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9C_533/2022 (f) du 10.02.2023 – Demande par le tribunal cantonal d’une procuration actualisée en faveur de l’avocat – Pas de formalisme excessif / 29 al. 1 Cst.

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_533/2022 (f) du 10.02.2023

 

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Demande par le tribunal cantonal d’une procuration actualisée en faveur de l’avocat – Pas de formalisme excessif / 29 al. 1 Cst.

 

Le 25.08.2022, l’office AI n’est pas entré en matière sur la nouvelle demande de prestations de l’assurance-invalidité déposée par l’assurée le 26.09.2019.

 

Procédure cantonale

Le 26.09.2022, l’avocat, déclarant agir pour l’assuré, a formé un recours contre cette décision devant le Tribunal administratif.

Par ordonnance du 27.09.2022, le juge instructeur du Tribunal administratif a constaté que le recours était accompagné d’une procuration datée du 22.11.2010 et a invité l’assuré à lui faire parvenir une nouvelle procuration actualisée et se référant au litige jusqu’au 11.10.2022. Il a attiré l’attention de l’intéressée que le recours serait déclaré irrecevable, sans réponse dans le délai imparti ou en cas de réponse ne satisfaisant pas aux exigences de l’art. 15 al. 1 et 3 de la loi bernoise du 23 mai 1989 sur la procédure et la juridiction administratives (LPJA/BE; RSB 155.21).

Statuant le 14.10.2022, le juge unique du Tribunal administratif a déclaré le recours irrecevable, au motif que la procuration requise n’avait pas été produite jusqu’alors.

 

TF

Le litige porte sur le point de savoir si le Tribunal administratif pouvait déclarer le recours irrecevable au motif que l’avocat qui déclarait agir au nom de l’assurée n’avait pas produit de procuration écrite actualisée dans le délai imparti à cet effet par la cour cantonale.

Consid. 4
Invoquant une violation du principe de l’interdiction du formalisme excessif (art. 29 al. 1 Cst.), l’assurée fait valoir que son avocat la défendait « depuis des années » et que l’office AI avait adressé et notifié la décision de première instance à son avocat directement. Comme le Tribunal administratif n’avait pas exigé une nouvelle procuration ou une procuration « actuelle », mais seulement une « procuration actualisée », elle soutient que l’autorité précédente ne doutait pas que son avocat agissait pour son compte. L’absence de procuration « actualisée » ne pouvait dès lors pas entraîner l’irrecevabilité du recours. Qui plus est, l’avance des frais de procédure avait été versée en temps utile.

Consid. 5.1
Le formalisme excessif est un aspect particulier du déni de justice prohibé par l’art. 29 al. 1 Cst. Il est réalisé lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l’accès aux tribunaux (ATF 145 I 201 consid. 4.2.1 et les références). Selon la jurisprudence, commet un déni de justice formel et viole l’art. 29 al. 1 Cst. l’autorité qui n’entre pas en matière dans une cause qui lui est soumise dans les formes et délai prescrits, alors qu’elle devrait s’en saisir (ATF 142 II 154 consid. 4.2 et les références). Il peut en résulter une violation de la garantie de l’accès au juge ancrée à l’art. 29a Cst. Cette disposition donne en effet le droit d’accès à une autorité judiciaire exerçant un pouvoir d’examen complet sur les faits et le droit (arrêt 1C_515/2020 du 10 février 2021 consid. 2.1 et les références). Cette garantie ne s’oppose cependant pas aux conditions de recevabilité habituelles d’un recours ou d’une action (ATF 143 I 344 consid. 8.2 et les références). De manière générale, la seule application stricte des règles de forme n’est pas constitutive de formalisme excessif (arrêt 9C_354/2022 du 26 septembre 2022 consid. 3.1 et les références).

Consid. 5.2
De l’interdiction du formalisme excessif, la jurisprudence a déduit l’obligation pour l’autorité, en présence d’un mémoire signé d’un mandataire ne justifiant pas de ses pouvoirs, d’accorder un délai convenable pour réparer le vice; l’autorité ne saurait refuser d’emblée d’entrer en matière (ATF 104 Ia 403 consid. 4e; 94 I 523; 92 I 13 consid. 2; arrêts 2C_545/2021 du 10 août 2021 consid. 2.1; 1B_65/2021 du 12 mars 2021 consid. 3 et les références).

Le Tribunal fédéral considère en revanche qu’une autorité judiciaire ne tombe pas dans le formalisme excessif lorsqu’après avoir invité la partie recourante, par l’intermédiaire de son mandataire, à transmettre une procuration et l’avoir informée des conséquences du défaut de production sur l’issue de son recours, elle prononce une décision d’irrecevabilité (arrêts 2C_55/2014 du 6 juin 2014 consid. 5.3.1; 5A_812/2011 du 21 janvier 2013 consid. 3.2).

Consid. 5.3
En l’espèce, le juge instructeur du Tribunal administratif a avisé par écrit l’assurée le 27.09. 2022, par l’entremise de l’avocat qui avait formé recours à son nom, qu’il lui fallait déposer une procuration écrite actualisée d’ici au 11.10.2022, à défaut de quoi le recours serait déclaré irrecevable. Comme il le relève devant le Tribunal fédéral et à l’inverse de ce que soutient l’assurée, il pouvait requérir, s’il l’estimait nécessaire compte tenu de l’ancienneté de la procuration annexée au recours cantonal (datée du 22.11.2010), une telle procuration actualisée, sans pour autant que sa demande relève dans le cas présent du formalisme excessif (cf. arrêt 9C_793/2013 du 27 mars 2014 consid. 1.2 et les références). Le simple fait que l’avocat avait déjà produit un tel document devant cette autorité ne dispensait par ailleurs pas l’assurée de répondre à cette invitation expresse – conforme aux règles de la procédure cantonale (cf. art. 15 et 32 s. LPJA/BE) – dans le délai imparti (arrêt 1C_237/2019 du 17 mai 2019 consid. 2.2 et les références). Il n’appartient pas à la partie requise de ne pas obtempérer au motif que, de son point de vue, la requête serait trop formaliste parce que le pouvoir de représentation ne ferait pas de doute. Dans la mesure où l’assurée n’a pas donné suite à cette invitation, ni demandé une prolongation dudit délai, il y a lieu de considérer, sur le vu de la jurisprudence (consid. 5.2), que l’instance précédente n’a pas fait preuve de formalisme excessif en déclarant le recours irrecevable.

Quoi qu’en pense l’assurée, le fait qu’elle a payé à temps l’avance de frais ne permet enfin pas une autre appréciation. L’autorité précédente a en effet expressément exigé, par ordonnance du 27.09.2022, une procuration actualisée. Elle a ainsi clairement indiqué qu’elle n’accepterait pas d’autorisation de représentation implicite (à ce sujet, voir arrêt 5A_561/2016 du 22 septembre 2016 consid. 2). L’appréciation de l’autorité précédente ne prête par conséquent pas le flanc à la critique.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 9C_533/2022 consultable ici

 

9C_239/2022 (f) du 14.09.2022 – Notification de la décision uniquement à l’assuré dûment représenté par un avocat / Notification irrégulière – 49 al. 3 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_239/2022 (f) du 14.09.2022

 

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Notification de la décision uniquement à l’assuré dûment représenté par un avocat

Protection des parties garantie lorsque la notification irrégulière atteint son but malgré cette irrégularité / 49 al. 3 LPGA

 

Assuré, né en 1964, a déposé une nouvelle demande de prestations de l’assurance-invalidité le 23.12.2019. Le 28.06.2021, il a annoncé à l’office AI qu’il était représenté par un avocat, mandataire auprès de qui il a élu domicile. Par décision du 14.01.2022, adressée directement à l’assuré, l’office AI a nié le droit de l’intéressé à une rente de l’assurance-invalidité.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 22.03.2022, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3
En instance fédérale, compte tenu des motifs et des conclusions du recours, il s’agit de savoir si la notification irrégulière de la décision du 14.01.2022 a entraîné un préjudice pour l’intéressé, ce qui devrait selon lui conduire à l’annulation du prononcé litigieux.

Consid. 4.1
La juridiction cantonale a constaté que l’office AI avait à tort notifié la décision du 14.01.2022 directement à l’assuré, alors qu’il avait valablement élu domicile en l’étude de son conseil. La notification irrégulière n’avait cependant pas empêché l’avocat de l’assuré de déposer un recours le 09.02.2022, soit environ une semaine avant l’échéance du délai de recours. Une copie de la décision du 14.01.2022 avait par ailleurs été annexée au recours cantonal. Aussi, comme l’assuré, par son avocat, s’était limité à invoquer un vice de forme, sans exposer de motifs contre le rejet de sa demande de prestations de l’assurance-invalidité, il n’y avait pas lieu d’examiner d’autres questions. En l’absence de toute argumentation sur le fond, le recours devait être rejeté et la décision du 14.01.2022 confirmée.

Consid. 4.2
Invoquant une violation des art. 37 et 49 al. 3 LPGA, en lien avec son droit d’être entendu et une appréciation arbitraire des preuves, l’assuré reproche à la juridiction cantonale d’avoir retenu que la notification de la décision du 14.01.2022 avait atteint son but malgré la notification irrégulière. Il soutient qu’il n’avait pas à subir le « raccourcissement » du délai de recours ensuite de la notification irrégulière.

Consid. 5.1
L’art. 49 al. 3 LPGA, à teneur duquel la notification irrégulière d’une décision ne doit entraîner aucun préjudice pour l’intéressé, consacre un principe général du droit qui concrétise la protection constitutionnelle de la bonne foi et les garanties conférées par l’art. 29 al. 1 et 2 Cst. (cf. ATF 145 IV 259 consid. 1.4.4; 144 II 401 consid. 3.1 et les références).

Cependant, la jurisprudence n’attache pas nécessairement la nullité à l’existence de vices dans la notification: la protection des parties est suffisamment garantie lorsque la notification irrégulière atteint son but malgré cette irrégularité (arrêts 2C_1010/2020 du 26 février 2021 consid. 4.3; 8C_130/2014 du 22 janvier 2015 consid. 2.3.2 publié in SJ 2015 I 293). Il y a lieu d’examiner, d’après les circonstances du cas concret, si la partie intéressée a réellement été induite en erreur par l’irrégularité de la notification et a, de ce fait, subi un préjudice. Il convient à cet égard de s’en tenir aux règles de la bonne foi qui imposent une limite à l’invocation du vice de forme (ATF 122 I 97 consid. 3a/aa; arrêt 9C_863/2013 du 9 mai 2014 consid. 3.2). En vertu de ce principe, l’intéressé est tenu de se renseigner sur l’existence et le contenu de la décision dès qu’il peut en soupçonner l’existence, sous peine de se voir opposer l’irrecevabilité d’un éventuel moyen pour cause de tardiveté (ATF 139 IV 228 consid. 1.3 et les références).

