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6B_877/2015 (f) du 20.06.2016 – Lésions corporelles graves par négligence – 125 CP / Erreur médicale – médecin-radiologue et cancer

Arrêt du Tribunal fédéral 6B_877/2015 (f) du 20.06.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2aUdt9g

 

Lésions corporelles graves par négligence / 125 CP

Erreur médicale – médecin-radiologue et cancer

 

Le 21.11.2007, dans le cadre de son activité de médecin-radiologue, Dr X.__ a procédé à une biopsie mammaire dans deux lésions sur une patiente, Mme Z, et effectué cinq prélèvements tissulaires répartis en 2 flacons. Dr X.__ a omis de prendre soin de faire acheminer correctement ces deux flacons au laboratoire d’analyses médicales ; le flacon contenant trois cylindres a été transmis aux fins d’analyses au laboratoire ce jour-là, le second flacon, contenant les deux cylindres, étant resté dans la salle d’examen.

Le 22.11.2007, à savoir le lendemain, la Dresse D.__ a effectué une biopsie dans le sein gauche de la patiente A.__ et a prélevé trois cylindres tissulaires qu’elle a placés dans un flacon qui se trouvait parmi ceux qui avaient été préparés à cet effet et qui contenait déjà les deux prélèvements tissulaires de Mme Z, ce dont la Dresse D.__ ne pouvait se rendre compte ; ce flacon a été envoyé au laboratoire après avoir été étiqueté au nom de A.__.

L’analyse des cinq fragments tissulaires se trouvant dans le flacon étiqueté au nom de A.__ a révélé que le tissu mammaire analysé était infiltré par un carcinome canalaire invasif, de grade historique 3, avec un indice de prolifération tumorale élevé, autrement dit un cancer très agressif nécessitant un traitement immédiat, alors que l’échantillon tumoral ne provenait pas de cette dernière, mais de Mme Z. Le Dr E.__ a ainsi informé sa patiente A.__ qu’elle était gravement atteinte et qu’il fallait intervenir sans délai. Il a pratiqué une intervention chirurgicale le 05.12.2007, à savoir l’exérèse d’un fragment de tissu mammaire ; l’examen du ganglion sentinelle prélevé a permis de révéler qu’il était exempt de métastase et qu’aucun carcinome canalaire invasif n’était présent.

Le 07.12.2007, le Dr E.__ a indiqué à sa patiente qu’il n’avait pas trouvé trace de la tumeur mais qu’elle avait pu partir lors de la biopsie. Le Dr E.__ l’a dirigée vers le Dr F.__, oncologue-hématologue, qui lui a confirmé que la tumeur avait pu partir lors de la biopsie et qu’il était indispensable de suivre un tel traitement, sans pour autant procéder à d’autres investigations médicales. De janvier à mai 2008, A.__ a subi plusieurs séances de chimiothérapie ; des effets secondaires tels que « perte de cheveux, douleurs généralisées importantes, vomissements, diarrhées, angoisses, hypoglycémie, rétention d’eau, etc. » ont perduré après la fin du traitement. Au terme de la chimiothérapie, une radiothérapie lui a été prescrite, nécessaire compte tenu de la nature agressive de la tumeur.

De nouvelles analyses du service de pathologies cliniques ont révélé l’absence de toute nouvelle prolifération tumorale et de toute lésion tumorale. Le département d’oncologie a ensuite procédé à une comparaison du sang de A.__ avec celui de la biopsie effectuée par C.__ en novembre 2007. Les résultats des tests ADN ont permis de montrer que le profil ADN établi à travers la biopsie était différent de celui obtenu grâce à son sang.

A.__ a déposé plainte pénale le 07.08.2008.

 

Procédure cantonale (arrêt AARP/280/2015 – consultable ici : http://bit.ly/2bqipCt)

En deuxième instance, la Chambre pénale d’appel et de révision de la Cour de justice du canton de Genève a reconnu Dr X.__ coupable de lésions corporelles simples par négligence.

Le lien de causalité entre le comportement de Dr X.__ et les lésions avait été rompu au moment de la prise en charge de l’intimée par le Dr F.__ ; seules les lésions antérieures à l’intervention de ce dernier – c’est-à-dire l’opération et ses séquelles – pouvaient dès lors être imputées à Dr X.__, et non pas les atteintes consécutives à la chimiothérapie.

 

TF

L’art. 125 CP réprime le comportement de celui qui, par négligence, aura fait subir à une personne une atteinte à l’intégrité corporelle ou à la santé. La réalisation de cette infraction suppose ainsi la réunion de trois conditions : l’existence de lésions corporelles, une négligence et un lien de causalité entre la négligence et les lésions.

Une infraction de résultat, qui suppose en général une action, peut aussi être commise par omission si l’auteur est resté passif au mépris d’une obligation d’agir (cf. art. 11 CP). Reste passif en violation d’une obligation d’agir celui qui n’empêche pas la mise en danger ou la lésion d’un bien juridique protégé par la loi pénale bien qu’il y soit tenu à raison de sa situation juridique. La loi énumère plusieurs sources pouvant fonder une position de garant, à savoir la loi, un contrat, une communauté de risques librement consentie ou la création d’un risque (art. 11 al. 2 CP). N’importe quelle obligation juridique ne suffit pas. Il faut qu’elle ait découlé d’une position de garant, c’est-à-dire que l’auteur se soit trouvé dans une situation qui l’obligeait à ce point à protéger un bien déterminé contre des dangers indéterminés (devoir de protection), ou à empêcher la réalisation de risques connus auxquels des biens indéterminés étaient exposés (devoir de surveillance), que son omission peut être assimilée au fait de provoquer le résultat par un comportement actif (cf. art. 11 al. 2 et 3 CP; ATF 141 IV 249 consid. 1.1 p. 251 s.; 134 IV 255 consid. 4.2.1 p. 259 s. et les références).

 

Le TF admet le recours de l’assuré, annule le jugement cantonal et renvoie la cause à la Cour des assurances du Tribunal cantonal vaudois.

Il faut qu’il existe un rapport de causalité entre la violation fautive du devoir de prudence et les lésions de la victime. En cas de violation du devoir de prudence par omission, il faut procéder par hypothèse et se demander si l’accomplissement de l’acte omis aurait, selon le cours ordinaire des choses et l’expérience de la vie, évité la survenance du résultat qui s’est produit, pour des raisons en rapport avec le but protecteur de la règle de prudence violée. Pour l’analyse des conséquences de l’acte supposé, il faut appliquer les concepts généraux de la causalité naturelle et de la causalité adéquate (ATF 134 IV 255 consid. 4.4.1 p. 265 et les arrêts cités). L’existence de cette causalité dite hypothétique suppose une très grande vraisemblance; autrement dit, elle n’est réalisée que lorsque l’acte attendu ne peut pas être inséré intellectuellement dans le raisonnement sans en exclure, très vraisemblablement, le résultat (ATF 116 IV 182 consid. 4a p. 185). La causalité adéquate est ainsi exclue lorsque l’acte attendu n’aurait vraisemblablement pas empêché la survenance du résultat ou lorsqu’il serait simplement possible qu’il l’eût empêché (arrêt 6B_1165/2015 du 20 avril 2016 consid. 2.2.1 et les références).

 

Il y a rupture de ce lien de causalité adéquate, l’enchaînement des faits perdant sa portée juridique, si une autre cause concomitante – par exemple une force naturelle, le comportement de la victime ou celui d’un tiers – propre au cas d’espèce constitue une circonstance tout à fait exceptionnelle ou apparaît si extraordinaire que l’on ne pouvait pas s’y attendre. Cependant, cette imprévisibilité de l’acte concurrent ne suffit pas en soi à interrompre le lien de causalité adéquate. Il faut encore que cet acte ait une importance telle qu’il s’impose comme la cause la plus probable et la plus immédiate de l’événement considéré, reléguant à l’arrière-plan tous les autres facteurs qui ont contribué à amener celui-ci, notamment le comportement de l’auteur (ATF 134 IV 255 consid. 4.4.2 p. 265 s.; 133 IV 158 consid. 6.1 p. 168 et les références).

 

En l’espèce, la causalité naturelle est établie. En effet, selon le cours ordinaire des choses et l’expérience générale de la vie, le fait d’étiqueter correctement le flacon contenant les prélèvements effectués sur Mme Z aurait permis, avec un haut degré de probabilité, d’éviter qu’il ne fût réutilisé, et ce, même dans l’hypothèse où il aurait été laissé abandonné sur le chariot; dans un tel cas de figure, il n’aurait très vraisemblablement pas été rangé dans le tiroir parmi les autres tubes non encore utilisés. Même à supposer que tel eût été le cas, il ne faisait nul doute qu’au moment où la Dresse D.__ aurait eu à prendre un tube vierge dans le tiroir pour y placer les ponctions de sa propre patiente, elle aurait alors remarqué que celui-ci avait déjà été utilisé et ne s’en serait pas servie pour y placer les prélèvements de l’intimée, évitant ainsi tout mélange des ponctions, et par là même tout diagnostic erroné chez sa patiente ainsi que toutes les interventions médicales ultérieures et les conséquences qui leur furent associées.

