Archives par mot-clé : LCA

9C_287/2014 (f) du 16.06.2014 – Surindemnisation indemnités journalières LCA et rente AI / Versement des arriérés de la rente AI à l’assurance perte de gain maladie

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_287/2014 (f) du 16.06.2014

 

Consultable ici

 

Surindemnisation indemnités journalières LCA et rente AI

Versement des arriérés de la rente AI à l’assurance perte de gain maladie

 

Par décision du 21.12.1999, l’office AI a alloué à l’assuré une demi-rente d’invalidité à partir du 17.06.1998, fondée sur un taux d’invalidité de 50%. L’assurée a continué à exercer une activité d’employée de maison à environ 30%.

Au terme d’une procédure de révision initiée en mai 2011, l’office AI a indiqué à l’assurée qu’il considérait que son état de santé s’était aggravé depuis le mois de janvier 2011 et comptait la mettre au bénéfice d’une rente entière d’invalidité, fondée sur un degré d’invalidité de 70%, dès le 01.05.2011 (projet de décision du 25.09.2012). L’administration a été informée par l’assurance perte de gain maladie, auprès de laquelle l’assurée était assurée, qu’elle lui avait versé des indemnités journalières à partir du 12.08.2012, en raison d’une incapacité de travail depuis le 29.06.2012. Le 28.02.2013, l’office AI a alloué à l’assurée la prestation annoncée à partir du 01.03.2013 ; la rente entière d’invalidité s’élevait à 2’303 fr. par mois.

Par courrier du 05.03.2013, l’assurance perte de gain maladie a indiqué à l’assurée qu’elle n’avait pas droit à des indemnités journalières supérieures à la perte de revenu assurée, de sorte qu’elle allait réclamer les prestations versées en trop (à hauteur de 7’548 fr. 10) directement auprès de la caisse cantonale de compensation. Le 28.03.2013, l’office AI a mis la prénommée au bénéfice d’une rente entière d’invalidité d’un montant de 2’303 fr. par mois, pour la période du 01.05.2011 au 28.02.2013. Il a fixé à 17’573 fr. 90 le montant qui lui était dû à titre rétroactif, après déduction d’une somme de 7’548 fr. 10, qui correspondait à l’avance effectuée par l’assurance perte de gain maladie et qu’il versait à celle-ci.

 

Procédure cantonale (arrêt AI 125/13 – 49/2014 consultable ici)

L’assurée a déféré cette décision au tribunal cantonal, en concluant à sa réforme, en ce sens que le montant de 7’548 fr. 10 lui soit versé en plus des arriérés de rentes déjà perçus.

Par jugement du 17.02.2014, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

L’assurée ne s’en prend pas aux considérations de la juridiction cantonale selon lesquelles les conditions de l’art. 85bis RAI (en relation avec l’art. 23 des Conditions générales d’assurance [CGA] pour l’assurance d’indemnités journalières collective [contrat LCA]) pour le versement des arriérés de la rente d’invalidité à l’assurance perte de gain maladie, à titre de tiers ayant fait une avance, sont réalisées.

Elle reproche uniquement aux juges cantonaux d’avoir méconnu le principe de la surindemnisation prévu à l’art. 69 al. 2 LPGA. Elle soutient que les conditions d’une surindemnisation pour la période courant à partir du 01.05.2011 n’étaient pas réalisées, parce que le versement des indemnités journalières pour perte de gain n’a pas entraîné une augmentation de ses revenus totaux. Ces indemnités étaient destinées à couvrir l’incapacité de travail totale survenue à partir du 29.06.2012, alors que l’augmentation du taux d’invalidité de 50 à 70% reconnu par l’office AI, qui a conduit à l’allocation d’une rente entière d’invalidité dès le 01.05.2011, ne se rapportait pas à cette même incapacité de travail. Faute de concordance événementielle, voire matérielle entre les prestations de l’assurance-invalidité et celles de l’assurance perte de gain en cas de maladie, il ne pouvait y avoir surindemnisation et elle avait droit au cumul de celles-ci.

 

Au regard des motifs et conclusions du recours, seul est contesté par l’assurée le bien-fondé de la prétention en restitution que l’assurance perte de gain maladie a fait valoir auprès de l’office AI (respectivement la caisse cantonale de compensation AVS) à titre de surindemnisation. Comme l’a constaté la juridiction cantonale, les indemnités journalières perçues par l’assurée lui ont été versées par l’assurance perte de gain maladie en vertu d’un contrat conclu par l’employeur de l’intéressée en faveur de son personnel conformément à la LCA.

Or, le point de savoir si, et le cas échéant dans quelle mesure, l’assurance perte de gain en cas de maladie dispose d’une créance en restitution à l’encontre de l’assuré doit, en cas de litige, être tranché dans une procédure opposant l’assurance et l’assuré; celui-ci doit contester le principe de la restitution et, le cas échéant, l’étendue de celle-ci directement auprès de l’assurance perte de gain. La décision de l’office AI sur le paiement direct à l’assurance perte de gain en cas de maladie ne concerne que les modalités du versement, de sorte qu’elle ne déploie aucune force de chose décidée en ce qui concerne le bien-fondé et le montant de la créance en restitution de l’assurance (consid. 4.3 de l’arrêt 4A_24/2012 du 30 mai 2012, non publié in ATF 138 III 411; arrêt I 296/03 du 21 octobre 2004 consid. 4.2). Selon la jurisprudence (arrêts 8C_115/2013 du 30 septembre 2013 consid. 5.2 et I 296/03 cité, et les références), le principe selon lequel les contestations sur le bien-fondé et le montant de la créance de restitution de l’assureur perte de gain en cas de maladie doivent être résolues directement entre celui-ci et la personne assurée, et non pas dans la procédure en matière d’assurance-invalidité dans laquelle l’office AI n’a pas à traiter de ce rapport juridique, est valable de manière identique que les indemnités journalières de l’assureur perte de gain soient fondées sur le droit public (cf. art. 67 ss LAMal) ou sur le droit privé (LCA). Est seul déterminant que l’assuré dispose d’une voie de droit directe à l’encontre de l’assureur pour contester le bien-fondé et le montant de la prétention en restitution. Le fait qu’il s’agisse d’une question de surindemnisation et qu’il existe donc une certaine proximité avec une contestation du droit des assurances sociales ne suffit pas à soumettre le litige à la procédure de recours applicable en droit de l’assurance-invalidité.

Il résulte de ce qui précède que la juridiction cantonale n’était pas habilitée à statuer dans la procédure en matière d’assurance-invalidité sur le bien-fondé de la prétention en restitution de l’assurance perte de gain maladie. Dans la mesure où elle est entrée en matière sur ce point et s’est prononcée sur la prétention en restitution et son montant en admettant que l’assurée avait été «surindemnisée» par le versement des arriérés de rente d’invalidité, son arrêt est contraire au droit fédéral. Le jugement cantonal doit dès lors être réformé en ce sens et le recours rejeté.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré et le jugement cantonal est réformé en ce sens que le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.

 

 

Arrêt 9C_287/2014 consultable ici

 

 

Colloque IDAT – Jeudi 2 juin 2022

Colloque IDAT – Jeudi 2 juin 2022

 

Madame, Monsieur,

Le prochain Colloque IDAT mettra le focus sur des questions clés en rapport avec la position de l’employeur, les protections offertes aux travailleurs et la fin des rapports de travail. S’ajoutent les nouveaux défis qui nous attendent pour 2022 : mise en pratique de régimes récemment créés (APG), entrée en vigueur de la révision AI et modifications connexes (LPGA, LCA).

Les organisateurs espèrent vous accueillir nombreux à cette journée d’étude.

 

Contrat de travail et protection sociale : développement récents
Jeudi 2 juin 2022 – Unil IDHEAP de 09h00 à 16h15

 

Intervenants :
Bettina Hummer, Rémy Wyler (organisateurs), Semsija Etemi, Johan Juge, Corinne Monnard Séchaud, Stéphanie Perrenoud, Aurélien Witzig.

 

Programme consultable ici :  https://www.unil.ch/idat/colloque2022

Inscription : https://www.unil.ch/idat/colloque2022/inscription

 

Programme IDAT 2022

 

Programme et inscription ici :  https://www.unil.ch/idat/colloque2022

 

Article sponsorisé

4A_330/2021 (d) du 05.01.2022, destiné à la publication – Absence de couverture d’assurance pour une perte d’exploitation due à la pandémie de coronavirus

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_330/2021 (d) du 05.01.2022, destiné à la publication

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle, seul l’arrêt fait foi

 

 

Absence de couverture d’assurance pour une perte d’exploitation due à la pandémie de coronavirus

Conditions générales d’assurance faisant partie intégrante du contrat – Règle dite de l’insolite

Interprétation des conditions générales – Règle dite de l’ambiguïté (règle « in dubio contra assicuratorem »)

 

La société B.__ SA exploite un restaurant et bar. Elle a conclu auprès de A.__ SA une « Assurance commerce PME ». Selon la police du 17.08.2018, l’assurance Choses (assurance mobilière) comprend également, sous la rubrique « Autres risques », l’assurance pour perte d’exploitation et frais supplémentaires à la suite d’une épidémie, jusqu’à un montant maximal de 2’000’000 fr. ainsi qu’une franchise de 200 fr.

Le 16.03.2020, le Conseil fédéral a qualifié la situation en Suisse en rapport avec la propagation du coronavirus de situation extraordinaire au sens de l’art. 7 de la loi fédérale sur la lutte contre les maladies transmissibles de l’homme (loi sur les épidémies ; LEp). Il a ordonné la fermeture des établissements ouverts au public, en particulier les restaurants et les bars, avec effet au 17.03.2020 (art. 6 al. 2 let. b et c de l’ordonnance 2 sur les mesures de lutte contre le coronavirus [COVID-19] ; [ordonnance COVID-19 2 ; modification du 16.03.2020]). Les établissements de restauration et les bars n’étaient à nouveau accessibles au public qu’à partir du 11.05.2020, sous réserve de conditions restrictives (art. 6 al. 3 let. b bis de l’ordonnance 2 COVID-19 [étape de transition 2 : établissements de restauration ; modification du 08.05.2020]).

La fermeture de l’établissement à partir du 18.03.2020 a entraîné un manque à gagner pour B.__ SA. Le 18.03.2020, elle a calculé un dommage de perte d’exploitation à attendre jusqu’au 30.04.2020 de 75’397 francs et a demandé à l’assurance, par courrier du 19.03.2020, de fournir les prestations assurées. Par courriel du 23.03.2020 et par lettre du 25.03.2020, l’assurance A.__ SA a refusé de verser des prestations en rapport avec le coronavirus.

 

Procédures cantonales

Le 21 avril 2020, B.__ SA a intenté une action partielle auprès du tribunal compétent (tribunal de commerce du canton d’Argovie), demandant à ce que l’assurance soit obligée de lui verser 40 000 francs pour la perte d’exploitation et les frais supplémentaires dus à l’épidémie, avec un intérêt de 5% à compter du jour du dépôt de l’action. Elle s’est réservé le droit de faire valoir d’autres prétentions.

