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6B_999/2015+6B_1003/2015 (f) du 28.09.2016 – Homicide par négligence – 117 CP – Méningite chez un enfant / Règles de l’art médical – Violation du devoir de diligence du médecin

Arrêt du Tribunal fédéral 6B_999/2015+6B_1003/2015 (f) du 28.09.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2tYvddX

 

Homicide par négligence – 117 CP – Méningite chez un enfant

Règles de l’art médical – Violation du devoir de diligence du médecin

Négligence – 12 al. 3 CP – Causalité naturelle et adéquate

 

Le dimanche 10.05.2009, l’enfant D.__, née en 2008, a commencé à avoir de la fièvre dans le courant de la journée. Son état fébrile a perduré. Le lendemain (11.05.2009) vers 9h00, auscultation par son pédiatre : diagnostic d’infection des voies respiratoires supérieures avec début de laryngite et prescription d’un humidificateur pour la gorge et, en cas de fièvre, la prise de « méfenacid » et de « dafalgan ».

L’état fébrile a perduré. Le mercredi 13.05.2009, vers 9h15, l’enfant D.__ a eu des convulsions et a vomi ; elle a été amenée en urgence au cabinet du pédiatre où elle présentait un état hautement fébrile (40 °C), un état général diminué, des mouvements spastiques de l’hémiface gauche, avec des clignements de paupières à l’œil gauche, des mouvements tonico-cloniques des membres inférieur et supérieur gauches. Après de nouvelles convulsions, le pédiatre a fait appeler le Service mobile d’urgence et de réanimation (ci-après: SMUR). Dans son dossier, le pédiatre a indiqué les diagnostics d’otite moyenne aiguë gauche et de convulsions focales atypiques secondaires à une infection bactérienne. Il a également porté en marge de ces diagnostics les mentions « Méningite ? » « Abcès ? », sans néanmoins en faire part ni aux parents, ni au SMUR.

Admission le 13.05.2009 à 10h32 au service des urgences de l’hôpital. Aucun autre examen particulier complémentaire n’a été ordonné. Lors de son admission aux urgences, l’enfant D.__ était endormie. Sa fièvre était tombée à 38.5 °C. Quand elle s’est réveillée, environ 15 minutes plus tard, une paralysie de la commissure labiale gauche subsistait mais l’enfant bougeait le front et clignait les yeux. Le test de Glasgow était à 14.

L’enfant a été admise à 11h40 au Service de pédiatrie de l’hôpital, successivement sous la responsabilité de la Dresse Y.__, médecin cadre et superviseur, responsable des urgences pédiatriques, de la pédiatrie, de la salle d’accouchement et de la maternité, et Dresse X.__, médecin cheffe de clinique adjointe, ainsi que de trois médecins assistantes. Son hospitalisation dans le Service de pédiatrie a été décidée avec, comme diagnostic, « convulsions fébriles complètes avec récupération neurologique prolongée mais totale » et, comme soins, une surveillance de type « soins continus » (monitoring cardiaque et saturation de l’oxygène dans le sang) et un contrôle des paramètres vitaux « aux heures ».

Un avis au service de neuropédiatrie du CHUV a été demandé lors de deux contacts téléphoniques avec le chef de clinique au service de neuropédiatrie. Ce dernier a envisagé le diagnostic différentiel suivant: méningite, hémorragie intracrânienne, convulsions fébriles complexes sur infection extra neurologique et convulsion sur une malformation cérébrale décompensée par une infection extra neurologique. Il a recommandé, sur la base des éléments qui lui avaient été communiqués oralement, une surveillance de l’enfant et, en cas de crise ou de modification de son état, une alerte au service de neuropédiatrie du CHUV, ainsi qu’une consultation au CHUV dans un délai de 24 à 48 heures. Entendu par le procureur, ce médecin a déclaré qu’au vu de la lecture qui lui était faite du « dossier patient ambulatoire », postérieur aux deux entretiens téléphoniques, la récupération n’était pas totale mais montrait en plus une aggravation nette par rapport à l’état qui lui avait été décrit précédemment. Si on avait pris la peine de le rappeler, deux heures plus tard, la situation aurait selon lui été différente et il aurait fallu reconsidérer le diagnostic du matin. L’enfant aurait dû pouvoir bénéficier d’un transfert en soins intensifs de pédiatrie et d’une antibiothérapie.

A 15h30, l’enfant D.__ a vomi un biberon de lait. La Dresse X.__ a procédé à ce moment-là à un examen clinique neurologique complet de l’enfant, qu’elle a jugé rassurant. L’enfant ne présentait pas de signes focaux, pas d’asymétrie. L’état de conscience était maximal (Glasgow 15). Il n’y avait pas de signes méningés. La poursuite de la surveillance telle que précédemment a été prévue. A 16h30, l’enfant D.__ a encore vomi. La température corporelle de l’enfant était de 36 °C à 18h30.

Le jeudi 14.05.2009 vers 2h00, l’enfant D.__ a une nouvelle fois présenté des convulsions avec une asymétrie des mouvements et un hémicorps gauche inerte. La Dresse Y.__ a réalisé un examen neurologique qui a révélé des signes d’asymétrie pupillaire, des mouvements saccadés du membre supérieur droit, l’absence de mouvements à gauche et un trouble de l’état de conscience (Glasgow à 9/10). Un scanner cérébral, qui a pu être effectué vers 4h45, a mis en évidence des lésions cérébrales. Entre 5h30 et 6h00, la Dresse Y.__ a ordonné une nouvelle prise de sang et l’administration d’antibiotiques (Rocephin) à dose méningée.

Le jeudi 14.05.2009 vers 7h00, l’enfant D.__ a été transportée au CHUV. Dans la matinée, une craniectomie de décompression a été pratiquée, qui a permis de constater la présence d’une méningite importante avec la présence d’abcès. D.__ est décédée au CHUV dans la soirée du vendredi 15.05.2009 d’une méningo-encéphalite à pneumocoques.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 06.12.2013, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de La Côte a libéré les Dresses X.__ et Y.__ du chef d’accusation d’homicide par négligence.

Statuant le 09.03.2015 sur appel des parents ainsi que du Ministère public, la Cour d’appel du Tribunal cantonal du canton de Vaud a modifié le jugement précité et reconnu X.__ et Y.__ coupables d’homicide par négligence. Elle les a condamnées à une peine de 30 jours-amende avec sursis pendant deux ans – le montant du jour-amende étant fixé à 70 fr. pour X.__ et 100 fr. pour Y.__ – ainsi que, solidairement entre elles, au versement d’une indemnité pour tort moral de 30’000 fr. à chacun des deux parents.

 

 

TF

Règles de l’art médical

Le médecin ne viole son devoir de diligence que lorsqu’il pose un diagnostic ou choisit une thérapie ou une autre méthode qui, selon l’état général des connaissances professionnelles, n’apparaît plus défendable et ne satisfait ainsi pas aux exigences objectives de l’art médical (ATF 134 IV 175 consid. 3.2 p. 177; 130 IV 7 consid. 3.3 p. 12).

Les règles de l’art médical constituent des principes établis par la science médicale, généralement reconnus et admis, communément suivis et appliqués par les praticiens (ATF 133 III 121 consid. 3.1 p. 124).

Savoir si le médecin a violé son devoir de diligence est une question de droit; dire s’il existe une règle professionnelle communément admise, quel était l’état du patient et comment l’acte médical s’est déroulé relève du fait (ATF 133 III 121 consid. 3.1 p. 124).

Selon la jurisprudence, le juge apprécie en principe librement une expertise et n’est pas lié par les conclusions de l’expert. Toutefois, il ne peut s’en écarter que lorsque des circonstances ou des indices importants et bien établis en ébranlent sérieusement la crédibilité; il est alors tenu de motiver sa décision de ne pas suivre le rapport d’expertise. Inversement, si les conclusions d’une expertise judiciaire apparaissent douteuses sur des points essentiels, le juge doit recueillir des preuves complémentaires pour tenter de dissiper ses doutes. A défaut, en se fondant sur une expertise non concluante, il pourrait commettre une appréciation arbitraire des preuves et violer l’art. 9 Cst. (ATF 141 IV 369 consid. 6.1 p. 372 s.; 133 II 384 consid. 4.2.3 p. 391). La crédibilité d’une expertise est notamment ébranlée si l’expert ne répond pas aux questions qui lui sont posées, s’il ne motive pas ses conclusions, si ces dernières sont contradictoires ou si l’expertise est entachée de lacunes telles qu’elles sont reconnaissables sans connaissance spécifique (ATF 141 IV 369 consid. 6.1 p. 372 s.).

S’agissant des règles de l’art médical, à savoir les principes établis par la science médicale, généralement reconnus et admis, communément suivis et appliqués par les praticiens, il ressort du jugement entrepris que l’expert et les médecins ont relevé ce qui suit.

Selon l’expertise judiciaire, l’exclusion d’une méningite bactérienne dans le cadre de la médecine d’urgence pédiatrique relève de la plus grande priorité, elle est enseignée dans les universités ainsi que dans le cadre de la formation du médecin visant à devenir spécialiste en pédiatrie et est généralement reconnue nécessaire, comme mentionné dans la littérature. L’expert indique qu’un comportement prudent, visant la sécurité et cherchant à éviter le pire aurait exigé la prise des mesures d’urgence (formule sanguine, CRP, hémoculture, antibiotiques empiriques, CT/MR, éventuellement une ponction lombaire). Il ajoute qu’en cas de doute, un médecin expérimenté prend en considération le diagnostic le moins favorable, à savoir, in casu, la possibilité d’une méningite bactérienne. Compte tenu des paramètres vitaux anormaux, un monitoring continu au moyen d’un IMC ou un suivi en soins intensifs aurait été indiqué. L’expert ajoute qu’au plus tard après le deuxième épisode épileptique (à savoir le 14.05.2009 à 2h00), il aurait été urgemment indiqué de répéter les analyses de laboratoire, d’administrer immédiatement un antibiotique par intraveineuse. Il relève qu’en présence des résultats sanguins (leucocytes et CRP), l’administration empirique d’un antibiotique i.v. aurait dû avoir lieu. Aux débats, l’expert a précisé que c’était l’analyse de l’ensemble des symptômes qui donnait une indication à une thérapie empirique par antibiotiques, à quoi s’ajoutait encore l’âge du patient, ceux âgés de moins de 24 mois ayant un risque beaucoup plus élevé pour des infections bactériennes invasives. Pour cette raison, un traitement empirique était très important avant de poser un diagnostic précis et définitif.

D’après l’expertise, les mesures nécessaires ont été prises avec du retard et, dans la perspective de la prévention du « worst case scenario », pas dans le bon ordre. Il précise que l’antibiothérapie aurait dû intervenir plus tôt (que le 14.05.2009 vers 6h00), au plus tard après la prise de connaissance des résultats d’analyse de laboratoire du 13.05.2009. A la question de savoir si les réponses précédentes données conduisent à conclure qu’un devoir de diligence/des règles de l’art médical ont été violés, respectivement si cette violation a provoqué le décès de D.__, l’expert répond qu’une antibiothérapie i.v. se serait imposée dans le cas de D.__ compte tenu du fait que l’examen sanguin avait révélé des signes d’infection et d’un état de pré-choc, et cela même si elle n’avait pas eu de fièvre complexe. Selon lui, il y avait eu violation d’un devoir de diligence individuelle, compte tenu du fait que le diagnostic correct avait été évoqué a priori, mais n’avait finalement pas été investigué de manière conséquente, respectivement n’avait finalement pas été exclu. A la question de savoir par qui un devoir de diligence/des règles de l’art médical ont été violés, l’expert répond qu’on peut reprocher aux Dresses X.__ et Y.__ une violation du devoir de diligence compte tenu du fait qu’elles n’ont pas immédiatement investigué respectivement exclu la méningite bactérienne dont fait état le diagnostic différentiel.

Constatant que le diagnostic initial et différentiel était correct, l’expert a relevé une mésestimation de la gravité de la situation, ce qui a entraîné un retard dans la mise en route d’un traitement curatif.

