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8C_290/2024 (f) du 31.01.2025 – Opposition par un mandataire – Procuration et représentation – Examen du formalisme excessif

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_290/2024 (f) du 31.01.2025

 

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Opposition par un mandataire – Procuration et représentation – Examen du formalisme excessif / 52 LPGA – 10 OPGA – 29 al. 1 Cst.

 

Le 10.11.2022, l’assurance-accidents a adressé à A.__ Sàrl une décision-facture après révision de 129’923 fr. 65. Ce montant correspondait aux primes d’assurance contre les accidents professionnels et non professionnels du personnel emprunté par A.__ Sàrl, que l’assurance-accidents considérait comme dépendant de cette société.

Le 25.11.2022, B., représentant A. Sàrl « dans les litiges », a rencontré deux collaborateurs de l’assurance-accidents pour obtenir des explications sur la décision-facture. Lors de cet entretien, il a été informé que la seule option était de faire opposition à la facture et de prouver les faits. B.__ a formé opposition le 28.11.2022, en joignant une procuration l’autorisant à « avoir accès à tout document officiel concernant leur comptabilité générale ainsi que tout document extra en prévoyance de l’expertise commerciale qui a été ordonnée par la société précitée ». Par courrier A Plus du 01.12.2022, l’assurance-accidents a imparti à B.__ un délai au 16.12.2022 pour attester ses pouvoirs au moyen d’une procuration impliquant expressément le pouvoir de former opposition, en précisant que, à défaut de production dans le délai imparti, l’opposition serait considérée comme irrecevable. Selon les informations de suivi des envois fournies par la poste, ledit courrier a été distribué le 02.12.2022 à 10 heures 11 (mention « zugestellt durch », sans autre précision).

Par décision sur opposition du 03.01.2023, l’assurance-accidents a déclaré irrecevable l’opposition du 28.11.2022 au motif que la procuration demandée n’avait pas été remise dans le délai imparti. Par courriers des 04.01.2023 et 16.01.2023, B.__ a produit la procuration requise et a demandé que l’opposition soit prise en considération, au motif qu’il n’avait jamais reçu le courrier du 01.12.2022.

 

Procédure cantonale (arrêt 605 2023 22 – consultable ici)

Le 02.02.2023, représentée par son avocat, A.__ Sàrl a déposé un recours contre la décision sur opposition du 03.01.2023 en concluant à son annulation. Par arrêt du 11.04.2024, le tribunal cantonal a admis le recours et renvoyé la cause à la l’assurance-accidents pour nouvelle décision.

 

TF

Consid. 4.1 [résumé]
Sans se prononcer sur la présence d’éventuels indices concrets d’une erreur de distribution du courrier A Plus, le tribunal cantonal a estimé que l’opposition du 28.11.2022 avait été déposée au nom de A.__ Sàrl, malgré l’absence de procuration spécifique. Cette conclusion se base sur plusieurs éléments : l’assurance-accidents avait adressé son courrier uniquement à B.__, reconnaissant implicitement sa qualité de représentant ; lors de l’entretien préalable, les collaborateurs de l’assurance-accidents n’avaient pas remis en question les pouvoirs de B.__ ; dans une procédure parallèle, la caisse de compensation avait également demandé une procuration spécifique à B.__, mais par pli recommandé et avec copie à A.__ Sàrl. La cour cantonale a souligné que l’assurance-accidents aurait pu se renseigner auprès de la caisse de compensation concernant la procuration avant de déclarer l’opposition irrecevable, étant donné la coordination entre les deux entités.

Consid. 4.2 [résumé]
Le tribunal cantonal a relevé que la volonté de A.__ Sàrl de faire opposition était évidente, comme en témoigne un entretien téléphonique du 07.12.2022 avec l’assurance-accidents, où la société avait demandé de suspendre la facture pendant la procédure d’opposition. Les juges cantonaux ont constaté un manque de communication interne à l’assurance-accidents entre les gestionnaires du dossier, qui n’avaient jamais remis en cause le pouvoir de représentation de B.__, et la juriste chargée de traiter l’opposition, qui avait constaté l’insuffisance de la procuration. Le tribunal cantonal a conclu que ce dysfonctionnement interne de l’assurance-accidents, considéré comme contraire à la bonne foi et constituant un formalisme excessif, ne devait pas être imputé à A.__ Sàrl.

Consid. 5.1
Il y a formalisme excessif (constitutif d’un déni de justice formel prohibé par l’art. 29 al. 1 Cst.) lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi et complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l’accès aux tribunaux (ATF 149 IV 9 consid. 7.2; 149 III 12 consid. 3.3.1; 145 I 201 consid. 4.2.1; 142 V 152 consid. 4.2; 142 IV 299 consid. 1.3.2). Les limitations appliquées au droit d’accès à un tribunal, notamment en ce qui concerne les conditions de recevabilité d’un recours, ne doivent pas restreindre l’accès ouvert à l’individu d’une manière ou à un point tel que le droit s’en trouve atteint dans sa substance même. En outre, les limitations considérées ne se concilient avec l’art. 6 par. 1 CEDH que si elles poursuivent un but légitime et s’il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé. En ce sens, si le droit d’exercer un recours est bien entendu soumis à des conditions légales, les tribunaux doivent, en appliquant des règles de procédure, éviter à la fois un excès de formalisme qui porterait atteinte à l’équité de la procédure et une souplesse excessive qui aboutirait à supprimer les conditions de procédures établies par la loi (ATF 149 IV 9 consid. 7.2).

Consid. 5.3.1
 Contrairement à l’avis des juges cantonaux, l’assurance-accidents était en droit d’exiger une procuration écrite du mandataire de A.__ Sàrl, conformément à l’art. 37 al. 2 LPGA (cf. ATF 104 Ia 403 consid. 4e; arrêts 9C_533/2022 du 10 février 2023 consid. 5.2; 6B_388/2022 du 8 mai 2023 consid. 2.3; 2C_545/2021 du 10 août 2021 consid. 2.1; 5A_561/2016 du 22 septembre 2016 consid. 3.3; 2C_55/2014 du 6 juin 2014 consid. 5.3.1). Pour autant que cette exigence de procuration ait été valablement notifiée, l’assurance-accidents était également en droit de s’en tenir à cette exigence en dépit de l’appel téléphonique du 07.12.2022 lors duquel la procédure d’opposition a été directement évoquée avec A.__ Sàrl. Il n’y a pas lieu d’y voir un formalisme excessif. Par ailleurs, le fait que des collaborateurs de l’assurance-accidents se soient entretenus auparavant avec B.__ ou aient échangé avec A.__ Sàrl n’y change rien. Même en admettant que l’assurance-accidents avait connaissance de la volonté de A.__ Sàrl de former opposition, elle était tout de même en droit d’exiger une procuration écrite de son mandataire. Le recours doit être admis sur ce point.

Consid. 5.3.2
Les juges cantonaux ont laissé ouverte la question de savoir si la preuve de la notification de la demande de procuration écrite avait été rapportée. Il s’agissait toutefois d’une question décisive pour se prononcer sur le recours dont ils étaient saisis, étant donné qu’aucun formalisme excessif ne pouvait être reproché à l’assurance-accidents. En l’espèce, le Tribunal fédéral est tenu de statuer sur la base des faits établis par l’autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF; cf. consid. 2.1 supra), ce qui rend nécessaire un renvoi de la cause à la cour cantonale pour qu’elle se prononce sur cet aspect.

 

Le TF admet le recours de l’assurance-accidents.

 

Arrêt 8C_290/2024 consultable ici

 

8C_349/2024 (f) du 19.12.2024 – Dies a quo du délai d’opposition de l’employeur qui a été informé par courriel de l’envoi d’une décision pour son employée / Décision formelle vs informelle

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_349/2024 (f) du 19.12.2024

 

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Dies a quo du délai d’opposition de l’employeur qui a été informé par courriel de l’envoi d’une décision pour son employée / 49 LPGA – 52 LPGA

Décision formelle vs informelle / 49 LPGA – 51 LPGA

 

B.B.__ est l’unique associé gérant, avec signature individuelle, de la société A.__ Sàrl (ci-après aussi: la société). C.B.__ (ci-après: l’assurée), née en 1991, fille de B.B.__, a été engagée par la société comme assistante de direction. Le 13.06.2021, l’assurée a été victime d’un accident et s’est plainte depuis lors de douleurs lombaires. L’assurance-accidents a pris en charge le cas. Le 22.03.2022, celle-ci a informé par téléphone B.B.__ que les frais du cas de sa fille seraient pris en charge jusqu’au 16.09.2021 et qu’ensuite, le cas relèverait de la maladie; l’attention du prénommé était en outre attirée sur la possibilité de déposer une opposition motivée contre la décision à venir.

Par décision du 23.03.2022, l’assurance-accidents a mis un terme à ses prestations avec effet au 16.09.2021, motif pris qu’après cette date, le lien de causalité entre l’accident et les troubles de l’assurée ne pouvait plus être admis au degré de la vraisemblance prépondérante. Cette décision a été notifiée à l’assurée par courrier postal le 25.03.2022.

Le 24.03.2022, l’assurance-accidents a envoyé un courriel à la société, à l’adresse électronique de B.B.__, dont la teneur était la suivante:
« […] En notre qualité d’assureur-accidents obligatoire, nous avons examiné notre obligation de verser des prestations pour l’événement du 13 juin 2021. À titre d’information, nous vous communiquons un extrait de notre décision du 23.03.2022.

Dispositif

  1. L’assurance-accidents met un terme au versement de ses prestations au 16 septembre 2021.
  2. En application de l’art. 11 al. 1, let. b de l’ordonnance sur la partie générale du droit des assurances sociales (OPGA), l’effet suspensif est retiré pour tout recours éventuel.

Si vous avez des questions, n’hésitez pas à nous contacter. Nous vous fournirons volontiers de plus amples informations. […] »

Par courriel du 24.05.2022, B.B.__ a, au nom de la société, manifesté son opposition à la décision du 23.03.2022. Par décision sur opposition du 13.07.2022, l’assurance-accidents a déclaré l’opposition irrecevable pour tardiveté; le délai d’opposition avait commencé à courir le 25.03.2022, soit le lendemain de la notification régulière par voie électronique, et était arrivé à échéance – compte tenu des féries judiciaires – le dimanche 08.05.2022, le terme devant être reporté au 09.05.2022.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 93/22 – 40/2024 – consultable ici)

Par jugement du 02.05.2024, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3.1
Selon l’art. 49 al. 1 LPGA, l’assureur doit rendre par écrit les décisions qui portent sur des prestations, créances ou injonctions importantes ou avec lesquelles l’intéressé n’est pas d’accord. L’art. 49 al. 3 LPGA dispose que les décisions indiquent les voies de droit (première phrase); elles doivent être motivées si elles ne font pas entièrement droit aux demandes des parties (deuxième phrase); la notification irrégulière d’une décision ne doit entraîner aucun préjudice pour l’intéressé (troisième phrase). Aux termes de l’art. 51 LPGA, les prestations, créances et injonctions qui ne sont pas visées à l’art. 49 al. 1 peuvent être traitées selon une procédure simplifiée (al. 1); l’intéressé peut exiger qu’une décision soit rendue (al. 2). L’art. 52 al. 1 LPGA prévoit que les décisions peuvent être attaquées dans les trente jours par voie d’opposition auprès de l’assureur qui les a rendues, à l’exception des décisions d’ordonnancement de la procédure.

Consid. 3.2.1
S’agissant du délai pour contester un acte de l’administration, la jurisprudence distingue selon qu’il s’agit de la clôture du cas signifiée de manière informelle ou d’un décompte d’indemnités journalières. Dans la première éventualité, le délai pour faire part de son désaccord est d’un an car, sur cette question, l’administration aurait dû obligatoirement statuer par le biais d’une décision écrite (art. 49 al. 1 LPGA; voir aussi l’art. 124 OLAA; cf. ATF 134 V 145 consid. 5.3.2; 132 V 412 consid. 4). La situation est en revanche différente dans la seconde éventualité, à savoir lorsque l’intéressé veut contester une communication pouvant faire l’objet d’une procédure simplifiée en vertu de l’art. 51 al. 1 LPGA. Contre une communication effectuée conformément au droit sous la forme simplifiée, il est possible d’exiger une décision écrite dans un délai de réflexion, qui, selon les circonstances, peut être supérieur au délai légal de 30 jours mais qui ne saurait cependant dépasser plusieurs mois (ATF 134 V 145 consid. 5.3.1). Aussi, ce délai doit-il être fixé à 3 mois ou 90 jours à compter de la communication d’un décompte d’indemnité journalière (arrêt 8C_789/2012 du 16 septembre 2013 consid. 4.1 et les arrêts cités).

