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8C_929/2015 (f) du 05.12.2016 – Troubles psychiques et causalité adéquate / Casuistique des accidents concernant des cyclistes renversés par un autre usager de la route / Accident de gravité moyenne à la limite des cas grave / IPAI pour séquelles psychiques et état antérieur

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_929/2015 (f) du 05.12.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2jeT54s

 

Troubles psychiques et causalité adéquate – 6 LAA

Casuistique des accidents concernant des cyclistes renversés par un autre usager de la route

Accident de gravité moyenne à la limite des cas grave – Choc auto-vélo – Assurée projetée à 22 mètres

Indemnité pour atteinte à l’intégrité (IPAI) pour séquelles psychiques et état antérieur – 24 LAA – 25 LAA

 

Assurée qui a été victime d’un accident de la circulation le 17.09.2002 : alors qu’elle circulait à bicyclette, l’intéressée, qui circulait entre deux voies de direction, s’est déplacée sur la droite pour une raison inconnue et l’automobile qui la suivait a heurté l’arrière du vélo. Le point de chute de l’assurée se situait à 22 mètres environ du lieu de l’impact. Les médecins du service des urgences ont diagnostiqué une large plaie de type dégantage située au niveau de la partie postéro-latérale du mollet gauche, associée à une fracture du péroné. Dans un rapport du 17.02.2003, un spécialiste en psychiatrie et psychothérapie a indiqué l’existence d’un état dépressif consécutif à l’accident.

L’assurance-accidents supprimé le droit de l’assurée à des prestations d’assurance (frais de traitement et indemnité journalière) à compter du 31.01.2010. En outre, elle a nié le droit de l’intéressée à une rente d’invalidité et lui a alloué une IPAI fondée sur un taux de 20% en raison des séquelles au membre inférieur gauche. Elle a nié l’existence d’un lien de causalité adéquate entre l’accident et les troubles psychiques présentés. Quant aux séquelles physiques de l’accident, elles n’entraînaient pas de limitation dans l’activité professionnelle exercée par l’intéressée avant son chômage.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/850/2015 – consultable ici : http://bit.ly/2jvpZi6)

Par jugement du 11.11.2015, admission du recours par le tribunal cantonal. La cour a reconnu le droit de l’assurée à une rente d’invalidité fondée sur un taux d’incapacité de gain de 100% à compter du 01.02.2010, ainsi qu’à une IPAI fondée sur un taux de 93%, sous déduction de l’indemnité d’un taux de 20% déjà allouée.

 

TF

 

Classification de l’accident – Accidents de gravité moyenne à la limite des cas graves

Pour procéder à la classification de l’accident dans l’une des trois catégories prévues par la jurisprudence, il faut uniquement se fonder, d’un point de vue objectif, sur l’événement accidentel lui-même. Sont déterminantes les forces générées par l’accident et non pas les conséquences qui en résultent. La gravité des lésions subies – qui constitue l’un des critères objectifs pour juger du caractère adéquat du lien de causalité – ne doit être prise en considération à ce stade de l’examen que dans la mesure où elle donne une indication sur les forces en jeu lors de l’accident (SVR 2013 UV n° 3 p. 7, 8C_398/2012, consid. 5.2; SVR 2012 UV n° 23 p. 83, 8C_435/2011, consid. 4.2; arrêt 8C_818/2015 du 15 novembre 2016 consid. 5.1).

Si l’on se réfère à la casuistique des accidents concernant des cyclistes renversés par un autre usager de la route (véhicule automobile ou cyclomoteur), les cas classés dans la catégorie des accidents de gravité moyenne ont en commun le fait que la collision s’est produite alors que le véhicule impliqué circulait à une vitesse plutôt modérée (voir par exemple les arrêts 8C_62/2013 du 11 septembre 2013 consid. 7.3; 8C_816/2012 du 4 septembre 2013; 8C_530/2007 du 10 juin 2008). En revanche, l’accident subi par un cycliste violemment percuté par une voiture à une intersection et projeté à 30 mètres de la zone de choc a été classé dans la catégorie des accidents de gravité moyenne à la limite des cas graves (arrêt 8C_818/2015, déjà cité, consid. 5.3).

En l’espèce, les éléments recueillis par la gendarmerie permettent de retenir que le heurt a été très violent. Il est en effet établi que la conductrice du véhicule circulait à une vitesse de 60 à 70 km/h au moment où elle a heurté l’arrière du vélo de l’assurée. En outre, celle-ci a été projetée à 22 mètres environ de la zone de choc. A cet égard, il y a lieu de dénier toute pertinence pour l’appréciation de la gravité de l’accident à l’argument de l’assurance-accidents, selon lequel une telle distance est une réaction physique habituelle en cas d’impact entre une voiture et un cycliste lorsque celui-ci ne rencontre aucun obstacle susceptible de le stopper. Quant aux lésions physiques provoquées par l’accident, elle ne permettent pas de nier que les forces en jeu lors de la collision étaient importantes.

Au regard de la violence du choc, c’est donc à bon droit que les juges cantonaux ont rangé l’événement du 17.09.2002 parmi les accidents de gravité moyenne à la limite des cas graves.

 

Caractère particulièrement impressionnant de l’accident laissé indécis

En présence d’un événement accidentel à la limite des cas graves, un seul critère parmi ceux déterminants peut être suffisant pour conclure à l’existence d’un lien de causalité adéquate entre des troubles psychiques et un accident (ATF 115 V 133 consid. 6 c/bb p. 140; 403 consid. 5 c/bb p. 409). C’est pourquoi, en l’espèce, on peut laisser indécis le point de savoir si, au regard de la jurisprudence précitée et compte tenu de l’amnésie présentée par l’assurée, le critère du caractère impressionnant de l’accident est réalisé.

 

Critère de la gravité ou de la nature particulière des lésions physiques

Les lésions subies par l’assurée ne se limitent pas à l’état cicatriciel, d’ailleurs important, qui subsiste dans la partie postérieure de la jambe gauche. Il subsiste en outre des séquelles neurologiques avec troubles de la sensibilité affectant plusieurs nerfs, à savoir le nerf sural, le musculo-cutané et le nerf saphène interne gauche. Ces séquelles ont pour effet de diminuer la résistance de la jambe gauche à l’effort et d’entraîner de multiples limitations. Qui plus est, les experts ont mis en évidence une hyposmie partielle gauche en lien avec l’accident. Cela étant, il n’y a pas lieu de mettre en cause le point de vue des premiers juges selon lequel le critère de la gravité ou de la nature particulière des lésions physiques est en l’occurrence réalisé. En présence d’un accident à la limite des cas graves, cela suffit pour reconnaître le caractère adéquat du lien de causalité en ce qui concerne les troubles psychiques de l’assurée.

 

Indemnité pour atteinte à l’intégrité (IPAI) pour séquelles psychiques et état antérieur

Selon l’art. 24 LAA, l’assuré qui souffre d’une atteinte importante et durable à son intégrité physique, mentale ou psychique par suite de l’accident a droit à une indemnité équitable pour atteinte à l’intégrité (al. 1). L’indemnité est fixée en même temps que la rente d’invalidité ou, si l’assuré ne peut prétendre une rente, lorsque le traitement médical est terminé (al. 2).