 

En outre, même si la probabilité que l’oubli d’étiqueter un tube aboutisse à des conséquences aussi dramatiques était relativement ténue, cette négligence était néanmoins propre à entraîner, ou à tout le moins à favoriser, le résultat du genre de celui qui s’est produit. Cela est de nature à fonder la causalité adéquate. En tant que l’omission initiale reprochée à Dr X.__ et figurant dans l’acte d’accusation est la causalité naturelle et adéquate des lésions de l’intimée, toute discussion sur le complément de l’acte d’accusation en lien avec une lecture inattentive du rapport du laboratoire à réception des échantillons devient vaine.

 

 

Le TF rejette le recours du Dr X.__.

 

Arrêt 6B_877/2015 consultable ici : http://bit.ly/2aUdt9g

 

 

1B_63/2016 (f) du 08.06.2015 – Surveillance téléphonique – Mesures de surveillance secrètes / 269 ss CPP

Arrêt du Tribunal fédéral 1B_63/2016 (f) du 08.06.2015

 

Consultable ici : http://bit.ly/290cTEI

 

Surveillance téléphonique – Mesures de surveillance secrètes / 269 ss CPP

 

TF

Selon l’art. 269 al. 1 CPP, le ministère public peut ordonner la surveillance de la correspondance par poste et télécommunication aux conditions suivantes : de graves soupçons laissent présumer que l’une des infractions visées à l’alinéa 2 a été commise (let. a); cette mesure se justifie au regard de la gravité de l’infraction (let. b); les mesures prises jusqu’alors dans le cadre de l’instruction sont restées sans succès ou les recherches n’auraient aucune chance d’aboutir ou seraient excessivement difficiles en l’absence de surveillance (let. c). Seules les infractions visées par le catalogue exhaustif de l’art. 269 al. 2 CPP peuvent justifier une surveillance; parmi celles-ci figurent les infractions réprimées à l’art. 19 al. 2 de la loi fédérale du 3 octobre 1951 sur les stupéfiants et les substances psychotropes (LStup; RS 812.121; art. 269 al. 2 let. f CPP).

De manière générale, le Tribunal fédéral a rappelé que des abus n’étaient pas exclus dans les cas d’application des normes permettant des mesures de surveillance secrète, notamment téléphonique. Seul un contrôle par une autorité judiciaire, par le biais tout d’abord d’une procédure d’autorisation, puis la possibilité d’un recours ultérieur par la personne concernée (ATF 140 I 381 consid. 4.5.1 p. 390 s.) assurent les garanties nécessaires et adéquates à cet égard (ATF 140 I 353 consid. 8.7.2.3 p. 376 et les arrêts cités). Cette procédure (autorisation judiciaire, puis éventuel recours) se justifie en raison de la grave atteinte à la sphère privée que constitue ce type de mesure (art. 13 al. 1 Cst.; sur cette disposition, ATF 140 I 381 consid. 4.1 p. 383 s., 353 consid. 8.3 p. 369 s.).

 

Le CPP s’inscrit parfaitement dans ce souci d’éviter des abus. Ainsi, ce type de surveillance est soumis à l’autorisation du Tmc (art. 272 al. 1 CPP). Puis, au plus tard lors de la clôture de la procédure préliminaire, le ministère public communique au prévenu ainsi qu’au tiers qui ont fait l’objet d’une surveillance au sens de l’art. 270 let. b CPP, les motifs, le mode et la durée de la surveillance (art. 279 al. 1 CPP). Selon l’alinéa 3 de cette même disposition, les personnes dont le raccordement de télécommunication ou l’adresse postale ont été surveillés ou celles qui ont utilisé le même raccordement ou la même adresse postale peuvent interjeter recours conformément aux art. 393 à 397 CPP; le délai de recours commence à courir dès la réception de la communication.

En tant qu’autorité d’autorisation (art. 272 al. 2, 273 al. 2 et 274 CPP), le Tmc est ainsi appelé à vérifier l’existence de graves soupçons au sens de l’art. 269 al. 1 let. a CPP. Lors de cet examen, il n’a cependant pas à procéder à une pesée complète des éléments à charge et à décharge. Il doit uniquement examiner, si, au vu des éléments ressortant alors de la procédure, il existe des indices sérieux de culpabilité justifiant la mesure requise et procède donc à un examen de la qualification juridique des faits sous l’angle de la vraisemblance (ATF 141 IV 459 consid. 4.1 p. 461).

Selon la doctrine, la gravité des soupçons au sens de l’art. 269 al. 1 let. a CPP doit atteindre celle requise pour la mise en détention provisoire (cf. art. 221 al. 1 CPP [« fortement soupçonné », « dringend verdächtig », « gravemente indiziato »]; MARC JEAN-RICHARD-DIT-BRESSEL, in Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, Art. 196-457 StPO, 2e éd. 2014, n° 34 ad art. 269 CPP; FRANZ RIKLIN, StPO Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2e éd. 2014, n° 4 ad remarques préliminaires ad art. 269-298d CPP et n° 1 ad art. 269 CPP; NIKLAUS SCHMID, Praxiskommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2e éd. 2013, n° 6 ad art. 269 CPP; JEANNERET/KUHN, Précis de procédure pénale, 2013, n. 14094; MOREILLON/PAREIN-REYMOND, Petit commentaire, Code de procédure pénale, 2013, n° 6 ad art. 269 CPP; ZUFFEREY/BACHER, in Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, 2011, n° 8 ad art. 269 CPP). Selon HANSJAKOB, le degré de gravité devrait cependant être moins élevé s’agissant d’une mesure de surveillance que celui exigé pour une détention, dès lors que les éléments obtenus lors de la première mesure peuvent permettre le prononcé de la seconde (THOMAS HANSJAKOB, in DONATSCH/HANSJAKOB/ LIEBER, Kommentar zur Schweizerischen Strafprozessordnung (StPO), 2e éd. 2014, n° 19 ad art. 269 CPP).

L’intensité des charges propres à motiver notamment un maintien en détention n’est pas la même aux divers stades de l’instruction pénale; ainsi, dans les premiers temps de l’enquête, des soupçons encore peu précis peuvent être suffisants (ATF 137 IV 122 consid. 3.2 p. 126 s.; arrêts 1B_56/2016 du 7 mars 2016 consid. 2.1; 1B_352/2015 du 27 octobre 2015 consid. 2.2 et les arrêts cités). Tel n’est cependant pas le cas de vagues suspicions ne se fondant sur aucun motif objectif; en outre, les charges doivent être objectivement fondées et vérifiables (ZUFFEREY/BACHER, op. cit., n° 8 ad art. 269 CPP). Il n’est en revanche pas nécessaire de prouver les éléments de la qualification déjà au moment de statuer sur l’admissibilité de la mesure (ATF 129 IV 188 consid. 3.2.3 p. 194 s.; arrêt 1B_425/2010 du 22 juin 2011 consid. 3.1). Il faut aussi tenir compte de la gravité de l’infraction examinée, de l’existence, le cas échéant, d’une décision judiciaire préalable relative à de tels soupçons, ainsi que de l’avancée depuis lors de l’instruction (arrêt 1B_230/2013 du 26 juillet 2013 consid. 5.1.2).

Pour effectuer ce contrôle, le Tmc se fondera en particulier sur la demande du ministère public, l’ordre de surveillance de ce dernier, un exposé des motifs et les actes déterminants du dossier (cf. art. 274 al. 1 let. a et b CPP). La requête contiendra notamment une – courte – description de l’état de fait, l’indication de l’infraction poursuivie et des circonstances fondant les graves soupçons (JEAN-RICHARD-DIT-BRESSEL, op. cit., n° 5 ad art. 274 CPP; HANSJAKOB, op. cit., n° 4 ad art. 274 CPP; RIKLIN, op. cit., n° 2 ad art. 274 CPP; MOREILLON/PAREIN-REYMOND, op. cit., n° 4 ad art. 274 CPP; NIKLAUS OBERHOLZER, Grundzüge des Strafprozessrechts, 3e éd. 2012, n° 1199 p. 424; ZUFFEREY/BACHER, op. cit., n° 5 ad art. 274 CPP). Elle exposera de plus les démarches entreprises au cours de l’enquête, en particulier celles restées sans succès (cf. art. 269 al. 1 let. c CPP; OBERHOLZER, op. cit., n° 1199 p. 424; ZUFFEREY/BACHER, op. cit., n° 5 ad art. 274 CPP).