En définitive, c’est sans arbitraire que la cour cantonale a retenu que les Dresses X.__ et Y.__ ne s’étaient pas conformées aux règles médicales.

 

Négligence – 12 al. 3 CP

L’art. 117 CP réprime le comportement de celui qui, par négligence, aura causé la mort d’une personne. La réalisation de cette infraction suppose ainsi la réunion de trois conditions: le décès d’une personne, une négligence et un lien de causalité naturel et adéquat entre la négligence et la mort (cf. ATF 122 IV 145 consid. 3 p. 147).

Selon la jurisprudence, la particularité de l’art médical réside dans le fait que le médecin doit, avec ses connaissances et ses capacités, tendre vers le résultat désiré, mais n’a pas l’obligation de l’atteindre ou même de le garantir. Les exigences que le devoir de prudence impose au médecin sont fonction des circonstances du cas d’espèce, notamment du genre d’intervention ou de traitement, des risques qui y sont liés, du pouvoir de jugement ou d’appréciation laissé au médecin, des moyens à disposition et de l’urgence de l’acte médical. La responsabilité pénale du médecin n’est pas limitée à la violation grave des règles de l’art médical. Il doit au contraire toujours soigner ses malades de façon appropriée et, en particulier observer la prudence imposée par les circonstances pour protéger leur vie ou leur santé. Par conséquent, le médecin répond en principe de tout manquement à ses devoirs (ATF 130 IV 7 consid. 3.3 p. 11 s. et les références citées).

La notion de manquement à ses devoirs ne doit cependant pas être comprise de telle manière que chaque acte ou omission qui, par un jugement a posteriori, aurait provoqué le dommage ou l’aurait évité, entrerait dans cette définition. Le médecin ne doit en principe pas répondre des dangers et des risques qui sont inhérents à tout acte médical ainsi qu’à toute maladie. Par ailleurs, l’état de la science médicale confère souvent une latitude de jugement au médecin, tant en ce qui concerne le diagnostic que les mesures thérapeutiques ou autres, ce qui permet de faire un choix parmi les différentes possibilités qui entrent en considération. Le médecin ne viole son devoir de diligence que lorsqu’il pose un diagnostic ou choisit une thérapie ou une autre méthode qui, selon l’état général des connaissances professionnelles, n’apparaît plus défendable et ne satisfait ainsi pas aux exigences objectives de l’art médical (ATF 134 IV 175 consid. 3.2 p. 177 s.; 130 IV 7 consid. 3.3 p. 12).

Même si le médecin dispose d’une grande latitude pour décider ce qu’il doit faire ou pas dans un cas particulier, les Dresses X.__ et Y.__ ont ici outrepassé leur marge d’appréciation en ne faisant pas tout ce qui était en leur pouvoir pour exclure le risque d’une méningite bactérienne, ce qui, dans un cas d’urgence pédiatrique comme en l’espèce, relevait de la plus grande priorité. Ainsi que le retient la cour cantonale, cela constitue une négligence fautive : le choix de l’inaction était indéfendable dès lors que les Dresses X.__ et Y.__ ne pouvaient ignorer que la méningite peut évoluer de manière foudroyante d’une part et que, d’autre part, les gestes salvateurs étaient faciles et sûrs (traitement par antibiotiques et/ou examens complémentaires).

Dans le cas d’espèce, compte tenu de l’expérience et des statuts de médecins-cadres des Dresses X.__ et Y.__, la cour cantonale n’a pas procédé à une mauvaise application du droit fédéral en considérant qu’elles avaient violé leur devoir de diligence, prenant un risque inexcusable, en attendant sans investiguer plus avant ou en n’administrant pas d’antibiotiques à D.__ lors de son admission au service pédiatrique.

 

Causalité

En cas de violation du devoir de prudence par omission, il faut procéder par hypothèse et se demander si l’accomplissement de l’acte omis aurait, selon le cours ordinaire des choses et l’expérience de la vie, évité la survenance du résultat qui s’est produit, pour des raisons en rapport avec le but protecteur de la règle de prudence violée. Pour l’analyse des conséquences de l’acte supposé, il faut appliquer les concepts généraux de la causalité naturelle et de la causalité adéquate (ATF 134 IV 255 consid. 4.4.1 p. 265 et les arrêts cités). L’existence de cette causalité dite hypothétique suppose une très grande vraisemblance; autrement dit, elle n’est réalisée que lorsque l’acte attendu ne peut pas être inséré intellectuellement dans le raisonnement sans en exclure, très vraisemblablement, le résultat (ATF 116 IV 182 consid. 4a p. 185). La causalité adéquate est ainsi exclue lorsque l’acte attendu n’aurait vraisemblablement pas empêché la survenance du résultat ou lorsqu’il serait simplement possible qu’il l’eût empêché (arrêt 6B_1165/2015 du 20 avril 2016 consid. 2.2.1 et les références citées).

L’expert judiciaire a relevé qu’il était plus que probable qu’en cas de diagnostic rapide de méningite bactérienne, le décès aurait pu être évité. Il apparaît que, selon le cours ordinaire des choses et l’expérience générale de la vie, dans l’hypothèse où les Dresses X.__ et Y.__ avaient administré d’emblée des antibiotiques à l’enfant D.__, il est très vraisemblable qu’elle n’aurait pas succombé à la méningite; de même, si une surveillance suffisante avait été mise en place dans l’après-midi et en soirée, cela aurait permis de procéder à des vérifications, d’administrer des antibiotiques, et d’éviter ainsi l’issue fatale. Le lien de causalité a dès lors été établi à satisfaction de droit.

 

Le TF rejette le recours des Dresses X.__ et Y.__.

 

 

Arrêt 6B_999/2015+6B_1003/2015 consultable ici : http://bit.ly/2tYvddX

 

 

6B_1199/2016 (d) du 04.05.2017- proposé à la publication – Un médecin-conseil est soumis au secret professionnel à l’égard de l’employeur

Arrêt du Tribunal fédéral 6B_1199/2016 (d) du 04.05.2017

 

Arrêt consultable ici : http://bit.ly/2qH5oMU

Communiqué de presse du TF du 22.05.2017 consultable ici : http://bit.ly/2q8NpN2

 

Un médecin-conseil est soumis au secret professionnel à l’égard de l’employeur / 321 CP

 

Un médecin-conseil à qui un employeur a fait appel est soumis au secret professionnel protégé par le droit pénal s’agissant de l’information sur le résultat de l’enquête concernant un travailleur. Sans autre autorisation du travailleur, le médecin-conseil peut s’exprimer uniquement sur l’existence, la durée et le degré de l’incapacité de travail, comme sur la question de savoir s’il s’agit d’une maladie ou d’un accident. Le Tribunal fédéral confirme la condamnation d’un médecin qui a également annoncé à l’employeur son diagnostic et d’autres détails sur le travailleur concerné.

 

Plusieurs incapacités de travail totales de l’employé ont été attestées par son médecin-traitant. Par la suite, la société l’employant a requis un examen d’un médecin-conseil.

Dans ce contexte, le travailleur a autorisé le médecin-conseil à rédiger un certificat médical à l’attention de son employeuse. Dans son rapport détaillé à l’employeuse, le médecin-conseil a aussi donné des informations sur la situation personnelle, professionnelle et financière du travailleur examiné et lui a dévoilé le diagnostic posé. La Cour suprême du canton de Zurich a condamné le médecin en 2016 pour violation du secret professionnel à une peine pécuniaire avec sursis.

Le Tribunal fédéral rejette le recours du médecin. Le médecin-conseil à qui l’employeur a fait appel doit disposer d’informations complètes sur l’état de santé de la personne à examiner, afin de remplir correctement la tâche qui lui est confiée. Le travailleur, qui est sollicité pour une telle enquête, doit pouvoir compter sur le fait que ces informations ne seront pas transmises sans autre à son employeur. Par conséquent, le médecin-conseil auquel l’employeur a fait appel est également soumis au secret professionnel, protégé par l’article 321 du Code pénal. Si et dans quelle mesure le médecin-conseil peut renseigner l’employeur dépend jusqu’à quel point il a été délié de son secret par le travailleur. Dans le cas particulier, le travailleur a autorisé le médecin à établir un certificat médical à l’attention de son employeuse. La Cour suprême est, à bon droit, partie du principe que l’article 328b du Code des obligations ne comprend que des données portant sur l’aptitude du travailleur à remplir son emploi ou à l’exécuter, partant des indications sur l’existence, la durée et le degré d’une incapacité de travail et sur la réponse à la question de savoir s’il s’agit d’une maladie ou d’un accident.

 

 

Arrêt 6B_1199/2016 consultable ici : http://bit.ly/2qH5oMU

 

 

1B_114/2016, 1B_115/2016, 1B_116/2016, 1B_117/2016, 1B_118/2016, 1B_119/2016, 1B_122/2016 (d) du 21.03.2017 – Licéité de mesures d’investigation secrète et de mise sous écoute

Arrêt du Tribunal fédéral 1B_114/2016, 1B_115/2016, 1B_116/2016, 1B_117/2016, 1B_118/2016, 1B_119/2016, 1B_122/2016 (d) du 21.03.2017

 

Arrêts 1B_114/2016, 1B_115/2016, proposé à la publication, 1B_116/2016, 1B_117/2016, proposé à la publication, 1B_118/2016, proposé à la publication, 1B_119/2016, 1B_122/2016

Communiqué de presse du TF du 07.04.2017 : http://bit.ly/2o5qVwa

 

Licéité de mesures d’investigation secrète et de mise sous écoute

 

La mise en œuvre d’une investigation secrète contre un couple, soupçonné par le Ministère public du canton de Soleure d’homicide de leur fils et de lésions corporelles graves à l’encontre de leur fille, était licite. Tel est également le cas de la mise sous écoute des appartements du couple. Le Tribunal fédéral admet les recours déposés par le Ministère public soleurois. Un autre recours déposé par ce dernier est en revanche rejeté.

Le Ministère public soleurois mène une enquête contre un couple pour les chefs de prévention d’homicide intentionnel de leur fils en 2010 et de lésions corporelles graves à l’encontre de leur fille en 2012. Dans le cadre de l’instruction, le Ministère public a ordonné une investigation secrète – par le biais d’agents infiltrés –, ainsi que la mise sous écoute des appartements des prévenus. Une fois terminées, ces mesures ont été portées à la connaissance des prévenus. A la suite des recours intentés par ces derniers en 2016, le Tribunal cantonal soleurois a considéré que la mise en œuvre d’une investigation secrète, ainsi que la mise sur écoute ordonnées étaient illicites.

Le Tribunal fédéral admet les recours en matière pénale déposés par le Ministère public à l’encontre de ces jugements. Les conditions du code de procédure pénale permettant la mise sous écoute et la mise en œuvre d’une investigation secrète étaient réalisées, dès lors que les faits examinés sont extrêmement graves et que le Ministère public a épuisé tous les autres moyens de preuve à sa disposition. Contrairement à ce que la cour cantonale a retenu, le recours à des agents infiltrés ne violait pas le droit de se taire dont se sont prévalus les prévenus au cours de l’instruction. Cependant, une telle invocation pose des limites lors de la mise en œuvre de l’investigation secrète. Il serait en effet inadmissible que les agents infiltrés, sous couvert de la relation de confiance établie avec le prévenu dans le cadre de leur mission, leur permette de soulever des questions auxquelles le prévenu pourrait, au cours d’une audition, refuser de répondre. La mise en œuvre d’une investigation secrète serait dans le cas présent d’autant plus inadmissible si le Ministère public avait incité les agents infiltrés à procéder de cette manière. Il n’y a cependant aucun élément permettant de considérer que tel aurait été le cas en l’espèce. Déterminer ensuite si les agents infiltrés ont dépassé ce qu’ils étaient autorisés à faire dans le cadre de leur mission est une autre question, sur laquelle le juge du fond sera appelé à statuer, pour autant qu’il y a mise en accusation.