Aux termes de l’art. 25 al. 2 LAA, le Conseil fédéral édicte des prescriptions détaillées sur le calcul de l’indemnité. Il a fait usage de cette délégation de compétence à l’art. 36 OLAA (RS 832.802). Selon l’al. 2 de cette disposition réglementaire, l’indemnité pour atteinte à l’intégrité est calculée selon les directives figurant à l’annexe 3 à l’OLAA. Cette annexe comporte un barème – reconnu conforme à la loi et non exhaustif (ATF 124 V 29 consid. 1b p. 32, 209 consid. 4a/bb p. 210; 113 V 218 consid. 2a p. 219) – des lésions fréquentes et caractéristiques, évaluées en pour cent. Pour les atteintes à l’intégrité spéciales ou qui ne figurent pas dans la liste, le barème est appliqué par analogie, compte tenu de la gravité de l’atteinte (ch. 1 al. 2). La Division médicale de la CNA a établi des tables d’indemnisation en vue d’une évaluation plus affinée de certaines atteintes (Indemnisation des atteintes à l’intégrité selon la LAA). Ces tables n’ont pas valeur de règles de droit et ne sauraient lier le juge. Toutefois, dans la mesure où il s’agit de valeurs indicatives, destinées à assurer autant que faire se peut l’égalité de traitement entre les assurés, elles sont compatibles avec l’annexe 3 à l’OLAA (ATF 124 V 209 consid. 4a/cc p. 211; 116 V 156 consid. 3a p. 157; RAMA 1998 n° U 296 p. 235, U 245/96 consid. 2a).

En l’espèce, les experts ont fixé à 23% le taux de l’atteinte à l’intégrité en relation avec les séquelles somatiques de l’accident. Ils ont indiqué que les séquelles psychiques, qualifiées de modérées à sévères, ouvrent droit à une indemnité pour atteinte à l’intégrité d’un taux de 70%. Cependant, étant donné que l’atteinte psychique est influencée par un état antérieur, à savoir un trouble de la personnalité émotionnellement labile, type borderline, décompensé, les experts ont pondéré ce taux à raison de 50% pour conclure à un taux de 35% en ce qui concerne les séquelles psychiques et à un taux global de 58% (23% + 35%). De son côté, la cour cantonale a considéré que la réduction de 50% opérée sur le taux d’atteinte psychique de 70% en raison du trouble de la personnalité préexistant n’était pas justifiée.

Selon la table 19 des indemnisations des atteintes à l’intégrité selon la LAA, il n’est pas toujours aisé d’opérer une césure entre troubles somatiques et psychiques. Si, à la suite d’un polytraumatisme, des troubles fonctionnels d’étiologie somatique et des douleurs chroniques persistent, les troubles psychiques que celles-ci ont induits sont pris en compte globalement dans l’évaluation de l’indemnité pour atteinte à l’intégrité. Toutefois, dans les éventualités où des troubles psychiques de nature différente sont constatés, une évaluation psychiatrique est nécessaire pour déterminer si une atteinte à l’intégrité psychique supplémentaire est présente qui n’a pas été prise en compte dans l’estimation de base. Si les symptômes psychiques ne sont, en soi, pas spécifiques, certains diagnostics, comme l’état de stress post-traumatique séquellaires à un accident, sont considérés comme tels.

En l’occurrence, on ne saurait dès lors critiquer le point de vue des premiers juges en tant qu’ils ont additionné les atteintes en relation avec les troubles somatiques, d’une part, et psychiques, d’autre part. En revanche, dans la mesure où elle a nié – à juste titre – l’existence d’un lien de causalité entre l’accident et le trouble de la personnalité émotionnellement labile, type borderline, décompensé, la juridiction précédente n’était pas fondée à s’écarter du taux de 35% attesté par les experts en relation avec les séquelles psychiques de l’accident. Le taux global de l’atteinte à l’intégrité doit dès lors être fixé à 58% (23% + 35%) au lieu de 93%. Dans cette mesure, le recours se révèle partiellement bien fondé.

 

Le TF accepte partiellement le recours de l’assurance-accidents.

 

 

Arrêt 8C_929/2015 consultable ici : http://bit.ly/2jeT54s

 

 

8C_14/2016 (f) du 21.12.2016 – Montant de l’indemnité journalière – 23 al. 8 OLAA / Rechute comme indépendant / Détermination du revenu provenant d’une activité lucrative indépendante – 23 RAVS / Salaire correspondant aux usages professionnels et locaux – 22 al. 2 let. c OLAA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_14/2016 (f) du 21.12.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2jFq9WT

 

Accident en 1972 – LAMA – Rechute comme indépendant en 2014

Montant de l’indemnité journalière – 23 al. 8 OLAA

Détermination du revenu provenant d’une activité lucrative indépendante – 23 RAVS / Salaire correspondant aux usages professionnels et locaux – 22 al. 2 let. c OLAA

 

Assuré qui a été victime d’un accident de la circulation en 1972, pris en charge par la CNA. Une rente d’invalidité a été allouée, fondée sur une incapacité de gain de 25% dès le 02.12.1973, de 50% à compter du 01.03.1996 et de 62% à partir du 01.03.2007. L’assuré bénéficie en outre d’une demi-rente de l’assurance-invalidité depuis le 01.05.1994. Entre-temps, l’intéressé a entrepris un apprentissage de menuisier et a obtenu un CFC en 1978. Il par la suite a fondé une entreprise en raison individuelle et a travaillé en qualité de menuisier-charpentier indépendant.

La CNA a pris en charge la rechute annoncée le 18.02.2014. De l’extrait du compte individuel, il est fait état d’un revenu annuel d’indépendant de 9’333 fr. pour l’année 2013. De son côté, l’assuré a fait valoir un gain mensuel net de 5’669 fr. La CNA a informé l’intéressé qu’il avait droit à une indemnité journalière d’un montant de 20 fr. 50 (9’333 fr. x 80 % : 365 jours) à compter du 18.02.2014, confirmé sur opposition.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 18.11.2015, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Selon l’art. 23 al. 8 OLAA, le salaire déterminant en cas de rechute est celui que l’assuré a reçu juste avant celle-ci; il ne saurait toutefois être inférieur à 10% du montant maximum du gain journalier assuré, sauf pour les bénéficiaires de rentes de l’assurance sociale. Dans ce sens, l’art. 21 al. 3, 2ème phrase, LAA prévoit qu’en cas de rechute et de séquelles tardives survenues après la fixation de la rente, le bénéficiaire de la rente dont le gain diminue a droit à une indemnité journalière dont le montant est calculé sur la base du dernier gain réalisé avant le nouveau traitement médical. Cette disposition permet au titulaire d’une rente partielle de l’assurance-accidents qui a mis en valeur sa capacité résiduelle de gain de percevoir, outre la rente allouée initialement, une indemnité journalière calculée sur la base de son dernier revenu avant la rechute ou la séquelle tardive (ATF 139 V 514 consid. 3.2 p. 518; arrêt 8C_1023/2008 du 1 er décembre 2009 consid. 5.4). En outre, la jurisprudence considère que le terme de « salaire » mentionné à l’art. 23 al. 8 OLAA permet de tenir compte également d’un revenu d’indépendant perçu juste avant la rechute (SVR 2010 UV n° 15 p. 57, 8C_898/2008, consid. 4.2).

Sous réserve de certaines dérogations énumérées sous lettres a à d, est réputé gain assuré le salaire déterminant au sens de la législation sur l’assurance-vieillesse et survivants (art. 22 al. 2, 1ère phrase, OLAA). Pour la détermination du revenu provenant d’une activité lucrative indépendante, les caisses de compensation se fondent sur des données fiscales qui les lient (art. 23 RAVS). Toutefois, pour les membres de la famille de l’employeur travaillant dans l’entreprise, les associés, les actionnaires ou les membres de sociétés coopératives, il est au moins tenu compte du salaire correspondant aux usages professionnels et locaux (art. 22 al. 2 let. c OLAA). Le but de cette réglementation est d’éviter que les assurés qui se trouvent dans un rapport particulier avec leur employeur et, de ce fait, perçoivent un gain inférieur à celui qu’ils pourraient réaliser normalement sur le marché du travail, ne soient désavantagés lorsqu’ils ont droit à des prestations de l’assurance-accidents (SVR 2007 UV n° 39 p. 131, 8C_88/2007, consid. 2; arrêt 8C_893/2011 du 31 mai 2012 consid. 2).