Quant aux actes déterminants que doit fournir le ministère public au Tmc, il peut s’agir de pièces à conviction au sens de l’art. 192 CPP (JEAN-RICHARD-DIT-BRESSEL, op. cit., n° 35 ad art. 269 CPP; ZUFFEREY/ BACHER, op. cit., n° 6 ad art. 274 CPP; ALEXIS SCHMOCKER, in Commentaire romand, Code procédure pénale, 2011, n° 9 ad art. 221 CPP, auteur citant en matière de détention provisoire une arrestation en flagrant délit, des aveux a priori crédibles, des empreintes digitales et/ou ADN). La doctrine mentionne aussi des rapports de police et/ou des notes du ministère public (JEAN-RICHARD-DIT-BRESSEL, op. cit., n° 5 ad art. 274 CPP), voire même des éléments recueillis au cours des premières 24 heures de surveillance (ZUFFEREY/BACHER, op. cit., n° 6 ad art. 274 CPP). L’établissement des graves soupçons peut aussi se fonder sur les déclarations de témoins, de parties (art. 104 CPP), d’autres participants (art. 105 CPP), ainsi que de collaborateurs des autorités pénales (JEAN-RICHARD-DIT-BRESSEL, op. cit., n° 35 ad art. 269 CPP; ZUFFEREY/BACHER, op. cit., n° 8 ad art. 269 CPP et n° 6 ad art. 274 CPP).

Il ne faut cependant pas perdre de vue que les déclarations de parties ou de témoins peuvent manquer d’objectivité (ZUFFEREY/ BACHER, op. cit., n° 8 ad art. 269 CPP). Dès lors, la seule affirmation – notamment d’une partie – sans indication de source ou sans avoir le caractère spécifique de témoignage n’est en principe pas suffisante (JEAN-RICHARD-DIT-BRESSEL, op. cit., n° 35 ad art. 269 CPP). Il en va de même de simples spéculations, de rumeurs ou de suppositions générales (arrêt 1B_516/2011 du 17 novembre 2011 consid. 2.1; JONAS WEBER, in Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, Art. 196-457 StPO, 2e éd. 2014, n° 7 ad art. 197 CPP).

Une appréciation plus nuancée est envisageable s’agissant des éléments relevés par la police dans ses rapports. En effet, il arrive que ceux-ci ne puissent pas être davantage étayés, notamment afin de protéger, provisoirement ou durablement, l’identité de certains informateurs; l’utilisation de telles informations n’en est pas pour autant exclue si celles-ci semblent objectivement plausibles au vu des circonstances entourant l’enquête (HANSJAKOB, op. cit., n° 3 ad art. 274 CPP).

 

En vertu du principe de proportionnalité (art. 197 al. 1 let. c et d et 269 al. 1 let. b CPP), la mesure de surveillance doit encore être adéquate et poursuivre un intérêt public; elle doit ainsi être susceptible d’obtenir des résultats concrets. Les circonstances d’espèce sont dès lors déterminantes pour examiner la gravité de l’infraction; à cet égard, il n’est pas en soi suffisant que celle-ci figure dans le catalogue de l’art. 269 al. 2 CPP. La surveillance est ainsi admissible si, objectivement et subjectivement, elle se justifie au regard de la nature du bien juridiquement protégé atteint par l’acte punissable, la mise en danger de ce dernier, la gravité de la lésion, le mode opératoire utilisé, l’énergie criminelle déployée et/ou les mobiles de l’auteur (ATF 141 IV 459 consid. 4.1 p. 461 s.).

 

Enfin, une surveillance ne peut être autorisée que si elle respecte le principe de subsidiarité (art. 269 al. 1 let. c CPP). Celui-ci présuppose notamment que l’autorité examine d’abord si une autre mesure moins incisive peut atteindre le résultat recherché (ultima ratio; ATF 141 IV 459 consid. 4.1 p. 462).

 

 

Arrêt 1B_63/2016 consultable ici : http://bit.ly/290cTEI

 

 

6B_165/2015 (f) du 01.06.2016 – destiné à la publication – Grand excès de vitesse – Délit de chauffard – 90 al. 3 LCR – 90 al. 4 LCR / Eléments subjectifs de l’infraction à l’art. 90 al. 3 et 4 LCR – Changement de jurisprudence

Arrêt du Tribunal fédéral 6B_165/2015 (f) du 01.06.2016, destiné à la publication

 

Consultable ici : http://bit.ly/28PGq3l

 

Grand excès de vitesse – Délit de chauffard / 90 al. 3 LCR – 90 al. 4 LCR

Eléments subjectifs de l’infraction à l’art. 90 al. 3 et 4 LCR / Changement de jurisprudence

 

Le dimanche 16.06.2013 à 12h05, X.__ a circulé sur la route de Thonon, en direction de Genève, à la vitesse de 110 km/h alors que la vitesse était limitée à 50 km/h sur ce tronçon, commettant ainsi un dépassement de la vitesse autorisée de 54 km/h après déduction de la marge de sécurité de 6 km/h.

Dans le cas d’espèce, la question est de savoir si l’infraction est systématiquement réalisée sur le plan subjectif lorsque l’un des seuils de dépassement de vitesse fixés par l’art. 90 al. 4 LCR est atteint.

 

TF

L’art. 90 al. 3 LCR punit d’une peine privative de liberté d’un à quatre ans, celui qui, par une violation intentionnelle des règles fondamentales de la circulation, accepte de courir un grand risque d’accident pouvant entraîner de graves blessures ou la mort, que ce soit en commettant des excès de vitesse particulièrement importants, en effectuant des dépassements téméraires ou en participant à des courses de vitesse illicites avec des véhicules automobiles.

A teneur de l’art. 90 al. 4 LCR, l’al. 3 est toujours applicable lorsque la vitesse maximale autorisée a été dépassée: d’au moins 40 km/h, là où la limite était fixée à 30 km/h (let. a); d’au moins 50 km/h, là où la limite était fixée à 50 km/h (let. b); d’au moins 60 km/h, là où la limite était fixée à 80 km/h (let. c); d’au moins 80 km/h, là où la limite était fixée à plus de 80 km/h (let. d).

L’art. 90 al. 3 et 4 LCR, entré en vigueur le 1 er janvier 2013, consacre une troisième catégorie d’infraction aux règles de la circulation routière sous la forme d’un crime (cf. l’art. 90 al. 1 LCR constituant une contravention et l’art. 90 al. 2 LCR un délit).

Sur le plan subjectif, l’art. 90 al. 3 LCR déroge à l’art. 100 ch. 1 LCR et limite la punissabilité à l’intention. Celle-ci doit porter sur la violation des règles fondamentales de la circulation routière ainsi que sur le risque d’accident pouvant entraîner de graves blessures ou la mort (cf. Message du 9 mai 2012 concernant l’initiative populaire  » Protection contre les chauffards « , FF 2012 5067 ch. 3.3; PHILIPPE WEISSENBERGER, Kommentar Strassenverkehrsgesetz und Ordnungsbussengesetz: mit Änderungen nach Via Sicura, 2 e éd. 2015, n° 58 s. ad art. 90 LCR et références citées).

Si l’on comprend sans ambiguïté du texte légal que l’atteinte de l’un des seuils énumérés à l’al. 4 constitue toujours un cas d’excès de vitesse particulièrement important au sens de l’art. 90 al. 3 LCR, le libellé de l’al. 4 n’est pas absolument clair s’agissant des autres conditions de réalisation de l’infraction.

Il résulte de l’interprétation historique de l’art. 90 al. 3 et 4 LCR qu’en cas de dépassement de vitesse particulièrement important, le juge est lié par la définition d’un chauffard et ne peut que constater la réalisation des éléments objectifs de l’infraction, quelles que soient les circonstances. S’il apparaît que le législateur a également souhaité fortement restreindre le pouvoir d’appréciation du juge quant aux éléments subjectifs de l’infraction, celui-ci en conserve une partie (cf.  » pas laissée à la  seule appréciation du juge « ) et doit s’assurer que l’auteur a agi intentionnellement ou du moins par dol éventuel.

Du point de vue systématique, il sied de relever que l’art. 90 al. 3 LCR limite expressément la punissabilité à l’intention, ce en dérogation à l’art. 100 ch. 1, 1ère phrase, LCR. Quant à l’art. 90 al. 4 LCR, il ne contient ni énoncé de fait légal ni sanction et dépend dès lors directement de l’al. 3. Dans la mesure où l’al. 4 ne saurait trouver application de manière autonome, une lecture globale de l’art. 90 al. 3 et 4 LCR s’impose. Dans ce sens, HANS GIGER qualifie l’art. 90 al. 3 LCR de norme principale contenant tant une clause générale que des conditions subjectives et voit dans l’art. 90 al. 4 LCR une norme subordonnée concrétisant un cas d’application de l’al. 3, sans toutefois contenir de condition subjective (HANS GIGER, SVG, Kommentar, 8e éd. 2014, n° 39 s. ad art. 90 LCR [ci-après: Kommentar]; LE MÊME, Z ur Entemotionalisierung der Raserproblematik: Kritik an der verfehlten Neuregelung in der Strassenverkehrsgesetzgebung, Jusletter du 4 mars 2013, n° 23 [ci-après: Jusletter]).