Consid. 3.2.2
L’art. 49 al. 3 LPGA, à teneur duquel la notification irrégulière d’une décision ne doit entraîner aucun préjudice pour l’intéressé, consacre un principe général du droit qui concrétise la protection constitutionnelle de la bonne foi et les garanties conférées par l’art. 29 al. 1 et 2 Cst. (arrêt 9C_239/2022 du 14 septembre 2022 consid. 5.1; cf. ATF 145 IV 259 consid. 1.4.4; 144 II 401 consid. 3.1). Cependant, la jurisprudence n’attache pas nécessairement la nullité à l’existence de vices dans la notification: la protection des parties est suffisamment garantie lorsque la notification irrégulière atteint son but malgré cette irrégularité. Il y a lieu d’examiner, d’après les circonstances du cas concret, si la partie intéressée a réellement été induite en erreur par l’irrégularité de la notification et a, de ce fait, subi un préjudice. Il convient à cet égard de s’en tenir aux règles de la bonne foi qui imposent une limite à l’invocation du vice de forme (ATF 150 II 26 consid. 3.5.4; 139 IV 228 consid. 1.3; 122 I 97 consid. 3a/aa). En vertu de ce principe, l’intéressé est tenu de se renseigner sur l’existence et le contenu de la décision dès qu’il peut en soupçonner l’existence, sous peine de se voir opposer l’irrecevabilité d’un éventuel moyen pour cause de tardiveté (ATF 139 IV 228 consid. 1.3).

Consid. 5.2.1
Il n’est pas contesté que la décision du 23.03.2022, qui contient notamment une motivation et l’indication de la voie de droit, a été valablement notifiée à l’assurée le 25.03.2022. Ce faisant, l’assurance-accidents a rendu à juste titre une décision au sens de l’art. 49 LPGA puisqu’elle a mis un terme à ses prestations. Par courriel du 24.03.2022, elle a communiqué à l’employeuse recourante un extrait de cette décision, à savoir son dispositif. Dès lors qu’au moment de l’envoi de ce courriel, une décision formelle avait d’ores et déjà été émise, ce à quoi l’employeuse recourante a d’ailleurs été rendue attentive, on ne saurait considérer que celle-ci disposait, en application de la jurisprudence (cf. consid. 3.2.1 supra), d’un délai d’une année pour exiger qu’une décision écrite au sens de l’art. 49 al. 1 LPGA soit rendue. Il s’agit donc bien, comme retenu par le tribunal cantonal, d’un cas de notification irrégulière d’une décision, l’assurance-accidents ayant transmis à l’employeuse recourante le seul dispositif de sa décision, sans motivation ni indication de la voie de droit, de surcroît par courrier électronique.

Consid. 5.2.2
En ce qui concerne l’absence de préjudice causé par la notification irrégulière, le raisonnement des juges cantonaux peut également être confirmé. Le courriel adressé à l’employeuse recourante le 24.03.2022 renvoyait expressément à la décision du 23.03.2022, régulièrement notifiée à l’assurée le 25.03.2022. Il ressortait clairement de ce courriel que seul un extrait de cette décision était transmis à l’employeuse recourante. B.B.__, seul représentant de l’employeuse recourante, avait par ailleurs été averti deux jours plus tôt qu’une décision mettant fin aux prestations allait être rendue et qu’il serait possible de s’y opposer. À réception du courriel du 24.03.2022, le prénommé savait donc qu’une décision avait été rendue le jour précédent, que l’assurance-accidents mettait un terme aux prestations au 16.09.2021 et qu’il était possible de s’opposer à cette décision. Conformément aux règles de la bonne foi, il était tenu de se renseigner sans délai sur le contenu de la décision en question, en vue notamment de prendre connaissance de la motivation et de la voie de droit. Pour ce faire, il pouvait s’adresser à l’assurée – à savoir sa fille -, qui était en possession de la décision dans son intégralité dès le 25.03.2022, ou à l’assurance-accidents, qui aurait été en mesure de lui faire parvenir la décision complète. Dans ces conditions, la cour cantonale a confirmé à juste titre qu’en ne s’opposant à la décision du 23.03.2022 que le 25.05.2022, l’employeuse recourante pouvait se voir opposer l’irrecevabilité de son opposition pour cause de tardiveté. Le point – débattu dans le cadre de l’échange d’écritures – de savoir quand B.B.__ a effectivement eu connaissance de la décision notifiée à sa fille peut demeurer indécis, dès lors que l’intéressé était quoi qu’il en soit tenu de se renseigner dès le 24.03.2022. Il s’ensuit que l’arrêt cantonal ne prête pas le flanc à la critique, que ce soit sous l’angle de l’établissement des faits – que le Tribunal fédéral n’examine que sous l’angle de l’arbitraire – ou de l’application du droit.

Le TF rejette le recours de l’employeuse.

 

Arrêt 8C_349/2024 consultable ici

 

8C_622/2023 (f) du 27.05.2024 – Révision d’une décision entrée en force – Droit aux indemnités chômage / Mandataire professionnel ne faisant non pas une opposition mais demandant la révison/reconsidération d’une décision non entrée en force – Pas de formalisme excessif de l’autorité

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_622/2023 (f) du 27.05.2024

 

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Révision d’une décision entrée en force / 53 al. 1 LPGA

Existence d’un domicile en Suisse – Droit aux indemnités chômage

Mandataire professionnel ne faisant non pas une opposition mais demandant la révison/reconsidération d’une décision non entrée en force – Pas de formalisme excessif de l’autorité

 

L’assurée a notamment bénéficié d’un délai-cadre d’indemnisation de chômage du 01.07.2020 au 30.11.2022. A la suite d’une dénonciation, l’Office cantonal genevois de l’emploi (ci-après: OCE) a demandé une enquête sur le domicile de la prénommée au bureau des enquêtes de l’Office cantonal genevois de la population et des migrations (ci-après: OCPM). Il ressort d’un rapport d’aide administrative interdépartementale établi le 01.06.2022 que l’assurée ne résidait pas à la rue B.__ à Genève, mais à U.__ en France.

Par décision du 03.06.2022, adressée par pli recommandé, l’OCE a nié à l’assurée son droit à l’indemnité de chômage depuis le 01.07.2020, au motif qu’elle n’avait pas de domicile dans le canton de Genève, à tout le moins depuis cette date. Cette décision n’ayant pas été retirée dans le délai de garde postal, l’OCE l’a renvoyée à l’assurée le 20.06.2022, par courrier simple, en précisant que le « délai de recours » avait commencé à courir à l’échéance du délai de garde.

Le 20.07.2022, l’assurée, assistée d’un avocat, a informé l’OCE n’avoir eu connaissance de la décision du 03.06.2022 que par le biais du pli simple du 20.06.2022. Elle a expliqué ne plus habiter à la rue B.__ depuis le 05.06.2022 et ne pas avoir été en mesure de prendre connaissance de la décision dans le délai de garde postal. Niant être domiciliée en France, elle a réclamé l’annulation de la décision par reconsidération ou révision. Par décision du 22.08.2022, l’OCE a refusé d’entrer en matière sur la demande de l’assurée. Cette décision n’a pas fait l’objet d’une contestation.

Le 27.09.2022, l’assurée a formulé une nouvelle demande de reconsidération, s’appuyant sur une décision de l’OCE du 22.09.2022 reconnaissant son domicile à Genève du 03.04.2017 au 02.04.2019, ainsi que sur des attestations de tiers concernant son domicile après le 05.06.2022. Cette demande a été rejetée le 01.12.2022.

Parallèlement, l’OCPM a d’abord conclu à l’absence de domicile en Suisse de l’assurée depuis le 06.02.2020, avant d’annuler cette décision le 02.03.2023, reconnaissant finalement son domicile en Suisse sur la base des éléments fournis dans le cadre de la procédure avec l’OCE.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/632/2023 – consultable ici)

Par jugement du 23.08.2023, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 2
Il convient de définir l’objet du litige, plusieurs décisions ayant été rendues par l’OCE concernant la situation de l’assurée. L’arrêt attaqué porte sur la contestation par l’assurée de la décision du 01.12.2022 rejetant la demande de reconsidération et révision formée le 27.09.2022. Cette demande visait à obtenir la révision, respectivement la reconsidération de la décision de l’OCE du 03.06.2022 niant le droit de l’assurée à l’indemnité de chômage depuis le 01.07.2020, au motif qu’elle n’était pas domiciliée dans le canton de Genève. Le présent litige porte dès lors sur la réalisation des conditions d’une révision de cette dernière décision au moment du dépôt de la demande du 27.09.2022. Le recours est dès lors irrecevable en tant qu’il conclut au constat d’un domicile à Genève dès le 01.07.2020 et à la reconnaissance du droit à l’indemnité de chômage à partir de cette date.

Consid. 4.1
Selon l’art. 53 al. 1 LPGA, les décisions et les décisions sur opposition formellement passées en force sont soumises à révision si l’assuré ou l’assureur découvre subséquemment des faits nouveaux importants ou trouve des nouveaux moyens de preuve qui ne pouvaient être produits auparavant. Aussi, par analogie avec la révision des décisions rendues par les autorités judiciaires, l’administration est tenue de procéder à la révision (dite procédurale) d’une décision formellement passée en force lorsque sont découverts des faits nouveaux importants ou de nouveaux moyens de preuve qui ne pouvaient être produits avant et qui sont susceptibles de conduire à une appréciation juridique différente (ATF 148 V 277 consid. 4.3 et la référence).

Sont « nouveaux », au sens de l’art. 53 al. 1 LPGA, les faits qui se sont produits jusqu’au moment où, dans la procédure principale, des allégations de faits étaient encore recevables, mais qui n’étaient pas connus du requérant malgré toute sa diligence. En outre, les faits nouveaux doivent être importants, c’est-à-dire qu’ils doivent être de nature à modifier l’état de fait qui est à la base de la décision dont la révision est demandée et conduire à une solution différente en fonction d’une appréciation juridique correcte. Les preuves, quant à elles, doivent servir à prouver soit les faits nouveaux importants, qui motivent la révision, soit des faits qui étaient certes connus lors de la procédure précédente, mais qui n’avaient pas pu être prouvés, au détriment du requérant. Ce qui est décisif, c’est que le moyen de preuve ne serve pas à l’appréciation des faits seulement, mais à l’établissement de ces derniers (arrêt 8C_778/2021 du 1 er juillet 2022 consid. 3.2 et 3.3 et les arrêts cités).

 

Consid. 4.2
La cour cantonale a considéré que la décision sur opposition rendue par l’OCE le 22.09.2022 et la décision rendue par l’OPCM le 02.03.2023 ne constituaient pas des nouveaux moyens de preuve au sens de l’art. 53 al. 1 LPGA. Ces décisions se fondaient sur des témoignages qui auraient pu être présentés en temps utile par l’assurée dans le cadre d’un recours contre la décision de l’OCE du 03.06.2022. Celui-ci avait considéré à tort que cette décision avait été valablement notifiée à l’échéance du délai de garde de son pli recommandé, car la fiction de la notification ne s’appliquait pas lorsque comme en l’espèce, la destinataire ne faisait l’objet d’aucune procédure. La décision du 03.06.2022 avait donc été notifiée par pli simple du 20.06.2022. L’assurée ne pouvait toutefois pas se prévaloir du principe de la bonne foi, car son conseil aurait pu se rendre compte immédiatement de l’inexactitude du renseignement contenu dans ce courrier. Dès lors, l’assurée aurait dû former une opposition à la décision du 03.06.2022, et non une demande de révision ou reconsidération. Dans la mesure où cette demande avait été formée dans le délai d’opposition, l’assurée aurait encore pu contester dans le délai de 30 jours la décision de l’OCE du 22.08.2022, quand bien même cette décision ne mentionnait pas la possibilité de la contester.

Consid. 4.3 [résumé]
L’assurée soutient que la décision sur opposition de l’OCE du 22.09.2022 constitue un nouveau moyen de preuve avec des faits nouveaux, car elle est postérieure aux décisions précédentes et démontre son domicile à Genève depuis 2016, sauf pour une courte période en 2022. Elle invoque également la décision de l’OCPM du 02.03.2023 qui annule une précédente décision niant son domicile en Suisse, en se basant sur la décision de l’OCE du 22.09.2022 et les documents fournis. L’assurée argue que ces éléments remettent en question le rapport d’enquête administrative de l’OCPM du 01.06.2022 sur lequel l’OCE s’était appuyé.