Par jugement du 17.05.2021, le tribunal de commerce a admis la demande – à l’exception du début des intérêts moratoires – et a obligé l’assurance à payer à la demanderesse la somme de 40’000 francs, majorée d’un intérêt de 5% à compter du 24.04.2020 (arrêt HOR.2020.18).

 

TF

Les conditions complémentaires applicables à l’« Assurance commerce PME » sont divisées en deux rubriques : Dans la première, figurent les dispositions relatives aux risques en principe couverts (« Sont assurés »), dans la deuxième, celles relatives aux exclusions de couverture (« Ne sont pas assurés »).

Dans la rubrique « Sont assurés », la clause B1 stipule, sous le titre mis en évidence « Epidémie », que les dommages sont assurés « à la suite de mesures ordonnées par une autorité compétente suisse ou liechtensteinoise en vertu de dispositions légales, afin d’empêcher la propagation de maladies transmissibles par : a) la fermeture ou la mise en quarantaine d’entreprises ou de parties d’entreprises ainsi que des restrictions de l’activité de l’entreprise […] ».

Dans la rubrique « Ne sont pas assurés », la clause B2 décrit, également sous le titre mis en évidence « Epidémie », les risques qui sont exclus de la couverture d’assurance dans ce domaine. Selon cette clause, ne sont pas assurés « les dommages dus aux virus de l’influenza et aux maladies à prions (tremblante du mouton, maladie de la vache folle, Creutzfeldt-Jakob, etc.) ainsi qu’aux agents pathogènes pour lesquels les niveaux de pandémie 5 ou 6 de l’OMS sont applicables au niveau national ou international ».

Selon les constatations non contestées de l’instance cantonale, ces niveaux de pandémie se trouvent dans le « WHO global influenza preparedness plan » de 2005, rédigé en anglais, et se présentent comme suit : « Phase 5: Larger cluster (s) but human-to-human spread still localized, suggesting that the virus is becoming increasingly better adapted to humans, but may not be fully transmissible (substantial pandemic risk). Phase 6: Pandemic: increased and sustained transmission in general population ».

Les parties conviennent que la classification des pandémies en six phases ou niveaux selon le plan précité de l’OMS était déjà obsolète avant la conclusion du contrat d’assurance ici litigieux, qui se situe entre le 12.10.2017 (proposition de B.__ SA) et le 17.08.2018 (établissement de la police par l’assurance), et qu’elle n’était plus utilisée. Depuis 2013, l’OMS suit un système de quatre phases de pandémie. Les pandémies seraient depuis lors décrites par l’OMS de manière dynamique et leur déroulement serait représenté dans un graphique, ce qui ressortirait du manuel de l’OMS « Pandemic influenza risk management » de mai 2017.

En revanche, est contesté le passage de la clause B2 des conditions complémentaires, selon lequel les dommages ne sont pas couverts, entre autres « en raison d’agents pathogènes pour lesquels les niveaux 5 ou 6 de pandémie de l’OMS sont applicables au niveau national ou international », excluant la couverture pour le dommage de B.__ SA en relation avec le coronavirus (Covid-19). Cela soulève la question de la validité des conditions complémentaires en tant que conditions générales et de leur contenu.

 

Les conditions générales sont des dispositions contractuelles qui ont été préformulées de manière générale en vue de la conclusion future d’un grand nombre de contrats (cf. arrêts 4A_47/2015 du 2 juin 2015 consid. 5.1 ; 4C.282/2003 du 15 décembre 2003 consid. 3.1 ; 4P.135/2002 du 28 novembre 2002 consid. 3.1).

 

Conditions générales d’assurance faisant partie intégrante du contrat – Règle dite de l’insolite

Les conditions générales ne s’appliquent que et dans la mesure où les parties les ont reprises expressément ou implicitement pour leur contrat (ATF 118 II 295 consid. 2a ; arrêts 4A_47/2015 du 2 juin 2015 consid. 5.1 ; 4A_548/2013 du 31 mars 2014 consid. 3.3.1 ; 4C.282/2003 du 15 décembre 2003 consid. 3.1). Dans un premier temps, il convient donc de vérifier si les conditions générales font partie intégrante du contrat.

Consid. 2.1.1
Les conditions générales ne s’appliquent que s’il n’existe pas d’accords individuels dérogeant aux conditions générales (primauté de l’accord individuel ; ATF 135 III 225 consid. 1.4 ; 125 III 263 consid. 4b/bb ; 123 III 35 consid. 2c/bb ; arrêt 4A_503/2020 du 19 janvier 2021 consid. 5.3 et les références).

Consid. 2.1.2
Les conditions générales ne peuvent faire l’objet d’un consensus que si, lors de la conclusion du contrat, la partie qui y a consenti a au moins eu la possibilité de prendre connaissance de leur contenu d’une manière raisonnable (règle dite de l’accessibilité ; cf. ATF 139 III 345 consid. 4.4 ; 77 II 154 consid. 4 p. 156 ; arrêt 4A_47/2015 du 2 juin 2015 consid. 5.4.1). Pour le contrat d’assurance, l’art. 3 al. 2 LCA précise en outre que le preneur d’assurance doit être en possession des conditions générales d’assurance lorsqu’il fait la proposition de contrat d’assurance ou qu’il l’accepte.

Consid. 2.1.3
Si la partie a accepté globalement la reprise des conditions générales, c’est-à-dire sans les lire, sans en prendre connaissance ou en comprendre la portée (acceptation dite globale ; ATF 119 II 443 consid. 1a ; 109 II 452 consid. 4 ; arrêt 4C.282/2003 du 15 décembre 2003 consid. 3.1), la validité des conditions générales est limitée par la règle dite de l’insolite [Ungewöhnlichkeitsregel] : En vertu du principe de la confiance, celui qui incorpore des conditions générales dans le contrat doit s’attendre à ce que son partenaire contractuel n’adhère pas à ces clauses insolites (arrêt 4A_499/2018 du 10 décembre 2018 consid. 3.3.3). En conséquence, des clauses insolites, sur l’existence desquelles l’attention du cocontractant n’a pas été spécialement attirée, sont soustraites de l’adhésion censée donnée globalement à des conditions générales (ATF 138 III 411 consid. 3.1 ; 135 III 1 consid. 2.1, 225 consid. 1.3 ; 119 II 443 consid. 1a). Pour déterminer si une clause est insolite, il faut se placer du point de vue de celui qui y consent, au moment de la conclusion du contrat (ATF 138 III 411 consid. 3.1 ; 135 III 1 consid. 2.1 ; 119 II 443 consid. 1a) en tenant compte des circonstances du cas d’espèce (ATF 135 III 1 consid. 2.1 ; 119 II 443 consid. 1a).

Consid. 2.1.3.1
La règle de l’insolite est un instrument de la théorie du consensus (arrêt 4A_499/2018 du 10 décembre 2018 consid. 3.3.2). Elle concrétise le principe de la confiance (ATF 138 III 411 consid. 3.1 ; 135 III 1 consid. 2.1 p. 7). Celui-ci a pour but de protéger la bonne foi dans les relations commerciales et ne vise pas en premier lieu à protéger la partie la plus faible ou inexpérimentée contre la partie la plus forte ou expérimentée. Pour que la règle de l’insolite s’applique, il n’est donc pas nécessaire que l’auteur du consentement soit une partie faible ou inexpérimentée. Même une partie contractante plus forte et expérimentée dans les affaires ou la branche peut être surprise par une clause reprise globalement dans des conditions générales et invoquer la règle de l’insolite (arrêt 4A_499/2018 du 10 décembre 2018 consid. 3.3.2 et les références). Néanmoins, la position et l’expérience de la personne qui donne son consentement ne sont pas sans importance, mais jouent un rôle pour déterminer si la clause est subjectivement insolite.

Consid. 2.1.3.2
La clause des conditions générales doit d’abord être subjectivement insolite pour la partie qui l’accepte. Il faut notamment tenir compte de la connaissance des affaires et de la branche par la personne qui donne son accord : moins elle a d’expérience des affaires ou de la branche, plus une clause aura de chances d’être insolite pour elle (arrêt 4A_499/2018 du 10 décembre 2018 consid. 3.3.3). Ainsi, des clauses usuelles dans la branche économique en question peuvent être inhabituelles pour une personne qui y est étrangère, mais pas pour une personne la connaissant (ATF 138 III 411 consid. 3.1 ; 119 II 443 consid. 1a). La connaissance de la branche ou l’expérience commerciale n’exclut toutefois pas nécessairement le caractère insolite. Même pour une personne connaissant la branche ou ayant de l’expérience dans les affaires, une clause des conditions générales peut, dans certaines circonstances, être insolite (arrêt 4A_499/2018 du 10 décembre 2018 consid. 3.3.3).

Consid. 2.1.3.3
Outre le caractère subjectif, la clause en question doit objectivement présenter un contenu qui déroge à la nature de l’affaire pour que la règle de l’insolite s’applique. Elle doit donc être objectivement insolite. Cette condition est remplie lorsqu’elle en modifie de manière essentielle la nature ou sort notablement du cadre légal d’un type de contrat. Plus une clause porte préjudice à la position juridique du partenaire contractuel, plus elle sera susceptible d’être qualifiée d’insolite (ATF 138 III 411 consid. 3.1 ; 135 III 1 consid. 2.1, 225 consid. 1.3).

Pour les contrats d’assurance, il faut également tenir compte des attentes légitimes en matière de couverture (ATF 138 III 411 consid. 3.1 ; arrêts 4A_232/2019 du 18 novembre 2019 consid. 2.2 ; 4A_48/2015 du 29 avril 2015 consid. 2.1). De même, la règle de l’insolite s’applique lorsque la clause a pour effet de réduire drastiquement la couverture d’assurance décrite par la désignation et la publicité, au point que les risques les plus fréquents ne sont plus couverts (ATF 138 III 411 consid. 3.1 ; arrêts 4A_176/2018 du 6 août 2018 consid. 4.2 ; 4A_152/2017 du 2 novembre 2017 consid. 4.3 ; 4A_187/2007 du 9 mai 2008 consid. 5.4.2 ; 5C.134/2004 du 1er octobre 2004 consid. 4.2 ; 5C.53/2002 du 6 juin 2002 consid. 3.1).

Consid. 2.1.3.4
Le Tribunal fédéral examine librement, en tant que question de droit, l’application de la règle de l’insolite (art. 106 al. 1 LTF ; ATF 142 V 466 consid. 6.2 ; 140 V 50 consid. 2.3). Il est en principe lié par les constatations des tribunaux cantonaux sur les circonstances extérieures ainsi que sur la connaissance et la volonté des parties (art. 105 al. 1 LTF ; ATF 138 III 411 consid. 3.4).

 

Interprétation des conditions générales

Consid. 2.2.1
Les conditions générales doivent en principe être interprétées selon les mêmes principes que les autres dispositions contractuelles (ATF 142 III 671 consid. 3.3 ; 135 III 1 consid. 2). Ce qui est donc déterminant, c’est en premier lieu la volonté réelle et commune des parties ; dans un second lieu, si une telle intention ne peut être établie, les déclarations des parties doivent être interprétées selon le principe de la confiance (ATF 142 III 671 consid. 3.3 ; 140 III 391 consid. 2.3).