Dans l’hypothèse particulière où la partie représentée par un avocat reçoit seule l’acte, il lui appartient de se renseigner auprès de son mandataire de la suite donnée à son affaire, au plus tard le dernier jour du délai de recours depuis la notification (irrégulière) de la décision litigieuse; le délai de recours lui-même court dès cette date (arrêts 9C_266/2020 du 24 novembre 2020 consid. 2.3; 2C_1021/2018 du 26 juillet 2019 consid. 4.2 et les références).

Consid. 5.2
En l’espèce, l’ancien mandataire de l’assuré a pu prendre connaissance de la décision du 14.01.2022 et interjeter un recours contre celle-ci, moyen que l’autorité cantonale a jugé recevable quant au délai à respecter. Il est donc manifeste que la protection juridique recherchée par les règles sur la notification d’une décision et le contenu de celle-ci a été atteinte malgré les vices dénoncés. Quoi qu’il en dise – en invoquant le dommage subi en raison du refus de prestations de l’assurance-invalidité -, l’assuré ne subit pas de préjudice en raison de l’irrégularité de la notification en question. Au demeurant, on peut attendre d’un avocat qu’il connaisse la jurisprudence selon laquelle le délai de recours court dès la connaissance par le mandataire de la décision irrégulièrement notifiée à la partie directement (ce qui peut conduire cas échéant à déposer valablement un recours plus de 30 jours après la notification irrégulière). Les arrêts auxquels l’assuré fait référence le rappellent du reste expressément (ATF 99 V 177 consid. 3; arrêt 9C_529/2013 du 2 décembre 2013 consid. 4; arrêt de la Cour de droit public du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel du 14 mai 2019 consid. 1, RJN 2019 p. 662). Enfin, l’assuré ne prétend pas, du moins pas d’une manière conforme aux exigences de motivation (art. 42 al. 2 LTF), qu’il était formaliste à l’excès de retenir qu’il avait choisi de limiter ses griefs en instance cantonale au seul vice de notification. La juridiction cantonale n’a ainsi, pas violé le droit d’être entendu de l’assuré en traitant le seul point invoqué.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 9C_239/2022 consultable ici

 

8C_660/2021 (f) du 28.06.2022 – Délai pour motiver l’opposition – 52 LPGA – 10 OPGA / Art. 10 al. 1 OPGA conforme à la Constitution fédérale – Pas d’inconstitutionnalité

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_660/2021 (f) du 28.06.2022

 

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Délai pour motiver l’opposition / 52 LPGA – 10 OPGA

Art. 10 al. 1 OPGA conforme à la Constitution fédérale – Pas d’inconstitutionnalité

 

Assuré, victime le 21.01.2018 de malaises, qui ont provoqué des chutes ayant elles-mêmes entrainé diverses lésions (traumatisme crânien simple, traumatisme du coccyx, plaie au coude). Le 22.08.2019, l’assurance-accidents a rendu une décision par laquelle elle a mis fin aux prestations d’assurance au 21.04.2018, tout en renonçant à réclamer le remboursement des prestations versées ultérieurement.

Le 20.09.2019, agissant par le biais de C.__ SA (protection juridique), l’assuré a formé opposition contre la décision du 22.08.2019. Il contestait le point de vue du médecin-conseil, en tant qu’il fixait le statu quo sine au plus tard trois mois après l’événement, et requérait l’octroi d’un délai complémentaire pour lui permettre de déposer des rapports médicaux de ses médecins traitants. Plusieurs délais successifs lui ont été accordés par l’assurance-accidents. Le 03.12.2019, celle-ci lui a accordé une « dernière et ultime prolongation de délai de 30 jours à compter du 22.11.2019 », soulignant qu’aucune autre demande de prolongation supplémentaire ne serait acceptée. L’assuré, toujours par le biais de sa protection juridique, a donné suite à ce courrier en priant la CNA de prendre en considération un rapport d’IRM du genou droit du 02.02.2018, qu’il a joint à son écriture du 19.12.2019, pour le cas où ce document n’était pas encore en la possession de l’assureur.

Par courriel du 08.09.2020, l’assuré a demandé à l’assurance-accidents de rendre une décision formelle avec indication des motifs détaillés en lien avec ses différents accidents, un second accident étant survenu le 22.02.2019. Lors d’un entretien téléphonique du 24.09.2020, l’assurance-accidents a expliqué à la collaboratrice de la protection juridique qu’elle avait clos le dossier dès lors qu’elle n’avait rien reçu malgré les prolongations de délai accordées et que le rapport radiologique de 2018 figurait déjà au dossier. Par avis du 29.09.2020, elle a imparti à l’assuré un ultime délai au 13.10.2020 « pour motiver l’opposition du 20.09.2019, faute de quoi elle rendrait une décision de non-entrée en matière ».

Le 13.10.2020, la protection juridique a contacté la CNA. La note d’entretien téléphonique expose ce qui suit: « tél. de la protection juridique qui m’informe que Me D.__ est absente et a reçu un appel de Mr A.__ au sujet de son dossier. Il me dit que depuis le début de l’année, il est embêté à cause du COVID-19 et demande si nous pouvons prolonger le délai jusqu’à fin octobre ou novembre. Je lui dis que la décision date du mois d’août 2019 et que l’année passée, le COVID-19 n’était pas encore arrivé. Je lui explique que cela fait plus d’un an et que nous n’allons pas prolonger le délai et l’informe que j’ai envoyé le dossier au secteur juridique pour qu’ils fassent le nécessaire de leur côté. Il comprend tout à fait et imagine faire opposition dans les 30 jours à notre décision sur opposition en espérant avoir reçu les documents médicaux nécessaires ».

Par décision du 19.10.2020, l’assurance-accidents a déclaré l’opposition irrecevable au motif qu’elle n’était pas motivée et que l’assuré n’avait pas remédié au vice constaté dans le délai imparti.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 112/20 – 96/2021 – consultable ici)

Par jugement du 23.08.2021, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3.1
Selon l’art. 52 al. 1 LPGA, les décisions peuvent être attaquées dans les trente jours par voie d’opposition auprès de l’assureur qui les a rendues, à l’exception des décisions d’ordonnancement de la procédure. Se fondant sur la délégation de compétence prévue à l’art. 81 LPGA, le Conseil fédéral a édicté les art. 10 à 12 OPGA relatifs à la forme et au contenu de l’opposition ainsi qu’à la procédure d’opposition. L’art. 10 al. 1 OPGA prévoit que l’opposition doit contenir des conclusions et être motivée. L’opposition écrite doit être signée par l’opposant ou par son représentant légal; en cas d’opposition orale, l’assureur consigne l’opposition dans un procès-verbal signé par l’opposant ou son représentant légal (art. 10 al. 4 OPGA). Si l’opposition ne satisfait pas aux exigences de l’al. 1 ou si elle n’est pas signée, l’assureur impartit un délai convenable pour réparer le vice, avec l’avertissement qu’à défaut, l’opposition ne sera pas recevable (art. 10 al. 5 OPGA). Lorsque les conditions de recevabilité ne sont pas remplies, la procédure d’opposition prend fin avec une décision d’irrecevabilité (ATF 142 V 152 consid. 2.2 et les références).

Consid. 3.2
Selon la jurisprudence relative à l’art. 61 let. b, 2e phrase, LPGA – qui concerne la procédure judiciaire de première instance -, un délai permettant à l’intéressé de rectifier son mémoire de recours doit être fixé non seulement si les conclusions ou les motifs manquent de clarté, mais, d’une manière générale, dans tous les cas où le recours ne répond pas aux exigences légales. Il s’agit là d’une prescription formelle, qui oblige le juge de première instance – excepté dans les cas d’abus de droit manifeste – à fixer un délai pour corriger les imperfections du mémoire de recours. Compte tenu de l’identité grammaticale entre l’art. 61 let. b, 2e phrase, LPGA et l’art. 10 al. 5 OPGA, ces principes s’appliquent également à la procédure d’opposition (ATF 142 V 152 consid. 2.3 et les références).

Consid. 3.3
Dans l’arrêt 9C_191/2016 du 18 mai 2016, le Tribunal fédéral a rappelé que les art. 61 let. b LPGA et 10 al. 5 OPGA, qui prévoient l’octroi d’un délai supplémentaire pour régulariser un acte de recours respectivement une opposition, visent avant tout à protéger l’assuré sans connaissances juridiques qui, dans l’ignorance des exigences formelles de recevabilité, dépose une écriture dont la motivation est inexistante ou insuffisante peu avant l’échéance du délai de recours ou de l’opposition, pour autant qu’il en ressorte clairement que son auteur entend obtenir la modification ou l’annulation d’une décision le concernant et sous réserve de situations relevant de l’abus de droit (cf. ATF 134 V 162). Le Tribunal fédéral a ensuite souligné que l’existence d’un éventuel abus de droit peut être admise plus facilement lorsque l’assuré est représenté par un mandataire professionnel, dès lors que celui-ci est censé connaître les exigences formelles d’un acte de recours ou d’une opposition et qu’il lui est également connu qu’un délai légal n’est pas prolongeable. Aussi a-t-il jugé qu’en cas de représentation, l’octroi d’un délai supplémentaire en application des dispositions précitées s’impose uniquement dans la situation où l’avocat ou le mandataire professionnellement qualifié ne dispose plus de suffisamment de temps à l’intérieur du délai légal non prolongeable de recours, respectivement d’opposition, pour motiver ou compléter la motivation insuffisante de l’écriture initiale. Il s’agit typiquement de la situation dans laquelle un assuré, qui n’est pas en possession du dossier le concernant, mandate tardivement un avocat ou un autre mandataire professionnellement qualifié et qu’il n’est pas possible à ce dernier, en fonction de la nature de la cause, de prendre connaissance du dossier et de déposer un recours ou une opposition motivés à temps. Il n’y a alors pas de comportement abusif de la part du mandataire professionnel s’il requiert immédiatement la consultation du dossier et motive ultérieurement l’écriture initiale qu’il a déposée dans le délai légal pour sauvegarder les droits de son mandant. En dehors du cas de figure décrit, le Tribunal fédéral a retenu a contrario que les conditions de l’octroi d’un délai supplémentaire en vertu des art. 61 let. b LPGA et 10 al. 5 OPGA ne sont pas données et qu’il n’y a pas lieu de protéger la confiance que le mandataire professionnel a placée dans le fait qu’un tel délai lui a été accordé (à tort).