 

La cour cantonale a fixé le gain assuré déterminant pour le calcul de l’indemnité journalière compte tenu du gain d’indépendant réalisé par l’assuré juste avant la survenance de l’incapacité entière de travail. Retenant que l’assuré ne se trouve pas dans un rapport particulier avec un employeur, puisqu’il est lui-même son propre employeur, elle a considéré qu’il ne pouvait pas se prévaloir de la dérogation prévue à l’art. 22 al. 2 let. c OLAA pour obtenir de l’assureur-accidents l’indemnisation des frais fixes et des autres charges d’exploitation conduisant à un revenu inférieur au gain réalisé, conformément aux usages professionnels, par un menuisier occupé à 50%.

 

Selon le TF, le gain assuré déterminant pour le calcul de l’indemnité journalière se fondant sur le gain réalisé par l’assuré en qualité d’indépendant, avant la survenance de l’incapacité de travail n’est pas affecté par des frais supplémentaires de remplacement ou par une éventuelle augmentation des autres charges d’exploitation liée à l’incapacité entière de travail.

Cela étant, l’assuré n’apparaît pas désavantagé par son statut d’indépendant au moment de la rechute. Pour ce motif déjà, sa situation n’a ainsi rien de comparable avec celle des assurés qui se trouvent dans un rapport particulier avec leur employeur et, de ce fait, perçoivent un gain inférieur à celui qu’ils pourraient réaliser normalement sur le marché du travail. Au demeurant, si le gain réalisé par l’intéressé dans son activité d’indépendant est modeste, cela est dû au fait que cette activité est réduite en raison de l’invalidité, laquelle ouvre d’ailleurs droit à une rente de l’assurance-accidents qui, elle, n’est pas calculée en fonction du revenu d’indépendant.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_14/2016 consultable ici : http://bit.ly/2jFq9WT

 

 

8C_4/2016 (f) du 22.12.2016 proposé à la publication – Allocation familiale – 3 al. 1 LAFam – 1 al. 1 OAFam / Notion de formation professionnelle – Formation de hockeyeur professionnel – 25 al. 5 LAVS – 49bis RAVS – 49ter RAVS

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_4/2016 (f) du 22.12.2016, proposé à la publication

 

Consultable ici : http://bit.ly/2iR1jik

 

Allocation familiale – 3 al. 1 LAFam – 1 al. 1 OAFam

Notion de formation professionnelle – Formation de hockeyeur professionnel – 25 al. 5 LAVS – 49bis RAVS – 49ter RAVS

 

TF

Allocation familiale pour enfant accomplissant une formation

L’allocation familiale comprend l’allocation pour enfant et l’allocation de formation professionnelle qui est octroyée au plus tard, en cas de formation, jusqu’à l’âge de 25 ans (art. 3 al. 1 LAFam). Selon l’art. 1 al. 1 OAFam, un droit à l’allocation de formation professionnelle existe pour les enfants accomplissant une formation au sens de l’art. 25 al. 5 LAVS.

Pour les enfants qui accomplissent une formation, le droit à la rente (d’orphelin) s’étend jusqu’au terme de cette formation, mais au plus jusqu’à l’âge de 25 ans révolus; le Conseil fédéral peut définir ce que l’on entend par formation (art. 25 al. 5 LAVS).

Se fondant sur cette délégation de compétence, le Conseil fédéral a adopté les art. 49bis et 49ter RAVS, entrés en vigueur le 1er janvier 2011. L’art. 49bis al. 1 RAVS a concrétisé la jurisprudence antérieure en la matière (cf. ATF 108 V 54 consid. 1a p. 54 s.). Il prévoit qu’un enfant est réputé en formation lorsqu’il suit une formation régulière reconnue de jure ou de facto à laquelle il consacre la majeure partie de son temps et se prépare systématiquement à un diplôme professionnel ou obtient une formation générale qui sert de base en vue de différentes professions. Selon l’al. 2, sont également considérées comme formation les solutions transitoires d’occupation telles que les semestres de motivation et les pré-apprentissages, les séjours au pair et les séjours linguistiques, pour autant qu’ils comprennent une partie de cours. Enfin, l’enfant n’est pas considéré en formation si son revenu d’activité lucrative mensuel moyen est supérieur à la rente de vieillesse complète maximale de l’AVS (al. 3). Quant à l’art. 49ter RAVS, il règle la fin ou l’interruption de la formation.

 

Notion de formation professionnelle – Formation de hockeyeur professionnel

Selon la caisse d’allocations familiales, recourante, la formation de hockeyeur professionnelle ne constitue pas une formation professionnelle au sens de l’art. 25 al. 5 LAVS, notamment en raison du caractère professionnel prépondérant de celle-ci. Selon elle, à partir du moment où l’enfant avait obtenu son BTS, soit en juillet 2012, il fallait considérer qu’il avait achevé sa formation au sens de l’art. 49ter al. 1 RAVS. Par ailleurs, la caisse d’allocations familiales se prévaut des rapports de travail existants entre l’enfant et le club sportif, en particulier du lien de subordination le liant à son club, et du fait qu’il exerce son activité au niveau le plus élevé du championnat français de hockey sur glace.

Selon le contrat d’usage signé par l’enfant, le club de hockey l’a engagé pour la saison 2014/2015 en qualité de sportif professionnel. En vertu des dispositions du Code du travail français, ledit contrat est un contrat d’usage à durée déterminée, ne pouvant être conclu que dans un rapport de travail. Parmi les secteurs d’activités susceptibles d’être soumis à ce type de contrat figure expressément le sport « professionnel ». Il n’est pas fait spécialement référence à une formation dans le domaine du sport.

En ce qui concerne le contrat signé, il ne contient pas d’éléments qui, de par les obligations imposées à l’intéressé (préparation physique, entretiens avec le corps médical, participation aux matchs de championnat) permettraient de conclure à la prédominance d’une formation par rapport à une activité de joueur professionnel confirmé. On n’y trouve aucune clause dont on pourrait admettre qu’elle s’inscrit dans un plan de formation systématique et structuré. La simple mention du terme « formation » n’apparaît pas suffisante pour considérer l’activité de hockeyeur pratiquée par l’enfant comme une formation professionnelle au sens des principes exposés ci-dessus.

Enfin, l’enfant a obtenu un engagement dans la catégorie « seniors » du Club, lequel évolue au sein de la ligue Magnus, soit le niveau le plus élevé du championnat français de hockey sur glace. Parmi ses obligations figure celle de jouer dans ce championnat. On peut en déduire qu’il avait alors atteint un potentiel suffisant pour la pratique au plus haut niveau d’un sport professionnel. L’âge de l’intéressé (22 ans) en novembre 2014 est également un indice important dans ce sens. Même si une période d’adaptation était encore nécessaire, celle-ci ne saurait être assimilée à une formation. Le fait que le salaire pour une saison s’élevait à 6’709 euros 56 seulement ne suffit pas, à lui seul, pour en tirer une conclusion contraire.

 

Le TF accepte le recours de la caisse d’allocations familiales.