Pour ce faire, il faut partir du texte des déclarations, qui ne doivent toutefois pas être appréciées isolément, mais en fonction de leur sens concret (ATF 146 V 28 consid. 3.2 ; 142 III 671 consid. 3.3 ; 140 III 391 consid. 2.3). Même si le texte semble clair à première vue, il ne faut donc pas s’en tenir à une interprétation purement littéral (ATF 131 III 606 consid. 4.2 ; 130 III 417 consid. 3.2 ; 129 III 702 consid. 2.4.1 ; 127 III 444 consid. 1b). Les déclarations des parties doivent au contraire être interprétées de la manière dont elles pouvaient et devaient être comprises en fonction de leur formulation et de leur contexte ainsi que de l’ensemble des circonstances (ATF 146 V 28 consid. 3.2 ; 145 III 365 consid. 3.2.1 ; 144 III 327 consid. 5.2.2.1).

Le tribunal doit également tenir compte du but poursuivi par l’auteur de la clause, tel que le destinataire pouvait et devait la comprendre de bonne foi (ATF 146 V 28 consid. 3.2 ; 142 III 671 consid. 3.3 ; 140 III 391 consid. 2.3). Pour l’interprétation d’une disposition contractuelle rédigée par une partie contractante, il est donc déterminant de savoir quel objectif l’autre cocontractant pouvait et devait raisonnablement y reconnaître, en tant que partenaire commercial de bonne foi (arrêts 4A_203/2019 du 11 mai 2020 consid. 3.3.2.2., non publié dans ATF 146 III 254 ; 4A_652/2017 du 24 août 2018 consid. 5.1.2 ; 4C.443/1996 du 26 mars 1997 consid. 2a).

En règle générale, il faut partir du principe que le destinataire de la clause pouvait supposer que son auteur visait une convention raisonnable et approprié (arrêt 4A_652/2017 du 24 août 2018 consid. 5.1.2 ; 4C.443/1996 du 26 mars 1997 consid. 2a).

Le Tribunal fédéral examine cette interprétation objective des déclarations de volonté en tant que question de droit, étant entendu qu’il est en principe lié par les constatations du tribunal cantonal concernant les circonstances extérieures ainsi que la connaissance et la volonté des parties (art. 105 al. 1 LTF ; ATF 146 V 28 consid. 3.2 ; 144 III 93 consid. 5.2.3 ; 142 III 671 consid. 3.3).

Consid. 2.2.2
Les clauses ambiguës des conditions générales doivent être interprétées en cas de doute au détriment de la partie qui les a rédigées (règle dite de l’ambiguïté [Unklarheitsregel ; règle « in dubio contra stipulatorem »]). Dans les conditions générales d’assurance, les clauses ambiguës doivent donc être interprétées contre l’assureur en tant que leur auteur (ATF 146 III 339 consid. 5.2.3 ; 133 III 61 consid. 2.2.2.3 ; 133 III 607 E. 2.2 ; 124 III 155 E. 1b) [règle « in dubio contra assicuratorem »]. Pour le contrat d’assurance, l’art. 33 LCA concrétise cette règle en ce sens que l’assureur répond de tous les événements qui portent en eux les caractéristiques du risque assuré, à moins que le contrat n’exclue certains événements d’une manière précise et non équivoque (arrêt 4A_92/2020 du 5 août 2020 consid. 3.2.2). Il appartient donc à l’assureur de délimiter la portée de l’engagement qu’il entend prendre (ATF 135 III 410 consid. 3.2 ; 133 III 675 E. 3.3 ; concernant l’art. 33 LCA, cf. également l’arrêt 4A_153/2015 du 25 juin 2015 consid. 4.1).

La règle de l’ambiguïté ne s’applique toutefois qu’à titre subsidiaire, lorsque tous les autres moyens d’interprétation échouent (ATF 133 III 61 consid. 2.2.2.3 ; 122 III 118 consid. 2a et consid. 2d ; arrêts 4A_279/2020 du 23 février 2021 consid. 6.2 ; 4A_81/2020 du 2 avril 2020 consid. 3.1). Pour que cette règle s’applique, il ne suffit pas que les parties soient en litige sur la signification à donner à une déclaration; encore faut-il que celle-ci puisse de bonne foi être comprise de différentes façons (ATF 118 II 342 consid. 1a) et qu’il soit impossible de lever autrement le doute créé, faute d’autres moyens d’interprétation (arrêts 4A_92/2020 du 5 août 2020 consid. 3.2.2 ; 4A_186/2018 du 4 juillet 2019 consid. 4.1 ; 4A_152/2017 du 2 novembre 2017 consid. 4.2).

Comme pour l’application de la règle de l’insolite, le Tribunal fédéral examine librement l’application de la règle de l’ambiguïté en tant que question de droit.

 

Dans le cas d’espèce

En résumé, l’instance cantonale est arrivée à la conclusion que la clause B2 litigieuse des conditions complémentaires n’est pas (objectivement) insolite. Le fait que les niveaux de pandémie de l’OMS n’aient pas été décrits ou déterminés de manière détaillée ne nuit pas à la reprise de la clause dans le contrat. Le document de l’OMS définissant ces niveaux était accessible au public sur Internet au moment de la conclusion du contrat et l’est toujours aujourd’hui. Par ailleurs, la clause B2 n’a pas un contenu qui déroge à la nature de l’affaire. Elle ne sort pas du cadre légal du type de contrat, puisque les exclusions de couverture se retrouvent dans de nombreux contrats du droit des assurances privées. Cette clause ne modifie pas non plus la nature du contrat d’assurance. La clause n’est qu’une des nombreuses dispositions des conditions complémentaires qui limitent la prestation d’assurance en excluant certains risques de la couverture sous le titre « Ne sont pas assurés ».

 

Consid. 4.2.4
Selon les constatations non contestées de l’instance cantonale, la société B.__ SA a conclu avec la compagnie d’assurances A.__ SA une « Assurance commerce PME », comprenant une assurance Choses (assurance mobilière) ainsi qu’une assurance d’entreprise et accidents. L’assurance Choses comprend également, sous la rubrique « Autres risques », l’assurance pour perte d’exploitation et frais supplémentaires à la suite d’une épidémie. Il ne peut donc pas être retenu que les parties aient conclu une véritable « assurance épidémie ».

Consid. 4.2.5
L’épidémie n’est qu’un risque parmi d’autres couverts par l’assurance conclue par B.__ SA. En revanche, la couverture dans ce domaine est exclue pour les dommages dus à des « agents pathogènes pour lesquels les niveaux de pandémie 5 ou 6 de l’OMS sont applicables au niveau national ou international ». Cette exclusion ne réduit pas la couverture telle que décrite par « Assurance commerce PME » dans la mesure où les risques les plus fréquents ne seraient plus couverts. Au contraire, avec l’exclusion de la pandémie, un risque rare – risque spécial pour les dommages dus à des « agents pathogènes pour lesquels les niveaux de pandémie 5 ou 6 de l’OMS sont applicables au niveau national ou international » – est exclu de la couverture d’assurance – à savoir du risque d’épidémie assuré.

Comme l’a considéré à juste titre l’instance cantonale, cette clause d’exclusion est l’une des nombreuses dispositions des conditions complémentaires dans lesquelles la compagnie d’assurances A.__ SA a limité sa prestation d’assurance, ce qui ne modifie pas fondamentalement le caractère de « Assurance commerce PME » et ne la ferait pas sortir dans une mesure importante du cadre légal du type de contrat. B.__ SA ne démontre pas suffisamment dans quelle mesure, dans ces circonstances concrètes du cas d’espèce, des attentes légitimes de couverture au sens de la jurisprudence du Tribunal fédéral auraient été déçues. Pour qu’une clause soit insolite, il ne suffit pas qu’elle limite le risque assuré, car même le preneur d’assurance moyen sait qu’une assurance ne couvre pas tous les risques. De même, B.__ SA devait s’attendre à ce que, dans le cadre de son « Assurance commerce PME », la compagnie d’assurances A.__ SA exclut la couverture de risques spécifiques – notamment en relation avec des épidémies.

B.__ SA n’est donc pas en mesure de démontrer que la clause B2 des conditions complémentaires, contestée en l’espèce, est objectivement insolite.

 

L’instance cantonale a ensuite interprété la clause B2. Elle n’a pas fait de constatations effectives sur la volonté interne des parties, mais a interprété la disposition sous le titre « interprétation objective » selon le principe de la confiance.

Consid. 5.1
Les juges cantonaux ont considéré d’une part que la clause B2 n’avait pas de sens en soi et qu’elle s’avérait incompréhensible. Si la compagnie d’assurances A.__ SA avait voulu déclarer applicables les niveaux 5 et 6 de pandémie de l’OMS, qui ne sont en principe plus valables, elle n’aurait pas dû se contenter de les mentionner. Au contraire, elle aurait été obligée d’inclure les « catalogues de critères ou définitions correspondants » dans le texte du contrat ou au moins d’indiquer un lien Internet valable. Comme elle a omis de le faire, les anciens niveaux 5 et 6 de pandémie de l’OMS n’auraient pas été intégrés dans le contrat d’assurance et ne pourraient pas être utilisés pour justifier l’exclusion de la couverture.

Selon le Tribunal fédéral : Ce point de vue ne peut être suivi. Il est certes exact que l’interprétation selon le principe de la confiance doit se fonder sur le texte du contrat. Mais celui-ci ne doit pas être interprété isolément. De même, le texte du contrat ne doit pas être compréhensible par lui-même, comme si l’interprétation devait se fonder uniquement sur le texte du contrat et ne pas tenir compte de toutes les autres circonstances. La déclaration doit plutôt être interprétée de la manière dont elle pouvait et devait être comprise en fonction de son libellé et de son contexte ainsi que de l’ensemble des circonstances.

 

Consid. 5.2.1
D’autre part, l’instance cantonale a considéré que les conditions de la clause B2 n’étaient pas remplies. Pour ce faire, elle s’est penchée sur le libellé de la clause et l’a interprétée en relation avec la clause B1 des conditions complémentaires.

Consid. 5.2.2
En revanche, la compagnie d’assurances A.__ SA fait valoir à juste titre que l’instance cantonale n’a pas tenu compte de tous les moyens d’interprétation dans cette appréciation et qu’elle s’est principalement fondée sur le libellé de la clause B2. Si toutes les circonstances constatées dans la décision de l’instance cantonale sont prises en compte dans l’interprétation de la clause B2 des conditions complémentaires, il en résulte une interprétation contraire.

Consid. 5.2.2.1
Selon la clause B1 des conditions complémentaires, dans la rubrique « Sont assurés », sous le titre « Epidémie », sont assurés les dommages résultant de mesures ordonnées par une autorité compétente suisse ou liechtensteinoise en vertu de dispositions légales afin d’empêcher la propagation de maladies transmissibles. Les différentes mesures sont énumérées aux lettres a à h de la clause B1. Dans la rubrique « Ne sont pas assurés », la clause B2 figure également sous le titre « Epidémie ». D’un point de vue systématique, la clause B2 est donc liée à la clause B1 : La clause B1 définit les risques couverts par l’assurance en cas d’« épidémie » et la clause B2 exclut certains risques de la couverture.