 

Consid. 4.1
La juridiction cantonale a constaté que dans son acte d’opposition du 20.09.2019, l’assuré, par sa mandataire, s’était limité à contester que son état de santé, tel qu’il aurait été sans l’accident, pouvait être considéré comme atteint le 20.04.2018. Il n’avait en rien motivé cette allégation, ni contesté la valeur probante des rapports médicaux au dossier. Dans le cadre des nombreuses prolongations de délai accordées pour compléter son acte d’opposition, il avait certes produit le rapport d’IRM du 02.02.2018, qui figurait déjà au dossier, mais n’en avait tiré aucune argumentation. En outre, entre la décision du 22.08.2019 et le 13.10.2020, date de l’échéance de l’ultime prolongation, l’assuré avait eu largement le temps de compléter sa motivation, même en période de pandémie.

 

Consid. 4.3.2
Il ressort tant du texte de l’art. 10 al. 1 OPGA que de la jurisprudence y relative que l’opposition doit être motivée, quand bien même les exigences à cet égard ne sont pas élevées. Certes, l’assuré cite un passage de jurisprudence selon lequel il suffit que la volonté du destinataire d’une décision de ne pas accepter celle-ci ressorte clairement de son écriture ou de ses déclarations (arrêt 8C_404/2008 du 26 janvier 2009 consid. 3.3. et la référence à l’ATF 115 V 422 consid. 3a). La cause 8C_404/2008 portait toutefois sur la question de la volonté de s’opposer à la décision litigieuse, et non sur l’étendue de la motivation. Il en va de même de l’affaire à la base de l’ATF 115 V 422, qui ne traite pas concrètement des exigences de motivation de l’opposition, lesquelles ont néanmoins été précisées dans plusieurs arrêts publiés. Ainsi, le Tribunal fédéral a jugé que l’opposition doit être motivée, faute de quoi elle manque son but, lequel est d’obliger l’assureur à revoir sa décision de plus près (ATF 118 V 186 consid. 2b); il doit en tout cas être possible de déduire des moyens de l’opposant une argumentation dirigée contre le dispositif de la décision et susceptible de mener à sa réforme ou à son annulation (ATF 123 V 128 consid. 3a). Ainsi, la volonté clairement manifestée de s’opposer ne saurait constituer en soi une motivation suffisante.

En l’espèce, il n’est pas contesté que, dans son courrier du 20.09.2019, l’assuré a clairement manifesté sa volonté de s’opposer à la décision de l’assurance-accidents du 22.08.2019, qu’il a contesté le statu quo sine déterminé par le médecin-conseil et qu’il a conclu à la reprise du versement des prestations légales. Selon les constatations de la juridiction précédente, l’assuré n’a toutefois nullement motivé ses conclusions, et quand il a produit le rapport d’IRM du 02.02.2018, il n’a fait aucun commentaire sur le fond. Contrairement à ce qu’il soutient, on ne saurait déduire de la production de ce rapport – figurant déjà au dossier – qu’il contestait, même implicitement, l’absence de lésion structurelle, d’autant moins que, dans son courrier du 20.09.2019, il évoquait uniquement la question du statu quo sine. A ce dernier propos, on ne parvient pas non plus à déduire du rapport d’IRM une argumentation à l’encontre de l’appréciation du médecin-conseil, et l’assuré n’est pas fondé à expliquer, à ce stade de la procédure, en quoi le rapport d’IRM permettrait de mettre en doute l’avis de ce médecin. En tout état de cause, postérieurement à la production du rapport d’IRM, l’assuré a encore bénéficié d’un délai pour compléter sa motivation, ce qu’il n’a pas fait alors même qu’il agissait par le biais d’un mandataire professionnel.

 

Consid. 5.1
L’assuré soutient que l’exigence de motivation prévue à l’art. 10 al. 1 OPGA restreindrait le droit fondamental de toute personne à ce que sa cause soit jugée par une autorité judiciaire (art. 29a Cst.). Une telle restriction devrait se fonder sur une base légale formelle, et la délégation de compétence prévue à l’art. 81 LPGA ne contiendrait aucun principe permettant des restrictions quant au contenu et à la forme d’une opposition. Selon l’assuré, le législateur aurait renoncé volontairement à prévoir une obligation de motivation, s’agissant de la procédure d’opposition de l’art. 52 LPGA. Au cas contraire, il l’aurait précisé dans une loi au sens formel, comme il l’a fait pour les recours en procédure judiciaire. L’assuré en conclut que l’exigence de motivation de l’art. 10 al. 1 OPGA viole le principe de la séparation des pouvoirs, le principe de la légalité, la garantie de l’accès au juge et les conditions de restriction des droits de l’art. 36 Cst.

Consid. 5.2
Contrairement à ce que semble soutenir l’assuré, toute restriction d’un droit fondamental ne doit pas être fondée sur une loi au sens formel. En effet, aux termes de l’art. 36 al. 1 Cst., les restrictions doivent être fondées sur une base légale et les restrictions graves doivent être prévues par une loi, tandis que les restrictions légères peuvent être fondées sur une loi au sens matériel (ATF 147 IV 145 consid. 2.4.1; 144 I 126 consid. 5.1; 143 I 194 consid. 3.2). En l’espèce, comme on l’a vu, les exigences de motivation d’une opposition ne sont pas élevées et en l’absence de motivation suffisante, l’assureur doit encore octroyer un délai convenable pour y remédier (art. 10 al. 5 OPGA). Dans ces conditions, l’exigence de motivation de l’art. 10 al. 1 OPGA ne saurait être considérée comme une restriction grave à la garantie de l’accès au juge au sens de l’art. 29a Cst. Une base légale formelle n’apparaissait dès lors pas nécessaire à cet égard.

Quant au principe de la séparation des pouvoirs, il interdit à un organe de l’État d’empiéter sur les compétences d’un autre organe; en particulier, il défend au pouvoir exécutif d’édicter des règles de droit, si ce n’est dans le cadre d’une délégation valablement conférée par le législateur (ATF 142 I 26 consid. 3.3; 141 V 688 consid. 4.2.1; 134 I 322 consid. 2.2) ou d’une compétence fondée directement sur la Constitution (ATF 139 II 460 consid. 2.1). Les règlements d’exécution doivent se limiter à préciser certaines dispositions légales au moyen de normes secondaires, à en combler le cas échéant les véritables lacunes et à fixer si nécessaire des points de procédure (ATF 139 II 460 consid. 2.2; 130 I 140 consid. 5.1). En l’occurrence, la délégation de compétence se fonde sur l’art. 81 LPGA, qui charge le Conseil fédéral de l’exécution de la LPGA et d’édicter les dispositions nécessaires. En précisant que l’opposition doit contenir des conclusions et être motivée, la disposition se limite à fixer des modalités de la procédure d’opposition; elle ne modifie, ni ne va à l’encontre de la LPGA, en particulier de l’art. 52 LPGA, qui contient les principes de la réglementation. La délégation de compétence n’apparaît pas contraire au droit.

Les griefs tirés de la prétendue inconstitutionnalité de l’art. 10 al. 1 OPGA se révèlent ainsi mal fondés.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_660/2021 consultable ici

 

8C_724/2021 (f) du 08.06.2022 – Causalité naturelle – Statu quo sine vel ante – 6 LAA / Les juges cantonaux ne peuvent pas départager des appréciations médicales divergentes en se basant sur des sites internet (sans en vérifier l’exactitude) ni s’ériger en spécialistes médicaux

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_724/2021 (f) du 08.06.2022

 

Consultable ici

 

Causalité naturelle – Statu quo sine vel ante / 6 LAA

Les juges cantonaux ne peuvent pas départager des appréciations médicales divergentes en se basant sur des sites internet (sans en vérifier l’exactitude) ni s’ériger en spécialistes médicaux

 

Assuré, né en 1988, Senior Trader depuis le 01.06.2018 a été victime, le 13.08.2019, d’un accident en se tordant le genou gauche lors d’un cours de jiu-jitsu. L’IRM du 19.08.2019 a révélé pour l’essentiel une fissuration profonde et irrégulière du cartilage de la facette rotulienne interne ainsi qu’une fissure profonde et focale du cartilage de la crête de la rotule, au genou gauche, tandis que le genou droit n’a montré qu’une érosion superficielle du cartilage de la facette rotulienne interne. Le 16.10.2019, l’assurance-accidents a provisoirement refusé de garantir la prise en charge des coûts d’une hospitalisation (arthroscopie du genou). Le docteur C.__, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie, a attesté d’un trauma en valgus au genou gauche, nécessitant une réparation par arthroscopie qui aurait dû être effectuée le 29.10.2019.

Le 17.10.2019, l’assuré a informé l’assurance-accidents qu’il avait requis un second avis médical du docteur D.__, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur. Ce dernier a diagnostiqué une entorse du ligament collatéral médial (LCM = ligament latéral interne [LLI]) au genou gauche, nécessitant un traitement conservateur et a adressé l’assuré au docteur E.__, spécialiste en médecine physique et réadaptation. Ce praticien a attesté d’une fracture chondrale de la rotule gauche, nécessitant de la physiothérapie.

Le médecin-conseil de l’assurance, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur, a retenu dans son rapport du 21.10.2019 un diagnostic d’entorse du LLI à gauche en voie de guérison ainsi qu’un état antérieur, soit une chondropathie fémoro-patellaire des deux côtés; l’accident avait entraîné une aggravation passagère et le statu quo sine vel ante était atteint selon le rapport médical du docteur D.__. Le 25.08.2020, le médecin-conseil a répété son avis, retenant que la seule lésion traumatique était une entorse mineure sans déchirure significative du LCM, que, contrairement à l’avis du docteur E.__, il n’y avait jamais eu de fracture chondrale patellaire gauche mais un état antérieur d’arthrose relativement marquée fémoro-patellaire à gauche (et débutante à droite) et que le statu quo sine avait été atteint au plus tard au 20.01.2020 (date du rapport du docteur E.__).

Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a mis fin aux prestations avec effet au 20.01.2020, sans réclamer la restitution des prestations réglées à tort.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/1003/2021 – consultable ici)

Par jugement du 27.09.2021, admission du recours du recours par le tribunal cantonal, réformant la décision sur opposition en ce sens que l’assurance-accidents devait prendre en charge les suites de l’accident du 13.08.2019, dans le sens des considérants

 

TF

Consid. 3.2
Le juge ne peut pas écarter un rapport médical au seul motif qu’il est établi par le médecin interne d’un assureur social, respectivement par le médecin traitant (ou l’expert privé) de la personne assurée, sans examiner autrement sa valeur probante. Lorsqu’une décision administrative s’appuie exclusivement sur l’appréciation d’un médecin interne à l’assureur social et que l’avis d’un médecin traitant ou d’un expert privé auquel on peut également attribuer un caractère probant laisse subsister des doutes même minimes quant à la fiabilité et à la pertinence de cette appréciation, la cause ne saurait être tranchée en se fondant sur l’un ou sur l’autre de ces avis et il y a lieu de mettre en œuvre une expertise par un médecin indépendant selon la procédure de l’art. 44 LPGA ou une expertise judiciaire (ATF 139 V 225 consid. 5.2; 135 V 465 consid. 4.7).

Consid. 4.1
L’IRM du 19.08.2019 a objectivé une fissuration profonde et irrégulière du cartilage de la facette rotulienne interne, s’étendant jusqu’à l’os sous-chondral et décollant le cartilage sur toute son épaisseur sur une zone de 7.5 mm ainsi qu’une fissure profonde et focale du cartilage de la crête de la rotule s’étendant quasiment jusqu’à l’os sous-chondral.

Consid. 4.1.1
La cour cantonale a constaté que ces fissures avaient été qualifiées de lésion cartilagineuse par le docteur D.__, de fracture chondrale par le docteur E.__ et de lésion focale du cartilage ou de fracture chondrale par le docteur C.__. En se référant à des sites internet (www.larousse.fr et www.orthopedie-pediatrique.be), elle a considéré que la fracture était définie comme la rupture d’un os ou d’un cartilage dur ou une solution de la continuité des os ou des cartilages, de sorte que la notion de fracture retenue par les docteurs E.__ et C.__ correspondait à la description des lésions objectivées à l’IRM du 19.08.2019.

Consid. 4.1.2
Dans ce contexte, l’assurance-accidents rappelle qu’il n’appartient pas au juge de remettre en cause le diagnostic retenu par un médecin et de poser de son propre chef des conclusions qui relèvent de la science et des tâches du corps médical (arrêt 9C_719/2016 du 1er mai 2017 consid. 5.2.1; cf. arrêt 8C_549/2021 du 7 janvier 2022 consid. 7.1). C’est donc à juste titre qu’elle reproche aux juges cantonaux de ne pas s’être basés sur l’avis d’un expert, mais sur des sites internet (sans en vérifier l’exactitude) pour départager les appréciations médicales divergentes et de s’être ainsi érigés en spécialistes médicaux. Il ne s’agit ainsi pas d’un élément propre à mettre en doute la valeur probante des avis du médecin-conseil.

 

Consid. 4.3
Vu les avis contradictoires et impossibles à départager sans connaissances médicales spécialisées concernant l’origine traumatique ou dégénérative de la lésion cartilagineuse au genou gauche, force est de constater que l’instruction de la cause ne permet pas de statuer sur le droit de l’assuré à des prestations d’assurance au-delà du 20.01.2020. Dans ces circonstances, il se justifie de renvoyer la cause aux premiers juges, en admission partielle du recours, pour qu’ils ordonnent une expertise médicale.

 

Le TF admet partiellement le recours de l’assurance-accidents, annulant le jugement cantonal et renvoyant la cause au tribunal cantonal pour nouvelle décision.

 

 

Arrêt 8C_724/2021 consultable ici

 

4A_247/2022 (d) du 25.07.2022 – Avance des frais – Une décision judiciaire n’est pas un ouvrage / 372 CO – 62 LTF

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_247/2022 (d) du 25.07.2022

 

Consultable ici

NB: traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi

 

Avance des frais – Une décision judiciaire n’est pas un ouvrage / 372 CO – 62 LTF

 

Le recourant a déposé un recours auprès du Tribunal fédéral contre la décision du Obergerichts du canton de Zoug et a demandé que Madame la juge fédérale Kiss se récuse et que les « débats » aient lieu au moins en formation tripartite.

Le recourant motive sa demande de récusation par le fait que Madame la juge fédérale Kiss semble être partiale et qu’elle a déjà rendu à quatre reprises une décision de non-entrée en matière à son encontre et qu’elle ne semble en principe pas entrer en matière sur les recours de justiciables non assistés d’un avocat. Le recourant ne fait ainsi manifestement pas valoir de motifs de récusation valables à l’encontre de Madame la juge fédérale Kiss, raison pour laquelle il n’y a pas lieu d’entrer en matière sur la demande de récusation.

Par ordonnance du 01.06.2022, le recourant a été invité à verser, au plus tard le 17.06.2022, une avance de frais de 500 francs pour la procédure au Tribunal fédéral. Le prénommé a formé un recours contre cette décision, selon lui nulle, par requête du 07.06.2022 adressée à la présidente du Tribunal fédéral, en méconnaissant le fait qu’aucun recours n’est ouvert contre les décisions du Tribunal fédéral. Il a simultanément demandé la récusation de la présidente de la première Cour de droit civil, Madame la juge fédérale Hohl, et exigé que le recours soit transmis à une autre Cour du Tribunal fédéral pour y être jugé. Cette demande de récusation, formulée contre la présidente et contre tous les membres de cette Cour en raison de la prétendue notification injustifiée de la décision d’avance de frais, est manifestement irrecevable et abusive et il n’y a pas lieu d’entrer en matière.

L’avance de frais n’ayant pas été reçue dans le délai imparti, le recourant s’est vu fixer un délai supplémentaire non prolongeable pour le versement de l’avance, soit jusqu’au 11.07.2022, en précisant qu’en cas de retard, le Tribunal fédéral n’entrerait pas en matière sur le recours.

Par une autre demande du 11.07.2022, le recourant a également formé un recours, a priori irrecevable, contre cette décision, adressé à la présidente du Tribunal fédéral. Selon le recourant, les décisions du Tribunal fédéral fixant un délai ou un délai supplémentaire pour le versement d’une avance de frais sont nulles, car contraires à la disposition de l’art. 372 CO, antérieure à l’art. 62 LTF, qui ne permet pas d’exiger une avance. Cette argumentation est manifestement erronée, puisque l’art. 372 CO ne s’applique pas à la question de savoir si une avance sur frais judiciaires peut être exigée dans les procédures et, le cas échéant, à quel montant ; il convient de répondre à cette question exclusivement selon les lois de procédure spécifiquement applicables aux procédures judiciaires concernées.

Le recourant n’ayant pas versé l’avance de frais dans le délai imparti, il n’y a pas lieu d’entrer en matière sur le recours sur la base de l’art. 62 al. 3 LTF (art. 108 al. 1 let. a LTF).

 

 

Remarques

Il s’agit d’une argumentation originale du recourant : si la décision judiciaire est un ouvrage, il ne doit payer le prix de l’ouvrage, selon l’art. 372 CO, qu’au moment de la livraison et les avances de frais judiciaires sont interdites.

 

 

Arrêt 4A_247/2022 consultable ici

 

Proposition de citation : 4A_247/2022 (d) du 25.07.2022 – Une décision judiciaire n’est pas un ouvrage, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2022/11/4a_247-2022)

 

9C_510/2021 (f) du 13.05.2022 – Remboursement des frais et dépens de l’assuré ayant obtenu gain de cause – 61 let. g LPGA / Interdiction de l’arbitraire en matière d’indemnité de dépens

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_510/2021 (f) du 13.05.2022

 

Consultable ici

 

Remboursement des frais et dépens de l’assuré ayant obtenu gain de cause / 61 let. g LPGA

Interdiction de l’arbitraire en matière d’indemnité de dépens

 

A l’issue d’une procédure de révision, l’Office cantonal AI du Valais (ci-après: l’office AI) a remplacé la rente entière d’invalidité que l’Office de l’assurance-invalidité du canton de Genève avait initialement allouée à l’assurée depuis novembre 2002 par un quart de rente à compter de février 2018 (décision du 05.12.2017).

 

Procédure cantonale

La cour cantonale a dans un premier temps confirmé la décision de l’office AI. Son jugement a toutefois été annulé par le Tribunal fédéral qui lui a renvoyé la cause pour nouvelle décision dans le sens des considérants (arrêt 9C_48/2020 du 27.08.2020).

L’autorité judiciaire a dans un second temps annulé la décision du 05.12.2017, en fonction des conclusions d’un rapport d’expertise judiciaire. Elle a constaté que l’assurée avait toujours droit à une rente entière après le 31.01.2018. Elle a en outre condamné l’office AI à payer à l’intéressée une indemnité de dépens de 2600 fr. Les juges cantonaux ont constaté que, dans la première partie de la procédure (considérée comme étant de difficulté moyenne et reposant sur un dossier peu volumineux), l’avocat de l’assurée avait déposé un mémoire de recours de 15 pages ainsi qu’une brève réplique de 1,5 pages et que, dans la deuxième partie de la procédure, il avait déposé deux déterminations de 2,5 pages (concernant le choix des experts) et de 1,5 pages (relatives aux conclusions du rapport d’expertise) et avait transmis deux notes d’honoraires, pour un montant total de 6054 fr.55. Ils ont considéré que ces opérations justifiaient l’octroi d’une indemnité de dépens de 2600 fr. (TVA et débours compris), correspondant à une dizaine d’heures de travail à un tarif horaire moyen de 250 fr. et 100 fr. de débours (jugement du 24.08.2021).

 

TF

Consid. 3.1
L’assurée – qui a obtenu gain de cause dans la procédure cantonale – a droit au remboursement de ses frais et de ses dépens dans la mesure fixée par le tribunal cantonal en fonction de l’importance et de la complexité de la cause (cf. art. 61 let. g LPGA). Si ce principe relève du droit fédéral, l’évaluation du montant des dépens ressortit en revanche au droit cantonal (cf. art. 27 et 40 de la loi cantonale valaisanne du 11 février 2009 fixant le tarif des frais et dépens devant les autorités judiciaires et administratives [LTar; RS/VS 173.8]) qui échappe en principe à la compétence du Tribunal fédéral. Il n’est effectivement pas possible d’invoquer une violation du droit cantonal, en soi, devant le Tribunal fédéral sauf exceptions non pertinentes en l’espèce (cf. art. 95 let. c, d et e LTF). En revanche, il est toujours possible de faire valoir qu’une mauvaise application du droit cantonal constitue une violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF), singulièrement qu’elle est arbitraire au sens de l’art. 9 Cst. ou qu’elle est contraire à d’autres droits constitutionnels (cf. arrêt 9C_474/2021 du 20 avril 2022 consid. 6.2.2 et les références).