 

 

Arrêt 8C_4/2016 consultable ici : http://bit.ly/2iR1jik

 

 

9C_480/2016 (f) du 10.11.2016 – Revenu sans invalidité – Classification NOGA et ESS – 16 LPGA / Durée usuelle du travail hebdomadaire selon les statistiques pour le revenu sans invalidité et pour le revenu d’invalide

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_480/2016 (f) du 10.11.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2jHHpbw

 

Revenu sans invalidité – Classification NOGA et ESS / 16 LPGA

Durée usuelle du travail hebdomadaire selon les statistiques pour le revenu sans invalidité et pour le revenu d’invalide

 

Assurée, travaillant comme « merchandiser » à temps partiel, est totalement incapable d’exercer son activité depuis le 08.02.2006 en raison de problèmes de dos et d’une tension artérielle élevée.

 

TF

Classification NOGA et ESS

Le jugement cantonal retient que l’assurée a travaillé huit ans comme manutentionnaire à temps partiel dans un grand magasin d’alimentation et que le salaire de référence est celui auquel peuvent prétendre les femmes travaillant dans le secteur du commerce de gros et des intermédiaires du commerce (ligne 51 de l’ESS). L’office recourant soutient que cette constatation est manifestement inexacte, car l’assurée aurait travaillé en dernier lieu comme « merchandiser », c’est-à-dire comme démonstratrice de vente dans le commerce de détail, une activité qui correspondrait à la catégorie 52 de l’ESS.

L’ESS se fonde sur la Nomenclature générale des activités économiques (NOGA) pour classer les entreprises en fonction de leur activité économique. Compte tenu de la période pour laquelle doit être déterminé le revenu sans invalidité, les données pertinentes sont celles de la NOGA 2002 et l’ESS 2006. Le jugement attaqué se réfère à la ligne 51, « commerce de gros, intermédiaires du commerce ». Celle-ci comprend la revente d’articles et de produits à des détaillants, des usagers industriels et commerciaux, des collectivités et des utilisateurs professionnels, ou à d’autres grossistes et intermédiaires. Il s’agit en particulier de l’activité des négociants en gros, des courtiers en marchandise, des commissionnaires, des acheteurs itinérants et de toutes les activités de personnes qui mettent en contact des acheteurs et des vendeurs (OFS, Nomenclature générale des activités économiques (NOGA) : notes explicatives, Neuchâtel 2002, p. 114). Pour sa part, l’office recourant fait valoir que la catégorie 52, celle du commerce de détail, est applicable. Cette division comprend la revente au public de biens destinés à la consommation des particuliers ou des ménagers, par des magasins, des maisons de vente par correspondance, des représentants et des marchands ambulants (OFS, NOGA: notes explicatives, op. cit., p. 126).

Il est vrai, comme le relève l’office recourant, que la demande de prestations fait état d’une activité de « merchandiser », qui correspond également aux informations données par l’employeur. L’administration fait toutefois erreur lorsqu’elle soutient que cette activité était celle d’une démonstratrice de vente. Comme il ressort de différentes données recueillies par l’office recourant, l’assurée avait effectivement pour tâches de réceptionner des palettes de marchandise, de mettre en place la marchandise dans les rayons du magasin d’alimentation et d’assurer le réapprovisionnement des rayons et la gestion des stocks, à savoir une activité qui correspond largement à celle de manutentionnaire.

Par ailleurs, et cela est décisif, l’autorité judiciaire cantonale pouvait retenir que cette activité correspondait au secteur « commerce de gros, intermédiaires du commerce » (catégorie 51), et non à celui du commerce de détail (catégorie 52), dès lors que l’assurée, qui exerçait son activité en partie à l’intérieur d’un magasin d’alimentation, mais pour le compte de diverses sociétés d’intermédiaires ou de commerce de gros, n’était pas employée par un commerce de détail et n’effectuait aucune vente au public. Une telle activité est englobée dans celle de commerce de gros qui comprend aussi la livraison et la mise en place des marchandises pour le compte du commerçant de gros (OFS, NOGA: notes explicatives, op. cit., p. 114).

 

Durée usuelle du travail hebdomadaire selon les statistiques

L’office recourant conteste la durée du travail hebdomadaire retenue par la cour cantonale dans son calcul du revenu sans invalidité. Il soutient que l’horaire de travail applicable est de 41,7 heures, correspondant à la moyenne usuelle dans les entreprises en 2006.

Lorsqu’ils ont déterminé le salaire sans invalidité, les premiers juges se sont référés à juste titre à la durée usuelle de la semaine dans le commerce de gros, à savoir le secteur où l’assurée aurait exercé une activité si elle n’avait pas été invalide (42 heures par semaine en 2006, cf. OFS, Durée normale du travail dans les entreprises selon la division économique (NOGA 2008) en heures par semaine, période 1990-2015, Neuchâtel 2016, tableau T.03.02.03.01.04.01, ligne 46).

Il était également exact de se référer à la catégorie « total secteur privé » (41,7 heures par semaine, cf. OFS, Durée normale du travail dans les entreprises selon la division économique (NOGA 2008) en heures par semaine, op. cit., tableau T.03.02.03.01.04.01, total) pour évaluer le revenu d’invalide exigible de l’assurée, dans la mesure où le revenu de référence était celui des femmes effectuant des tâches et répétitives dans le secteur privé. En règle générale, lorsque le revenu d’invalide est calculé sur la base de l’ESS, le revenu de référence est en effet la moyenne usuelle dans toutes les entreprises du secteur privé, et non celle d’une branche économique en particulier (cf. arrêt 8C_710/2014 du 12 mai 2015 consid. 4.3 et les références citées), de telle sorte que la durée hebdomadaire de référence doit également être la moyenne usuelle du secteur privé (comp. arrêt 9C_603/2015 du 25 avril 2016 consid. 8.1).

 

Le TF rejette le recours de l’office AI.

 

 

Arrêt 9C_480/2016 consultable ici : http://bit.ly/2jHHpbw

 

 

LPP : Arrêt de la CrEDH du 17.01.2017, Affaire C.M. c. Suisse – La Suisse a violé le droit à une procédure équitable

Arrêt de la CrEDH du 17.01.2017, Affaire C.M. c. Suisse – La Suisse a violé le droit à une procédure équitable

 

Arrêt de la CrEDH du 17.01.2017, Affaire C.M. c. Suisse consultable ici : http://hudoc.echr.coe.int/fre?i=001-170616

 

Un homme invalide s’était vu refuser la possibilité, devant le tribunal des assurances sociales de Zurich, de prendre position sur les versements de la caisse de pensions contre laquelle il avait porté plainte. La Cour européenne des droits de l’homme (CrEDH) a décidé que son droit à une procédure équitable avait été enfreint.

Par ailleurs, la CrEDH a constaté qu’il ne s’agissait pas du premier cas de ce type en Suisse (ch. 39).

 

Regeste

Art. 6 par. 1 CEDH. Droit de réplique. Possibilité de s’exprimer sur les observations de la partie adverse.

Les parties à un litige doivent avoir la possibilité d’indiquer si elles estiment qu’un document appelle des commentaires de leur part. Il y va notamment de la confiance des justiciables dans le fonctionnement de la justice: elle se fonde, entre autres, sur l’assurance d’avoir pu s’exprimer sur toute pièce du dossier.

La Cour estime que le tribunal des assurances sociales du canton de Zurich, en mettant explicitement fin à l’échange d’écritures et en rendant son jugement si peu de temps après avoir communiqué les observations de la partie adverse au requérant – lequel n’était pas représenté par un avocat à l’époque -, n’a pas respecté le principe de l’égalité des armes (ch. 38 – 45).

Conclusion: violation de l’art. 6 par. 1 CEDH

Communiqué de presse de la CrEDH du 17.01.2017

 

Le requérant, C.M., est un ressortissant suisse né en 1945 et résidant à Zug (Suisse). L’affaire concernait une procédure portant sur une rente d’invalidité accordée à C.M.