Consid. 4.4
Il convient de déterminer si les faits dont l’assurée se prévaut, soit l’existence d’un domicile genevois, peuvent constituer des faits nouveaux ouvrant la voie à une révision de la décision du 03.06.2022. L’assurée ne conteste pas que les décisions des 22.09.2022 et 02.03.2023 reposent sur des témoignages qui auraient pu être présentés lors de la procédure contre la décision du 03.06.2022. Les preuves qu’elle tente d’introduire sont des attestations de témoins de juillet et août 2022, relatives à son domicile, utilisées dans la procédure ayant conduit à la décision du 22.09.2022. Les juges cantonaux ont correctement conclu que l’assurée aurait pu présenter ces preuves lors de la procédure d’opposition ou de recours contre la décision du 03.06.2022. Par conséquent, les conditions pour une révision selon l’art. 53 al. 1 LPGA ne sont pas remplies, et le grief de violation de cette disposition doit être rejeté.

Consid. 5 [résumé]
L’assurée allègue une violation de l’interdiction de l’arbitraire et du principe de la bonne foi, arguant que l’arrêt est arbitraire dans sa motivation et son résultat, la décision de l’OCE du 03.06.2022 étant selon elle erronée. Cet argument se confond avec celui précédemment examiné (cf. consid. 4 supra) concernant les conditions de révision, et n’a donc pas plus de portée. Il en va de même du grief tiré d’une prétendue nullité de la décision du 03.06.2022, l’assurée n’exposant pas sur quelle base légales fonde une quelconque cause de nullité.

L’assurée soutient également que la cour cantonale aurait dû analyser les pièces produites sous l’angle de la reconsidération, arguant que le refus de l’OCE de reconsidérer sa décision constituerait un abus de droit et une violation de l’interdiction de l’arbitraire. Le fondement de l’argumentation de l’assurée est nébuleux. Comme l’assurée le reconnaît elle-même, aucune voie de recours n’existe contre un refus de reconsidération (cf. ATF 133 V 50 consid. 4). Les juges cantonaux n’étaient donc pas tenus d’examiner ce refus, et ce grief est rejeté.

 

Consid. 8.1
A titre subsidiaire, l’assurée soutient que les juges cantonaux auraient dû admettre que son courrier du 20.07.2022 adressé à l’OCE était une opposition et qu’à défaut, ils auraient violé l’art. 52 al. 1 et 2 LPGA. On déduit de son argumentation qu’en réalité, l’assurée se plaint que l’OCE n’ait pas interprété le courrier litigieux, qui requérait la reconsidération et la révision de la décision précitée, comme une opposition. Elle se plaint en conséquence d’un formalisme excessif de la part de l’OCE.

Consid. 8.2
Le formalisme excessif est un aspect particulier du déni de justice prohibé par l’art. 29 al. 1 Cst. Il est réalisé lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l’accès aux tribunaux (ATF 149 IV 9 consid. 7.2; 145 I 201 consid. 4.2.1; 142 IV 299 consid. 1.3.2).

Les formes procédurales sont nécessaires à la mise en œuvre des voies de droit pour assurer le déroulement de la procédure conformément au principe de l’égalité de traitement, ainsi que pour garantir l’application du droit matériel; toutes les exigences formelles ne se trouvent donc pas en contradiction avec la prohibition du formalisme excessif découlant de l’art. 29 al. 1 Cst. (ATF 142 V 152 consid. 4.2; arrêts 4A_254/2023 du 12 juin 2023 consid. 5.4; 5A_18/2018 du 16 mars 2018 consid. 3.3.1). En outre, selon la jurisprudence, l’avocat est non seulement représentant mais encore collaborateur de la justice, de sorte que le juge est en droit d’admettre qu’il agit en pleine connaissance de cause: l’avocat est présumé capable, en raison de sa formation particulière, de représenter utilement la partie; il se justifie dès lors de se montrer plus rigoureux en présence de ses procédés qu’en présence d’un plaideur ignorant du droit (ATF 113 Ia 84 consid. 3d; arrêt 2C_511/2012 du 15 janvier 2013 consid. 7.2).

Consid. 8.3
Il convient de rappeler que l’assurée n’a pas retiré durant le délai de garde postal la décision rendue le 03.06.2022. L’OCE l’a lui a renvoyée par pli simple du 20.06.2022, en indiquant que le délai d’opposition avait commencé à courir à l’échéance du délai de garde postal. Dans son acte du 20.07.2022, rédigé par son conseil, l’assurée a requis l’annulation de la décision de l’OCE du 03.06.2022 par reconsidération ou révision, et n’a pas formulé d’opposition. Il n’est pas contesté que la décision précitée n’était alors pas entrée en force, le délai d’opposition n’ayant débuté qu’après réception du second envoi.

Consid. 8.4
L’assurée expose s’être fondée sur les indications erronées fournies par l’OCE dans son envoi du 20.06.2022, ce dont on ne devrait pas lui tenir rigueur dans la mesure où son conseil aurait été constitué en urgence, soit le 18.07.2022 et donc deux jours à peine avant l’échéance pour agir contre la décision du 03.06.2022. Elle évoque pour le reste que son acte du 20.07.2022 pouvait être considéré comme une opposition, répondant aux conditions de forme et de fond nécessaires.

Consid. 8.5
Il est manifeste en l’espèce que le conseil de l’assurée pouvait, et devait, se rendre compte que la décision du 03.06.2022 n’avait pas été notifiée à l’échéance du délai de garde postal. La jurisprudence y relative (cf. ATF 146 IV 30 consid. 1.1.2 in fine; 139 IV 228 consid. 1.1) est en effet constante et doit être connue de tout conseil professionnel. En outre, le délai d’opposition n’étant pas échu au moment de sa constitution, le conseil devait procéder par cette voie et non requérir la révision ou la reconsidération de la décision litigieuse. Pour le reste, les conclusions de l’acte du 20.07.2022 sont claires et se limitent à requérir la reconsidération ou la révision de la décision du 03.06.2022. L’OCE – et la cour cantonale – n’a donc commis aucun arbitraire en s’en tenant à ce que l’assurée demandait. L’assurée omet au surplus de prendre en compte que sa requête de reconsidération et de révision du 20.07.2022 a fait l’objet d’une décision rendue le 22.08.2022 par l’OCE, contre laquelle elle n’a pas recouru. Si elle entendait faire valoir que sa requête constituait une opposition, c’est dans le cadre d’un tel recours qu’elle aurait dû agir en ce sens. Son grief s’avère mal fondé.

 

Consid. 9
Au vu de ce qui précède, le recours, manifestement mal fondé, doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. L’assurée, qui succombe, a demandé à bénéficier de l’assistance judiciaire gratuite. Une partie ne remplit les conditions de l’assistance judiciaire que si elle ne dispose pas de ressources suffisantes et si ses conclusions ne paraissent pas vouées à l’échec (art. 64 al. 1 LTF; ATF 140 V 521 consid. 9.1). Au regard des motifs avancés dans le mémoire de recours, celui-ci apparaissait d’emblée dénué de chances de succès et la requête d’assistance judiciaire doit dès lors être rejetée. L’assurée doit par conséquent payer les frais judiciaires (cf. art. 66 al. 1 LTF) et ne peut pas prétendre à la prise en charge des honoraires de son avocat.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

Arrêt 8C_622/2023 consultable ici

 

9C_453/2023 (f) du 03.05.2024 – Délai de 30 jours pour faire part des observations concernant un préavis de l’office AI – 57a al. 3 LAI

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_453/2023 (f) du 03.05.2024

 

Consultable ici

 

Délai de 30 jours pour faire part des observations concernant un préavis de l’office AI / 57a al. 3 LAI

 

Assurée, née en 1972, bénéficiaire d’une rente entière de l’assurance-invalidité depuis le 01.06.2020, a requis l’octroi d’une allocation pour impotent le 20.01.2021. Elle a indiqué qu’elle avait besoin de soins médicaux dispensés quotidiennement par le Centre B.__ depuis décembre 2020 pour la nutrition par cathéter et d’un accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie, dans la mesure où son époux assumait la totalité des tâches ménagères.

L’office AI a mis en œuvre une enquête destinée à évaluer l’impotence de l’assurée. Dans son rapport du 30.09.2021, l’enquêtrice a retenu que l’assurée avait besoin d’aide pour l’accomplissement de deux actes ordinaires de la vie (manger et faire sa toilette) et de soins permanents depuis décembre 2020.

Dans un projet de décision du 01.12.2021, l’office AI a informé l’assurée qu’il entendait lui octroyer une allocation pour impotent de degré faible depuis ce jour-là. Le 10.01.2022, à la demande de l’assurée, l’administration lui a accordé un délai au 11.02.2022 pour compléter ses objections, précisant qu’aucune nouvelle prolongation ne serait accordée. Le 09.02.2022, l’assurée a sollicité une ultime prolongation du délai, de deux mois, requête à laquelle l’office AI a opposé un refus le 24.02.2022. Le 01.03.2022, il a alloué à l’assurée une allocation pour impotent de degré faible à partir du 01.12.2021.

 

Procédure cantonale (arrêt AI 82/22 – 161/2023 – consultable ici)

Par jugement du 08.06.2023, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 5.1
L’assurée se plaint ensuite d’une violation de son droit d’être entendue en lien avec l’art. 57a al. 3 LAI. Elle soutient qu’elle aurait dû bénéficier d’une prolongation du délai de 30 jours pour se déterminer sur le préavis de l’office AI comme elle l’avait requis. À son avis, il faudrait distinguer d’une part le délai légal pour déposer des objections (« délai pour objecter »), qu’elle a respecté et, d’autre part le délai destiné à compléter ses objections, qui découlerait d’un « usage » (ce qui ne lui a pas été accordé). Le refus de l’office AI de lui accorder la (deuxième) et « ultime prolongation sollicitée » occulterait l’existence, à ce stade de la procédure, d’une inégalité de traitement entre les assurés et les assureurs, ces derniers disposant de ressources importantes pour obtenir des avis médicaux, dont elle ne bénéficie pas. Son droit d’être entendue n’aurait dès lors pas été respecté en raison du refus de l’office AI de lui accorder une prolongation de délai pour compléter ses objections.

Consid. 5.2
Selon l’art. 57a al. 3 LAI (en vigueur depuis le 1er janvier 2021; RO 2020 5137), les parties peuvent faire part de leurs observations concernant le préavis dans un délai de 30 jours. Se référant aux travaux préparatoires (cf. Message du Conseil fédéral du 2 mars 2018 concernant la modification de la LPGA [FF 2018 1597, 1636]), l’instance cantonale a retenu que le législateur ne voulait pas prolonger le délai de préavis de 30 jours, lequel a dès lors été inscrit dans la loi.

L’argumentation de l’assurée ne met pas en évidence que les juges cantonaux auraient méconnu la portée de l’art. 57a al. 3 LAI, ni qu’ils auraient mal compris les raisons pour lesquelles le législateur a instauré cette règle légale, voire que celui-ci entendait faire une distinction entre un « délai pour objecter » et un « délai pour compléter ses objections ». Cela étant, il n’est pas nécessaire de se prononcer plus avant sur le changement législatif qui a modifié le système du délai d’ordre qui prévalait avant l’adoption de l’art. 57a al. 3 LAI (cf. art. 73ter al. 1 aRAI; ATF 143 V 71 consid. 4.3.5). En effet, l’assurée a été en mesure de produire, devant la juridiction cantonale, les pièces médicales dont elle ne disposait pas encore à l’échéance de la prolongation du délai que lui avait accordé l’office AI pour se déterminer sur le préavis du 01.12.2021. Elle a donc eu l’occasion de se prononcer et de produire des moyens de preuve devant une autorité de recours de première instance dotée d’un plein pouvoir d’examen (cf. art. 61 let. c LPGA). Dans ces circonstances, à supposer que le droit d’être entendue de l’assurée ait été violé, les juges cantonaux ont guéri cette atteinte (sur les conditions d’une telle guérison, ATF 137 I 195 consid. 2.3.2 et les références). Le grief tiré de la violation du droit d’être entendue est dès lors également mal fondé.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 9C_453/2023 consultable ici

 

8C_660/2021 (f) du 28.06.2022 – Délai pour motiver l’opposition – 52 LPGA – 10 OPGA / Art. 10 al. 1 OPGA conforme à la Constitution fédérale – Pas d’inconstitutionnalité

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_660/2021 (f) du 28.06.2022

 

Consultable ici

 

Délai pour motiver l’opposition / 52 LPGA – 10 OPGA

Art. 10 al. 1 OPGA conforme à la Constitution fédérale – Pas d’inconstitutionnalité

 

Assuré, victime le 21.01.2018 de malaises, qui ont provoqué des chutes ayant elles-mêmes entrainé diverses lésions (traumatisme crânien simple, traumatisme du coccyx, plaie au coude). Le 22.08.2019, l’assurance-accidents a rendu une décision par laquelle elle a mis fin aux prestations d’assurance au 21.04.2018, tout en renonçant à réclamer le remboursement des prestations versées ultérieurement.