Cette interdépendance des normes plaide en faveur d’un examen des conditions subjectives dans chaque cas de figure mentionné de manière exemplative à l’al. 3 (notamment le dépassement de vitesse particulièrement important au sens de l’al. 4) comme pour les autres comportements susceptibles d’être couverts par la disposition, ce à l’instar des autres infractions intentionnelles de la LCR (art. 100 ch. 1, 1ère phrase, LCR  a contrario).

Par ailleurs, si l’art. 90 al. 4 LCR dépend de l’al. 3, il n’est pas exclu que l’al. 3 trouve application de manière autonome lors d’un dépassement de vitesse important inférieur aux valeurs indicatives de l’al. 4. Dans ce sens, certains auteurs estiment qu’un tel dépassement peut, selon les circonstances, constituer une violation grave qualifiée des règles de la circulation en vertu de l’art. 90 al. 3 LCR (CÉDRIC MIZEL, Le délit de chauffard et sa répression pénale et administrative, PJA 2013 189, p. 196, lequel, pour illustrer son propos, mentionne l’exemple d’un excès de vitesse de 40 km/h sur un tronçon limité à 50 km/h à la pause de midi, devant une école, à proximité d’un bus scolaire d’où descendent des enfants en courant; JÜRG BOLL, Verkehrsstrafrecht nach der Via Sicura, Circulation routière 4/2014, p. 7).

Cela étant, il n’y a pas de raison qu’un conducteur commettant un dépassement de vitesse particulièrement important appréhendé par l’al. 4 soit traité différemment, sous l’angle de l’intention, que celui commettant un excès de vitesse particulièrement dangereux du point de vue des circonstances ou un dépassement téméraire au sens de l’al. 3.

En conséquence, du point de vue de la cohérence législative, le simple renvoi de l’art. 90 al. 4 LCR à l’al. 3 ne permet pas non plus de s’affranchir de la question de la réalisation des aspects subjectifs de l’infraction lors d’un dépassement particulièrement important de la limitation de vitesse.

 

L’art. 90 al. 3 et 4 LCR érige au rang de crime la violation grave qualifiée intentionnelle d’une règle de la circulation routière en la punissant d’une peine privative de liberté de un à quatre ans. Le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur (art. 47 al. 1, 1ère phrase, CP); la culpabilité étant déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (art. 47 al. 2 CP). Du point de vue subjectif, outre les motivations et les buts de l’auteur, l’intensité de sa volonté délictuelle doit être prise en compte (cf. ATF 141 IV 61 consid. 6.1.1 p. 66 s.). Or la détermination de l’intensité de la volonté délictuelle dépend du caractère intentionnel de l’acte. Aussi, la fixation de la peine dans le cadre légal fixé par l’art. 90 al. 3 et 4 LCR implique nécessairement l’examen des éléments subjectifs de l’infraction, la culpabilité étant une composante de la peine.

De manière quasi unanime, la doctrine considère qu’au regard des principes de droit pénal et constitutionnels, le « délit de chauffard » appréhendé par l’art. 90 al. 3 LCR ne saurait se résumer à la seule constatation d’un excès de vitesse particulièrement important au sens de l’al. 4; la réalisation des conditions subjectives demeurant nécessaire dans un tel cas de figure. Une partie de la doctrine déduit de la formulation de l’art. 90 al. 4 LCR, qu’en cas de dépassement d’un des seuils énumérés aux let. a-d, seules les conditions objectives de l’art. 90 al. 3 LCR sont réalisées.

Certains auteurs illustrent, au regard des principes de culpabilité et de punissabilité, la nécessité d’examiner le caractère intentionnel de la violation grave qualifiée des règles de la circulation routière en envisageant diverses situations. Ils évoquent notamment l’hypothèse d’une défaillance technique du véhicule (dysfonctionnement des freins ou du tempomat) ou d’une pression extérieure (prise d’otage, menaces). Quelques auteurs mentionnent l’hypothèse d’une conduite d’urgence à l’hôpital. Il est également fait état de situations dans lesquelles la limitation de vitesse était improbable sur le tronçon concerné ou difficilement reconnaissable.

Aucune méthode d’interprétation de l’art. 90 al. 3 et 4 LCR ne permet de retenir l’existence d’une présomption légale irréfragable en faveur de la réalisation des conditions subjectives de l’al. 3 en cas d’excès de vitesse visé à l’al. 4 let. a-d. En effet, par son texte et sa définition, l’art. 90 al. 3 et 4 LCR part de l’idée que chaque dépassement de la vitesse maximale au sens de l’al. 4 constitue une violation grave qualifiée intentionnelle des règles de la circulation routière, sans toutefois poser de présomption irréfragable. La volonté claire et expresse du législateur vise à punir sévèrement les dépassements importants de la limitation de vitesse au sens de l’art. 90 al. 4 LCR, et de restreindre le pouvoir d’appréciation du juge quant à la définition du chauffard et à la peine, étant précisé que l’intention doit être donnée. L’interprétation systématique de la disposition impose l’examen, par le juge, de la réalisation de l’aspect subjectif de l’infraction. De même, l’approche téléologique exclut l’existence d’une présomption irréfragable selon laquelle un excès de vitesse particulièrement important au sens de l’art. 90 al. 4 LCR relèverait nécessairement de l’intention.

Au regard de la jurisprudence publiée rendue à ce jour et afin de garantir une certaine sécurité juridique, notamment en lien avec les répercussions administratives d’une violation grave qualifiée à la LCR, il y a lieu de retenir que celui qui commet un excès de vitesse appréhendé par l’art. 90 al. 4 LCR commet objectivement une violation grave qualifiée des règles de la circulation routière au sens de l’art. 90 al. 3 LCR et réalise en principe les conditions subjectives de l’infraction. Du point de vue subjectif, il sied de partir de l’idée qu’en commettant un excès de vitesse d’une importance telle qu’il atteint les seuils fixés de manière schématique à l’art. 90 al. 4 LCR, l’auteur a, d’une part, l’intention de violer les règles fondamentales de la circulation et accepte, d’autre part, de courir un grand risque d’accident pouvant entraîner de graves blessures ou la mort (cf. ATF 140 IV 133 consid. 4.2.1 p. 138 et 139 IV 250 consid. 2.3.1 p. 253).

En effet, il faut considérer que l’atteinte d’un des seuils visés à l’art. 90 al. 4 LCR implique généralement l’impossibilité d’éviter un grand risque d’accident en cas d’obstacle ou de perte de maîtrise du véhicule. Cependant, compte tenu des résultats des différentes approches historique, systématique et téléologique, il ne peut être exclu que certains comportements soient susceptibles de réaliser les conditions objectives de la violation grave qualifiée des règles de la circulation routière sans toutefois relever de l’intention. Conformément à l’avis unanime de la doctrine, le juge doit conserver une marge de manœuvre, certes restreinte, afin d’exclure, dans des constellations particulières, la réalisation des conditions subjectives lors d’un dépassement de vitesse particulièrement important au sens de l’art. 90 al. 4 LCR.

Partant, la jurisprudence publiée ayant trait aux conditions d’application de l’art. 90 al. 3 et 4 LCR est précisée dans le sens de ce qui précède.

 

 

Arrêt 6B_165/2015 consultable ici : http://bit.ly/28PGq3l

 

Autre article à ce sujet : Communiqué de presse du TF

 

 

NB : je ne peux que conseiller au praticien de lire l’arrêt – riche de détails – dans son intégralité.

 

 

6B_756/2015 (f) du 03.06.2016 – destiné à la publication – Entrave aux mesures de constatation de l’incapacité de conduire – 91a al. 1 LCR / Après un accident les chauffeurs doivent toujours s’attendre à être soumis à alcootest

Arrêt du Tribunal fédéral 6B_756/2015 (f) du 03.06.2016, destiné à la publication

 

Consultable ici : http://bit.ly/28PFXxX

Communiqué de presse du TF, 23.06.2016 : http://bit.ly/28SuqAg

 

 

Entrave aux mesures de constatation de l’incapacité de conduire / 91a al. 1 LCR

Après un accident les chauffeurs doivent toujours s’attendre à être soumis à alcootest

 

Le Tribunal fédéral précise sa jurisprudence relative aux circonstances justifiant une condamnation pour entrave aux mesures de constatation de l’incapacité de conduire. A la suite des modifications législatives intervenues ces dernières années, les conducteurs de véhicules à moteur impliqués dans un accident doivent toujours s’attendre à être soumis à un alcootest. Une exception est envisageable lorsque l’accident est indubitablement imputable à une cause totalement indépendante du conducteur.

 

En 2014, un conducteur vaudois est entré en collision avec un sanglier. Après l’accident, il a bu 20 millilitres d’un médicament à forte teneur en alcool (Carmol). Il a ensuite circulé sur une centaine de mètres avant d’arrêter sa voiture sur un sentier et d’appeler la gendarmerie. Il a été reconnu coupable d’entrave aux mesures de constatation de l’incapacité de conduire, au motif que sa consommation d’alcool après l’accident a rendu impossible la constatation de l’alcoolémie au moment déterminant, et condamné à une peine pécuniaire assortie du sursis ainsi qu’à une amende.