En mai 2001, le tribunal des assurances sociales condamna la caisse de pension à verser rétroactivement à C.M. des prestations d’invalidité à compter du 11 juin 1993. C.M. fut informé du montant de sa rente d’invalidité et de l’arriéré, intérêts inclus, en août 2003.

En décembre 2003, C.M. saisit le tribunal des assurances sociales d’une action contre la caisse de pension, demandant un nouveau calcul des intérêts. Par la suite, il signa une transaction extrajudiciaire et retira son action.

En septembre 2007, C.M. intenta une nouvelle action contre la caisse de pension en vue d’obtenir une rente d’invalidité complète à partir du 11 juin 1993 et le paiement d’intérêts à hauteur de 5 % sur l’arriéré à compter du 11 juin 1998. La caisse des pensions, dans sa réponse écrite du 19 décembre 2007, demanda le rejet de cette action, se référant à la transaction extrajudiciaire.

En mars 2008, le tribunal des assurances sociales débouta C.M., lequel fit un recours contre cette décision, soutenant notamment n’avoir pas pu présenter ses observations en réponse à celles de la caisse de pension du 19 octobre 2007, n’ayant reçu celles-ci que le 10 mars 2008, soit deux jours avant le prononcé du jugement du tribunal des assurances sociales du 12 mars 2008.

Invoquant notamment l’article 6 § 1 (droit à un procès équitable), C.M. se plaignait en particulier du fait que le tribunal des assurances sociales ne lui avait communiqué les observations de la partie adverse concernant son action que quelques jours avant le jugement et qu’il n’avait dès lors pas eu la possibilité d’y répondre.

Violation de l’article 6 § 1

Satisfaction équitable : 4 000 EUR pour frais et dépens.

 

 

 

Arrêt de la CrEDH du 17.01.2017, Affaire C.M. c. Suisse consultable ici : http://hudoc.echr.coe.int/fre?i=001-170616

Arrêt du TF 9C_378/2008 du 08.08.2008 consultable ici : http://bit.ly/2jgw7wi

 

 

8C_61/2016 (f) du 19.12.2016 – Causalité naturelle – rechute 14 ans après l’accident – 6 LAA – 11 OLAA / Déchirure de la coiffe des rotateurs – Preuve d’une lésion assimilée – 9 al. 2 OLAA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_61/2016 (f) du 19.12.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2jFNBTB

 

Causalité naturelle – rechute 14 ans après l’accident – 6 LAA – 11 OLAA

Déchirure de la coiffe des rotateurs – Preuve d’une lésion assimilée – 9 al. 2 OLAA

 

Assuré, médecin spécialiste en allergologie et immunologie clinique, travaille en qualité de médecin-assistant auprès du service de médecine interne de l’Hôpital. Le 08.02.1998, il est tombé sur son épaule gauche alors qu’il pratiquait le ski. Après avoir consulté le docteur C.__, spécialiste en chirurgie à l’Hôpital, l’assuré a continué son travail sans interruption.

Le 24.01.2012, l’assuré a consulté un spécialiste en chirurgie orthopédique et médecin traitant. L’IRM de l’épaule gauche a objectivé, entre autres, une désinsertion de l’extrémité distale du supra-épineux avec liquide dans la bourse sous-acromio-deltoïdienne. Après expertise médicale, l’assurance-accidents a supprimé le droit de l’assuré à des prestations avec effet au 08.04.1998.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 56/14 – 114/2015 – consultable ici : http://bit.ly/2jFP8cj)

Par jugement du 21.11.2015, acceptation du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Causalité naturelle – Rechute

Le droit à des prestations découlant d’un accident assuré suppose d’abord, entre l’événement dommageable de caractère accidentel et l’atteinte à la santé, un lien de causalité naturelle. Cette exigence est remplie lorsqu’il y a lieu d’admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout, ou qu’il ne serait pas survenu de la même manière (ATF 129 V 177 consid. 3.1 p. 181; 402 consid. 4.3.1 p. 406; 119 V 335 consid. 1 p. 337; 118 V 286 consid. 1b p. 289 et les références).

La responsabilité de l’assureur-accidents s’étend, en principe, à toutes les conséquences dommageables qui se trouvent dans un rapport de causalité naturelle et adéquate avec l’événement assuré. Les prestations d’assurance sont donc également allouées en cas de rechutes et de séquelles tardives (art. 11 OLAA). Selon la jurisprudence, les rechutes et les séquelles tardives ont ceci en commun qu’elles sont attribuables à une atteinte à la santé qui, en apparence seulement, mais non dans les faits, était considérée comme guérie. Il y a rechute lorsque c’est la même maladie qui se manifeste à nouveau. On parle de séquelles tardives lorsqu’une atteinte apparemment guérie produit, au cours d’un laps de temps prolongé, des modifications organiques ou psychiques qui conduisent souvent à un état pathologique différent (ATF 123 V 137 consid. 3a p. 138 et les références). A cet égard, la jurisprudence considère que plus le temps écoulé entre l’accident et la manifestation de l’affection est long, et plus les exigences quant à la preuve, au degré de la vraisemblance prépondérante, du rapport de causalité naturelle doivent être sévères (RAMA 1997 n° U 275 p. 191, U 93/96, consid.1c; arrêt 8C_796/2013 du 30 septembre 2014 consid. 3.2).

 

Lésion assimilée à un accident

Aux termes de l’art. 6 al. 2 LAA, le Conseil fédéral peut inclure dans l’assurance-accidents des lésions corporelles qui sont semblables aux conséquences d’un accident. En vertu de cette délégation de compétence, il a édicté l’art. 9 al. 2 OLAA, selon lequel certaines lésions corporelles sont assimilées à un accident même si elles ne sont pas causées par un facteur extérieur de caractère extraordinaire, pour autant qu’elles ne soient pas manifestement imputables à une maladie ou à des phénomènes dégénératifs.

La liste exhaustive de l’art. 9 al. 2 OLAA mentionne les déchirures de tendons (let. f). La jurisprudence considère qu’une déchirure de la coiffe des rotateurs peut être assimilée à une déchirure des tendons au sens de l’art. 9 al. 2 let. f OLAA, lorsque sont réunis tous les éléments caractéristiques d’un accident à l’exception du facteur extérieur de caractère extraordinaire (ATF 123 V 43 consid. 2b p. 44 s.).

 

En l’espèce, les examens pratiqués par le radiologue et le neurologue ont mis en évidence une déchirure partielle de la coiffe des rotateurs touchant les tendons sus-épineux et sous-scapulaire, accompagnée d’une lésion du plexus brachial. Cette lésion constitue une déchirure tendineuse assimilée à un accident au sens de l’art. 9 al. 2 let. f OLAA (ATF 123 V 43 consid. 2b p. 44 s.). Néanmoins, selon la jurisprudence, il y a lieu de conclure à une lésion exclusivement maladive ou dégénérative si la lésion corporelle (assimilée) ne peut pas être rattachée à l’accident en cause (arrêts 8C_763/2015 du 11 juillet 2016 consid. 3.3; 8C_698/2007 du 27 octobre 2008 consid. 4.2; 8C_357/2007 du 31 janvier 2008 consid. 3.2).