Le 20.09.2019, agissant par le biais de C.__ SA (protection juridique), l’assuré a formé opposition contre la décision du 22.08.2019. Il contestait le point de vue du médecin-conseil, en tant qu’il fixait le statu quo sine au plus tard trois mois après l’événement, et requérait l’octroi d’un délai complémentaire pour lui permettre de déposer des rapports médicaux de ses médecins traitants. Plusieurs délais successifs lui ont été accordés par l’assurance-accidents. Le 03.12.2019, celle-ci lui a accordé une « dernière et ultime prolongation de délai de 30 jours à compter du 22.11.2019 », soulignant qu’aucune autre demande de prolongation supplémentaire ne serait acceptée. L’assuré, toujours par le biais de sa protection juridique, a donné suite à ce courrier en priant la CNA de prendre en considération un rapport d’IRM du genou droit du 02.02.2018, qu’il a joint à son écriture du 19.12.2019, pour le cas où ce document n’était pas encore en la possession de l’assureur.

Par courriel du 08.09.2020, l’assuré a demandé à l’assurance-accidents de rendre une décision formelle avec indication des motifs détaillés en lien avec ses différents accidents, un second accident étant survenu le 22.02.2019. Lors d’un entretien téléphonique du 24.09.2020, l’assurance-accidents a expliqué à la collaboratrice de la protection juridique qu’elle avait clos le dossier dès lors qu’elle n’avait rien reçu malgré les prolongations de délai accordées et que le rapport radiologique de 2018 figurait déjà au dossier. Par avis du 29.09.2020, elle a imparti à l’assuré un ultime délai au 13.10.2020 « pour motiver l’opposition du 20.09.2019, faute de quoi elle rendrait une décision de non-entrée en matière ».

Le 13.10.2020, la protection juridique a contacté la CNA. La note d’entretien téléphonique expose ce qui suit: « tél. de la protection juridique qui m’informe que Me D.__ est absente et a reçu un appel de Mr A.__ au sujet de son dossier. Il me dit que depuis le début de l’année, il est embêté à cause du COVID-19 et demande si nous pouvons prolonger le délai jusqu’à fin octobre ou novembre. Je lui dis que la décision date du mois d’août 2019 et que l’année passée, le COVID-19 n’était pas encore arrivé. Je lui explique que cela fait plus d’un an et que nous n’allons pas prolonger le délai et l’informe que j’ai envoyé le dossier au secteur juridique pour qu’ils fassent le nécessaire de leur côté. Il comprend tout à fait et imagine faire opposition dans les 30 jours à notre décision sur opposition en espérant avoir reçu les documents médicaux nécessaires ».

Par décision du 19.10.2020, l’assurance-accidents a déclaré l’opposition irrecevable au motif qu’elle n’était pas motivée et que l’assuré n’avait pas remédié au vice constaté dans le délai imparti.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 112/20 – 96/2021 – consultable ici)

Par jugement du 23.08.2021, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3.1
Selon l’art. 52 al. 1 LPGA, les décisions peuvent être attaquées dans les trente jours par voie d’opposition auprès de l’assureur qui les a rendues, à l’exception des décisions d’ordonnancement de la procédure. Se fondant sur la délégation de compétence prévue à l’art. 81 LPGA, le Conseil fédéral a édicté les art. 10 à 12 OPGA relatifs à la forme et au contenu de l’opposition ainsi qu’à la procédure d’opposition. L’art. 10 al. 1 OPGA prévoit que l’opposition doit contenir des conclusions et être motivée. L’opposition écrite doit être signée par l’opposant ou par son représentant légal; en cas d’opposition orale, l’assureur consigne l’opposition dans un procès-verbal signé par l’opposant ou son représentant légal (art. 10 al. 4 OPGA). Si l’opposition ne satisfait pas aux exigences de l’al. 1 ou si elle n’est pas signée, l’assureur impartit un délai convenable pour réparer le vice, avec l’avertissement qu’à défaut, l’opposition ne sera pas recevable (art. 10 al. 5 OPGA). Lorsque les conditions de recevabilité ne sont pas remplies, la procédure d’opposition prend fin avec une décision d’irrecevabilité (ATF 142 V 152 consid. 2.2 et les références).

Consid. 3.2
Selon la jurisprudence relative à l’art. 61 let. b, 2e phrase, LPGA – qui concerne la procédure judiciaire de première instance -, un délai permettant à l’intéressé de rectifier son mémoire de recours doit être fixé non seulement si les conclusions ou les motifs manquent de clarté, mais, d’une manière générale, dans tous les cas où le recours ne répond pas aux exigences légales. Il s’agit là d’une prescription formelle, qui oblige le juge de première instance – excepté dans les cas d’abus de droit manifeste – à fixer un délai pour corriger les imperfections du mémoire de recours. Compte tenu de l’identité grammaticale entre l’art. 61 let. b, 2e phrase, LPGA et l’art. 10 al. 5 OPGA, ces principes s’appliquent également à la procédure d’opposition (ATF 142 V 152 consid. 2.3 et les références).

Consid. 3.3
Dans l’arrêt 9C_191/2016 du 18 mai 2016, le Tribunal fédéral a rappelé que les art. 61 let. b LPGA et 10 al. 5 OPGA, qui prévoient l’octroi d’un délai supplémentaire pour régulariser un acte de recours respectivement une opposition, visent avant tout à protéger l’assuré sans connaissances juridiques qui, dans l’ignorance des exigences formelles de recevabilité, dépose une écriture dont la motivation est inexistante ou insuffisante peu avant l’échéance du délai de recours ou de l’opposition, pour autant qu’il en ressorte clairement que son auteur entend obtenir la modification ou l’annulation d’une décision le concernant et sous réserve de situations relevant de l’abus de droit (cf. ATF 134 V 162). Le Tribunal fédéral a ensuite souligné que l’existence d’un éventuel abus de droit peut être admise plus facilement lorsque l’assuré est représenté par un mandataire professionnel, dès lors que celui-ci est censé connaître les exigences formelles d’un acte de recours ou d’une opposition et qu’il lui est également connu qu’un délai légal n’est pas prolongeable. Aussi a-t-il jugé qu’en cas de représentation, l’octroi d’un délai supplémentaire en application des dispositions précitées s’impose uniquement dans la situation où l’avocat ou le mandataire professionnellement qualifié ne dispose plus de suffisamment de temps à l’intérieur du délai légal non prolongeable de recours, respectivement d’opposition, pour motiver ou compléter la motivation insuffisante de l’écriture initiale. Il s’agit typiquement de la situation dans laquelle un assuré, qui n’est pas en possession du dossier le concernant, mandate tardivement un avocat ou un autre mandataire professionnellement qualifié et qu’il n’est pas possible à ce dernier, en fonction de la nature de la cause, de prendre connaissance du dossier et de déposer un recours ou une opposition motivés à temps. Il n’y a alors pas de comportement abusif de la part du mandataire professionnel s’il requiert immédiatement la consultation du dossier et motive ultérieurement l’écriture initiale qu’il a déposée dans le délai légal pour sauvegarder les droits de son mandant. En dehors du cas de figure décrit, le Tribunal fédéral a retenu a contrario que les conditions de l’octroi d’un délai supplémentaire en vertu des art. 61 let. b LPGA et 10 al. 5 OPGA ne sont pas données et qu’il n’y a pas lieu de protéger la confiance que le mandataire professionnel a placée dans le fait qu’un tel délai lui a été accordé (à tort).

 

Consid. 4.1
La juridiction cantonale a constaté que dans son acte d’opposition du 20.09.2019, l’assuré, par sa mandataire, s’était limité à contester que son état de santé, tel qu’il aurait été sans l’accident, pouvait être considéré comme atteint le 20.04.2018. Il n’avait en rien motivé cette allégation, ni contesté la valeur probante des rapports médicaux au dossier. Dans le cadre des nombreuses prolongations de délai accordées pour compléter son acte d’opposition, il avait certes produit le rapport d’IRM du 02.02.2018, qui figurait déjà au dossier, mais n’en avait tiré aucune argumentation. En outre, entre la décision du 22.08.2019 et le 13.10.2020, date de l’échéance de l’ultime prolongation, l’assuré avait eu largement le temps de compléter sa motivation, même en période de pandémie.

 

Consid. 4.3.2
Il ressort tant du texte de l’art. 10 al. 1 OPGA que de la jurisprudence y relative que l’opposition doit être motivée, quand bien même les exigences à cet égard ne sont pas élevées. Certes, l’assuré cite un passage de jurisprudence selon lequel il suffit que la volonté du destinataire d’une décision de ne pas accepter celle-ci ressorte clairement de son écriture ou de ses déclarations (arrêt 8C_404/2008 du 26 janvier 2009 consid. 3.3. et la référence à l’ATF 115 V 422 consid. 3a). La cause 8C_404/2008 portait toutefois sur la question de la volonté de s’opposer à la décision litigieuse, et non sur l’étendue de la motivation. Il en va de même de l’affaire à la base de l’ATF 115 V 422, qui ne traite pas concrètement des exigences de motivation de l’opposition, lesquelles ont néanmoins été précisées dans plusieurs arrêts publiés. Ainsi, le Tribunal fédéral a jugé que l’opposition doit être motivée, faute de quoi elle manque son but, lequel est d’obliger l’assureur à revoir sa décision de plus près (ATF 118 V 186 consid. 2b); il doit en tout cas être possible de déduire des moyens de l’opposant une argumentation dirigée contre le dispositif de la décision et susceptible de mener à sa réforme ou à son annulation (ATF 123 V 128 consid. 3a). Ainsi, la volonté clairement manifestée de s’opposer ne saurait constituer en soi une motivation suffisante.

En l’espèce, il n’est pas contesté que, dans son courrier du 20.09.2019, l’assuré a clairement manifesté sa volonté de s’opposer à la décision de l’assurance-accidents du 22.08.2019, qu’il a contesté le statu quo sine déterminé par le médecin-conseil et qu’il a conclu à la reprise du versement des prestations légales. Selon les constatations de la juridiction précédente, l’assuré n’a toutefois nullement motivé ses conclusions, et quand il a produit le rapport d’IRM du 02.02.2018, il n’a fait aucun commentaire sur le fond. Contrairement à ce qu’il soutient, on ne saurait déduire de la production de ce rapport – figurant déjà au dossier – qu’il contestait, même implicitement, l’absence de lésion structurelle, d’autant moins que, dans son courrier du 20.09.2019, il évoquait uniquement la question du statu quo sine. A ce dernier propos, on ne parvient pas non plus à déduire du rapport d’IRM une argumentation à l’encontre de l’appréciation du médecin-conseil, et l’assuré n’est pas fondé à expliquer, à ce stade de la procédure, en quoi le rapport d’IRM permettrait de mettre en doute l’avis de ce médecin. En tout état de cause, postérieurement à la production du rapport d’IRM, l’assuré a encore bénéficié d’un délai pour compléter sa motivation, ce qu’il n’a pas fait alors même qu’il agissait par le biais d’un mandataire professionnel.

 

Consid. 5.1
L’assuré soutient que l’exigence de motivation prévue à l’art. 10 al. 1 OPGA restreindrait le droit fondamental de toute personne à ce que sa cause soit jugée par une autorité judiciaire (art. 29a Cst.). Une telle restriction devrait se fonder sur une base légale formelle, et la délégation de compétence prévue à l’art. 81 LPGA ne contiendrait aucun principe permettant des restrictions quant au contenu et à la forme d’une opposition. Selon l’assuré, le législateur aurait renoncé volontairement à prévoir une obligation de motivation, s’agissant de la procédure d’opposition de l’art. 52 LPGA. Au cas contraire, il l’aurait précisé dans une loi au sens formel, comme il l’a fait pour les recours en procédure judiciaire. L’assuré en conclut que l’exigence de motivation de l’art. 10 al. 1 OPGA viole le principe de la séparation des pouvoirs, le principe de la légalité, la garantie de l’accès au juge et les conditions de restriction des droits de l’art. 36 Cst.

