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8C_445/2021 (f) du 14.01.2022 – Chute sur l’épaule – Lésion de la coiffe des rotateurs – 4 LPGA – 6 al. 1 LAA vs 6 al. 2 LAA / Causalité naturelle – Controverse scientifique

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_445/2021 (f) du 14.01.2022

 

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Chute sur l’épaule – Lésion de la coiffe des rotateurs / 4 LPGA – 6 al. 1 LAA vs 6 al. 2 LAA

Causalité naturelle – Controverse scientifique

 

Assurée travaillant à temps partiel (40%) comme aide-vendeuse.

Le 23.02.2018, elle a fait une chute dans les escaliers, se réceptionnant sur le genou gauche et l’épaule droite. Diagnostics retenus aux urgences : plaie profonde du genou de 7 cm de longueur et contusion de l’épaule droite sans fracture, précisant que l’assurée présentait au niveau de cette épaule « une impotence fonctionnelle sur douleur ».

Une IRM de l’épaule droite réalisée le 03.05.2018 a mis en évidence une tendinopathie sévère du sous-épineux s’étendant jusqu’à la jonction musculo-tendineuse, une fissure transfixiante de 3 mm à l’insertion du bord antérieur du sus-épineux, une bursite sous-acromiale, ainsi qu’une probable entorse d’un os acromial. En juin 2018, le spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur consulté a notamment retenu une déchirure transfixiante des tendons des sus-épineux et sous-épineux et posé l’indication d’une intervention chirurgicale. Le 14.08.2018, l’assurée a subi une arthroscopie avec ténotomie du biceps, synovectomie, décompression sous-acromiale sans acromioplastie et reconstruction de la coiffe (2 tendons double rangée; 4 ancres).

Requis de se prononcer sur le lien de causalité entre l’accident et les troubles à l’origine de l’intervention, le médecin-conseil a déclaré que l’assurée présentait très certainement un état préexistant précaire de son épaule droite. Selon lui, en raison de l’action vulnérante de l’événement et de la documentation radiologique et d’imagerie, la symptomatologie avait seulement été révélée – et non pas causée – par la contusion subie le 23.02.2018 et aurait pu débuter n’importe quand, soit spontanément, soit en réponse à d’autres événements ordinaires ou extraordinaires de la vie tels que des efforts ou des contusions bénignes; pour une contusion, le statu quo sine était atteint un mois après l’accident.

Sur cette base, l’assurance-accidents a mis fin au versement de ses prestations avec effet au 23.03.2018, par décision du 02.10.2018.

L’assurée a formé opposition contre cette décision en produisant un rapport du chirurgien traitant. Ce praticien y indiquait que l’IRM de l’épaule droite du 03.05.2018 montrait « un mélange de signes dégénératifs et de signes d’un traumatisme aigu avec rupture traumatique et accidentelle des deux tendons de la coiffe des rotateurs ». Il contestait l’avis du médecin-conseil pour les raisons suivantes: premièrement, l’assurée était jeune (43 ans) et avait subi une chute majeure; deuxièmement, elle n’avait pas de problème à l’épaule avant l’accident, si bien que dans une telle constellation, une déchirure transfixiante de la coiffe des rotateurs était très peu vraisemblable malgré quelques signes dégénératifs coexistants; troisièmement, plusieurs tendons de la coiffe des rotateurs présentaient une trophicité normale et il existait une infiltration graisseuse partielle de moins de 25% du muscle sous-épineux associé à un état oedémateux du tendon du sous-épineux du foot print jusqu’à la jonction musculo-tendineuse, ce qui était un signe spécifique pour des lésions du muscle et du tendon décrits par la littérature et était compatible avec une lésion à la suite d’un accident survenu en février 2018.

L’assurance-accidents a alors soumis le dossier de l’assurée à un deuxième de ses médecins-conseil. Dans une appréciation du 08.04.2019, ce médecin a réfuté les arguments de son confrère: il ne s’agissait pas d’un accident avec une énergie cinétique élevée, l’assurée ayant fait une simple chute de sa hauteur; l’existence de calcifications intra-tendineuses correspondait à des lésions de tendinite chronique et ancienne, soit à une pathologie dégénérative qui, en dépit du jeune âge de l’assurée, préexistait à l’accident; des lésions diffuses des tendons de la coiffe et une infiltration graisseuse du corps musculaire témoignaient de la survenue d’une rupture bien antérieure. L’ensemble de ces lésions constituait un état antérieur que la contusion de l’épaule avait déstabilisé de façon temporaire. Eu égard à cet état dégénératif préexistant, le second médecin-conseil a fixé à trois mois la durée de récupération fonctionnelle de la contusion.

Le 29.04.2019, l’assurance-accidents a partiellement admis l’opposition en ce sens qu’elle a prolongé la prise en charge du cas jusqu’au 23.05.2018.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 69/19 – 53/2021 – consultable ici)

La cour cantonale n’a pas été convaincue par les explications du premier médecin-conseil, selon lequel le mécanisme de l’accident n’était pas approprié pour solliciter les tendons de la coiffe des rotateurs au-delà de leur point de rupture. Ce dernier avait sous-estimé l’importance de l’événement accidentel: l’assurée n’était pas simplement tombée de sa hauteur mais avait fait une chute dans les escaliers qui lui avait occasionné une contusion et une dermabrasion au niveau de l’épaule ainsi qu’une plaie profonde au genou gauche. Une telle chute comportait en soi un risque potentiel de blessures graves, notamment à l’épaule, et ne pouvait pas être qualifiée de bénigne. Par ailleurs, les deux médecins-conseils avaient passé sous silence que l’assurée avait présenté une impotence immédiate de son épaule droite. Or, d’après la littérature médicale la plus récente (Alexandre Lädermann et al., Lésions transfixiantes dégénératives ou traumatiques de la coiffe des rotateurs, in Swiss Medical Forum, 2019, p. 263), une atteinte immédiate de la mobilité active en élévation ou en rotation externe, ou encore le développement d’une épaule pseudoparalytique était classiquement retrouvée après un accident. Il n’était certes pas contestable que l’assurée présentait un certain nombre de lésions dégénératives préexistantes. Toutefois, les deux médecins-conseil avaient fourni une appréciation médicale indifférenciée de la situation de l’assurée, sans procéder à une analyse détaillée de chaque lésion constatée. Leur raisonnement, fondé sur la seule présence d’atteintes dégénératives préexistantes, ne permettait pas d’exclure que certaines lésions aient pu trouver leur origine dans l’événement traumatique subi, d’autant que le chirurgien traitant avait précisé que l’infiltration graisseuse partielle de moins de 25% du muscle, observée en mai 2018, était compatible avec une lésion survenue en février 2018. En conclusion, la cour cantonale a retenu qu’il existait une relation de causalité probable entre l’accident et la déchirure transfixiante des tendons des sus-épineux et sous-épineux. Au vu de l’art. 36 al. 1 LAA, c’était donc à tort que l’assurance-accidents avait refusé de prester au-delà du 23.05.2018.

Par jugement du 10.05.2021, admission du recours par le tribunal cantonal, annulant la décision sur opposition.

 

TF

Consid. 3
Le 1er janvier 2017 est entrée en vigueur la modification du 25 septembre 2015 de la LAA. Dans la mesure où l’accident assuré est survenu après cette date, le nouveau droit s’applique.

Aux termes de l’art. 6 LAA dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2017, les prestations d’assurance sont allouées en cas d’accident professionnel, d’accident non professionnel et de maladie professionnelle (al. 1); l’assurance alloue aussi ses prestations pour les lésions corporelles suivantes, pour autant qu’elles ne soient pas dues de manière prépondérante à l’usure ou à une maladie: [a. à e.]; f. les déchirures de tendons; [g. à h.] (al. 2); l’assurance alloue en outre ses prestations pour les lésions causées à l’assuré victime d’un accident lors du traitement médical (al. 3).

Dans un arrêt publié aux ATF 146 V 51, le Tribunal fédéral a examiné les répercussions de la modification législative relative aux lésions corporelles assimilées à un accident. Il s’est notamment penché sur la question de savoir quelle disposition était désormais applicable lorsque l’assureur-accidents avait admis l’existence d’un accident au sens de l’art. 4 LPGA et que l’assuré souffrait d’une lésion corporelle au sens de l’art. 6 al. 2 LAA. Le Tribunal fédéral a admis que dans cette hypothèse, l’assureur-accidents devait prendre en charge les suites de la lésion en cause sur la base de l’art. 6 al. 1 LAA; en revanche, en l’absence d’un accident au sens juridique, le cas devait être examiné sous l’angle de l’art. 6 al. 2 LAA (ATF 146 V 51 consid. 9.1, résumé dans la RSAS 1/2020 p. 33 ss.; arrêt 8C_169/2019 du 10 mars 2020 consid. 5.2).

En l’espèce, il est admis que la chute de l’assurée dans les escaliers du 23.02.2018 répond à la définition légale de la notion d’accident dans le domaine des assurances sociales. Par ailleurs, les investigations médicales ont mis à jour (entre autres) une déchirure transfixiante de deux tendons de la coiffe des rotateurs. Ces lésions constituent des lésions assimilées à un accident au sens de l’art. 6 al. 2 LAA. Au vu de la jurisprudence susmentionnée, c’est à juste titre que la cour cantonale a examiné la question du droit aux prestations de l’assurée à l’aune de l’art. 6 al. 1 LAA et on peut renvoyer à son arrêt en ce qui concerne le rappel, dans ce contexte, de l’art. 36 al. 1 LAA ainsi que des notions de statu quo ante/statu quo sine applicables lorsque l’atteinte à la santé n’est que partiellement imputable à l’accident en raison d’un état maladif préexistant (cf. ATF 146 V 51 consid. 5.1 in fine).