Le Tribunal fédéral rejette le recours de l’intéressé. En vertu de la loi sur la circulation routière, se rend coupable d’entrave aux mesures de constatation de l’incapacité de conduire notamment le conducteur d’un véhicule automobile qui s’oppose ou se dérobe intentionnellement à un contrôle de l’alcoolémie. Tel peut être le cas lorsqu’un conducteur viole son obligation d’aviser la police ou lorsque, comme en l’espèce, il consomme de l’alcool après l’accident. Jusqu’à présent la jurisprudence soumettait une condamnation pour entrave aux mesures de constatation de l’incapacité de conduire à la suite d’un accident à la condition que le conducteur ait dû s’attendre avec une haute vraisemblance à ce qu’une mesure visant à établir son alcoolémie soit ordonnée. Le Tribunal fédéral précise sa jurisprudence dans le sens que les conducteurs doivent désormais après un accident toujours s’attendre à ce qu’un alcootest soit ordonné. Une exception n’est envisageable que si l’accident est indubitablement imputable à une cause totalement indépendante du conducteur. Cette modification de la jurisprudence est la conséquence de l’évolution au cours de ces dernières années de la législation relative aux contrôles de l’alcoolémie. Cette évolution étend le champ des situations dans lesquelles des mesures destinées à déterminer l’alcoolémie des usagers de la route peuvent être ordonnées. Les conducteurs peuvent maintenant être soumis à des tests préliminaires pour déterminer s’il y a eu consommation d’alcool même en l’absence d’indices indiquant qu’ils sont pris de boisson. La police peut procéder à de tels tests de manière systématique.

 

 

Arrêt 6B_756/2015 consultable ici : http://bit.ly/28PFXxX

Communiqué de presse du TF, 23.06.2016 : http://bit.ly/28SuqAg

 

 

6B_165/2015 (f) du 01.06.2016 – destiné à la publication – Changement de jurisprudence en lien avec le comportement de chauffard / 90 al. 3 LCR – 90 al. 4 LCR

Arrêt du Tribunal fédéral 6B_165/2015 (f) du 01.06.2016, destiné à la publication

 

Consultable ici : http://bit.ly/28PGq3l

Communiqué de presse du TF, 22.06.2016 : http://bit.ly/28P3TFh

 

 

Changement de jurisprudence en lien avec le comportement de chauffard / 90 al. 3 LCR – 90 al. 4 LCR

 

Le Tribunal fédéral modifie sa jurisprudence relative au « comportement de chauffard » en vigueur depuis 2013. Tout dépassement particulièrement important des limitations de vitesse fixées dans la disposition topique ne réalise pas nécessairement l’infraction. Certes, il sied de partir en règle générale de l’idée qu’en commettant un tel excès de vitesse l’auteur agit avec intention. Toutefois, contrairement à ce que retient un précédent arrêt du Tribunal fédéral, le juge doit conserver une marge de manœuvre restreinte afin d’exclure, dans des circonstances particulières, l’existence d’un comportement intentionnel.

 

Dans le cadre du programme d’action pour plus de sécurité sur les routes « Via sicura », des nouvelles dispositions en lien avec les délits de chauffard ont été introduites en 2013 dans la loi sur la circulation routière (article 90 alinéas 3 et 4 LCR). Ces dispositions érigent au rang de crime la violation grave qualifiée des règles de circulation, lors de dépassements de la vitesse maximale autorisée atteignant certains seuils (au moins 40 km/h pour une vitesse maximale de 30 km/h; 50 km/h pour une vitesse maximale de 50 km/h; 60 km/h pour une vitesse maximale de 80 km/h et 80 km/h pour une vitesse maximale de plus de 80 km/h). Dans ces cas, le permis de conduire est retiré pour une durée minimale de deux ans et la sanction pénale s’élève à minimum un an de peine privative de liberté.

Dans le cas concret, un conducteur automobile du canton de Genève a dépassé de 54 km/h la limitation de vitesse signalée à 50 km/h. Il a été condamné à une peine privative de liberté d’un an avec sursis en application de l’article 90 alinéas 3 et 4 LCR. Il allègue devant le Tribunal fédéral, ne pas avoir agi intentionnellement en commettant l’excès de vitesse. Ainsi, au lieu d’être condamné pour délit de chauffard, il devait, selon lui, être condamné pour violation grave des règles de la circulation routière, à une peine pécuniaire avec sursis.

Le Tribunal fédéral rejette le recours, tout en modifiant sa jurisprudence. Selon un précédent arrêt du Tribunal fédéral (arrêt 1C_397/2014, communiqué de presse du 23 décembre 2014), il faut nécessairement considérer qu’en cas d’excès de vitesse particulièrement important constituant un « comportement de chauffard », le conducteur agit intentionnellement et réalise donc les conditions de l’infraction. Une telle appréciation de la norme, selon laquelle, en vertu d’une présomption légale irréfragable, le comportement est nécessairement intentionnel, ne saurait être suivie. Certes, il sied de partir en règle générale de l’idée que le conducteur qui commet un excès de vitesse tel qu’il constitue un « comportement de chauffard » agit avec intention. Toutefois, il ne peut être exclu que certains dépassements de vitesse particulièrement importants impliquant un « comportement de chauffard » ne relèvent pas de l’intention du conducteur, de sorte que le délit de chauffard n’est pas réalisé. Le juge doit ainsi conserver une marge de manœuvre restreinte afin d’exclure, dans des circonstances particulières, le comportement intentionnel de l’auteur. De telles circonstances ne ressortent pas du cas concret. Le changement de jurisprudence résulte d’une interprétation complète de la disposition topique. Les approches fondées sur le texte de la norme, sur sa genèse, sur la systématique légale et le but et l’esprit du « comportement de chauffard » ont été prises en compte, ainsi que les critiques émises par la doctrine à l’égard de l’approche retenue dans l’arrêt rendu précédemment par le Tribunal fédéral. Une procédure d’échange de vues a été mise en œuvre entre les cours intéressées du Tribunal fédéral pour clarifier la présente question juridique (en vertu de l’article 23 de la loi sur le Tribunal fédéral).

 

 

Arrêt 6B_165/2015 consultable ici : http://bit.ly/28PGq3l

Communiqué de presse du TF, 22.06.2016 : http://bit.ly/28P3TFh

 

 

Création d’une cour d’appel au sein du Tribunal pénal fédéral : Renforcer la protection juridictionnelle dans la procédure pénale fédérale

Renforcer la protection juridictionnelle dans la procédure pénale fédérale

 

Communiqué de presse du Conseil fédéral, 17.06.2016, consultable ici : http://bit.ly/1Xtkwsd

 

Le Conseil fédéral propose la création d’une cour d’appel au sein du Tribunal pénal fédéral. Cette nouvelle institution permettrait de renforcer la protection des justiciables dans les cas relevant de la juridiction fédérale, en permettant que deux instances indépendantes puissent réexaminer ces cas en fait et en droit. Tel est l’objet du message additionnel adopté ce vendredi par le gouvernement.

Le Tribunal pénal fédéral statue sur les affaires pénales qui relèvent des autorités non pas cantonales mais fédérales de poursuite pénale. Ses arrêts peuvent aujourd’hui faire l’objet d’un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral. Cependant, le Tribunal fédéral peut contrôler l’application du droit, mais il reste tenu par l’appréciation des faits des juges ayant rendu l’arrêt de première instance.

En exécution d’une motion de Claude Janiak, député au Conseil des Etats, le Conseil fédéral avait proposé en 2013 d’étendre le pouvoir d’examen du Tribunal fédéral afin de renforcer la protection des justiciables. Dans les affaires pénales, les juges de Mon-Repos auraient eu, selon ce texte, la possibilité d’examiner sans limite d’aucune sorte les faits incriminés. Le Parlement a cependant renvoyé ce projet au Conseil fédéral, en lui demandant d’élaborer une nouvelle modification de loi, pour confier plutôt le rôle de juridiction d’appel à une cour indépendante du Tribunal pénal fédéral, cour encore à créer. Le message additionnel concernant la modification de la loi sur le Tribunal fédéral, adopté aujourd’hui, est la réponse à ce mandat.

 

Principe de la double instance au niveau fédéral

Avec l’entrée en vigueur du code de procédure pénale, en 2011, le législateur a mis en place un système de double instance dans les cantons : une infraction pénale peut être jugée en fait et en droit par deux tribunaux indépendants. La création d’une cour d’appel au Tribunal pénal fédéral réalise aussi ce principe au niveau fédéral, ce qui améliore la protection des justiciables. C’est particulièrement important dans les procédures complexes dont le Tribunal pénal fédéral a généralement à traiter. La décision de la cour d’appel pourra encore être attaquée par un recours en matière pénale au Tribunal fédéral. Celui-ci pourra examiner l’application du droit mais il sera en principe tenu par la constatation des faits opérée par l’instance inférieure.