De l’avis de l’expert F.___, spécialiste en chirurgie orthopédique mandaté par l’assurance-accidents, l’accident du 08.02.1998 était – et encore seulement d’une manière éventuelle – à l’origine d’une simple contusion de l’épaule gauche. En effet, elle n’est pas de nature à établir, au degré de la vraisemblance prépondérante, que la déchirure partielle de la coiffe des rotateurs touchant les tendons sus-épineux et sous-scapulaire objectivée en 2012 est apparue lors de la chute à ski survenue le 08.02.1998. Dans la mesure où cette lésion corporelle (assimilée) ne peut pas être rattachée à l’accident en cause, il y a lieu de conclure à l’existence d’une lésion exclusivement maladive ou dégénérative. L’expert F.___ a clairement expliqué les motifs pour lesquels il y avait eu une récupération rapide de la fonction (donc des amplitudes) de l’épaule gauche, dans les heures ou les jours suivant l’accident. Cela étant, il n’y a pas lieu de s’écarter du point de vue de cet expert, selon lequel le status quo ante / sine a été atteint au plus tard deux mois après l’accident.

 

Le TF accepte le recours de l’assurance-accidents.

 

 

Arrêt 8C_61/2016 consultable ici : http://bit.ly/2jFNBTB

 

 

8C_56/2016 (f) du 19.12.2016 – Causalité adéquate / Notion de « lésions traumatiques objectivables » / Clarté d’un rapport médical – Valeur probante du rapport médical – IRM fonctionnelle

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_56/2016 (f) du 19.12.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2iQRT6n

 

Causalité adéquate selon 115 V 133 – Accident de gravité moyenne – Cumul de 3 critères sur les 7

Notion de « lésions traumatiques objectivables » – 6 LAA

Preuve de l’existence de lésions cérébrales post-traumatiques

Clarté d’un rapport médical – Valeur probante du rapport médical – IRM fonctionnelle

 

TF

Lésions traumatiques objectivables

On ne peut parler de lésions traumatiques objectivables d’un point de vue organique que lorsque les résultats obtenus sont confirmés par des investigations réalisées au moyen d’appareils diagnostiques ou d’imagerie et que les méthodes utilisées sont reconnues scientifiquement (ATF 138 V 248 consid. 5.1 p. 251; SVR 2012 UV n° 5 p. 17). Par ailleurs, la question de savoir si une atteinte à la santé se trouve en lien de causalité naturelle avec un événement accidentel doit être résolue au degré de la vraisemblance prépondérante et s’apprécie avant tout sur la base d’évaluations médicales auxquelles on peut attribuer un caractère probant suffisant selon la jurisprudence (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a p. 352).

 

Clarté d’un rapport médical – Valeur probante du rapport médical – IRM fonctionnelle

Le rapport du professeur E.__ se présente sous une forme qui n’est pas conforme aux exigences jurisprudentielles posées en matière de valeur probante des documents médicaux (ATF 125 V 351 consid. 3a p. 352), et manque singulièrement de clarté. La partie consacrée à l’interprétation des clichés IRM n’est pas rédigée en des termes intelligibles pour un non spécialiste. Les résultats obtenus sont rapportés de manière brute, sans synthèse ni explication en quoi ceux-ci constituent une indication caractéristique d’une atteinte traumatique. Quant aux considérations émises dans les conclusions, elles ne comportent en tout état de cause aucune discussion motivée et accessible au juge, propre à démontrer, au degré de la vraisemblance prépondérante, que l’assurée présente des lésions cérébrales causées par l’accident assuré (à l’exclusion d’autres facteurs) et que de surcroît, ces lésions sont responsables des troubles neuropsychologiques dont elle se plaint.

Ensuite, il est difficile de distinguer quelles constatations ont été décelées au moyen de l’imagerie conventionnelle et quelles autres ont été interprétées par le biais de l’imagerie non conventionnelle. On peut cependant remarquer qu’une grande partie d’entre elles se fondent sur des examens de la deuxième catégorie (à savoir l’imagerie associant la technique dite de tenseur de diffusion utilisées dans l’IRM fonctionnelle), dont le Tribunal fédéral a déjà maintes fois rappelé qu’ils ne constituent pas une méthode diagnostique éprouvée par la science médicale pour établir un rapport de causalité entre des symptômes présentés par un assuré et un traumatisme par accélération cervicale ou un traumatisme équivalent (ATF 134 V 231 consid. 5.3 p. 234).

Il convient de relever que le Tribunal fédéral a déjà eu l’occasion de formuler des remarques semblables dans une affaire analogue qui concernait également un rapport du professeur E.__ (cf. arrêt 8C_720/2012 du 15 octobre 2013 consid. 5.1 et 5.2). Compte tenu de ce qui précède, on ne peut pas non plus, en l’espèce, déduire du rapport du professeur E.__ l’existence d’une atteinte organique d’origine accidentelle.

 

Preuve de l’existence de lésions cérébrales post-traumatiques

Le docteur K.__, spécialiste FMH en neurologie ainsi qu’en psychiatrie et psychothérapie au service de compétence de médecine des assurances de l’assureur-accidents, arrive à la conclusion qu’en l’absence de lésion axonale diffuse, les constats minimes des gyrus ne peuvent être que possiblement en relation de causalité avec l’événement du 11.06.2007. Ce point de vue corrobore l’avis des médecins ayant pratiqué l’IRM, lesquels ont considéré que ces atteintes étaient conciliables (« vereinbar ») avec l’accident, ce qui signifie qu’une relation de causalité relève tout au plus du domaine du possible. Cela ne suffit pas, au degré de vraisemblance prépondérante, pour admettre l’existence d’une telle relation de causalité. Le docteur K.__ rappelle également que l’assurée n’a pas perdu connaissance suite à son accident et n’a pas reçu de soins en raison de problèmes d’ordre neurologique à la suite de ce dernier. Le médecin en conclut qu’il s’agit vraisemblablement d’une atteinte d’ordre maladive plutôt que d’une atteinte accidentelle.

Au surplus, le docteur K.__ a relevé que, même dans l’hypothèse où les constats minimes des gyrus frontaux devaient être considérés comme les conséquences d’une lésion traumatique du cerveau survenue le 11.06.2007, ces atteintes ne pourraient nullement expliquer, d’un point de vue neurologique, les troubles cliniques, les maux de tête ou les troubles épileptiformes présentés par l’assurée.

Le TF se rallie au point de vue de la juridiction cantonale, selon lequel l’assurée ne présente pas de séquelles organiques objectivables en relation de causalité naturelle avec l’accident.

 

Lien de causalité adéquate selon 115 V 133 – Accident de gravité moyenne – Cumul de 3 critères sur les 7

Dans le cas d’accidents classifié dans la catégorie des accidents de gravité moyenne, sans être à la limite des accidents graves ni des accidents de peu de gravité, il faut un cumul de trois critères sur les sept ou au moins que l’un des critères retenus se soit manifesté de manière particulièrement marquante pour l’accident pour pouvoir admettre le lien de causalité adéquate (par. ex. arrêt 8C_434/2013 du 7 mai 2014 consid. 7.1 et les arrêts cités).

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 8C_56/2016 consultable ici : http://bit.ly/2iQRT6n

 

 

9C_127/2016 (f) du 09.11.2016 – Expertise médicale judiciaire / Remise en cause par les parties et non par le juge du diagnostic retenu

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_127/2016 (f) du 09.11.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2jTjfdA

 

Expertise médicale judiciaire

Remise en cause par les parties et non par le juge du diagnostic retenu

 

TF

Il n’appartient pas au juge de remettre en cause le diagnostic retenu par un médecin et de poser de son propre chef des conclusions qui relèvent de la science et des tâches du corps médical. Il convient bien plutôt pour la partie (en l’occurrence, l’office AI) qui entend remettre en cause le bien-fondé du point de vue médical sur lequel se sont fondées les autorités judiciaires de mettre en évidence des éléments objectivement vérifiables – de nature notamment clinique ou diagnostique – qui auraient été ignorés dans le cadre de l’appréciation et qui seraient suffisamment pertinents.