Consid. 4.2
L’assurance-accidents reproche aux juges cantonaux d’avoir apprécié les avis médicaux et constaté les fait pertinents de manière arbitraire. […] Ce serait à tort que la cour cantonale a fait grand cas de l’existence d’une impotence initiale en s’appuyant sur un article du docteur Lädermann. Au demeurant, l’avis de ce médecin ne ferait pas autorité, dans la mesure où d’autres auteurs retiennent que la présence d’une impotence ne signifie pas que l’on se trouve en présence d’une déchirure accidentelle de la coiffe des rotateurs (Luzi Dubs, Bruno Soltermann, Josef E. Brandenberg, Philippe Luchsinger, Evaluation médicale ciblée après traumatisme de l’épaule – Causes des lésions isolées de la coiffe des rotateurs et leur diagnostic médical d’assécurologie, in Infoméd/Medinfo, n° 2021/1, p. 2 ch. 2).

Consid. 4.3
Contrairement à ce que soutient l’assurance-accidents, il ne ressort pas de la jurisprudence fédérale qu’un traumatisme consistant en un choc direct sur l’épaule ne serait jamais de nature à causer une lésion de la coiffe des rotateurs. Dans l’arrêt le plus récent cité par l’assurance-accidents (8C_59/2020 du 14 avril 2020), le Tribunal fédéral a justement souligné que la question faisait l’objet d’une controverse dans la littérature médicale récente (voir le consid. 5.4 de cet arrêt). Il a considéré qu’il n’y avait pas lieu de donner une trop grande importance au critère du mécanisme accidentel pour l’examen du lien de causalité, eu égard aux difficultés à reconstituer avec précision le déroulement de l’accident sur la base des déclarations de la victime. Il convenait bien plutôt, sous l’angle médical, de mettre en présence et de pondérer entre eux les différents critères pertinents plaidant en faveur ou en défaveur du caractère traumatique de la lésion, de manière à déterminer l’état de fait présentant une vraisemblance prépondérante (voir également l’arrêt 8C_672/2020 du 15 avril 2021 consid. 4.1.3 et 4.5).

En l’occurrence, les médecins-conseils de l’assurance-accidents et le chirurgien traitant ne s’accordent que sur un seul point, à savoir que l’assurée présente des signes dégénératifs à son épaule droite; on peut également noter qu’aucun d’entre eux n’a mentionné l’atteinte fonctionnelle initiale chez l’assurée en tant qu’élément à prendre en compte pour se prononcer sur le lien de causalité. Leurs prises de position respectives quant à l’importance et à la portée à donner, dans leur examen de cette question, à l’état antérieur préexistant associé à d’autres facteurs tels que l’action vulnérante de l’événement, l’âge et l’absence de problèmes à l’épaule avant l’accident, de même que l’interprétation de l’imagerie (en particulier relative au pourcentage d’infiltration graisseuse du muscle sous-épineux), sont tellement divergentes qu’il apparaît difficile de les départager sans connaissances médicales spécialisées. En effet, on ne voit pas, dans les explications avancées de part et d’autre, de motifs reconnaissables pour le juge qui justifieraient d’écarter d’emblée un avis au profit de l’autre en raison d’une valeur probante insuffisante. On ignore également si tous les facteurs médicalement déterminants ont effectivement été pris en compte.

Aussi, dans la mesure où le cas de l’assurée a été réglé sans avoir recours à une expertise et où il existe bien des doutes sur la fiabilité et la validité des constatations des médecins-conseils de l’assurance-accidents, on se trouve dans la situation visée par la jurisprudence qui impose de mettre en œuvre une expertise par un médecin indépendant. Vu qu’il appartient en premier lieu à l’assureur-accidents de procéder à des instructions complémentaires pour établir d’office l’ensemble des faits déterminants et, le cas échéant, d’administrer les preuves nécessaires avant de rendre sa décision (art. 43 al. 1 LPGA; ATF 132 V 368 consid. 5; arrêt 8C_412/2019 du 9 juillet 2020 consid. 5.4 et ses références), la cause ne sera pas renvoyée à l’autorité cantonale, comme le requiert l’assurance-accidents, mais à cette dernière, afin qu’elle mette en œuvre une expertise dans une procédure au sens de l’art. 44 LPGA et rende une nouvelle décision sur le droit aux prestations de l’assurée au-delà du 23.05.2018. En ce sens, le recours se révèle bien fondé.

 

Le TF admet partiellement le recours de l’assurance-accidents, annule le jugement cantonal et la décision sur opposition.

 

 

Arrêt 8C_445/2021 consultable ici

 

9C_789/2020 (f) du 19.04.2021 – Lésion dentaire – Notion d’accident – Facteur extérieur de caractère extraordinaire – 4 LPGA / Se faire heurter le bas du visage par son petit-fils de deux ans en l’installant dans la voiture est un accident / Adéquation du traitement pour restaurer la capacité de mastication – Critère de l’économicité des prestations – 31 LAMal

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_789/2020 (f) du 19.04.2021

 

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Lésion dentaire – Notion d’accident – Facteur extérieur de caractère extraordinaire / 4 LPGA

Se faire heurter le bas du visage par son petit-fils de deux ans en l’installant dans la voiture est un accident

Adéquation du traitement pour restaurer la capacité de mastication – Critère de l’économicité des prestations / 31 LAMal

 

A.__, née en 1954, est assurée en assurance-maladie obligatoire des soins. Le 15.09.2018, alors qu’elle installait son petit-fils de deux ans dans la voiture, l’assurée s’est penchée en avant en même temps que l’enfant et a heurté son front avec le bas de son visage. Consultée le 20.09.2018, la dentiste traitante a constaté une fracture de couronne avec lésion de la pulpe des dents 31 et 41 et procédé à un traitement d’urgence. Le même jour, l’assurée a envoyé une déclaration d’accidents à la caisse-maladie.

Le 20.11.2018, la caisse-maladie a octroyé une garantie de paiement pour le traitement dentaire occasionné par l’événement du 15.09.2018, conformément au devis établi, selon lequel l’extraction des dents 31 et 41 et la pose de deux implants étaient prévues, pour un montant estimé à 8299 fr. 30. Un devis complémentaire portant sur une augmentation osseuse au niveau des dents 31 et 41 avant implantations, dont les coûts étaient estimés à 1175 fr. 40, a ensuite été soumis à la caisse-maladie pour approbation.

Par décision du 12.08.2019, confirmée sur opposition, la caisse-maladie a refusé de prendre en charge les coûts liés à la pose d’implants. En bref, elle a considéré que le traitement envisagé ne répondait plus au critère de l’économicité étant donné qu’une augmentation osseuse constituait un préalable nécessaire à la pose des implants. Elle a également expliqué que comme le fournisseur de prestations faisait dépendre le traitement projeté d’une nouvelle intervention, il était légitime de réexaminer l’entier du traitement sous l’angle de l’art. 32 LAMal, et qu’elle prendrait en charge les coûts de ponts collés, traitement qui constituait selon elle une alternative plus économique. Dans la décision sur opposition, la caisse-maladie a par ailleurs nié que l’événement du 15.09.2018 pût être constitutif d’un accident, à défaut de cause extérieure.

 

Procédure cantonale (arrêt 608 2019 306 – consultable ici)

La juridiction cantonale a admis qu’il s’agissait d’un accident, dès lors que la lésion avait été provoquée par le heurt du bas du visage de l’assurée contre la tête de l’enfant qui s’était penché au même moment et dans la même direction qu’elle. Les juges cantonaux ont ensuite constaté que le traitement proposé par la caisse-maladie, soit la confection d’un pont collé, ne constituait pas une solution définitive et ne répondait donc pas au critère d’adéquation. A défaut d’alternative thérapeutique appropriée, la juridiction cantonale a considéré que l’augmentation osseuse suivie d’une pose d’implants selon les devis était conforme au critère d’économicité. Aussi a-t-elle admis l’obligation de la caisse-maladie de prendre en charge les coûts du traitement dentaire sollicité par l’assurée.

Par jugement du 10.11.2020, admission du recours par le tribunal cantonal, annulation de la décision sur opposition. La juridiction cantonale a condamné la caisse-maladie à prendre en charge les frais relatifs à une augmentation osseuse suivie de la pose d’implants selon les devis établis en conformité avec les tarifs en vigueur.

 

TF

Notion d’accident

L’argumentation de la caisse-maladie selon laquelle le fait que la lésion dentaire est survenue dans le cadre d’un « quotidien banal », alors que l’assurée installait son petit-fils dans sa voiture, soit une « opération réfléchie et prévisible » qui s’inscrit dans « les activités normales de tous les grands-parents s’occupant à l’occasion de leurs petits-enfants » et qui s’accompagne du risque prévisible que « les deux têtes, de l’adulte et de l’enfant, rentrent en contact », n’est pas fondée. Comme le relève à juste titre l’assurée, de nombreux accidents peuvent survenir à l’occasion d’activités qui font partie de la vie quotidienne, comme il en va, par exemple, lorsqu’une personne chute dans les escaliers. Selon l’art. 4 LPGA, est réputée accident toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort. Le facteur extérieur extraordinaire à l’origine de l’atteinte à la santé ne réside pas dans l’activité effectuée, mais bien dans la chute, respectivement, comme en l’espèce, dans le choc entre la tête de l’assurée et celle de son petit-fils. Selon la jurisprudence, lors d’un mouvement corporel, l’exigence d’une incidence extérieure est en principe remplie lorsque le déroulement naturel du mouvement est influencé par un phénomène extérieur (« mouvement non programmé »). Dans le cas d’un tel mouvement, l’existence du facteur extérieur extraordinaire doit être admise, car le facteur extérieur – l’interaction entre le corps et l’environnement – constitue en même temps le facteur extraordinaire en raison de l’interruption du déroulement naturel du mouvement. Le caractère extraordinaire peut ainsi être admis, notamment, lorsque l’assuré s’encouble ou se heurte à un objet (ATF 130 V 117 consid. 2.1 p. 118 et les arrêts cités; arrêt U 220/05 du 22 mai 2006 consid. 3.3 et les arrêts cités).