Consid. 5.2
Contrairement à ce que semble soutenir l’assuré, toute restriction d’un droit fondamental ne doit pas être fondée sur une loi au sens formel. En effet, aux termes de l’art. 36 al. 1 Cst., les restrictions doivent être fondées sur une base légale et les restrictions graves doivent être prévues par une loi, tandis que les restrictions légères peuvent être fondées sur une loi au sens matériel (ATF 147 IV 145 consid. 2.4.1; 144 I 126 consid. 5.1; 143 I 194 consid. 3.2). En l’espèce, comme on l’a vu, les exigences de motivation d’une opposition ne sont pas élevées et en l’absence de motivation suffisante, l’assureur doit encore octroyer un délai convenable pour y remédier (art. 10 al. 5 OPGA). Dans ces conditions, l’exigence de motivation de l’art. 10 al. 1 OPGA ne saurait être considérée comme une restriction grave à la garantie de l’accès au juge au sens de l’art. 29a Cst. Une base légale formelle n’apparaissait dès lors pas nécessaire à cet égard.

Quant au principe de la séparation des pouvoirs, il interdit à un organe de l’État d’empiéter sur les compétences d’un autre organe; en particulier, il défend au pouvoir exécutif d’édicter des règles de droit, si ce n’est dans le cadre d’une délégation valablement conférée par le législateur (ATF 142 I 26 consid. 3.3; 141 V 688 consid. 4.2.1; 134 I 322 consid. 2.2) ou d’une compétence fondée directement sur la Constitution (ATF 139 II 460 consid. 2.1). Les règlements d’exécution doivent se limiter à préciser certaines dispositions légales au moyen de normes secondaires, à en combler le cas échéant les véritables lacunes et à fixer si nécessaire des points de procédure (ATF 139 II 460 consid. 2.2; 130 I 140 consid. 5.1). En l’occurrence, la délégation de compétence se fonde sur l’art. 81 LPGA, qui charge le Conseil fédéral de l’exécution de la LPGA et d’édicter les dispositions nécessaires. En précisant que l’opposition doit contenir des conclusions et être motivée, la disposition se limite à fixer des modalités de la procédure d’opposition; elle ne modifie, ni ne va à l’encontre de la LPGA, en particulier de l’art. 52 LPGA, qui contient les principes de la réglementation. La délégation de compétence n’apparaît pas contraire au droit.

Les griefs tirés de la prétendue inconstitutionnalité de l’art. 10 al. 1 OPGA se révèlent ainsi mal fondés.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_660/2021 consultable ici

 

8C_245/2022 (f) du 07.09.2022 – Opposition provisoire par un mandataire professionnel – Motivation de l’opposition – 52 LPGA – 10 OPGA / Délai légal pas prolongeable – Irrecevabilité de l’opposition

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_245/2022 (f) du 07.09.2022

 

Consultable ici

 

Opposition provisoire par un mandataire professionnel – Motivation de l’opposition / 52 LPGA – 10 OPGA

Délai légal pas prolongeable – Irrecevabilité de l’opposition

 

Le 30.01.2021, l’assuré s’est blessé à l’épaule droite en chutant à vélo.

Par décision du 14.07.2021, notifiée le 22.07.2021, l’assurance-accidents a mis un terme à ses prestations à partir du 01.06.2021, en précisant qu’une intervention chirurgicale à l’épaule droite planifiée par un médecin traitant de l’assuré visait à traiter des atteintes d’origine maladive et n’était donc pas en lien de causalité avec l’accident.

Par courriel du 20.07.2021, l’employeur de l’assuré a contesté la décision du 14.07.2021 auprès de l’assurance-accidents. Par pli du 23.07.2021, celle-ci lui a répondu qu’il n’était pas habilité à faire opposition à la décision précitée, tout en précisant que si l’assuré souhaitait s’y opposer, il devait le faire par courrier signé, dans les trente jours dès la notification de la décision.

Au bénéfice d’une procuration signée par l’assuré le 07.08.2021, l’avocate a, par écriture du 09.08.2021, informé l’assurance-accidents que son mandant formait opposition à la décision du 14.07.2021 et concluait à son annulation ainsi qu’au versement des prestations d’assurance. La mandataire invitait en outre l’assureur à lui faire parvenir le dossier de son client afin de pouvoir motiver l’opposition.

Le 26.08.2021, la Vaudoise a adressé une copie du dossier de l’assuré à la mandataire.

Par écriture du 31.08.2021 adressé à l’assurance-accidents, l’avocate a accusé réception du dossier et a écrit ce qui suit: « Afin que je puisse prendre connaissance du dossier et conférer avec mon mandant de son dossier, je vous informe que la motivation de l’opposition formée le 09.08.2021 vous parviendra le 30.09.2021 au plus tard ».

Par acte du 30.09.2021, la mandataire a motivé l’opposition formée contre la décision du 14.07.2021.

Par décision sur opposition du 20.10.2021, l’assurance-accidents a déclaré l’opposition à la décision du 14.07.2021 irrecevable, motif pris que l’opposition du 09.08.2021 n’était pas motivée et que l’opposition motivée du 30.09.2021 était tardive au regard du délai légal d’opposition qui était arrivé à échéance le 14.09.2021.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 157/21 – 29/2022  [non disponible sur le site du TC])

Précisant que le délai d’opposition à la décision du 14.07.2021 était, compte tenu des féries, arrivé à échéance le 14.09.2021, la cour cantonale a retenu que l’assurance-accidents, saisie d’une opposition le 09.08.2021, avait transmis le dossier à la mandataire de l’assuré en pleine connaissance du fait que celle-ci avait requis un laps de temps pour motiver l’opposition avec une échéance fixée au plus tard au 30.09.2021. Dès lors que l’assurance-accidents était rompue aux règles de procédure, le courrier de l’avocate du 31.08.2021 ne pouvait pas être laissé sans réponse, sauf à s’accommoder d’une prolongation de délai, laquelle avait pour ainsi dire été explicitement demandée dans le délai d’opposition. L’assurance-accidents aurait donc dû soit rendre l’assuré attentif au risque de se voir opposer un dépassement de délai qu’elle n’entendait pas tolérer, soit tolérer le retard annoncé en application de l’art. 10 al. 5 OPGA. A défaut d’avoir réagi, elle ne pouvait pas invoquer un vice irréparable, compte tenu de son obligation – découlant de l’art. 27 LPGA – de fournir des conseils particuliers dans une situation où le comportement de la personne intéressée pouvait mettre en péril la réalisation de l’une des conditions du droit aux prestations ou lui causer un préjudice de nature procédurale. Une sanction pour dépassement du délai d’opposition se justifiait d’autant moins que la mandataire avait motivé ledit dépassement de délai par la nécessité légitime de prendre connaissance du dossier et d’en conférer avec son client. L’instance cantonale en a conclu que la stricte application des règles de procédure par l’assurance-accidents ne se justifiait par aucun intérêt digne de protection et entravait de manière insoutenable l’examen du droit matériel et l’accès à la justice, en violation du principe de l’interdiction du formalisme excessif et des règles de la bonne foi.

Par jugement du 07.03.2022, admission du recours par le tribunal cantonal, annulant la décision sur opposition et renvoyant la cause à l’assurance-accidents pour complément d’instruction et nouvelle décision sur le fond.

 

TF

Consid. 3.1
Selon l’art. 52 LPGA, les décisions rendues en matière d’assurance sociale peuvent être attaquées dans les trente jours par voie d’opposition auprès de l’assureur qui les a rendues, à l’exception des décisions d’ordonnancement de la procédure. L’art. 10 OPGA, édicté sur la base de la délégation de compétence prévue à l’art. 81 LPGA, prévoit que l’opposition doit contenir des conclusions et être motivée (al. 1); si elle ne satisfait pas à ces exigences ou si elle n’est pas signée, l’assureur impartit un délai convenable pour réparer le vice, avec l’avertissement qu’à défaut, l’opposition ne sera pas recevable (al. 5).

Consid. 3.2
Aux termes de l’art. 61 let. b LPGA, l’acte de recours doit contenir un exposé succinct des faits et des motifs invoqués, ainsi que les conclusions; si l’acte n’est pas conforme à ces règles, le tribunal impartit un délai convenable au recourant pour combler les lacunes, en l’avertissant qu’en cas d’inobservation le recours sera écarté. La règle de l’art. 61 let. b LPGA découle du principe de l’interdiction du formalisme excessif et constitue l’expression du principe de la simplicité de la procédure qui gouverne le droit des assurances sociales (arrêt 8C_748/2021 précité consid. 3.2 et les références). C’est pourquoi le juge saisi d’un recours dans ce domaine ne doit pas se montrer trop strict lorsqu’il s’agit d’apprécier la forme et le contenu de l’acte de recours. Il s’agit là d’une prescription formelle, qui oblige le juge de première instance – excepté dans les cas d’abus de droit manifeste – à fixer un délai pour corriger les imperfections du mémoire de recours (ATF 143 V 249 consid. 6.2; 134 V 162 consid. 2).

En raison de l’identité grammaticale des art. 61 let. b LPGA et 10 al. 5 OPGA, les principes exposés ci-dessus valent aussi en procédure administrative, l’idée à la base de cette réflexion étant de ne pas prévoir des exigences plus sévères en procédure d’opposition que lors de la procédure de recours subséquente (ATF 142 V 152 consid. 2.3 et les références citées).

Consid. 3.3
Selon la jurisprudence, les art. 61 let. b LPGA et 10 al. 5 OPGA, qui prévoient l’octroi d’un délai supplémentaire pour régulariser un acte de recours respectivement une opposition, visent avant tout à protéger l’assuré sans connaissances juridiques qui, dans l’ignorance des exigences formelles de recevabilité, dépose une écriture dont la motivation est inexistante ou insuffisante peu avant l’échéance du délai de recours ou de l’opposition, pour autant qu’il en ressorte clairement que son auteur entend obtenir la modification ou l’annulation d’une décision le concernant et sous réserve de situations relevant de l’abus de droit. L’existence d’un éventuel abus de droit peut être admise plus facilement lorsque l’assuré est représenté par un mandataire professionnel, dès lors que celui-ci est censé connaître les exigences formelles d’un acte de recours ou d’une opposition et qu’il lui est également connu qu’un délai légal n’est pas prolongeable. En cas de représentation, l’octroi d’un délai supplémentaire en application des dispositions précitées s’impose uniquement dans la situation où l’avocat ou le mandataire professionnellement qualifié ne dispose plus de suffisamment de temps à l’intérieur du délai légal non prolongeable du recours, respectivement de l’opposition, pour motiver ou compléter la motivation insuffisante de l’écriture initiale. Il s’agit typiquement de la situation dans laquelle un assuré, qui n’est pas en possession du dossier le concernant, mandate tardivement un avocat ou un autre mandataire professionnellement qualifié et qu’il n’est pas possible à ce dernier, en fonction de la nature de la cause, de prendre connaissance du dossier et de déposer un recours ou une opposition motivés à temps. Il n’y a alors pas de comportement abusif de la part du mandataire professionnel s’il requiert immédiatement la consultation du dossier et motive ultérieurement l’écriture initiale qu’il a déposée dans le délai légal pour sauvegarder les droits de son mandant. En dehors du cas de figure décrit, les conditions de l’octroi d’un délai supplémentaire en vertu des art. 61 let. b LPGA et 10 al. 5 OPGA ne sont pas données et il n’y a pas lieu de protéger la confiance que le mandataire professionnel a placée dans le fait qu’un tel délai lui a – à tort – été accordé (arrêt 8C_817/2017 du 31 août 2018 consid. 4 et les références).

Consid. 5.1
Se plaignant d’une constatation manifestement inexacte des faits ainsi que d’une violation des art. 61 let. b LPGA et 10 al. 1 et 5 OPGA, l’assurance-accidents reproche à la cour cantonale d’avoir retenu que l’avocate avait requis une prolongation du délai pour motiver l’opposition de l’assuré. Dans son écriture du 31.08.2021, la mandataire se serait contentée de signaler à l’assurance-accidents que la motivation de l’opposition allait lui parvenir le 30.09.2021 au plus tard, alors que le délai légal pour faire opposition arrivait à échéance le 14.09.2021; ce faisant, la mandataire se serait octroyée elle-même une prolongation de délai à laquelle elle savait ne pas avoir droit, ce qui serait constitutif d’un abus de droit. Dans ces conditions, le prononcé d’une décision d’irrecevabilité servirait le principe de l’égalité de traitement ainsi que la sécurité du droit et ne serait pas constitutif de formalisme excessif. L’avocate connaîtrait de surcroît les exigences formelles d’une opposition et saurait qu’un délai légal n’est pas prolongeable, de sorte que l’on n’aurait pas pu exiger de l’assurance-accidents qu’elle informe l’avocate des conséquences de son comportement.

