inadmissible de la notion d’accident, dans la mesure où tout effet psychique soudain et extraordinaire suffirait (SVR 2020 UV Nr. 21 S. 83, 8C_600/2019 consid. 3.2 avec référence au RAMA 2000 Nr. U 365 S. 89, U 24/98 consid. 2b in fine). L’assurée n’expose pas non plus, et on ne voit pas aisément, en quoi la jurisprudence devrait être modifiée.

Consid. 6.2
En résumé, le tribunal cantonal a donc violé le droit fédéral en qualifiant l’événement du 24.10.2021 d’accident au sens de l’art. 4 LPGA […]. Le jugement du tribunal cantonal doit donc être annulé et la décision sur opposition du 09.11.2022 doit être confirmée.

 

Le TF admet le recours de l’assurance-accidents.

 

Arrêt 8C_548/2023 consultable ici

 

Proposition de citation : 8C_548/2023 (d) du 21.02.2024, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2024/03/8c_548-2023)

 

8C_445/2023 (f) du 18.01.2024 – Droit à l’indemnité de chômage pour un enseignant-remplaçant / Perte de travail à prendre en considération – Contrat de travail sur appel et rapports de travail auxiliaire ou occasionnel

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_445/2023 (f) du 18.01.2024

 

Consultable ici

 

Droit à l’indemnité de chômage pour un enseignant-remplaçant / 8 LACI

Perte de travail à prendre en considération – Contrat de travail sur appel et rapports de travail auxiliaire ou occasionnel / 11 al. 1 LACI

 

Assuré, au bénéfice d’une formation d’ingénieur en génie civil, a travaillé comme enseignant-remplaçant en mars 2020 et durant l’année scolaire 2020/2021. Les contrats d’engagements de durée déterminée ont été conclus oralement. Le dernier engagement a pris fin le 08.06.2021, date à laquelle il a fonctionné comme expert aux examens de mathématiques pour trois classes.

Le 09.06.2021, l’assuré s’est inscrit auprès de l’ORP et a revendiqué des prestations de la caisse de chômage à compter de cette date. Par décision du 27.09.2021, celle-ci lui a nié le droit à des indemnités de chômage au motif que, durant le délai-cadre de cotisation, soit du 09.06.2019 au 08.06.2021, il avait justifié des remplacements durant une période totale de 8,733 mois, soit une période inférieure aux douze mois requis par la loi. La caisse ne s’est pas prononcée sur la qualification du contrat. L’assuré a fait opposition à cette décision. Il estimait en substance que ce n’étaient pas les jours de cours individuels effectivement accomplis qui devaient être pris en compte comme période de cotisation, mais la totalité de la durée de la relation de travail. Ses griefs ont été rejetés par décision sur opposition du 25.11.2021.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 25.05.2023, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 4.1
Selon l’art. 8 al. 1 let. e LACI, l’assuré a droit à l’indemnité de chômage s’il remplit les conditions relatives à la période de cotisation ou en est libéré (art. 13 et 14 LACI). Aux termes de l’art. 13 al. 1 LACI, celui qui, dans les limites du délai-cadre prévu à cet effet (art. 9 al. 3 LACI), a exercé durant douze mois au moins une activité soumise à cotisation remplit les conditions relatives à la période de cotisation. En outre, le droit à l’indemnité suppose notamment que l’assuré ait subi une perte de travail à prendre en considération (art. 8 al. 1 let. b LACI). Il y a lieu de prendre en considération la perte de travail lorsqu’elle se traduit par un manque à gagner et dure au moins deux journées de travail consécutives (art. 11 al. 1 LACI).

Consid. 4.2
Selon la jurisprudence, la perte de travail est calculée en règle générale en fonction de l’horaire de travail habituel dans la profession ou le domaine d’activité concernés ou, le cas échéant, en fonction de l’horaire de travail prévu par une convention particulière. En cas de travail sur appel, le travailleur ne subit, en principe, pas de perte de travail, respectivement pas de perte de gain à prendre en considération lorsqu’il n’est pas appelé, car le nombre de jours où il est amené à travailler est considéré comme normal. Exceptionnellement, lorsque les appels diminuent après que l’assuré a été appelé de manière plus ou moins constante pendant une période prolongée (période de référence), une telle perte de travail et de gain peut être prise en considération. Plus les appels ont été réguliers, plus la période de référence sera courte (ATF 146 V 112 consid. 3.3; 107 V 59 consid. 1; arrêts 8C_812/2017 du 23 août 2018 consid. 5.3; 8C_379/2010 du 28 février 2011 consid. 1.2 et les références, in DTA 2011 p. 149).