Dans la clause B2, trois groupes d’événements sont exclus de la couverture d’assurance pour le risque « épidémie », à savoir les dommages dus aux « virus de la grippe », aux « maladies à prions (tremblante, maladie de la vache folle, Creutzfeldt-Jakob, etc.) » ainsi qu’aux « agents pathogènes pour lesquels les niveaux de pandémie 5 ou 6 de l’OMS sont applicables au niveau national ou international », ce qui est contesté ici. Ce dernier point se réfère à un système de niveaux de l’OMS, sans que ce système ne soit défini ou concrétisé dans les conditions complémentaires ou dans d’autres éléments du contrat.

Consid. 5.2.2.2
Selon les constatations de l’instance précédente, qui lient le Tribunal fédéral, on peut attendre d’un preneur d’assurance étranger à la branche qu’il sache ce qu’est une pandémie, à savoir une épidémie largement répandue, touchant des pays ou des régions entières ou une épidémie s’étendant à de grandes parties d’un pays ou d’un continent, une épidémie de grande ampleur.

Mais celui qui sait ce qu’est une pandémie peut voir dans le texte de la clause B2 que de telles pandémies sont classées en différents niveaux selon le système de l’OMS mentionné dans la clause B2, et que les niveaux 5 et 6 sont exclus de la couverture d’assurance. Si certains niveaux de pandémie sont exclus, B.__ SA pouvait comprendre de bonne foi que les niveaux de pandémie 5 et 6 désignaient les deux niveaux de pandémie les plus élevés, même si elle ne connaissait pas (en détail) le système des niveaux de pandémie de l’OMS. Un système de niveaux est généralement compréhensible. B.__ SA ne fait d’ailleurs pas valoir qu’une telle conclusion n’est pas admissible ou qu’elle aurait supposé qu’il y avait encore d’autres niveaux après le niveau 6. Au contraire, elle admet elle-même qu’il n’est « en soi pas fondamentalement faux » que, dans un système de niveaux, les niveaux les plus graves soient exclus de la couverture d’assurance et que la clause stipule « que les niveaux supérieurs ne sont pas couverts ».

Par conséquent, B.__ SA devait comprendre la clause B2 comme excluant de la couverture d’assurance les deux niveaux les plus élevés du système de niveaux pandémiques de l’OMS. Un tel résultat d’interprétation est également conforme à l’objectif visé par la compagnie d’assurances – que B.__ SA devait reconnaître en tant que partenaire commerciale de bonne foi –, c’est-à-dire exclure du risque d’épidémie par cette clause les manifestations les plus étendues d’une pandémie, à savoir les deux niveaux les plus élevés du système de classification des pandémies de l’OMS.

Consid. 5.2.2.3
L’instance cantonale défend le point de vue selon lequel ces niveaux de pandémie doivent être « en vigueur » ou « déterminants » ou qu’une autorité doit se référer aux niveaux de pandémie de l’OMS pour que l’exclusion de la couverture s’applique. Elle s’appuie pour cela sur le libellé de la clause, selon lequel les niveaux doivent être « applicables » au niveau national ou international. Une telle interprétation n’est pas convaincante:

Premièrement, un preneur d’assurance ne doit pas comprendre le terme « valent » exclusivement dans le sens de « ont une validité ». Au contraire, « valoir » peut aussi être interprété comme signifiant que quelque chose est estimé ou jugé d’une certaine manière. En conséquence, le preneur d’assurance B.__ SA pouvait aussi comprendre la formulation selon laquelle les niveaux de pandémie 5 et 6 de l’OMS sont valables dans le sens que l’exclusion de la couverture s’applique lorsqu’une pandémie est évaluée au niveau national ou international comme étant de niveau 5 ou 6 selon le système de niveaux de pandémie de l’OMS, sans que ces niveaux soient effectivement en vigueur au moment en question. Contrairement à l’avis de l’instance cantonale, on ne peut pas non plus déduire du texte de la clause qu’une telle évaluation d’une pandémie nécessite une annonce officielle par une autorité.

Deuxièmement, l’interprétation selon le principe de confiance ne peut de toute façon pas s’arrêter à une interprétation purement littérale. Il convient au contraire de tenir compte du contexte et de l’ensemble des circonstances. Il convient également de tenir compte de l’objectif visé par cette exclusion de couverture. Comme la compagnie d’assurances recourante le critique à juste titre, l’instance cantonale ne tient pas compte de l’objectif de la clause : L’exigence d’une référence des autorités aux niveaux de pandémie 5 et 6 de l’OMS n’est jamais remplie, ne serait-ce que parce que l’OMS a déjà modifié le système de classification des pandémies avant la conclusion du contrat d’assurance et que, par conséquent, ni l’OMS ni aucune autorité suisse ou liechtensteinoise n’a jamais fait référence à de tels niveaux de pandémie pendant la durée de validité du présent contrat d’assurance. L’absence d’annonce du niveau de pandémie 5 ou 6 est donc une conséquence du fait que le système de classification de l’OMS n’était déjà plus pratiqué au moment de la conclusion du contrat.

L’interprétation contraire – telle que défendue par l’instance cantonale – aurait donc pour conséquence que l’exclusion de la couverture décrite dans la clause B2 ne pourrait jamais s’appliquer et resterait donc lettre morte. Comme la compagnie d’assurances le fait valoir à juste titre, cela ne constitue toutefois pas une interprétation appropriée. En effet, cela signifierait que la compagnie d’assurances aurait voulu inclure dans le contrat une exclusion de couverture pour les pandémies qui, en réalité, ne pourrait jamais s’appliquer. Il devait également être clair pour le preneur d’assurance, en tant que partenaire commerciale de bonne foi, que la compagnie d’assurances ne voulait pas avoir recours à une telle disposition vide de sens. Il en va de même pour l’avis de l’instance cantonale selon lequel les niveaux 5 et 6 de pandémie de l’OMS devaient être en vigueur au niveau national ou international pour que la clause soit applicable. Cela a également conduit à ce que l’exclusion concrète de la couverture n’aurait jamais pu être appliquée, car le système de classification n’était plus utilisé. La clause B2 repose plutôt sur l’intention manifeste de la compagnie d’assurances d’exclure de la couverture d’assurance les pandémies les plus graves, c’est-à-dire celles qui remplissent les conditions du niveau de pandémie 5 ou 6 de l’OMS.

Compte tenu de l’objectif de la disposition, la manière dont il faut comprendre la clause B2 est donc claire : le preneur d’assurance pouvait et devait savoir que les risques les plus graves étaient exclus de la couverture des dommages en cas d’épidémies (clause B1), à savoir, selon la clause B2, les pandémies évaluées aux niveaux 5 et 6 de l’OMS.

Le fait que ce système de niveaux n’était déjà plus utilisé par l’OMS au moment de la conclusion du contrat ne change rien à ce résultat d’interprétation. On ne voit pas pourquoi la compagnie d’assurance n’aurait pas dû se référer aux anciens niveaux de pandémie de l’OMS pour décrire l’exclusion de la couverture d’assurance en cas d’épidémie.

Consid. 5.2.3
Il résulte également de ce qui précède que la clause ne peut pas être interprétée de bonne foi comme signifiant que les niveaux 5 et 6 de pandémie de l’OMS doivent être « en vigueur » ou « déterminants » ou qu’une autorité doit se référer à un niveau de pandémie de l’OMS pour que l’exclusion de la couverture s’applique. En conséquence, on ne peut pas non plus dire que la clause B2 peut être comprise de différentes manières selon les règles de la bonne foi. Au contraire, la signification de la clause B2 se révèle dans le contexte global, ce qui ne laisse aucune place à l’application de la règle de l’ambiguïté [règle « in dubio contra assicuratorem »]. Celle-ci ne s’applique qu’à titre subsidiaire, lorsque tous les autres moyens d’interprétation échouent.

Consid. 5.2.5
En résumé, selon la clause B2 des conditions complémentaires, sont notamment exclues de la couverture d’assurance les pandémies qui répondent aux critères définis par les niveaux 5 et 6 de pandémie de l’OMS.

Consid. 5.3
La compagnie d’assurances A.__ SA invoque le fait que la pandémie Corona (Covid-19) remplit toutes les conditions d’une pandémie de niveau 6 selon la définition pertinente de l’OMS. Les parties s’accordent à dire que la pandémie Covid-19 correspondrait « en substance » au niveau 5 ou 6 de la pandémie si les pandémies étaient encore classées selon l’ancien système de niveaux. En d’autres termes, la pandémie Covid-19 est jugée à l’unanimité et à juste titre par les parties comme une pandémie des niveaux de pandémie 5 ou 6 de l’OMS, de sorte qu’il n’y a pas de couverture d’assurance selon la clause B2, contrairement à l’avis de l’instance cantonale.

Consid. 5.4
Dans le présent procès, il convient d’examiner les prétentions invoquées par le preneur d’assurance. Il s’agit donc d’évaluer si la pandémie Covid-19 remplit les conditions du niveau 5 ou 6 selon le système des niveaux de pandémie de l’OMS et si, par conséquent, l’exclusion de la couverture selon la clause B2 des conditions complémentaires s’applique. Ces deux conditions sont clairement remplies. En revanche, il n’y a pas lieu de décider en l’espèce si d’autres événements remplissent ces niveaux ou, de manière générale, où il convient de tracer la limite entre la couverture d’assurance et l’exclusion dans le cadre de cette clause.

 

Le TF admet le recours de la compagnie d’assurances A.__ SA et annule le jugement du tribunal du commerce.

 

 

Arrêt 4A_330/2021 consultable ici

Communiqué de presse du TF du 28.01.2022 consultable ici

 

 

Proposition de citation : 4A_330/2021 (d) du 05.01.2022 – Absence de couverture d’assurance pour une perte d’exploitation due à la pandémie de coronavirus, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2022/02/4a_330-2021)

4A_300/2017 (i) du 30.01.2018 – Résiliation des rapports de travail – Devoir d’informer de l’employeur de la possibilité de passer de l’assurance maladie perte de gain collective à l’assurance individuelle – Causalité adéquate / 324a CO – 15 CCT

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_300/2017 (i) du 30.01.2018

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle, seul l’arrêt fait foi

 

Résiliation des rapports de travail – Devoir d’informer de l’employeur de la possibilité de passer de l’assurance maladie perte de gain collective à l’assurance individuelle – Causalité adéquate / 324a CO – 15 CCT (CCL per le falegnamerie e le fabbriche di mobili e serramenti del Cantone Ticino)

 

Du 01.04.1998 au 28.02.2003, C.__ a travaillé comme menuisier dans l’entreprise de A.__, qui a mis fin à son contrat de travail. Ce dernier avait souscrit une assurance collective d’indemnités journalières de maladie pour ses employés. Le 01.03.2003, B.__ Sàrl a engagé C.__. Cet employeur a tenté sans succès d’assurer le nouvel employé auprès de sa propre compagnie d’assurance et, le 12.05.2003, elle a demandé en vain à la compagnie d’assurance de A.__ de poursuivre l’assurance des indemnités journalières de maladie sur une base individuelle, car la demande a été faite après le délai de 30 jours prévu par les conditions générales. Après deux périodes d’incapacité de travail temporaire, l’incapacité de travail de C.__ est devenue permanente le 04.11.2003. Le 27.05.2004, C.__ a vainement assigné la compagnie d’assurance de A.__, demandant l’établissement de son droit au libre passage et le paiement des indemnités journalières.