 

Communiqué de presse du Conseil fédéral, 17.06.2016, consultable ici : http://bit.ly/1Xtkwsd

Message additionnel concernant la modification de la loi sur le Tribunal fédéral (Création d’une cour d’appel au Tribunal pénal fédéral) : http://bit.ly/1tu1Lbt

Projet 1, Loi fédérale sur l’organisation des autorités pénales de la Confédération (Loi sur l’organisation des autorités pénales, LOAP) : http://bit.ly/1USzqVd

Projet 2, Ordonnance de l’Assemblée fédérale portant modification de l’ordonnance sur les juges et de l’ordonnance sur les postes de juge au Tribunal pénal fédéral : http://bit.ly/1Yx8eOD

 

 

6B_876/2015 (f) du 02.05.2016 – destiné à la publication – Concours entre le délit de chauffard de l’art. 90 al. 3 LCR et la mise en danger de l’art. 129 CP

Arrêt du Tribunal fédéral 6B_876/2015 (f) du 02.05.2016, destiné à la publication

 

Consultable ici : http://bit.ly/1TxMsHj

 

Concours entre le délit de chauffard de l’art. 90 al. 3 LCR et la mise en danger de l’art. 129 CP

Réparation du tort moral pour détention dans des conditions illicites – 431 CPP – 5 par. 5 CEDH

 

Faits

Le 01.09.2013, vers 3h00, X.__ n’a pas obtempéré aux injonctions d’arrêt d’un agent de police dans le cadre d’un contrôle de circulation et a pris la fuite. Un signalement du véhicule a été diffusé sur les ondes. Peu après, une patrouille de police a repéré la voiture ; malgré des ordres clairs d’arrêt des policiers, X.__ a poursuivi sa route. Peu après, il a failli percuter une deuxième voiture de police qui barrait l’avenue de Lavaux afin de l’arrêter. Une course-poursuite a alors été entamée. Tout au long du trajet urbain, X.__ n’a pas respecté de nombreux panneaux « stop » et « cédez-le passage », a franchi plusieurs giratoires à contresens et a circulé à une allure nettement supérieure aux 50 km/h prescrits, la police constatant notamment des pointes à 100 km/h.

La même nuit, vers 3h55, la voiture conduite par X.__ a été repérée et a été prise en chasse. X.__ a ensuite accéléré jusqu’à une vitesse de 180 km/h, dans Lausanne, et, franchissant plusieurs feux rouges et effectuant des dépassements téméraires, forçant d’autres usagers de la route à effectuer des manœuvres d’évitement d’urgence. Une voiture de police s’est mise en travers de la chaussée de manière à lui bloquer le passage. Une tentative d’évitement et un début de freinage in extremis ne l’ont pas empêché de percuter violemment le véhicule. X.__ a alors pris la fuite à pied sans se soucier du sort des occupants du véhicule de police. Il a été rattrapé et s’est encore débattu, tentant de prendre la fuite.

 

Procédure cantonale

La cour cantonale a relevé que, par son comportement, X.__ avait manifestement mis en danger les autres usagers de la route en roulant à des vitesses nettement supérieures à la limite autorisée, que ce soit en ville de Lausanne ou sur la route de Berne. Le danger de mort provoqué par le prévenu à l’encontre des agents de police qui tentaient de l’intercepter n’entrait pas dans les prévisions de l’art. 90 al. 3 LCR. En effet, au moment où il avait mis en danger la vie de ces agents de police en percutant violemment le véhicule qui cherchait à l’intercepter, X.__ n’avait pas agi comme chauffard, mais comme fugitif, prêt à prendre tous les risques pour éviter d’être appréhendé. Il s’agissait d’un comportement illicite qui tombait sous le coup de l’art. 129 CP et entrait en concours réel avec les mises en danger des autres usagers de la route dont X.__ s’était rendu coupable durant la course-poursuite qui avait précédé son interpellation.

Statuant le 11.06.2015 (http://bit.ly/1WJTnkj), la Cour d’appel pénale du Tribunal cantonal vaudois a rejeté l’appel de X.__ et confirmé le jugement du 12.02.2015 rendu par le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne.

 

TF

Mise en danger de la vie d’autrui (art. 129 CP)

L’art. 129 CP punit d’une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d’une peine pécuniaire celui qui, sans scrupules, aura mis autrui en danger de mort imminent. Cette infraction suppose la réunion de trois éléments, à savoir la mise d’autrui dans un danger de mort imminent, la conscience de ce fait et l’absence de scrupules.

Le danger au sens de l’art. 129 CP suppose un risque concret de lésion, c’est-à-dire un état de fait dans lequel existe, d’après le cours ordinaire des choses, la probabilité ou un certain degré de possibilité que le bien juridique soit lésé, sans toutefois qu’un degré de probabilité supérieur à 50 % soit exigé (ATF 121 IV 67 consid. 2b p. 70). Il doit en outre s’agir d’un danger de mort, et non pas seulement d’un danger pour la santé ou l’intégrité corporelle (ATF 133 IV 1 consid. 5.1 p. 8). Enfin, il faut que le danger soit imminent. La notion d’imminence n’est toutefois pas aisée à définir. Elle implique en tout cas, outre la probabilité sérieuse de la réalisation du danger concret, un élément d’immédiateté qui se caractérise moins par l’enchaînement chronologique des circonstances que par le lien de connexité direct unissant le danger et le comportement de l’auteur. L’immédiateté disparaît ou s’atténue lorsque s’interposent ou surviennent des actes ou d’autres éléments extérieurs (ATF 106 IV 12 consid. 2a p. 14; arrêt 6B_88/2014 du 10 novembre 2014 consid. 3.1).

Du point de vue subjectif, il faut que l’auteur ait agi intentionnellement et que l’acte ait été commis sans scrupules (sur cette condition, voir ATF 114 IV 103 consid. 2a p. 108). L’auteur doit avoir conscience du danger de mort imminent pour autrui et adopter volontairement un comportement qui le crée (ATF 121 IV 67 consid. 2d p. 75 in fine). En revanche, il ne veut pas, même à titre éventuel, la réalisation du risque, sans quoi il s’agirait d’une tentative d’homicide (ATF 107 IV 163 consid. 3 p. 165). Le dol éventuel ne suffit pas (arrêt 6B_307/2013 du 13 juin 2013 consid. 4.1).

 

Violation grave qualifiée des règles de la circulation routière (art. 90 al. 3 LCR)

Aux termes de l’art. 90 al. 3 LCR, celui qui, par une violation intentionnelle des règles fondamentales de la circulation, accepte de courir un grand risque d’accident pouvant entraîner de graves blessures ou la mort, que ce soit en commettant des excès de vitesse particulièrement importants, en effectuant des dépassements téméraires ou en participant à des courses de vitesse illicites avec des véhicules automobiles, est puni d’une peine privative de liberté d’un à quatre ans. Cette disposition est toujours applicable lorsque la vitesse maximale autorisée a été dépassée d’au moins 40 km/h là où la limite était fixée à 30 km/h, d’au moins 50 km/h là où la limite était fixée à 50 km/h, d’au moins 60 km/h là où la limite était fixée à 80 km/h et d’au moins 80 km/h là où la limite était fixée à plus de 80 km/h (art. 90 al. 4 LCR).

 

Concours entre le délit de chauffard de l’art. 90 al. 3 LCR et la mise en danger de l’art. 129 CP

La question du concours entre le délit de chauffard de l’art. 90 al. 3 LCR et la mise en danger de l’art. 129 CP ne s’est pas encore posée devant le Tribunal fédéral. Certains auteurs considèrent que l’art. 90 al. 3 LCR peut être vu comme le pendant de l’art. 129 CP et prime donc cette dernière disposition dans le domaine de la circulation routière (DÉLÈZE/DUTOIT, Le « délit de chauffard » au sens de l’art. 90 al. 3 LCR: éléments constitutifs et proposition d’interprétation, in PJA 2013 p. 1202 ss, p. 1214; ANDRÉ BUSSY ET AL., Code suisse de la circulation routière commenté, 2015, ch. 6.3 let. b ad. art. 90 LCR; YVAN JEANNERET, Via sicura: le nouvel arsenal pénal, in Circulation routière 2/2013 p. 31 ss, p. 40). Une autre partie de la doctrine est d’avis que l’art. 129 CP absorbe l’art. 90 al. 3 LCR mais qu’un concours réel demeure possible lorsque la mise en danger concerne encore d’autres usagers de la route (PHILIPPE WEISSENBERGER, Kommentar Strassenverkehrgesetz und Ordnungsbussengesetz, 2ème édition, 2015, n° 181 ad art. 90 LCR; GEHRARD FIOLKA, in Balser Kommentar SVG, 2014, n° 192 ad art. 90 LCR). Cette question n’a pas besoin d’être tranchée en l’espèce.

Dans le cas d’espèce, il n’est pas contesté qu’au cours de la course-poursuite, X.__ s’est rendu coupable de violation grave qualifiée des règles de la circulation routière. Les excès de vitesse qui lui sont reprochés, ainsi que les autres infractions au code de la route, commis en partie en zone urbaine, étaient propres à provoquer un accident mortel et ont ainsi mis concrètement en danger la vie des autres usagers de la route. Ces actes sont ainsi couverts par l’art. 90 al. 3 LCR.