La mise sous écoute des appartements des prévenus est également licite, les données récoltées pouvant en conséquence être utilisées. Le noyau intangible des droits constitutionnels des prévenus n’est ainsi pas violé par leur mise sous écoute. Cette mesure est aussi conforme au principe de proportionnalité. En particulier, la mise sous écoute n’est pas limitée à des infractions relatives à un environnement criminel ou à des enquêtes en lien avec la criminalité organisée.

Le Tribunal fédéral rejette en revanche un autre recours déposé par le Ministère public en lien avec cette même instruction. Celui-ci concernait la perquisition ordonnée par le Ministère public au domicile de la prévenue et de son nouveau compagnon ; un support de données avait été séquestré et les photos des agents infiltrés s’y trouvant, prises par la prévenue et son ami, avaient été effacées par le Procureur. Le Tribunal fédéral confirme l’arrêt cantonal, selon lequel l’atteinte aux droits fondamentaux des intéressés était alors disproportionnée.

 

Arrêts 1B_114/2016, 1B_115/2016, proposé à la publication, 1B_116/2016, 1B_117/2016, proposé à la publication, 1B_118/2016, proposé à la publication, 1B_119/2016, 1B_122/2016

Communiqué de presse du TF du 07.04.2017 : http://bit.ly/2o5qVwa

 

 

Sélection d’arrêts publiés au Recueil officiel (Année 2016 (142), Volume I à IV)

Sélection d’arrêts publiés au Recueil officiel (Année 2016 (142), Volume I à IV)

 

Année 2016 (142), Volume I

 

142 I 1 (d)

Regeste a

Art. 12 Cst.; droit fondamental à l’aide d’urgence en cas de refus de participer à un programme d’occupation non rémunéré.

Il serait contraire à l’art. 12 Cst. de nier l’aide d’urgence (en tant que droit à des conditions minimales d’existence) en raison d’un refus de participer à un programme d’occupation, si la participation à ce programme n’était pas rémunérée et si le principe de subsidiarité ne pouvait donc pas s’appliquer (confirmation et précision de la jurisprudence; consid. 7.1-7.2.4, 7.2.6).

La question de savoir si l’aide d’urgence peut être refusée en cas d’abus de droit de la personne requérante est une nouvelle fois laissée ouverte (consid. 7.2.5).

Considérations sur d’éventuelles autres sanctions qui pourraient entrer en ligne de compte en cas de comportement récalcitrant de la personne requérante (par exemple: versement de prestations en nature; obligations/injonctions assorties de la menace d’une sanction pénale) (consid. 7.2.5).

Regeste b

Art. 5 al. 1, art. 5 al. 2, art. 9, art. 29 al. 1 Cst.; § 24a al. 1 de la loi sur l’aide sociale du canton de Zurich du 14 juin 1981.

Dans le cas d’espèce par contre, la suspension, prévue par le droit cantonal, de l’aide d’urgence qui va au-delà des conditions minimales d’existence garanties par l’art. 12 Cst. a été jugée conforme à la Constitution (consid. 7.3).

 

142 I 42 (d)

Regeste

Art. 122 let. b LTF; révision pour violation de la CEDH.

Interprétation de l’art. 122 let. b LTF: une révision est (aussi) admissible lorsque des intérêts matériels sont en cause et que la CourEDH, après avoir constaté la violation de droits procéduraux, n’examine pas la demande d’indemnité à l’aune de l’art. 41 CEDH, mais la rejette sans autre motivation que « l’absence de causalité » (consid. 2.2).

 

142 I 93 (d)

Regeste

Art. 30 al. 1 Cst.; droit à un tribunal légalement constitué; changement dans la composition de l’autorité de jugement.

En cas de modifications de l’autorité de jugement constituée initialement, le tribunal a le devoir d’attirer l’attention des parties sur le remplacement qui est envisagé au sein de la cour et les raisons qui le motivent (consid. 8).

 

142 I 155 (f)

Regeste

Art. 106 al. 1 LTF; application du droit d’office.

Recevabilité des nouveaux moyens de droit devant le Tribunal fédéral, en particulier d’ordre constitutionnel. Portée restreinte du principe de l’épuisement des griefs (précision de la jurisprudence; consid. 4.4).

 

142 I 195 (f)

Regeste

Art. 8 al. 1, art. 10 al. 2, art. 13 al. 1, art. 15 et 36 Cst.; art. 8 et 9 CEDH; art. 35a de la loi neuchâteloise de santé. Obligation légale pour les institutions reconnues d’utilité publique de tolérer en leur sein une assistance au suicide; conflit entre la liberté de choisir la forme et le moment de la fin de sa vie et la liberté de conscience et de croyance; principe d’égalité.

Aperçu du cadre légal et de la jurisprudence relatifs à l’assistance au suicide et au droit à l’autodétermination (consid. 3 et 4). La pesée des intérêts en présence fait primer la liberté de choisir le moment et la forme de la fin de sa vie des résidents et patients de l’EMS en cause sur la liberté de conscience et de croyance de la société coopérative qui le détient (consid. 5). L’octroi de subventions peut être assorti de conditions appropriées; dès lors, imposer la présence d’une aide extérieure aux fins d’assistance au suicide uniquement aux institutions reconnues d’utilité publique (et pas à celles qui ne jouissent pas de cette reconnaissance) ne viole pas le principe d’égalité (consid. 6).

 

 

Année 2016 (142), Volume II

 

142 II 80 (d)

Regeste

Art. 89 al. 1 LTF; qualité pour recourir d’associations professionnelles. Art. 27 LPTh; art. 26 al. 1 et 2 LPTh; art. 30 LPTh; art. 29 OMéd; vente par correspondance de médicaments; devoirs de diligence de l’officine de vente par correspondance.

Intérêts dignes de protection d’une association professionnelle à contester la décision susceptible de remettre en cause la réglementation de la profession en tant que telle (consid. 1.4). Fonctions protectrices de la LPTh; double contrôle par des professionnels en application des connaissances scientifiques respectives (consid. 2.1 et 2.2); classification des médicaments dans des catégories de substances; spécificités en matière de vente par correspondance (consid. 2.3 et 2.4). Détournement inadmissible du processus thérapeutique prévu par la loi; après réception de la commande, l’officine de vente par correspondance confie à un médecin la tâche d’établir la prescription nécessaire (consid. 3). Les travaux préparatoires ne justifient pas que l’on s’écarte de la lettre de l’art. 27 al. 2 LPTh au profit de l’interprétation retenue par l’officine de vente par correspondance (consid. 4). Exigences en matière de prescription dans le domaine de la vente par correspondance (consid. 5.1-5.4); violation de celles-ci par l’officine de vente par correspondance (consid. 5.5). Les devoirs de diligence du médecin ne libèrent pas l’officine de vente par correspondance d’observer les propres devoirs qui lui incombent en vertu de l’art. 27 al. 2 LPTh (consid. 5.6).

 

142 II 154 (f)

Regeste

Art. 83 let. g LTF; art. 80 ss CC.

Entrée en matière sur le recours lorsque l’examen des conditions de recevabilité se recoupe avec la question qui constitue le fond du litige (i. c. l’existence éventuelle d’un rapport de travail de droit public; consid. 1.1).

Nature des rapports de service avec une personne morale de droit privé (fondation) accomplissant des tâches de droit public (consid. 5).

 

142 II 340 (d)

Regeste

Art. 6 al. 1, art. 7 al. 1 let. g et al. 2, art. 9 al. 2 et art. 11 al. 1 LTrans; art. 6 al. 2 OTrans; art. 19 al. 1bis LPD; demande d’accès aux informations concernant des experts privés qui ont collaboré, pour le compte d’une entreprise pharmaceutique, à la constitution du dossier de demande de mise sur le marché d’un médicament auprès de Swissmedic.

Présentation de l’objet du litige (consid. 2).

La notion de secret de l’art. 7 al. 1 let. g LTrans traitant des exceptions doit être comprise dans un sens large (consid. 3.2).

Lorsque des données personnelles doivent être rendues accessibles, il y a lieu de pondérer les intérêts publics à l’accès aux documents officiels et les intérêts privés à la protection de la sphère privée, respectivement au libre choix quant à l’information, des personnes dont les données sont contenues dans les documents (consid. 4.2 et 4.3).

Critères pour la pesée des intérêts privés (consid. 4.4) et du besoin d’information du public (consid. 4.5).

La procédure d’autorisation d’accès à des documents officiels comprenant des données personnelles de tiers est composée de plusieurs étapes. Dans un premier temps, il faut examiner si une publication peut en principe entrer en considération. Si c’est le cas, les tiers concernés doivent être entendus et la décision ne doit intervenir qu’après, sur la base de leurs prises de position. Il peut être renoncé à leur audition lorsque la pesée des intérêts en présence donne clairement la prépondérance à la publication et que la consultation apparaît disproportionnée (consid. 4.6).

En l’occurrence, l’intérêt public à la transparence est prépondérant (consid. 4.6.4). Il n’y a aucune raison de renoncer à l’audition des experts concernés (consid. 4.6.8).

 

142 II 363 (d)

Regeste

Début du délai pour contester le mode de calcul des frais dans une décision de renvoi (art. 92, 93 et 100 LTF).

Lorsque l’autorité précédant le Tribunal fédéral, dans le cadre d’un arrêt de renvoi, statue sur les frais de la procédure, il s’agit d’une décision incidente, qui ne tombe pas sous le coup de l’art. 93 al. 1 let. a LTF (préjudice irréparable): si la nouvelle décision rendue par l’instance inférieure sur la base de l’arrêt de renvoi n’est plus contestée sur le fond, le mode de calcul des frais effectué dans l’arrêt de renvoi peut, à la suite de cette nouvelle décision, être attaqué directement auprès du Tribunal fédéral dans le délai de recours de l’art. 100 LTF. La date de notification de la nouvelle décision rendue par l’instance inférieure est déterminante pour la computation dudit délai (consid. 1.1-1.3).

 

142 II 369 (d)

Regeste

La caisse de pensions argovienne est-elle soumise au droit cantonal des marchés publics lors de l’adjudication de travaux d’entretien dans des immeubles de sa fortune de placement? Appréciation de la question selon le droit international, fédéral et cantonal.

Recevabilité du recours (consid. 1.1-1.4). Qualité pour recourir de la caisse de pensions argovienne au sens de l’art. 89 al. 1 LTF reconnue (consid. 1.5). Pouvoir de cognition et griefs (consid. 2). Un assujettissement au droit des marchés publics ne résulte pas directement du droit international (consid. 3). Le droit cantonal peut prévoir un champ d’application subjectif du droit des marchés publics plus étendu que celui du droit international, fédéral et intercantonal. Il n’est pas arbitraire que la caisse de pensions, en tant qu’établissement du canton, soit soumise au droit cantonal des marchés publics en ce qui concerne les marchés litigieux (consid. 4). L’assujettissement n’est pas contraire à la primauté du droit fédéral (art. 49 Cst.), respectivement aux art. 111 et 113 Cst., de même qu’à la LPP (consid. 5). Du fait que la caisse de pensions argovienne n’opère pas principalement sur le marché concurrentiel, la question de la titularité du droit fondamental (art. 27 Cst.) est laissée ouverte (consid. 6). Frais judiciaires: les causes relatives au droit des marchés publics sont considérées comme des cas présentant un intérêt patrimonial (art. 68 al. 1 et 4 LTF), même lorsqu’il s’agit uniquement de déterminer si le droit des marchés publics est applicable (consid. 7).

 

142 II 425 (d)

Regeste

Art. 8 al. 1 et art. 49 al. 1 Cst.; art. 16c al. 2 LAPG; § 20 al. 1 et § 22 de l’ordonnance du Grand Conseil du canton de Thurgovie du 18 novembre 1998 sur le traitement du personnel de l’Etat (ordonnance sur le traitement).