 

Procédures cantonales

Par requête du 24.08.2011, C.__ a introduit action conjointement contre B.__ Sàrl et A.__. Par jugement du 11.08.2015, l’instance a partiellement admis la requête, condamnant B.__ Sàrl à verser à C.__ CHF 63’365,80 à titre d’indemnités journalières de maladie.

 

Tant C.__ que B.__ Sàrl ont formé un recours contre cet arrêt.

Le tribunal cantonal a tout d’abord indiqué que si l’employeur ne respecte pas ses obligations contractuelles en matière d’assurance perte de gain en cas de maladie, l’article 324a CO n’entre pas en considération, mais bien plutôt les règles générales de l’inexécution des contrats s’appliquent, de sorte qu’il doit payer, à titre de réparation du dommage, les montants qui auraient été versés par la compagnie d’assurance. Les juges cantonaux ont ensuite relevé que l’article 15 CCT imposait à l’employeur d’assurer le salarié par une police d’assurance permettant à ce dernier de passer, dans un délai de trois mois, d’une assurance collective à une assurance individuelle et de l’informer par écrit de ce droit. Or, il ne ressort pas du dossier que A.__ a rempli son devoir d’information (art. 331 al. 4 CO) en informant son ancien employé de la possibilité de passer d’une assurance collective à une assurance individuelle d’indemnités journalières et des modalités d’exercice de ce droit. La cour cantonale a également jugé que, puisqu’il avait souscrit une police d’assurance prévoyant une période de libre passage de 30 jours seulement, A.__ avait ici un devoir d’information accru, puisque l’employé pouvait de bonne foi croire qu’il pouvait plutôt bénéficier de la période de trois mois mentionnée dans la CCT.

Par arrêt du 02.05.2017, la cour cantonale a partiellement admis les deux recours et réformé le jugement de première instance en ce sens que, en acceptation partielle de la requête, les deux défendeurs sont condamnés solidairement à payer à C.__ CHF 63’365.80, plus les intérêts.

 

TF

Consid. 4.1

A.__ fait entre autres valoir que la cour cantonale n’a pas tenu compte des circonstances excluant un lien de causalité suffisant entre le dommage et le comportement qui lui est reproché. Il fait valoir que le comportement de l’employé, qui a commencé une nouvelle activité sans être correctement assuré, n’a pas été analysé et qu’il n’a pas été tenu compte du fait que B.__ Sàrl, bien que bénéficiant des services de travail de C.__, n’a pas fourni de couverture d’assurance.

Consid. 4.2

Constitue la cause adéquate d’un certain résultat tout fait qui, d’après le cours ordinaire des choses et l’expérience générale de la vie, est en soi propre à provoquer un effet du genre de celui qui s’est produit, de sorte que la survenance de ce résultat paraît de façon générale favorisée par le fait en question (ATF 139 V 176 consid. 8.4.2 p. 190 ; 129 II 312 consid. 3.3 p. 318 ; 123 III 110 consid. 3a p. 112). La faute du lésé ou d’un tiers rompt le lien de causalité adéquate si elle est si lourde et si déraisonnable qu’elle relègue le manquement en cause à l’arrière-plan, au point qu’il n’apparaisse plus comme la cause adéquate du dommage (ATF 127 III 453 consid. 5d avec références).

Concrètement, il convient tout d’abord de rappeler que A.__ a licencié C.__ pour manque de travail, de sorte qu’on ne comprend pas comment le début d’une nouvelle activité professionnelle peut être considéré comme une faute qui aurait rompu le lien de causalité. Le fait que B.__ Sàrl n’ait pas assuré l’employé n’interrompt pas non plus le lien de causalité, étant donné notamment que si A.__ avait souscrit une assurance conforme aux dispositions de l’article 15 CCT, la demande de C.__ à l’assurance du 12.05.2003 visant à maintenir l’assurance indemnités journalières maladie dans sa forme individuelle n’aurait pas été tardive.

 

Le TF rejette le recours de A.__.

 

 

Arrêt 4A_300/2017 consultable ici

 

 

Proposition de citation : 4A_300/2017 (i) du 30.01.2018 – Devoir d’informer de l’employeur de la possibilité de passer de l’assurance maladie perte de gain collective à l’assurance individuelle, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2022/01/4A_300-2017)

Règles spéciales pour assainir les assurances surendettées

Règles spéciales pour assainir les assurances surendettées

 

Communiqué de presse du Parlement du 13.12.2021 consultable ici

 

Les compagnies d’assurances qui rencontrent des difficultés financières ne devraient pas être automatiquement mises en faillite, mais devraient pouvoir être assainies. Le Conseil des Etats a largement suivi lundi le National sur un projet qui vise notamment à mieux protéger les assurés.

Actuellement, l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) est obligée d’ordonner l’ouverture de la faillite dès qu’une entreprise d’assurances se trouve en situation d’insolvabilité. Avec la révision de la loi sur la surveillance des assurances, elle pourra ouvrir une procédure d’assainissement.

La Finma définira les mesures à prendre, telles que le transfert du portefeuille d’assurance à un autre assureur ou à une société de défaisance ou, au contraire, le maintien de ce portefeuille dans l’entreprise en difficulté. Dans les deux cas, les assureurs pourraient modifier des contrats et supprimer des prestations sans baisse de primes. Les sénateurs ont apporté des modifications d’ordre technique pour clarifier l’utilisation de ces instruments.

lls ont également accepté plusieurs assouplissements du National. Tous les assureurs, et non pas seulement les petites entreprises, ayant des modèles d’affaires particulièrement innovant pourront être exemptés de la surveillance. Les compagnies de réassurance et les réassureurs étrangers, qui font déjà l’objet d’une surveillance à l’étranger, pourront eux être soumis à une surveillance réduite.

 

Organe de médiation maintenu

Pas question en revanche de supprimer l’organe de médiation, destiné à régler les problèmes liés aux courtiers indépendants. Après des débats fournis, les sénateurs ont maintenu, par 24 voix contre 20, la disposition biffée par les députés.

« Il n’est pas nécessaire d’introduire une règlementation au niveau législatif », a jugé Alex Kuprecht (UDC/SZ). Le système actuel fonctionne bien. Il doit être poursuivi. Un avis partagé par Matthias Michel (PLR/ZG) qui voit dans l’introduction d’un organe de médiation une complication des procédures.

« Les médiateurs peuvent résoudre les problèmes », leur a opposé Pirmin Bischof (Centre/SO) au nom de la commission. Ils permettent une meilleure compréhension entre assurés et assureurs, a complété le ministre des finances Ueli Maurer. Tous deux ont également souligné qu’il existe déjà des organes de médiation dans pratiquement tous les autres domaines.

 

Pas d’union des assurances

Les entreprises d’assurance ne pourront par ailleurs pas mener ensemble des négociations avec les fournisseurs de prestations dans le domaine de l’assurance-maladie complémentaire à l’assurance-maladie sociale. « C’est un appel au cartel », s’est insurgé Hannes Germann (UDC/SH).

Plusieurs grosses compagnies d’assurances pourraient s’accorder et imposer des prix à un hôpital cantonal, a donné en exemple Martin Schmid (PLR/GR). Et de dénoncer une inégalité de traitement: les hôpitaux ne pourraient eux pas s’unir pour les négociations.

« Le problème est très complexe », a reconnu Ueli Maurer. Le Conseil fédéral l’a dans son radar. Il devra être discuté, mais pas maintenant. Par 29 voix contre 16, les sénateurs l’ont suivi.

 

Secret commercial intouché

La gauche, rejointe par quelques sénateurs du Centre, aurait encore voulu une plus grande transparence dans le calcul des primes pour les assurances complémentaires. Il s’agirait d’éviter les discriminations, a tenté de plaider Roberto Zanetti (PS/SO).

Pour le rapporteur de commission Pirmin Bischof (Centre/SO), ce serait une entrave à la libre concurrence. « Chaque assureur peut établir ses primes comme il le veut. » Le secret commercial serait violé, a ajouté Ueli Maurer, qui estime que la FINMA est suffisamment compétente pour éviter les abus.

Le camp rose-vert et une partie du Centre auraient aussi souhaité que les assurés soient mieux informés, avant la conclusion d’un contrat, sur l’évolution des primes, ainsi que leur montant pour toutes les catégories d’âge du tarif appliqué. C’est une question d’équité envers les assurés, notamment les plus jeunes, qui ne sont pas experts sur ces questions, Roberto Zanetti.

Pour la majorité de droite, une telle mesure n’apporterait pas grand-chose. Le président de la Chambre, Thomas Hefti (PLR/GL), a dû trancher le vote serré.

 

Au vote d’ensemble, le projet a été approuvé sans opposition. Il repasse au National.

 

 

Communiqué de presse du Parlement du 13.12.2021 consultable ici

 

 

Expertise en relation avec les exclusions de couverture dans les assurances-épidémie

Expertise en relation avec les exclusions de couverture dans les assurances-épidémie

 

Communiqué de presse de l’Ombudsman de l’assurance privée du 15.05.2020 consultable ici

 

L’Office de médiation de l’assurance privée et de la SUVA a confié au Professeur Walter Fellmann, expert juridique reconnu, le mandat d’établir une expertise neutre sur quelques clauses choisies des contrats d’assurance–épidémie. Dans son expertise, le professeur Walter Fellmann parvient entre autres à la conclusion que le constat d’une situation de pandémie par l’OMS n’a pas de portée juridique en Suisse. Selon son évaluation, diverses clauses contractuelles qui prévoient une exclusion de couverture en cas de pandémie sont inhabituelles et/ou peu claires. L’Office de médiation s’appuiera sur l’expertise pour tenter d’atteindre un consensus entre les assurés et les compagnies d’assurance. À défaut de solutions amiables, les tribunaux devront trancher si les exclusions de couverture contestées sont, dans un cas d’espèce, admissibles ou non.

 

Le Professeur Walter Fellmann expose en introduction ce qui suit : « une exclusion ne correspond pas à une tentative de l’assureur de se défiler face à un paiement en soi dû. Le fait que certains dangers doivent être exclus correspond plutôt au concept légal de la Loi sur le contrat d’assurance privée. Toutefois, selon l’art. 33 LCA, l’exclusion d’un risque n’est valable que si le risque a été exclu « d’une manière précise, non équivoque ». Dans le cadre de cette expertise, nous examinons si cette condition est réalisée dans certaines clauses d’assurance ».

Martin Lorenzon, Ombudsman, souligne : « avec cette expertise, il ne s’agit pas de porter un jugement définitif sur l’obligation de prester de chaque compagnie d’assurance. L’appréciation de l’expert juridique doit plutôt fournir une base uniforme permettant à l’Office de médiation de proposer dans le cadre de son processus de médiation des solutions amiables entre assurés et compagnies d’assurance ».

 

Analyse du Professeur Walter Fellmann

Le Professeur Walter Fellmann résume son expertise en 8 points.