Consid. 5.2
Il ressort des faits constatés par l’autorité précédente que le délai légal de 30 jours pour former opposition à la décision de l’assurance-accidents du 14.07.2021 arrivait à échéance le 14.09.2021. Ce délai n’était pas prolongeable (cf. art. 40 al. 1 LPGA). Le 09.08.2021, soit à une date encore bien éloignée de l’échéance du délai légal d’opposition, l’avocate, spécialiste FSA en responsabilité civile et en droit des assurances, a formé une opposition non motivée au nom et pour le compte de l’assuré. Sur requête de la mandataire, l’assurance-accidents lui a fait parvenir le dossier de l’assuré le 26.08.2021, soit 19 jours avant l’échéance du délai légal d’opposition. Au moment de l’envoi de son écriture du 31.08.2021, il restait à la mandataire encore 14 jours avant l’échéance dudit délai pour motiver l’opposition. Cet intervalle de temps doit être considéré comme suffisant au sens de la jurisprudence exposée ci-dessus (cf. consid. 3.3 supra), surtout que les exigences de motivation ne sont pas très élevées en procédure d’opposition. Les conditions d’octroi d’un délai supplémentaire de régularisation au sens de l’art. 10 al. 5 OPGA n’étaient donc pas réunies. A ce titre, le fait que l’assuré ait séjourné à l’étranger du 27.07.2021 au 20.09.2021 n’est pas déterminant, tout indiquant que l’avocate était en contact avec l’assuré – qui a signé une procuration le 07.08.2021 – durant cette période. Au demeurant, les écritures des 09.08.2021 et 31.08.2021 ne font pas mention d’un séjour à l’étranger qui justifierait l’octroi d’un délai pour régulariser l’opposition.

Dès lors que l’assurance-accidents ne pouvait pas – les conditions de l’art. 10 al. 5 OPGA n’étant pas remplies – octroyer à l’assuré un délai de régularisation pour motiver son opposition, le point de savoir si l’écriture du 31.08.2021 aurait dû être interprétée comme une demande de prolongation de délai peut rester indécis. En tant que mandataire professionnelle, de surcroît spécialiste FSA en responsabilité civile et en droit des assurances, l’avocate devait savoir qu’elle ne pouvait pas motiver l’opposition au-delà du 14.09.2021 et l’assurance-accidents n’était pas tenue d’attirer son attention sur ce point. Le silence de l’assurance-accidents ensuite de la réception de l’écriture du 31.08.2021 ne pouvait en tout cas pas être interprété comme l’admission tacite d’une requête de prolongation du délai jusqu’au 30.09.2021. On ajoutera, par surabondance de motifs, que même si l’assurance-accidents avait, à tort, expressément accordé une telle prolongation de délai, la confiance qu’aurait placée la mandataire dans l’octroi de ce délai supplémentaire n’aurait pas pu être protégée (cf. consid. 3.3 in fine supra; cf. aussi arrêt 8C_217/2021 du 7 juillet 2021 consid. 6.2). Le grief tiré d’une violation de l’art. 10 al. 5 OPGA s’avère ainsi fondé.

 

Le TF admet le recours de l’assurance-accidents, annule le jugement du tribunal cantonal et confirme la décision sur opposition.

 

 

Arrêt 8C_245/2022 consultable ici

 

8C_748/2021 (f) du 23.03.2022 – Opposition provisoire « conservatoire » – Demande de prolongation de délai – Formalisme excessif de l’assurance-accidents – 10 al. 1 OPGA / Renvoi de la cause à l’assurance-accidents pour établissement d’une décision sur opposition

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_748/2021 (f) du 23.03.2022

 

Consultable ici

 

Opposition provisoire « conservatoire » – Demande de prolongation de délai – Formalisme excessif de l’assurance-accidents – 10 al. 1 OPGA

Renvoi de la cause à l’assurance-accidents pour établissement d’une décision sur opposition

 

Le 27.01.2019, l’assuré, né en 1954, a été victime d’un accident de la circulation routière. Après avoir soumis le dossier à son médecin-consultant, l’assurance-accidents a mis un terme au versement des prestations d’assurance (frais de traitement et indemnités journalières) avec effet au 29.04.2019, au motif qu’il n’existait plus de lien de causalité entre les troubles actuels et l’accident assuré; elle a cependant renoncé à réclamer la restitution des prestations versées jusqu’alors (décision du 11.11.2020).

Par courrier du 07.12.2020, l’assurance de protection juridique a informé l’assurance-accidents qu’elle avait été mandatée par l’assuré et lui a demandé une copie de l’intégralité du dossier constitué. Le 09.12.2020, l’assuré – toujours représenté par l’assurance de protection juridique – a formé une « opposition conservatoire » à la décision du 11.11.2020, en indiquant qu’il présentait toujours des douleurs invalidantes en lien de causalité avec l’accident assuré; étant dans l’attente de renseignements médicaux complémentaires, il a par ailleurs requis l’octroi d’un délai au 15.01.2021 pour compléter ses motifs et conclusions ou retirer son opposition. Sur le fond, il a conclu à l’annulation de la décision du 11.11.2020 et à l’octroi des prestations d’assurance. Par courrier du 18.12.2020, l’assurance-accidents lui a octroyé un délai au 15.01.2021 pour compléter son opposition. Les éléments médicaux complémentaires n’étant toujours pas parvenus à l’assuré, celui-ci a sollicité par courrier du 12.01.2021 une prolongation au 28.02.2021 du délai pour compléter son opposition. Le 05.02.2021, l’assurance-accidents a rendu une décision déclarant l’opposition du 09.12.2020 irrecevable.

 

Procédure cantonale (arrêt 605 2021 49 – consultable ici)

Par jugement du 30.09.2021, admission du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

 

Décision incidente – 93 LTF

Consid. 1.2
En l’espèce, l’arrêt attaqué, en tant qu’il annule la décision d’irrecevabilité du 05.02.2021 et renvoie la cause à l’assurance-accidents pour qu’elle rende une décision sur opposition, est une décision incidente car il ne met pas fin à la procédure (ATF 133 V 477 consid. 4.2; arrêt 8C_819/2017 du 25 septembre 2018 consid. 1.2.1, non publié in ATF 144 V 354, mais in SVR 2019 UV n° 13 p. 51). Toutefois, selon la jurisprudence, lorsque l’autorité administrative à laquelle la cause est renvoyée dispose de la qualité pour recourir au Tribunal fédéral, elle doit également pouvoir attaquer un arrêt de renvoi lui enjoignant de rendre une décision qu’elle juge contraire au droit; à défaut, elle subirait en effet un préjudice irréparable au sens de l’art. 93 al. 1 let. a LTF, étant contrainte de rendre une décision qu’elle considère comme contraire au droit sans pouvoir ensuite la remettre en cause devant l’autorité de recours, respectivement devant le Tribunal fédéral (ATF 144 IV 377 consid. 1; 142 V 26 consid. 1.2).

Cette éventualité est ici réalisée. L’arrêt cantonal a un effet contraignant pour l’assurance-accidents en ce sens qu’elle doit, contre sa volonté, entrer en matière et rendre une décision sur opposition sur le droit aux prestations d’assurance après le 29.04.2019 qu’elle ne pourra pas elle-même attaquer.

 

Pouvoir de cognition du TF

Consid. 2.2
Un litige qui porte sur le refus de l’assurance-accidents d’entrer en matière sur une opposition constitue une décision de nature procédurale et ne concerne pas en soi l’octroi ou le refus de prestations en espèces (JOHANNA DORMANN, in Basler Kommentar, Bundesgerichtsgesetz, 3e éd., 2018, n.b.p. 185 ad art. 105 LTF; cf. ég. arrêt 8C_82/2020 du 12 mars 2021 consid. 2, s’agissant du refus de l’assureur-accidents d’entrer en matière sur une requête de réexamen du cas au sens de l’art. 53 al. 2 LPGA). Par conséquent, l’exception prévue à l’art. 105 al. 3 LTF, qui doit être interprétée de manière restrictive (ATF 140 V 136 consid. 1.2.2), ne s’applique pas, indépendamment du fait que l’octroi ou le refus de prestations en espèces peut dépendre de la solution de la question litigieuse (ATF 135 V 412 consid. 1.2.1). Le Tribunal fédéral est donc lié par les faits établis par l’autorité précédente (art. 97 al. 2 et 105 al. 3 LTF a contrario) et ne peut s’en écarter que si ces faits ont été établis en violation du droit au sens de l’art. 95 ou de manière manifestement inexacte (art. 105 al. 2 LTF), à savoir arbitraire (ATF 145 V 188 consid. 2; 140 III 115 consid. 2).

Consid. 2.3
Le recours en matière de droit public peut être formé pour violation du droit au sens des art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d’office (art. 106. al. 1 LTF) et n’est donc limité ni par les arguments soulevés dans le recours, ni par la motivation retenue par l’autorité précédente (ATF 141 V 234 consid. 1 et les références). Cependant, compte tenu de l’exigence de motivation contenue à l’art. 42 al. 1 et 2 LTF, sous peine d’irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), le Tribunal fédéral n’examine en principe que les griefs invoqués, sauf en cas d’erreurs juridiques manifestes (ATF 145 V 57 consid. 4.2; 144 V 173 consid. 1.2 et les références).

 

Renvoi de la cause à l’assurance-accidents pour établissement d’une décision sur opposition

Consid. 3.1
Selon l’art. 52 LPGA, les décisions rendues en matière d’assurance sociale peuvent être attaquées dans les trente jours par voie d’opposition auprès de l’assureur qui les a rendues, à l’exception des décisions d’ordonnancement de la procédure. L’art. 10 OPGA, édicté sur la base de la délégation de compétence prévue à l’art. 81 LPGA, prévoit que l’opposition doit contenir des conclusions et être motivée (al. 1); si elle ne satisfait pas à ces exigences ou si elle n’est pas signée, l’assureur impartit un délai convenable pour réparer le vice, avec l’avertissement qu’à défaut, l’opposition ne sera pas recevable (al. 5).

Consid. 3.2
Aux termes de l’art. 61 let. b LPGA, l’acte de recours doit contenir un exposé succinct des faits et des motifs invoqués, ainsi que les conclusions; si l’acte n’est pas conforme à ces règles, le tribunal impartit un délai convenable au recourant pour combler les lacunes, en l’avertissant qu’en cas d’inobservation le recours sera écarté. La règle de l’art. 61 let. b LPGA découle du principe de l’interdiction du formalisme excessif et constitue l’expression du principe de la simplicité de la procédure qui gouverne le droit des assurances sociales (arrêt 8C_828/2009 du 8 septembre 2010 consid. 6.2 et la référence; cf. UELI KIESER, ATSG-Kommentar, 3e éd. 2015, n° 84 ad art. 61 LPGA). C’est pourquoi le juge saisi d’un recours dans ce domaine ne doit pas se montrer trop strict lorsqu’il s’agit d’apprécier la forme et le contenu de l’acte de recours. Il s’agit là d’une prescription formelle, qui oblige le juge de première instance – excepté dans les cas d’abus de droit manifeste – à fixer un délai pour corriger les imperfections du mémoire de recours (ATF 143 V 249 consid. 6.2; 134 V 162 consid. 2; 112 Ib 634 consid. 2b).

En raison de l’identité grammaticale des art. 61 let. b LPGA et 10 al. 5 OPGA, les principes exposés ci-dessus valent aussi en procédure administrative, l’idée à la base de cette réflexion étant de ne pas prévoir des exigences plus sévères en procédure d’opposition que lors de la procédure de recours subséquente (ATF 142 V 152 consid. 2.3 et les références citées).

Consid. 4.1
La décision du 11.11.2020, envoyée sous pli recommandé, a été notifiée à l’assuré au plus tôt le lendemain, de sorte que le délai d’opposition de 30 jours, compte tenu des dispositions légales de l’art. 38 al. 1 et 3 LPGA, est arrivé à échéance au plus tôt le 14.12.2020. Avant l’échéance de ce délai, l’assuré a déposé le 09.12.2020 une « opposition conservatoire », dans laquelle il a sollicité l’octroi d’un délai au 15.01.2021 pour compléter ses motifs et conclusions, délai qui lui a été accordé par l’assurance-accidents pour compléter son opposition. Le 12.01.2021, l’assuré a sollicité une prolongation de ce délai au 28.02.2021, sur quoi l’assurance-accidents a rendu la décision d’irrecevabilité du 05.02.2021.