La juridiction cantonale n’a pas constaté arbitrairement que le heurt entre le front de l’enfant et le bas du visage de l’assurée, qui a occasionné la lésion dentaire, était survenu parce que l’enfant s’était penché en avant en même temps que sa grand-mère. A la lecture de la déclaration d’accident du 20.09.2018, remplie en allemand, on constate que l’enfant a bien effectué un mouvement vers l’avant en même temps que l’assurée (« beugten wir beide gleichzeitig nach vorne »). Le fait que le petit-fils de l’assurée ait ou non effectué un mouvement n’est du reste pas décisif pour déterminer si l’événement du 15.09.2018 répond à la définition juridique de l’accident. Selon la jurisprudence, la cause extérieure extraordinaire nécessaire pour pouvoir qualifier une atteinte à la santé d’accident peut résider dans un mouvement corporel qui est perturbé par un choc contre un objet qui n’est pas lui-même en mouvement. Ainsi, le Tribunal fédéral a par exemple jugé que l’assuré qui se cogne la tête contre un panneau d’information et subit de ce fait une lésion dentaire est victime d’un accident au sens juridique du terme, sans qu’il soit nécessaire de déterminer si le choc est survenu parce que l’assuré a, au préalable, trébuché ou été poussé (arrêt 9C_776/2012 du 8 janvier 2013 consid. 5.2 et les arrêts cités).

 

Les juges cantonaux n’ont pas considéré que l’avis du dentiste traitant l’emportait sur celui du médecin-dentiste conseil de la caisse-maladie. Il ressort à cet égard des constatations cantonales que bien qu’ayant été formellement invitée par la juridiction de première instance à déposer une éventuelle prise de position écrite de son dentiste consultant, la caisse-maladie n’a pas versé la pièce requise au dossier. La caisse-maladie ne le conteste du reste pas puisqu’elle indique qu’il ne pouvait pas être attendu d’elle qu’elle « sollicite sérieusement » un nouvel avis de son médecin-dentiste conseil. Quoi qu’en dise la caisse-maladie à cet égard, le seul avis médical au dossier est celui du docteur D.__, médecin-dentiste spécialiste en chirurgie orale et dentiste traitant. Tout au plus, dans le cadre de la procédure administrative, la caisse-maladie s’est référée à un avis de son dentiste-conseil antérieur à celui du docteur D.__, qui ne figure pas au dossier. Dans une correspondance du 05.06.2019, la caisse-maladie avait en effet informé l’assurée de son refus de prendre en charge les coûts du traitement sollicité, en indiquant qu’après avoir soumis le dossier à son dentiste consultant, ledit traitement ne répondait plus aux critères d’économicité au vu de la nécessité d’effectuer une augmentation osseuse préalablement à la pose d’implants, sans étayer davantage son point de vue.

 

En ce qu’elle allègue ensuite que la dentition de l’assurée aurait, avant l’accident, déjà fait l’objet de plusieurs traitements et devait encore faire l’objet de plusieurs traitements, et qu’une solution au moyen d’un pont adhésif ou d’une prothèse partielle avec deux éléments dentaires serait tout aussi efficace et rapide, mais nettement plus économique pour restaurer la capacité de mastication que la pose d’implants, la caisse-maladie ne remet pas en cause de manière convaincante les conclusions du dentiste traitant, qui ont été suivies par les juges cantonaux. D’une part, la caisse-maladie développe son argumentation en se référant à l’opinion émise par son médecin-dentiste conseil antérieurement à l’avis du docteur D.__ du 26.06.2019, sans produire cette pièce. D’autre part, le docteur D.__ a expliqué que le traitement proposé par la caisse-maladie, soit la confection d’un pont collé, ne constituait pas une alternative thérapeutique, étant donné que la durée moyenne d’une telle réhabilitation était de cinq ans et qu’il ne s’agissait donc pas d’une solution définitive. Dans son courrier du 26.06.2019, le dentiste traitant a également indiqué que si un devis complémentaire avait été soumis à la caisse-maladie le 15.05.2019, c’est en raison du fait que la perte de la densité osseuse en tant que suite de l’accident ne pouvait être quantifiée avant l’extraction des dents endommagées (qui a eu lieu le 14.12.2018) et la cicatrisation des plaies. La caisse-maladie ne peut donc pas être suivie lorsqu’elle affirme de manière péremptoire que le docteur D.__ n’aurait pas expliqué pourquoi ce n’est qu’après près de six mois qu’il a considéré qu’un nouveau traitement, sous la forme d’une augmentation osseuse, était nécessaire. Elle ne saurait non plus reprocher à ce médecin de ne pas s’être prononcé sur l’état de la dentition de l’assurée avant l’accident, ni sur l’objectif et le caractère économique du traitement qu’il a préconisé, dès lors déjà qu’elle avait accordé, le 20.11.2018, une garantie de paiement pour le traitement dentaire ayant fait l’objet du devis établi le 18.10.2018 (extraction des dents 31 et 41 et pose de deux implants, pour un montant estimé à 8299 fr. 30). Dans la correspondance qu’elle avait adressée à l’assurée le 20.11.2018, la caisse-maladie avait en effet admis que ledit traitement constituait une prestation obligatoire dont elle était tenue de prendre en charge les coûts. Au vu de l’obligation des caisses-maladie de prendre en charge, au titre de l’assurance obligatoire des soins, les coûts des prestations définies aux art. 25 à 31 LAMal, en tenant compte des conditions des art. 32 à 34 LAMal (art. 24 al. 1 LAMal), il s’agissait donc d’un traitement adéquat pour restaurer la capacité de mastication et qui satisfaisait au critère de l’économicité des prestations.

La caisse-maladie aurait dû savoir qu’après le laps de temps nécessaire et obligatoire entre l’extraction des dents et la pose des implants, il était possible que la densité osseuse pût s’avérer insuffisante pour assurer la fixation de ceux-ci. A cet égard, on ajoutera que la caisse-maladie aurait à tout le moins dû solliciter des renseignements auprès de son dentiste consultant avant d’octroyer une garantie de paiement sans réserve le 20.11.2018. Dans ces circonstances, la juridiction cantonale a considéré que le principe de la confiance obligeait également la caisse-maladie à prendre en charge le traitement litigieux, ce d’autant plus que le devis complémentaire ne s’élevait qu’à environ 10 % du devis initial (1175 fr. 40). Quoi qu’il en soit, dans la mesure où l’avis du docteur D.__ selon lequel le traitement proposé par la caisse-maladie ne constituait pas une alternative thérapeutique adéquate, n’est pas contesté par une opinion médicale contraire, c’est à bon droit que la juridiction cantonale a admis que l’augmentation osseuse suivie de la pose d’implants ne pouvait pas être considérée comme non conforme au critère d’économicité.

En conclusion, si la caisse-maladie entendait contester l’avis du dentiste traitant, il lui eût appartenu de fournir un avis médical contraire, ce qu’elle n’a pas fait, malgré l’injonction de la juridiction cantonale. On rappellera à ce propos que la maxime inquisitoire (art. 61 let. c LPGA) ne dispense pas les parties de l’obligation d’apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi la partie concernée s’expose à devoir supporter les conséquences de l’absence de preuve (ATF 125 V 193 consid. 2 p. 195; 117 V 264 consid. 3b et les arrêts cités). En conséquence, les considérations des juges cantonaux, selon lesquelles la caisse-maladie doit prendre en charge les frais relatifs à l’augmentation osseuse suivie de la pose d’implants conformément aux devis des 18.10.2018 et 15.05.2019, doivent être confirmées.

 

Le TF rejette le recours de la caisse-maladie.

 

 

Arrêt 9C_789/2020 consultable ici

 

 

8C_534/2020 (i) du 17.02.2021 – Notion d’accident – 4 LPGA / Rouler avec un moutain bike dans un nid de poule de 15 cm de profondeur sur une route asphaltée n’est pas extraordinaire [même dans notre pays]

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_534/2020 (i) du 17.02.2021

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle, seul l’arrêt fait foi

 

Notion d’accident / 4 LPGA

Rouler avec un moutain bike dans un nid de poule de 15 cm de profondeur sur une route asphaltée n’est pas extraordinaire [même dans notre pays]

 

Assuré, éducateur spécialisé, né en 1983, a fait annoncer par son employeur, le 01.06.2017, l’accident dont il a été victime le 24.05.2017, sur la route de montagne Monti Motti à Gudo. Description : « En pédalant sur la chaussée, il a heurté une bosse irrégulière, ce qui lui a causé un traumatisme au testicule droit. »

Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a nié la notion accidentelle et nié le lien de causalité naturelle entre les troubles et l’événement du 24.05.2017.

 

Procédure cantonale

Selon le tribunal cantonal, le facteur extérieur est la secousse du mountain bike et l’impact sur la selle qui en résultait. Le facteur extraordinaire est le nid de poule de 50 cm de long et 15 cm de profondeur sur une route asphaltée. Selon les juges cantonaux, dans notre pays, cela doit certainement être considéré comme un événement inhabituel sur une route asphaltée. La situation aurait été différente si l’événement s’était déroulé sur un sentier ou un parcours de VTT.

Par jugement du 06.07.2020, admission du recours par le tribunal cantonal, annulation de la décision litigieuse, renvoyant la cause à l’assurance-accidents pour instruction complémentaire et nouvelle décision au sens des considérants.

 

TF

Au sens de l’art. 4 LPGA, est réputée accident toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physi­que, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort. Les éléments constitutifs de l’accident – qui sont une atteinte dommageable, le caractère soudain de l’atteinte, le caractère involontaire de l’atteinte, le facteur extérieur de l’atteinte et, enfin, le caractère extraordinaire du facteur extérieur – doivent être remplis cumulativement. Il résulte de la définition même de l’accident que le caractère extraordinaire de l’atteinte ne concerne pas les effets du facteur extérieur, mais seulement ce facteur lui-même. Le facteur extérieur est considéré comme extraordinaire lorsqu’il excède, dans le cas particulier, le cadre des événements et des situations que l’on peut, objectivement, qualifier de quotidiens ou d’habituels (ATF 142 V 219 consid. 4.3.1 p. 221; 134 V 72 consid. 2.2 p. 74 s.; 129 V 402 consid. 2.1 p. 404; 122 V 230 consid. 1 p. 233; 121 V 35 consid. 1a p. 38 et les références). Dès lors, il importe peu que le facteur extérieur ait entraîné, le cas échéant, des conséquences graves ou inattendues (ATF 142 V 219 consid. 4.3.1 p. 221; 134 V 72 consid. 4.3.1 p. 79 s.; 129 V 402 consid. 2.1 p. 404).