En revanche, l’épisode où X.__ a percuté violemment le véhicule de la police et s’est enfui sans se soucier du sort des passagers constitue une infraction distincte, basée sur un état de fait différent. A ce stade, seuls les agents étaient la cible de X.__; par la collision et la fuite qui s’en est suivie, X.__ a mis en danger de mort imminent les policiers qui cherchaient à l’intercepter, et non plus les autres usagers de la route. L’on se trouve ainsi en présence d’un concours réel d’infractions: le délit de chauffard, qui couvre manifestement les actes commis durant la course-poursuite, n’englobe pas la mise en danger des agents de police qui résulte de la collision et de la fuite. Comme l’a relevé à juste titre la cour cantonale, les exemples donnés à l’art. 90 al. 3 LCR (excès de vitesse particulièrement importants, dépassements téméraires ou courses de vitesse illicites) démontrent en effet que le législateur a voulu sanctionner des actes de conduite gravement dangereux; or, le danger de mort provoqué par X.__ à l’encontre des agents n’entre pas dans les prévisions de cette disposition.

 

Réparation du tort moral pour détention dans des conditions illicites

Aux termes de l’art. 431 al. 1 CPP, si le prévenu a, de manière illicite, fait l’objet de mesures de contrainte, l’autorité pénale lui alloue une juste indemnité et réparation du tort moral. L’art. 5 par. 5 CEDH prévoit que toute personne victime d’une détention dans des conditions contraires aux dispositions de cet article a droit à réparation. Cette disposition n’octroie pas au recourant de garanties plus étendues que celles découlant de l’art. 431 CPP et ne lui accorde en particulier pas le droit de choisir le mode de dédommagement.

S’agissant du mode et de l’étendue de l’indemnisation fondée sur les art. 429 ss CPP, il n’est pas exclu de s’inspirer des règles générales des art. 41 ss CO (cf. ATF 140 I 246 consid. 2.6 p. 251). Ces dispositions accordent au juge un large pouvoir d’appréciation, que le Tribunal fédéral ne revoit qu’avec retenue (cf. ATF 137 III 303 consid. 2.2.2 p. 309 s.; arrêt 6B_111/2012 du 15 mai 2012 consid. 4.2; arrêt 6B_437/2014 du 29 décembre 2014 consid. 3). En vertu de l’art. 43 CO, une réparation en nature n’est pas exclue (HEIERLI/ SCHNYDER, in Basler Kommentar OR, 2011, n° 4 ad art. 43 CO). Une réparation en nature est déjà pratiquée par la jurisprudence en cas de violation du principe de la célérité. Le Tribunal fédéral considère alors, comme les retards de procédure ne peuvent être guéris, qu’il y a lieu de tenir compte de la violation du principe de la célérité sur le plan de la peine en réduisant celle-ci (ATF 133 IV 158 consid. 8 p. 170).

En l’espèce, contrairement à ce qu’affirme X.__, le choix du type d’indemnisation ne lui appartient pas, le mode et l’étendue de la réparation étant laissés à l’appréciation du juge. En l’occurrence, les juges cantonaux n’ont pas excédé leur pouvoir d’appréciation en considérant que la restitution de la liberté constituait le meilleur moyen de réparer le tort subi par X.__ et en décidant ainsi de diminuer la durée de la peine, ce qui correspond à une indemnisation en nature. Ce faisant, ils se sont visiblement inspirés de la solution adoptée par le législateur à l’art. 431 al. 2 CPP en cas de durée excessive de la détention provisoire, qui prévoit en premier lieu l’imputation de la détention sur les sanctions prononcées. Le mode de réparation choisi par la cour cantonale échappe par conséquent à la critique.

 

 

Arrêt 6B_876/2015 consultable ici : http://bit.ly/1TxMsHj

 

 

6B_1061/2014 (d) du 18.04.2016 – Indemnisation pour perte d’emploi à la suite d’une procédure pénale en cas d’acquittement

Arrêt du Tribunal fédéral 6B_1061/2014 (d) du 18.04.2016, proposé à la publication

 

Consultable ici : http://bit.ly/1NlBAgk

 

Indemnisation pour perte d’emploi à la suite d’une procédure pénale en cas d’acquittement

Communiqué de presse du TF, 06.05.2016 : http://bit.ly/1OgIUoB

Lorsque le prévenu est acquitté, les autorités pénales doivent en principe réparer le dommage que l’intéressé a subi du fait de la perte de son emploi comme conséquence de la procédure pénale. Encore faut-il que le licenciement soit imputable aux autorités pénales. Tel n’est pas le cas dans une affaire concernant un enseignant du canton de Zoug qui a été licencié par l’autorité scolaire sur la base d’un simple soupçon après l’ouverture d’une procédure pour abus sexuels sur une écolière.

 

En 2009, la mère d’une écolière a dénoncé à la police un enseignant du canton de Zoug, l’accusant d’avoir abusé sexuellement de sa fille à plusieurs reprises et de l’avoir violée à une occasion. Après l’ouverture d’une procédure pénale pour abus sexuels et viol, et la mise en détention provisoire du prévenu, l’autorité scolaire a tout d’abord suspendu l’enseignant de ses fonctions en août 2009 pour quatre mois, puis a finalement résilié les rapports de travail. En 2013, le prévenu a été intégralement acquitté par le Tribunal pénal du canton de Zoug. Le Tribunal pénal a rejeté ses prétentions en indemnisation liées à la perte de son emploi et la Cour d’appel du canton de Zoug a confirmé cette décision.

Le Tribunal fédéral rejette le recours de l’intéressé. Les autorités pénales sont certes en principe tenu, en cas d’acquittement complet ou partiel, de réparer l’intégralité du dommage que la personne a subi à la suite de la procédure pénale. Cela inclut également le dommage économique découlant de la perte d’un emploi. Cela suppose toutefois que les autorités pénales puissent être tenues responsables du licenciement d’un point de vue juridique (« lien de causalité adéquate »). Il n’existe aucune responsabilité des autorités pénales lorsque le licenciement a été causé par le comportement inattendu et fautif d’une autre autorité. Dans le cas d’espèce, le Tribunal administratif zougois est parvenu à la conclusion que le licenciement de l’intéressé par l’autorité scolaire était injustifié et constituait une résiliation fondée sur un soupçon illicite. Ce comportement contraire au droit de l’autorité scolaire n’était pas imputable aux autorités pénales, qui ne pouvaient pas s’y attendre. Au contraire devait-on plutôt attendre de l’autorité scolaire qu’elle agisse avec circonspection et prudence malgré la situation difficile. Selon le cours ordinaire des choses et l’expérience de la vie, l’enquête pénale contre l’intéressé n’était pas propre, à elle seule, à occasionner son licenciement. Dans la présente procédure le Tribunal fédéral avait uniquement à juger une responsabilité éventuelle des autorités pénales.

 

 

Arrêt 6B_1061/2014 consultable ici : http://bit.ly/1NlBAgk

Communiqué de presse du TF, 06.05.2016 : http://bit.ly/1OgIUoB

 

 

6B_41/2015 (f) du 29.01.2016 – Excès de vitesse – Infraction qualifiée aux règles de la circulation routière – 90 al. 3 et 4 LCR / Fixation de la peine – 47 CP / Combinaison d’une peine privative de liberté et d’une peine pécuniaire

Arrêt du Tribunal fédéral 6B_41/2015 (f) du 29.01.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/21bHiCi

 

Excès de vitesse – Infraction qualifiée aux règles de la circulation routière – 90 al. 3 et 4 LCR

Fixation de la peine – 47 CP

Peine privative de liberté vs peine pécuniaire

Combinaison d’une peine privative de liberté et d’une peine pécuniaire

 

Le 08.01.2013 à 12h05, X.__ circulait à une vitesse de 141 km/h, marge de sécurité déduite, commettant ainsi un excès de vitesse de 61 km/h. Les faits se sont déroulés par beau temps, hors localité sur une route principale qui était sèche, d’une largeur de 6 mètres et dépourvue de trottoir. La route était pourvue d’une ligne de direction médiane et de lignes en bordure. Des clôtures et bornes routières longeaient la chaussée. Quelques bâtiments se situaient du côté droit de la route, mais aucun du côté gauche. Il n’y avait aucun véhicule devant celui de X.__.

Sur appel du Ministère public, la Cour suprême du canton de Berne a condamné X.__ à une peine privative de liberté de 11 mois avec sursis, le délai d’épreuve étant fixé à 2 ans et à une amende additionnelle de 1’200 fr., la peine privative de liberté de substitution étant fixée à 30 jours en cas de non-paiement fautif.