L’employée qui a demandé l’ajournement de l’allocation de maternité selon l’art. 16c al. 2 LAPG et qui, durant cette période et jusqu’à la sortie de son enfant de l’hôpital, est elle-même en incapacité de travail pour raison de santé, a droit au salaire de remplacement comme en cas de maladie; le § 22 de l’ordonnance sur le traitement contrevient au principe de l’égalité de traitement selon l’art. 8 al. 1 Cst. et à la primauté du droit fédéral selon l’art. 49 al. 1 Cst. (consid. 4-6).

 

 

Année 2016 (142), Volume III

 

142 III 9 (f)

Regeste

Responsabilité civile de l’exécuteur testamentaire.

Conditions auxquelles l’exécuteur testamentaire engage sa responsabilité civile (consid. 4.1 et 4.2). Nature et étendue des devoirs de l’exécuteur testamentaire (consid. 4.3), en particulier lorsque la succession comprend des titres (consid. 5.2).

 

142 III 23 (d)

Regeste

Art. 754 al. 1 et art. 757 al. 1 CO. Action en responsabilité. Qualité pour agir de la masse en faillite ou de la masse concordataire.

L’administration de la faillite ou du concordat n’a pas la qualité pour faire valoir, par une action en responsabilité (action sociale) contre les organes de la société, le dommage causé exclusivement au patrimoine des créanciers sociaux, sans qu’un dommage ne soit causé au patrimoine de la société elle-même (consid. 3.1 et 4).

 

142 III 84 (d)

Regeste

Responsabilité fondée sur la confiance; certificat ISO.

Responsabilité d’une société de certification pour le dommage causé aux clients d’une société certifiée (consid. 3)?

 

142 III 210 (d)

Regeste

Exception de chose jugée (res iudicata); objet du litige.

Détermination de l’objet du litige en cas d’exception de chose jugée: les conclusions prises dans la procédure antérieure et le complexe de faits sur lequel se fondent les prétentions déduites en justice résultent des considérants de la décision antérieure (consid. 2-4).

 

142 III 263 (d)

Regeste

Loi sur la protection des données, art. 28 ss CC; surveillance vidéo dans un bâtiment locatif.

Appréciation de l’admissibilité d’une installation de surveillance vidéo dans un bâtiment comportant des appartements loués (consid. 2).

 

142 III 369 (f)

Regeste

Art. 270 al. 2 CO, art. 1 al. 2 CC; contrat de bail, formule officielle pour la notification du loyer initial, preuve de son envoi.

Lorsqu’un bailleur envoie au locataire un contrat de bail mentionnant que la formule officielle y est annexée, il est, selon l’expérience générale de la vie, présumé avoir effectivement mis le contrat de bail et la formule officielle dans l’enveloppe envoyée, s’il est en mesure de produire une copie de cette formule contenant les indications nécessaires. Il appartient alors au locataire, par renversement du fardeau de la preuve, de prouver, au degré de la vraisemblance prépondérante, que l’enveloppe ne contenait pas la formule officielle (consid. 4).

 

142 III 381 (d)

Regeste

Art. 322 et 322d CO; qualification d’une rétribution spéciale (bonus).

Critères permettant de déterminer si une rétribution spéciale (bonus) doit être qualifiée de gratification au sens de l’art. 322d CO ou d’élément de salaire au sens de l’art. 322 CO (consid. 2.1 et 2.2); constatation de la rémunération effectivement perçue en vertu du contrat de travail pendant la période déterminante pour résoudre la question de savoir si le quintuple du salaire médian suisse est dépassé (consid. 2.3-2.7).

 

142 III 433 (d)

Regeste

Art. 58 et 65 LCR; responsabilité à raison du dommage subi par le mari de la victime directe de l’accident (dommage d’un proche); causalité adéquate.

Responsabilité du détenteur de véhicule à raison du dommage subi par le mari de la victime directe de l’accident, consécutif à un effort excessif: causalité adéquate niée (consid. 4).

 

142 III 442 (d)

Regeste

Art. 270 al. 1 CO; contestation du loyer initial.

Résumé de la jurisprudence rendue jusqu’ici (consid. 2); l’art. 270 al. 1 CO prévoit trois motifs alternatifs permettant de contester un loyer initial jugé abusif (consid. 3.1.1). S’agissant du motif énoncé dans la deuxième alternative de l’art. 270 al. 1 let. a CO, il suffit de prouver qu’il règne une pénurie de logements sur le marché local, sans qu’il faille de surcroît démontrer que le locataire se trouve dans une situation de nécessité ou de contrainte (précision de jurisprudence; consid. 3.1.2-3.1.6).

 

142 III 456 (f)

Regeste

Art. 322 et 322d CO; bonus (banque), très haut revenu; rémunération effective de l’employé.

Dans la détermination du « très haut revenu », il s’impose de tenir compte de la rémunération effective de l’employé qui est représentative des revenus qu’il a régulièrement perçus. En règle générale, il s’agira des revenus perçus durant l’année, exceptionnellement de ceux acquis durant la période litigieuse (en l’occurrence, une période de 17 mois) (consid. 3).

 

142 III 557 (d)

Regeste

Art. 259d CO; réduction du loyer pour cause de défaut de la chose louée.

Une réduction du loyer fondée sur l’art. 259d CO peut encore être exigée après que le bailleur a remédié au défaut ou que la relation contractuelle a pris fin (consid. 8).

 

142 III 568 (f)

Regeste a

Demande de diminution du loyer en cours de bail (art. 270a CO); méthode absolue (art. 269 CO).

Demande de baisser le loyer alors que le contrôle étatique (cantonal) exercé sur les loyers de l’immeuble prend fin. Question laissée indécise de savoir si ce changement de régime permet d’invoquer la méthode absolue et de demander un calcul de rendement (consid. 1).

Regeste b

Devoir du bailleur de collaborer à l’administration des preuves nécessaires au calcul de rendement.

Cette obligation ne va pas au-delà de la production des pièces que le bailleur est seul à détenir. Lui reprocher d’avoir violé ce devoir parce qu’il ne s’est pas procuré les pièces nécessaires auprès de tiers revient à renverser le fardeau de la preuve qui incombe au locataire (consid. 2).

 

142 III 579 (d)

Regeste

Art. 337 CO; résiliation immédiate du contrat de travail.

Un motif de congé peut être ajouté après coup même s’il n’est pas similaire ni de même nature que celui indiqué pour justifier la résiliation (consid. 4.2 et 4.3).

 

142 III 599 (d)

Regeste

Art. 79 LP; art. 34 ss LPGA. Levée de l’opposition par l’assureur-maladie; notification.

L’assureur-maladie peut communiquer ses décisions, qui portent sur la levée d’une opposition, par courrier A Plus (consid. 2).

 

142 III 657 (d)

Regeste

Contrat de courtage d’assurances; droit du courtier au paiement par le preneur d’assurance.

Le courtier d’assurances n’est pas titulaire d’une créance d’honoraires contre son mandant, le preneur d’assurance, lorsqu’il négocie des polices brutes (consid. 4).

Limitation dans le temps du droit du courtier d’assurances de réclamer une commission de courtage à l’assureur en cas de changement de courtier (consid. 5).

 

142 III 671 (d)

Regeste a

Art. 20 al. 3 LCA; conséquences de la demeure; suspension de la couverture.

L’obligation de l’assureur est suspendue lorsque l’assuré se trouve en demeure dans le paiement de la prime; les sinistres qui surviennent pendant la demeure ne sont pas couverts (consid. 2.3).

Regeste b

Assurance collective d’indemnités journalières en cas de maladie; moment du sinistre.

Interprétation d’un contrat d’assurance collective d’indemnités journalières en cas de maladie; le sinistre survient au moment de l’incapacité de travail (résultant de la maladie) (consid. 3).

 

 

Année 2016 (142), Volume IV

 

142 IV 42 (i)

Regeste

Art. 429 CPP; indemnisation du prévenu qui bénéficie d’une assurance de protection juridique.

Il est contraire à l’art. 429 CPP de refuser une indemnité à un prévenu au bénéfice d’une ordonnance de classement en raison du seul fait qu’il dispose d’une assurance de protection juridique (consid. 2).

 

142 IV 93 (d)

Regeste

Art. 90 al. 2 LCR en relation avec l’art. 35 al. 1 LCR, art. 8 al. 3 phrase 1 et art. 36 al. 5 let. a de l’ordonnance du 13 novembre 1962 sur les règles de la circulation routière (OCR); art. 23 al. 2 LTF; différence (sur les autoroutes) entre les dépassements par la droite qui sont interdits et les devancements par la droite autorisés; précision de la notion de circulation en files et de l’évaluation du danger en cas de vitesses différentes.

En cas de circulation en files parallèles, il est permis de devancer un autre véhicule par la droite (devancement). L’art. 8 al. 3, phrase 2, OCR interdit en revanche expressément, dans le cas de files parallèles, de contourner des véhicules par la droite pour les dépasser (confirmation de la jurisprudence; consid. 4.1 en relation avec les consid. 3.1-3.3).

On admet qu’il y a circulation en files en raison des circonstances concrètes de circulation lorsque le trafic sur la voie de dépassement (de gauche et/ou du milieu) est si dense que les vitesses sur les voies de dépassement et de circulation normale sont à peu près égales (précision de jurisprudence; consid 4.2.1).

Le devancement (passif) par la droite en cas de circulation dense est une situation courante qui ne peut guère être évitée et qui n’aboutit pas en règle générale à une mise en danger abstraite accrue au sens de l’art. 90 al. 2 LCR (précision de jurisprudence; consid. 4.2.2).

Un devancement ne fonde pas, sur le plan objectif, une violation des règles de la circulation et une mise en danger sérieuse de la sécurité d’autrui avec un danger d’accident important (consid. 5.1-5.3) ni, sur le plan subjectif, une faute grave ou une négligence grossière (consid. 5.4).

 

142 IV 125 (f)

Regeste

Art. 9 Cst.; art. 354 al. 1, art. 353 al. 3 et art. 85 al. 2 CPP. Notification d’une ordonnance pénale par pli simple. Fardeau de la preuve.

Lorsque l’autorité pénale notifie une ordonnance pénale par pli simple, soit par un mode de communication qui n’est pas conforme à l’art. 85 al. 2 CPP, c’est à elle de supporter le fardeau de la preuve de la notification et de la date de celle-ci. La preuve de la date de réception de l’ordonnance par son destinataire – seule déterminante – ne peut être considérée comme rapportée par la seule référence aux délais usuels d’acheminement des envois postaux (consid 4).

 

142 IV 137 (f)

Regeste

Art. 90 al. 3 et 4 LCR; violation grave qualifiée des règles de la circulation routière; excès de vitesse particulièrement important; conditions subjectives.

Aucune méthode d’interprétation de l’art. 90 al. 3 et 4 LCR ne permet de retenir l’existence d’une présomption légale irréfragable en faveur de la réalisation des conditions subjectives de l’al. 3 en cas d’excès de vitesse visé à l’al. 4 let. a-d (changement de jurisprudence; consid. 11.1). Celui qui commet un excès de vitesse appréhendé par l’art. 90 al. 4 LCR commet objectivement une violation grave qualifiée des règles de la circulation routière au sens de l’art. 90 al. 3 LCR et réalise en principe les conditions subjectives de l’infraction. Le juge conserve une marge de manœuvre, certes restreinte, afin d’exclure, dans des constellations particulières, la réalisation des conditions subjectives lors d’un dépassement de vitesse particulièrement important (consid. 11.2). En l’espèce, faute de circonstance particulière permettant d’écarter la réalisation des aspects subjectifs de l’infraction, la condamnation du recourant du chef d’infraction grave qualifiée à la LCR ne viole pas le droit fédéral (consid. 12).

 

142 IV 237 (d)

Regeste

Art. 429 al. 1 let. b CPP; indemnisation du préjudice économique.

En cas d’acquittement total ou partiel du prévenu, l’Etat doit réparer l’intégralité du dommage en rapport de causalité adéquate avec la procédure pénale (consid. 1.3.1). Il n’est pas nécessaire que le préjudice économique du prévenu puisse être rapporté à un acte de procédure déterminé (consid. 1.3.3). Même le dommage résultant de la perte d’une place de travail doit, en principe, être indemnisé (consid. 1.3.4).