Passer dans un nid de poule d’environ 15 cm de profondeur avec un vélo amortissant les chocs ne constitue pas un facteur extérieur extraordinaire capable de justifier un accident. La situation est comparable à celle d’un cycliste qui saute d’un trottoir sur la route, ce qui est parfaitement normal pour un vélo. Les quelques centimètres supplémentaires entre un nid de poule et un trottoir ne changent rien à l’extraordinaireté/au caractère extraordinaire. Le Tribunal fédéral a également exclu la possibilité d’un accident en roulant sur un dos d’âne (arrêt U 79/98 du 20 juillet 2000 consid. 3a). Il en va de même pour un changement d’allure lors d’une promenade à cheval (arrêt U 296/05 du 14 février 2006 consid. 1.1, publié in SVR 2006 UV n. 18) ou un freinage d’urgence en voiture sans qu’il y ait collision (arrêt 8C_325/2008 du 17 décembre 2008 consid. 2.2). Le caractère extraordinaire a également été refusé dans le cas d’un exercice sportif non réussi (arrêt 8C_189/2010 du 9 juillet 2010 consid. 5.2).

En l’espèce, le fait que l’assuré n’aurait pas vu le nid de poule ou le fait que la route en question était asphaltée ne sont pertinents. Le plan du projet définitif d’amélioration de la route Medoscio-Monti Motti présenté par l’assuré n’est pas davantage utile. Au contraire, le nombre de cassis [nid de poules/trous] sur toute la longueur de la route laisse penser que l’état de la route était dégradé sur de longs tronçons et que la présence de diverses bosses, nids de poule et irrégularités était prévisible, à tel point que – selon la propre déclaration de l’assuré – des travaux d’assainissement étaient nécessaires.

La cour cantonale a donc violé le droit fédéral en considérant que le facteur extérieur de caractère extraordinaire était rempli.

 

Le TF admet le recours de l’assurance-accidents.

 

 

Arrêt 8C_534/2020 consultable ici

 

 

Évaluation médicale ciblée après traumatisme de l’épaule – Causes des lésions isolées de la coiffe des rotateurs et leur diagnostic médical d’assécurologie

Évaluation médicale ciblée après traumatisme de l’épaule – Causes des lésions isolées de la coiffe des rotateurs et leur diagnostic médical d’assécurologie

 

Article de Luzi Dubs, Bruno Soltermann, Josef E. Brandenberg, Philippe Luchsinger paru in Infoméd № 2021/1 consultable ici

 

Résumé

L’évaluation médicale ciblée après un traumatisme de l’épaule permet d’établir un diagnostic médical d’assécurologie compréhensible d’une douleur aiguë à l’épaule afin de déterminer si celle-ci provient de lésions traumatiques ou si elle est due à l’usure ou à une maladie. Les éléments déterminants sont tirés de la littérature standard de la médecine des assurances et tiennent également compte de la recherche fondamentale et de l’épidémiologie. Introduit pour la première fois, le tableau à double entrée permet de mieux corriger les erreurs d’interprétation des différentes corrélations.

Par ailleurs, le consensus médical d’assécurologie révisé sur la base de la littérature actuelle part du principe qu’une lésion de la coiffe des rotateurs est en général provoquée par des facteurs intrinsèques et extrinsèques de nature dégénérative ou maladive et qu’elle n’est due de manière déterminante à un traumatisme que dans des cas exceptionnels. L’hypothèse d’une rupture récente et isolée de la coiffe des rotateurs due à une contusion directe à l’épaule ne saurait être étayée.

 

 

« Évaluation médicale ciblée après traumatisme de l’épaule – Causes des lésions isolées de la coiffe des rotateurs et leur diagnostic médical d’assécurologie » paru in Infoméd № 2021/1 consultable ici

 

 

8C_555/2020 (d) du 16.12.2020 – Accident de la circulation – Tentative de suicide niée / 37 al. 1 LPGA – 4 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_555/2020 (d) du 16.12.2020

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt du TF fait foi

 

Accident de la circulation – Tentative de suicide niée / 37 al. 1 LPGA – 4 LPGA

 

Le 21.11.2016, la voiture conduite par l’assuré, directeur commercial né en 1969, a heurté de plein fouet le côté d’un véhicule venant en sens inverse. La voiture de l’assuré a quitté la route, traversé un champ pour finir en heurtant un talus. L’assuré a subi un polytraumatisme (TCC léger, traumatisme au niveau de l’abdomen, de la colonne vertébrale ainsi que des extrémités). Après investigations, l’assurance-accidents a, par décision, confirmée sur opposition, refusé d’intervenir, motif pris que l’assuré avait causé l’événement du 21.11.2016 avec l’intention de s’enlever la vie.

 

Procédure cantonale

Le tribunal cantonal a constaté que le policier, premier à arriver sur les lieux de l’accident, avait déclaré par la suite que l’assuré, lorsqu’on lui avait demandé s’il avait voulu mettre fin à sa vie, avait répondu en substance : « Oui, je ne vois pas d’autre solution » [« Ja, ich sehe keinen anderen Weg mehr »]. Il convient de souligner d’emblée que toutes les indications mentionnées par l’assurance-accidents, laissant supposer une tentative de suicide, se fondent uniquement sur cette déclaration. Rien n’indique dans le dossier médical ou dans le jugement pénal, ni avant, pendant ou après l’accident, que l’assuré ait été suicidaire. En ce qui concerne le déroulement de l’accident, les témoins ont déclaré que l’assuré n’avait pas pu voir si un véhicule venait dans le sens opposé en raison du virage. La seule conclusion qui pouvait être tirée du rapport d’analyse de l’accident obtenu par l’assurance-accidents était que l’assuré ne pouvait pas avoir été inconscient en traversant le champ après avoir quitté la route.

Le médecin-conseil de l’assurance-accidents avait initialement considéré la possibilité que l’assuré ait subi une crise d’épilepsie lors de l’accident comme extrêmement improbable. Même si c’était le cas, cela ne signifiait pas qu’aucune autre raison plausible que l’intention suicidaire ne puisse être considérée comme la cause de l’accident. Dans ce contexte, il convient de souligner en particulier que l’assuré, après avoir consommé de la marijuana, avait des taux sanguins de THC supérieurs à la valeur limite et avait donc conduit la voiture en état d’inaptitude. Cette circonstance constitue une explication plausible de son comportement au volant et de la collision qui en a résulté. En outre, une crise d’épilepsie n’a pas pu être exclue. Par la suite, le médecin-conseil avait indiqué qu’il considérait toujours comme improbable la survenance d’une crise d’épilepsie lors de l’accident du 21.11.2016, mais qu’il ne pouvait pas l’exclure. Sur la base des documents médicaux, l’hypothèse d’une crise d’épilepsie, qui pourrait expliquer le comportement au volant, était en tout cas au moins possible.

Par jugement du 08.07.2020, admission du recours par le tribunal cantonal, niant la thèse de la tentative de suicide.

 

TF

Selon l’art. 37 al. 1 LAA, si l’assuré a provoqué intentionnellement l’atteinte à la santé ou le décès, aucune prestation d’assurance n’est allouée, sauf l’indemnité pour frais funéraires. Il convient également de rappeler qu’est réputée accident toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort (art. 4 LPGA).

Le caractère involontaire de l’atteinte dommageable est un critère essentiel pour évaluer si un événement provoquant des atteintes corporelles doit être considéré comme un accident. Celui qui requière des prestations devant prouver l’existence d’un accident, il doit en principe également prouver le caractère involontaire de l’atteinte. […] Le défaut de preuve va au détriment de la partie qui entendait tirer un droit du fait non prouvé (ATF 117 V 261 consid. 3b p. 264).

Lorsqu’il y a doute sur le point de savoir si la mort est due à un accident ou à un suicide, il faut se fonder sur la force de l’instinct de conservation de l’être humain et poser comme règle générale la présomption naturelle du caractère involontaire de la mort, ce qui conduit à admettre la thèse de l’accident. Le fait que l’assuré s’est volontairement enlevé la vie ne sera considéré comme prouvé que s’il existe des indices sérieux excluant toute autre explication qui soit conforme aux circonstances. Il convient donc d’examiner dans de tels cas si les circonstances sont suffisamment convaincantes pour que soit renversée la présomption du caractère involontaire de la mort (arrêt 8C_550/2010 du 6 septembre 2010 consid. 2.2 et la référence à RAMA 1996 no. U 247 p. 168 consid. 2b, U 21/95).

Selon le Tribunal fédéral : Le tribunal cantonal n’a pas écarté les déclarations de l’agent de police. Sur la base du dossier, la cour cantonale a estimé à juste titre que l’assuré n’avait pas pu voir loin devant lui en raison du virage. Ainsi, il n’avait pas pu prévoir si un autre véhicule viendrait vers lui sur la voie opposée lorsqu’il a coupé le virage. S’il avait voulu provoquer une collision frontale (face à face) avec l’intention de se suicider, il l’aurait fait sur une route droite avec une vue dégagée. Les déclarations des témoins, selon lesquelles l’assuré avait conduit sa voiture comme s’il était perturbé physiquement ou psychiquement, allaient à l’encontre du dessein de se suicider. L’expérience générale de la vie s’oppose également à la thèse de la tentative de suicide. Une personne suicidaire peut se jeter devant un train qui approche ou se jeter d’un pont, mais ne veut pas tuer un étranger dans son suicide.

Il faut ajouter que rien dans le dossier n’indique que l’assuré ait été suicidaire, raison pour laquelle on ne peut supposer qu’il ait provoqué la collision dans le but de s’ôter la vie.