En ce qui concerne les critiques relatives à l’importance du trouble dépressif, l’office recourant fait grief aux premiers juges d’avoir attaché une importance trop grande à cette affection. L’appréciation de la sévérité du trouble admise par l’expert est toutefois un débat qui relève typiquement de la compétence du corps médical et dans lequel le juge ne saurait en principe s’immiscer. En l’absence d’autres explications médicales permettant d’éclairer sous un jour différent le point de l’expert, il n’y a pas lieu de s’écarter de son avis (cf. arrêt 9C_855/2015 du 2 mai 2016 consid. 4.3). Quoiqu’en dise par ailleurs l’office recourant, l’expert a retenu les diagnostics psychiques en se fondant sur ses propres observations et non pas seulement sur les plaintes rapportées par l’assuré. Il a en outre détaillé quels traitements étaient effectivement suivis régulièrement par l’assuré et mentionné que celui-ci prenait en tous cas les médicaments « véritablement nécessaires et indiqués ».

 

Le TF rejette le recours de l’office AI.

 

 

Arrêt 9C_127/2016 consultable ici : http://bit.ly/2jTjfdA

 

 

9F_8/2016 (d) du 20.12.2016 – destiné à la publication – Révision de l’arrêt sur la rente d’invalidité après la décision de la CrEDH

Arrêt du Tribunal fédéral 9F_8/2016 (d) du 20.12.2016, destiné à la publication

 

Consultable ici : http://bit.ly/2jtJ7jg

Résumé de Assurance Sociale Actualités 01/2017 du 09.01.2017

 

Evaluation du taux d’invalidité – Méthode mixte / 28 al. 3 LAI

 

Après la décision de la Cour européenne des droits de l’homme (CrEDH) jugeant discriminatoire la méthode de calcul des rentes AI pour les mères travaillant à temps partiel, le Tribunal fédéral a révisé son arrêt en la matière sur demande de la personne concernée. Elle percevra désormais une demi-rente. Dans son arrêt, le Tribunal fédéral ne s’étend pas sur la question de savoir si et dans quelle mesure la méthode mixte incriminée par la CrEDH doit être soumise à une nouvelle appréciation juridique. Dans les situations qui ne correspondraient pas au cas traité en l’espèce, le Tribunal fédéral considère que la méthode mixte peut toujours être appliquée malgré la décision de la CrEDH.

 

 

Arrêt 9F_8/2016 consultable ici : http://bit.ly/2jtJ7jg

 

Voir également :

AI : Application de la méthode mixte après l’arrêt de la CrEDH du 02.02.2016 (Di Trizio c. Suisse)

Le jugement de la Cour européenne sur le caractère discriminatoire de la méthode mixte est définitif (Arrêt de la CrEDH du 02.02.2016, affaire Di Trizio c. Suisse)

Arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme du 02.02.2016 – Affaire Di Trizio c. Suisse – Evaluation du taux d’invalidité – Méthode mixte jugé comme discriminatoire

 

 

8C_883/2015+8C_884/2015 (f) du 21.10.2016 – Révision d’une rente d’invalidité / 17 LPGA – Abattement –Révision avec effet rétroactif vs pour l’avenir – Obligation de renseigner – Modification de l’état de santé

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_883/2015+8C_884/2015 (f) du 21.10.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2hoGICv

 

Révision d’une rente d’invalidité / 17 LPGA

Revenu d’invalide pour un assuré travaillant 56h par semaine (activité principale et 2 activités accessoires avant l’accident)

Abattement – justifications

Révision avec effet rétroactif vs pour l’avenir

Obligation de renseigner – Modification de l’état de santé – 31 LPGA

 

 

TF

Si le taux d’invalidité du bénéficiaire de la rente subit une modification notable, la rente est, d’office ou sur demande, révisée pour l’avenir, à savoir augmentée ou réduite en conséquence, ou encore supprimée (art. 17 al. 1 LPGA). Tout changement important des circonstances propre à influencer le degré d’invalidité, et donc le droit à la rente, peut motiver une révision. La rente peut être révisée non seulement en cas de modification sensible de l’état de santé, mais aussi lorsque celui-ci est resté en soi le même, mais que ses conséquences sur la capacité de gain ont subi un changement important (ATF 134 V 131 consid. 3 p. 132; 130 V 343 consid. 3.5 p. 349; 113 V 273 consid. 1a p. 275). Tel est le cas lorsque la capacité de travail s’améliore grâce à l’accoutumance ou une adaptation au handicap. En revanche, une simple appréciation différente d’un état de fait, qui, pour l’essentiel, est demeuré inchangé n’appelle pas à une révision au sens de l’art. 17 al. 1 LPGA (ATF 141 V 9 consid. 2.3 p. 10 s. et les références). Le point de savoir si un changement s’est produit doit être tranché en comparant les faits tels qu’ils se présentaient au moment de la dernière décision entrée en force reposant sur un examen matériel du droit à la rente avec une constatation des faits pertinents, une appréciation des preuves et une comparaison des revenus conformes au droit, et les circonstances régnant à l’époque de la décision litigieuse (ATF 133 V 108 consid. 5 p. 110 ss).

Pour évaluer le taux d’invalidité, le revenu que l’assuré aurait pu obtenir s’il n’était pas invalide est comparé avec celui qu’il pourrait obtenir en exerçant l’activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA). La comparaison des revenus s’effectue, en règle générale, en chiffrant aussi exactement que possible les montants de ces deux revenus et en les confrontant l’un avec l’autre, la différence permettant de calculer le taux d’invalidité (méthode générale de comparaison des revenus; ATF 128 V 29 consid. 1 p. 30; voir également SVR 2010 IV n° 11 p. 35, 9C_236/2009, consid. 3.1).

Comme l’assuré avait exercé une activité principale et deux activités accessoires jusqu’à concurrence de 56 heures hebdomadaires avant l’accident, les premiers juges ont considéré que cette durée globale d’activité hebdomadaire pouvait être retenue dès lors que l’assuré était encore jeune et que rien ne permettait de penser qu’il n’aurait pas maintenu ce rythme de travail encore plusieurs années.

Selon la jurisprudence, la diminution de la capacité de gain doit être déterminée de la manière la plus concrète possible. Aussi, le revenu d’invalide doit-il être évalué avant tout en fonction de la situation professionnelle concrète de la personne assurée (ATF 135 V 297 consid. 5.2 p. 301; 129 V 472 consid. 4.2.1 p. 475). En l’absence d’un revenu effectivement réalisé, le revenu d’invalide peut être évalué sur la base des statistiques salariales (ATF 126 V 75 consid. 3b/bb p. 76 ss). Le point de savoir si les tables de salaires statistiques sont applicables et, le cas échéant, quelle table est déterminante est une question de droit (ATF 132 V 393 consid. 3.3 p. 399; SVR 2009 IV n° 34 p. 95 [9C_24/2009] consid. 1.2) que le Tribunal fédéral examine d’office (art. 106 al. 1 LTF).

En l’espèce, le recourant a certes accompli, dans le cadre d’une mesure de réadaptation de l’assurance-invalidité, une formation dans le domaine du câblage électronique et il a ensuite suivi un stage d’orientation professionnelle. Cependant, il n’a pas été engagé par cette entreprise à l’issue du stage et il n’exerçait pas d’activité lucrative en 2008, année – déterminante en l’occurrence pour la comparaison des revenus (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 406/05 du 13 juillet 2006 consid. 7.3) – où la rente d’invalidité a été réduite. Aussi la cour cantonale était-elle fondée, en l’absence d’un revenu effectivement réalisé, d’évaluer le revenu d’invalide sur la base des statistiques salariales. Au demeurant, lorsque le revenu d’invalide est fixé en fonction de la situation professionnelle concrète de l’intéressé et non pas sur la base des statistiques salariales, il n’y a pas lieu de procéder à un abattement (cf. ATF 135 V 297 consid. 5.2 p 301; 126 V 75 consid. 5b/aa-cc p. 80). Ainsi, le taux d’incapacité de gain résultant de la comparaison du revenu sans invalidité (non contesté) de 77’430 fr. 52 avec le revenu de 72’148 fr. 15 allégué par le recourant s’élèverait à 6,82% ([77’430 fr. 52 – 72’148 fr. 15] : 77’430 fr. 52 x 100), soit un taux inférieur au seuil de 10% ouvrant droit à une rente de l’assurance-accidents (art. 18 al. 1 LAA).