 

TF

Selon l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

Pour fixer la peine, le juge dispose d’un large pouvoir d’appréciation. Il y a toutefois violation du droit fédéral lorsque le juge sort du cadre légal, se fonde sur des critères étrangers à l’art. 47 CP, omet de prendre en considération des éléments d’appréciation prévus par cette disposition ou, enfin, si la peine qu’il prononce est exagérément sévère ou clémente au point de constituer un abus du pouvoir d’appréciation (ATF 136 IV 55 consid. 5.6 p. 61; 134 IV 17 consid. 2.1 et les références citées).

Selon l’art. 42 al. 4 CP, le juge peut prononcer, en plus d’une peine assortie du sursis, une peine pécuniaire sans sursis ou une amende selon l’art. 106 CP. Le Tribunal fédéral s’est prononcé sur cette combinaison de sanctions dans deux arrêts de principe auxquels il peut être renvoyé (ATF 134 IV 1 et 134 IV 60). En cas de peines combinées au sens de l’art. 42 al. 4 CP, l’amende ne peut pas conduire à une aggravation de la peine ou au prononcé d’une sanction supplémentaire. Si une peine combinée est justifiée, les deux sanctions considérées ensemble doivent correspondre à la gravité de la faute (ATF 134 IV 53 consid. 5.2 p. 55 s.; arrêt 6B_61/2010 du 27 juillet 2010 consid. 5.2).

Une peine pécuniaire, qui atteint l’intéressé dans son patrimoine, constitue une sanction plus clémente qu’une peine privative de liberté, qui l’atteint dans sa liberté personnelle (ATF 134 IV 97 consid. 4.2.2 p. 101 s.; arrêt 6B_210/2010 du 8 juin 2010 consid. 2.2). La peine privative de liberté assortie du sursis constitue, de par la loi, une peine plus lourde que la peine pécuniaire ferme, quand bien même la première apparaît généralement plus légère aux yeux du condamné et de la collectivité (cf. Message du 21 septembre 1998 concernant la modification du code pénal suisse, FF 1999 1856).

En application de l’art. 42 al. 4 CP, la cour cantonale a prononcé une peine additionnelle, fixée à un douzième de la peine globale et l’a déduite de la peine privative de liberté. Elle a divisé la quotité globale de 12 mois en une peine privative de liberté de 11 mois additionnée à 30 jours-amende à 40 fr. l’unité.

Si la cour cantonale a diminué la quotité de la peine privative de liberté du nombre de jours-amende afin d’éviter une aggravation de celle-ci, conformément à la jurisprudence rendue en lien avec l’art. 42 al. 4 CP, elle a toutefois prononcé une peine inférieure au minimum légal sans pour autant retenir de motifs d’atténuation. La combinaison d’une peine privative de liberté de 11 mois avec sursis et d’une peine pécuniaire de 30 jours-amende est plus favorable que la peine privative de liberté d’une année prévue par l’art. 90 al. 3 LCR, ce indépendamment de la perception du condamné. Par conséquent, la cour cantonale est sortie du cadre légal et a ainsi violé le droit fédéral.

 

Le TF admet le recours du Ministère public du canton de Berne, modifie le jugement cantonal condamnant l’intéressé à une peine privative de liberté d’un an avec sursis, le délai d’épreuve étant fixé à 2 ans.

 

 

Arrêt 6B_41/2015 consultable ici : http://bit.ly/21bHiCi

 

 

6B_237/2015 (f) du 16.02.2016 – In dubio pro reo – 10 CPP – 32 al. 1 Cst. / Excès de vitesse filmé par le conducteur et posté sur YouTube / Contestations quant au détenteur du véhicule et conducteur au moment des faits balayées par le TF

Arrêt du Tribunal fédéral 6B_237/2015 (f) du 16.02.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2188v8N

 

In dubio pro reo / 10 CPP – 32 al. 1 Cst.

Excès de vitesse filmé par le conducteur et posté sur YouTube

Contestations quant au détenteur du véhicule et conducteur au moment des faits balayées par le TF

 

 

Entre le 23.06.2010 et le 21.01.2011, X.__ a circulé à 220 km/h à bord de son véhicule VW Golf R 300 HP, alors que la vitesse était limitée à 80 km/h. Tout en roulant à cette vive allure, le prévenu avait filmé son exploit et posté la vidéo sur internet. Ensuite de la découverte de cette vidéo, la gendarmerie fribourgeoise avait dénoncé X__ le 21.12.2011.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 01.04.2014, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de l’Est vaudois a condamné X.__, pour infraction grave aux règles de la circulation routière, à une peine de quinze mois d’emprisonnement avec sursis durant cinq ans.

La Cour d’appel pénale du Tribunal cantonal vaudois a rejeté son appel et admis partiellement l’appel du ministère public (jugement du 24.09.2014)

 

TF

Détenteur du véhicule filmé

Les instances inférieurs ont admis que la voiture filmée était celle du recourant en se fondant sur les éléments suivants: le véhicule figurant dans la présentation vidéo était celui du recourant; le montage vidéo avait été fait par ses soins; le recourant avait reconnu que le compte Youtube dont l’identifiant était « Z.__ », sur lequel la vidéo avait été postée, était le sien; il avait fait des déclarations confuses; le titre de la vidéo postée sur Youtube correspondait exactement au modèle de sa voiture, une Golf R 300 HP; le compteur filmé était identique à celui équipant son véhicule; le recourant était un usager de la route de Berne, là où l’on savait que l’excès de vitesse avait eu lieu; au moment où l’excès de vitesse le plus significatif passait à l’écran, s’inscrivait une phrase en portugais, langue maternelle du recourant; le recourant avait répondu aux critiques et remarques des internautes concernant la vidéo en utilisant le « je »; il vouait un culte à son véhicule (il l’avait présenté sous tous les angles lors du montage vidéo, il avait racheté le leasing de cette voiture pour un montant de 25’000 fr., afin de l’amener au Portugal comme véhicule de vacances alors que son salaire était modeste et qu’il avait une famille à charge).

 

Conducteur du véhicule incriminé

Selon la jurisprudence, le conducteur d’un véhicule automobile ne saurait se voir condamner à une infraction de la loi fédérale sur la circulation routière que s’il est établi à satisfaction de droit qu’il est bien l’auteur de cette infraction. Autrement dit, le juge ne peut prononcer une telle condamnation que s’il a acquis la conviction que c’est bien l’intéressé qui a enfreint les règles de la circulation. Lorsqu’une infraction a été dûment constatée, sans cependant que son auteur puisse être identifié, l’autorité ne saurait se borner à présumer que le véhicule était piloté par son détenteur (ATF 106 IV 142 consid. 3 p. 143; ATF 105 Ib 114 consid. 1a p. 117 en matière de retrait du permis de conduire).

Lorsque l’auteur d’une infraction constatée ne peut être identifié sur-le-champ, le juge peut certes, dans un premier temps, partir de l’idée que le détenteur du véhicule en question en était aussi le conducteur au moment critique. Mais dès lors que cette version est contestée par l’intéressé, il lui appartient d’établir sa culpabilité sur la base de l’ensemble des circonstances, sans franchir les limites de l’arbitraire. S’il arrive à la conclusion que le détenteur, malgré ses dénégations, est bien le conducteur fautif, la condamnation est fondée (ATF 106 IV 142 consid. 3 p. 143). Il ne suffit pas au détenteur d’invoquer le droit au silence ou le droit de ne pas s’auto-incriminer pour échapper à une sanction lorsque sa culpabilité n’est pas douteuse. Lorsque le prévenu fait des déclarations contradictoires, il ne peut invoquer la présomption d’innocence pour contester les conclusions défavorables que le juge a, le cas échéant, tirées de ses déclarations (arrêt 6B_316/2014 du 23 juillet 2014 consid. 2.2; 6B_562/2010 du 28 octobre 2010 consid. 2.1.2).

La cour cantonale a retenu que c’était le véhicule du recourant que l’on voyait au début du film et que c’était le même type de véhicule à qui l’on faisait franchir des vitesses massivement excessives. Le recourant avait un devoir de s’expliquer, mais pour toute réponse il s’était limité à fournir des explications confuses et contradictoires. Le recourant était coutumier de la vitesse; il avait utilisé sa langue maternelle lors de l’excès de vitesse le plus caractérisé; il avait répondu aux commentaires postés sur Youtube en s’appropriant les faits; il vouait une véritable fascination pour son véhicule et dans cette logique seule sa voiture pouvait être mise en scène, car il ne s’agissait pas de faire de la publicité pour la marque VW mais bien de faire envie aux autres en se mettant en avant; le recourant habitait à Y.__ et restait un habitué de la route de Berne.

La cour cantonale s’est fondée sur une série d’indices pour établir qu’il était l’auteur de l’infraction. Elle n’a en conséquence pas violé les règles régissant le fardeau de la preuve en confirmant la culpabilité du recourant, en se fondant d’une part sur la présomption de fait qui identifie le conducteur au détenteur et d’autre part sur l’ensemble des circonstances.

 

Le TF rejette le recours.

 

 

Arrêt 6B_237/2015 consultable ici : http://bit.ly/2188v8N