Il est vrai que l’assuré avait pris des substances psychoactives avant l’accident. Cependant, il ne ressort pas du dossier qu’il ait pu être intoxiqué au point de provoquer une collision dans un élan incontrôlable pour se suicider. Il faut plutôt supposer que, compte tenu de sa profession de directeur des ventes, effectuant de nombreuses présentations à des clients potentiels et attendant de pouvoir conclure des contrats, il était soumis à une grande pression et avait donc pris des substances psychoactives pour se soulager.

Dans le rapport médical du 06.02.2019, il était mentionné que l’anamnèse correspondait bien rétrospectivement à une crise d’épilepsie subie lors de l’accident du 21.11.2016. Le médecin-conseil de l’assurance-accidents a souscrit à cette appréciation, dans la mesure où une crise d’épilepsie ne peut être exclue.

 

Le TF rejette le recours de l’assurance-accidents.

 

 

Arrêt 8C_555/2020 consultable ici

Proposition de citation : 8C_555/2020 (d) du 16.12.2020 – Accident de la circulation – Tentative de suicide niée, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2021/02/8c_555-2020)

 

8C_76/2020 (f) du 07.09.2020 – Notion d’accident niée – Tentative de suicide confirmée / 4 LPGA – 37 al. 1 LAA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_76/2020 (f) du 07.09.2020

 

Consultable ici

 

Notion d’accident niée – Tentative de suicide confirmée / 4 LPGA – 37 al. 1 LAA

 

Assurée, née en 1964, exerçait une activité de podologue indépendante à un taux d’activité de 50% et était assurée à titre facultatif contre le risque d’accident selon la LAA. Le matin du 14.11.2016, il était prévu qu’elle se rende en train à un centre psychiatrique semi-hospitalier pour y être soignée pendant cinq semaines. Vers 9h50, à un arrêt CFF, elle a été heurtée et gravement blessée au genou droit par un train, alors qu’elle était allongée, légèrement recroquevillée, de manière longitudinale entre les rails du chemin de fer. A l’hôpital, ont été constatées de graves blessures au genou droit, au fémur droit et au bas de la jambe, une intoxication alcoolique avec une alcoolémie de 2,2 g o/oo et une suicidalité aigüe.

Après diverses mesures d’instruction, notamment l’obtention de divers rapports médicaux, du rapport de police et de l’ordonnance de classement de la procédure pénale ouverte ensuite de l’événement du 14.11.2016, l’assurance-accidents a refusé la prise en charge de l’événement du 14.11.2016, au motif qu’il s’agissait d’une tentative de suicide commise en état de discernement.

 

Procédure cantonale

La cour cantonale a estimé qu’il existait un faisceau d’indices permettant de retenir, au degré de la vraisemblance prépondérante, que les atteintes subies par l’assurée le 14.11.2016 du fait du passage du train sur les voies entre lesquelles elle se trouvait étendue résultaient d’une tentative de suicide. Certes, comme personne n’avait précisément vu ce qui s’était passé, une chute accidentelle sur les voies ne pouvait pas d’emblée être exclue. Cependant, le passé de l’assurée, marqué par de nombreuses crises avec menaces de suicide – la dernière remontant au 27.10.2016 –, en relation avec le fait que, selon le conducteur du train, elle était couchée au milieu des voies et n’avait pas réagi à l’arrivée du train et au bruit du freinage d’urgence, montrait qu’il ne pouvait pas s’agir d’une simple chute. Du reste, les rapports médicaux consécutifs à cet événement ne rapportaient aucune lésion qui pourrait être liée à une éventuelle chute sur les voies de train. De même, on peinait à comprendre comment l’assurée aurait pu se trouver exactement entre les voies de chemin de fer en cas de simple chute depuis le quai de gare.

Au surplus, rien au dossier n’étayait la thèse d’une perte de connaissance de l’assurée étendue juste entre les voies. Le conducteur du train, qui, sur question du chef de circulation, avait accepté d’aller voir la personne restée entre les voies, avait même parlé à l’assurée, qui lui avait répondu avant de se mettre à crier.

Par ailleurs, l’assurée avait consulté un psychiatre à cinq reprises entre le 14.10.2016 et le 02.11.2016 tout en lui téléphonant de nombreuses fois. Certes, ce spécialiste avait indiqué qu’il n’avait pas pu mettre en évidence d’arguments convaincants pour une suicidalité aigüe et imminente pendant toute la période de suivi. Cet avis était toutefois relativisé par les propos tenus par l’assurée lorsque la police était intervenue le 27.10.2016 à son domicile dans le cadre d’un différend de couple ; en effet, les agents avaient alors découvert l’assurée en pleurs et très perturbée, et une ambulance avait été demandée en raison de ses propos selon lesquels elle voulait mettre un terme à sa vie en se jetant sous un train.

Enfin, le compagnon de l’assurée avait indiqué à la police que celle-ci ressentait une certaine pression à l’idée d’être hospitalisée, que dans les heures qui avaient précédé le passage du train, elle avait essayé de le contacter téléphoniquement à plusieurs reprises pour finalement, alors qu’il l’avait rappelée, l’invectiver et lui dire qu’elle en avait « marre de tout » ; à la question de savoir si elle lui avait écrit un message avant le passage à l’acte ce jour-là, il a répondu que non mais qu’au téléphone elle lui avait dit qu’elle voulait s’en aller. Relevant que ce complément accréditait aussi la thèse d’une tentative de suicide, les juges cantonaux ont retenu que l’assurée ne s’était pas retrouvée couchée entre les deux voies fortuitement ou par accident, mais avait tenté de s’ôter la vie.

Par jugement du 01.12.2019, rejet du recours par le tribunal cantonal, considérant que l’événement du 14.11.2016 devait être qualifié, au degré de vraisemblance prépondérante, comme une tentative de suicide qui n’avait pas été commise dans un état de totale incapacité de discernement.

 

TF

Est réputé accident toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort (art. 4 LPGA). Aux termes de l’art. 37 al. 1 LAA, si l’assuré a provoqué intentionnellement l’atteinte à la santé ou le décès, aucune prestation d’assurance n’est allouée, sauf l’indemnité pour frais funéraires. Toutefois, selon l’art. 48 OLAA, même s’il est prouvé que l’assuré entendait se mutiler ou se donner la mort, l’art. 37 al. 1 LAA n’est pas applicable si, au moment où il a agi, l’assuré était, sans faute de sa part, totalement incapable de se comporter raisonnablement, ou si le suicide, la tentative de suicide ou l’automutilation est la conséquence évidente d’un accident couvert par l’assurance.

Selon la jurisprudence, lorsqu’il y a doute sur le point de savoir si la mort (ou l’atteinte à la santé) est due à un accident ou à un suicide (ou à une tentative de suicide), il faut se fonder sur la force de l’instinct de conservation de l’être humain et poser comme règle générale la présomption naturelle du caractère involontaire de la mort (ou de l’atteinte à la santé), ce qui conduit à admettre la thèse de l’accident. Le fait que l’assuré s’est volontairement enlevé la vie (ou a volontairement attenté à sa vie) ne sera considéré comme prouvé que s’il existe des indices sérieux excluant toute autre explication qui soit conforme aux circonstances. Il convient donc d’examiner dans de tels cas si les circonstances sont suffisamment convaincantes pour que soit renversée la présomption du caractère involontaire de la mort (ou de l’attein-te à la santé). Lorsque les indices parlant en faveur d’un suicide (ou d’une tentative de suicide) ne sont pas suffisamment convaincants pour renverser objectivement la présomption qu’il s’est agi d’un accident, c’est à l’assureur-accidents d’en supporter les conséquences (arrêts 8C_453/2016 du 1er mai 2017 consid. 2; 8C_773/2016 du 20 mars 2017 consid. 3.3; 8C_591/2015 du 19 janvier 2016 consid. 3.1; 8C_324/2010 du 16 mars 2011 consid. 3.2; 8C_550/2010 du 6 septembre 2010 consid. 2.3).

 

Selon le Tribunal fédéral, l’appréciation de la cour cantonale ne peut qu’être partagée, nonobstant l’argumentation contraire de l’assurée. Le fait que la surveillance 24h/24 mise en place à l’hôpital dans les jours qui ont suivi l’événement du 14.11.2016 en raison du risque de suicide a ensuite été levée ne contredit pas la thèse de la tentative de suicide. Il en va de même du fait qu’à l’issue de l’intervention de la police du 27.10.2016, le médecin de piquet auquel la patrouille avait fait appel n’a pas préconisé de placement à des fins d’assistance.

C’est par ailleurs à tort que l’assurée prétend que lorsqu’elle a dit à son compagnon le jour du drame qu’elle voulait « s’en aller », elle aurait pu faire référence à une envie de s’éloigner de lui : en effet, la déclaration du compagnon a été faite en réponse à la question de savoir si l’assurée lui avait écrit un message avant le passage à l’acte ce jour-là, et cette déclaration est d’autant moins équivoque qu’il a mentionné plusieurs tentatives de suicide.

Le fait que le compagnon de l’assurée a déclaré qu’il ne comprenait pas le geste, dans la mesure où elle avait préparé tous les sacs pour se rendre à l’hôpital et était allée jusqu’à la gare avec ceux-ci, n’est pas de nature à exclure la thèse de la tentative de suicide ni même à l’affaiblir.

Quant à l’absence de réaction de l’assurée à l’approche du train, malgré le bruit généré par le freinage d’urgence, il ne saurait s’expliquer par un prétendu état second dans lequel se serait trouvée l’assurée, laquelle a été capable de parler au conducteur du train après le choc. L’hypothèse de l’assurée selon laquelle ce serait en raison d’un état second provoqué par la consommation d’alcool et la prise de médicaments qu’elle aurait chuté sur la voie où elle serait restée en position recroquevillée apparaît peu plausible au regard de l’absence de toute lésion pouvant accréditer une telle chute et de la position de l’assurée, qui était allongée de manière longitudinale entre les rails du chemin de fer. La circonstance que, selon la passante qui l’a croisée peu avant les faits, l’assurée était agenouillée sur le quai en train de chercher quelque chose dans son sac et pleurait ne permet pas davantage d’affirmer, comme le fait l’assurée, qu' »une mauvaise chute due à un état second sur les rails paraît être l’explication la plus probable ». Au contraire, au vu de l’ensemble des éléments discutés ci-dessus, c’est bien la thèse de la tentative de suicide qui, au degré de vraisemblance prépondérante requis en droit des assurance sociales (cf. ATF 144 V 427 consid. 3.2 p. 429; 137 V 334 consid. 3.2 p. 338; 138 V 218 consid. 6 p. 221 s.), doit être retenue.