Consid. 4.3
Sous chiffres B95 ss concernant le contrat de travail sur appel du bulletin LACI IC, dans leur teneur en vigueur depuis 2012, le SECO a établi des critères afin de trancher le point de savoir si l’activité exercée est suffisamment régulière au sens de la jurisprudence précitée. Selon le ch. B97, pour établir le temps de travail normal, on prendra en principe pour période de référence les douze derniers mois ou toute la durée du rapport de travail s’il a duré moins de douze mois; en dessous de six mois d’occupation, il est impossible de déterminer un temps de travail normal. Pour qu’un temps de travail puisse être présumé normal, il faut que ses fluctuations mensuelles ne dépassent pas 20%, en plus ou en moins, du nombre moyen des heures de travail fournies mensuellement pendant la période d’observation de douze mois ou 10% si cette période est de six mois seulement; si la période d’observation est inférieure à douze mois mais supérieure à six, le taux plafond des fluctuations admises sera proportionnellement ajusté; si les fluctuations dépassent ne serait-ce qu’un seul mois le plafond admis, il ne peut plus être question d’un temps de travail normal et, en conséquence, la perte de travail et la perte de gain ne peuvent pas être prises en considération.

Le Tribunal fédéral a admis que la méthode d’évaluation du SECO est appropriée en ce qui concerne les contrats de travail sur appel d’une relativement courte durée (cf. arrêt 8C_417/2013 du 30 décembre 2013 consid. 5.2.2). Pour une activité d’environ deux ans, une période de référence de douze mois a été jugée adéquate (cf. arrêt 8C_379/2010 précité consid. 2.2.3). Dans ce dernier arrêt (consid. 2.3), le Tribunal fédéral a jugé que lorsqu’il s’agit d’examiner une perte de travail éventuelle, les règles applicables aux contrats de travail sur appel le sont également aux rapports de travail auxiliaire ou occasionnel.

 

Consid. 5
En l’espèce, la cour cantonale a relevé qu’aucun contrat de travail n’avait été signé avec l’assuré et que les remplacements avaient été convenus oralement. L’assuré s’était inscrit sur une plateforme de bourse d’emploi permettant à tous les enseignants primaires et secondaires qui souhaitent effectuer des remplacements d’annoncer leurs disponibilités. L’État du Valais avait validé l’inscription de l’assuré pour effectuer des remplacements depuis le 22.08.2019. Toujours selon les juges cantonaux, il ne ressortait pas des pièces qu’une promesse d’heures de remplacements avait été faite. Ainsi, depuis lors, l’assuré pouvait être appelé à effectuer des remplacements en fonction de sa disponibilité. De fait, il avait été amené à pallier les absences de plusieurs professeurs, pour maladie et maternité notamment, pour des périodes plus ou moins longues et à des taux variables en fonction des absences des titulaires. Partant, l’horaire, voire le nombre d’heures de travail, avait été adapté ou modifié régulièrement en fonction des besoins de l’employeur. Dans son écriture, l’assuré s’était d’ailleurs lui-même référé aux règles applicables «lorsque des missions sont effectuées de manière irrégulière dans le cadre d’un seul et même contrat de travail (p. ex. pour le travail sur appel)»; il avait par ailleurs souligné que les enseignants-remplaçants «n’étaient appelés et engagés que pour des contrats de durée limitée en fonction des besoins d’établissement scolaires pour pallier l’absence d’enseignants à court terme» et que cela restait des emplois qui n’offraient «aucune sécurité». La cour cantonale en a déduit qu’il s’agissait clairement d’un cas de travail sur appel, à savoir de travail fourni par le travailleur selon les besoins de l’employeur sans garantie contractuelle d’un degré d’occupation minimum ou revenu minimum de l’employé.

La cour cantonale a ensuite examiné si les conditions permettant de retenir une perte d’emploi pour un travailleur sur appel étaient remplies. A cet effet, elle a déterminé la régularité des remplacements accomplis durant la période ayant précédé la demande de prestations de chômage sur la base des salaires versés. Pour les mois d’août 2020 à juin 2021, les juges cantonaux ont calculé un salaire moyen de 3’903 fr. 80. A l’aune des salaires perçus chaque mois, ils ont constaté que durant cette période, les fluctuations mensuelles avaient souvent dépassé la fourchette admissible de 20%. Dans ces conditions, la perte de travail et de gain subie par l’assuré ne pouvait pas être prise en considération et le droit aux indemnités de chômage ne lui était pas ouvert. A titre superfétatoire, l’instance cantonale a relevé que l’employeur n’avait nullement mis un terme à la possibilité de l’assuré d’accomplir des remplacements après juin 2021. De fait, il les avait repris après les vacances estivales dès la rentrée d’août 2021.

