6B_237/2015 (f) du 16.02.2016 – In dubio pro reo – 10 CPP – 32 al. 1 Cst. / Excès de vitesse filmé par le conducteur et posté sur YouTube / Contestations quant au détenteur du véhicule et conducteur au moment des faits balayées par le TF

Arrêt du Tribunal fédéral 6B_237/2015 (f) du 16.02.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2188v8N

 

In dubio pro reo / 10 CPP – 32 al. 1 Cst.

Excès de vitesse filmé par le conducteur et posté sur YouTube

Contestations quant au détenteur du véhicule et conducteur au moment des faits balayées par le TF

 

 

Entre le 23.06.2010 et le 21.01.2011, X.__ a circulé à 220 km/h à bord de son véhicule VW Golf R 300 HP, alors que la vitesse était limitée à 80 km/h. Tout en roulant à cette vive allure, le prévenu avait filmé son exploit et posté la vidéo sur internet. Ensuite de la découverte de cette vidéo, la gendarmerie fribourgeoise avait dénoncé X__ le 21.12.2011.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 01.04.2014, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de l’Est vaudois a condamné X.__, pour infraction grave aux règles de la circulation routière, à une peine de quinze mois d’emprisonnement avec sursis durant cinq ans.

La Cour d’appel pénale du Tribunal cantonal vaudois a rejeté son appel et admis partiellement l’appel du ministère public (jugement du 24.09.2014)

 

TF

Détenteur du véhicule filmé

Les instances inférieurs ont admis que la voiture filmée était celle du recourant en se fondant sur les éléments suivants: le véhicule figurant dans la présentation vidéo était celui du recourant; le montage vidéo avait été fait par ses soins; le recourant avait reconnu que le compte Youtube dont l’identifiant était « Z.__ », sur lequel la vidéo avait été postée, était le sien; il avait fait des déclarations confuses; le titre de la vidéo postée sur Youtube correspondait exactement au modèle de sa voiture, une Golf R 300 HP; le compteur filmé était identique à celui équipant son véhicule; le recourant était un usager de la route de Berne, là où l’on savait que l’excès de vitesse avait eu lieu; au moment où l’excès de vitesse le plus significatif passait à l’écran, s’inscrivait une phrase en portugais, langue maternelle du recourant; le recourant avait répondu aux critiques et remarques des internautes concernant la vidéo en utilisant le « je »; il vouait un culte à son véhicule (il l’avait présenté sous tous les angles lors du montage vidéo, il avait racheté le leasing de cette voiture pour un montant de 25’000 fr., afin de l’amener au Portugal comme véhicule de vacances alors que son salaire était modeste et qu’il avait une famille à charge).

 

Conducteur du véhicule incriminé

Selon la jurisprudence, le conducteur d’un véhicule automobile ne saurait se voir condamner à une infraction de la loi fédérale sur la circulation routière que s’il est établi à satisfaction de droit qu’il est bien l’auteur de cette infraction. Autrement dit, le juge ne peut prononcer une telle condamnation que s’il a acquis la conviction que c’est bien l’intéressé qui a enfreint les règles de la circulation. Lorsqu’une infraction a été dûment constatée, sans cependant que son auteur puisse être identifié, l’autorité ne saurait se borner à présumer que le véhicule était piloté par son détenteur (ATF 106 IV 142 consid. 3 p. 143; ATF 105 Ib 114 consid. 1a p. 117 en matière de retrait du permis de conduire).

Lorsque l’auteur d’une infraction constatée ne peut être identifié sur-le-champ, le juge peut certes, dans un premier temps, partir de l’idée que le détenteur du véhicule en question en était aussi le conducteur au moment critique. Mais dès lors que cette version est contestée par l’intéressé, il lui appartient d’établir sa culpabilité sur la base de l’ensemble des circonstances, sans franchir les limites de l’arbitraire. S’il arrive à la conclusion que le détenteur, malgré ses dénégations, est bien le conducteur fautif, la condamnation est fondée (ATF 106 IV 142 consid. 3 p. 143). Il ne suffit pas au détenteur d’invoquer le droit au silence ou le droit de ne pas s’auto-incriminer pour échapper à une sanction lorsque sa culpabilité n’est pas douteuse. Lorsque le prévenu fait des déclarations contradictoires, il ne peut invoquer la présomption d’innocence pour contester les conclusions défavorables que le juge a, le cas échéant, tirées de ses déclarations (arrêt 6B_316/2014 du 23 juillet 2014 consid. 2.2; 6B_562/2010 du 28 octobre 2010 consid. 2.1.2).

La cour cantonale a retenu que c’était le véhicule du recourant que l’on voyait au début du film et que c’était le même type de véhicule à qui l’on faisait franchir des vitesses massivement excessives. Le recourant avait un devoir de s’expliquer, mais pour toute réponse il s’était limité à fournir des explications confuses et contradictoires. Le recourant était coutumier de la vitesse; il avait utilisé sa langue maternelle lors de l’excès de vitesse le plus caractérisé; il avait répondu aux commentaires postés sur Youtube en s’appropriant les faits; il vouait une véritable fascination pour son véhicule et dans cette logique seule sa voiture pouvait être mise en scène, car il ne s’agissait pas de faire de la publicité pour la marque VW mais bien de faire envie aux autres en se mettant en avant; le recourant habitait à Y.__ et restait un habitué de la route de Berne.

La cour cantonale s’est fondée sur une série d’indices pour établir qu’il était l’auteur de l’infraction. Elle n’a en conséquence pas violé les règles régissant le fardeau de la preuve en confirmant la culpabilité du recourant, en se fondant d’une part sur la présomption de fait qui identifie le conducteur au détenteur et d’autre part sur l’ensemble des circonstances.

 

Le TF rejette le recours.

 

 

Arrêt 6B_237/2015 consultable ici : http://bit.ly/2188v8N

 

 

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