Dès lors qu’il n’est plus contesté devant le Tribunal fédéral que l’assurée n’était pas privée de sa capacité de discernement au moment de l’acte, c’est à bon droit que la cour cantonale a confirmé le refus de prester de l’assurance-accidents au regard de l’art. 37 al. 1 LAA.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 8C_76/2020 consultable ici

 

 

8C_410/2017 (f) du 22.03.2018 – Accidents survenus dans l’exercice du sport – Notion d’accident – 4 LPGA / Escalade en salle – Deux ou trois chutes d’une hauteur de 2 à 3 mètres avec réception sur les pieds – Notion d’accident acceptée

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_410/2017 (f) du 22.03.2018

 

Consultable ici

 

Accidents survenus dans l’exercice du sport – Notion d’accident / 4 LPGA

Escalade en salle – Deux ou trois chutes d’une hauteur de 2 à 3 mètres avec réception sur les pieds – Notion d’accident acceptée

 

Assurée, née en 1985, infirmière au sein d’un hôpital, a fait déclarer le 21.08.2015 par son employeur l’événement du 29.07.2015 : l’assurée avait chuté d’environ 2 mètres 50 en faisant de l’escalade en salle. Le 01.08.2015 et 02.08.2015, alors qu’elle se trouvait en vacances en France, elle s’est rendue en urgence dans un centre hospitalier où les médecins ont diagnostiqué une foulure/entorse au pied droit et une tendinite calcanéenne, et l’ont mise en arrêt de travail jusqu’au 12.08.2015.

De retour en Suisse, l’assurée s’est soumise à une IRM de la cheville droite, mettant en évidence une déchirure partielle du fascia plantaire avec signes d’une fasciite plantaire surajoutée ainsi qu’une péri-tendinite de la loge péronière. L’arrêt de travail a été prolongé jusqu’au 28.08.2015. A la suite d’une nouvelle crise douloureuse au niveau de la cheville droite en janvier 2016, l’assurée a consulté son médecin traitant, spécialiste en médecine physique et réadaptation et en médecine du sport. Ce médecin a expliqué que l’accident d’escalade était vraisemblablement responsable des douleurs initiales durant l’été et jusqu’à la fin de l’année 2015 mais que les douleurs plus récentes du début de l’année 2016 étaient vraisemblablement en lien avec une décompensation inflammatoire dans le contexte d’une possible spondylarthtrite ankylosante.

Entendue le 18.05.2016 à son domicile par un inspecteur de l’assurance-accidents, l’assurée a déclaré : « Le 18.07.2015, j’effectuais la pratique de l’escalade. C’était ma première tentative. Lors de ma première ascension, je me souviens avoir chuté et m’être réceptionnée sur le flanc ou les fesses d’une hauteur d’environ 2-3 mètres sur un tapis au sol. J’ai pu me relever et continuer cette activité. Je me souviens avoir encore chuté à deux ou trois reprises avec réception sur les pieds. J’ai commencé à ressentir des douleurs le soir-même et des violentes douleurs à la voûte plantaire le lendemain ».

L’assurance-accidents a refusé de prendre en charge le cas, au motif que l’événement du 29.07.2015 n’était pas constitutif d’un accident. Saisie d’une opposition de la caisse-maladie, l’assurance-accidents l’a rejetée.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 126/16 – 38/2017 – consultable ici)

La cour cantonale a retenu que l’atteinte dont souffrait l’assurée s’était produite pendant un laps de temps relativement court et pouvait être rattachée à un événement particulier, à savoir les deux ou trois chutes d’une hauteur de 2 à 3 mètres avec réception sur les pieds. Ces mouvements étaient non programmés et les chutes excédaient ce que l’on pouvait objectivement qualifier de normal et d’habituel dans la pratique de l’escalade en salle.

Par jugement du 01.05.2017, admission du recours de la caisse-maladie par le tribunal cantonal, considérant que l’événement du 29.07.2015 constituait un accident. La cause est renvoyée à l’assurance-accidents pour qu’elle se prononce sur le statu quo sine vel ante.

 

TF

L’assurance-accidents est en principe tenue d’allouer ses prestations en cas d’accident professionnel ou non professionnel (art. 6 al. 1 LAA). Est réputée accident toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort (art. 4 LPGA). La notion d’accident se décompose ainsi en cinq éléments ou conditions, qui doivent être cumulativement réalisés: une atteinte dommageable, le caractère soudain de l’atteinte, le caractère involontaire de l’atteinte, le facteur extérieur de l’atteinte, enfin, le caractère extraordinaire du facteur extérieur. Il suffit que l’un d’entre eux fasse défaut pour que l’événement ne puisse pas être qualifié d’accident (ATF 142 V 219 consid. 4.3.1 p. 221; 129 V 402 consid. 2.1 p. 404 et les références).

L’existence d’un facteur extérieur est en principe admise en cas de « mouvement non coordonné », à savoir lorsque le déroulement habituel et normal d’un mouvement corporel est interrompu par un empêchement non programmé, lié à l’environnement extérieur, tel le fait de glisser, de trébucher, de se heurter à un objet ou d’éviter une chute; le facteur extérieur – modification entre le corps et l’environnement extérieur – constitue alors en même temps le facteur extraordinaire en raison du déroulement non programmé du mouvement (ATF 130 V 117).

Pour les accidents survenus dans l’exercice du sport, l’existence d’un événement accidentel doit être niée lorsque et dans la mesure où le risque inhérent à l’exercice sportif en cause se réalise. Autrement dit, le caractère extraordinaire de la cause externe doit être nié lorsqu’une atteinte à la santé se produit alors que le sport est exercé sans que survienne un incident particulier. A titre d’exemples, le critère du facteur extérieur extraordinaire a été admis dans le cas d’une charge contre la balustrade subie par un hockeyeur (ATF 130 V 117 précité consid. 3), d’une réception au sol manquée par un gymnaste lors d’un « saut de carpe » (arrêt U 43/92 du 14 septembre 1992 consid. 3b, in RAMA 1992 n° U 156 p. 258), ou encore dans le cas d’un skieur dans un champ de bosses qui, après avoir perdu le contrôle de ses skis en raison d’une plaque de glace, aborde une nouvelle bosse qui le soulève et le fait retomber lourdement au sol (arrêt U 114/97 du 18 mars 1999, in RAMA 1999 n° U 345 p. 420). En revanche, il a été nié dans le cas d’un duel entre deux joueurs lors d’un match de basket-ball, lors duquel l’un est « touché » au bras tendu devant le panier par l’autre et se blesse à l’épaule en réagissant à cette action du joueur adverse (arrêt 8C_835/2013 du 28 janvier 2014 consid. 5, in SVR 2014 UV n° 21 p. 67).

La soudaineté doit se rapporter au facteur extérieur qui est à l’origine de l’atteinte, mais non aux conséquences provoquées par celle-ci, qui peuvent se produire seulement à un stade ultérieur (arrêt 8C_234/2008 du 31 mars 2009 consid. 6, in SVR 2009 UV n° 47 p. 166; FRÉSARD/MOSER-SZELESS, in Soziale Sicherheit, SBVR vol. XIV, 3 e éd. 2016, p. 920 n. 79). En réalité, par son argumentation, l’assurance-accidents conteste l’existence d’un rapport de causalité entre les chutes survenues le 29.07.2015 et les troubles présentés par l’assurée. Or, il est indéniable, en ce qui concerne en tout cas la « foulure/entorse » diagnostiquée le 01.08.2015, que cette atteinte est due aux chutes subies par l’assurée et non à la seule pratique d’activités physiques telles que celles en cause.

Au surplus, la question d’un état maladif sans lien avec l’accident fait l’objet du renvoi par la juridiction cantonale et il n’appartient pas au Tribunal fédéral de se prononcer sur ce point à ce stade de la procédure.

 

Le TF rejette le recours de l’assurance-accidents.

 

 

Arrêt 8C_410/2017 consultable ici

 

 

8C_26/2019 (f) du 11.09.2019 – Lumbago à la suite d’un effort (soulèvement d’un sac de 15 kg) – Notion d’accident niée – 4 LPGA / Preuve de l’existence d’une cause extérieure prétendument à l’origine de l’atteinte à la santé – Premières déclarations font foi

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_26/2019 (f) du 11.09.2019

 

Consultable ici

 

Lumbago à la suite d’un effort (soulèvement d’un sac de 15 kg) – Notion d’accident niée / 4 LPGA

Preuve de l’existence d’une cause extérieure prétendument à l’origine de l’atteinte à la santé – Premières déclarations font foi

Préférence donnée aux déclarations rapportées par les médecins (anamnèse) et dans la déclaration d’accident qu’aux descriptions écrites ultérieures de l’assuré

 

Assuré, né en 1955, directeur, annonce par son employeur un accident survenu le 05.09.2016. L’assuré « s’est tourné et a ressenti une vive douleur dans le dos » alors qu’il soulevait un sac lourd avec ses deux mains. Lors de la consultation à la Permanence C.__ le 06.09.2016, le docteur D.__, médecin-assistant, a diagnostiqué un lumbago et a indiqué dans l’anamnèse : « la veille, en ramassant un sac de 15 kg par terre (en le levant et tournant), douleur aiguë en bas du dos à gauche ». Ce praticien a certifié une incapacité de travail entière jusqu’au 08.09.2016. Le 09.09.2016, l’assuré s’est à nouveau rendu à la Permanence C.__ et a été ausculté par la doctoresse E.__, médecin-assistante, qui a prolongé son incapacité de travail jusqu’au 12.09.2016.