Les conditions du droit au chômage étant cumulatives, les juges cantonaux ont renoncé à examiner la condition de la durée de cotisation ayant fondé le refus de la caisse intimée. Ils ont ainsi rejeté le recours et confirmé la décision sur opposition.

 

Consid. 6.1
L’assuré reproche en premier lieu à l’instance cantonale d’avoir constaté les faits de façon inexacte. Il aurait en effet été engagé pour le congé maternité et allaitement d’une enseignante durant toute l’année scolaire 2020/2021. Il avait ainsi la garantie d’un revenu et d’un taux d’activité minimum de trois périodes hebdomadaires durant toute l’année scolaire. De plus, le 25.04.2022, l’État du Valais avait procédé à l’annualisation de son traitement selon l’art. 54 al. 5 de l’ordonnance cantonale du 20 juin 2012 concernant le traitement du personnel de la scolarité obligatoire et de l’enseignement secondaire du deuxième degré général et professionnel (OTSO; RS/VS 405.30). Cette disposition prévoit que si la durée du même remplacement en cours d’année scolaire est égale ou supérieure à 19 semaines effectives, le remplaçant reçoit le traitement prévu par la loi sur le traitement du personnel de la scolarité obligatoire et de l’enseignement secondaire du deuxième degré général et professionnel du 14 septembre 2011. Le calcul rectificatif se fait à la fin du remplacement. Selon l’assuré, ces éléments permettraient de démontrer qu’il était lié par contrat de durée déterminée d’une année scolaire et que son droit aux indemnités devrait être reconnu.

Consid. 6.2
Lorsqu’il est amené à qualifier ou interpréter un contrat, le juge doit tout d’abord s’efforcer de déterminer la commune et réelle intention des parties, sans s’arrêter aux expressions ou dénominations inexactes dont elles ont pu se servir, soit par erreur, soit pour déguiser la nature véritable de la convention (art. 18 al. 1 CO). S’il y parvient, le juge procède à une constatation de fait qui ne peut être contestée, en instance fédérale, que dans la mesure restreinte permise par l’art. 97 al. 1 LTF. Déterminer ce que les parties savent ou veulent au moment de conclure relève en effet de la constatation des faits (ATF 140 III 86 consid. 4.1). Au stade des déductions à opérer sur la base d’indices, lesquels relèvent eux aussi de la constatation des faits (ATF 139 II 316 consid. 8; 136 III 486 consid. 5; 128 III 390 consid. 4.3.3), le comportement que les cocontractants ont adopté dans l’exécution de leur accord peut éventuellement dénoter de quelle manière ils l’ont eux-mêmes compris, et révéler par là leur réelle et commune intention (ATF 143 III 157 consid. 1.2.2; 132 III 626 consid. 3.1; 129 III 675 consid. 2.3).

Consid. 6.3
L’argumentation de l’assuré devant le Tribunal fédéral apparaît en nette contradiction avec ses allégations devant l’instance cantonale, où il avait mis en avant l’irrégularité de ses activités et l’absence de sécurité de son poste. En toutes hypothèses, la feuille «gérer mes remplacements» à laquelle l’assuré se réfère pour démontrer avoir été engagé pour le congé maternité et allaitement d’une enseignante durant toute l’année scolaire 2020/2021 montre au contraire que ces remplacements ont été octroyés de façon successive. Par ailleurs, l’annualisation du traitement de l’assuré sur la base de l’art. 54 al. 5 OTSO est étrangère à la volonté des parties. Elle relève de la politique de rémunération publique et revêt un caractère automatique dès qu’un remplacement atteint ou dépasse 19 semaines en cours d’année scolaire. L’annualisation du traitement ne saurait ainsi modifier la volonté des parties et, ce faisant, la qualification du contrat. L’assuré échoue à démontrer que les juges cantonaux auraient constaté les faits de façon manifestement inexacte.

 

Consid. 8.1
Finalement, l’assuré considère qu’appliquer la marge de fluctuation de 20% à son cas pour déterminer s’il a subi une perte d’emploi à prendre en considération est insoutenable et viole son droit à l’égalité de traitement (art. 8 Cst.). Il soutient avoir assumé exactement les mêmes tâches et travaillé le même nombre d’heures qu’un enseignant engagé par écrit à l’année; ses heures de travail et son salaire étaient annualisés, toute comme pour un enseignant ordinaire. Or, contrairement à l’assuré, cet enseignant aurait touché les indemnités de chômage s’il les avait sollicitées au même moment. L’ensemble des circonstances indiqueraient que l’assuré était engagé au moyen d’un contrat de durée déterminée et non d’un contrat sur appel. Par ailleurs, les quatorze semaines de vacances impliqueraient obligatoirement un nombre d’heures d’enseignement mensuel effectif variable avec une fluctuation supérieure à 20%. L’instance précédente aurait ainsi violé son droit à l’égalité de traitement et l’interdiction de l’arbitraire (art. 8 et 9 Cst.).