Les prétentions en indemnisation et en réparation du tort moral doivent, dans la règle, être jugées selon le droit en vigueur au moment où elles naissent. Exceptionnellement, la prétention peut être jugée dans son ensemble en application du nouveau droit, pour autant qu’il ne soit pas plus défavorable au prévenu (consid. 1.4).

Les autorités pénales ne répondent pas du comportement fautif d’autres autorités. Rapport de causalité adéquate nié entre la procédure pénale et le licenciement matériellement injustifié d’un enseignant (consid. 1.5.3).

 

142 IV 245 (f)

Regeste

Art. 431 al. 1 CPP; conditions de détention illicites; choix du mode de réparation.

S’agissant du mode et de l’étendue de l’indemnisation fondée sur les art. 429 ss CPP, il n’est pas exclu de s’inspirer des règles générales des art. 41 ss CO (consid. 4.1). Le choix du type d’indemnisation n’appartient pas au prévenu, mais est laissé à l’appréciation du juge. En l’espèce, les juges cantonaux ont réparé la détention illicite en procédant à une réduction de peine, alors que le prévenu avait conclu à une indemnisation financière. Ce mode de réparation, qui s’inspire de la solution prévue à l’art. 431 al. 2 CPP, échappe à la critique (consid. 4.3).

 

142 IV 324 (f)

Regeste

Art. 91a al. 1 LCR; entrave aux mesures de constatation de l’incapacité de conduire.

Le conducteur impliqué dans un accident doit de manière générale s’attendre à un contrôle de son alcoolémie (consid. 1.1.3).

 

 

 

1B_185/2016, 1B_186/2016, 1B_188/2016 (f) du 16.11.2016 – Absence d’obligation de Facebook Suisse de produire des données d’utilisateurs

Arrêt du Tribunal fédéral 1B_185/2016, 1B_186/2016, 1B_188/2016 (f) du 16.11.2016

 

Arrêt 1B_185/2016, 1B_186/2016, 1B_188/2016 consultable ici : http://bit.ly/2grNEwL

Communiqué de presse du TF du 12.12.2016 consultable ici :  http://bit.ly/2hkZ1uY

 

Absence d’obligation de Facebook Suisse de produire des données d’utilisateurs

 

Le Ministère public vaudois ne peut contraindre Facebook Switzerland Sàrl (Facebook Suisse) à produire les données d’un compte Facebook ouvert vraisemblablement depuis la Suisse. Facebook Suisse n’est pas titulaire des données en question et n’en a pas non plus le contrôle. Pour y avoir accès, il y a lieu d’agir, cas échéant, par voie de l’entraide judiciaire auprès de Facebook Ireland Ltd (Facebook Irlande). Le Tribunal fédéral admet les recours formés par Facebook Suisse et par ses deux gérants.

 

En 2015, le Ministère public du canton de Vaud a ouvert une instruction pénale contre inconnu pour calomnie, diffamation et injure, sur plainte d’un journaliste belge. Ce dernier indiquait avoir été traité d’antisémite sur un compte Facebook ouvert vraisemblablement en Suisse sous un pseudonyme. Le Ministère public a exigé de Facebook Suisse et de ses deux associés gérants la production de l’identité du détenteur du compte, de ses données d’accès et adresse IP. La société et ses gérants ont recouru contre cet ordre de production auprès du Tribunal cantonal vaudois, faisant valoir qu’ils ne géraient pas le site Facebook. L’ordre de production devait être adressé à la société Facebook Irlande, titulaire des informations recherchées ainsi qu’elle l’avait elle-même confirmé. Le Tribunal cantonal a rejeté les recours en 2016. Facebook Suisse et ses deux gérants ont alors porté la cause devant le Tribunal fédéral.

Le Tribunal fédéral admet les recours et annule l’arrêt cantonal ainsi que l’ordre de production du Ministère public. Il ressort de l’article 265 du Code de procédure pénale suisse et de l’article 18 de la Convention internationale sur la cybercriminalité que l’injonction de production ne peut être adressée qu’au possesseur ou au détenteur des données, ou à celui qui en a le contrôle en fait et en droit. Aucun des documents sur lesquels le Tribunal cantonal a fondé sa décision ne permet de conclure que la société recourante soit effectivement titulaire des données d’utilisateur réclamées, ou qu’elle ait un accès direct à ces données. Il en résulte au contraire que la société Facebook Irlande est partenaire contractuelle avec les utilisateurs situés hors des Etats-Unis et du Canada et qu’elle exerce seule le contrôle sur les données personnelles. L’activité de Facebook Suisse se limite au support marketing, à la vente d’espaces publicitaires, aux relations publiques et à la communication. Facebook Suisse ne représente pas non plus la société irlandaise. Les données ne peuvent donc pas être exigées de la part de Facebook Suisse; pour les obtenir, le Ministère public vaudois n’a dès lors pas d’autre choix que de s’adresser, cas échéant, par voie d’entraide judiciaire pénale aux autorités irlandaises.

 

 

Arrêt 1B_185/2016, 1B_186/2016, 1B_188/2016 consultable ici : http://bit.ly/2grNEwL

Communiqué de presse du TF du 12.12.2016 consultable ici :  http://bit.ly/2hkZ1uY

 

 

6B_1102/2015 (f) du 20.07.2016 – Violation grave des règles de la circulation routière – 90 al. 2 LCR / Notion de course officielle urgente – 100 ch. 4 LCR / Motif justificatif général de l’acte licite – 14 CP / Erreur sur l’illicéité – 21 CP

Arrêt du Tribunal fédéral 6B_1102/2015 (f) du 27.04.2015

 

Consultable ici : http://bit.ly/2dcoB1s

 

Violation grave des règles de la circulation routière – 90 al. 2 LCR

Notion de course officielle urgente – 100 ch. 4 LCR

Motif justificatif général de l’acte licite – 14 CP

Erreur sur l’illicéité – 21 CP

 

TF

Le 20.12.2011 à 13h50, à Genève, l’inspecteur X.__ a circulé au volant d’un véhicule de service de la police, le feu bleu enclenché sur le toit, sur le quai Gustave-Ador en direction de la ville, à une vitesse de 105 km/h alors que la vitesse maximale autorisée sur ce tronçon était de 50 km/h, représentant un dépassement de 49 km/h (marge de sécurité de 6 km/h déduite). Le quai Gustave-Ador comporte deux voies de circulation dans chaque sens. La route est traversée par un passage pour piétons à la hauteur de l’infraction.

Le jour des faits, la circulation était fluide, le temps était couvert et la chaussée mouillée.

Le jour des faits en fin de matinée, l’inspecteur chef de section à l’Inspection Générale des Services, A.__ a appelé X.__ pour lui dire qu’il devait joindre d’urgence l’une de ses collègues, l’inspectrice B.__, car le père de cette dernière, lui-même ancien policier, venait d’avoir un grave accident de la route et avait été victime de deux arrêts cardiaques depuis l’accident; son pronostic vital était fortement engagé. Après avoir vainement tenté d’atteindre B.__ ainsi que ses proches par téléphone puis s’être rendu au domicile de l’intéressée avec l’accord de A.__, X.__ a finalement réussi à entrer en communication avec elle, alors qu’elle se trouvait dans un magasin à Vésenaz. Il lui a expliqué la situation. A sa demande, elle lui a promis de ne pas conduire son véhicule pour se rendre à l’hôpital au chevet de son père. X.__ a ensuite contacté A.__, a convenu avec lui que B.__ ne devait pas prendre le volant dans cet état et lui a proposé de se charger du trajet de Vésenaz à l’hôpital, ce que A.__ a autorisé. X.__ a indiqué à son supérieur qu’il ferait cette course en urgence, ce à quoi A.__ lui a répondu  » ok, fais-la rapidement mais ne te mets pas sur le toit « .

 

X.__ était convaincu que l’ordre qu’il avait reçu de son supérieur hiérarchique couvrait l’entier du trajet à effectuer. Il se croyait ainsi en droit de commettre l’excès de vitesse litigieux.

 

TF

Notion de course officielle urgente – art. 100 ch. 4 LCR

Sont réputées urgentes les courses qui, dans les cas graves, ont lieu pour permettre au service du feu, au service de santé ou à la police d’intervenir aussi rapidement que possible, afin de sauver des vies humaines, d’écarter un danger pour la sécurité ou l’ordre public, de préserver des choses de valeur importante ou de poursuivre des fugitifs. La notion d’urgence doit être comprise dans le sens étroit. Ce qui est déterminant, c’est la mise en danger de biens juridiquement protégés, dont les dommages peuvent être considérablement aggravés par une petite perte de temps (sur la notion de course urgente, cf. arrêts 6B_1006/2013 du 25 septembre 2014 consid. 3.4; 6B_689/2012 du 3 avril 2013 consid. 2.1; 6B_288/2009 du 13 août 2009 consid. 3; 6B_20/2009 du 14 avril 2009 consid. 4; cf. également Notice d’utilisation des feux bleus et des avertisseurs à deux sons alternés du 6 juin 2005, annexée aux Instructions concernant l’équipement des véhicules de feux bleus et d’avertisseurs à deux sons alternés émises par le Département fédéral de l’Environnement, des Transports, de l’Energie et de la Communication [ci-après: Notice du DETEC], ch. 1). Pour apprécier le degré d’urgence, les conducteurs de véhicules et les chefs des services d’intervention doivent ou peuvent se fonder sur la situation telle qu’elle se présente à eux au moment de l’intervention. Les conditions du trafic doivent être telles qu’on risque d’être considérablement retardé dans l’intervention si l’on ne déroge pas aux règles de circulation ou si l’on ne fait pas usage du droit spécial de priorité (Notice du DETEC ch. 1).

L’Ordre de service de la police genevoise du 13 mai 1963, mis à jour le 5 juin 2009, sur la conduite en urgence prévoit que la notion d’urgence doit être comprise dans son sens le plus strict (ch. 3.1) et qu’elle est réalisée pour sauver des vies humaines, écarter un danger pour la sécurité ou l’ordre public, préserver des choses de valeur importante et poursuivre des fugitifs (ch. 3.2). Les termes  » observer la prudence qu’imposent les circonstances  » de l’art. 100 ch. 4 LCR doivent être pris au sens strict, eu égard plus particulièrement à la vitesse. Le conducteur est responsable de tous les actes qu’il commet tandis que la responsabilité de celui qui ordonne la course urgente est engagée (ch. 7).

A titre d’exemple, le Tribunal fédéral a nié à plusieurs reprises le caractère urgent de courses effectuées par des policiers poursuivant, à vitesse excessive, un automobiliste qui avait précédemment commis des infractions, sans être en fuite, dans le but de l’identifier et de l’arrêter (arrêts 6B_1006/2013 du 25 septembre 2014 consid. 3.4; 6B_288/2009 du 13 août 2009 consid. 3; 6B_20/2009 du 14 avril 2009 consid. 4). L’urgence a également été niée dans le cas d’un policier qui a brûlé un feu rouge afin de se rendre dans un bar à la suite d’un signalement de vol alors que la présence des auteurs sur les lieux était hypothétique et que l’infraction était déjà consommée. L’arrivée de la police n’était dès lors pas apte à préserver des choses de valeur importante ou à poursuivre des fugitifs (arrêt 6B_689/2012 du 3 avril 2013 consid. 2.3).

Il est établi que la vitesse déployée entre le lieu de prise en charge de l’intéressée et l’hôpital où se trouvait son père avait pour but de permettre à la première d’être au chevet du second le plus rapidement possible. Quand bien même la démarche de l’intimé était altruiste et s’inscrivait dans des circonstances humaines difficiles, il y a lieu de considérer que le but poursuivi ne correspond à aucun des quatre cas de figures couverts par la notion de course officielle urgente au sens de l’art. 100 ch. 4 LCR. La course en question ne permettait pas de sauver des vies humaines, ni d’écarter un danger pour la sécurité ou l’ordre public puisque l’éventuel danger résultant de la conduite de B.__ n’existait plus une fois qu’elle était prise en charge.