Consid. 4.2
Examinant si l’opposition avait été déposée en bonne et due forme, notamment sous l’aspect de l’exigence de motivation, la cour cantonale a considéré que les arguments soulevés par l’assuré dans son « opposition conservatoire » étaient suffisamment clairs pour comprendre qu’il entendait manifester son désaccord avec la décision de cessation des prestations avec effet au 29.04.2019, en tant qu’elle niait l’existence d’un lien de causalité des troubles avec l’accident assuré. La requête de l’assuré tendant à l’octroi d’un délai pour compléter son opposition au niveau médical ne constituait en outre pas la preuve que l’opposition était insuffisamment motivée. Le délai accordé à l’assuré pour compléter son opposition pouvait certes en théorie s’apparenter à une « régularisation » de son opposition au sens de l’art. 10 al. 5 OPGA, mais l’assuré n’avait pas été averti des conséquences qu’il encourrait alors en cas de « non-régularisation » de son opposition. En requalifiant plus tard cette demande comme « demande de régularisation » au sens de l’art. 10 al. 5 OPGA, l’assurance-accidents avait placé l’assuré dans une position plus mauvaise que celle qui aurait été la sienne s’il s’était contenté de déposer de nouvelles pièces pendant la procédure d’opposition, desquelles il aurait nécessairement été tenu compte; elle avait ainsi fait une fausse application de l’art. 10 al. 1 et 5 OPGA – laquelle était probablement constitutive d’un formalisme excessif – en refusant d’entrer en matière sur le fond.

 

Consid. 4.3.1
Dans l’arrêt 9C_191/2016 du 18 mai 2016, la décision administrative litigieuse avait été notifiée à son destinataire le 01.04.2014 et le délai d’opposition échoyait le 16.05.2014 en tenant compte de la suspension des délais. L’avocat mandaté par l’assuré concerné avait formé une opposition non motivée le 02.04.2014 en demandant à consulter le dossier ainsi qu’un délai supplémentaire de 30 jours pour motiver son opposition en référence à l’art. 10 al. 5 OPGA, ce qui lui avait été accordé (jusqu’au 30.05.2014). Le dossier fut communiqué à l’avocat le 10 ou le 11 avril 2014. Celui-ci déposait une opposition motivée le dernier jour du délai prolongé (le 30.05.2014). Vu le temps encore suffisant à disposition de l’avocat pour régulariser son opposition initiale à l’intérieur du délai légal, la Cour fédérale a considéré que l’administration n’avait pas respecté la ratio legis de l’art. 10 al. 5 OPGA en octroyant un délai supplémentaire au 30.05.2014, ce que le mandataire professionnel aurait dû reconnaître sachant que le délai d’opposition de 30 jours, en tant que délai légal, n’est pas prolongeable (art. 40 al. 1 LPGA). Celui-ci ne pouvait donc se prévaloir de bonne foi de l’octroi du délai prolongé à l’appui de la recevabilité de son opposition motivée. Cette écriture, parvenue à l’administration dans le délai supplémentaire accordé mais en dehors du délai légal de 30 jours, était par conséquent irrecevable. Celle, initiale, l’était également, faute de contenir une motivation (consid. 4.3.2).

Dans l’arrêt 8C_817/2017 du 31 août 2018, le Tribunal fédéral a considéré que l’état de fait qui se présentait était similaire à celui qui avait donné lieu à l’arrêt 9C_191/2016 précité. Dans son opposition initiale, la mandataire de l’assuré avait pris uniquement une conclusion relative à l’indemnité pour atteinte à l’intégrité. Après la communication du dossier, il lui restait encore 26 jours avant l’échéance du délai légal pour compléter les conclusions et la motivation de son écriture d’opposition initiale. Le Tribunal fédéral a retenu que cet intervalle de temps était suffisant pour le dépôt d’une opposition respectant les exigences de motivation, qui n’étaient pas très élevées en procédure d’opposition. Il s’ensuivait que la mandataire ne pouvait pas compter sur le fait qu’un délai supplémentaire lui avait été accordé pour indiquer à l’échéance de celui-ci les points sur lesquels elle attaquait la décision (indemnité pour atteinte à l’intégrité et rente d’invalidité), alors qu’elle aurait pu le faire dans le délai légal (consid. 5).

 

Consid. 4.3.2
En l’espèce,
contrairement à ce qu’allègue l’assurance-accidents, l’état de fait n’est pas comparable à ceux qui ont donné lieu aux arrêts précités. En effet, dans l’opposition que l’assuré a déposée dans le délai légal, il a non seulement pris des conclusions sur le fond (annulation de la décision et octroi des prestations pour les suites de l’événement du 27.01.2019), mais il a également motivé son opposition de manière certes sommaire, mais compréhensible et suffisante. Il ne s’est ainsi pas contenté de faire opposition en requérant un délai supplémentaire pour prendre connaissance du dossier, comme ce fut le cas dans l’arrêt 9C_191/2016 du 18 mai 2016; il n’a pas non plus attaqué la décision sur un point autre qu’initialement invoqué lors d’une opposition provisoire, comme ce fut le cas dans l’arrêt 8C_817/2017 du 31 août 2018. A l’appui de son écriture du 09.12.2020, l’assuré a bel et bien motivé son opposition en indiquant qu’il présentait toujours des douleurs invalidantes et en lien de causalité avec l’accident du 27.01.2019, précisant qu’il souhaitait compléter sa motivation et qu’il avait requis à cette fin des renseignements médicaux complémentaires, lesquels ne lui étaient toutefois pas encore parvenus.

Compte tenu des exigences de motivation qui ne sont pas très élevées en procédure d’opposition, il y a lieu d’admettre que la motivation contenue dans l’écriture du 09.12.2020 suffisait à elle seule pour sauvegarder le délai légal d’opposition de 30 jours. Peu importe à cet égard la dénomination d' »opposition conservatoire » employée par la mandataire de l’assuré, dès lors que c’est bien le contenu d’une écriture qui est déterminante. Avec la cour cantonale, il y a lieu d’admettre que l’assurance-accidents s’est montrée trop stricte en considérant l’opposition du 09.12.2020 comme non conforme aux exigences de l’art. 10 al. 1 OPGA pour rendre finalement une décision d’irrecevabilité alors qu’elle avait octroyé à l’assuré un délai supplémentaire pour compléter son opposition sans l’avertir des conséquences de l’absence d’un tel complément dans le délai ainsi imparti. Par conséquent, c’est sans violer le droit fédéral que les premiers juges ont annulé la décision d’irrecevabilité et ont renvoyé la cause à l’assurance-accidents pour qu’elle rende une décision sur le fond.

 

Le TF rejette le recours de l’assurance-accidents.

 

 

Arrêt 8C_748/2021 consultable ici

 

8C_657/2019 (f) du 03.07.2020 – « Opposition » du médecin dans le délai mais opposition tardive de l’assurée à la décision – 52 LPGA – 10 OPGA / Rapports médicaux pas assimilés à une opposition / Opposition jugée comme irrecevable

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_657/2019 (f) du 03.07.2020

 

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« Opposition » du médecin dans le délai mais opposition tardive de l’assurée à la décision / 52 LPGA – 10 OPGA

Rapports médicaux pas assimilés à une opposition

Opposition jugée comme irrecevable

 

Assurée, née en 1984, assistante commerciale, a heurté sa tête contre une poutre le 04.07.2018. Par décision du 22.01.2019, l’assurance-accidents a mis fin aux prestations allouées à l’assurée, avec effet au 31.01.2019.

Par courrier du 18.02.2019, le docteur C.__, psychiatre traitant, a informé l’assurance-accidents de l’état de santé de l’assurée depuis son dernier rapport. Le 05.03.2019, l’assurée a formé opposition contre la décision. Par décision sur opposition du 12.03.2019, l’assurance-accidents a déclaré l’opposition irrecevable.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 48/19 – 107/2019 – consultable ici)

Du suivi des envois, la cour cantonale a constaté que la décision du 22.01.2019 avait été distribuée le mercredi 23.01.2019 et que le délai d’opposition de trente jours avait donc commencé à courir le jeudi 24.01.2019 pour arriver à échéance le vendredi 22.02.2019, de sorte que l’opposition datée du 05.03.2019 et remise à La Poste suisse le 06.03.2019 était tardive. Elle a ensuite estimé que le rapport du docteur C.__, du 18.02.2019, ne pouvait pas être considéré comme une opposition. En effet, ce médecin n’avait pas qualité pour former opposition et l’assurée n’avait pas produit de procuration en sa faveur pour le faire à sa place. Par ailleurs, son rapport du 18.02.2019 ne faisait aucune référence à une éventuelle contestation de la part de l’assurée, ni de son intention de faire opposition. En l’absence d’intention exprimée par l’assurée de contester la décision du 22.01.2019, les juges cantonaux ont considéré que l’assureur-accidents n’était pas tenu d’impartir un délai convenable au sens de l’art. 10 al. 5 OPGA à l’assurée.

Par jugement du 23.08.2019, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Selon l’art. 52 al. 1 LPGA, les décisions peuvent être attaquées dans les trente jours par voie d’opposition auprès de l’assureur qui les a rendues, à l’exception des décisions d’ordonnancement de la procédure. Se fondant sur la délégation de compétence prévue à l’art. 81 LPGA, le Conseil fédéral a édicté les art. 10 à 12 OPGA relatifs à la forme et au contenu de l’opposition ainsi qu’à la procédure d’opposition. L’art. 10 al. 1 OPGA prévoit que l’opposition doit contenir des conclusions et être motivée. L’opposition écrite doit être signée par l’opposant ou par son représentant légal (art. 10 al. 4, 1e phrase, OPGA). En cas d’opposition orale, l’assureur consigne l’opposition dans un procès-verbal signé par l’opposant ou son représentant légal (art. 10 al. 4, 2e phrase, OPGA). Si l’opposition ne satisfait pas aux exigences de l’al. 1 ou si elle n’est pas signée, l’assureur impartit un délai convenable pour réparer le vice, avec l’avertissement qu’à défaut, l’opposition ne sera pas recevable (art. 10 al. 5 OPGA). Lorsque les conditions de recevabilité ne sont pas remplies, la procédure d’opposition prend fin avec une décision d’irrecevabilité (ATF 142 V 152 consid. 2.2 p. 155 et les références).

Selon la jurisprudence relative à l’art. 61 let. b, 2e phrase, LPGA – qui concerne la procédure judiciaire de première instance -, un délai permettant à l’intéressé de rectifier son mémoire de recours doit être fixé non seulement si les conclusions ou les motifs manquent de clarté, mais, d’une manière générale, dans tous les cas où le recours ne répond pas aux exigences légales. Il s’agit là d’une prescription formelle, qui oblige le juge de première instance – excepté dans les cas d’abus de droit manifeste – de fixer un délai pour corriger les imperfections du mémoire de recours. Compte tenu de l’identité grammaticale entre l’art. 61 let. b, 2 e phrase, LPGA et l’art. 10 al. 5 OPGA, ces principes s’appliquent également à la procédure d’opposition (ATF 142 V 152 déjà cité, consid. 2.3 p. 133 et les références).

Les exigences posées à la forme et au contenu d’une opposition ne sont pas élevées. Il suffit que la volonté du destinataire d’une décision de ne pas accepter celle-ci ressorte clairement de son écriture ou de ses déclarations (arrêt 8C_775/2016 du 1 er.02.2017 consid. 2.4 et les références). En l’absence d’une telle volonté clairement exprimée de contester la décision, aucune procédure d’opposition n’est engagée et il n’y a aucune obligation de fixer un délai de grâce (arrêt 8C_475/2007 du 23 avril 2008 consid. 4.2; ATF 134 V 162 consid. 5.1 p. 167; 116 V 353 consid. 2b p. 356 et les références).

 

Selon le TF : comme l’a retenu à bon droit la juridiction cantonale, il ne ressortait pas du courrier du docteur C.__ du 18.02.2019 que l’assurée envisageait de former opposition à l’encontre de la décision de suppression de prestations du 22.01.2019. Cette dernière avait été adressée à l’assurée. Or le courrier du 18.02.2019 ne faisait pas référence à cette décision et ne mentionnait pas non plus qu’il était adressé au nom de l’assurée. Il ne contenait par ailleurs aucune autre mention laissant supposer que l’assurée avait mandaté son médecin pour la représenter. Le courrier adressé à l’assurance-accidents par le psychiatre traitant de l’assurée se prononçait uniquement sur l’évolution de l’état de santé de celle-ci et sur sa capacité de travail. Cela ne saurait être assimilé à une déclaration de volonté de contester une décision de refus ou de suppression de prestations pour sa patiente. Quoi qu’en dise l’assurée, le fait que la lettre de son médecin traitant ait été envoyée à l’assurance-accidents durant le délai d’opposition n’y change rien. En effet, il est courant que durant le délai d’opposition, l’assuré produise lui-même un ou plusieurs rapports médicaux à l’appui de son opposition formelle ou demande à un ou plusieurs médecins d’envoyer leur rapport directement à l’assureur, sans que ces rapports soient pour autant assimilés à une opposition.