Consid. 3.2.1
La décision fixant le montant des dépens ne doit en principe pas nécessairement être motivée, en particulier lorsque le juge ne sort pas des limites d’un tarif légal ou que des circonstances extraordinaires ne sont pas invoquées par les parties. La garantie du droit d’être entendu (cf. art. 29 al. 2 Cst.) en matière de dépens implique néanmoins que le juge qui veut s’écarter d’une note de frais indique brièvement pourquoi il tient certaines prestations pour injustifiées afin que le destinataire de sa décision puisse l’attaquer en toute connaissance de cause (cf. arrêt 8D_3/2019 du 6 septembre 2019 consid. 2.2.1 et les références). Dans la mesure où les dépens ont été arrêtés en fonction d’un certain nombre d’actes, dont les juges cantonaux ont dressé la liste et défini l’ampleur en termes de pages, ce qui permettait également d’évaluer le temps nécessaire à la réalisation de ces actes, l’assurée disposait en l’espèce d’assez d’éléments pour contester utilement le montant de l’indemnité qui lui a été alloué. Elle invoque dès lors à tort une violation de son droit d’être entendue.

Consid. 3.2.2
S’agissant de la complexité du dossier, le Tribunal fédéral a déjà considéré que les causes relevant du droit des assurances sociales ne sauraient être qualifiées de particulièrement difficiles au seul motif qu’il avait admis un recours de la personne assurée (cf. arrêt 9C_474/2021 du 20 avril 2022 consid. 6.3). En se contentant de critiquer le degré de complexité de la cause retenu par la juridiction cantonale au regard de la première intervention du Tribunal fédéral et de l’issue du litige, sans aucune considération sur la difficulté des problèmes qui avaient justifié le déroulement de la procédure de recours, l’assurée ne démontre pas que et en quoi le tribunal cantonal aurait violé l’art. 61 let. g LPGA ou appliqué arbitrairement les art. 27 et 40 LTar.

Consid. 3.2.3
L’arbitraire en matière d’indemnité de dépens peut se manifester sous deux formes. D’une part, lorsqu’il y a violation grave et claire des règles cantonales destinées à fixer l’indemnité. D’autre part, lorsque le pouvoir d’appréciation admis par le droit fédéral et cantonal est exercé d’une manière insoutenable. Il y a abus de ce pouvoir lorsque, tout en restant dans les limites fixées, l’autorité judiciaire se laisse guider par des considérations non objectives, étrangères au but des prescriptions applicables ou lorsqu’elle viole des principes généraux du droit. Dans ce cadre, l’interdiction de l’arbitraire suppose que la rémunération de l’avocat reste dans un rapport raisonnable avec l’activité effectivement fournie et objectivement nécessaire à l’accomplissement du mandat et ne contredise pas manifestement le sentiment de la justice (cf. arrêt 9C_295/2015 du 10 novembre 2015 consid. 2.3 et les références). Du moment que l’assurée se borne à alléguer que le tribunal cantonal a fait preuve d’arbitraire en s’écartant du tarif horaire de 300 fr., qu’elle avait convenu avec son mandataire, elle n’établit pas que et en quoi la juridiction cantonale aurait en l’espèce appliqué le droit cantonal d’une façon arbitraire, d’autant moins qu’une convention, privée, en matière de dépens ne saurait lier ladite autorité.

Consid. 3.3
Entièrement mal fondé, le recours doit être rejeté.

 

Arrêt 9C_510/2021 consultable ici

 

8C_487/2021 (f) du 05.05.2022 – LPP – L’admission du recours par la partie intimée ne dispensent pas le Tribunal fédéral d’examiner la cause au fond – 32 LTF / Maxime d’office – 43 al. 1 LPGA – 61 let. c LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_487/2021 (f) du 05.05.2022

 

Consultable ici

 

Rente d’invalidité LPP – Erreur manifeste du tribunal cantonal dans calcul avoir vieillesse

L’admission du recours par la partie intimée ne dispensent pas le Tribunal fédéral d’examiner la cause au fond – 32 LTF / Maxime d’office – 43 al. 1 LPGA – 61 let. c LPGA

Frais judiciaires et dépens – 66 LTF – 68 LTF

 

Assurée, née en 1976, a travaillé du 01.02.2007 au 31.03.2012 en qualité de secrétaire trilingue et était affiliée pour la prévoyance professionnelle auprès de la A.__ (l’institution de prévoyance).

Le 24.02.2014, l’assurée a présenté une demande de prestations de l’assurance-invalidité. Elle été mise au bénéfice d’une rente entière d’invalidité dès le 01.08.2014 conformément à l’arrêt rendu le 09.03.2017 par le tribunal cantonal dans la cause l’opposant à l’office AI.

Saisie le 31.05.2017 d’une demande de rente de la prévoyance professionnelle, l’institution de prévoyance a informé l’assurée qu’elle estimait ne pas être tenue de lui allouer des prestations. Le 14.03.2018, l’assurée a ouvert action contre l’institution de prévoyance en concluant à l’octroi d’une rente entière d’invalidité d’au moins 41’184 fr. par an dès le 01.04.2012 avec intérêts moratoires à 5% l’an dès le 01.06.2017.

Par arrêt du 29.07.2019 (arrêt PP 4/18 – 25/2019), la cour cantonale a admis la demande, a constaté que l’assurée avait droit à une rente entière d’invalidité de la prévoyance professionnelle à compter du 01.04.2012 et a invité l’institution de prévoyance à fixer le montant des prestations à servir conformément aux considérants.

A la suite de cet arrêt, l’institution de prévoyance a alloué à l’assurée une rente d’invalidité d’un montant mensuel de 2’998 fr. 80. Cette dernière a manifesté son désaccord avec ce montant, invoquant le droit à une rente d’invalidité annuelle de 41’184 fr., soit une rente de 3’432 fr. par mois. L’institution de prévoyance a maintenu sa position, expliquant que l’incapacité de travail invalidante remontait au 27.08.2009, de sorte que le calcul de la rente était effectué sur la base du gain assuré selon le certificat personnel au 01.01.2009 (61’444 fr. 65) et non sur celui au 01.01.2012 (70’595 fr.).

 

Procédure cantonale (arrêt PP 5/20 – 16/2021 – consultable ici)

Le 05.03.2020, l’assurée a déposé à titre principal une demande d’interprétation du dispositif de l’arrêt rendu le 29.07.2019 par la cour cantonale, en concluant à ce que son droit à la rente d’invalidité dès le 01.04.2012 se calcule d’après son gain assuré figurant sur le dernier certificat de prévoyance au 01.01.2012. Subsidiairement, elle a formé une demande en constatation de droit tendant à ce que la rente annuelle entière d’invalidité qui lui est due par l’institution de prévoyance avec intérêts s’élève à au moins 41’184 fr.

Par arrêt du 12.05.2021, la cour cantonale a déclaré irrecevable la demande d’interprétation (chiffre I) et a admis la demande en constatation de droit (chiffre II) en ce sens que l’assurée a droit à compter du 01.04.2012 à une rente annuelle d’invalidité de 46’005 fr. 15 avec intérêts à 5% dès le 14.03.2018 (chiffre III).

 

TF

Consid. 3.1
Compte tenu des motifs et conclusions du recours, le litige en instance fédérale ne porte plus que sur un seul aspect du calcul opéré par la cour cantonale pour fixer le montant de la rente annuelle d’invalidité due par l’institution de prévoyance à l’assurée dès le 01.04.2012.

Alors que les juges cantonaux ont retenu, au titre de l’avoir de vieillesse déterminant pour calculer cette rente, un montant de 704’519 fr. 93, l’institution de prévoyance soutient que ce montant doit être établi à 630’672 fr. 90, ce qui donne, après application du taux de conversion de 6,53% selon l’annexe 3 RPEC [Règlement de prévoyance pour les personnes employées et les bénéficiaires de rente de la Caisse de prévoyance de la Confédération; RS 172.220.141.1], une rente annuelle d’invalidité de 41’182 fr. 95 et non pas de 46’005 fr. 15 comme fixé dans le dispositif de l’arrêt entrepris. Plus particulièrement, l’institution de prévoyance s’en prend à la manière dont la cour cantonale a déterminé, dans le cas d’espèce, la somme des bonifications de vieillesse depuis la naissance du droit à la prestation d’invalidité jusqu’à l’âge de 65 ans selon l’art. 24 RPEC, somme qui, avec l’avoir de vieillesse selon l’art. 36 RPEC que la personne assurée a accumulé jusqu’à la naissance du droit à la prestation d’invalidité, compose l’avoir de vieillesse déterminant servant au calcul de la rente (voir l’art. 57 al. 1 let. a et b RPEC).

Consid. 3.2
L’assurée ayant conclu à l’admission du recours sur ce point, il convient de déterminer ce que cela implique pour l’examen de la cause par la Cour de céans.

En droit privé, lorsque la cause est soumise à la maxime de disposition, l’acquiescement devant un tribunal est considéré comme un acte de procédure unilatéral par lequel la partie intimée reconnaît le bien-fondé de la prétention de la partie recourante et admet les conclusions de celle-ci (cf. arrêt 5A_667/2018 du 2 avril 2019 consid. 3.2, publié in SJ 2019 I 344). En droit des assurances sociales, dans lequel prévaut la maxime d’office (cf. art. 43 al. 1 et art. 61 let. c LPGA), l’acquiescement de la partie intimée ne permet pas au Tribunal fédéral de rayer la cause du rôle conformément à l’art. 32 al. 2 LTF; en d’autres termes, des conclusions de la partie intimée tendant à l’admission du recours ne dispensent pas le Tribunal fédéral d’examiner la cause au fond, en vérifiant que la situation résultant de l’admission du recours soit conforme au droit fédéral et en rendant une décision sur le fond (FLORENCE AUBRY GIRARDIN, in: Commentaire de la LTF, 2e éd. 2014, n° 23a ad art. 32 LTF; arrêts 8C_331/2020 du 4 mars 2021 consid. 2.1; 9C_149/2017 du 10 octobre 2017 consid. 1; 2C_299/2009 du 28 juin 2010 in RDAF 2010 II 494, consid. 1.3.4).