Sans remettre en cause l’importance d’un contact entre un père victime d’un accident grave et sa fille, on ne saurait considérer que cette course menée en urgence était justifiée pour préserver des choses de valeur importante, vu l’interprétation restrictive qui doit être faite des motifs justifiant de telles courses. Cela reviendrait à admettre que la police pourrait conduire d’urgence tous les proches d’une victime d’accident ou d’une personne en fin de vie à leur chevet, en violation des règles élémentaires de la circulation routière.

 

Motif justificatif général de l’acte licite – art. 14 CP

Lorsque l’urgence au sens de l’art. 100 ch. 4 LCR est niée, le prévenu peut encore se prévaloir du motif justificatif général de l’acte licite au sens de l’art. 14 CP. L’agent de police qui commet une infraction dans le cadre de l’accomplissement de ses fonctions peut faire valoir cette disposition s’il a agi dans le respect du principe de la proportionnalité (sur la question, cf. ATF 141 IV 417 consid. 3.2 p. 422 s.; arrêts 6B_689/2012 du 3 avril 2013 consid. 2.4; 6B_288/2009 du 13 août 2009 consid. 3.3 et 3.5 et 6B_20/2009 du 14 avril 2009 consid. 4.1 et 4.4.2). En l’espèce, aucune disposition n’autorise le comportement en question.

En l’espèce, il est admis et non contesté que l’intimé se croyait en droit de commettre l’excès de vitesse reproché en vertu du motif justificatif prévu par l’art. 100 ch. 4 LCR. Il était ainsi dans l’erreur au sens de l’art. 21 CP. La question litigieuse est de savoir si cette erreur sur l’illicéité était ou non évitable.

 

Erreur sur l’illicéité – art. 21 CP

Pour qu’il y ait erreur sur l’illicéité, il faut que l’auteur ne sache ni ne puisse savoir que son comportement est illicite (ATF 138 IV 13 consid. 8.2 p. 27). L’auteur doit agir alors qu’il se croyait en droit de le faire (cf. ATF 129 IV 238 consid. 3.1 p. 241). Il pense, à tort, que l’acte concret qu’il commet est conforme au droit. Déterminer ce que l’auteur d’une infraction a su, cru ou voulu et, en particulier, l’existence d’une erreur relève de l’établissement des faits (ATF 135 IV 152 consid. 2.3.2 p. 156).

Les conséquences pénales d’une erreur sur l’illicéité dépendent de son caractère évitable ou inévitable. L’auteur qui commet une erreur inévitable est non coupable et doit être acquitté (art. 21, 1ère phrase, CP). Tel est le cas s’il a des raisons suffisantes de se croire en droit d’agir (ATF 128 IV 201 consid. 2 p. 210). Une raison de se croire en droit d’agir est  » suffisante  » lorsqu’aucun reproche ne peut lui être adressé parce que son erreur provient de circonstances qui auraient pu induire en erreur tout homme consciencieux (ATF 98 IV 293 consid. 4a p. 303; cf. FF 1999 p. 1814). En revanche, celui dont l’erreur sur l’illicéité est évitable commet une faute, mais sa culpabilité est diminuée. Il restera punissable, mais verra sa peine obligatoirement atténuée (art. 21, 2ème phrase, CP; FF 1999 1814). L’erreur sera notamment considérée comme évitable lorsque l’auteur avait ou aurait dû avoir des doutes quant à l’illicéité de son comportement (ATF 121 IV 109 consid. 5 p. 126) ou s’il a négligé de s’informer suffisamment alors qu’il savait qu’une réglementation juridique existait (ATF 120 IV 208 consid. 5b p. 215). Savoir si une erreur était évitable ou non est une question de droit (cf. ATF 75 IV 150 consid. 3 p. 152 s.). La réglementation relative à l’erreur sur l’illicéité repose sur l’idée que le justiciable doit faire tout son possible pour connaître la loi et que son ignorance ne le protège que dans des cas exceptionnels (ATF 129 IV 238 consid. 3.1 p. 241; arrêt 6B_526/2014 du 2 février 2015 consid. 2). Toutefois, la possibilité théorique d’apprécier correctement la situation ne suffit pas à exclure l’application de l’art. 21, 1ère phrase, CP. Ce qui est déterminant c’est de savoir si l’erreur de l’auteur peut lui être reprochée (ATF 116 IV 56 consid. II.3a p. 67 s.; arrêt 6S.134/2000 du 5 mai 2000 consid. 3.b.aa).

Le caractère évitable de l’erreur doit être examiné en tenant compte tant des circonstances personnelles de l’auteur, telles que son degré de socialisation ou d’intégration (cf. arrêt 6S.46/2002 du 24 mai 2002 consid. 4a; cf. ATF 106 IV 314 consid. 3 p. 319 s.; 104 IV 217 consid. 2 p. 218 s.) que des circonstances matérielles qui ont pu induire l’auteur en erreur (ATF 98 IV 279 consid. 2a p. 287 s., instructions erronées données à un chauffeur de bus par ses supérieurs, par écrit et arrêtées en accord avec le chef de la circulation de la police municipale; ATF 98 IV 293 consid. 4a p. 303).

Le cas d’espèce s’écarte à plusieurs égards de l’affaire traitée dans l’arrêt publié aux ATF 116 IV 56. Dans ce dernier arrêt, l’intéressée (docteure en droit) mise au bénéfice de l’erreur s’était conformée à un ordre donné par une Conseillère fédérale qui lui inspirait, de par sa personnalité et sa situation de première femme au Conseil fédéral, une véritable vénération et un dévouement total. Il n’était pas évident pour elle, au moment de la violation de son secret de fonction, qu’il y avait quelque chose qu’un Conseiller fédéral n’était pas autorisé à faire. L’autorisation d’agir de manière contraire au droit émanant d’une telle personne avait ainsi, aux yeux de l’intéressée, le plus grand poids (ATF 116 IV 56 consid. II.3.a p. 68 s.). Des circonstances analogues ne ressortent pas de l’arrêt entrepris. En particulier, c’est par l’initiative de l’intimé et non sur ordre de son supérieur que la prise en charge de B.__ a été décidée, ce qui n’est pas contesté sous l’angle de l’arbitraire (cf. art. 97 al. 1 et 106 al. 2 LTF). Ensuite, A.__ a donné l’autorisation de se rendre  » rapidement  » à l’hôpital,  » mais sans se mettre sur le toit « . Dans ces circonstances, admettre que l’erreur était inévitable, reviendrait à donner un blanc-seing à tout policier auquel un supérieur hiérarchique autorise d’agir rapidement, ainsi que le relève le Ministère public.

 

Le TF accepte le recours du Ministère public, l’arrêt entrepris annulé et la cause renvoyée à la cour cantonale.

 

 

Arrêt 6B_1102/2015 consultable ici : http://bit.ly/2dcoB1s

 

 

Nouvel art. 148a CP concernant l’obtention illicite de prestations d’une assurance sociale ou de l’aide sociale

Nouvel art. 148a CP concernant l’obtention illicite de prestations d’une assurance sociale ou de l’aide sociale

 

Bulletin à l’intention des caisses de compensation AVS et des organes d’exécution des PC No 381 du 26.09.2016 consultable ici : http://bit.ly/2dvv7Qh

 

 

Plusieurs modifications du code pénal entrent en vigueur le 1er octobre 2016 dans le cadre de la mise en œuvre de l’art. 121, al. 3 à 6, Cst. relatif au renvoi des étrangers criminels. Une nouvelle infraction d’« obtention illicite de prestations d’une assurance sociale ou de l’aide sociale » est notamment prévue à l’art. 148a CP. La formulation de cette disposition est la suivante :

Art. 148a CP

1 Quiconque, par des déclarations fausses ou incomplètes, en passant des faits sous silence ou de toute autre façon, induit une personne en erreur ou la conforte dans son erreur, et obtient de la sorte pour lui-même ou pour un tiers des prestations indues d’une assurance sociale ou de l’aide sociale, est puni d’une peine privative de liberté d’un an au plus ou d’une peine pécuniaire.

2 Dans les cas de peu de gravité, la peine est l’amende.

Sur le plan de la systématique, cette nouvelle infraction constitue une clause générale de l’escroquerie (art. 146 CP). L’art. 146 CP suppose que l’auteur induit astucieusement en erreur une personne ou qu’il la conforte astucieusement dans son erreur. Si l’énoncé de fait légal (plus grave) définissant l’escroquerie n’est pas réalisé, parce que l’astuce fait défaut, c’est la clause générale qui s’applique. Pour que la nouvelle infraction soit réalisée, il n’est pas nécessaire que l’auteur agisse astucieusement lorsqu’il induit une personne en erreur ou qu’il la conforte dans son erreur. Le nouvel art. 148a CP vise les comportements délictueux en matière d’obtention illicite de prestations d’une assurance sociale ou de l’aide sociale qui ne seraient pas déjà couverts par les éléments constitutifs de l’escroquerie (Message du 26.6.2013 concernant une modification du code pénal et du code pénal militaire ; FF 2013 5431).

Nous attirons votre attention sur le fait que les cas de violations de l’obligation d’informer ou d’autres formes d’obtention illicite de prestations pourraient remplir les éléments constitutifs de cette nouvelle infraction et donner lieu au dépôt d’une plainte pénale par la caisse de compensation, l’organe d’exécution des PC et l’office AI.

En outre, il convient de noter que, selon l’art. 25, al. 2, LPGA en relation avec les art. 148a et 97, al. 1, let. d, CP, le délai absolu de prescription pour de tels cas est chaque fois de sept ans.

Ce bulletin a été également adressé par courriel aux offices AI en tant qu’information 17/2016

 

 

 

Message concernant une modification du code pénal et du code pénal militaire du 26.06.2013 : http://bit.ly/2dfZVH2

 

 

6B_1144/2015 (f) du 07.07.2016 – Violation grave des règles de la circulation – Dépassement téméraire de 2 motos et 1 voiture – 35 al. 2 LCR – 35 al. 3 LCR / Grief quant au principe de la présomption d’innocence écarté – 32 al. 1 Cst. – 6 § 2 CEDH – 14 al. 2 Pacte ONU II

Arrêt du Tribunal fédéral 6B_1144/2015 (f) du 07.07.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2btwqC8

 

Violation grave des règles de la circulation – Dépassement téméraire de 2 motos et 1 voiture – 35 al. 2 LCR – 35 al. 3 LCR

Grief quant au principe de la présomption d’innocence écarté – 32 al. 1 Cst. – 6 § 2 CEDH – 14 al. 2 Pacte ONU II

 

X.__ circulait au volant de sa voiture sur la route de Sornard, de Basse-Nendaz en direction de Haute-Nendaz pour se rendre à son domicile. A.__ roulait sur la même route au guidon de sa moto ; sa compagne, B.__, avait pris place à l’arrière de la moto. A la sortie du village de Sornard, A.__ circulait derrière un véhicule portant des plaques anglaises. Il était lui-même suivi par une moto pilotée par des amis tessinois. X.__ a alors entrepris de dépasser les deux motos et la voiture anglaise. Lors de la manœuvre de dépassement des motos qui circulaient normalement l’une derrière l’autre, il a constaté qu’un véhicule roulait sur la voie descendante et arrivait en face de lui. Il s’est rabattu brutalement sur la droite, contraignant le conducteur de la première moto à freiner fortement et à diriger son véhicule sur le bas-côté de la chaussée. En effet, après avoir remarqué que X.__ ne parviendrait pas à dépasser le véhicule circulant devant lui, A.__, en sa qualité de pilote expérimenté, a eu le réflexe de décélérer préventivement « en relâchant les gaz ». Sa vitesse était dès lors déjà réduite lorsque, finalement, il a été contraint de freiner fortement.

X.___ a été reconnu coupable de violation grave des règles de la circulation (art. 90 ch. 2 LCR en relation avec l’art. 35 al. 2 et 3 LCR). Sur appel, le recours de X.__ a été rejeté et le jugement de première instance a été confirmé.