  1. On parle d’épidémie lorsqu’une maladie infectieuse survient de façon massive, limitée dans l’espace et le temps. Dans le cas d’une pandémie, il s’agit en revanche de la propagation d’une maladie infectieuse déterminée dans plusieurs pays, respectivement plusieurs continents.
  2. Le concept général est l’épidémie. La pandémie est seulement un cas d’application. Selon la Loi sur les épidémies (LEp) l’apparition d’une maladie transmissible qui met en danger la santé publique en Suisse de par sa propagation n’est (que) une épidémie. Il n’y a pas de « pandémie nationale ».
  3. Le fait que l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) constate qu’une maladie infectieuse déterminée constitue une pandémie n’a pas d’effet juridique en Suisse. Les phases définies par l’OMS sont surtout importantes au niveau global et ne déclenchent pas automatiquement des mesures en Suisse.
  4. La seule chose qui a des effets en Suisse est la constatation de l’OMS selon laquelle on se trouve en présence d’une « situation d’urgence sanitaire de portée internationale ». Ce n’est cependant le cas que lorsque cette situation d’urgence sanitaire internationale fait (aussi) courir le risque d’une mise en danger de la santé publique en Suisse, ce que les autorités compétentes suisses tranchent de façon autonome.
  5. Il n’est pas non plus concevable que l’origine d’une épidémie puisse se jouer un rôle majeur pour la couverture de ses suites en Suisse. Que les activités cessent à cause d’un « agent pathogène indigène » ou ensuite de l’introduction ou du risque d’introduction d’un « agent pathogène étranger » ne peut avoir aucune importance sur les coûts engendrés par une interruption d’exploitation.
  6. La supposition selon laquelle, pendant une période déterminée, seule une petite partie des personnes assurées contre le risque d’épidémie est touchée par ce risque, de sorte que les dommages individuels qui surviennent peuvent être compensés par les contributions des participants à la communauté des risques, se révèle fausse dans le cas du COVID-19. Au regard de l’impossibilité de calculer les conséquences financières d’une façon un tant soit peu sérieuse faute de statistiques, l’assurance des entreprises contre les conséquences d’une épidémie doit être qualifiée d’entreprise téméraire.
  7. Faute d’une réglementation légale autonome des conditions générales, la jurisprudence et la doctrine examinent en Suisse les conditions générales en premier lieu au regard des dispositions du droit des obligations. En application des principes topiques de droit contractuel, le contrôle des conditions générales comprend en pratique plusieurs instruments. Les conditions générales d’assurances sont également soumises à ce contrôle. La règle de l’art. 33 LCA s’y applique en outre. Ainsi les exclusions ne sont valables qu’à la condition qu’elles soient formulées « d’une manière précise, non équivoque ». S’il s’avère dans le cadre de l’interprétation d’une clause, que cette condition n’est pas remplie, l’exclusion n’est pas valable.
  8. L’exclusion de la couverture « épidémie et pandémie » pourrait être valable. L’exclusion des dommages « ensuite de maladies affectueuses pour lesquelles prévalent les niveaux 5 ou 6 de pandémie de l’OMS sur le plan national ou international » apparaît en revanche insolite dans le cadre du contrôle du consentement. Elle ne devient donc pas partie du contrat d’assurance dans le cadre d’une reprise globale des CGA. Le contrôle interprétatif montre par ailleurs que la rédaction « d’une manière précise, non équivoque » imposée par l’art. 33 LCA fait défaut en l’espèce.

 

 

 

Communiqué de presse de l’Ombudsman de l’assurance privée du 15.05.2020 consultable ici

Avis de droit du Professeur Walter Fellmann sur les assurances-épidémie du 23.04.2020 (en français) consultable ici

 

 

4A_536/2020 (f) du 19.01.2021 – Indemnité journalière LCA en cas de maladie / Dissimulation d’un voyage à l’étranger sans l’accord de l’assurance – Application de l’art. 40 LCA confirmée

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_536/2020 (f) du 19.01.2021

 

Consultable ici

 

Indemnité journalière LCA en cas de maladie

Dissimulation d’un voyage à l’étranger sans l’accord de l’assurance – Application de l’art. 40 LCA confirmée

 

Assuré, opérateur sur machines, bénéficiant de l’assurance-maladie collective d’indemnités journalières conclue par son employeur auprès de B.__ SA (ci-après : B.__ ou l’assurance).

La disposition B4, chiffre 5, des conditions générales applicables à cette assurance prévoit ce qui suit: « Lorsqu’un assuré malade part à l’étranger, le droit aux prestations cesse pendant toute la durée de son séjour hors de Suisse, sauf accord exprès de B.__ donné au préalable ».

L’assuré a été en incapacité totale de travail à partir du 14.10.2014. L’assurance a versé des prestations dès le 13.112014.

Par courriel du 06.07.2015, l’assuré a demandé à B.__ l’autorisation d’effectuer un voyage au Portugal du 21.07.2015 au 20.08.2015. L’assurance a communiqué son refus par courriel du 09.07.2015. Elle a confirmé sa position le 16.07.2015, en précisant que si l’assuré devait choisir de partir, ses indemnités journalières ne lui seraient pas versées. Le 06.08.2015, l’assuré s’est rendu au Portugal en avion.

Contacté par B.__ le 10.08.2015 afin de convenir d’un rendez-vous le jour-même, l’assuré a dissimulé sa présence au Portugal. Il a indiqué qu’il n’était pas disponible car il se trouvait en Valais. Un entretien a alors été fixé le lendemain à l’agence de B.__ à Sion. L’assuré a pris un avion le soir du 10.08.2015 pour revenir en Suisse et se présenter à cette entrevue. Il n’a pas évoqué ce voyage lors de cette dernière.

Le 08.09.2015, au cours d’un entretien auprès de l’agence de B.__ à Neuchâtel, l’assuré a admis avoir caché qu’il se trouvait au Portugal le 10.08.2015. Il a également concédé avoir pris un vol afin de pouvoir participer à l’entrevue fixée au 11.08.2015.

L’assurance a suspendu le versement des indemnités journalières de l’assuré à compter du 30.09.2015. Par courrier du 08.12.2015, elle l’a informé qu’elle considérait que son comportement tombait sous le coup de l’art. 40 LCA et qu’elle n’était dès lors pas liée par le contrat d’assurance.

 

Procédure cantonale

L’assuré réclame un montant de 63’617 fr. 40 avec intérêts, correspondant aux indemnités journalières pour la période du 30.09.2015 au 13.10.2016.

La cour cantonale a laissé ouverte la question de savoir si le refus de l’assureur d’autoriser ce voyage était ou non justifié sur le plan médical. Elle a considéré que la dissimulation dudit voyage, afin d’obtenir les prestations désirées, possiblement indues, suffisait à la dispenser de cet examen. Par ailleurs, les juges cantonaux ont constaté que l’assuré avait eu la possibilité de contester la position de l’assurance immédiatement après le courriel du 16.07.2015.

Par jugement du 31.03.2020, rejet de la demande par le tribunal cantonal.

 

TF

Sous le titre marginal « prétention frauduleuse », l’art. 40 LCA prévoit que si l’ayant droit ou son représentant, dans le but d’induire l’assureur en erreur, dissimule ou déclare inexactement des faits qui auraient exclu ou restreint l’obligation de l’assureur, ou si, dans le but d’induire l’assureur en erreur, il ne fait pas ou fait tardivement les communications que lui impose l’art. 39 LCA, l’assureur n’est pas lié par le contrat envers l’ayant droit. Selon l’art. 39 LCA, l’ayant droit doit fournir à l’assureur qui le demande tout renseignement sur les faits à sa connaissance qui peuvent servir à déterminer les circonstances dans lesquelles le sinistre s’est produit ou à fixer les conséquences du sinistre.

D’un point de vue objectif, la dissimulation ou la déclaration inexacte doit porter sur des faits qui sont propres à remettre en cause l’obligation même de l’assureur ou à influer sur son étendue; en d’autres termes, une communication correcte des faits conduirait l’assureur à verser une prestation moins importante, voire aucune. De plus, l’ayant droit doit, sur le plan subjectif, avoir l’intention de tromper. Il faut qu’il ait agi avec la conscience et la volonté d’induire l’assureur en erreur, afin d’obtenir une indemnisation plus élevée que celle à laquelle il a droit; peu importe à cet égard qu’il soit parvenu à ses fins (arrêts 4A_397/2018 du 5 septembre 2019 consid. 5.1; 4A_534/2018 du 17 janvier 2019 consid. 3.1; 4A_613/2017 du 28 septembre 2018 consid. 6.1.1). L’assureur peut alors refuser toute prestation, même si la fraude se rapporte à une partie seulement du dommage (arrêts précités 4A_397/2018 consid. 5.1; 4A_613/2017 consid. 6.1.2 et les références citées; cf. également VINCENT BRULHART, Droit des assurances privées, 2e éd. 2017, n. 815).

 

En l’espèce, la cour cantonale a retenu que l’assurance avait refusé d’autoriser l’assuré à voyager au Portugal, en lui précisant que s’il devait choisir de partir, ses indemnités journalières ne lui seraient pas versées. L’assuré avait ensuite dissimulé s’être rendu au Portugal. L’autorité cantonale a ainsi considéré que s’il avait informé l’assurance de son départ, cette dernière aurait suspendu ses prestations durant le voyage. Dès lors, la cour cantonale a retenu que les déclarations inexactes portaient sur des faits propres à influencer l’étendue de l’obligation de prester de l’assureur, de sorte que la condition objective prévue par l’art. 40 LCA était remplie. Ces considérations ne sont aucunement critiquables au vu des éléments susmentionnés. Contrairement à ce que soutient l’assuré, il importe peu que ses déclarations inexactes ne portaient pas sur les causes de son incapacité de travail ou le degré de celle-ci. Le fait qu’il ait été en incapacité totale de travailler n’est pas non plus pertinent dans ce contexte. En réalité, l’assuré fonde son argumentation sur une lecture stricte de l’art. 39 LCA, alors que la cour cantonale n’a même pas examiné spécifiquement cette disposition. L’art. 40 LCA ne s’applique en effet pas seulement en cas de violation de l’art. 39 LCA; il a une portée plus large.

Sur le plan subjectif, l’autorité cantonale a constaté que l’assuré avait admis avoir menti et qu’il avait la conscience et la volonté d’induire l’assurance en erreur pour obtenir les prestations voulues. Elle a mis en doute l’argumentation de celui-ci selon laquelle il aurait dissimulé ce voyage dans le seul but d’éviter une confrontation avec le représentant de l’assureur, qui aurait été agressif à son égard. Elle a expliqué qu’aucun élément au dossier ne venait corroborer cette thèse, à l’exception des déclarations de l’assuré. Ce dernier reproche aux juges cantonaux de ne pas avoir tenu compte de certaines preuves propres à démontrer, selon lui, l’agressivité de l’assureur envers sa personne. Il s’agit là d’une problématique d’appréciation des preuves que le Tribunal fédéral ne peut revoir que sous l’angle restreint de l’arbitraire (art. 9 Cst.). Or, l’assuré n’invoque pas ce moyen et se borne à opposer sa propre appréciation à celle de l’autorité précédente, sans en démontrer le caractère arbitraire. Son grief se révèle dès lors irrecevable. Pour le surplus, il importe peu que l’assuré ait été convaincu du bien-fondé de sa demande d’autorisation de voyager et, partant, de son départ au Portugal. Il aurait pu et dû contester le refus d’autorisation, mais il n’était en aucun cas dispensé d’informer l’assurance de son voyage hors de Suisse.