Consid. 8.2
Ce faisant, l’assuré remet à nouveau en question la qualification de son contrat comme contrat de travail sur appel, davantage qu’il ne se plaint d’une violation de son droit à l’égalité de traitement ou de l’interdiction de l’arbitraire. Dans le contrat de travail sur appel proprement dit, l’horaire et la durée du temps de travail sont fixés unilatéralement par l’employeur en fonction de ses besoins et le travailleur doit se tenir à disposition de celui-ci (arrêts 8C_641/2022 du 3 février 2022 consid. 5.2; 8C_318/2014 du 21 mai 2015 consid. 5.1). Or, les éléments mis en avant par l’assuré, à savoir la nature des tâches, le nombre d’heures de travail – par opposition à l’horaire proprement dit ou à la durée de l’engagement – et le salaire perçu, ne permettent pas de remettre en question la qualification opérée par la cour cantonale, respectivement de distinguer un contrat de travail sur appel d’un contrat de durée déterminée.

L’assuré renvoie encore au ch. B112 du bulletin LACI IC. Ce paragraphe indique qu’un enseignant engagé jusqu’aux vacances scolaires pour un remplacement, et qui se retrouve ensuite au chômage, devra faire déduire de la perte de travail les jours de vacances acquis depuis les vacances scolaires précédentes. Si l’assuré en déduit à juste titre qu’un enseignant engagé pour un remplacement peut subir une perte de travail, cela ne modifie pas pour autant la qualification de ses propres rapports de travail.

Enfin, en tant que l’assuré effectue des remplacements sur appel, il se trouve dans une situation différente de celle d’un enseignant ordinaire. Il ne peut ainsi se prévaloir d’une inégalité de traitement en ce qui a trait à la condition de la perte de gain à prendre en considération. Comme l’a relevé la cour cantonale, il faut au demeurant relever que l’employeur n’a pas mis fin au travail sur appel dès lors que les remplacements ont repris à la rentrée d’août 2021. Il semble plutôt que celui-ci n’ait, par la force des choses, pas sollicité l’assuré pendant les vacances scolaires. Le fait que l’intéressé n’est pas appelé durant les périodes de vacances est inhérent à la nature de son contrat de travail sur appel et s’inscrit donc dans son temps de travail normal (cf. arrêt C 304/05 du 20 janvier 2006 consid. 2.3).

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 8C_445/2023 consultable ici

 

Enquête suisse sur la structure des salaires en 2022: premiers résultats

Enquête suisse sur la structure des salaires en 2022: premiers résultats

 

Communiqué de presse de l’OFS du 19.03.2024 consultable ici

 

Au niveau global de l’économie (secteurs privé et public ensemble), le salaire médian pour un poste à plein temps s’élevait en 2022 à 6788 francs bruts par mois. Bien que la pyramide générale des salaires soit restée relativement stable entre 2008 et 2022, il existe d’importantes différences selon les branches économiques et les profils des salariés. Un tiers des salariés (33,6%) a perçu des bonus et 12,1% ont touché un bas salaire. C’est ce qu’indiquent les premiers résultats de l’enquête suisse sur la structure des salaires 2022 réalisée par l’Office fédéral de la statistique (OFS).

 

Commentaires personnelles / Remarques

Les tableaux TA1_skill-level, T1_skill-level et T17 utilisés dans le domaine des assurances sociales, n’a pas encore été publié par l’OFS (probablement au courant de l’été 2024).

Cela étant, les tableaux de l’ESS 2022 publiés ce jour par l’OFS, en particulier le tableau T1_b (Salaire mensuel brut [valeur centrale] selon les divisions économiques, la position professionnelle et le sexe, Secteur privé et secteur public ensemble), font apparaître une augmentation des revenus par rapport à ceux de l’ESS 2020. Le salaire médian était de CHF 6’665 selon l’ESS 2020 et est de CHF 6’788 selon l’ESS 2022. Pour les travailleuses sans fonction de cadre, le revenu médian était de CHF 5’787 selon l’ESS 2020 et est de CHF 5’944 selon l’ESS 2022 ; pour les travailleurs sans fonction de cadre, le revenu médian était de CHF 6’214 selon l’ESS 2020 et est de CHF 6’305 selon l’ESS 2022.

La question est ainsi posée de savoir si les données de l’ESS 2022 du TA1_skill-level notamment seront plus élevées que celles de l’ESS 2020 avec, comme corollaire, un revenu d’invalide plus élevé et un taux d’invalidité plus bas.

 

 

Communiqué de presse de l’OFS du 19.03.2024 consultable ici