 

TF

Un des griefs de X.__ est la violation du principe de la présomption d’innocence, reprochant à la cour cantonale d’avoir renversé le fardeau de la preuve.

La présomption d’innocence, garantie par l’art. 32 al. 1 Cst., l’art. 6 § 2 CEDH et l’art. 14 al. 2 Pacte ONU II, porte sur la répartition du fardeau de la preuve dans le procès pénal, d’une part, et sur la constatation des faits et l’appréciation des preuves, d’autre part.

En ce qui concerne le fardeau de la preuve, il incombe entièrement et exclusivement à l’accusation d’établir la culpabilité du prévenu, et non à celui-ci de démontrer qu’il n’est pas coupable. La présomption d’innocence est violée lorsque le juge rend un verdict de culpabilité au seul motif que l’accusé n’a pas prouvé son innocence. Lorsque X.__ se plaint d’une telle violation, la cour de droit pénal examine librement s’il ressort du jugement, considéré objectivement, que le juge a condamné l’accusé uniquement parce qu’il n’avait pas prouvé son innocence.

Comme règle d’appréciation des preuves, la présomption d’innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l’existence d’un fait défavorable à l’accusé si, d’un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l’existence de ce fait. Il importe peu qu’il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s’agir de doutes sérieux et irréductibles, c’est-à-dire de doutes qui s’imposent à l’esprit en fonction de la situation objective. Dans cette mesure, la présomption d’innocence se confond avec l’interdiction générale de l’arbitraire, prohibant une appréciation reposant sur des preuves inadéquates ou sans pertinence (ATF 138 V 74 consid. 7 p. 82; 124 IV 86 consid. 2a p. 87 s.; 120 Ia 31 consid. 2 p. 33 ss).

La cour cantonale n’a pas renversé, en l’espèce, le fardeau de la preuve. En effet, elle n’a pas retenu la culpabilité du recourant au motif qu’il n’aurait pas prouvé son innocence, mais parce qu’elle en avait acquis la conviction au vu des preuves administrées et notamment des déclarations de B.__ et de A.__. Elle a relevé que le témoignage de B.__ était crédible. En effet, celle-ci n’avait aucun intérêt à nuire au recourant en le dénonçant pour des faits inexacts dans la mesure où elle connaissait X.__, qui était son patient, et qu’elle entretenait de bonnes relations avec son épouse. En outre, les témoignages des deux témoins concordaient. Dans la mesure où X.__ invoque la présomption d’innocence comme règle d’appréciation des preuves, ce grief se confond avec celui d’appréciation arbitraire des preuves, qui a été déclaré mal fondé.

 

 

Arrêt 6B_1144/2015 consultable ici : http://bit.ly/2btwqC8

 

 

6B_877/2015 (f) du 20.06.2016 – Lésions corporelles graves par négligence – 125 CP / Erreur médicale – médecin-radiologue et cancer

Arrêt du Tribunal fédéral 6B_877/2015 (f) du 20.06.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2aUdt9g

 

Lésions corporelles graves par négligence / 125 CP

Erreur médicale – médecin-radiologue et cancer

 

Le 21.11.2007, dans le cadre de son activité de médecin-radiologue, Dr X.__ a procédé à une biopsie mammaire dans deux lésions sur une patiente, Mme Z, et effectué cinq prélèvements tissulaires répartis en 2 flacons. Dr X.__ a omis de prendre soin de faire acheminer correctement ces deux flacons au laboratoire d’analyses médicales ; le flacon contenant trois cylindres a été transmis aux fins d’analyses au laboratoire ce jour-là, le second flacon, contenant les deux cylindres, étant resté dans la salle d’examen.

Le 22.11.2007, à savoir le lendemain, la Dresse D.__ a effectué une biopsie dans le sein gauche de la patiente A.__ et a prélevé trois cylindres tissulaires qu’elle a placés dans un flacon qui se trouvait parmi ceux qui avaient été préparés à cet effet et qui contenait déjà les deux prélèvements tissulaires de Mme Z, ce dont la Dresse D.__ ne pouvait se rendre compte ; ce flacon a été envoyé au laboratoire après avoir été étiqueté au nom de A.__.

L’analyse des cinq fragments tissulaires se trouvant dans le flacon étiqueté au nom de A.__ a révélé que le tissu mammaire analysé était infiltré par un carcinome canalaire invasif, de grade historique 3, avec un indice de prolifération tumorale élevé, autrement dit un cancer très agressif nécessitant un traitement immédiat, alors que l’échantillon tumoral ne provenait pas de cette dernière, mais de Mme Z. Le Dr E.__ a ainsi informé sa patiente A.__ qu’elle était gravement atteinte et qu’il fallait intervenir sans délai. Il a pratiqué une intervention chirurgicale le 05.12.2007, à savoir l’exérèse d’un fragment de tissu mammaire ; l’examen du ganglion sentinelle prélevé a permis de révéler qu’il était exempt de métastase et qu’aucun carcinome canalaire invasif n’était présent.

Le 07.12.2007, le Dr E.__ a indiqué à sa patiente qu’il n’avait pas trouvé trace de la tumeur mais qu’elle avait pu partir lors de la biopsie. Le Dr E.__ l’a dirigée vers le Dr F.__, oncologue-hématologue, qui lui a confirmé que la tumeur avait pu partir lors de la biopsie et qu’il était indispensable de suivre un tel traitement, sans pour autant procéder à d’autres investigations médicales. De janvier à mai 2008, A.__ a subi plusieurs séances de chimiothérapie ; des effets secondaires tels que « perte de cheveux, douleurs généralisées importantes, vomissements, diarrhées, angoisses, hypoglycémie, rétention d’eau, etc. » ont perduré après la fin du traitement. Au terme de la chimiothérapie, une radiothérapie lui a été prescrite, nécessaire compte tenu de la nature agressive de la tumeur.

De nouvelles analyses du service de pathologies cliniques ont révélé l’absence de toute nouvelle prolifération tumorale et de toute lésion tumorale. Le département d’oncologie a ensuite procédé à une comparaison du sang de A.__ avec celui de la biopsie effectuée par C.__ en novembre 2007. Les résultats des tests ADN ont permis de montrer que le profil ADN établi à travers la biopsie était différent de celui obtenu grâce à son sang.

A.__ a déposé plainte pénale le 07.08.2008.

 

Procédure cantonale (arrêt AARP/280/2015 – consultable ici : http://bit.ly/2bqipCt)

En deuxième instance, la Chambre pénale d’appel et de révision de la Cour de justice du canton de Genève a reconnu Dr X.__ coupable de lésions corporelles simples par négligence.

Le lien de causalité entre le comportement de Dr X.__ et les lésions avait été rompu au moment de la prise en charge de l’intimée par le Dr F.__ ; seules les lésions antérieures à l’intervention de ce dernier – c’est-à-dire l’opération et ses séquelles – pouvaient dès lors être imputées à Dr X.__, et non pas les atteintes consécutives à la chimiothérapie.

 

TF

L’art. 125 CP réprime le comportement de celui qui, par négligence, aura fait subir à une personne une atteinte à l’intégrité corporelle ou à la santé. La réalisation de cette infraction suppose ainsi la réunion de trois conditions : l’existence de lésions corporelles, une négligence et un lien de causalité entre la négligence et les lésions.

Une infraction de résultat, qui suppose en général une action, peut aussi être commise par omission si l’auteur est resté passif au mépris d’une obligation d’agir (cf. art. 11 CP). Reste passif en violation d’une obligation d’agir celui qui n’empêche pas la mise en danger ou la lésion d’un bien juridique protégé par la loi pénale bien qu’il y soit tenu à raison de sa situation juridique. La loi énumère plusieurs sources pouvant fonder une position de garant, à savoir la loi, un contrat, une communauté de risques librement consentie ou la création d’un risque (art. 11 al. 2 CP). N’importe quelle obligation juridique ne suffit pas. Il faut qu’elle ait découlé d’une position de garant, c’est-à-dire que l’auteur se soit trouvé dans une situation qui l’obligeait à ce point à protéger un bien déterminé contre des dangers indéterminés (devoir de protection), ou à empêcher la réalisation de risques connus auxquels des biens indéterminés étaient exposés (devoir de surveillance), que son omission peut être assimilée au fait de provoquer le résultat par un comportement actif (cf. art. 11 al. 2 et 3 CP; ATF 141 IV 249 consid. 1.1 p. 251 s.; 134 IV 255 consid. 4.2.1 p. 259 s. et les références).

 

Le TF admet le recours de l’assuré, annule le jugement cantonal et renvoie la cause à la Cour des assurances du Tribunal cantonal vaudois.

Il faut qu’il existe un rapport de causalité entre la violation fautive du devoir de prudence et les lésions de la victime. En cas de violation du devoir de prudence par omission, il faut procéder par hypothèse et se demander si l’accomplissement de l’acte omis aurait, selon le cours ordinaire des choses et l’expérience de la vie, évité la survenance du résultat qui s’est produit, pour des raisons en rapport avec le but protecteur de la règle de prudence violée. Pour l’analyse des conséquences de l’acte supposé, il faut appliquer les concepts généraux de la causalité naturelle et de la causalité adéquate (ATF 134 IV 255 consid. 4.4.1 p. 265 et les arrêts cités). L’existence de cette causalité dite hypothétique suppose une très grande vraisemblance; autrement dit, elle n’est réalisée que lorsque l’acte attendu ne peut pas être inséré intellectuellement dans le raisonnement sans en exclure, très vraisemblablement, le résultat (ATF 116 IV 182 consid. 4a p. 185). La causalité adéquate est ainsi exclue lorsque l’acte attendu n’aurait vraisemblablement pas empêché la survenance du résultat ou lorsqu’il serait simplement possible qu’il l’eût empêché (arrêt 6B_1165/2015 du 20 avril 2016 consid. 2.2.1 et les références).

 

Il y a rupture de ce lien de causalité adéquate, l’enchaînement des faits perdant sa portée juridique, si une autre cause concomitante – par exemple une force naturelle, le comportement de la victime ou celui d’un tiers – propre au cas d’espèce constitue une circonstance tout à fait exceptionnelle ou apparaît si extraordinaire que l’on ne pouvait pas s’y attendre. Cependant, cette imprévisibilité de l’acte concurrent ne suffit pas en soi à interrompre le lien de causalité adéquate. Il faut encore que cet acte ait une importance telle qu’il s’impose comme la cause la plus probable et la plus immédiate de l’événement considéré, reléguant à l’arrière-plan tous les autres facteurs qui ont contribué à amener celui-ci, notamment le comportement de l’auteur (ATF 134 IV 255 consid. 4.4.2 p. 265 s.; 133 IV 158 consid. 6.1 p. 168 et les références).

 

En l’espèce, la causalité naturelle est établie. En effet, selon le cours ordinaire des choses et l’expérience générale de la vie, le fait d’étiqueter correctement le flacon contenant les prélèvements effectués sur Mme Z aurait permis, avec un haut degré de probabilité, d’éviter qu’il ne fût réutilisé, et ce, même dans l’hypothèse où il aurait été laissé abandonné sur le chariot; dans un tel cas de figure, il n’aurait très vraisemblablement pas été rangé dans le tiroir parmi les autres tubes non encore utilisés. Même à supposer que tel eût été le cas, il ne faisait nul doute qu’au moment où la Dresse D.__ aurait eu à prendre un tube vierge dans le tiroir pour y placer les ponctions de sa propre patiente, elle aurait alors remarqué que celui-ci avait déjà été utilisé et ne s’en serait pas servie pour y placer les prélèvements de l’intimée, évitant ainsi tout mélange des ponctions, et par là même tout diagnostic erroné chez sa patiente ainsi que toutes les interventions médicales ultérieures et les conséquences qui leur furent associées.