L’assuré a décrit l’événement du 05.09.2016 comme suit : « alors que je transportais un sac de terreau d’une quinzaine de kilos de ma voiture à mon balcon, au moment de franchir la porte du balcon, un courant d’air a fait se rabattre la porte sur moi au moment où je franchissais le seuil. Cela m’a fait trébucher et échapper le sac de terreau et en voulant le rattraper je suis tombé et j’ai senti une vive douleur dans le bas du dos côté gauche ». Par la suite, le docteur F.__, spécialiste en médecine interne et médecin traitant, a fait état de douleurs lombaires après une chute. Le 08.11.2016, l’assuré a répondu à une première prise de position de l’assurance-accidents. Il a notamment réitéré ses explications sur le déroulement de l’événement du 05.09.2016.

Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a refusé d’allouer ses prestations. Elle a considéré que les explications fournies par l’assuré n’étaient pas vraisemblables. Partant, elle s’est référée aux premières déclarations de l’assuré et a considéré que l’événement du 05.09.2016 ne pouvait pas être qualifié d’accident, la condition du caractère extraordinaire faisant manifestement défaut. Au surplus, l’assurance-accidents a précisé que le lumbago ne faisait pas partie de la liste des lésions assimilées à un accident.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 34/17 – 143/2018 – consultable ici)

Dans un premier temps, la cour cantonale a considéré comme invraisemblable la chute décrite par l’assuré. Celle-ci ne correspondait pas à ses premières déclarations déduites des rapports médicaux des docteurs D.__ et E.__ et de la déclaration d’accident établie par son employeur. Or il était peu vraisemblable que l’assuré eût oublié de mentionner un tel fait caractéristique au moins lors de la première des deux consultations médicales. Le docteur D.__ avait en outre relevé l’absence de traumatisme, ce qui n’était guère compatible avec une chute. Seul le docteur F.__ en avait fait mention, mais a posteriori, en se fondant sur les dires de l’assuré. La juridiction cantonale est arrivée à la conclusion que le reste de la description de l’événement faite par l’assuré ne pouvait pas non plus bénéficier de la présomption de vraisemblance qu’ont usuellement les premières déclarations de l’assuré, d’autant moins que l’assuré avait déclaré avoir donné des détails précis de ce qui lui était arrivé « après avoir saisi les subtilités visant à […] dédouaner [l’assureur] de toutes prises en charge » (courrier du 08.11.2016). Dans un deuxième temps, en se référant à la première version de l’assuré, à savoir une atteinte consécutive à une rotation en portant un sac, la cour cantonale a nié l’existence d’un facteur extérieur extraordinaire. D’après les juges cantonaux, le port d’un poids d’une quinzaine de kilos et la rotation avec un tel poids ne nécessitaient pas un effort extraordinaire pour une personne adulte normalement constituée. Il n’y avait pas non plus de mouvement non coordonné.

Par jugement du 12.11.2018, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

L’assurance-accidents est en principe tenue d’allouer ses prestations en cas d’accident professionnel ou non professionnel (art. 6 al. 1 LAA). Est réputé accident toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort (art. 4 LPGA). La notion d’accident se décompose ainsi en cinq éléments ou conditions, qui doivent être cumulativement réalisés : une atteinte dommageable, le caractère soudain de l’atteinte, le caractère involontaire de l’atteinte, le facteur extérieur de l’atteinte et, enfin, le caractère extraordinaire du facteur extérieur. Il suffit que l’un d’entre eux fasse défaut pour que l’événement ne puisse pas être qualifié d’accident (ATF 142 V 219 consid. 4.3.1 p. 221 ; 129 V 402 consid. 2.1 p. 404 et les références).

Suivant la définition même de l’accident, le caractère extraordinaire de l’atteinte ne concerne pas les effets du facteur extérieur, mais seulement ce facteur lui-même. Dès lors, il importe peu que le facteur extérieur ait entraîné des conséquences graves ou inattendues. Le facteur extérieur est considéré comme extraordinaire lorsqu’il excède le cadre des événements et des situations que l’on peut objectivement qualifier de quotidiens ou d’habituels, autrement dit des incidents et péripéties de la vie courante (ATF 142 V 219 consid. 4.3.1 p. 221 et les références). Pour des lésions dues à l’effort (soulèvement, déplacement de charges notamment), il faut examiner de cas en cas si l’effort doit être considéré comme extraordinaire, en tenant compte de la constitution physique et des habitudes professionnelles ou autres de l’intéressé (arrêt 8C_292/2014 du 18 août 2014 consid. 5.1 et la référence).

L’existence d’un facteur extérieur est en principe admise en cas de « mouvement non coordonné », à savoir lorsque le déroulement habituel et normal d’un mouvement corporel est interrompu par un empêchement non programmé, lié à l’environnement extérieur, tel le fait de glisser, de trébucher, de se heurter à un objet ou d’éviter une chute; le facteur extérieur – modification entre le corps et l’environnement extérieur – constitue alors en même temps le facteur extraordinaire en raison du déroulement non programmé du mouvement (ATF 130 V 117 consid. 2.1 p. 118).

Au sujet de la preuve de l’existence d’une cause extérieure prétendument à l’origine de l’atteinte à la santé, on rappellera que les explications d’un assuré sur le déroulement d’un fait allégué sont au bénéfice d’une présomption de vraisemblance. Il peut néanmoins arriver que les déclarations successives de l’intéressé soient contradictoires entre elles. En pareilles circonstances, selon la jurisprudence, il convient de retenir la première explication, qui correspond généralement à celle que l’assuré a faite alors qu’il n’était pas encore conscient des conséquences juridiques qu’elle aurait, les nouvelles explications pouvant être – consciemment ou non – le produit de réflexions ultérieures (ATF 121 V 45 consid. 2a p. 47 et les références ; RAMA 2004 n° U 515 p. 420 consid. 1.2; VSI 2000 p. 201 consid. 2d).

 

En l’espèce, les médecins de la Permanence C.__ et l’employeur de l’assuré se sont inévitablement fondés sur les déclarations de ce dernier pour décrire l’événement en cause. Or, aussi concise que soit leur description, ils n’auraient pas omis de faire état d’une chute si l’assuré en avait fait mention. A cet égard, on peine à suivre l’assuré lorsqu’il soutient qu’un patient ne s’attacherait pas à renseigner son médecin sur l’événement à l’origine de ses douleurs alors qu’il a lui-même décrit ce qui avait provoqué les siennes, sans toutefois indiquer qu’il était tombé. La mention d’une chute n’est apparue pour la première fois que près d’un mois après l’événement, dans une version des faits différente de celle donnée immédiatement après la survenance de celui-ci. La cour cantonale pouvait dès lors considérer comme invraisemblable la chute alléguée dans l’écrit de l’assuré et remettre en cause la plausibilité du reste de la description de l’événement figurant dans ce même document. Elle n’a au demeurant pas omis de tenir compte du rapport médical du docteur F.__, mais a constaté que ce dernier avait fait état d’une chute a posteriori en se fondant sur les seules déclarations de l’assuré. Dans ces conditions, l’autorité cantonale était fondée à se référer aux premières déclarations de l’assuré pour déterminer si l’événement du 05.09.2016 était constitutif d’un accident au sens de l’art. 4 LPGA.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_26/2019 consultable ici

 

 

Suicide et assurances sociales

Suicide et assurances sociales

 

Article paru in Jusletter, 30 mars 2020

 

En Suisse, le suicide constitue la quatrième cause de mort précoce en termes d’années de vie potentielles perdues, après le cancer, les maladies cardiovasculaires et les accidents. Des actes suicidaires existent dans toutes les classes d’âge, chez les hommes comme chez les femmes et dans toutes les catégories socio-économiques. Face à cette réalité sociétale, comment les principales branches de l’assurance sociale abordent-elles le problème du suicide ?

 

Publication : Suicide et assurances sociales – David Ionta – Jusletter 2020-03-30

 

 

8C_545/2019 (d) du 14.11.2019 – Notion d’accident – Explosion d’un article pyrotechnique dans un stade de foot – 112dB – 4 LPGA / Rappel de la notion de facteur extérieur en cas de traumatisme acoustique (Knalltraumata) / Caractère extraordinaire du facteur extérieur nié

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_545/2019 (d) du 14.11.2019

 

NB : traduction personnelle, seul le texte de l’arrêt fait foi.

Consultable ici

 

Notion d’accident – Explosion d’un article pyrotechnique dans un stade de foot – 112dB / 4 LPGA

Rappel de la notion de facteur extérieur en cas de traumatisme acoustique (Knalltraumata)

Caractère extraordinaire du facteur extérieur nié

 

Assuré, chef d’exploitation agricole, a assisté, le 21.02.2016, à un match de football de Super League en tant que spectateur à la Swissporarena de Lucerne lorsque, peu après le coup d’envoi du match, B.__ a lancé deux feux d’artifice et de la fumée. Lors de l’explosion du deuxième pétard (« Kreiselblitz mit Silberperlenschweif »), plusieurs personnes ont quitté le stade, dont l’assuré, qui se trouvait à 20,3 mètres du pétard détonant. Il a déclaré plus tard qu’immédiatement après l’explosion, un sifflement fort, une pression dans la tête et une sensation de vertige s’étaient produits. Après avoir retrouvé sa famille quelques minutes plus tard, l’assuré a remarqué qu’il entendait moins du côté gauche et qu’une pression désagréable persistait dans l’oreille gauche. Sa veste avait des trous brûlés à cause de l’étincelle du pétard.

B.__ a été reconnu coupable, entre autres, de lésions corporelles graves (art. 122 al. 2 CP) au détriment de l’assuré (6B_1248/2017 / 6B_1278/2017 du 21 février 2019 consid. 5.4).

Dans le cadre de la procédure pénale, une expertise acoustique d’un Dr. sc. techn. ETH du département de physique de la Suva a été produit. D’un point de vue médical, l’assuré a été évalué par un spécialiste FMH en oto-rhino-laryngologie. Ce dernier a diagnostiqué une perte auditive bilatérale liée à l’âge, une perte auditive neurosensorielle sévère et un acouphène de degré II au côté gauche. Un spécialiste en psychiatrie et psychothérapie a diagnostiqué état de stress post-traumatique (ESPT).