Il convient dès lors d’examiner si, comme le soutient l’institution de prévoyance, la cour cantonale a violé les dispositions pertinentes du RPEC en établissant le montant de la rente annuelle d’invalidité à 46’005 fr. 15 sur la base d’un avoir de vieillesse déterminant de 704’519 fr. 93.

Consid. 4.1
Invoquant un établissement inexact des faits (art. 97 al. 1 et art. 105 al. 2 LTF), l’institution de prévoyance reproche à la cour cantonale d’avoir pris en compte à double la même prestation de libre passage de l’assurée dans l’avoir de vieillesse déterminant pour le calcul de la rente d’invalidité selon l’art. 57 al. 1 let. a et b RPEC. Elle explique que le 09.10.2012, elle avait transféré, en raison de la sortie de l’assurée de sa caisse, un montant de 46’381 fr. 40 (sic) sur un compte auprès de la Fondation institution supplétive LPP et que ce montant lui avait été reversé par cette dernière le 16.10.2019, majoré des intérêts courus depuis le versement jusqu’à la date de remboursement (48’279 fr. 19), après qu’elle avait été condamnée à verser une rente d’invalidité à l’assurée par arrêt du 29.07.2019. Ces faits ressortaient clairement de ses écritures ainsi que des documents qu’elle avait versés en procédure cantonale, et auraient dû être constatés par la cour cantonale conformément à son obligation d’établir les faits d’office (art. 73 al. 2 LPP). La prise en compte, par l’instance cantonale, à la fois du montant de 46’381 fr. 40 et du versement de 48’279 fr. 19 conduisait à un calcul de rente erroné en violation des dispositions règlementaires.

Consid. 4.2
En l’occurrence, on doit donner raison à l’institution de prévoyance. Après avoir pris en considération d’une manière correcte la prestation de sortie de l’assurée, à sa valeur au 31.03.2012 (soit 46’381 fr. 40), au titre de l’avoir de vieillesse accumulée par celle-ci au moment de la naissance du droit à la prestation d’invalidité (cf. art. 57 al. 1 let. a RPEC), la cour cantonale a également porté en compte, dans le calcul de la somme des bonifications de vieillesse futures de l’assurée (cf. art. 57 al. 1 let. b RPEC), le montant de 48’279 fr. 19 correspondant au versement effectué par la Fondation institution supplétive LPP à l’institution de prévoyance en date du 16.10.2019 (voir le tableau y relatif figurant à la page 25 de l’arrêt entrepris). Il s’agit là d’une erreur manifeste de la cour cantonale, puisqu’il ressort des pièces produites par-devant elle que le montant de 48’279 fr. 19 constitue la prestation de sortie de l’assurée versée par l’institution de prévoyance en 2012 et restituée à cette dernière en 2019 avec les intérêts courus depuis lors conformément à l’art. 90 RPEC, et non pas une prestation de sortie acquise par l’assurée auprès d’autres institutions de prévoyance et apportée à l’institution de prévoyance. Si l’on fait abstraction du montant précité dans le calcul de la somme des bonifications de vieillesse futures de l’assurée, l’avoir de vieillesse déterminant de celle-ci s’élève à 630’672 fr. 90, comme cela résulte du tableau récapitulatif à la page 18 du recours. Il en découle une rente annuelle d’invalidité de 41’182 fr. 95 (630’672 fr. 90 x 6,53).

Consid. 4.3
Au vu de ce qui précède, le recours doit être admis et l’arrêt attaqué réformé en ce sens que l’assurée a droit, à compter du 01.04.2012, à une rente annuelle d’invalidité de 41’182 fr. 95 avec intérêts à 5% dès le 14.03.2018.

 

Consid. 5
Doit encore être résolue la question des frais et dépens de la présente procédure.

Consid. 5.1
Selon l’art. 66 al. 1 LTF, en règle générale, la partie qui succombe doit payer les frais judiciaires; si les circonstances le justifient, le Tribunal peut les répartir autrement ou renoncer à les mettre à la charge des parties. En ce qui concerne les dépens, le Tribunal fédéral décide si et, le cas échéant, dans quelle mesure les frais de la partie obtenant gain de cause sont supportés par celle qui succombe (art. 68 al. 1 LTF). En règle générale, aucuns dépens ne sont alloués à la Confédération, aux cantons, aux communes ou aux organisations chargées de tâches de droit public lorsqu’ils obtiennent gain de cause dans l’exercice de leurs attributions officielles (art. 68 al. 3 LTF).

Consid. 5.2
En l’espèce, l’institution de prévoyance obtient gain de cause. Elle a dû recourir pour faire corriger une erreur manifeste commise par la cour cantonale dans l’établissement de l’avoir de vieillesse déterminant de l’assurée. Devant le Tribunal fédéral, cette dernière ne s’est pas identifiée à l’arrêt entrepris, mais elle a au contraire acquiescé au recours, mettant en évidence l’erreur qui faussait le calcul de sa rente. On ne saurait donc lui reprocher d’avoir succombé sur ce point devant le Tribunal fédéral (cf. arrêt 4A_595/2011 précité consid. 3), de sorte qu’il sera renoncé à la perception de frais judiciaires pour la procédure fédérale (art. 66 al. 1, deuxième phrase, LTF). Bien qu’obtenant gain de cause, l’institution de prévoyance, en sa qualité d’institution chargée de tâches de droit public, n’a pas droit à des dépens (art. 68 al. 3 LTF; ATF 128 V 124 consid. 5b). Quant à l’assurée, elle saurait ne se voir allouer les dépens qu’elle demande dès lors qu’elle n’obtient pas gain de cause (art. 68 al. 1 LTF).

 

Le TF admet le recours de l’institution de prévoyance.

 

 

Arrêt 8C_487/2021 consultable ici

 

8C_299/2022 (d) du 05.09.2022 – Stabilisation de l’état de santé – 19 LAA / Rechute lors de la procédure contestant la stabilisation de l’état de santé – 11 OLAA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_299/2022 (d) du 05.09.2022

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle, seul l’arrêt fait foi

 

Stabilisation de l’état de santé / 19 LAA

Rechute lors de la procédure contestant la stabilisation de l’état de santé / 11 OLAA

 

Assuré, né en 1980, mécanicien, qui, le 21.11.2018, s’est tordu le poignet droit en utilisant une perceuse. Le 29.05.2019, il a été opéré du poignet droit dans un centre de chirurgie de la main, où l’on a diagnostiqué une instabilité du scaphoïde droit avec rupture complète du ligament scapholunaire.

L’assurance-accidents a informé l’assuré, par courrier du 31.07.2020, qu’elle ne prenait plus en charge les frais médicaux et qu’elle suspendait les indemnités journalières au 30.09.2020. Par décision du 05.11.2020, confirmée sur opposition le 12.02.2021, l’assurance-accidents à l’assuré le droit à une rente d’invalidité et à une indemnité pour atteinte à l’intégrité.

Le 01.02.2021, l’assuré a été réopéré du poignet droit. L’assurance-accidents a pris en charge le traitement médical et les indemnités journalières au titre de la « rechute ».

 

Procédure cantonale

Selon l’instance cantonale, il ressortait des rapports médicaux que l’assuré souffrait de troubles résiduels à la suite de l’accident du 21.11.2018, raison pour laquelle son activité de constructeur métallique ne pouvait plus être exigée de lui. Toutefois, aucun rapport ne mentionnait que ces troubles auraient pu être réduits de manière significative par d’autres traitements à la clôture du cas fin septembre 2020 et que la capacité de travail aurait ainsi pu être considérablement augmentée. Dans un rapport médical du 01.07.2020, le directeur adjoint de la clinique G.__ avait déjà recommandé à l’assurance-accidents de procéder à une évaluation de l’ «exigibilité résiduelle» et de chercher une activité adaptée. Il a considéré qu’il n’y avait pas d’indication opératoire. Il a donc préconisé une réinsertion professionnelle et défini les limitations fonctionnelles (éviter les travaux lourds impliquant des chocs et des vibrations ainsi que les charges importantes et fréquentes de plus de 5 kg). Dans un rapport du 12.07.2020 adressé à l’office AI, il a été constaté que l’assuré était capable de travailler à 100% et qu’il était apte au placement pour des activités légères. Aucun traitement n’a été entrepris, hormis l’analgésie au besoin. Dans ces circonstances, il n’est pas contestable que l’assurance-accidents n’ait pas escompté d’amélioration thérapeutique notable au-delà du 30.09.2020 et ait clos le cas à cette date. Le rapport médical du 01.10.2020 ne change rien à cette situation. Le chirurgien s’est contenté d’affirmer qu’il n’y avait que des «interventions de sauvetage» susceptibles d’améliorer la situation ; aucun autre contrôle n’était prévu. Dans un courriel du 15.03.2021, le chirurgien a ensuite indiqué que l’opération avait pour but de réduire la douleur. Les chances de succès d’une telle opération étaient toutefois toujours incertaines. La probabilité d’une réduction des douleurs est toutefois « plus élevée ». Si le succès n’était pas au rendez-vous, la possibilité d’une arthrodèse totale du poignet serait toujours ouverte. Le chirurgien a a ainsi qualifié les chances de succès d’une opération d’ouvertes et donc incertaines. En résumé, la suspension des prestations temporaires (traitement médical au 31.07.2020 et indemnités journalières au 30.09.2020) est correcte. Le refus d’une rente d’invalidité et d’une IPAI n’est pas contestable non plus.

Par jugement du 29.03.2022, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Le litige porte sur la question de savoir si la suspension du traitement médical au 31.07.2020 et des indemnités journalières au 30.09.2020, confirmée par l’instance cantonale, est conforme au droit fédéral.