 

On ne saurait non plus reprocher à l’assurance-accidents d’avoir contrevenu au principe de la bonne foi en omettant d’interpeller l’assurée ou son médecin. Le défaut de renseignement dans une situation où une obligation de renseigner est prévue par la loi, ou lorsque les circonstances concrètes du cas particulier auraient commandé une information de l’assureur, est assimilé à une déclaration erronée qui peut, sous certaines conditions, obliger l’autorité (en l’espèce l’assurance-accidents) à consentir à un administré un avantage auquel il n’aurait sinon pas pu prétendre, en vertu du principe de la protection de la bonne foi découlant de l’art. 9 Cst. (ATF 143 V 341 consid. 5.2.1 p. 346; 131 V 472 consid. 5 p. 480). En l’espèce, l’assurance-accidents avait pleinement satisfait à son obligation de renseigner l’assurée puisque dans sa décision du 22.01.2019, elle avait mentionné que cette décision passerait en force si elle n’était pas attaquée par voie d’opposition dans les 30 jours à compter de sa notification et que ce délai légal ne pouvait pas être prolongé (cf. art. 49 al. 3 LPGA). Aussi ne saurait-on reprocher à l’assurance-accidents de n’avoir pas renseigné l’assurée sur ce point.

 

Il résulte de ce qui précède que la juridiction cantonale n’a pas violé le droit fédéral en retenant qu’en l’absence d’intention exprimée par l’assurée de contester la décision du 22.01.2019 dans le délai légal de trente jours, l’assurance-accidents était fondée à ne pas lui impartir un délai de grâce et à ne pas entrer en matière sur l’opposition du 05.03.2019, celle-ci étant tardive.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 8C_657/2019 consultable ici

 

 

8C_619/2018 (f) du 07.03.2019 – « Opposition » à une lettre d’information mettant un terme au paiement des indemnités journalières LAA / Opposition tardive à la décision formelle de la rente et d’IPAI / 52 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_619/2018 (f) du 07.03.2019

 

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« Opposition » à une lettre d’information mettant un terme au paiement des indemnités journalières LAA / 19 LAA

Opposition tardive à la décision formelle de la rente et d’IPAI / 52 LPGA

Suspension des indemnités journalières et du traitement médical d’une part, et examen des conditions du droit à la rente d’autre part, forment un seul objet du litige

 

Le 06.03.2015, l’assuré a débuté une mission temporaire de « monteur d’échafaudages ». Le 08.04.2015, il a chuté sur l’épaule gauche alors qu’il déchargeait une camionnette et il a subi une rupture transfixiante du tendon du sus-épineux. Il a été opéré les 08.06.2015 et 12.01.2017.

A l’issue d’un examen médical final du 26.06.2017, le médecin-conseil a considéré que le cas était stabilisé et que l’assuré disposait désormais d’une pleine capacité de travail sans baisse de rendement dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles. Le 28.06.2017, l’assurance-accidents a informé l’assuré qu’elle mettait un terme au paiement des soins médicaux et au versement de l’indemnité journalière avec effet au 31.07.2017. Par lettre du 02.08.2017 (timbre postal), l’assuré s’est opposé à cette prise de position. Les 03.08.2017 et 17.08.2017, l’assurance-accidents a informé l’assuré que le courrier du 28.06.2017 ne constituait pas une décision pouvant faire l’objet d’une opposition et qu’une telle décision allait lui être notifiée ultérieurement. Il s’en est suivi plusieurs échanges entre l’assurance-accidents et l’assuré. Le 31.08.2017, l’assurance-accidents a rendu une décision par laquelle elle a nié le droit de l’assuré à une rente d’invalidité, mais lui a alloué une indemnité pour atteinte à l’intégrité de 10%. Le 17.11.2017, elle a déclaré irrecevable l’opposition formée par l’assuré le 26.10.2017, au motif qu’elle était tardive.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/675/2018 – consultable ici)

Par jugement du 07.08.2018, la cour cantonale a retenu que l’opposition formée par l’assuré le 26.10.2017 contre la décision du 31.08.2017 était tardive. Elle a toutefois constaté que celui-ci avait manifesté à plusieurs reprises son désaccord avec la décision informelle de liquidation du cas du 28.06.2017. Aussi, l’assurance-accidents aurait-elle dû rendre une décision formelle motivée et susceptible d’opposition donnant à l’assuré la possibilité de faire valoir ses droits quant à l’indemnité journalière et à la stabilisation de son état de santé, notamment en requérant des actes d’instruction complémentaire relatifs à son état de santé. Partant, en rendant le 31.08.2017 une décision formelle portant uniquement sur le droit de l’assuré à une rente d’invalidité et à une indemnité pour atteinte à l’intégrité, l’assurance-accidents avait agi de façon prématurée. Pour des raisons de sécurité juridique et au vu du grave vice de procédure commis par la recourante, la juridiction précédente a constaté d’office la nullité de la décision du 31.08.2017.

 

TF

En l’espèce, il doit être admis qu’en rendant, le 31.08.2017, une décision formelle de refus du droit à la rente et d’octroi d’une indemnité pour atteinte à l’intégrité de 10%, l’assurance-accidents a, par voie de conséquence, également refusé formellement le versement de l’indemnité journalière et la prise en charge du traitement médical au-delà du 31.07.2017, tels que requis par l’assuré. La question de la suspension des indemnités journalières et du traitement médical d’une part, et de l’examen des conditions du droit à la rente d’autre part, forment en effet un seul objet du litige (cf. ATF 144 V 354 consid. 4. 2 p. 358). L’assurance-accidents aurait certes pu rendre une décision formelle relative à la suppression des indemnités journalières et à la prise en charge du traitement médical après avoir constaté le désaccord de l’assuré avec le contenu de la lettre du 28.06.2017 (art. 49 LPGA). Toutefois, comme elle le fait valoir, la situation juridique de ce dernier ne s’est pas trouvée affectée du fait qu’elle s’est prononcée par une décision formelle de refus de rente. L’assuré pouvait en effet faire valoir son droit aux indemnités journalières et à la prise en charge du traitement médical en formant opposition à la décision du 31.08.2017 dans le délai imparti, ce que l’assurance-accidents lui a expliqué à maintes reprises (courrier des 03.08.2017, 17.08.2017 et entretien téléphonique du 28.08.2017). Or, il doit être admis que l’assuré avait saisi la portée de cette information puisqu’après avoir reçu la décision formelle du 31.08.2017 il s’est à nouveau clairement opposé – mais de manière tardive – à la cessation du versement des indemnités journalières, dans sa lettre du 26.10.2017.

Le Tribunal fédéral conclut que c’est à tort que la juridiction cantonale, en retenant un déni de justice, a invité l’assurance-accidents à statuer à nouveau sur le droit de l’assuré à l’indemnité journalière et a constaté la nullité de la décision du 31.08.2017. L’assurance-accidents était fondée à ne pas entrer en matière sur l’opposition du 26.10.2017, celle-ci étant tardive (cf. art. 52 al. 1 LPGA).

Le TF admet le recours de l’assurance-accidents, annule le jugement cantonal et confirme la décision sur opposition.

 

 

Arrêt 8C_619/2018 consultable ici

 

 

9C_776/2017 (f) du 21.03.2018 – Procédure de recours au Tribunal cantonal / Dépôt d’une nouvelle demande AI vs recours contre une décision AI

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_776/2017 (f) du 21.03.2018

 

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Procédure de recours au Tribunal cantonal

Dépôt d’une nouvelle demande AI vs recours contre une décision AI

 

Assuré ayant déposé une 1e demande AI en décembre 2003, qui a abouti à l’octroi d’une rente entière d’invalidité d’octobre 2003 à mars 2005. En août 2007, il a déposé une 2e demande de prestations, sur laquelle l’office AI n’est pas entré en matière.

L’assuré a présenté une 3e demande de prestations en janvier 2012, que l’office AI a rejetée par décision du 21.05.2015.

Le 10.06.2015, l’assuré a déposé une 4e demande AI. Par lettre du 18.06.2015, l’office AI l’a informé que la décision du 21.05.2015 était passée en force, et qu’il lui appartenait ainsi de lui faire parvenir tous les documents médicaux permettant de rendre plausible l’aggravation de son état de santé depuis cette décision. L’assuré ayant déposé une attestation médicale du 04.05.2015, l’office AI a transmis la demande du 10.06.2015 au tribunal cantonal le 14.07.2015, comme objet de sa compétence. L’autorité judiciaire l’a retournée à l’office AI, le 16.07.2015, considérant que rien ne permettait d’admettre que l’assuré avait l’intention de recourir contre la décision du 21.05.2015.

L’assuré a déposé une 5e demande de prestations, le 20.09.2016, sur laquelle l’office AI a refusé d’entrer en matière par décision du 25.01.2017.

 

Procédure cantonale

L’assuré a déféré la décision du 25.01.2017 au tribunal cantonal en demandant son annulation.

Dans un jugement incident du 08.06.2017 (ATAS/470/2017), Dans son jugement incident du 08.06.2017, la juridiction cantonale a retenu que l’assuré avait manifesté son désaccord avec la décision du 21.05.2015, puisqu’il avait déposé une nouvelle demande de prestations durant le délai de recours en concluant à l’octroi d’une rente. Elle a aussi relevé qu’elle n’était pas liée par la réponse de son greffe du 16.07.2015, car aucun jugement n’avait été prononcé. L’objet du litige ne consistait donc pas à savoir si l’office AI avait refusé à raison d’entrer en matière sur la demande du 20.09.2016, mais de déterminer si la décision de refus de prestations du 21.05.2015 était ou non juridiquement fondée.

Par jugement au fond du 05.10.2017 (ATAS/864/2017), elle a admis partiellement le recours dirigé contre la décision du 21.05.2015 (ch. 1 du dispositif du jugement), annulé celle-ci (ch. 2), octroyé au recourant un quart de rente d’invalidité à compter d’août 2012 (ch. 3) et rejeté le recours contre la décision du 25.01.2017 (ch. 4).

 

TF

L’office AI relève que le jugement incident du 08.06.2017 ne pouvait être déféré au Tribunal fédéral qu’avec la décision finale, faute de préjudice irréparable (art. 93 al. 1 let. a LTF).

En l’espèce, le Tribunal fédéral considère que l’assuré n’avait pas formellement déclaré recourir contre la décision du 21.05.2015, à teneur de laquelle sa demande de prestations déposée le 20.01.2012 était rejetée. En outre, l’assuré n’avait pas soulevé d’objections au refus de la Chambre des assurances de considérer que sa demande du 10.06.2015 ne constituait pas un recours contre la décision du 21.05.2015 (cf. lettre du greffe du 16.07.2015); il n’avait au demeurant ni requis ni obtenu la remise d’un accusé de réception au dépôt d’un recours de la part de l’autorité judiciaire, et ne s’est pas non plus enquis de l’état d’avancement d’une éventuelle procédure de recours consécutive à son écriture du 10.06.2015. On peut donc en déduire qu’il n’avait pas l’intention de recourir contre la décision du 21.05.2015, mais qu’il entendait à cette occasion présenter une nouvelle demande au sens des art. 17 LPGA et 87 RAI.

Dans ces conditions, la décision du 21.05.2015 était passée en force faute d’avoir été attaquée. Elle ne constituait donc plus l’objet de la contestation portée devant la Chambre des assurances sociales, d’autant moins que les conclusions du recours étaient dirigées uniquement contre la décision du 25.01.2017. La juridiction cantonale de recours ne pouvait donc plus examiner le mérite de la décision du 21.05.2015 ni l’annuler. Dans cette mesure, le recours en matière de droit public est bien fondé, ce qui conduit à l’annulation des ch. 1 à 3, 5 et 6 du dispositif du jugement final du 05.10.2017 et par voie de conséquence du jugement incident du 08.06.2017.

Le ch. 4 du dispositif du jugement du 05.10.2017 n’a pas été contesté, si bien que la décision du 25.01.2017 est passée en force.

 

Le TF admet le recours de l’office AI.

 

 

Arrêt 9C_776/2017 consultable ici