Au vu de ce qui précède, la cour cantonale n’a pas violé le droit fédéral en retenant que les conditions d’application de l’art. 40 LCA étaient réalisées.

 

Enfin, l’assuré soutient que les éléments qu’il a dissimulés ne portaient pas sur des faits justificatifs de prétentions au sens de l’art. 39 LCA, de sorte que la sanction devait être régie exclusivement par la disposition B4, chiffre 5 des conditions générales de l’assurance.

La cour cantonale n’a pas violé le droit fédéral en considérant que la disposition précitée des conditions générales de l’assurance ne faisait pas obstacle à l’application de l’art. 40 LCA, lequel était justement prévu pour les cas de tromperie de la part de l’assuré tel qu’en l’espèce. En effet, l’art. 40 LCA ne sanctionne pas l’assuré en raison du fait qu’il s’est rendu à l’étranger sans l’autorisation de l’assurance, mais au motif qu’il lui a sciemment dissimulé son voyage au Portugal.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 4A_536/2020 consultable ici

 

 

Initiative parlementaire « Supprimer les droits de timbre par étapes et créer des emplois » (projet 2) / Rapport de la Commission de l’économie et des redevances du Conseil national

Initiative parlementaire Supprimer les droits de timbre par étapes et créer des emplois (projet 2) / Rapport de la Commission de l’économie et des redevances du Conseil national

 

Rapport du 17.08.2020 paru in FF 2020 8397 le 17.11.2020

 

Condensé

Le présent projet constitue la seconde partie de la mise en œuvre de l’initiative parlementaire déposée le 10 décembre 2009 intitulée «Supprimer les droits de timbre par étapes et créer des emplois» (09.503).

Déjà approuvé par le Conseil national et suspendu au sein du Conseil des Etats, un premier texte élaboré séparément (projet 1) porte sur la suppression du droit de timbre d’émission sur le capital propre. Le présent projet (projet 2) se concentre lui sur la suppression partielle du droit de timbre de négociation et de celui sur les primes d’assurance. Il propose, d’une part, l’abolition du droit de timbre de négociation sur les titres suisses et les obligations étrangères avec durée résiduelle inférieure à un an, d’autre part, la suppression du droit de timbre sur les primes d’assurance-vie.

Estimées sur la base des recettes pour les années 2015–2019, les pertes fiscales s’élèvent à 219 millions de francs par an.

Alors qu’elle était contenue dans les avant-projets envoyés en procédure de consultation, l’abolition du droit de timbre de négociation sur le reste des titres étrangers et de celui sur les primes d’assurance de choses et de patrimoine n’est pas prévue par le présent projet: la commission a en effet suspendu le traitement de l’avant-projet de loi y relatif dans l’attente du message du Conseil fédéral sur l’impôt anticipé.

Les avis divergent au sein de la commission quant à la nécessité de supprimer partiellement le droit de timbre de négociation et celui sur les primes d’assurance.

La majorité de la commission estime nécessaire de supprimer, du moins dans l’immédiat partiellement, le droit de timbre de négociation et celui sur les primes d’assurance afin de garantir l’attractivité de la place financière suisse et de favoriser la croissance économique en cette période économique difficile. Elle souligne en effet que les droits de timbre prétéritent l’allocation optimale des ressources. Par ailleurs, elle estime que le droit de timbre de négociation ne respecte pas le principe constitutionnel de la capacité économique. Enfin, la majorité soutient que l’effet positif sur la croissance compensera sur le long terme une bonne partie des pertes de recettes engendrées, dont l’ampleur reste par ailleurs modérée.

La minorité de la commission propose de ne pas entrer en matière sur le projet, même si une partie de la minorité aurait en premier lieu préféré sa suspension jusqu’à la publication par le Conseil fédéral du nouveau plan financier présentant la marge de manœuvre financière.

La minorité juge qu’au vu de la crise du coronavirus et des dépenses publiques considérables qu’elle a provoquées, il n’est pas responsable du point de la politique financière de se priver, même uniquement partiellement, des recettes découlant de ces droits de timbre. La minorité rappelle par ailleurs que d’autres réformes fiscales, et notamment celle relative à la suppression de la pénalisation fiscale du mariage, sont bien plus urgentes et devront également être financées. La minorité doute d’ailleurs que l’abolition des droits de timbre ait un effet aussi bénéfique sur la croissance et l’emploi que celui escompté par la majorité.

 

 

Rapport du 17.08.2020 paru in FF 2020 8397 le 17.11.2020

Projet de modification de la loi fédérale sur les droits de timbre (projet 2) paru in FF 2020 8439

 

 

Le Conseil fédéral met en vigueur la loi révisée sur le contrat d’assurance (LCA)

Le Conseil fédéral met en vigueur la loi révisée sur le contrat d’assurance (LCA)

 

Communiqué de presse du Conseil fédéral du 11.11.2020 consultable ici

 

Lors de sa séance du 11.11.2020, le Conseil fédéral a décidé de mettre en vigueur la loi révisée sur le contrat d’assurance au 01.01.2022. Cette loi régit les relations entre les assurances et leurs clients.

Le 19.06.2020, les Chambres fédérales ont adopté la révision de la loi sur le contrat d’assurance (LCA). Le délai référendaire ayant expiré le 08.10.2020 sans avoir été utilisé, le Conseil fédéral a décidé de mettre en vigueur la LCA révisée au 01.01.2022. Les compagnies d’assurance disposeront ainsi de suffisamment de temps pour mettre en œuvre les importants changements prévus, notamment en ce qui concerne la conception des produits, la distribution, le règlement des sinistres et la résiliation des contrats.

La révision apporte des améliorations pour les clients et adapte les dispositions au contexte actuel. Par exemple, un droit de révocation de 14 jours est introduit pour les contrats d’assurance, les contrats peuvent être résiliés après trois ans même s’ils ont été conclus pour une durée plus longue, et le délai de prescription des prétentions découlant de contrats d’assurance passe de deux à cinq ans. En outre, la loi est adaptée aux exigences actuelles en matière d’échanges électroniques.

 

 

Communiqué de presse du Conseil fédéral du 11.11.2020 consultable ici

Loi fédérale sur le contrat d’assurance (LCA), modification du 19.06.2020, paru in FF 2020 5495

Loi fédérale sur le contrat d’assurance (LCA), modification du 19.06.2020, paru in RO 2020 4969

 

 

4A_555/2019 (f) du 28.08.2020 – Réticence lors d’une déclaration de santé (assurance complémentaire maladie) malgré une question floue et évasive – 6 LCA – 4 LCA / Délai de péremption du droit de résiliation de l’assureur – Dies a quo et dies ad quem du délai de quatre semaines – 6 al. 2 LCA

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_555/2019 (f) du 28.08.2020

 

Consultable ici

 

Réticence lors d’une déclaration de santé (assurance complémentaire maladie) malgré une question floue et évasive / 6 LCA – 4 LCA

Délai de péremption du droit de résiliation de l’assureur – Dies a quo et dies ad quem du délai de quatre semaines / 6 al. 2 LCA

 

Assurée ayant souscrit une couverture d’assurance-maladie complémentaire (LCA).

Le 15.02.2016, elle avait rempli une déclaration de santé. La question n° 2 était libellée ainsi : « Souffrez-vous ou avez-vous souffert d’un trouble de la santé ou d’une maladie ou avez-vous subi un accident au cours des cinq dernières années ? Par exemple : des organes des voies respiratoires, du cœur, du système vasculaire, du système nerveux ou du psychisme, des organes de l’appareil digestif, de l’appareil urogénital, de maladies propres à la femme, de maladies de peau, de l’appareil locomoteur, du métabolisme ou des glandes, de maladies du sang ou maladies infectieuses, des organes sensoriels (yeux, oreilles, nez), de tumeurs, d’infirmités congénitales ou d’une autre maladie, blessure ou trouble non précité ? »

Dans sa réponse, l’assurée a signalé une maladie de la peau à la suite d’un changement hormonal, précisant que l’affection n’était pas récurrente et que le trouble était guéri.

A la question n° 7 – « un traitement, une thérapie, une opération, une cure, un examen ou un examen de contrôle est-il prévu ou recommandé par un médecin ? » –, elle a répondu « non » ; sous la question, il était précisé que les examens gynécologiques préventifs étaient exclus.

Le 12.09.2016, l’assurée a subi une intervention chirurgicale consistant à retirer des fibromes utérins. Elle a été hospitalisée aux HUG du 12.09.2016 au 14.09.2016.

Le 13.09.2016, les HUG ont adressé une demande de garantie d’hospitalisation à l’assurance. Dans sa réponse – datée du 19.09.2016 – à une demande de renseignements médicaux de l’assureur, la spécialiste FMH en gynécologie et obstétrique a indiqué que les fibromes utérins avaient été découverts lors d’un contrôle gynécologique le 19.10.2015 ; elle a mentionné des « douleurs au bas ventre » ; à la question de savoir si des traitements étaient prévus, elle a répondu « oui opération » ; elle a précisé que l’existence des fibromes avait été confirmée par une IRM.

Par courrier recommandé du 14.10.2016, l’assurance a résilié le contrat d’assurance complémentaire avec effet au 17.10.2016. Pour l’assureur, la preneur d’assurance n’a pas répondu correctement à la question n° 2 susmentionnée puisqu’elle souffrait de fibromes utérins depuis le 19.10.2015 et, partant, elle a commis une réticence.

Le 11.07.2017, l’assureur a refusé, pour cause de réticence, de prendre en charge la facture de 16’563 fr. 20 relative aux prestations de division semi-privée du séjour de l’assurée. Les HUG ont ensuite transmis la facture à la patiente.

Le 10.11.2017, l’assurée a contesté la validité de la résiliation que, selon elle, l’assureur aurait notifiée après l’échéance du délai de péremption de quatre semaines.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/899/2019 – consultable ici)

L’assurée a ouvert action contre l’assurance. Une audience d’enquêtes et de comparution personnelle s’est tenue le 24.09.2019. La spécialiste FMH en gynécologie et obstétrique a été entendue à cette occasion. Il ressort de ses déclarations que la consultation du 19.10.2015 était un contrôle habituel, que les fibromes utérins avaient été détectés lors d’une échographie, que la patiente était alors asymptomatique, que le diagnostic avait été discuté avec elle, en particulier en lien avec un désir de grossesse éventuel, que la patiente avait mentionné pour la première fois une gêne et une sensation de ballonnement lors du contrôle du 08.02.2016, que la possibilité d’une opération avait alors été discutée, en rapport avec un éventuel désir de grossesse et la gêne évoquée, qu’une IRM avait été demandée, que la patiente avait ensuite été adressée à la maternité des HUG pour un second avis quant à l’opération, que les fibromes étaient bénins et qu’aucun traitement n’avait été proposé avant l’intervention du 12.09.2016. Par ailleurs, la gynécologue a déclaré avoir scanné le rapport du 19.09.2016 dans le dossier médical, ce qui signifiait en général qu’elle l’avait envoyé par pli simple à cette date.