 

Consid. 2.3
La question de savoir si, dans le cadre de l’examen de la clôture du cas selon l’art. 19 al. 1 LAA, il faut admettre une amélioration notable de l’état de santé se détermine notamment – mais pas exclusivement – en fonction de l’augmentation ou du rétablissement de la capacité de travail à laquelle on peut s’attendre, dans la mesure où celle-ci est restreinte par l’accident. Le terme «notable» indique donc que l’amélioration espérée par un autre traitement (approprié) au sens de l’art. 10 al. 1 LAA doit être importante (ATF 143 V 148 consid. 3.1.1, 134 V 109 consid. 4.3 ; SVR 2020 UV n° 24 p. 95, 8C_614/2019 consid. 5.2 s.). Des améliorations insignifiantes ne suffisent pas, pas plus que la simple possibilité d’une amélioration (RKUV 2005 Nr. U 557 p. 388, U 244/04 consid. 3.1; arrêt 8C_219/2022 du 2 juin 2022 consid. 4.1). Dans ce contexte, l’état de santé de la personne assurée doit être évalué de manière prospective et non sur la base de constatations rétrospectives. Les renseignements médicaux relatifs aux possibilités thérapeutiques et à l’évolution de la pathologie, qui sont généralement saisis sous la notion de pronostic, constituent en premier lieu la base de l’appréciation de cette question juridique (SVR 2020 UV Nr. 24 p. 95, 8C_614/2019 consid. 5.2; arrêts 8C_219/2022 du 2 juin 2022 consid. 4.1 et 8C_682/2021 du 13 avril 2022 consid. 5.1).

Consid. 4.1
Dans l’ATF 144 V 245 consid. 6.2, le Tribunal fédéral a considéré que les rechutes et les séquelles tardives constituaient des faits particuliers relevant du droit de la révision. Il convient d’en tenir compte même si le droit aux prestations a été refusé à une date antérieure. Ces décisions ne peuvent donc pas faire l’objet d’un nouvel examen sans restriction. Il convient au contraire de partir de l’appréciation passée en force de chose jugée, et la reconnaissance d’une rechute ou de séquelles tardives présuppose une modification ultérieure des circonstances pertinentes pour le droit.

Consid. 4.2
On ne peut pas déduire de cet arrêt qu’une atteinte à la santé causée par l’accident et survenant – comme c’est le cas en l’espèce – alors que la procédure d’assurance-accidents est encore en cours ne peut pas constituer une rechute, raison pour laquelle elle doit être examinée dans le cadre du cas de base. Dans le cadre de l’approche prospective, telle qu’elle intervient dans la question de la clôture du cas (cf. consid. 2.3 ci-dessus), il est plutôt déterminant de savoir si l’opération du 01.02.2021 et l’amélioration notable de son état de santé qui l’a accompagnée étaient prévisibles au moment de la suspension des prestations au 30.09.2020. Tel n’est pas le cas (cf. consid. 5 ci-après), raison pour laquelle il n’y avait pas d’obstacle à une clôture du cas (cf. également l’arrêt 8C_344/2021 du 7 décembre 2021 consid. 8.2.2).

Consid. 4.3
La rechute et l’opération du 01.02.2021 qui y est liée n’ont pas fait l’objet de la décision sur opposition litigieuse du 12.02.2021, ni du jugement attaqué, raison pour laquelle il n’y a pas lieu de se prononcer à ce sujet. Il n’y a donc pas lieu d’entrer en matière sur le recours dans la mesure où le recourant demande l’évaluation de son droit aux prestations découlant de cette rechute (ATF 131 V 164 consid. 2.1 ; arrêt 8C_627/2015 du 14 décembre 2015 consid. 2.1).

Consid. 5.1
Lors de l’appréciation de la légalité de la clôture du cas, l’approche prospective s’applique (cf. consid. 2.3 ci-dessus). Dès lors, les dossiers médicaux établis après la clôture du cas au 31.07.2020 (traitement médical) resp. au 30.09.2020 (indemnités journalières), auxquels se réfèrent l’instance cantonale et l’assuré, resp. les circonstances survenues après la clôture du cas jusqu’à la décision sur opposition litigieuse du 12.02.2021 sont dénués de pertinence juridique (cf. arrêts 8C_682/2021 du 13 avril 2022 consid. 5.3.2 et 8C_604/2021 du 25 janvier 2022 consid. 7.1 et les références).

Consid. 5.2.1
Après avoir procédé à l’examen clinique de l’assuré ainsi que des résultats d’imagerie et des éléments médicaux au dossier, le médecin-conseil a indiqué dans son rapport du 29.07.2020 que l’état de santé était stabilisé et qu’il ne fallait pas s’attendre à une amélioration notable de l’état de santé.

Consid. 5.2.2
L’assuré ne formule aucune objection qui permettrait de douter, même légèrement, de la fiabilité et de la cohérence de ce rapport (ATF 142 V 58 consid. 5.1).

Consid. 5.2.2.1
L’assuré fait valoir que le chirurgien a indiqué dans son rapport du 01.07.2020 qu’un contrôle aurait lieu dans trois mois (c’est-à-dire le 01.10.2020). L’assuré allègue que l’hypothèse selon laquelle une clôture du cas pourrait être effectuée en l’absence d’un contrôle par le médecin traitant est arbitraire ou doit à tout le moins être considérée comme une clôture anticipée du cas. Cet argument n’est pas pertinent. En effet, le chirurgien ne rapportait aucune explication sur la question de savoir si des traitements médicaux au sens de l’art. 19 al. 1 LAA entraient encore en ligne de compte. Il recommandait plutôt une évaluation de l’ «exigibilité résiduelle» et la recherche d’une activité adaptée pour l’assuré, ce qui plaidait en faveur de la stabilisation et confirmait donc l’évaluation du médecin-conseil.

Consid. 5.2.2.2
L’argument de l’assuré selon lequel il avait déjà fait état de douleurs avant la clôture du cas (et avant même que l’assurance-accidents ne l’ait informé de manière informelle) est également dénué de pertinence. En effet, ce qui est déterminant, c’est qu’une poursuite du traitement médical aurait permis d’escompter une amélioration notable du point de vue du pronostic, ce qui n’a pas été établi en l’espèce.

Consid. 5.3
A l’aune de ce qui précède, il n’est pas contraire au droit fédéral que l’instance cantonale ait confirmé la clôture du cas par l’assurance-accidents.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 8C_299/2022 consultable ici

 

Proposition de citation : 8C_299/2022 (d) du 05.09.2022, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2022/09/8c_299-2022)

 

Un courrier « A+ » arrivé samedi sera considéré reçu le lundi suivant

Un courrier « A+ » arrivé samedi sera considéré reçu le lundi suivant

 

Communiqué de presse du Parlement du 27.09.2022 consultable ici

 

Un courrier « A+ » arrivé samedi sera considéré reçu le lundi suivant. Le Conseil des Etats a tacitement approuvé mardi une motion du National, demandant une harmonisation du calcul des délais postaux.

Actuellement, un courrier « A+ » arrivé samedi est considéré reçu le même jour. Le délai qui lui est attaché débute ainsi samedi, même si la lettre a été récupérée lundi. Des confusions peuvent survenir. Le texte entend changer la situation, et rendre le droit de procédure le plus simple et le plus compréhensible possible.

En cas de notification d’un envoi par courrier « A+ » le week-end ou un jour férié, le délai commencera à courir le jour ouvrable suivant. Les destinataires n’auront ainsi plus à vérifier quand l’envoi a été reçu. Les administrés et les justiciables ne perdront ainsi pas leurs droits en raison de pures questions de procédure. Déjà débattue lors de la révision du code de procédure civile, la solution doit être étendue à tous les autres domaines juridiques.

 

 

Communiqué de presse du Parlement du 27.09.2022 consultable ici

Motion Conseil national (CAJ-CN) 22.3381 « De l’harmonisation de la computation des délais » consultable ici

Rapport de la Commission des affaires juridiques du 06.09.2022 disponible ici

 

8C_245/2022 (f) du 07.09.2022 – Opposition provisoire par un mandataire professionnel – Motivation de l’opposition – 52 LPGA – 10 OPGA / Délai légal pas prolongeable – Irrecevabilité de l’opposition

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_245/2022 (f) du 07.09.2022

 

Consultable ici

 

Opposition provisoire par un mandataire professionnel – Motivation de l’opposition / 52 LPGA – 10 OPGA

Délai légal pas prolongeable – Irrecevabilité de l’opposition

 

Le 30.01.2021, l’assuré s’est blessé à l’épaule droite en chutant à vélo.

Par décision du 14.07.2021, notifiée le 22.07.2021, l’assurance-accidents a mis un terme à ses prestations à partir du 01.06.2021, en précisant qu’une intervention chirurgicale à l’épaule droite planifiée par un médecin traitant de l’assuré visait à traiter des atteintes d’origine maladive et n’était donc pas en lien de causalité avec l’accident.

Par courriel du 20.07.2021, l’employeur de l’assuré a contesté la décision du 14.07.2021 auprès de l’assurance-accidents. Par pli du 23.07.2021, celle-ci lui a répondu qu’il n’était pas habilité à faire opposition à la décision précitée, tout en précisant que si l’assuré souhaitait s’y opposer, il devait le faire par courrier signé, dans les trente jours dès la notification de la décision.

Au bénéfice d’une procuration signée par l’assuré le 07.08.2021, l’avocate a, par écriture du 09.08.2021, informé l’assurance-accidents que son mandant formait opposition à la décision du 14.07.2021 et concluait à son annulation ainsi qu’au versement des prestations d’assurance. La mandataire invitait en outre l’assureur à lui faire parvenir le dossier de son client afin de pouvoir motiver l’opposition.

Le 26.08.2021, la Vaudoise a adressé une copie du dossier de l’assuré à la mandataire.

Par écriture du 31.08.2021 adressé à l’assurance-accidents, l’avocate a accusé réception du dossier et a écrit ce qui suit: « Afin que je puisse prendre connaissance du dossier et conférer avec mon mandant de son dossier, je vous informe que la motivation de l’opposition formée le 09.08.2021 vous parviendra le 30.09.2021 au plus tard ».

Par acte du 30.09.2021, la mandataire a motivé l’opposition formée contre la décision du 14.07.2021.