Par décision, l’assurance-accidents a nié le caractère extraordinaire du facteur extérieur, indiquant que d’après l’avis d’expert du Dr. sc. techn. ETH l’engin explosif utilisé avait, à une distance de 20,3 mètres, un niveau d’exposition sonore de 112,2 dB avec une marge d’erreur de ± 4 dB. Sur opposition, l’assurance-accidents a confirmé sa décision et niant également l’obligation de prestation au titre de dommages corporels assimilés à un accident.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 06.06.2019, admission du recours par le tribunal cantonal et annulation de la décision litigieuse.

 

TF

Selon l’art. 4 LPGA, est réputée accident toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort.

 

Facteur extérieur

Le facteur externe est l’élément central de tout accident ; c’est la contrepartie de la cause interne qui constitue la notion de maladie (ATF 134 V 72 consid. 4.1 p. 76 s., consid. 4.3.2.1 p. 80 s. ; 118 V 283 consid. 2a). L’action de forces objectivement vérifiables indépendantes du corps humain est nécessaire (BGE 139 V 327 consid. 3.3.1 p. 329 ; Pra 2013 n° 101 p. 778). L’influence extérieure peut avoir différentes causes. Dans le cas des traumatismes dits « bang traumas » (Knalltraumata), il y a un effet acoustique sur l’oreille (interne) (voir arrêt du Tribunal fédéral U 245/05 du 1er décembre 2005 concernant un coup de timbale ; arrêt 8C_477/2007 du 10 septembre 2008 concernant un signal d’alarme ; arrêt 8C_403/2018 du 7 septembre 2018 concernant une bombe à confetti ; arrêts 8C_280/2010 du 21 mai 2010 et 8C_317/2010 du 3 août 2010 concernant un dispositif anti-martre).

L’émission de bruit a été causée par l’explosion du pétard. Cependant, la perte auditive de la personne assurée ne peut avoir été causée que par le bruit ou le niveau sonore et non par le pétard lui-même. L’assuré n’a pas fait valoir des atteintes à la santé tel que des brûlures, etc. Par conséquent, lorsque le pétard explose, l’article pyrotechnique ne doit pas être considéré comme un facteur externe, mais c’est bien le bruit ou le niveau sonore qu’il le réalise.

 

Caractère extraordinaire du facteur extérieur

Le facteur extérieur est considéré comme extraordinaire lorsqu’il excède, dans le cas particulier, le cadre des événements et des situations que l’on peut, objectivement, qualifier de quotidiens ou d’habituels (ATF 142 V 219 consid. 4.3.1 p. 221 ; 134 V 72 consid. 4.1 p. 76). Selon la jurisprudence, la notion du caractère extraordinaire ne se rapporte pas à l’effet du facteur externe, mais seulement au facteur externe lui-même. Il n’est donc pas pertinent pour l’examen du caractère extraordinaire que le facteur extérieur ait entraîné, le cas échéant, des conséquences graves ou inattendues (arrêt 8C_842/2018 du 6 mai 2019 consid. 3.3.1 et 8C_231/2014 du 27 août 2014 consid. 2.3 avec références).

Si la notion du caractère extraordinaire ne se réfère pas à l’effet du facteur externe, mais uniquement au facteur externe lui-même, le caractère extraordinaire du bruit ou de l’émission sonore est évalué principalement sur la base des valeurs du niveau d’exposition acoustique (voir à ce sujet U 245/05 du 1er décembre 2005 consid. 2.3 et 2.4 ; 8C_477/2007 du 10 septembre 2008 consid. 3.4 ; 8C_280/2010 du 21 mai 2010 consid. 3.2.1 ; 8C_317/2010 du 3 août 2010 consid. 3.2 et 8C_403/2018 du 7 septembre 2018 consid. 4.3).

Dans l’arrêt 6B_1248/2017 / 6B_1278/2017 du 21 février 2019, la Cour pénale du Tribunal fédéral a examiné si le tir de l’engin explosif (Kreiselblitz) avait causé des lésions corporelles graves au détriment de l’assuré. Pour ce faire, elle a d’abord obtenu l’expertise acoustique du Dr. sc. techn. ETH, selon laquelle on ne pouvait normalement pas s’attendre à des dommages auditifs permanents en cas d’exposition unique à un bruit de 112 dB. Selon les règles de la Suva, l’exposition à un seul de ces événements est encore autorisée sans protection auditive. La possibilité d’une lésion auditive permanente est bien inférieure à 1%, mais ne peut être exclue. Cela n’est possible que si un affaiblissement ou une lésion temporaire ou permanente de l’oreille interne a entraîné une susceptibilité accrue à un tel stress, qui devrait être évaluée par une expertise ORL. Dans l’expertise ORL, le spécialiste a conclu que l’assuré avait subi des dommages auditifs permanents et que ceux-ci avaient été causés par le traumatisme acoustique du 21.02.2016. Dans ce cas, 18% de la perte auditive était très probablement due à la perte auditive liée à l’âge préexistante à l’événement dommageable. La perte auditive supplémentaire de 67 % était attribuable à l’événement dommageable. Pour répondre à la question de savoir si un dommage corporel grave au sens de l’art. 122 CP était présent, la Cour pénale du Tribunal fédéral s’est appuyée sur l’avis médical de l’expert ORL. Elle a en outre expliqué qu’elle devait être pondérée plus fortement que l’expertise acoustique, car elle incluait les caractéristiques individuelles du cas.

L’expertise acoustique se concentre sur les valeurs objectivement mesurables du niveau d’exposition acoustique ou sur la question de savoir si la valeur du niveau d’exposition acoustique en question a un effet nuisible sur l’audition chez une personne saine n’ayant jamais souffert d’une maladie. D’autre part, l’expertise médicale a pour but d’évaluer la perte auditive spécifique de la personne assurée, si nécessaire en tenant compte d’une prédisposition qui peut conduire à une sensibilité accrue à un tel stress. La question de savoir si le facteur externe est extraordinaire, auquel il faut répondre selon un critère objectif, est donc déterminée par les valeurs du niveau d’exposition sonore indiquées dans le rapport acoustique. Quant à elle, l’expertise médicale ne devient pertinente au regard du droit de l’assurance-accidents qu’après l’admission de la notion d’accident pour l’examen du lien de causalité naturelle entre lésions auditives et le traumatisme sonore. Il faut tenir compte du fait que même si la perte auditive alléguée peut avoir été un lien de causalité naturelle avec le facteur extérieur d’un point de vue médical, aucune conclusion ne peut être tirée quant à la caractéristique du caractère extraordinaire (arrêt 8C_317/2010 du 3 août 2010 consid. 3.2).

L’expert acoustique a calculé un niveau d’exposition sonore d’au moins 112,2 dB à une distance de 20,3 mètres entre la source sonore et la personne assurée et, compte tenu de la marge d’erreur de 4 dB, un niveau maximal de 116,2 dB pour la personne assurée, lorsqu’elle a été exposée lors du déclenchement de l’engin pyrotechnique.

Dans de précédentes affaires d’exposition au bruit, le Tribunal fédéral a conclu qu’une valeur maximale de 111 dB n’est pas extraordinaire, car elle est nettement inférieure à la valeur limite pour un risque auditif dû à une exposition au bruit (arrêt 8C_280/2010 du 21 mai 2010 consid. 3.2). Cette affirmation a été confirmée dans un arrêt ultérieur en considérant qu’il en va de même pour les valeurs maximales de 108 et respectivement 113 dB (arrêt 8C_317/2010 du 3 août 2010 consid. 3.2). Le fait que les sources sonores soient de nature différente (p. ex. dispositif anti-martre) n’est pas pertinent pour la comparabilité des cas, d’autant plus que la notion du caractère extraordinaire ne concerne que le facteur extérieur (la charge sonore) lui-même.

Dans ce contexte, il convient également de se référer à la Loi fédérale sur la protection contre les dangers liés au rayonnement non ionisant et au son du 16 juin 2017 (LRNIS, RS 814.71) et à son ordonnance du 27 février 2019 (O-LRNIS ; RS 814.711). Selon l’art. 19 al. 1 let. b O-LRNIS, les manifestations avec des sons amplifiés par électroacoustique ne doivent à aucun moment dépasser le niveau sonore maximal de 125 dB (A). Bien que cette disposition s’applique principalement aux événements dont le son est amplifié électroacoustiquement, la valeur ci-dessus peut être utilisée à titre indicatif pour évaluer la nature extraordinaire d’un impact sonore. Il en va de même pour les valeurs acoustiques limites et indicatives pour les expositions sonores sur le lieu de travail publiées par la Suva, qui fixent une valeur limite de 120 dB(A) pour le bruit impulsif.

La question de savoir si, dans des cas tels que le cas d’espèce, l’évaluation de l’extraordinaireté, en plus du niveau sonore (qui peut causer des dommages à l’ouïe), doit également prendre en compte le lieu où l’émission sonore a lieu, en plus de l’aspect du domaine de vie respectif (cf. 8C_403/2018 du 7 septembre 2018 consid. 4.3 et U 245/05 du 1er décembre 2005 consid. 2.4), peut être laissé ouvert ici. Un seul niveau d’exposition sonore de 112,2 à 116,2 dB n’est pas extraordinaire dans un match de football avec une grande foule, où l’utilisation d’objets bruyants tels que des pétards, sifflets et vuvuzelas est courante. Ceci est vrai quelle que soit la source du bruit. Les autres circonstances mentionnées par le tribunal cantonal ne sont pas pertinentes car elles n’ont aucune influence directe sur le niveau sonore.

En résumé, le caractère extraordinaire du facteur externe doit être nié, ce qui signifie qu’il n’y a pas d’accident au sens juridique du terme.

 

Le TF admet le recours de l’assurance-accidents, annule le jugement cantonal et confirme la décision de l’assurance-accidents.

 

 

Arrêt 8C_545/2019 consultable ici