Par jugement du 01.10.2019, rejet de la demande par le tribunal cantonal, l’assurée ayant commis une réticence et la résiliation étant intervenue en temps utile.

 

TF

La réticence se définit comme l’omission de déclarer ou le fait de déclarer inexactement, lors de la conclusion du contrat, un fait important que celui ayant l’obligation de déclarer connaissait ou devait connaître (art. 6 al. 1 LCA). La notion renvoie aux déclarations obligatoires au sens de l’art. 4 LCA. Selon l’alinéa 1 de cette disposition, celui qui présente une proposition d’assurance doit déclarer par écrit à l’assureur, suivant un questionnaire ou en réponse à toutes autres questions écrites, tous les faits qui sont importants pour l’appréciation du risque, tels qu’ils lui sont ou doivent lui être connus lors de la conclusion du contrat. La question posée par l’assureur doit être rédigée de manière précise et non équivoque (art. 4 al. 3 LCA; ATF 136 III 334 consid. 2.3 p. 336; 134 III 511 consid. 3.3.4 p. 515). Le proposant doit répondre de manière véridique aux questions telles qu’il peut les comprendre de bonne foi ; il n’y a pas de réponse inexacte si la question est ambiguë, de telle sorte que la réponse donnée apparaît véridique selon la manière dont la question pouvait être comprise de bonne foi par le proposant (ATF 136 III 334 consid. 2.3 p. 336 s.).

Pour qu’il y ait réticence, il faut, d’un point de vue objectif, que la réponse donnée à la question ne soit pas conforme à la vérité, par omission ou inexactitude; la réticence peut consister à affirmer un fait faux, à taire un fait vrai ou à présenter une vision déformée de la vérité (ATF 136 III 334 consid. 2.3 p. 337). D’un point de vue subjectif, la réticence suppose que le proposant connaissait ou aurait dû connaître la vérité. Le proposant doit déclarer non seulement les faits qui lui sont connus sans autre réflexion, mais aussi ceux qui ne peuvent lui échapper s’il réfléchit sérieusement à la question posée (ATF 136 III 334 consid. 2.3 p. 337; 134 III 511 consid. 3.3.3 p. 514).

Il faut en plus que la réponse inexacte porte sur un fait important pour l’appréciation du risque (art. 4 al. 1 et art. 6 al. 1 LCA). Sont importants tous les faits de nature à influer sur la détermination de l’assureur de conclure le contrat ou de le conclure aux conditions convenues (art. 4 al. 2 LCA). L’art. 4 al. 3 LCA présume que le fait est important s’il a fait l’objet d’une question écrite de l’assureur, précise et non équivoque. Il s’agit toutefois d’une présomption susceptible d’être renversée. S’il n’appartient pas au proposant de déterminer – à la place de l’assureur – quels sont les éléments pertinents pour apprécier le risque, il n’en demeure pas moins que la présomption sera renversée si le proposant a omis un fait qui, considéré objectivement, apparaît totalement insignifiant. Ainsi, la jurisprudence a admis que celui qui tait des indispositions sporadiques qu’il pouvait raisonnablement et de bonne foi considérer comme sans importance et passagères, sans devoir les tenir pour une cause de rechutes ou des symptômes d’une maladie imminente aiguë, ne viole pas son devoir de renseigner (ATF 136 III 334 consid. 2.4 p. 337 s. et les arrêts cités; 134 III 511 consid. 3.3.4 p. 515).

En cas de réticence, l’assureur est en droit de résilier le contrat (art. 6 al. 1 LCA) ; s’il exerce ce droit, il est autorisé à refuser également sa prestation pour les sinistres déjà survenus, si le fait qui a été l’objet de la réticence a influé sur leur survenance ou leur étendue (art. 6 al. 3 LCA). Le droit de résiliation s’éteint quatre semaines après que l’assureur a eu connaissance de la réticence (art. 6 al. 2 LCA).

 

Réticence et questions posées

Le Tribunal fédéral a déjà reconnu qu’une question semblable à celle ici en cause était floue et évasive (arrêt 4A_94/2019 du 17 juin 2019 consid. 4; cf. arrêt 4A_134/2013 du 11 septembre 2013 consid. 4.2.2 sur le caractère très large et imprécis de la notion de trouble ou d’atteinte à la santé). Cela étant, force est d’admettre, avec la cour cantonale, que la proposante ne pouvait pas, de bonne foi, occulter l’existence des fibromes utérins qui l’affectaient. Ces derniers constituaient manifestement un fait important pour l’appréciation du risque en l’occurrence; même bénins et sans autre symptôme que des ballonnements, ils ne sauraient, quoiqu’en pense l’assurée, être assimilés à « des petits rhumes, grippes ou ongles incarnés ». Selon les constatations de la cour cantonale qui lient la cour de céans, l’assurée a voulu conclure une assurance complémentaire parce qu’elle approchait l’âge de 40 ans et envisageait la possibilité d’une grossesse. Au moment où elle a rempli le questionnaire de santé, elle savait depuis quatre mois qu’elle était porteuse de fibromes utérins, dont l’impact sur une future grossesse avait déjà été discuté avec sa gynécologue. En outre, une semaine avant de répondre au questionnaire, l’assurée a subi un contrôle chez la gynécologue, laquelle a évoqué avec elle l’éventualité d’une opération d’enlèvement des fibromes, notamment dans l’hypothèse où la patiente envisagerait une grossesse, et a transmis ensuite le cas à la maternité pour un second avis quant à une intervention. Lorsqu’elle a répondu à la question n° 2 relative en particulier à un éventuel « trouble de la santé », l’assurée savait donc que les fibromes utérins devraient peut-être être retirés chirurgicalement si elle souhaitait tomber enceinte, ce qui était précisément l’hypothèse qui l’amenait à vouloir conclure une assurance complémentaire. C’est dire qu’elle devait nécessairement se rendre compte que la présence desdits fibromes n’était pas anodine et constituait un élément important susceptible d’influer sur l’appréciation du risque par l’assureur. En passant ce fait sous silence, l’assurée a méconnu son devoir de renseigner et ne saurait invoquer le caractère vague de la notion de « trouble de la santé » pour justifier cette omission.

La cour cantonale a dès lors jugé à bon droit que l’assurée avait commis une réticence en ne mentionnant pas les fibromes utérins en réponse à la question n° 2 de la déclaration de santé et, partant, que l’assurance était en droit de résilier le contrat d’assurance.

 

Délai de péremption du droit de résiliation de l’assureur

Il incombe à l’assureur de rapporter la preuve du respect du délai de péremption prévu par l’art. 6 al. 2 LCA (cf. ATF 118 II 333 consid. 3 p. 338; arrêts 4A_104/2018 du 12 juin 2018 consid. 2.1, 4A_150/2015 du 29 octobre 2015 consid. 6.3).

Ce délai ne commence à courir que lorsque l’assureur est complètement orienté sur tous les points concernant la réticence et qu’il en a une connaissance effective. Des renseignements dignes de foi sur des faits dont on peut déduire avec certitude qu’une réticence a été commise sont à cet égard suffisants ; en revanche, de simples soupçons, même propres à inciter un assureur diligent à vérifier les déclarations du proposant et assuré, ne déclenchent pas l’écoulement du délai (ATF 130 V 9 consid. 2.1 p. 12; 119 V 283 consid. 5a p. 287/288; 118 II 333 consid. 3 p. 340).

Le délai de quatre semaines se calcule conformément à l’art. 77 al. 1 ch. 2 CO, c’est-à-dire qu’il expire le jour qui correspond, par son nom, au jour du point de départ (cf. ATF 129 III 713 consid. 2.1). Le Tribunal fédéral n’a jamais eu à trancher expressément la question de savoir si, pour intervenir en temps utile, la déclaration de résiliation doit parvenir au preneur d’assurance ou être seulement expédiée dans le délai de péremption (cf. arrêt 4A_150/2015 précité consid. 6.4 et les références). Dans le cas présent, la cour cantonale a jugé que la résiliation était intervenue en temps utile en appliquant la théorie de la réception, moins favorable à l’assureur.

Il n’est pas contesté que l’assurance a eu connaissance de la réticence par le rapport de la spécialiste FMH en gynécologie et obstétrique portant la date manuscrite du 19.09.2016. La cour cantonale n’a pas établi la date à laquelle ce document a été reçu par l’assureur, mais est partie de l’hypothèse la plus favorable à l’assurée, à savoir l’envoi par le médecin sous pli simple le 19.09.2016, impliquant une réception par l’assurance au plus tôt le mardi 20.09.2016 et au plus tard le vendredi 23.09.2016. L’assurée ne remet pas en cause le dies a quo situé entre ces deux dates. Il s’ensuit que, dans l’hypothèse la moins favorable à l’assureur, le dies ad quem du délai de quatre semaines correspondait au mardi 18.10.2016.

En ce qui concerne la date à laquelle la résiliation sous pli recommandé est parvenue à l’assurée, la cour cantonale a précisément retenu le mardi 18.10.2016, soit le lendemain du jour où l’assurée elle-même, dans sa demande en paiement, indiquait avoir été « avisée pour retrait ». Ce calcul est conforme à la théorie de la réception dite absolue, à laquelle est soumise la communication d’une manifestation de volonté dans le cadre de la computation d’un délai régi par le droit des obligations. Selon la jurisprudence, un envoi postal recommandé est en effet censé reçu le lendemain du jour où l’agent postal a déposé l’invitation à retirer ledit envoi dans la boîte aux lettres ou la case postale du destinataire, lorsqu’il ne peut être attendu de ce dernier – ce qui est généralement le cas – qu’il le retire le jour même à l’office de poste (ATF 143 III 15 consid. 4.1 p. 18 et les arrêts cités). Les juges genevois ont constaté le jour du dépôt de l’avis de retrait dans la boîte aux lettres de l’assurée en se fondant sur un allégué de celle-ci figurant dans la demande, et non sur une preuve rapportée par l’assureur auquel le fardeau de la preuve incombait. Contrairement à l’avis de l’assurée, ils n’en ont pas pour autant violé l’art. 8 CC. C’est le lieu de rappeler que, si elle détermine laquelle des parties doit assumer les conséquences de l’échec de la preuve, cette disposition ne dicte pas au juge comment forger sa conviction (entre autres, ATF 128 III 22 consid. 2d p. 25) ; en particulier, elle n’empêche nullement, en cas de doute sur la date de la notification, de se fonder sur les déclarations du destinataire de la communication (cf. ATF 124 V 400 consid. 2a p. 402; 103 V 66 consid. 2a), lesquelles, en l’espèce, ont pris la forme, malgré les dénégations de l’assurée, d’un allégué du mémoire de demande.

Il s’ensuit que, dans l’hypothèse la moins favorable à l’assureur, la résiliation du contrat d’assurance a été notifiée le dernier jour du délai péremptoire de quatre semaines. La cour cantonale n’a pas violé le droit fédéral en jugeant que la résiliation, intervenue en temps utile, était valable.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 4A_555/2019 consultable ici