Par décision sur opposition du 20.10.2021, l’assurance-accidents a déclaré l’opposition à la décision du 14.07.2021 irrecevable, motif pris que l’opposition du 09.08.2021 n’était pas motivée et que l’opposition motivée du 30.09.2021 était tardive au regard du délai légal d’opposition qui était arrivé à échéance le 14.09.2021.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 157/21 – 29/2022  [non disponible sur le site du TC])

Précisant que le délai d’opposition à la décision du 14.07.2021 était, compte tenu des féries, arrivé à échéance le 14.09.2021, la cour cantonale a retenu que l’assurance-accidents, saisie d’une opposition le 09.08.2021, avait transmis le dossier à la mandataire de l’assuré en pleine connaissance du fait que celle-ci avait requis un laps de temps pour motiver l’opposition avec une échéance fixée au plus tard au 30.09.2021. Dès lors que l’assurance-accidents était rompue aux règles de procédure, le courrier de l’avocate du 31.08.2021 ne pouvait pas être laissé sans réponse, sauf à s’accommoder d’une prolongation de délai, laquelle avait pour ainsi dire été explicitement demandée dans le délai d’opposition. L’assurance-accidents aurait donc dû soit rendre l’assuré attentif au risque de se voir opposer un dépassement de délai qu’elle n’entendait pas tolérer, soit tolérer le retard annoncé en application de l’art. 10 al. 5 OPGA. A défaut d’avoir réagi, elle ne pouvait pas invoquer un vice irréparable, compte tenu de son obligation – découlant de l’art. 27 LPGA – de fournir des conseils particuliers dans une situation où le comportement de la personne intéressée pouvait mettre en péril la réalisation de l’une des conditions du droit aux prestations ou lui causer un préjudice de nature procédurale. Une sanction pour dépassement du délai d’opposition se justifiait d’autant moins que la mandataire avait motivé ledit dépassement de délai par la nécessité légitime de prendre connaissance du dossier et d’en conférer avec son client. L’instance cantonale en a conclu que la stricte application des règles de procédure par l’assurance-accidents ne se justifiait par aucun intérêt digne de protection et entravait de manière insoutenable l’examen du droit matériel et l’accès à la justice, en violation du principe de l’interdiction du formalisme excessif et des règles de la bonne foi.

Par jugement du 07.03.2022, admission du recours par le tribunal cantonal, annulant la décision sur opposition et renvoyant la cause à l’assurance-accidents pour complément d’instruction et nouvelle décision sur le fond.

 

TF

Consid. 3.1
Selon l’art. 52 LPGA, les décisions rendues en matière d’assurance sociale peuvent être attaquées dans les trente jours par voie d’opposition auprès de l’assureur qui les a rendues, à l’exception des décisions d’ordonnancement de la procédure. L’art. 10 OPGA, édicté sur la base de la délégation de compétence prévue à l’art. 81 LPGA, prévoit que l’opposition doit contenir des conclusions et être motivée (al. 1); si elle ne satisfait pas à ces exigences ou si elle n’est pas signée, l’assureur impartit un délai convenable pour réparer le vice, avec l’avertissement qu’à défaut, l’opposition ne sera pas recevable (al. 5).

Consid. 3.2
Aux termes de l’art. 61 let. b LPGA, l’acte de recours doit contenir un exposé succinct des faits et des motifs invoqués, ainsi que les conclusions; si l’acte n’est pas conforme à ces règles, le tribunal impartit un délai convenable au recourant pour combler les lacunes, en l’avertissant qu’en cas d’inobservation le recours sera écarté. La règle de l’art. 61 let. b LPGA découle du principe de l’interdiction du formalisme excessif et constitue l’expression du principe de la simplicité de la procédure qui gouverne le droit des assurances sociales (arrêt 8C_748/2021 précité consid. 3.2 et les références). C’est pourquoi le juge saisi d’un recours dans ce domaine ne doit pas se montrer trop strict lorsqu’il s’agit d’apprécier la forme et le contenu de l’acte de recours. Il s’agit là d’une prescription formelle, qui oblige le juge de première instance – excepté dans les cas d’abus de droit manifeste – à fixer un délai pour corriger les imperfections du mémoire de recours (ATF 143 V 249 consid. 6.2; 134 V 162 consid. 2).

En raison de l’identité grammaticale des art. 61 let. b LPGA et 10 al. 5 OPGA, les principes exposés ci-dessus valent aussi en procédure administrative, l’idée à la base de cette réflexion étant de ne pas prévoir des exigences plus sévères en procédure d’opposition que lors de la procédure de recours subséquente (ATF 142 V 152 consid. 2.3 et les références citées).

Consid. 3.3
Selon la jurisprudence, les art. 61 let. b LPGA et 10 al. 5 OPGA, qui prévoient l’octroi d’un délai supplémentaire pour régulariser un acte de recours respectivement une opposition, visent avant tout à protéger l’assuré sans connaissances juridiques qui, dans l’ignorance des exigences formelles de recevabilité, dépose une écriture dont la motivation est inexistante ou insuffisante peu avant l’échéance du délai de recours ou de l’opposition, pour autant qu’il en ressorte clairement que son auteur entend obtenir la modification ou l’annulation d’une décision le concernant et sous réserve de situations relevant de l’abus de droit. L’existence d’un éventuel abus de droit peut être admise plus facilement lorsque l’assuré est représenté par un mandataire professionnel, dès lors que celui-ci est censé connaître les exigences formelles d’un acte de recours ou d’une opposition et qu’il lui est également connu qu’un délai légal n’est pas prolongeable. En cas de représentation, l’octroi d’un délai supplémentaire en application des dispositions précitées s’impose uniquement dans la situation où l’avocat ou le mandataire professionnellement qualifié ne dispose plus de suffisamment de temps à l’intérieur du délai légal non prolongeable du recours, respectivement de l’opposition, pour motiver ou compléter la motivation insuffisante de l’écriture initiale. Il s’agit typiquement de la situation dans laquelle un assuré, qui n’est pas en possession du dossier le concernant, mandate tardivement un avocat ou un autre mandataire professionnellement qualifié et qu’il n’est pas possible à ce dernier, en fonction de la nature de la cause, de prendre connaissance du dossier et de déposer un recours ou une opposition motivés à temps. Il n’y a alors pas de comportement abusif de la part du mandataire professionnel s’il requiert immédiatement la consultation du dossier et motive ultérieurement l’écriture initiale qu’il a déposée dans le délai légal pour sauvegarder les droits de son mandant. En dehors du cas de figure décrit, les conditions de l’octroi d’un délai supplémentaire en vertu des art. 61 let. b LPGA et 10 al. 5 OPGA ne sont pas données et il n’y a pas lieu de protéger la confiance que le mandataire professionnel a placée dans le fait qu’un tel délai lui a – à tort – été accordé (arrêt 8C_817/2017 du 31 août 2018 consid. 4 et les références).

Consid. 5.1
Se plaignant d’une constatation manifestement inexacte des faits ainsi que d’une violation des art. 61 let. b LPGA et 10 al. 1 et 5 OPGA, l’assurance-accidents reproche à la cour cantonale d’avoir retenu que l’avocate avait requis une prolongation du délai pour motiver l’opposition de l’assuré. Dans son écriture du 31.08.2021, la mandataire se serait contentée de signaler à l’assurance-accidents que la motivation de l’opposition allait lui parvenir le 30.09.2021 au plus tard, alors que le délai légal pour faire opposition arrivait à échéance le 14.09.2021; ce faisant, la mandataire se serait octroyée elle-même une prolongation de délai à laquelle elle savait ne pas avoir droit, ce qui serait constitutif d’un abus de droit. Dans ces conditions, le prononcé d’une décision d’irrecevabilité servirait le principe de l’égalité de traitement ainsi que la sécurité du droit et ne serait pas constitutif de formalisme excessif. L’avocate connaîtrait de surcroît les exigences formelles d’une opposition et saurait qu’un délai légal n’est pas prolongeable, de sorte que l’on n’aurait pas pu exiger de l’assurance-accidents qu’elle informe l’avocate des conséquences de son comportement.

Consid. 5.2
Il ressort des faits constatés par l’autorité précédente que le délai légal de 30 jours pour former opposition à la décision de l’assurance-accidents du 14.07.2021 arrivait à échéance le 14.09.2021. Ce délai n’était pas prolongeable (cf. art. 40 al. 1 LPGA). Le 09.08.2021, soit à une date encore bien éloignée de l’échéance du délai légal d’opposition, l’avocate, spécialiste FSA en responsabilité civile et en droit des assurances, a formé une opposition non motivée au nom et pour le compte de l’assuré. Sur requête de la mandataire, l’assurance-accidents lui a fait parvenir le dossier de l’assuré le 26.08.2021, soit 19 jours avant l’échéance du délai légal d’opposition. Au moment de l’envoi de son écriture du 31.08.2021, il restait à la mandataire encore 14 jours avant l’échéance dudit délai pour motiver l’opposition. Cet intervalle de temps doit être considéré comme suffisant au sens de la jurisprudence exposée ci-dessus (cf. consid. 3.3 supra), surtout que les exigences de motivation ne sont pas très élevées en procédure d’opposition. Les conditions d’octroi d’un délai supplémentaire de régularisation au sens de l’art. 10 al. 5 OPGA n’étaient donc pas réunies. A ce titre, le fait que l’assuré ait séjourné à l’étranger du 27.07.2021 au 20.09.2021 n’est pas déterminant, tout indiquant que l’avocate était en contact avec l’assuré – qui a signé une procuration le 07.08.2021 – durant cette période. Au demeurant, les écritures des 09.08.2021 et 31.08.2021 ne font pas mention d’un séjour à l’étranger qui justifierait l’octroi d’un délai pour régulariser l’opposition.

Dès lors que l’assurance-accidents ne pouvait pas – les conditions de l’art. 10 al. 5 OPGA n’étant pas remplies – octroyer à l’assuré un délai de régularisation pour motiver son opposition, le point de savoir si l’écriture du 31.08.2021 aurait dû être interprétée comme une demande de prolongation de délai peut rester indécis. En tant que mandataire professionnelle, de surcroît spécialiste FSA en responsabilité civile et en droit des assurances, l’avocate devait savoir qu’elle ne pouvait pas motiver l’opposition au-delà du 14.09.2021 et l’assurance-accidents n’était pas tenue d’attirer son attention sur ce point. Le silence de l’assurance-accidents ensuite de la réception de l’écriture du 31.08.2021 ne pouvait en tout cas pas être interprété comme l’admission tacite d’une requête de prolongation du délai jusqu’au 30.09.2021. On ajoutera, par surabondance de motifs, que même si l’assurance-accidents avait, à tort, expressément accordé une telle prolongation de délai, la confiance qu’aurait placée la mandataire dans l’octroi de ce délai supplémentaire n’aurait pas pu être protégée (cf. consid. 3.3 in fine supra; cf. aussi arrêt 8C_217/2021 du 7 juillet 2021 consid. 6.2). Le grief tiré d’une violation de l’art. 10 al. 5 OPGA s’avère ainsi fondé.

 

Le TF admet le recours de l’assurance-accidents, annule le jugement du tribunal cantonal et confirme la décision sur opposition.

 

 

Arrêt 8C_245/2022 consultable ici