 

En outre, même si la probabilité que l’oubli d’étiqueter un tube aboutisse à des conséquences aussi dramatiques était relativement ténue, cette négligence était néanmoins propre à entraîner, ou à tout le moins à favoriser, le résultat du genre de celui qui s’est produit. Cela est de nature à fonder la causalité adéquate. En tant que l’omission initiale reprochée à Dr X.__ et figurant dans l’acte d’accusation est la causalité naturelle et adéquate des lésions de l’intimée, toute discussion sur le complément de l’acte d’accusation en lien avec une lecture inattentive du rapport du laboratoire à réception des échantillons devient vaine.

 

 

Le TF rejette le recours du Dr X.__.

 

Arrêt 6B_877/2015 consultable ici : http://bit.ly/2aUdt9g

 

 

1B_63/2016 (f) du 08.06.2015 – Surveillance téléphonique – Mesures de surveillance secrètes / 269 ss CPP

Arrêt du Tribunal fédéral 1B_63/2016 (f) du 08.06.2015

 

Consultable ici : http://bit.ly/290cTEI

 

Surveillance téléphonique – Mesures de surveillance secrètes / 269 ss CPP

 

TF

Selon l’art. 269 al. 1 CPP, le ministère public peut ordonner la surveillance de la correspondance par poste et télécommunication aux conditions suivantes : de graves soupçons laissent présumer que l’une des infractions visées à l’alinéa 2 a été commise (let. a); cette mesure se justifie au regard de la gravité de l’infraction (let. b); les mesures prises jusqu’alors dans le cadre de l’instruction sont restées sans succès ou les recherches n’auraient aucune chance d’aboutir ou seraient excessivement difficiles en l’absence de surveillance (let. c). Seules les infractions visées par le catalogue exhaustif de l’art. 269 al. 2 CPP peuvent justifier une surveillance; parmi celles-ci figurent les infractions réprimées à l’art. 19 al. 2 de la loi fédérale du 3 octobre 1951 sur les stupéfiants et les substances psychotropes (LStup; RS 812.121; art. 269 al. 2 let. f CPP).

De manière générale, le Tribunal fédéral a rappelé que des abus n’étaient pas exclus dans les cas d’application des normes permettant des mesures de surveillance secrète, notamment téléphonique. Seul un contrôle par une autorité judiciaire, par le biais tout d’abord d’une procédure d’autorisation, puis la possibilité d’un recours ultérieur par la personne concernée (ATF 140 I 381 consid. 4.5.1 p. 390 s.) assurent les garanties nécessaires et adéquates à cet égard (ATF 140 I 353 consid. 8.7.2.3 p. 376 et les arrêts cités). Cette procédure (autorisation judiciaire, puis éventuel recours) se justifie en raison de la grave atteinte à la sphère privée que constitue ce type de mesure (art. 13 al. 1 Cst.; sur cette disposition, ATF 140 I 381 consid. 4.1 p. 383 s., 353 consid. 8.3 p. 369 s.).

 

Le CPP s’inscrit parfaitement dans ce souci d’éviter des abus. Ainsi, ce type de surveillance est soumis à l’autorisation du Tmc (art. 272 al. 1 CPP). Puis, au plus tard lors de la clôture de la procédure préliminaire, le ministère public communique au prévenu ainsi qu’au tiers qui ont fait l’objet d’une surveillance au sens de l’art. 270 let. b CPP, les motifs, le mode et la durée de la surveillance (art. 279 al. 1 CPP). Selon l’alinéa 3 de cette même disposition, les personnes dont le raccordement de télécommunication ou l’adresse postale ont été surveillés ou celles qui ont utilisé le même raccordement ou la même adresse postale peuvent interjeter recours conformément aux art. 393 à 397 CPP; le délai de recours commence à courir dès la réception de la communication.

En tant qu’autorité d’autorisation (art. 272 al. 2, 273 al. 2 et 274 CPP), le Tmc est ainsi appelé à vérifier l’existence de graves soupçons au sens de l’art. 269 al. 1 let. a CPP. Lors de cet examen, il n’a cependant pas à procéder à une pesée complète des éléments à charge et à décharge. Il doit uniquement examiner, si, au vu des éléments ressortant alors de la procédure, il existe des indices sérieux de culpabilité justifiant la mesure requise et procède donc à un examen de la qualification juridique des faits sous l’angle de la vraisemblance (ATF 141 IV 459 consid. 4.1 p. 461).

Selon la doctrine, la gravité des soupçons au sens de l’art. 269 al. 1 let. a CPP doit atteindre celle requise pour la mise en détention provisoire (cf. art. 221 al. 1 CPP [« fortement soupçonné », « dringend verdächtig », « gravemente indiziato »]; MARC JEAN-RICHARD-DIT-BRESSEL, in Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, Art. 196-457 StPO, 2e éd. 2014, n° 34 ad art. 269 CPP; FRANZ RIKLIN, StPO Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2e éd. 2014, n° 4 ad remarques préliminaires ad art. 269-298d CPP et n° 1 ad art. 269 CPP; NIKLAUS SCHMID, Praxiskommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2e éd. 2013, n° 6 ad art. 269 CPP; JEANNERET/KUHN, Précis de procédure pénale, 2013, n. 14094; MOREILLON/PAREIN-REYMOND, Petit commentaire, Code de procédure pénale, 2013, n° 6 ad art. 269 CPP; ZUFFEREY/BACHER, in Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, 2011, n° 8 ad art. 269 CPP). Selon HANSJAKOB, le degré de gravité devrait cependant être moins élevé s’agissant d’une mesure de surveillance que celui exigé pour une détention, dès lors que les éléments obtenus lors de la première mesure peuvent permettre le prononcé de la seconde (THOMAS HANSJAKOB, in DONATSCH/HANSJAKOB/ LIEBER, Kommentar zur Schweizerischen Strafprozessordnung (StPO), 2e éd. 2014, n° 19 ad art. 269 CPP).

L’intensité des charges propres à motiver notamment un maintien en détention n’est pas la même aux divers stades de l’instruction pénale; ainsi, dans les premiers temps de l’enquête, des soupçons encore peu précis peuvent être suffisants (ATF 137 IV 122 consid. 3.2 p. 126 s.; arrêts 1B_56/2016 du 7 mars 2016 consid. 2.1; 1B_352/2015 du 27 octobre 2015 consid. 2.2 et les arrêts cités). Tel n’est cependant pas le cas de vagues suspicions ne se fondant sur aucun motif objectif; en outre, les charges doivent être objectivement fondées et vérifiables (ZUFFEREY/BACHER, op. cit., n° 8 ad art. 269 CPP). Il n’est en revanche pas nécessaire de prouver les éléments de la qualification déjà au moment de statuer sur l’admissibilité de la mesure (ATF 129 IV 188 consid. 3.2.3 p. 194 s.; arrêt 1B_425/2010 du 22 juin 2011 consid. 3.1). Il faut aussi tenir compte de la gravité de l’infraction examinée, de l’existence, le cas échéant, d’une décision judiciaire préalable relative à de tels soupçons, ainsi que de l’avancée depuis lors de l’instruction (arrêt 1B_230/2013 du 26 juillet 2013 consid. 5.1.2).

Pour effectuer ce contrôle, le Tmc se fondera en particulier sur la demande du ministère public, l’ordre de surveillance de ce dernier, un exposé des motifs et les actes déterminants du dossier (cf. art. 274 al. 1 let. a et b CPP). La requête contiendra notamment une – courte – description de l’état de fait, l’indication de l’infraction poursuivie et des circonstances fondant les graves soupçons (JEAN-RICHARD-DIT-BRESSEL, op. cit., n° 5 ad art. 274 CPP; HANSJAKOB, op. cit., n° 4 ad art. 274 CPP; RIKLIN, op. cit., n° 2 ad art. 274 CPP; MOREILLON/PAREIN-REYMOND, op. cit., n° 4 ad art. 274 CPP; NIKLAUS OBERHOLZER, Grundzüge des Strafprozessrechts, 3e éd. 2012, n° 1199 p. 424; ZUFFEREY/BACHER, op. cit., n° 5 ad art. 274 CPP). Elle exposera de plus les démarches entreprises au cours de l’enquête, en particulier celles restées sans succès (cf. art. 269 al. 1 let. c CPP; OBERHOLZER, op. cit., n° 1199 p. 424; ZUFFEREY/BACHER, op. cit., n° 5 ad art. 274 CPP).

Quant aux actes déterminants que doit fournir le ministère public au Tmc, il peut s’agir de pièces à conviction au sens de l’art. 192 CPP (JEAN-RICHARD-DIT-BRESSEL, op. cit., n° 35 ad art. 269 CPP; ZUFFEREY/ BACHER, op. cit., n° 6 ad art. 274 CPP; ALEXIS SCHMOCKER, in Commentaire romand, Code procédure pénale, 2011, n° 9 ad art. 221 CPP, auteur citant en matière de détention provisoire une arrestation en flagrant délit, des aveux a priori crédibles, des empreintes digitales et/ou ADN). La doctrine mentionne aussi des rapports de police et/ou des notes du ministère public (JEAN-RICHARD-DIT-BRESSEL, op. cit., n° 5 ad art. 274 CPP), voire même des éléments recueillis au cours des premières 24 heures de surveillance (ZUFFEREY/BACHER, op. cit., n° 6 ad art. 274 CPP). L’établissement des graves soupçons peut aussi se fonder sur les déclarations de témoins, de parties (art. 104 CPP), d’autres participants (art. 105 CPP), ainsi que de collaborateurs des autorités pénales (JEAN-RICHARD-DIT-BRESSEL, op. cit., n° 35 ad art. 269 CPP; ZUFFEREY/BACHER, op. cit., n° 8 ad art. 269 CPP et n° 6 ad art. 274 CPP).

Il ne faut cependant pas perdre de vue que les déclarations de parties ou de témoins peuvent manquer d’objectivité (ZUFFEREY/ BACHER, op. cit., n° 8 ad art. 269 CPP). Dès lors, la seule affirmation – notamment d’une partie – sans indication de source ou sans avoir le caractère spécifique de témoignage n’est en principe pas suffisante (JEAN-RICHARD-DIT-BRESSEL, op. cit., n° 35 ad art. 269 CPP). Il en va de même de simples spéculations, de rumeurs ou de suppositions générales (arrêt 1B_516/2011 du 17 novembre 2011 consid. 2.1; JONAS WEBER, in Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, Art. 196-457 StPO, 2e éd. 2014, n° 7 ad art. 197 CPP).

Une appréciation plus nuancée est envisageable s’agissant des éléments relevés par la police dans ses rapports. En effet, il arrive que ceux-ci ne puissent pas être davantage étayés, notamment afin de protéger, provisoirement ou durablement, l’identité de certains informateurs; l’utilisation de telles informations n’en est pas pour autant exclue si celles-ci semblent objectivement plausibles au vu des circonstances entourant l’enquête (HANSJAKOB, op. cit., n° 3 ad art. 274 CPP).

 

En vertu du principe de proportionnalité (art. 197 al. 1 let. c et d et 269 al. 1 let. b CPP), la mesure de surveillance doit encore être adéquate et poursuivre un intérêt public; elle doit ainsi être susceptible d’obtenir des résultats concrets. Les circonstances d’espèce sont dès lors déterminantes pour examiner la gravité de l’infraction; à cet égard, il n’est pas en soi suffisant que celle-ci figure dans le catalogue de l’art. 269 al. 2 CPP. La surveillance est ainsi admissible si, objectivement et subjectivement, elle se justifie au regard de la nature du bien juridiquement protégé atteint par l’acte punissable, la mise en danger de ce dernier, la gravité de la lésion, le mode opératoire utilisé, l’énergie criminelle déployée et/ou les mobiles de l’auteur (ATF 141 IV 459 consid. 4.1 p. 461 s.).

 

Enfin, une surveillance ne peut être autorisée que si elle respecte le principe de subsidiarité (art. 269 al. 1 let. c CPP). Celui-ci présuppose notamment que l’autorité examine d’abord si une autre mesure moins incisive peut atteindre le résultat recherché (ultima ratio; ATF 141 IV 459 consid. 4.1 p. 462).

 

 

Arrêt 1B_63/2016 consultable ici : http://bit.ly/290cTEI