 

Abattement

En ce qui concerne le taux d’abattement, la mesure dans laquelle les salaires ressortant des statistiques doivent être réduits dépend de l’ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité/catégorie d’autorisation de séjour et taux d’occupation). Une déduction globale maximale de 25% sur le salaire statistique permet de tenir compte des différents éléments qui peuvent influencer le revenu d’une activité lucrative (cf. ATF 126 V 75 consid. 5b/aa-cc p. 79 s.). Il n’y a pas lieu de procéder à des déductions distinctes pour chacun des facteurs entrant en considération. Il faut bien plutôt procéder à une évaluation globale, dans les limites du pouvoir d’appréciation, des effets de ces facteurs sur le revenu d’invalide, compte tenu de l’ensemble des circonstances du cas concret (ATF 126 V 75 consid. 5b/bb p. 80; arrêt 8C_80/2013 du 17 janvier 2014 consid. 4.2; 9C_751/2011 du 30 avril 2012 consid. 4.2.1).

Dans sa décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a constaté que l’état de santé de l’assuré s’était sensiblement amélioré au point qu’il était apte, le 18.07.2008 au plus tard, à reprendre, dans la même mesure qu’avant l’accident, les activités qu’il exerçait auparavant. C’est pourquoi elle n’a pas fixé le revenu d’invalide sur la base des salaires statistiques et la question d’un abattement éventuel ne se posait pas. En revanche, dans son jugement du 29.10.2015, la cour cantonale a admis un taux d’abattement de 15%. Cet abattement était alors motivé par les « désavantages liés (au) handicap physique » dans l’exercice d’une activité simple et répétitive relevant du niveau de qualification 4 selon l’ESS.

Cela étant, la cour cantonale n’indique pas dans quelle mesure les limitations fonctionnelles (capacité limitée à un travail exercé essentiellement en position assise et n’exigeant que des déplacements sur de courtes distances en terrain plat) ont été prises en considération dans le taux global d’abattement de 15% puisqu’elle se réfère simplement à un taux déjà retenu par l’assureur-accidents dans ses décisions antérieures. A cela s’ajoute encore le fait que les années de service ne constituent pas le seul critère de fixation du salaire dans une nouvelle profession mais que l’expérience acquise lors des précédentes activités professionnelles a une influence tout aussi importante. C’est pourquoi la jurisprudence considère que l’influence de la durée de service diminue dans la mesure où les exigences d’un emploi dans le secteur privé sont moins élevées, de sorte qu’un abattement pour années de service n’est pas justifié dans le cadre du niveau de qualification 4 de l’ESS (ATF 126 V 75 consid. 5 b/bb p. 80; arrêt 9C_874/2014 du 2 septembre 2015 consid. 3.3.2 et les références). A cela s’ajoute encore le fait qu’en 2008, l’assuré vivait en Suisse depuis vingt ans, ce qui permet d’exclure un inconvénient relatif à sa nationalité étrangère. Un abattement à ce titre n’apparaît dès lors pas justifié.

La juridiction précédente a fixé l’abattement en se fondant en partie sur des éléments qui ne sont pas pertinents au regard des règles de droit applicables. Dans la mesure où la cour cantonale s’est fondée, en partie au moins, sur des critères inappropriés, un taux global d’abattement supérieur à 10% ne saurait toutefois apparaître justifié au regard uniquement du handicap résultant du fait que la capacité de l’assuré est limitée à un travail exercé essentiellement en position assise. Dans ces conditions, le revenu d’invalide doit être fixé à 72’666 fr. 72 (80’740 fr. 80 – [10% x 80’740 fr. 80]). En comparant ce montant au revenu sans invalidité de 77’430 fr. 52, on obtient un taux d’invalidité (arrondi) de 6% ([77’430 fr. 52 – 72’666 fr. 72] : 77’430 fr. 52 x 100 = 6,15), soit un taux insuffisant pour ouvrir droit à une rente d’invalidité de l’assurance-accidents (art. 18 al. LAA).

 

Révision avec effet rétroactif vs pour l’avenir

Selon l’art. 17 LPGA, en cas de modification notable du taux d’invalidité, la rente est révisée pour l’avenir. Le point de savoir si la réglementation prévue à l’art. 88bis al. 2 let. b RAI est applicable par analogie en matière d’assurance-accidents n’a pas été tranché explicitement par le Tribunal fédéral jusqu’ici. Dans un arrêt 8C_301/2011 du 30 juin 2011 (consid. 3.5), il a été admis implicitement qu’une violation de l’obligation de renseigner entraîne la suppression d’une rente de l’assurance-accidents avec effet rétroactif et dans des arrêts 8C_573/2011 du 3 novembre 2011 (consid. 5.2) et 8C_90/2011 du 8 août 2011 (consid. 8.7), cette question a été laissée expressément indécise (cf. également ATF 142 V 259 consid. 3.2.1 p. 260). En l’espèce, il n’est toutefois pas nécessaire de trancher ce point, dans la mesure où l’existence d’une violation de l’obligation de renseigner doit être niée (cf. infra consid. 7.3.2).

 

Obligation de renseigner – 31 LPGA

Aux termes de l’art. 31 al. 1 LPGA, l’ayant droit, ses proches ou les tiers auxquels une prestation est versée sont tenus de communiquer à l’assureur ou, selon le cas, à l’organe compétent toute modification importante des circonstances déterminantes pour l’octroi d’une prestation. L’obligation d’annoncer toute modification des circonstances déterminantes est l’expression du principe de la bonne foi entre administration et administré (ATF 140 IV 11 consid. 2.4.5 p. 17 et les références). Pour qu’il y ait violation de l’obligation de renseigner, il faut qu’il y ait un comportement fautif; d’après une jurisprudence constante, une légère négligence suffit déjà (ATF 112 V 97 consid. 2a p. 101).

La situation médicale n’était pas aisément reconnaissable pour l’assuré. L’incertitude au sujet de l’état de santé de l’assuré s’est prolongée sur plusieurs années, comme cela ressort de l’arrêt du 25 juin 2013 (cause 8C_779/2012) par lequel le Tribunal fédéral a renvoyé la cause à la cour cantonale pour complément d’instruction sous la forme d’une expertise médicale au motif qu’en l’état, le dossier ne permettait pas encore d’inférer que l’assuré pouvait exercer sans restriction les activités qui étaient les siennes avant l’accident, ni de savoir s’il pouvait exercer une activité adaptée dans la même mesure qu’auparavant. Etant donné ces incertitudes quant à sa capacité résiduelle d’exercer une activité lucrative, on ne voit pas comment une violation fautive de son obligation de renseigner pourrait être imputée à l’intéressé.

Une violation du devoir de renseigner n’est pas imputable à l’assuré et il n’y a pas lieu de procéder à la suppression de droit à la rente avec effet rétroactif.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré et admet partiellement le recours de l’assurance-accidents.

 

 

Arrêt 8C_883/2015, 8C_884/2015 consultable ici : http://bit.ly/2hoGICv